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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2023, Publication : 111ème session CIT (2023)

2023-TKM-105-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Membre de l’OIT depuis 1993, le Turkménistan s’est engagé à mettre en œuvre une politique visant à créer les conditions favorables au travail décent et à la justice sociale pour tous, y compris en matière de prévention et d’élimination des risques de travail forcé, en particulier dans le secteur du coton, confirmant ainsi le respect des principes énoncés dans la convention par le Turkménistan. En témoigne la coopération active qu’il continue d’assurer avec l’OIT pour améliorer le cadre législatif et normatif réglementant le travail, l’emploi et la protection sociale.

Lors de la visite de la mission de l’OIT au Turkménistan le 9 mars 2023, le ministère des Affaires étrangères du Turkménistan a organisé une table ronde avec des représentants du Parlement du Turkménistan, des ministères, des départements, de la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan et de l’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan pour discuter de la révision législative sur la prévention et l’interdiction du travail forcé.

Ces travaux conjoints ont abouti à l’adoption, en mars 2023, de la feuille de route pour la coopération entre l’OIT et le gouvernement en 2023. Cette feuille de route comprend les activités suivantes:

- élaboration d’une liste complète d’activités donnant suite aux points mentionnés dans le projet de note de synthèse intitulée «Promotion de l’équité dans l’emploi pendant la récolte du coton au Turkménistan»;

- suite donnée aux résultats de l’examen de la législation du Turkménistan fait par l’OIT;

- analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton;

- réglementation du travail saisonnier et modalités contractuelles;

- assistance technique en vue d’améliorer l’inspection du travail;

- examen de la récolte du coton 2023 fait par l’OIT et le Turkménistan;

- renforcement du dialogue entre le gouvernement du Turkménistan et l’OIT.

1. Examen de la politique et du cadre administratif réglementant la récolte du coton

À la lumière des recommandations de l’OIT figurant dans l’examen de la législation du Turkménistan sur la prévention et l’interdiction du travail forcé, le Parlement, les ministères et départements concernés, ainsi que les partenaires sociaux représentés par la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan et l’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan, ont procédé à une analyse de la législation et du cadre normatif en vigueur en ce qui concerne l’application des normes énoncées dans la convention.

À la suite de cette analyse, les ministères et départements concernés ont élaboré des projets de loi visant à modifier et à compléter l’article 8 du Code du travail en particulier, afin d’éliminer les divergences liées à la notion de travail forcé sur la liste des activités ne relevant pas du travail forcé, et d’exclure également de cette notion les travaux mineurs à caractère social. En ce qui concerne l’article 23 du Code du travail, relatif au recrutement d’enfants à des fins d’emploi ou d’autres travaux, des éclaircissements ont été apportés à la procédure de licenciement. Des éclaircissements ont aussi été apportés au texte juridique réglementaire élaboré conformément à l’article 255 du Code du travail sur le travail des enfants s’effectuant dans des conditions pénibles et dangereuses, en particulier dans les travaux agricoles liés à la récolte du coton.

Il convient de noter qu’en mars 2023, des élections ordinaires ont eu lieu pour élire les nouveaux députés au Parlement, et la composition des commissions parlementaires a été déterminée. Il est actuellement envisagé de soumettre les projets de loi aux groupes de travail établis par les commissions parlementaires concernées.

2. Renforcement de l’inspection du travail et de l’application de la loi

Le Turkménistan a déjà fourni des informations sur la situation dans le pays en ce qui concerne l’inspection du travail. Plus précisément, selon la législation du travail, la surveillance et le contrôle par l’État du respect de la législation du travail et de la législation connexe du Turkménistan sont assurés par les organes suivants:

- ministère du Travail et de la Protection sociale;

- Turkmenstandartlary, principal service public, et d’autres organes publics actifs dans le domaine de la sécurité au travail;

- ministères et départements, dans les limites de leurs compétences liées aux entreprises qui leur sont subordonnées;

- autorités locales et organes gouvernementaux locaux;

- syndicats, ainsi que les inspections techniques et judiciaires du travail placées sous leur autorité.

En vertu du Code du travail et de la loi turkmène sur le travail, les personnes qui commettent des violations de la loi ou entravent les activités des organes chargés de superviser et de contrôler le respect de la législation sont tenues responsables, conformément aux dispositions prévues par la législation nationale.

Le Code des infractions administratives établit la responsabilité administrative et prévoit les peines et les sanctions infligées pour infraction administrative.

Certains articles du Code pénal du Turkménistan prévoient une responsabilité pénale pour violation de la législation sur les relations de travail.

La possibilité que le Turkménistan ratifie la convention (no 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, et la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947, est actuellement envisagée, cette question faisant l’objet des discussions de la réunion ordinaire de la Commission tripartite pour la réglementation des relations socioprofessionnelles.

Dans ce contexte, le ministère du Travail et de la Protection sociale a organisé, début avril 2023, une réunion en ligne des parties prenantes avec M. Nikita Lyutov, expert international en matière de normes internationales pour l’Asie centrale et l’Europe de l’Est à l’OIT. Il s’est agi d’analyser la conformité de la législation et de l’application de la loi du Turkménistan dans la pratique, avec les conventions nos 81 et 129 concernant l’inspection du travail.

Pour que le BIT puisse fournir une assistance technique efficace en vue de renforcer les inspections du travail et réaliser une analyse pertinente, l’expert international a demandé des informations sur le questionnaire qu’il avait soumis pour se familiariser avec les instruments juridiques réglementant les inspections du travail, ainsi que des données sur la situation réelle concernant le fonctionnement des inspections du travail au Turkménistan.

Les informations reçues devraient faire l’objet d’une discussion tripartite avec des représentants du ministère du Travail et de la Protection sociale et les partenaires sociaux représentés par la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan et l’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan.

3. Promotion du plein emploi, productif et librement choisi, dans le secteur du coton

Des travaux sont actuellement en cours avec des représentants de l’OIT sur la mise en œuvre du point 3 «Analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton» de la feuille de route pour la coopération entre l’OIT et le gouvernement en 2023, concernant une étude qualitative des pratiques de recrutement pour la récolte du coton au Turkménistan. Le mandat de cette étude a été élaboré, les principaux objectifs étant de cerner les pratiques et procédures de recrutement utilisées dans l’industrie du coton et de se pencher sur l’expérience et les perceptions des cueilleurs de coton relativement au processus de recrutement, y compris les facteurs influençant leur décision de travailler dans les champs de coton.

Selon les termes du mandat, il est prévu d’engager un consultant national qui commencera à travailler prochainement sur l’étude susmentionnée. La mission de l’OIT devrait arriver au Turkménistan au début du mois de juillet de cette année pour donner des conseils sur l’analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton.

Une étude quantitative est prévue dans le cadre de l’enquête sur les ménages pour évaluer les tendances de la récolte de coton au cours des cinq dernières années. Le 19 mai 2023, une réunion en ligne a été organisée avec des représentants de l’OIT et des spécialistes de la Commission nationale des statistiques sur la question de la réalisation d’une étude quantitative et qualitative sur le sujet à l’examen, au cours de laquelle il a été envisagé d’autres mesures pour réaliser les études susmentionnées; ces questions seront également examinées lors de la prochaine mission de l’OIT qui aura lieu au début du mois de juillet de cette année.

Conformément au point 6 de la feuille de route (examen de la récolte du coton au Turkménistan), une discussion est également en cours avec les représentants de l’OIT sur la note de synthèse, dont l’objectif principal est d’établir un mécanisme conjoint pour améliorer les conditions de travail et prévenir le travail forcé pendant la récolte du coton au Turkménistan. L’examen comprend des visites dans les champs de coton pendant la période de récolte afin de contrôler systématiquement les conditions de travail.

4. Amélioration de la production et de la récolte du coton

L’utilisation généralisée des dernières générations de récolteuses de coton dans le secteur agricole du pays, peu de changements ayant eu lieu en ce qui concerne la superficie des champs de coton cultivés et le volume de coton récolté, a contribué à faire largement baisser la proportion de récolte manuelle. Dans le même temps, le Turkménistan s’est engagé à créer les conditions favorables au travail décent et à la justice sociale pour tous, y compris pour ceux qui travaillent dans la récolte du coton.

Le nombre de machines agricoles utilisées a considérablement augmenté, passant de 464 machines en 2016 (948 en 2017, 1 076 en 2018, 1 322 en 2019, 1 322 en 2020 et 1 600 en 2021), à 11 600 en 2022. Ce qui témoigne de la priorité accordée par l’État à l’utilisation de la récolte mécanisée du coton.

Le pays s’attache également à la formation et à l’éducation de 1 710 conducteurs de machines.

5. Conception et mise en œuvre d’activités de sensibilisation

Le Parlement, représenté par les députés, est activement engagé dans des activités de sensibilisation visant, entre autres, à sensibiliser le public à la prévention et à l’interdiction du travail forcé.

Les activités menées par les syndicats dans les etraps [districts] consistent également en des ateliers de sensibilisation, auxquels participent les parties prenantes et la société civile, ciblant les parties prenantes tripartites nationales et locales et la société civile, afin de garantir un dialogue ouvert sur les problèmes, les cadres et les mécanismes mis en place pour régler les questions relatives à l’emploi équitable des travailleurs. Par exemple, en 2021-22, plus de 200 réunions de sensibilisation et tables rondes ont été organisées dans tout le pays sur cette question, avec une large participation. Quarante articles et publications ont été publiés sur le thème de la réglementation juridique des relations de travail dans divers secteurs, y compris l’agriculture.

6. Promotion du dialogue social dans la production de coton

En tant que membres de la Commission tripartite pour la réglementation des relations socioprofessionnelles, les syndicats du Turkménistan exercent un contrôle public du respect et de la mise en œuvre des normes du travail. Les consultations tripartites renforcent la coopération entre les partenaires et aident à trouver le terrain d’entente nécessaire.

Les syndicats s’emploient systématiquement à aider le gouvernement à mettre en œuvre les conventions de l’OIT et les normes internationales du travail. À cet égard, nous prenons note de l’activité croissante des syndicats pour mettre en place un système de partenariat social dans le domaine du travail, et pour mettre en œuvre les principes de coopération tripartite entre les syndicats, les employeurs et le gouvernement.

Dans le cadre de leurs tâches statutaires, les syndicats prennent les mesures nécessaires pour prévenir les violations des normes du travail. Les mesures de contrôle public qu’ils exercent consistent en des inspections et l’émission d’instructions appropriées par les inspectorats juridiques et techniques. En outre, les syndicats agissent également en tant que tiers intervenant au nom des salariés devant les tribunaux, afin de protéger les droits et les intérêts des travailleurs.

Bien qu’il n’y ait pas de plaintes officielles déposées par des citoyens concernant le recours au travail forcé dans les secteurs de la production et de la transformation agricole, les syndicats assurent un suivi et organisent des cours, des sessions de formation et des séminaires spéciaux pour les spécialistes de différents niveaux, ainsi que pour les producteurs et les transformateurs de produits agricoles.

La plupart des séminaires sont actuellement organisés par les associations syndicales territoriales dans les collectivités locales et les associations d’agriculteurs dehkan, en collaboration avec des locataires des terres agricoles, des entrepreneurs et des producteurs agricoles. Les séminaires et les réunions regroupent des représentants des syndicats territoriaux, pouvoirs publics locaux, organes de l’exécutif et autorités locales, organes locaux du travail et de l’emploi, organes chargés de l’application de la loi, etc.

Discussion par la commission

Président – Nous passons désormais aux cas individuels, et le premier cas à l’ordre du jour est le Turkménistan concernant la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957. Après vérification, j’ai constaté que 15 orateurs s’étaient inscrits. Il n’y aura donc pas de réduction du temps de parole.

Représentant gouvernemental – Après avoir étudié en détail les critères de sélection des cas, je voudrais indiquer que le Turkménistan adhère à ces principes. En particulier, en tant que Membre de l’OIT, le Turkménistan s’est engagé à mettre en œuvre une politique visant à créer les conditions favorables au travail décent et à la justice sociale pour tous, y compris en matière de prévention et d’élimination des risques de travail forcé, en particulier dans le secteur du coton, confirmant ainsi le respect des principes énoncés dans la convention par le Turkménistan. En témoigne la coopération active qu’il continue d’assurer avec le BIT pour améliorer le cadre législatif et normatif réglementant le travail, l’emploi et la protection sociale. Ma délégation a étudié le rapport de la commission d’experts à la 111e session de la Conférence en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions de la convention mentionnée auparavant. Nous estimons que les conclusions de la commission d’experts se fondent sur des informations reçues de sources non vérifiées, ce qui donne lieu à une opinion biaisée sur la situation dans le pays. Malheureusement, les arguments spécifiques des organes de l’État ne sont pas pris en compte. Le Turkménistan avait été entendu par la commission en 2021 lors de la 109e session en ligne sur la mise en œuvre des dispositions de la convention. Il avait alors accepté la recommandation d’inviter une mission de haut niveau du BIT à fournir une assistance technique. Les objectifs de la mission avaient fait l’objet d’une discussion entre le gouvernement et l’OIT, et une visite à Achgabat a eu lieu en février 2022.

Je voudrais également vous informer de la visite de la mission de haut niveau du BIT au Turkménistan en septembre 2022, au cours de laquelle les questions liées à l’analyse de la législation ainsi que la préparation de la deuxième phase de la mission ont fait l’objet d’une discussion. Lors de la mission suivante, en novembre 2022, la question du projet de feuille de route pour la coopération avec le BIT en 2023 a été examinée. Parallèlement, au cours de cette visite, des visites de terrain ont été organisées dans deux régions du pays avec la participation de représentants des organes de l’État et des gouvernements locaux. Il convient de noter que, lors de la mission régulière de l’OIT en mars de cette année, les activités prévues dans la feuille de route ont fait l’objet d’un examen. Lors de la visite de cette mission, diverses réunions se sont tenues avec la participation de représentants du Parlement du Turkménistan, de membres de ministères et des départements concernés, ainsi que la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan et l’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan.

Ces travaux conjoints ont abouti à l’adoption, en mars 2023, de la feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement en 2023. Cette feuille de route comprend les activités suivantes: élaboration d’une liste complète d’activités donnant suite aux points mentionnés dans le projet de note de synthèse intitulée «Promotion de l’équité dans l’emploi pendant la récolte du coton au Turkménistan»; suite donnée aux résultats de l’examen de la législation du Turkménistan fait par l’OIT; analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton; réglementation du travail saisonnier et modalités contractuelles; assistance technique en vue d’améliorer l’inspection du travail; examen de la récolte du coton 2023 fait par l’OIT et le Turkménistan; et renforcement du dialogue entre le gouvernement du Turkménistan et l’OIT. Je voudrais évoquer les questions soulevées par la commission d’experts et fournir les informations suivantes.

Concernant l’examen de la politique et du cadre administratif réglementant la récolte du coton, je voudrais souligner que, à la lumière des recommandations de l’OIT figurant dans l’examen de la législation sur la prévention et l’interdiction du travail forcé, le Parlement, les ministères et départements concernés, ainsi que les partenaires sociaux représentés par la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan et l’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan, ont procédé à une analyse de la législation et du cadre normatif en vigueur en ce qui concerne l’application des normes énoncées dans la convention. Sur la base des résultats de cette analyse, les ministères et départements concernés ont élaboré des projets de loi visant à modifier et à compléter les législations pertinentes.

Il convient de noter qu’en mars 2023 des élections ordinaires ont eu lieu pour élire les nouveaux députés au Parlement, et la composition des commissions parlementaires a été déterminée. Il est actuellement envisagé de soumettre les projets de loi aux groupes de travail établis par les commissions parlementaires concernées. En particulier, un projet de loi a été élaboré, il vise à modifier et à compléter le Code du travail et à la loi sur «l’emploi de la population» découlant de la convention. Ce projet de loi a été soumis à l’examen du groupe de travail de la Commission des questions sociales du Parlement du Turkménistan.

Concernant le renforcement de l’inspection du travail et de l’application de la loi, nous soulignons que le Turkménistan a déjà fourni des informations sur la situation dans le pays en ce qui concerne l’inspection du travail. Plus précisément, selon la législation du travail, la surveillance et le contrôle par l’État du respect de la législation du travail et de la législation connexe du Turkménistan sont assurés par les organes suivants: ministère du Travail et de la Protection sociale; «Turkmenstandartlary», principal service public, et d’autres organes publics actifs dans le domaine de la sécurité au travail; ministères et départements, dans les limites de leurs compétences liées aux entreprises qui leur sont subordonnées; autorités locales et organes gouvernementaux locaux; syndicats, ainsi que les inspections techniques et judiciaires du travail placées sous leur autorité. Les institutions mentionnées, dans les limites de leurs compétences, exercent la supervision et le contrôle du respect de la loi et de l’application des mesures de responsabilité administrative de la manière prescrite par la législation.

J’aimerais vous faire part des données suivantes qui reflètent l’efficacité des activités des organes de contrôle et de supervision prévues par la législation dans le domaine du travail et de l’emploi. Alors qu’en 2021, plus de 3 600 personnes, fonctionnaires et personnes morales ont été poursuivis en responsabilité administrative pour des violations de la législation du travail et de l’emploi, y compris dans le domaine de la protection du travail, en 2022 leur nombre a diminué pour passer à 2 600. Dans le même temps, en cas de violation de la loi en termes de recours au travail forcé, les personnes responsables de leur admission peuvent également faire l’objet de mesures administratives prévues à l’article 304 du Code des infractions administratives. La possibilité que le Turkménistan ratifie la convention (nº 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, et la convention (nº 81) sur l’inspection du travail, 1947, est actuellement envisagée, cette question faisant l’objet des discussions de la réunion ordinaire de la Commission tripartite pour la réglementation des relations socioprofessionnelles. Dans ce contexte, le ministère du Travail et de la Protection sociale a organisé, début avril 2023, une réunion en ligne des parties prenantes avec l’expert international en matière de normes internationales pour l’Asie centrale et l’Europe de l’Est à l’OIT. Il s’est agi d’analyser la conformité de la législation et de l’application de la loi du Turkménistan dans la pratique, avec les conventions nos 81 et 129 concernant l’inspection du travail. Pour que le BIT puisse fournir une assistance technique efficace en vue de renforcer les inspections du travail et réaliser une analyse pertinente, l’expert international a demandé des informations sur le questionnaire qu’il avait soumis pour se familiariser avec les instruments juridiques réglementant les inspections du travail, ainsi que des données sur la situation réelle concernant le fonctionnement des inspections du travail au Turkménistan. Les informations reçues devraient faire l’objet d’une discussion tripartite avec des représentants du ministère du Travail et de la Protection sociale et les partenaires sociaux représentés par la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan et l’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan.

Concernant la promotion du plein emploi, productif et librement choisi, dans le secteur du coton, des travaux sont en cours avec des représentants de l’OIT sur la mise en œuvre du point 3 «Analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton» de la feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement en 2023, concernant une étude qualitative des pratiques de recrutement pour la récolte du coton au Turkménistan. Le mandat de cette étude a été élaboré, les principaux objectifs étant de cerner les pratiques et procédures de recrutement utilisées dans l’industrie du coton et de se pencher sur l’expérience et les perceptions des cueilleurs de coton relativement au processus de recrutement, y compris les facteurs influençant leur décision de travailler dans les champs de coton. Parallèlement, la méthodologie et le déroulement de l’étude sont en cours d’examen. Selon les termes du mandat, il est prévu d’engager un consultant national qui commencera à travailler prochainement sur l’étude susmentionnée. Je souhaiterais souligner que la mission de l’OIT devrait arriver au Turkménistan au début du mois de juillet de cette année pour donner des conseils sur l’analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton. Une étude quantitative est prévue dans le cadre de l’enquête sur les ménages pour évaluer les tendances de la récolte de coton au cours des cinq dernières années. Le 19 mai 2023, une réunion en ligne a été organisée avec des représentants de l’OIT et des spécialistes de la Commission nationale des statistiques sur la question de la réalisation d’une étude quantitative et qualitative sur le sujet à l’examen, au cours de laquelle il a été envisagé d’autres mesures pour réaliser les études susmentionnées; ces questions seront également examinées lors de la prochaine mission de l’OIT qui aura lieu au début du mois de juillet de cette année.

Conformément au point 6 de la feuille de route (examen de la récolte du coton au Turkménistan), une discussion est également en cours avec les représentants de l’OIT sur la note de synthèse, dont l’objectif principal est d’établir un mécanisme conjoint pour améliorer les conditions de travail et prévenir le travail forcé pendant la récolte du coton au Turkménistan. L’examen comprend des visites dans les champs de coton pendant la période de récolte afin de contrôler systématiquement les conditions de travail.

Concernant l’amélioration de la production et de la récolte du coton, il convient de mentionner que l’utilisation généralisée des dernières générations de récolteuses de coton dans le secteur agricole du pays, peu de changements ayant eu lieu en ce qui concerne la superficie des champs de coton cultivés et le volume de coton récolté, a contribué à faire largement baisser la proportion de récolte manuelle. Dans le même temps, le Turkménistan s’est engagé à créer les conditions favorables au travail décent et à la justice sociale pour tous, y compris pour ceux qui travaillent dans la récolte du coton.

Le nombre de machines agricoles utilisées a considérablement augmenté en 2022 par rapport à 2016 et a été multiplié par 25. Ce qui témoigne de la priorité accordée par l’État à l’utilisation de la récolte mécanisée du coton, ainsi qu’à la formation et à l’éducation de conducteurs de machines.

Concernant la conception et de la mise en œuvre d’activités de sensibilisation, il convient de noter que le Parlement est activement engagé dans des activités de sensibilisation visant, entre autres, à sensibiliser le public à la prévention et à l’interdiction du travail forcé. Les activités menées par les syndicats dans les etraps [districts] consistent également en des ateliers de sensibilisation, auxquels participent les parties prenantes et la société civile, ciblant les parties prenantes tripartites nationales et locales et la société civile, afin de garantir un dialogue ouvert sur les problèmes, les cadres et les mécanismes mis en place pour régler les questions relatives à l’emploi équitable des travailleurs. Par exemple, en 2021-22, plus de 200 réunions de sensibilisation et tables rondes ont été organisées dans tout le pays sur cette question, avec une large participation. Quarante articles et publications ont été publiés sur le thème de la réglementation juridique des relations de travail dans divers secteurs, y compris l’agriculture.

Concernant la promotion du dialogue social dans la production et de la transformation de coton, je souhaiterais souligner que, en tant que membres de la Commission tripartite pour la réglementation des relations socioprofessionnelles, les syndicats du Turkménistan exercent un contrôle public du respect et de la mise en œuvre des normes du travail. Les syndicats s’emploient systématiquement à aider le gouvernement à mettre en œuvre les conventions de l’OIT et les normes internationales du travail.

Les informations fournies indiquent de réels progrès au Turkménistan sur les questions examinées lors de la présente réunion. À cet égard, l’inscription du Turkménistan sur la liste restreinte de pays ne correspond pas à l’esprit de la coopération bilatérale. Ceci étant dit, nous espérons une compréhension mutuelle de la part de la commission d’experts et une évaluation objective de la situation actuelle dans le pays. Le Turkménistan, pour sa part, est toujours prêt au dialogue et à recevoir toute assistance technique de la part du BIT.

Membres employeurs – En premier lieu, nous souhaiterions remercier le gouvernement pour les informations écrites et orales fournies. Dans ce cas, c’est le respect d’une autre convention fondamentale de l’OIT, à savoir la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, qui est en jeu. D’emblée, les membres employeurs souhaitent souligner leur profond engagement en faveur de l’éradication du travail forcé et la grande importance accordée à la convention. Nous sommes fermement convaincus qu’aucune partie prenante ne devrait fermer les yeux sur de telles pratiques, en particulier si elles sont planifiées, conduites ou tolérées par les autorités centrales. En ce qui concerne les aspects procéduraux, nous notons que le Turkménistan a ratifié la convention en 1997. Nous notons également que, entre 2015 et 2022, la commission d’experts a transmis six observations sur ce cas, ce qui souligne la persistance des problèmes de conformité à la convention.

L’application de la convention par le Turkménistan a fait l’objet de trois discussions dans ce cadre tripartite, la dernière fois étant en 2021. Nous savons que le gouvernement a soumis des informations écrites avant la Conférence, que nous avons dûment prises en considération et sur lesquelles je reviendrai plus tard.

Permettez-moi de commencer par quelques informations contextuelles sur le pays. L’économie du Turkménistan est presque entièrement dirigée par l’État; le secteur privé reste limité et étroitement réglementé par l’État. Au niveau politique, en février 2022, après dix-sept ans au pouvoir, le Premier ministre a annoncé des élections préliminaires. Celles-ci ont abouti à l’élection du fils du Premier ministre sortant à la tête du pays. Plusieurs médias ont rapporté qu’aucune élection depuis l’indépendance du pays en 1991 n’avait été véritablement concurrentielle. Les droits civils et politiques seraient également fortement bafoués dans la pratique, ce qui ne laisse aucun espace à l’opposition pour se développer. Selon les observations de 2023 de la commission d’experts concernant la mise en œuvre par le Turkménistan de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, des doutes ont été émis quant à l’indépendance du mouvement syndical, et il semble que l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs fasse l’objet d’importantes restrictions légales dans le pays.

En ce qui concerne les questions juridiques, dans ses observations de 2022, la commission d’experts a souligné plusieurs aspects impliquant une violation de la convention par le Turkménistan, notamment de l’article 1 b) de la convention sur le recours au travail forcé ou obligatoire comme méthode de mobilisation et à des fins de développement économique. Nous notons qu’en 2021 la commission d’experts a exprimé sa profonde préoccupation face à la persistance de pratiques de travail forcé dans le secteur du coton et a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures pour assurer que nul n’est contraint de participer à la récolte de coton organisée par l’État.

Afin de mettre en œuvre les conclusions de la commission de 2021, une mission de haut niveau du BIT en deux phases s’est déroulée au Turkménistan tout au long de l’année 2022. La mission de haut niveau a également réalisé des visites dans les provinces de Mary et de Lebap, au cours desquelles elle a rencontré les autorités régionales et visité les champs de coton. À l’issue de la mission de haut niveau, un accord a été conclu concernant un projet de feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement pour 2023, en mettant l’accent sur le secteur de la récolte du coton. Les membres employeurs notent que la feuille de route prévoit l’élaboration d’activités dans une série de domaines, notamment la révision du cadre législatif, politique et administratif; le renforcement de l’inspection du travail; la réalisation d’une évaluation et d’une analyse de la situation; et le renforcement du dialogue social. Pour faire suite à cela, une mission technique du BIT a eu lieu au Turkménistan en mars 2023 pour soutenir la mise en œuvre des activités identifiées dans la feuille de route, tandis que la prochaine mission technique du BIT est prévue du 3 au 7 juillet 2023.

Toutefois, les membres employeurs prennent également note des observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) en 2022, alléguant: premièrement, la persistance du recours par l’État au travail forcé pour la récolte du coton; deuxièmement, les mauvaises conditions et les pratiques abusives auxquelles les travailleurs ont été soumis, notamment lors de la récolte de 2021; ainsi que, troisièmement, le travail forcé des catégories de travailleurs les plus vulnérables, y compris les migrants et les étudiants. Enfin, nous notons que le gouvernement, dans son rapport, fait remarquer qu’aucune allégation de recours au travail forcé dans le secteur du coton n’a été signalée aux organes de l’État, aux autorités judiciaires, aux organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, ou au bureau de l’Ombudsman. Il est en revanche souligné que ce dernier a formulé des recommandations à divers ministères et autres autorités publiques avec pour objectif de renforcer le contrôle et prévenir le travail forcé. Dans ses informations écrites, le gouvernement met également en évidence la mission du BIT au Turkménistan cette année et la feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement. Nous prenons note que la feuille de route se concentre sur six activités et que certains efforts ont été faits pour mener à bien ces activités.

Les membres employeurs sont clairs sur leur position concernant le travail forcé et la convention, nous ne pouvons tolérer aucune de ces pratiques. Le travail forcé devient encore plus intolérable lorsqu’il émane du gouvernement ou d’autres autorités centrales et qu’il est spécifiquement conçu pour servir le développement économique de l’État. À cet égard, nous notons avec intérêt les mesures prises par le gouvernement pour traiter les questions soulevées en collaboration avec le Bureau. La mission de haut niveau de 2022, qui a débouché sur une feuille de route convenue, ainsi que l’engagement du gouvernement à poursuivre cette collaboration, comme l’indique la mission technique du BIT prévue pour juillet de cette année, constituent des avancées encourageantes. Nous sommes convaincus que des actions plus concrètes suivront. À la lumière de ces évolutions, les membres employeurs demandent au gouvernement du Turkménistan de poursuivre ses efforts pour assurer l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants dans la production de coton.

Nous encourageons également le gouvernement à poursuivre sa coopération avec l’OIT dans le cadre de la feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement. Dans ce contexte, nous soulignons l’importance de la participation d’organisations d’employeurs et de travailleurs totalement indépendantes et autonomes pour une application durable et adéquate de la convention dans la pratique. Nous demandons au gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises, y compris sur les activités indiquées dans la feuille de route. Nous entendrons avec intérêt les points de vue des autres groupes sur ce cas.

Membres travailleurs – Nous avons déjà discuté du cas du Turkménistan à deux reprises au sein de la commission, en 2016 et en 2021. À la suite du dernier examen, une mission de haut niveau du BIT s’est rendue dans le pays en 2022 afin de parvenir à un accord sur les paramètres d’un projet de coopération au développement et sur les mesures immédiates de coopération entre l’OIT et les mandants turkmènes.

À l’issue de cette mission, un accord a été conclu sur un projet de feuille de route de coopération pour 2023 entre le BIT et le gouvernement. Cette feuille de route prévoit le développement d’activités dans différents domaines, tels que la révision du cadre politique et administratif réglementant la récolte du coton, le renforcement de l’inspection du travail et du contrôle de l’application de la loi, la promotion du plein emploi, productif et librement choisi dans le secteur du coton, l’amélioration de la production et de la récolte du coton, l’élaboration et la mise en œuvre d’activités de sensibilisation, et la promotion du dialogue social dans la production du coton.

Cette feuille de route prévoit des activités visant:

- à améliorer le cadre législatif pour la prévention et l’interdiction du travail forcé;

- la conduite d’une analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton;

- le renforcement de la réglementation du travail saisonnier dans l’agriculture et des arrangements contractuels;

- l’amélioration de l’inspection du travail pour renforcer les contrôles;

- des visites de terrain pendant la récolte du coton de 2023; ainsi que

- le renforcement du dialogue entre le BIT et le gouvernement.

Il est essentiel de commencer à traiter ces divers domaines d’activité le plus tôt possible. Les membres travailleurs regrettent cependant que ce processus ne fasse pas intervenir les mandants tripartites de l’Organisation comme nous l’avions espéré lorsque nous avons discuté de ce cas en 2021. Nous regrettons également que, malgré les nombreuses initiatives mises en place à la suite des recommandations faites par la commission au Turkménistan, les pratiques de travail forcé dans la production de coton soient toujours répandues à grande échelle dans le pays.

En 2021, nous avions fait état du caractère institutionnalisé de ces pratiques au Turkménistan. La persistance de ce phénomène témoigne des difficultés rencontrées par le gouvernement pour y mettre fin. Nous ne pouvons que nous associer à la commission d’experts et exprimer notre profonde inquiétude face à la poursuite de ces pratiques. Le gouvernement du Turkménistan ne cesse d’être accusé de manquements graves.

Le travail forcé dans la récolte du coton, ainsi que dans la récolte de la soie, est organisé par les autorités turkmènes. Ce système est mis en œuvre directement par l’État, qui établit des quotas de production de coton de manière centralisée et utilise des administrateurs locaux pour forcer les agriculteurs à cultiver le coton et les populations locales à le récolter, le tout sous la menace de sanctions. Les autorités créent ainsi un environnement propice aux abus tout au long de la chaîne de production du coton et de la soie dans le pays. De nombreux travailleurs sont mobilisés de force pour les récoltes de coton et de soie et contraints d’abandonner leur emploi. De nombreux étudiants, parfois très jeunes, sont également réquisitionnés. Les employés du secteur public constituent la principale main-d’œuvre pour la récolte du coton, surtout au stade initial. Les femmes sont particulièrement vulnérables dans cette situation, car elles constituent la majorité de la main-d’œuvre moins bien rémunérée du secteur public participant à la récolte du coton. Pendant la récolte de 2021, les autorités ont également mobilisé d’autres segments vulnérables de la population, notamment les travailleurs migrants, les personnes recevant un traitement pour toxicomanie et les personnes accusées pour des faits de prostitution ou de défaut de paiement de pension alimentaire.

Cette mobilisation forcée conduit certains travailleurs à payer un remplaçant ou même à envoyer leurs propres enfants travailler dans les champs de coton ou de soie. Nous comprenons que, si le travail des enfants n’a pas été directement organisé par l’État, il n’en demeure pas moins qu’il existe toujours, poussé à la fois par la pauvreté et par le système actuel de travail forcé. En plus d’être mobilisés de force, ces travailleurs et étudiants doivent souvent travailler sans conditions de travail décentes ou adéquates, salubres et sûres. Ils sont victimes de pressions et de menaces. Ils sont contraints de travailler pendant des heures excessives et sont privés d’équipements de protection individuelle.

L’article 1 de la convention stipule que tout État Membre qui ratifie la convention s’engage à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n’y recourir sous aucune forme: notamment en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Toutefois, l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence permet à l’État et aux autorités gouvernementales de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et pour prévenir les urgences. Conformément à l’article 19 du Code du travail, un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi. Cette disposition est susceptible de permettre des abus préoccupants dans la mise en œuvre de la convention. Même si la législation turkmène contient également des dispositions interdisant le recours au travail forcé, il est clair que ces dispositions légales restent purement et simplement lettre morte dans la pratique.

De plus, l’absence de liberté de la presse et l’inexistence de syndicats indépendants au Turkménistan rendent très difficile le contrôle de l’application pratique de ces lois. Le gouvernement n’a même jamais reconnu l’existence de pratiques de travail forcé généralisées et organisées par l’État dans les secteurs du coton et de la soie.

Malgré les efforts du gouvernement pour garder le secret, des observateurs indépendants ont pu documenter le travail forcé systémique, mobilisé par le gouvernement, dans le secteur agricole du Turkménistan, non seulement dans la production de coton, mais aussi dans celle de la soie. Gaspar Matalayev a été condamné à trois ans d’emprisonnement en octobre 2016 pour avoir tenté de dénoncer les conditions de travail dans les champs de coton et a dû purger l’intégralité de sa peine. Le mandat d’arrêt a été délivré quelques mois seulement après que la commission a examiné pour la première fois la question du travail forcé au Turkménistan. Les personnes qui dénoncent l’exploitation du travail continuent d’être sanctionnées.

Il ressort des dernières observations de la CSI en 2022, basées sur des rapports indépendants, que la mobilisation forcée des travailleurs dans de nombreux secteurs d’activité s’est poursuivie pendant la récolte de 2021. Nous avons connaissance de rapports similaires sur la récolte de 2022 qui confirment la persistance des pratiques de travail forcé. D’autres organismes internationaux ont également fait les mêmes observations et se disent préoccupés par la situation dans le pays, notamment le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. La participation de ces organismes dans le cas du Turkménistan témoigne également du manque de respect de nombreux droits fondamentaux dans le pays.

Bien entendu, la création de la feuille de route à l’issue la mission de haut niveau est un point positif, car elle démontre l’intention du gouvernement de travailler avec l’OIT, une étape importante et nécessaire pour mettre fin à la pratique du travail forcé. Toutefois, le gouvernement doit veiller à ce que ce processus soit crédible et transparent, en permettant aux observateurs, aux journalistes indépendants et aux défenseurs des droits de l’homme de documenter et de faire part de leurs préoccupations concernant le recours au travail forcé sans crainte de représailles. Ce processus doit également impliquer la participation des membres de cette assemblée. Dans le cas contraire, la mise en œuvre effective des nombreux projets qu’il contient risque de ne pas permettre de résoudre l’essentiel des problèmes.

Adapter le système de production du coton sans trouver de solutions fondées sur une approche basée sur les droits des agriculteurs et des travailleurs de ce système n’est pas suffisant. Pour trouver des solutions durables et efficaces au travail forcé imposé par l’État, il faut permettre l’exercice des droits des travailleurs et des droits civils, y compris la liberté syndicale, de réunion et de négociation collective. Le succès d’une telle approche dépendra de la garantie d’une véritable liberté syndicale, de la participation de syndicats indépendants et de la liberté d’action des organisations de la société civile.

Interprétation du russe: Membre employeuse, Turkménistan – Je voudrais également formuler des commentaires sur les recommandations de la commission d’experts, en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre de la convention par le Turkménistan. Il convient de noter que la culture du coton dans notre pays est une activité séculaire. En effet, dans notre secteur agricole, nous avons des métayers, des agriculteurs qui possèdent leurs terres et des propriétés privées. Ils bénéficient de privilèges et de compensations de la part de l’État. Cela leur permet de gérer leur activité de manière efficace, rentable et indépendante. Je ne peux donc pas être d’accord avec l’idée que les entreprises agricoles privées soient obligées de cultiver du coton et de conclure des accords à cet effet. À cet égard, je voudrais faire remarquer ce qui suit:

- la culture du coton dans notre pays est rentable. Oui, nous avons une commande publique pour le coton, mais c’est une activité très intéressante pour les entreprises. Pourquoi est-ce si rentable? Parce qu’elles obtiennent des prêts sur dix ans, avec un taux annuel effectif global (TAEG) de 1 pour cent, ce qui leur permet d’acquérir du matériel et donc d’investir dans leur activité. Actuellement, plus de 3 000 équipements John Deere ont été achetés, c’est-à-dire des tracteurs, et nous travaillons également pour permettre aux personnes d’acheter des machines agricoles «Сase» et «CLAAS»;

- deuxièmement, ils sont exemptés de tous les impôts et taxes s’ils pratiquent la culture du coton;

- en outre, ceux qui pratiquent la culture du blé, du coton et d’autres produits agricoles n’ont pas à payer les frais de location;

- un autre point est que l’excédent de production par rapport au quota de l’État peut être utilisé comme vous le souhaitez.

Au Turkménistan, nous comptons actuellement plus de 500 associations de paysans. Parmi elles, 35 pour cent sont déjà passées dans le secteur privé et, d’ici à 2025, elles le seront toutes. Comme nous l’avons déjà dit, dans notre pays, les entreprises sont considérées comme très importantes. Les entreprises investissent beaucoup dans leurs terres pour enrichir le sol lorsqu’il s’agit de le cultiver. Nous devons garder à l’esprit que les personnes qui veulent faire des profits vont évidemment faire ce qui est dans leur intérêt et qu’elles n’ont donc pas besoin d’avoir recours à une quelconque forme de travail forcé. Il est dans l’intérêt de tous de participer à la culture du coton. Je suis moi-même une dirigeante régionale de l’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan, et je peux vous dire avec certitude que, à tous les stades de la culture et de la récolte du coton, il n’y a pas de recours à une quelconque forme de travail forcé.

L’Union des industriels et des entrepreneurs du Turkménistan regroupe un très grand nombre d’employeurs privés de notre pays. Chaque année, nous examinons des milliers de plaintes qui nous parviennent. Cependant, nous n’avons jamais reçu une seule plainte concernant le travail forcé dans les entreprises cotonnières et dans tous les types de comptoirs de coton. Nous n’avons jamais reçu de plainte de ce type ni au sein de notre syndicat ni de la part des autorités de notre pays. Je voudrais donc noter qu’il existe des sources non officielles sur le prétendu recours au travail forcé par les entreprises cotonnières et que nous sommes disposés à les examiner au cas par cas si nous disposons d’informations objectives et concrètes présentées sous la forme appropriée. Nous respectons l’opinion exprimée par la commission d’experts, mais nous demandons que nos points de vue et nos arguments soient pris en compte. Je voudrais également souligner que notre syndicat participe activement à un certain nombre d’événements prévus par la feuille de route pour la coopération entre le Turkménistan et le BIT, qui a été mentionnée dans le rapport du gouvernement et qui comprendra des visites sur le terrain.

Interprétation du russe: Membre travailleur, Turkménistan – Comme chacun le sait, les syndicats de tout pays, lorsqu’ils s’attaquent aux problèmes que le mouvement syndical partage dans le monde entier, agissent selon leur contexte national. Chaque pays a sa propre histoire, sa propre culture, la structure spécifique de l’État et la structure dans laquelle il se développe économiquement, ainsi que les traditions spirituelles et les attitudes sociales. Les syndicats ne peuvent être créés ou fonctionner sans tenir compte de ces caractéristiques particulières, car elles déterminent, dans une très large mesure, la stratégie de développement futur du mouvement syndical dans chaque pays. Les syndicats du Turkménistan soutiennent pleinement la convention, y compris ses exigences visant à garantir les principes fondamentaux du travail décent. Nous soutenons le tripartisme, le dialogue social et les principes de justice sociale.

L’adoption en 2018 d’une loi sur un comité tripartite chargé de régir les relations sociales et de travail, par le Parlement turkmène, est très importante pour nous. Dans presque tous les organes de l’État et toutes les entreprises privées, des conventions collectives ont été signées, qui régissent les relations sociales et économiques sur le terrain.

Actuellement, le syndicat national du Turkménistan concentre son travail sur les domaines fondamentaux suivants: i) le renforcement de notre économie nationale par le biais d’un soutien actif aux entreprises, aux organisations et aux sociétés, indépendamment de leur structure juridique ou de leur statut; ii) l’amélioration de la mise en œuvre et du suivi des conventions collectives; iii) la garantie des droits des travailleurs à un travail décent, ce qui signifie avoir un emploi, un salaire décent, des conditions de travail sûres et salubres, bénéficier d’une protection sociale et s’engager dans le dialogue social.

À cet égard, nous soutenons très activement les changements profonds qui ont lieu actuellement au Turkménistan. La position des syndicats turkmènes a souvent été exposée dans diverses instances internationales. Au cours des dernières années, le rôle des syndicats dans le traitement des questions de protection du travail à tous les niveaux s’est considérablement accru. Les inspections techniques et juridiques menées par le service d’inspection du travail des syndicats au Turkménistan ont permis aux spécialistes de contrôler la manière dont les employeurs respectent les dispositions légales et autres dispositions juridiques visant à protéger le travail.

En ce qui concerne la convention, nous nous efforçons de garantir des conditions de travail décentes, sans travail forcé ni exploitation, et nous mettons tout en œuvre pour coopérer avec le gouvernement, avec les autorités régionales et veiller à ce qu’ils respectent tous les normes internationales du travail. Les mesures prises par les syndicats pour y parvenir comprennent la surveillance du respect des conclusions des inspections techniques et juridiques. En outre, nous protégeons les droits et les intérêts des travailleurs, notamment en les soutenant lorsque des affaires sont portées devant les tribunaux et qu’il y a des procédures judiciaires.

Nous n’avons reçu aucune plainte concernant le travail forcé dans nos bureaux syndicaux, mais nous continuons néanmoins à effectuer un contrôle minutieux et nous organisons des cours de formation, des séminaires et des séances d’information pour les spécialistes de différents domaines et à différents niveaux, y compris auprès des travailleurs et des employeurs de notre secteur agricole. La plupart des séminaires se déroulent actuellement dans les régions, en collaboration avec les autorités locales, et impliquent la participation des associations de paysans qui sont souvent mentionnées dans le secteur agricole. Dans ces séminaires, nous faisons participer les autorités locales, le gouvernement, le service local de l’emploi, les forces de police et d’autres structures privées et publiques.

Nous attachons une grande importance à la coopération avec l’OIT au Turkménistan et notre coopération avec l’Organisation s’accroît chaque année. Nous organisons des consultations avec les représentants de l’OIT sur diverses questions d’intérêt mutuel. Les représentants des syndicats turkmènes participent aussi activement aux actions de défense organisées dans leur contexte et sous l’égide de l’OIT.

En mars dernier, des représentants de haut niveau de l’OIT se sont rendus au Turkménistan et nos syndicats ont participé activement à l’élaboration d’une feuille de route pour la prévention du travail forcé. Cette feuille de route a été mentionnée dans la déclaration que vient de faire le représentant de notre gouvernement.

Les partenaires sociaux et les syndicats ont travaillé ensemble et continuent de le faire pour mettre en œuvre cette feuille de route. Nous avons analysé, par exemple, notre législation existante pour voir si elle est pleinement conforme aux dispositions de la convention. Parallèlement, nous travaillons activement avec nos syndicats régionaux et locaux, ainsi qu’avec les autorités locales et régionales et d’autres parties qui ont intérêt à ce que nous respections les normes internationales du travail dans l’ensemble de notre économie et, en particulier, dans l’agriculture et la culture du coton.

En conclusion, les syndicats turkmènes participent activement à toutes les mesures incluses dans la feuille de route. Nous coopérons avec notre gouvernement et avec l’OIT cette année encore, et nous continuerons à soutenir l’OIT dans le règlement de ce problème.

Membre gouvernemental, États-Unis d’Amérique – Nous remercions le gouvernement du Turkménistan d’avoir fourni des informations supplémentaires à cette commission, en réponse aux récentes observations de la commission d’experts, ainsi que d’avoir accepté la mission de haut niveau au Turkménistan en novembre 2022.

Nous nous félicitons qu’un accord ait été conclu sur une feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement en 2023, qui se concentre sur six domaines prioritaires et comprend des activités sur l’amélioration du cadre législatif pour la prévention et l’interdiction du travail forcé; la conduite d’une analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton; le renforcement de la réglementation du travail saisonnier dans l’agriculture et des arrangements contractuels; l’amélioration de l’inspection du travail pour renforcer les contrôles; le suivi par l’OIT de la récolte de coton de 2023; ainsi que le renforcement du dialogue entre l’OIT et le gouvernement.

Nous encourageons le gouvernement à poursuivre activement ses efforts pour assurer l’élimination complète du recours au travail obligatoire dans la production de coton. Nous notons avec intérêt que le gouvernement a effectué une analyse de la législation et du cadre réglementaire actuels en ce qui concerne l’application des normes contenues dans la convention, et qu’il envisage actuellement de soumettre les projets de loi aux groupes de travail établis par les commissions parlementaires compétentes. Nous encourageons le gouvernement à continuer à travailler avec l’OIT pour s’assurer que les révisions sont pleinement conformes aux normes internationales du travail.

Nous rappelons que les représentants indépendants des travailleurs seront des partenaires essentiels pour élaborer de nouvelles approches juridiques et politiques du secteur du coton qui éliminent les causes profondes du travail forcé, et nous prions instamment le gouvernement de modifier les dispositions de la loi sur les syndicats et de la loi sur les associations publiques qui permettent au gouvernement d’exercer un contrôle excessif sur les activités syndicales, y compris sur la sélection des dirigeants syndicaux.

Nous notons avec préoccupation les rapports persistants sur le travail forcé dans le secteur et les politiques qui perpétuent la mobilisation des travailleurs pour le travail forcé. Nous rappelons que les conclusions de la mission de haut niveau reconnaissaient les difficultés persistantes à discuter ouvertement de l’existence ou des pratiques de travail obligatoire dans la récolte du coton et que de nombreuses personnes au cours de la mission ont indiqué que la pratique existait, bien que sans preuve directe ou tangible de son étendue en raison de l’accès limité aux champs de coton.

Nous encourageons le gouvernement à faire régulièrement des déclarations publiques de haut niveau condamnant le travail forcé, en incluant spécifiquement le travail forcé dans le secteur du coton, et dans le cadre d’activités de sensibilisation au titre de la feuille de route.

Les États-Unis restent déterminés à collaborer avec le gouvernement pour faire progresser les droits des travailleurs au Turkménistan.

Membre travailleuse, Suède – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom des syndicats des pays nordiques. Le cas du Turkménistan est abordé dans le cadre de la convention aujourd’hui, mais, avant d’en parler, je voudrais que nous réfléchissions un instant à ce que nous savons réellement du Turkménistan. Peu de choses, je suppose. Il y a une raison à cela. Le Turkménistan est un pays très fermé. Les autorités exercent un contrôle strict sur la communication de l’information et sur tous les médias. Le Turkménistan est un pays d’Asie centrale situé non loin d’ici, et le coton y est cultivé et récolté, du moins en partie, par le biais du travail forcé, ce que le gouvernement nie systématiquement. En raison des limitations extrêmes imposées à la liberté d’expression et à la liberté syndicale, il est difficile de documenter et de signaler tout ce qui se passe au Turkménistan. Ce que nous savons, c’est que les personnes qui ont partagé des informations avec les médias internationaux peuvent être persécutées et que certaines ont été condamnées à de longues peines de prison. Cela dit, la cohérence des rapports sur le Turkménistan, année après année, y compris l’année dernière, ne laisse aucune place au doute en ce qui concerne le recours au travail forcé systémique et organisé par l’État.

Turkmen News et Turkmen Initiative for Human Rights effectuent un contrôle indépendant de la récolte du coton, en compilant des rapports de suivi étayés par des preuves documentaires supplémentaires. Leur rapport conjoint indique que des dizaines de milliers de travailleurs de divers organes de l’État ont été mobilisés pendant la récolte de 2021. Les rapports de la récolte de 2022 dépeignent la même image sombre. Tout en niant l’existence du travail forcé, l’État continue de mobiliser des travailleurs dans le cadre du travail forcé, en violation de ses engagements au titre de la convention et du Plan d’action national pour les droits de l’homme au Turkménistan pour la période 2021-2025.

En fait, les autorités gouvernementales ont commencé à mobiliser de force des travailleurs pour la récolte du coton quatre mois seulement après la signature du plan d’action en avril 2021. Un simple démenti de la part du gouvernement est loin d’être suffisant. Compte tenu du manque de transparence, de médias libres, de syndicats indépendants, d’organisations de la société civile et d’une réelle liberté syndicale, les rapports du gouvernement ne sont pas crédibles. Le gouvernement du Turkménistan devrait mettre fin au recours au travail forcé dans le pays et continuer à coopérer avec l’OIT, mais aussi avec les partenaires sociaux au sein de l’OIT.

Le gouvernement devrait garantir la liberté syndicale au Turkménistan, y compris la liberté pour les syndicats indépendants et les organisations de la société civile. Nous savons que le travail forcé prospère en l’absence de liberté syndicale.

Membre travailleur, États-Unis – Depuis que cette commission a examiné ce cas pour la dernière fois en 2019, des observateurs indépendants et des organes d’information ont continué à documenter le recours systématique au travail forcé organisé par l’État dans toutes les régions productrices de coton du Turkménistan. En effet, à certains égards, la récolte de 2022, la première présidée par le Président Serdar Berdimuhamedow, a été pire que les années précédentes, compte tenu de la pression politique exercée pour que sa première récolte paraisse réussie. Il ressort d’un rapport de suivi indépendant que les employés de l’État ont de nouveau été mobilisés en masse et que certains enfants ont été payés pour travailler en tant que «cueilleurs remplaçants» par des employés de l’État. Fait alarmant, le gouvernement du Turkménistan continue de nier l’existence du travail forcé dans sa récolte annuelle de coton. En 2022, le gouvernement a indiqué à la commission d’experts qu’il n’avait pas reçu une seule allégation de travail forcé concernant la dernière récolte de coton. Ce type de déni général est à peine croyable et suggère que le gouvernement est prêt à ignorer ce qu’il ne veut pas voir.

En effet, la seule façon de résoudre le problème du travail forcé au Turkménistan est que le gouvernement reconnaisse enfin les causes profondes du problème et s’assure que les travailleurs turkmènes ont les moyens de le combattre avec les outils fondamentaux que sont les mécanismes efficaces de réclamation et de recours.

Par conséquent, nous appelons le gouvernement à mettre pleinement en œuvre la feuille de route négociée avec l’OIT et à garantir le plein accès de la mission de haut niveau et de la société civile indépendante à la récolte de coton de 2023.

Interprétation du russe: Membre travailleur, Fédération de Russie – Le rapport de la commission d’experts de cette année repose sur des informations de 2021. Pour analyser la situation réelle du Turkménistan au regard de la convention, nous nous basons sur des données plus récentes, c’est-à-dire des données pour 2022, soumises par des organisations non gouvernementales indépendantes en ce qui concerne la récolte de coton en 2022.

Nous pensons qu’il s’agit d’informations convaincantes et représentatives. Nous remercions le gouvernement du Turkménistan pour les documents remis. Le suivi montre que la pratique du recours à différentes formes de travail forcé dans la récolte du coton se poursuit à une échelle massive et systémique. D’importants groupes de travailleurs des centres publics sont envoyés dans les champs de coton, notamment des enseignants, des personnes travaillant dans des crèches, des écoles, des centres de santé, d’autres types d’institutions publiques et de services publics. Selon de nombreux témoignages de travailleurs, au cours de cette mobilisation, les gens ont été menacés de perdre leur emploi ou une partie de leur salaire s’ils n’obtempéraient pas. D’autres restrictions sont également utilisées pour les forcer à travailler à la récolte du coton. Lors de la récolte du coton, les travailleurs qui conservent leur emploi régulier nous disent qu’ils sont contraints de payer une partie du salaire des cueilleurs et d’engager des dépenses supplémentaires liées à la récolte du coton. Selon des experts, les organismes gouvernementaux établissent des quotas pour la production de coton, et il existe des menaces de sanctions et d’amendes ainsi que de perte de terres si ces quotas ne sont pas atteints. En outre, ces organismes fixent unilatéralement le prix d’achat du coton.

Les conditions de travail dans lesquelles les cueilleurs mobilisés sont contraints de travailler sont, selon nous, une preuve évidente de la nature coercitive du recrutement. Ils travaillent dans des champs ouverts sans abri, ils n’ont souvent pas assez d’eau potable, et des rapports indiquent qu’ils sont obligés de payer pour la nourriture, l’eau, le transport et l’hébergement. Ils ne reçoivent pas d’équipement de protection individuelle pour leur travail dans les champs de coton lorsqu’ils sont exposés à des produits chimiques et à des engrais. Le gouvernement affirme qu’une grande partie du travail manuel est désormais effectuée mécaniquement, mais cette affirmation n’est pas confirmée par des experts indépendants. Lorsque le coton est récolté à la main, il est de meilleure qualité et peut être vendu à un prix plus élevé. Nous savons également que les équipements sont coûteux et que le système en lui-même implique que certains fonctionnaires aient des intérêts financiers à le conserver tel qu’il est actuellement.

Il faut noter que des experts ont constaté le recours au travail des enfants dans la production de coton, sans que la mobilisation spécifique des enfants ne soit mentionnée. Dans ses entretiens avec les organes de contrôle de l’OIT et d’autres organisations internationales, le gouvernement continue de nier le recours massif du travail forcé, et l’un des arguments qu’il avance est qu’il n’y a pas de plaintes à ce sujet. Cependant, dans le pays, les conditions ne sont pas réunies pour que les autorités assurent un suivi approprié de la situation. De même, il n’y a pas de syndicats en mesure de répondre à de telles plaintes et de coopérer avec les organisations internationales de manière appropriée, afin de défendre les conditions de travail des travailleurs.

Nous sommes toutefois disposés à considérer positivement la récente signature de la feuille de route entre le Turkménistan et l’OIT. Celle-ci vise à éradiquer le travail forcé dans le pays, comme vous le savez, mais malheureusement nous devons constater que la préparation du gouvernement s’est faite sans la participation des travailleurs et sans l’expertise que les syndicats auraient pu apporter à la situation.

Nous pensons cependant qu’un certain nombre de mesures pourraient avoir un impact significatif sur la situation mais, pour que les changements soient réels et irréversibles, nous devons nous assurer que l’ensemble du système de production de coton au Turkménistan soit mis en conformité avec les normes universelles de protection des droits des citoyens et en garantissant un travail décent pour tous à un salaire décent. Au nom de la délégation des travailleurs de la Fédération de Russie, nous demandons au gouvernement de coopérer avec l’OIT sur la question de la mise en conformité de sa législation avec les normes internationales, en particulier avec les dispositions de la convention. Ce travail, comme nous le voyons, est essentiel, mais il ne peut être couronné de succès que si le pays met véritablement en œuvre les conventions fondamentales de l’OIT et les droits fondamentaux des travailleurs, en particulier le droit à la liberté syndicale, dans le contexte général de la protection des droits de l’homme de la population du Turkménistan.

Membre travailleur, Pays-Bas – Année après année, pendant la récolte du coton, qui a lieu entre août et décembre, le gouvernement turkmène oblige des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public à cueillir le coton ou à payer des cueilleurs remplaçants sous la menace de sanctions, y compris la perte d’emploi, la réduction des heures de travail ou du salaire, et extorque de l’argent à ces mêmes travailleurs pour payer les dépenses liées à la récolte. Au Turkménistan, la récolte du coton par le biais du travail forcé n’est pas une anomalie, mais fait partie intégrante d’un système de commandement de la production agricole qui alimente à la fois la pauvreté rurale et le travail des enfants. Le système de contrôle et de coercition de l’État est tellement enraciné que les agriculteurs plantent en fonction des directives de l’État et non des conditions du sol, de l’eau et du climat. Pour se conformer aux systèmes, les agriculteurs ont été contraints de planter des cultures avant que les champs ne soient prêts ou dans des endroits insuffisamment irrigués, ce qui garantit l’échec des cultures, tandis que les agriculteurs eux-mêmes restent à la merci des autorités gouvernementales.

Le travail forcé des employés du secteur public pour récolter le coton est et a été répandu et systématique dans toutes les régions qui ont fait l’objet d’un suivi par des chercheurs indépendants. Des enseignants, des médecins, des travailleurs culturels et d’autres fonctionnaires ont signalé des mobilisations dès la mi-août. En décembre, malgré des températures inférieures à zéro, environ 25 pour cent des employés du secteur public ont été contraints de cueillir du coton ou de payer des remplaçants pendant la semaine, et tous les employés ont été envoyés dans les champs pendant le week-end. Le gouvernement continue de nier le recours au travail forcé dans sa récolte de coton. La feuille de route récemment signée et l’intention de travailler avec l’OIT constituent une étape importante et nécessaire pour mettre fin à cette pratique. Toutefois, il ne suffit pas d’adapter le système de production du coton si les solutions ne s’appuient pas sur une approche fondée sur les droits des agriculteurs et des travailleurs de ce système. Dans le cadre de l’éradication du travail forcé et du travail des enfants, l’exercice des droits fondamentaux du travail, tels que la liberté syndicale et la négociation collective, est essentiel et indispensable.

Lorsqu’il s’agit de trouver des solutions, les organisations indépendantes de travailleurs doivent participer à l’ensemble du processus. Les représentants du gouvernement turkmène ne peuvent présenter des plans à l’OIT sans faire participer aucun des partenaires sociaux. Comme l’ont dit les orateurs précédents, nous prions également instamment les autorités turkmènes à coopérer pleinement avec les mécanismes de contrôle de l’OIT et à mettre en œuvre leurs recommandations. Dans le cadre des conseils techniques du BIT, le gouvernement du Turkménistan devrait établir, contrôler et rendre compte de critères de référence clairs pour remplir ses obligations au titre de toutes les conventions fondamentales du travail de l’OIT.

Observateur, Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) – Au nom de l’UITA, le syndicat mondial des travailleurs de l’agriculture, je souscris aux commentaires précédents selon lesquels le travail forcé dans le secteur du coton au Turkménistan continue d’être répandu et systématique. Chaque année, pendant la récolte du coton, le gouvernement oblige des dizaines de milliers de travailleurs des secteurs public et privé à récolter le coton, à payer un pot-de-vin ou à engager un travailleur remplaçant pour cueillir le coton à leur place. L’année 2022 n’a pas fait exception. Le suivi indépendant mené au cours de cette saison de récolte a révélé que le travail forcé des employés du secteur public dans la récolte du coton était répandu et systématique dans toutes les régions objet de l’observation. En effectuant ce travail en secret, les observateurs se sont exposés à de grands risques personnels. Le gouvernement prend des mesures importantes pour empêcher la production de documents et les champs de coton font l’objet d’une surveillance stricte de la part de la police et des services de sécurité.

Les travailleurs des champs ont dû faire face à des conditions de travail et de vie difficiles, parfois abusives ou dangereuses, pour atteindre les quotas quotidiens obligatoires de coton. Leur participation forcée à la récolte a été organisée et imposée par le gouvernement. Les travailleurs sont l’objet d’intimidations, de censure publique et sont menacés de déductions salariales et de perte d’emploi pour faire en sorte qu’ils se soumettent à leurs obligations. La pauvreté et la pression exercée pour atteindre les quotas conduisent au travail des enfants, qui récoltent le coton aux côtés de leurs parents ou pour gagner de l’argent en tant que remplaçants engagés par des personnes forcées de récolter le coton.

Nous saluons l’engagement récent du gouvernement auprès de l’OIT. Mais, dans le même temps, le gouvernement continue de nier publiquement le recours au travail forcé dans la récolte, tout récemment lors de l’examen du Comité des droits de l’homme des Nations Unies en mars 2023, et de harceler et d’attaquer quiconque osant parler des violations des droits de l’homme et des droits des travailleurs. Les solutions durables pour mettre fin au travail forcé au Turkménistan doivent s’appuyer sur une approche fondée sur les droits des agriculteurs et des travailleurs de ce système et nécessitent de permettre la liberté syndicale, la liberté de réunion et la liberté de négociation collective. Dans l’état actuel des choses, dans deux mois, des dizaines de milliers de personnes seront à nouveau contraintes de travailler dans les champs, de récolter du coton sous la menace de sanctions, sur ordre du gouvernement. Les conclusions du suivi indépendant de 2022 montrent que le gouvernement n’a pas pris de mesures significatives pour éradiquer cette pratique depuis le dernier examen. Le changement s’impose depuis longtemps.

Nous prions instamment le gouvernement de prendre des mesures urgentes pour mettre fin à la pratique du travail forcé organisé par l’État dans le secteur du coton. Le gouvernement doit appliquer les lois nationales qui interdisent le recours au travail forcé et au travail des enfants, prendre des mesures pour que les fonctionnaires soient tenus de rendre des comptes pour avoir forcé des citoyens à travailler, et collaborer pleinement avec les organes conventionnels de l’ONU, les procédures spéciales et, en premier lieu, les mécanismes de contrôle de l’OIT, et mettre en œuvre les recommandations qu’ils ont formulées. Il doit permettre aux observateurs, aux journalistes, aux organisations de défense des droits de l’homme et aux défenseurs des droits des travailleurs d’agir librement et sans menace de représailles, et autoriser les travailleurs à s’organiser, à créer des syndicats indépendants et à y adhérer, ainsi qu’à négocier collectivement.

Représentant gouvernemental – Permettez-moi, au nom de la délégation gouvernementale, d’exprimer ma gratitude à la commission pour le travail accompli et le dialogue constructif, ainsi qu’aux gouvernements et aux membres employeurs et travailleurs pour les déclarations qu’ils ont adressées au Turkménistan.

Nous avons, bien sûr, écouté de très nombreuses informations concernant le Turkménistan. Nous avons pris note de certaines. Les approches de certaines délégations ont été très constructives et prenaient en compte les documents fournis par le Turkménistan dans le cadre de la préparation de cette réunion.

Comme indiqué dans le discours principal de notre délégation, beaucoup de travail a été réalisé et est en cours pour mettre en œuvre les normes de la convention non seulement au niveau de la législation, mais aussi dans la pratique. Dans ce contexte, je voudrais une fois de plus prier instamment les membres travailleurs et employeurs de prêter une plus grande attention aux commentaires du gouvernement. Certaines des informations fournies sont fondamentalement fausses, même en ce qui concerne les élections démocratiques qui ont eu lieu dans notre pays. Je tiens à vous rassurer: les élections se déroulent au Turkménistan avec la participation active d’observateurs internationaux. La critique des dirigeants de mon pays est inacceptable et non professionnelle et ne devrait pas être formulée dans le cadre de cet événement. Nous déclarons explicitement que les informations concernant la légalisation de la récolte forcée du coton par l’État sont sans fondement et ne reflètent pas la situation réelle sur le terrain. La politique de mon pays dans ce domaine vise la mécanisation de la récolte du coton, comme indiqué dans mon rapport principal.

Toutes les propositions et recommandations constructives des experts internationaux dans le contexte de la question examinée seront soigneusement étudiées et analysées. Au nom de mon gouvernement, je tiens à souligner avec assurance que nous recherchons systématiquement la collaboration avec l’OIT. La feuille de route de notre partenariat vise à résoudre les problèmes liés au respect des normes universellement reconnues du droit international et à mettre en œuvre un mécanisme permettant d’améliorer à la fois le cadre législatif et la pratique en matière d’application des lois.

Ce dialogue peut être mené par le biais d’une coopération technique sur la mise en œuvre des conventions pertinentes dans la législation nationale, d’une sensibilisation et d’un renforcement des capacités des spécialistes, ainsi que d’un système de suivi de la mise en œuvre des dispositions de la convention à l’aide des mécanismes de coopération tripartite.

Après la mise en œuvre réussie de la feuille de route à court terme pour 2023, le Turkménistan sera prêt à discuter des perspectives de coopération et d’interaction à long terme avec l’OIT.

Membres travailleurs – Nous tenons à remercier le représentant du gouvernement pour les informations qu’il a fournies au cours de la discussion. Nous tenons également à remercier les intervenants pour leurs contributions. Il est indéniable que le Turkménistan recourt encore massivement au travail forcé pour la récolte du coton et de la soie. Permettez-moi de répondre à un commentaire du représentant du gouvernement concernant les sources prétendument non vérifiées faisant état de pratiques de travail forcé dans le pays. Dans une situation où il n’y a pas de partenaires sociaux indépendants, ni de véritable forme de société civile fonctionnelle, nous ne pouvons pas considérer les informations du gouvernement comme totalement crédibles. Si le gouvernement souhaite contester les informations essentielles fournies par des sources non gouvernementales et la CSI et insiste au contraire sur son propre récit alternatif de plus grands progrès, nous sommes obligés de demander pourquoi il poursuit ses politiques de la porte fermée? Pourquoi ne s’engage-t-il pas avec des organisations de travailleurs réputées à l’échelle mondiale, ou avec les médias ou les groupes de défense des droits de l’homme? Nous partageons la profonde inquiétude de la commission d’experts face à la persistance des pratiques de travail forcé et aux mauvaises conditions de travail des personnes contraintes de travailler dans le secteur du coton et de la soie, en violation flagrante de la convention.

Nous demandons au gouvernement de veiller à la pleine mise en œuvre des recommandations formulées à la suite de l’examen de son cas par notre commission en 2021. Le gouvernement doit également veiller à ce que la mise en œuvre de la feuille de route se fasse en collaboration avec les partenaires sociaux et dans les délais impartis. En particulier, il est essentiel que le gouvernement prenne toutes les mesures, en droit et dans la pratique, pour éliminer le recours au travail forcé des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, notamment en veillant à ce que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence, la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan, l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique d’urgence et l’article 19 du Code du travail ne puissent pas servir de bases légales pour le travail forcé dans les champs de coton et de soie. Le gouvernement doit cesser de menacer ceux qui ne respectent pas les quotas fixés par les autorités. Il doit également rendre publiques des déclarations politiques de haut niveau condamnant le travail forcé, en incluant spécifiquement le travail forcé dans le secteur du coton et en précisant que tout travail doit être volontaire et rémunéré équitablement. La pression exercée sur les autorités à tous les niveaux pour atteindre ces quotas conduit à de nombreux abus dont les travailleurs sont les premières victimes.

Le gouvernement devrait agir, dans le respect de la convention et de la législation nationale, contre le recours au travail forcé en publiant des instructions claires sur l’interdiction du recours au travail forcé et en poursuivant et punissant les fonctionnaires qui y recourent malgré tout. Le renforcement de l’inspection du travail et de l’application de la loi est essentiel pour éradiquer définitivement ces pratiques. Le gouvernement doit collaborer avec les partenaires sociaux pour élaborer un plan d’action national visant à éliminer durablement le travail forcé dans la récolte du coton et de la soie organisée par l’État. Ce plan doit être assorti d’un calendrier et s’attaquer aux causes profondes du travail forcé dans l’agriculture. Il sera essentiel que le gouvernement garantisse l’accès aux champs de coton et de soie aux partenaires sociaux, aux observateurs, aux journalistes indépendants et aux défenseurs des droits de l’homme, qui devraient être libres de documenter et de faire part de leurs conclusions sans crainte de représailles. Il est également clair que la participation des partenaires sociaux à l’élaboration et à la mise en œuvre de la feuille de route nécessitera la pleine reconnaissance de la liberté syndicale dans le pays, afin que les travailleurs et les employeurs du pays puissent être représentés. Nous attendons du Turkménistan qu’il mette en œuvre tous les droits fondamentaux du travail, en particulier l’interdiction du recours au travail forcé et au travail des enfants, la liberté syndicale et le droit à la négociation collective, conformément aux conventions ratifiées de l’OIT. Pour garantir l’atteinte de tous ces objectifs, nous invitons le gouvernement à continuer à bénéficier de l’assistance technique du BIT et à accepter l’arrivée d’une mission tripartite de haut niveau de l’OIT, qui doit disposer de tous les moyens nécessaires pour mener à bien sa mission.

Membres employeurs – Les membres employeurs souhaitent remercier tous les intervenants qui ont pris la parole. Nous remercions en particulier le gouvernement pour son intervention, ainsi que pour les informations orales et écrites qu’il a fournies, car elles permettent de dresser un tableau plus complet de l’évolution de la situation sur le terrain.

Pour conclure, nous voudrions souligner une fois encore que les membres employeurs considèrent comme inacceptables toutes les formes de travail forcé et autres pratiques abusives équivalant au travail forcé. Notamment lorsqu’elles visent les catégories les plus vulnérables de la société et sont orchestrées par les autorités centrales. Notre position à cet égard rejoint celle de la commission d’experts, du Bureau et des membres travailleurs. Bien que nous saluions les efforts entrepris pour répondre aux questions soulevées par la commission d’experts en 2022, en particulier la collaboration entreprise avec le BIT, nous prenons également note des rapports faisant état d’un recours continu à des pratiques de travail forcé par l’État dans le secteur de la récolte du coton. À la lumière de la discussion que nous avons eue sur ce cas au sein de la commission, les membres employeurs prient, et même prient instamment, le gouvernement de poursuivre avant tout ses efforts pour assurer l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants dans la production de coton. Deuxièmement, continuer à collaborer avec l’OIT et les partenaires sociaux indépendants, pour garantir la pleine application de la convention dans la pratique, y compris dans le cadre de la feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement. Et enfin, troisièmement, fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard, y compris sur toutes les activités indiquées dans la feuille de route.

Nous sommes convaincus que le gouvernement mettra en œuvre ces recommandations dans les meilleurs délais, afin d’assurer le plein respect de la convention, tant en droit que dans la pratique.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

Tout en prenant bonne note des explications que le gouvernement a fournies au sujet de la collaboration nouée avec le BIT pour s’atteler à la question du travail forcé associé à la récolte du coton, la commission a déploré que persiste le recours généralisé au travail forcé associé à la récolte annuelle du coton organisée par l’État au Turkménistan et l’incapacité du gouvernement à réaliser des progrès significatifs sur la question depuis que la commission a examiné le cas en 2016 et en 2021.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement, en consultation et en coopération avec les partenaires sociaux:

- d’assurer la pleine mise en œuvre des recommandations de la commission de 2021 et de la feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement;

- de redoubler d’efforts pour garantir l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, dans les productions de coton organisées par l’État en élaborant, en consultation avec les partenaires sociaux et dans le cadre de l’assistance que le BIT fournit actuellement, un plan d’action visant à éliminer, en droit et dans la pratique, le travail forcé associé à la récolte de coton organisée par l’État, et à améliorer le recrutement et les conditions de travail dans le secteur du coton, conformément aux normes internationales du travail;

- d’éliminer le système de quota obligatoire pour la production et la récolte de coton, et de garantir que nul ne soit menacé de sanction si les quotas de production ne sont pas atteints, conformément à la convention;

- de donner des instructions claires sur l’interdiction du recours au travail forcé et de renforcer l’inspection du travail et les mécanismes responsables de l’application de la loi;

- de poursuivre et de sanctionner de manière appropriée tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la production ou la récolte du coton;

- de garantir que, conformément à la convention, la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence, la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan, ainsi que l’article 19 du Code du travail ne servent pas de base juridique ou de prétexte pour le travail forcé; et

- de promouvoir le dialogue social dans le secteur de production de coton et continuer à coopérer avec le BIT et les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées, afin de garantir la pleine application de la convention dans la pratique, y compris dans le cadre de la feuille de route, et de suivre et documenter tout cas de travail forcé associé à la récolte du coton sans crainte de représailles.

La commission prie le gouvernement de fournir à la commission d’experts un rapport contenant des informations sur les mesures concrètes prises, y compris les activités figurant dans la feuille de route, et les progrès réalisés à ce sujet d’ici au 1er septembre 2023.

Représentant gouvernemental – Je voudrais saisir cette occasion pour exprimer ma gratitude à tous les participants sur le cas du Turkménistan, y compris les partenaires sociaux et les représentants gouvernementaux et des organisations non gouvernementales. Nous prenons note des conclusions et exprimons notre volonté de coopérer avec les partenaires sociaux et l’OIT en ce qui concerne la législation relative à l’application de la convention et à sa mise en œuvre. Je voudrais répéter que le gouvernement a déjà fait et continuera à faire des efforts importants pour faire appliquer la convention en droit et dans la pratique.

En ce qui concerne les règles de procédure de la commission, nous apprécierions que le texte du projet de conclusions soit communiqué bien à l’avance et non pas une heure avant son adoption, afin de donner au gouvernement la possibilité d’examiner pleinement le document et ses implications pour nos obligations nationales et internationales.

Une fois de plus, nous voudrions noter que les commentaires sur le recours généralisé au travail forcé dans la récolte du coton ne sont pas fondés. Nous constatons malheureusement que la commission n’a pas pris en compte les efforts considérables déployés par le Turkménistan en ce qui concerne la mécanisation de la récolte du coton et l’élimination du travail forcé, y compris le travail des enfants.

En conclusion, une fois de plus, je voudrais rassurer la commission sur le fait que le gouvernement est prêt à coopérer régulièrement et systématiquement avec l’OIT afin de mettre en œuvre efficacement les mesures prévues dans la feuille de route en 2023 et sur une base à plus long terme.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2021, Publication : 109ème session CIT (2021)

2021-TKM-105-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Réponse aux observations de la CSI

Les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) relatives au recours généralisé par l’État au travail forcé pour la récolte du coton sont sans fondement et ne reflètent pas la réalité de la situation et, surtout, les récentes avancées, en droit et dans la pratique, visant à:

1. empêcher le travail forcé de manière générale et en particulier dans la récolte du coton;

2. la mécanisation de la récolte du coton afin de réduire la récolte manuelle. Des informations sur les travaux en cours sur ces deux aspects figurent ci-dessous.

Éclaircissements relatifs à la loi sur l’état d’urgence

La loi de 1990 sur le régime juridique des situations d’urgence a été annulée par la loi sur l’état d’urgence de 2013. Or ni la loi de 1990 ni celle de 2013 n’utilisent ni ne citent les «besoins du développement économique» que mentionnent les observations de la CEACR.

Prévenir le travail forcé

Normes légales

Une mesure importante allant dans ce sens est le fait que la loi constitutionnelle de 2016 introduit dans la nouvelle version de la Constitution du Turkménistan une règle interdisant le travail forcé et les pires formes de travail des enfants.

Documents du Programme national

Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021-2025

Le Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021-2025 (PANDH) a été adopté par décret présidentiel du 16 avril 2021.

Les enseignements tirés du plan du précédent quinquennat (2016-2020) et les meilleures pratiques internationales ont été pris en compte dans l’élaboration du plan, un processus qui associe un large éventail de parties prenantes, notamment des organismes gouvernementaux, des organisations non-gouvernementales, des organisations de la société civile, des universités et des organisations internationales.

Le PANDH actuel comporte, dans le chapitre relatif aux «Droits sociaux, économiques et culturels», une section spéciale sur la «Liberté syndicale» qui prévoit des mesures visant à:

améliorer la législation interdisant le travail forcé;

une coopération avec l’Organisation internationale du travail sur la question de la prévention du travail forcé;

l’élaboration de mesures destinées à empêcher l’utilisation du travail forcé, notamment en faisant en sorte que la législation soit respectée et en renforçant la vérification de son respect;

garantir le droit des travailleurs de se syndiquer;

mettre la législation sur les syndicats en conformité avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

faire en sorte que soient poursuivis les employeurs qui enfreignent la législation du travail s’agissant du respect des règles sur la sécurité au travail et de l’indemnisation du préjudice causé par les lésions subies par des travailleurs.

Le PANDH a été officiellement présenté aux parties prenantes, ainsi qu’aux organisations internationales, le 19 mai 2021.

Le gouvernement du Turkménistan se déclare prêt et invite l’OIT à coopérer à la mise en application des dispositions pertinentes du Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021-2025.

Plan de coopération avec des organisations internationales pour 2021-2023

Un autre document national offrant une base de coopération avec l’OIT sur des questions d’intérêt commun est le Plan de coopération avec des organisations internationales pour 2021-2023 adopté par décret présidentiel du 30 avril 2021.

Une des dispositions de ce plan suggère de mettre en place une nouvelle forme de coopération avec l’OIT, à savoir l’élaboration d’un programme annuel de coopération sur des thèmes spécifiques. L’industrie cotonnière pourrait être un des thèmes prioritaires par lequel démarrer ce programme de coopération et nous pourrions envisager des mesures de nature à améliorer l’efficacité de l’industrie cotonnière et à garantir le respect des normes internationales du travail.

Nous avons déjà eu une discussion préliminaire avec le bureau de l’OIT à Moscou et avec le bureau du coordinateur résident des Nations Unies au Turkménistan sur les modes de coopération sur les questions relatives au coton et avons suggéré d’associer aux discussions des institutions internationales financières, telles que la Banque mondiale.

Coopération internationale

Cadre de coopération sur le développement durable

Le Cadre de coopération entre le gouvernement du Turkménistan et les Nations Unies sur le développement durable représente une base légale importante pour la coopération entre le Turkménistan et l’OIT s’agissant de la promotion des normes internationales du travail.

Ce document a été signé le 14 mars 2020.

Toutes les grandes orientations stratégiques du Cadre de coopération sont étroitement liées aux objectifs et indicateurs des ODD adoptés par le Turkménistan et permettent en outre une interaction entre le Turkménistan et les Nations Unies dans divers domaines, comme le maintien de la stabilité et la croissance économiques, la protection des droits sociaux de la population, l’amélioration du système de soins de santé et le maintien de l’équilibre écologique.

La mise en œuvre conjointe du Cadre de coopération dans la pratique implique un nombre élevé d’institutions des Nations Unies, dont l’OIT.

Mécanisation de la récolte du coton

L’industrie cotonnière, c’est-à-dire l’exportation de coton et de produits textiles, ne représentait en 2020 que 1 pour cent du PIB. En 2015, elle en représentait 1,8 pour cent (voir tableau ci-dessous).

Exportation de fibres et de fil de coton et de produits textiles en 2015-2020 - [Tableau non reproduit]

Toutefois, l’industrie cotonnière reste un des secteurs les plus importants de l’économie nationale turkmène. Son importance provient principalement de son aptitude à créer des emplois dans les ateliers textiles, etc., mais pas dans la récolte du coton.

Le Turkménistan a mis en place des mesures pratiques afin de réduire la récolte manuelle du coton. Les chiffres qui suivent sont des données statistiques relatives aux récolteuses (à plus de 90 pour cent des marques Case, New Holland et John Deere), aux champs de coton et au coton récolté pendant la période allant de 2015 à 2020. - [Graphique non reproduit]

La figure suivante illustre l’évolution des proportions de ces paramètres sur la même période débutant en 2015. - [Graphique non reproduit]

Les chiffres montrent un léger changement dans les champs de coton et le volume de coton récolté, tandis que le nombre de récolteuses a fortement augmenté.

L’utilisation généralisée par le secteur agricole du pays de récolteuses de coton de dernière génération démontre qu’il n’est pas nécessaire de mobiliser d’énormes ressources humaines pour la cueillette du coton.

Les chiffres qui suivent montrent que la proportion de coton récolté à la main a chuté de 71 pour cent en 2015 à 28 pour cent en 2020. - [Graphique non reproduit]

Les chiffres relatifs à l’industrie cotonnière reproduits ci-dessus sont la preuve que le gouvernement prend toutes les mesures pour réduire la récolte manuelle du coton et que les accusations de la CSI sont infondées.

Pour remplir leur obligation d’empêcher le travail forcé pour la récolte du coton, les autorités de l’État prennent des mesures adéquates. S’agissant des commentaires de la commission à propos de l’obligation faite aux enseignants, au personnel médical, aux salariés des services municipaux et des entreprises publiques, etc., de participer à la récolte obligatoire du coton, des violations des normes sanitaires, des violations des règles applicables au transport dans des véhicules non prévus à cet effet, il est à noter que, sur base des résultats d’inspections effectuées par des organes de contrôle de l’application des lois du Turkménistan, les informations qui précèdent n’ont pas été confirmées. On n’a pas enregistré de déclarations sur ces points, ni d’éléments matériels concernant le versement obligatoire par les citoyens de sommes destinées à la récolte du coton.

Le personnel du département de la police de la surveillance routière du ministère de l’Intérieur du Turkménistan est constamment de service dans les zones rurales, y compris sur les routes adjacentes aux terres agricoles, où il traite de manière responsable la question de l’interdiction du transport de personnes dans des camions qui n’ont pas été conçus à cet effet.

En outre, le personnel de la police de la route ainsi que le personnel des unités de lutte contre l’incendie du ministère de l’Intérieur du Turkménistan ont pour instruction, pendant la période des récoltes, de faire respecter par les fermiers, les personnes actives dans la récolte et le transport de produits agricoles ainsi que les gérants de fermes et les autorités locales les règles applicables à la circulation routière, au bon fonctionnement des véhicules et engins agricoles, ainsi que les règles de prévention des incendies.

Les activités qui précèdent et le travail mené actuellement sur la prévention du travail forcé et de l’utilisation de méthodes illégales pour contraindre les citoyens à effectuer des tâches qui ne relèvent pas du cadre de leur activité témoignent de l’attachement de l’État à appliquer les normes et dispositions universellement reconnues, dans le cadre des accords et traités internationaux auxquels le Turkménistan a souscrit, ainsi que de son respect assidu des obligations résultant des résolutions adoptées par les institutions des Nations Unies.

Discussion par la commission

Interprétation du russe: Représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Protection sociale de la population – Après avoir examiné soigneusement l’addendum au rapport de la commission d’experts de 2020 et les commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) sur l’utilisation par l’État du travail forcé pour la récolte du coton, le gouvernement du Turkménistan souhaiterait communiquer à la commission des informations sur les grands axes de sa politique de mise en application de la convention.

Tout d’abord, en mai de cette année, le Turkménistan a fourni les informations supplémentaires demandées par les organisations internationales des travailleurs et des employeurs pour mettre en lumière la situation de l’industrie cotonnière dans le pays. Dans ce complément d’information, le gouvernement a répondu en détail aux commentaires. Plus particulièrement, les exportations de coton et de textiles n’ont représenté en 2020 que 1 pour cent du PIB tandis que, en 2015, le chiffre était de 1,8 pour cent. Ces indicateurs montrent que les produits du coton sont majoritairement utilisés sur le marché intérieur du fait de l’apparition de nouveaux produits, tant dans l’agriculture que dans l’industrie textile, l’industrie du médicament et l’agroalimentaire, ainsi que dans d’autres secteurs de l’économie.

Cela favorise aussi la création d’emplois, à la fois dans les secteurs public et privé. L’utilisation généralisée de récolteuses de dernière génération dans le secteur agricole du pays, alors que peu de changements sont survenus s’agissant du coton récolté et du volume de la récolte, a permis de réduire la part de la récolte manuelle, qui est passée de 71 pour cent en 2015 à 28 pour cent en 2020. Les données qui précèdent indiquent clairement que le gouvernement agit efficacement pour réduire la récolte manuelle du coton et qu’il n’est pas besoin d’engager des ressources humaines massives dans cette activité.

Par ailleurs, sur la question de la mobilisation de la population et du recours au travail forcé pour les besoins du développement économique, je tiens à faire remarquer que la loi de 1990 sur le régime juridique de l’état d’urgence a été remplacée en 2013 par la loi sur l’état d’urgence. Or ni les textes de 1990 et 2013 ni la loi sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, telle que modifiée en 2021, n’évoquent les besoins du développement économique ni n’envisagent une mobilisation de la population à cette fin qui, ici aussi, sont mentionnés dans les commentaires de la commission d’experts.

Le Turkménistan, qui est Membre de l’OIT depuis 1993, s’engage par ses politiques à créer les conditions du travail décent et de la justice sociale pour tous, comme le confirme la ratification par le Turkménistan des conventions des Nations Unies sur les droits de l’homme et des conventions fondamentales et techniques de l’OIT. La mise en application de ces conventions est garantie au premier chef par la Constitution nationale dans sa nouvelle version, qui énonce l’interdiction du travail forcé et des pires formes de travail des enfants. La signature, le 14 mars 2020, entre le gouvernement du Turkménistan et les Nations Unies, du Cadre de partenariat pour le développement pour 2021-2025 est à noter. Pour sa mise en œuvre, ce programme compte sur la participation d’un nombre élevé d’institutions des Nations Unies, dont l’OIT, dans des domaines stratégiques de coopération.

Le nouveau Plan d’action sur les droits de l’homme pour 2021-2025, approuvé par voie de décret présidentiel du 16 avril 2021, comporte un chapitre sur les droits sociaux, économiques et culturels, avec une section sur la liberté du travail renfermant les mesures destinées à développer la coopération avec l’OIT afin d’empêcher le travail forcé, d’élaborer des mesures pour lutter contre le travail forcé, notamment en faisant en sorte que la loi soit respectée et en renforçant les contrôles de son application, en veillant à la mise en œuvre complète des programmes visant à améliorer le secteur de l’emploi au Turkménistan, en particulier pour assurer un niveau maximum d’emploi aux personnes handicapées, en améliorant la législation interdisant le travail forcé, en protégeant les droits des travailleurs de se syndiquer, en mettant la législation sur les syndicats en conformité avec les dispositions du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et en veillant à ce que les employeurs qui violent les dispositions de la législation du travail relatives à la sécurité au travail soient effectivement mis face à leurs responsabilités, notamment par des réparations aux travailleurs blessés. Ce nouveau plan d’action a été élaboré à la lumière des remarques finales adressées au gouvernement après l’examen de ses rapports nationaux aux instances des Nations Unies, l’examen périodique universel et les recommandations de l’OIT de 2016.

Un autre document national qui a jeté les fondations de notre coopération avec l’OIT sur des questions d’intérêt mutuel est le Plan pour la coopération avec les organisations internationales pour 2021-2023, approuvé par décret présidentiel du 30 avril 2021. Ce plan consiste entre autres à mettre en place une nouvelle forme de partenariat avec l’OIT, à savoir en développant une coopération annuelle sur des thèmes spécifiques. Un exemple de coopération réussie est la réalisation de plans et de projets de travail annuels avec des institutions des Nations Unies et d’autres organisations internationales.

L’industrie cotonnière peut être un des principaux domaines de renforcement de la coopération dans le cadre de ce programme, dans lequel nous pouvons instaurer des mesures de nature à améliorer encore le respect des normes internationales du travail. En outre, dans le volet du plan traitant du renforcement du cadre légal de coopération avec des organisations internationales, une disposition envisage l’adhésion à des conventions internationales et des accords multilatéraux, notamment de souscrire aux instruments internationaux de l’OIT. Notre souci premier sera la ratification des conventions de l’OIT sur l’inspection du travail.

Des représentants du secteur privé à l’échelon international ont déjà eu l’occasion de se rendre compte de la situation dont il est question. À la suite des recommandations formulées par l’OIT entre 2016 et 2020, des visites d’inspection des champs de coton ont été organisées pour des représentants de groupes de conseil à la demande de grandes firmes parmi les principaux acheteurs du coton turkmène. Après ces visites, des rapports ont été préparés à l’intention des parties intéressées. Ces visites ont eu lieu pendant la campagne cotonnière, lorsque les travailleurs sont dans les champs. Aucune violation ou irrégularité n’a été constatée pendant ces visites et les participants ont pu se rendre compte dans les faits d’une absence de recours au travail forcé.

Tout cela traduit le désir du gouvernement d’avoir avec ses partenaires un dialogue ouvert et fondé sur la confiance. À cet égard, le gouvernement tient à exprimer sa volonté de coopérer avec l’OIT pour aller de l’avant. En outre, nous avons déjà eu des discussions préliminaires avec le bureau de l’OIT à Moscou et avec le bureau du coordinateur des Nations Unies au Turkménistan pour envisager des formes de coopération sur des questions relatives au coton, et il a été proposé d’associer des institutions financières internationales à ces discussions.

Par ailleurs, j’aimerais répondre aux recommandations relatives à l’application en droit, dans le contexte de relations entre différentes parties prenantes du secteur agricole. Des travaux sont actuellement en cours pour améliorer les procédures d’attribution de contrats entre les autorités exécutives locales et des organes autonomes locaux ainsi que des producteurs agricoles et des personnes impliquées dans la récolte du coton.

En conclusion, le Turkménistan est ouvert à une nouvelle assistance technique du BIT et, pour sa part, il prendra des mesures spécifiques pour faire en sorte que les dispositions des traités internationaux soient intégralement appliquées. Dans le même temps, nous pouvons développer encore la coopération et obtenir un accord dans un avenir proche.

Membres employeurs – Ce quatrième cas de «double note de bas de page» à l’ordre du jour de la commission se rapporte à une autre convention fondamentale ratifiée par le Turkménistan en 1997. La convention no 105, ainsi que la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, ratifiées respectivement par 176 et 179 pays, sont d’une importance capitale pour l’abolition de toutes les pratiques de travail forcé dans tous les pays et tous les systèmes juridiques. Les membres employeurs sont très impliqués dans l’éradication du travail forcé à laquelle ils sont particulièrement attachés. Nous ne pouvons fermer les yeux sur aucune forme de travail forcé, en particulier s’il est planifié, pratiqué ou toléré par des autorités centrales.

C’est la deuxième fois que la commission se penche sur l’application par le Turkménistan de cette convention en droit et dans la pratique. La première discussion remonte à 2016. Le gouvernement du Turkménistan a envoyé son rapport sur la convention no 105 à la commission d’experts dans les délais. Il lui a aussi envoyé une communication que nous avons lue avec intérêt. Nous remercions le gouvernement pour ce complément d’information.

Les membres employeurs déplorent le fait qu’une deuxième discussion soit nécessaire dans cette enceinte pour amener un changement. En revanche, nous tenons à souligner l’attitude positive du gouvernement, que l’on constate dans la déclaration que nous venons d’entendre et dans la communication écrite. C’est cela que la commission représente: un forum de dialogue et un précurseur d’améliorations.

Le présent cas porte sur des pratiques de travail forcé dans la production de coton, qui affectent des salariés d’un large éventail d’institutions des secteurs public et privé, sous la menace de sanctions si des quotas de production ne sont pas atteints. Ces sanctions sont notamment des réductions de salaire, l’obligation de fournir un remplaçant ou d’autres formes de harcèlement. L’observation de la commission rend compte de ces pratiques en citant différentes sources d’information, comme par exemple la mission consultative technique du BIT de septembre 2016, les communications de la CSI de 2019 et 2020, l’observation de la Commission des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels d’octobre 2018, et les observations des parties prenantes de février 2018 au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies présentées dans le cadre de l’examen périodique universel.

D’autre part, le gouvernement nie l’existence de telles pratiques. Dans sa communication écrite, on peut lire «les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) relatives au recours généralisé par l’État au travail forcé pour la récolte du coton sont sans fondement et ne reflètent pas la réalité de la situation et, surtout, les récentes avancées, en droit et dans la pratique, visant à: 1) empêcher le travail forcé de manière générale et en particulier dans la récolte du coton; 2) la mécanisation de la récolte du coton afin de réduire la récolte manuelle. Des informations sur les travaux en cours sur ces deux aspects figurent ci-dessous.» Cette information contradictoire ne contribue pas à la discussion et elle rend incontestablement plus difficile le débat franc et ouvert que nous recherchons dans cette enceinte.

Concentrons-nous donc sur les changements positifs mentionnés par le gouvernement dans sa communication et dans la présentation que nous venons d’entendre. Le premier changement qui nous intéresse vient des avancées législatives, puisque le travail forcé et les pires formes de travail des enfants sont maintenant prohibés depuis la modification de la Constitution de 2016.

Le deuxième point est le Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021 2025, adopté en avril de cette année et qui prévoit des mesures visant à améliorer la législation sur l’interdiction du travail forcé et à instaurer une coopération avec l’OIT sur la question de l’interdiction du travail forcé, et aussi à renforcer le contrôle de l’application de la législation interdisant le travail forcé.

Le troisième changement vient du Plan de coopération avec des organisations internationales pour 2021-2023 que le gouvernement a adopté en avril de cette année et qui devrait accélérer la demande d’assistance au BIT en vue de programmes annuels de coopération sur des thèmes spécifiques, y compris sur l’industrie cotonnière.

Le quatrième changement vise l’adoption d’un cadre de coopération sur le développement durable avec les Nations Unies auquel l’OIT sera également associée.

Enfin, le cinquième changement est la mécanisation de la récolte du coton qui a eu pour effet de réduire fortement la récolte manuelle qui représentait 71 pour cent en 2015 et ne représentait plus que 28 pour cent en 2020. Il s’agit là d’évolutions positives dont les membres employeurs se félicitent. Ils constituent à coup sûr une bonne base pour de nouvelles améliorations. Quoi qu’il en soit, nous aimerions rappeler au gouvernement qu’en 2016 déjà il disait souhaiter un dialogue constructif et davantage de coopération avec l’OIT. Même si des discussions préliminaires ont été entamées avec le bureau de l’OIT à Moscou, cette coopération ne s’est toujours pas concrétisée. Nous répétons, à titre de priorité et pour aller de l’avant, qu’il est important que le gouvernement turkmène fasse appel à l’assistance technique du BIT.

Quoi qu’il en soit, les évolutions positives précitées portent uniquement sur des changements législatifs et sur l’intention de resserrer la coopération avec des institutions internationales, mais agissent peu sur l’application de la convention dans la pratique. Vingt-quatre ans ont passé depuis la ratification de la convention par le Turkménistan et des mesures importantes restent à prendre pour que la convention soit appliquée intégralement. Les membres employeurs rappellent qu’une situation similaire a aussi été discutée par la commission dans le cas de l’Ouzbékistan et qu’elle s’est terminée de façon exemplaire. Comme l’a montré le cas de l’Ouzbékistan, dans des pays dotés de systèmes spécifiques de «mobilisation du travail à des fins de développement économique», des solutions de rechange et des solutions macroéconomiques adéquates sont possibles. L’application de la convention dans la pratique peut impliquer, par exemple, de sensibiliser les autorités locales et la société, de combattre la corruption et d’appliquer une tolérance zéro à la subornation des fonctionnaires publics dans les champs de coton, de renforcer les capacités des inspecteurs du travail et autres fonctionnaires concernés, d’associer les partenaires sociaux et les parties prenantes concernées au contrôle du respect de la législation nationale.

Il se peut qu’une telle démarche nécessite de nouvelles lois et plus de ressources financières, ainsi que la mise en place de nouvelles institutions, éventuellement en collaboration avec les organisations de travailleurs et d’employeurs du pays. Le BIT est l’acteur tout désigné pour assurer la bonne mise en application de la convention grâce à son assistance technique et à une approche très constructive, et il devrait être sollicité pour élaborer un plan d’action national pour l’élimination du travail forcé dans le cadre de la récolte du coton. Des informations importantes, dont l’OIT et la commission d’experts pourraient tirer avantage, comporteraient des données sur le nombre et la nature des infractions signalées en matière de travail forcé dans les champs de coton et sur les sanctions infligées.

Pour conclure, les membres employeurs voudraient aussi exprimer leurs préoccupations à propos des informations communiquées au gouvernement dans la demande directe de la commission d’experts à propos de la pratique du travail obligatoire en tant que sanction à l’égard de personnes qui expriment des opinions politiques.

Membres travailleurs – Le travail forcé dans le cadre de la production du coton est malheureusement une problématique trop présente dans certains pays de différentes régions du monde. Au Turkménistan également, et le gouvernement a encore aujourd’hui massivement recours au travail forcé pour la production du coton. Ce recours au travail forcé est véritablement institutionnalisé et reste piloté par les plus hautes autorités du pays. En imposant des quotas de production et en menaçant de représailles tous ceux qui ne les atteindraient pas, les autorités créent un environnement propice aux abus tout au long de la chaîne de production du coton dans ce pays.

Les travailleurs mobilisés de force pour la récolte du coton en sont les principales victimes puisqu’ils sont contraints de cesser leur activité professionnelle pour aller travailler dans les champs de coton. De nombreux étudiants, parfois très jeunes, sont également réquisitionnés. Le bon fonctionnement de nombreuses institutions publiques et d’entreprises est dès lors impacté. En plus d’être mobilisés de force, ces travailleurs et ces étudiants doivent travailler dans des conditions sanitaires et de travail indécentes. Ils subissent pressions et menaces. Ils sont forcés à travailler de trop longues heures et se voient refuser les équipements de protection individuels, indispensables dans un contexte de crise sanitaire.

Selon les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) de 2019, les travailleurs de tous les secteurs ont été envoyés de force dans les champs de coton. Il ressort notamment de ces observations qu’une proportion de 70 pour cent des enseignants de la région de Mary a été mobilisée de force pour participer à la récolte de 2018. Il apparaît des dernières observations de la CSI que la mobilisation forcée des travailleurs de nombreux secteurs d’activité a continué lors des récoltes de 2019 et de 2020.

Le Turkménistan a pourtant ratifié les conventions nos 29 et 105 en 1997. Les premières observations de la commission d’experts relatives à ces pratiques de travail forcé à des fins de développement économique remontent à 2011 et, malgré une première discussion en 2016 à ce sujet au sein de cette commission, nous ne constatons aucune amélioration de la situation au Turkménistan et devons déplorer que le gouvernement turkmène ne reconnaisse même pas l’existence d’un très grave problème dans le pays.

D’autres organes internationaux ont également dressé les mêmes constats et s’inquiètent de la situation dans le pays, notamment le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. L’implication de ces organes dans le cas du Turkménistan témoigne également plus généralement de l’absence de respect de nombreux droits fondamentaux dans le pays.

L’article 1 de la convention no 105 prévoit que les États Membres l’ayant ratifiée s’engagent à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n’y recourir sous aucune forme, notamment en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. L’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990 permet à l’État et aux autorités gouvernementales de recruter des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. Le gouvernement turkmène conteste que cette notion de développement économique est utilisée dans sa législation et renvoie plutôt à la notion d’urgence contenue dans la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan, qui semblent servir de bases légales ou de prétextes au travail forcé dans les champs de coton.

Ce faisant, le gouvernement turkmène tente de se prévaloir d’une exception contenue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29, qui prévoit qu’il ne sera pas question de travail forcé lorsqu’il s’agit d’un travail exigé dans un cas de force majeure. Nous devons toutefois rejoindre la commission d’experts sur ce point: la récolte annuelle du coton ne constitue pas un cas de force majeure visé par cette disposition. Le gouvernement turkmène ne peut donc pas s’en prévaloir. Et quand bien même la notion de développement économique ne serait pas utilisée dans la législation, il apparaît en pratique que c’est bel et bien à des fins de développement économique que le gouvernement permet ces campagnes de travail forcé.

Il apparaît également du rapport de la commission d’experts que l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi. Le gouvernement turkmène n’a pas apporté de réponse à ce sujet dans ses informations écrites.

Même si la législation turkmène contient par ailleurs des dispositions interdisant le recours au travail forcé, il apparaît clairement que ces dispositions légales restent encore lettres mortes en pratique. L’absence de liberté de la presse et l’inexistence de syndicats indépendants au Turkménistan rendent toutefois très compliqué le contrôle de l’application concrète de ces législations.

Le gouvernement mentionne divers projets de plans d’action nationaux afin de mettre fin au travail forcé sans que des partenaires sociaux libres et indépendants ne semblent avoir été impliqués dans ces processus. Le gouvernement indique également investir dans la mécanisation de la récolte du coton afin de ne plus devoir recourir à trop de main-d’œuvre. La mécanisation du processus de récolte du coton ne nous semble toutefois pas offrir les garanties nécessaires afin de faire cesser durablement la pratique systématique du travail forcé au Turkménistan.

Si nous apprécions l’ouverture du gouvernement turkmène à une coopération plus poussée avec l’OIT afin de développer et mettre en œuvre des plans d’action visant à mettre fin au travail forcé, il nous semble qu’une étape importante pour le gouvernement turkmène est d’enfin reconnaître l’étendue du problème et de poser des actes concrets témoignant de sa volonté affichée de mettre fin au travail forcé. Il conviendra pour ce faire que le Turkménistan facilite également à l’avenir le travail d’investigation des organisations internationales sur son territoire pour permettre une coopération technique efficace et utile. Nous devons en effet regretter que la mission consultative technique du BIT de septembre 2016 a éprouvé les plus grandes difficultés à se rendre dans les champs de coton pour y faire les constatations d’usage.

Nous invitons le gouvernement turkmène à s’engager dans une démarche positive analogue à celles que nous avons déjà connues dans d’autres pays sur cette problématique. La réussite d’une telle démarche sera conditionnée par la garantie d’un véritable exercice de la liberté syndicale, l’implication de syndicats indépendants et la liberté d’action des organisations de la société civile. L’ouverture d’un dialogue tripartite avec les partenaires sociaux est fondamentale afin d’apporter les changements durables qui s’imposent dans le pays.

Interprétation du russe: Membre employeur, Turkménistan – Je voudrais commenter les recommandations de la commission d’experts relatives à la participation des exploitants agricoles et des entreprises privées au secteur cotonnier. Je conteste que des exploitants agricoles soient forcés de récolter le coton. La culture du coton est une activité traditionnelle et nous avons une longue expérience dans ce domaine.

Il y a les achats de l’État et des entreprises sont attirées par la possibilité d’avoir le droit de cultiver la terre pendant quatre-vingt-dix-neuf ans. Pourquoi la production agricole de coton est-elle attrayante pour les exploitants agricoles? Ils peuvent obtenir des crédits à un taux d’intérêt de 1 pour cent sur dix ans. Cela veut dire pour les exploitations agricoles la possibilité d’acheter du matériel agricole. Plus de 3 000 engins agricoles John Deere ont été vendus et on constate aussi un mouvement d’intérêt pour les marques Case et CLAAS. Elles sont aussi libérées de l’obligation de payer des taxes et des impôts, et dispensées du fermage. Le coton ne se limite pas aux volumes achetés par l’État, les exploitants pouvant aussi en disposer à leur guise, et ils sont aussi attirés par des baux à ferme de quatre-vingt-dix-neuf ans. On compte actuellement 517 associations (daikhan) dans le secteur du coton; 180 sont maintenant passées dans le secteur privé et les autres feront de même d’ici à 2025. Les entreprises agricoles sont attirées par la possibilité de réaliser des bénéfices dans ce domaine et en aucune manière ne souhaiteraient, ni ne pourraient d’ailleurs, recourir au travail forcé. L’association des entreprises du Turkménistan reçoit chaque année des milliers de déclarations de nos entreprises, mais aucune ne fait état d’informations quant à une obligation de cultiver ou récolter le coton.

Notre association fait un travail énorme pour aider nos entreprises et représenter leurs intérêts légitimes auprès des organes de l’État. Nous savons que le rapport renferme des informations sur des cas d’entreprises forcées de cultiver du coton, et nous sommes disposés à examiner tout cas pour lequel existent des informations objectives et concrètes. Nous sommes conscients des informations données par la commission d’experts, mais nous demandons aussi que notre avis soit également pris en considération.

Interprétation du russe: Membre travailleur, Turkménistan – Tout d’abord, permettez-moi de souligner qu’en 2016 la délégation du Turkménistan a déjà été entendue sur la convention no 105 à la 105e session de la Conférence de l’OIT. Nous avons examiné les commentaires et les recommandations de la CSI sur la question de l’utilisation du travail forcé pendant la récolte du coton, et je voudrais profiter de l’occasion de cette réunion pour apporter des informations sur certaines mesures que les syndicats ont prises pour mettre ces recommandations en œuvre.

Les syndicats du Turkménistan sont très attachés au principe de «tripartisme» en leur qualité de représentants des travailleurs. Suivant notre loi sur les syndicats et sa charte, les organisations syndicales exercent un contrôle social sur l’application de la législation du travail dans le pays. À cette fin, nous avons procédé à des inspections légales et techniques.

Nous avons aussi participé à de nombreux groupes de travail gouvernementaux et parlementaires et à des groupes d’experts pour l’élaboration et l’amélioration de la législation du travail et d’autres lois et règlements en rapport avec le travail et sa protection et, sur ce point, à la transposition des dispositions des conventions de l’OIT dans notre législation.

Une des activités des syndicats consiste à aider le gouvernement à appliquer les normes internationales du travail. Je dois dire que, par comparaison avec les années précédentes, les résultats obtenus cette année ont été beaucoup plus positifs. Nous participons régulièrement aux travaux d’une commission tripartite spéciale sur les questions de travail, conformément à la loi adoptée en 2019.

Le Turkménistan a ratifié la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, il y a quelques années, et elle est maintenant d’application dans le pays. En outre, cette année, le Turkménistan est devenu un État partie à la convention (nº 122) sur la politique de l’emploi, 1964. Le Turkménistan a ratifié 11 conventions, dont 9 fondamentales et 1 technique. Cela témoigne de notre attachement aux valeurs de l’OIT.

Nous participons activement aux travaux de la commission tripartite créée au sein du ministère des Affaires sociales et du Travail. Nous y avons formulé diverses propositions en vue d’améliorer notre législation du travail et, en ce moment même, nous travaillons à une nouvelle version de notre Code du travail qui comportera de nouvelles dispositions améliorant ses possibilités d’intervention sur la question au centre de la discussion.

Entre le 1er janvier et avril de cette année, nous avons conclu 121 conventions entre organisations de travailleurs et d’employeurs. Plus de 2 000, presque 3 000, conventions collectives sont en vigueur dans des institutions et des entreprises. En outre, et malgré les restrictions que nous impose actuellement la pandémie, nous collaborons dans la mesure de nos possibilités avec les sections régionales de nos syndicats pour leur permettre de poursuivre leurs activités. Cent treize inspections ont été effectuées l’an dernier et 15 pour des questions de conformité et de législation cette année.

S’agissant de la question du travail forcé, nous n’avons reçu aucun commentaire cette année, que ce soit de particuliers ou d’entreprises. Des séminaires spéciaux, des réunions et des cours de formation sont proposés, notamment pour faire en sorte que les exploitants agricoles et les travailleurs soient conscients de la situation et de leurs droits. Dix-huit séminaires de ce type ont été organisés cette année.

Au cours des deux dernières années, nous avons aussi accru notre coopération avec des institutions internationales, dont l’OIT. L’an dernier, une délégation de la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan, emmenée par son président, a visité le siège de l’OIT à Genève où des consultations fructueuses ont eu lieu avec des représentants de l’Organisation. Par conséquent, nous comprenons vos préoccupations, nous faisons de notre mieux pour faire en sorte que notre législation soit en accord avec les engagements pris par notre pays. Nous sommes certains que notre coopération débouchera sur d’autres résultats positifs. Des progrès ont certainement été accomplis à ce jour et nous espérons continuer dans cette voie.

Membre gouvernemental, Portugal – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. Les pays candidats, République de Macédoine du Nord, Monténégro et Albanie, et la Norvège, membre de de l’Association européenne de libre-échange (AELE) et de l’Espace économique européen (EEE), ainsi que la République de Moldova souscrivent aux présentes déclarations.

L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection et au respect des droits de l’homme, y compris les droits au travail, la liberté syndicale et l’abolition du travail forcé ou obligatoire comme le précise l’article 1 de la convention no 105. Nous promouvons activement la ratification et l’application universelles des normes internationales du travail fondamentales, notamment de la convention no 105, et nous soutenons l’OIT dans son rôle indispensable de développement, de promotion et de vérification de l’application des normes internationales du travail et des conventions fondamentales en particulier.

Nous remercions le Bureau et lui apportons notre total soutien pour la constance de son engagement en faveur de la promotion des droits au travail et à l’abolition du travail forcé au Turkménistan.

Nous regrettons qu’aucun progrès tangible n’ait été accompli pour s’attaquer à la question de la mobilisation de personnes en vue d’un travail forcé dans la récolte du coton depuis la discussion de ce cas par la commission et la visite d’une mission consultative technique du BIT dans le pays en 2016.

L’Union européenne et ses États membres sont vivement préoccupés par la pratique du travail forcé qui se perpétue dans le secteur du coton et par les mauvaises conditions de travail des travailleurs qui y sont employés. Le travail forcé affecte non seulement les travailleurs, mais il a aussi des conséquences pour les entreprises, les travailleurs des secteurs public et privé, comme les enseignants et les médecins, et pour les étudiants.

Nous voudrions aussi témoigner de notre déception quant au fait que le projet de programme de coopération élaboré par le gouvernement du Turkménistan avec les partenaires sociaux n’ait pas abouti, et nous prions instamment le gouvernement de se prévaloir de l’assistance technique du BIT.

Dans ce contexte, l’Union européenne et ses États membres prient instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éliminer totalement le recours au travail obligatoire de travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants dans la culture du coton.

En outre, nous nous associons totalement aux observations de la commission d’experts qui demandent que la législation soit modifiée de manière à la mettre en conformité avec la convention no 105 et faire en sorte que, en droit comme dans la pratique, aucune sanction comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée contre l’expression pacifique d’opinions opposées à l’ordre établi. Dans l’attente de l’adoption de ces mesures, nous attendons du gouvernement qu’il fournisse des informations sur l’application de la législation précitée.

Nous saluons les informations écrites communiquées par le gouvernement du Turkménistan et de la récente adoption du deuxième Plan d’action national sur les droits de l’homme et exhortons vivement le gouvernement à intensifier ses efforts en vue de sa mise en œuvre.

L’Union européenne et ses États membres sont prêts à aider le Turkménistan à remplir ses obligations et ils continueront à suivre de près et analyser la situation dans le pays.

Membre travailleuse, France – La pratique du travail forcé est particulièrement préoccupante dans le secteur public au Turkménistan. Du fait de leur dépendance envers l’État pour leur subsistance, ils sont parmi les plus vulnérables à être envoyés dans les champs au moment de la récolte. Un rapport très détaillé du Solidarity Center explique que des instructions officielles sont publiées, exigeant l’envoi de ces travailleurs récolter le coton, même si ce n’est économiquement pas rentable, information confirmée lors d’une réunion de mobilisation par un représentant des autorités, qui affirme devoir effectuer des rapports quotidiens sur le nombre de personnes envoyées dans les champs de coton, sur les tonnes récoltées, et qui exigent de ceux qui ne peuvent s’y rendre de payer quelqu’un pour y aller à leur place.

En 2020, devant la faiblesse de la récolte et le refus des agriculteurs de recourir à cette main-d’œuvre, les travailleurs ont reçu des sommes dérisoires et ont dû trouver eux-mêmes les champs à exploiter, travaillant de nuit et sans équipement. Dans la région de Dashoguz, un travailleur a ainsi témoigné gagner péniblement 1,5 manat par jour. Pour comparaison, une bouteille d’huile en vaut 15. Les mécontents se sont vu rétorquer par le fermier qu’il n’était même pas obligé de les leur donner. Aucun certificat médical ni aucune circonstance familiale ne peuvent justifier une absence. Dans la région de Lebap, la décision rendue le 28 août 2020 d’exempter les travailleurs du nettoyage des institutions et administrations du fait des risques liés à la pandémie a été contredite quinze jours plus tard, et ces travailleurs ont alterné un jour sur deux la récolte du coton et un jour sur deux le nettoyage.

La situation des femmes est encore pire, puisqu’elles sont encore plus vulnérables. En effet, elles représentent la part des travailleurs de la fonction publique les moins payés. Elles ne peuvent donc en aucun cas engager quelqu’un pour faire ce travail à leur place, et doivent donc s’y rendre elles-mêmes dans l’indifférence la plus complète de leur âge ou de leur état de santé.

Membre gouvernementale, Canada – Je prends la parole au nom des gouvernements de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, des États Unis et de mon propre pays, le Canada. Nous remercions le gouvernement du Turkménistan pour les informations qu’il a communiquées récemment à propos de l’application de la convention. Nous notons que ces informations mettent en avant des mesures prises par le gouvernement pour répondre aux observations de la commission d’experts, notamment celles adoptées dans le cadre du Plan d’action sur les droits de l’homme pour 2021-2025. Quoi qu’il en soit, nous restons vivement préoccupés par les informations faisant état d’un recours persistant au travail forcé au Turkménistan, notamment par la mobilisation par l’État de salariés des secteurs public et privé ainsi que d’étudiants, sous la menace de sanctions. En 2016, la commission avait exhorté le gouvernement à mettre fin à cette pratique. Or les récentes observations de la commission d’experts ne notent aucun progrès tangible de la part du gouvernement pour remédier de manière efficace à ces questions au cours des cinq dernières années.

En conséquence, nous exhortons le gouvernement turkmène à prendre immédiatement des mesures efficaces afin, premièrement, d’utiliser toutes les mesures législatives et investigatives existantes pour éliminer, en droit et dans la pratique, la mobilisation et l’utilisation du travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée sous l’égide de l’État; deuxièmement, de fournir à l’OIT des informations sur les mesures prises pour mettre fin au travail forcé et sur les résultats obtenus, y compris sur le nombre des infractions constatées et sur les sanctions appliquées; et, troisièmement, de se prévaloir de l’assistance technique du BIT en vue d’éliminer le travail forcé et d’améliorer le recrutement et les conditions de travail dans le secteur du coton.

Nous nous réjouissons de l’intention annoncée récemment par le gouvernement de coopérer avec l’OIT et d’autres organisations internationales afin d’empêcher le recours au travail forcé de progresser dans le pays. Pour ce faire, nous appelons le gouvernement à permettre à ces organisations de se rendre dans les champs de coton afin d’observer la récolte.

Le travail forcé est un problème grave. Le travail forcé parrainé par l’État turkmène est une violation flagrante des obligations contractées par le gouvernement au titre de la convention et est incompatible avec la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998. Nous espérons sincèrement que le prochain rapport du gouvernement à la commission d’experts mettra en lumière une évolution positive vers l’élimination du travail forcé au Turkménistan.

Membre travailleur, États-Unis d’Amérique – Hélas, des observateurs indépendants et des canaux de presse ont continué à corroborer un recours systématique au travail forcé dans les régions de culture du coton du Turkménistan pendant la récolte de 2020, comme ils l’avaient fait les années précédentes.

Le rapport de la commission d’experts note l’absence de progrès tangible dans le traitement de la question de la mobilisation de personnes à des fins de travail forcé dans la récolte du coton depuis la discussion de ce cas par la Commission de la Conférence et la visite d’une mission consultative technique du BIT dans le pays en 2016. L’État fixe toujours des quotas de production obligatoires assortis de sanctions sévères, y compris la confiscation des terres, la cessation d’emploi et le refus de prestations sociales, afin de forcer les exploitants agricoles et les citoyens à cultiver et récolter le coton. Il est impossible de produire du coton au Turkménistan en-dehors de ce système.

En mai 2018, le gouvernement des États-Unis a publié une ordonnance draconienne interdisant l’importation de produits fabriqués en totalité ou en partie avec du coton turkmène en raison des preuves accablantes de sa production dans un système fermé géré par l’État et reposant sur le travail forcé. Les entreprises et les importateurs qui font entrer dans le pays des produits contenant du coton du Turkménistan au mépris de cette interdiction s’exposent à de lourdes amendes, voire à des poursuites pénales.

Le travail forcé est l’antithèse du travail décent et une violation choquante des droits au travail et des droits de l’homme. Nous demandons à la commission de condamner cette pratique dans les termes les plus fermes et exigeons que le gouvernement du Turkménistan prenne des mesures concrètes, vérifiables pour mettre fin au travail forcé pendant la récolte du coton de cette année.

Interprétation du russe: Membre gouvernemental, Fédération de Russie – La Fédération de Russie partage totalement les arguments avancés par le représentant du Turkménistan s’agissant de l’application de la convention. Nous considérons les allégations dirigées contre le Turkménistan et faisant état d’une utilisation généralisée du travail forcé pour la culture du coton totalement infondées. Elles ne tiennent pas compte des efforts significatifs consentis par Achgabat pour mécaniser le secteur et éliminer totalement le travail forcé.

Nous espérons que la commission prendra note avec satisfaction du compte rendu détaillé qui a été présenté ce jour par le ministre du Turkménistan et mettra un terme à l’examen de cette question. À titre de remarque générale, il est inacceptable que des rapports thématiques par pays soient liés à des événements internes, quel que soit le pays. La Fédération de Russie appelle la Conférence internationale du Travail, ou plutôt nous appelons la CSI et ses comités, à renoncer à des agendas empreints de préjugés politiques et qui suscitent la confrontation au profit d’une démarche constructive et mutuellement respectueuse afin de promouvoir le travail décent et d’améliorer les instruments qui protègent les intérêts des travailleurs et des employeurs.

Interprétation du russe: Membre travailleur, Fédération de Russie – La commission a noté plus d’une fois que le Turkménistan ne respecte pas la convention. Le Turkménistan est un des pays les plus fermés au monde et la liberté d’expression y est inexistante. Nous savons qu’il a aussi de graves problèmes de respect de la liberté syndicale et du droit d’organisation. Il n’existe pas de syndicats libres à proprement parler dans ce pays. Par conséquent, il est très difficile d’obtenir des informations sur la situation des droits au travail dans le pays. Toutefois, il semble effectivement y avoir un recours systématique et organisé par le gouvernement au travail forcé dans l’agriculture, en particulier dans l’industrie cotonnière.

Le travail forcé des enfants a aussi été démontré. Les conscrits doivent également participer à la récolte du coton sans être rémunérés, comme c’est le cas pour d’autres aussi. Dans beaucoup de régions, il semble que certains soient contraints de verser 20 manat deux ou trois fois par semaine pour leur subsistance pendant qu’ils participent à la récolte du coton.

Les exploitants agricoles ne sont pas autorisés à pratiquer des activités agricoles plus rémunératrices. Le gouvernement les en empêche. Les autorités se sont servies de la pandémie de coronavirus comme excuse pour mobiliser de force des travailleurs dans le courant de cette année et de la précédente. Bon nombre de travailleurs mobilisés de la sorte ne perçoivent aucun salaire, n’ont aucune protection et aucun moyen de transport pour les emmener sur leur lieu de travail et où ils combattaient le virus. Nous demandons instamment que des mesures d’urgence soient prises pour protéger les travailleurs du Turkménistan et leurs droits et pour mettre la situation dans ce pays en pleine conformité avec les engagements résultant de la convention. C’est ce qui doit être fait.

Membre gouvernemental, Suisse – La Suisse regrette de devoir à nouveau discuter du respect de la convention – une convention fondamentale – par le Turkménistan. Selon diverses sources, le recours au travail forcé par la mobilisation et l’utilisation de la main-d’œuvre dans la production de coton est une pratique courante au Turkménistan. Cette pratique constitue une violation grave des normes internationales qui garantissent la démocratie et l’État de droit, y compris les libertés fondamentales d’expression et d’association, telles que l’expression pacifique d’opinions politiques. Par ailleurs, cette pratique nuit aux travailleurs et aux agriculteurs.

Malgré certaines mesures prises en 2016, le gouvernement turkmène continue, selon diverses sources, de pratiquer le travail forcé dans le secteur du coton. Une telle pratique ne peut pas se justifier pour des raisons de développement économique. Pour rappel, la convention interdit le travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. C’est dans ce contexte que la Suisse encourage le gouvernement à mettre en place des mesures concrètes pour éliminer, en droit et en pratique, le travail forcé de manière conforme à la convention.

Enfin, la Suisse soutient les conclusions et recommandations de la commission d’experts d’informer sur les mesures prises et les résultats concrets obtenus, et de continuer à utiliser l’assistance technique du BIT pour améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton.

Membre gouvernemental, Azerbaïdjan – Ma délégation remercie la délégation du Turkménistan d’avoir fait le point sur l’application de la convention pour la commission. L’Azerbaïdjan apprécie les efforts consentis par le gouvernement pour assurer l’application de la convention dans les faits et pour faire respecter l’interdiction du travail forcé et l’éradiquer dans le pays. Nous notons que l’interdiction du recours au travail forcé est inscrite dans la nouvelle Constitution du Turkménistan, adoptée en 2016, ce qui témoigne de sa volonté de se conformer à toutes ses obligations découlant de la convention et des instruments internationaux pertinents.

Nous sommes conscients que le gouvernement a continué à mettre en place des cadres stratégiques tels que le Plan d’action national sur les droits de l’homme récemment adopté et le Plan pour la coopération avec les organisations internationales. Le premier en particulier prévoit un ensemble de mesures visant à améliorer la législation relative à l’interdiction du travail forcé, à développer la coopération avec l’OIT s’agissant de la prévention du travail forcé, et à renforcer le contrôle de l’application de la législation. Nous nous félicitons aussi des mesures d’ordre pratique prises par le gouvernement pour réduire la récolte manuelle du coton.

Ces actions du gouvernement témoignent de son engagement et de sa volonté de répondre aux préoccupations qui se sont exprimées, avec la participation active du BIT. Nous encourageons le gouvernement à continuer de collaborer étroitement avec l’OIT et à accroître ses efforts pour appliquer les normes de l’OIT. Par ailleurs, dans l’accomplissement de ses obligations en matière de travail, nous invitons l’OIT à apporter son soutien entier au gouvernement du Turkménistan et à lui fournir toute l’assistance consultative technique qu’il pourrait solliciter à cet égard.

Membre gouvernementale, Ouzbékistan – La délégation gouvernementale de la République d’Ouzbékistan se félicite de l’esprit d’ouverture et de l’interaction active du gouvernement turkmène avec l’OIT s’agissant de l’application des normes internationales fondamentales, et notamment de la convention no 105. Nous en voulons pour illustration la mise en œuvre du Plan d’action national sur les droits de l’homme qui a été élaboré en tenant compte de précédentes pratiques qui ont fait leurs preuves et a été approuvé par le Président du Turkménistan. Nous apprécions vivement les efforts du gouvernement turkmène pour améliorer la législation nationale visant à l’éradication du travail forcé, pour renforcer la coopération avec l’OIT sur la question de la prévention du travail forcé et une coopération fructueuse avec d’autres organisations internationales.

Nous sommes persuadés que les mesures prises par le Turkménistan traduisent la volonté du gouvernement de garantir les droits au travail et méritent d’être reconnues par la commission.

Observateur, Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) – Au Turkménistan, toutes les terres agricoles sont la propriété de l’État. Les associations d’exploitants agricoles sont les locataires de l’État dont ils louent les terres. L’État a le monopole sur les achats et fixe les prix payés aux exploitants. Les locataires qui ne remplissent pas leurs obligations reçoivent des amendes et peuvent voir leurs terres confisquées. Un système dans lequel les exploitants agricoles ne peuvent pas décider librement ce qu’ils vont cultiver, où ils vont le faire, qui n’ont pas la possibilité de négocier le prix de vente de leur production, dans lequel les travailleurs n’ont pas la possibilité de s’organiser ni de négocier leur rémunération et leurs conditions de travail est un système qui doit inévitablement dépendre de l’utilisation du travail forcé.

Nous avons suffisamment de preuves pour conclure que ce problème de l’agriculture turkmène est en fait endémique. Les observateurs indépendants ont étayé leurs propos en dépit des efforts du gouvernement pour les réduire au silence, ce qui s’est passé pour Gaspar Matalayev, condamné à trois ans de prison en octobre 2016 pour sa tentative de divulguer les conditions de travail dans les plantations de coton. Son mandat d’arrêt a été délivré quelques mois à peine après que la commission avait examiné pour la première fois la question du travail forcé au Turkménistan, alors que le gouvernement se disait ouvert à un dialogue constructif et prêt à coopérer.

La commission a adopté des recommandations à plusieurs reprises. Toutes n’ont été acceptées par le gouvernement que pour la forme, puisqu’il nie de manière persistante tout recours au travail forcé dans le pays. Cette position est une fois de plus réitérée dans la communication du gouvernement à la commission datée du 20 mai 2021. Le gouvernement affirme de manière répétée qu’il est ouvert à la coopération avec l’OIT, or nous ne voyons aucune preuve tangible d’une telle ouverture. L’OIT devrait continuer à prendre toutes les mesures possibles pour obtenir du gouvernement qu’il observe les obligations qui lui incombent au titre de la convention.

Interprétation du russe: Représentant gouvernemental – Au nom de la délégation du Turkménistan, je voudrais exprimer notre gratitude à la commission pour le travail effectué et pour le dialogue constructif que nous avons eu avec les délégués, en particulier avec ceux qui ont exprimé leur soutien au Turkménistan. Nous sommes également reconnaissants au porte-parole des membres employeurs pour son approche constructive du dialogue et des éléments matériels apportés par le Turkménistan à cette réunion. Nous avons fait beaucoup, et nous le faisons encore, pour nous conformer à la convention non seulement en adoptant des textes de loi, mais aussi en les appliquant.

Quant au porte-parole des membres travailleurs, j’aurais voulu qu’il porte peut-être un peu plus d’attention aux commentaires du gouvernement. Les propos faisant état d’une institutionnalisation du travail forcé au Turkménistan sont infondés et inexacts. Ils ne reflètent pas la situation réelle sur le terrain. Une fois encore, je tiens à dire que la loi de 1990 sur l’état d’urgence a été remplacée, en 2013, par une autre qui ne contient aucune disposition relative à la récolte du coton. Comme je l’ai dit, nous n’utilisons pas non plus le concept des «fins de développement économique». Nous essayons de mécaniser davantage notre industrie cotonnière, comme l’illustrent les statistiques que nous avons fournies. En outre, le gouvernement s’efforce manifestement de faire de la mécanisation de l’agriculture une priorité.

La commission d’experts a formulé certaines recommandations et certains commentaires positifs que nous allons, bien entendu, étudier attentivement à Achgabat, et nous les analyserons. Au nom de mon gouvernement, je voudrais dire – et je le dis avec assurance – que nous considérons la coopération avec l’OIT comme une chose que nous souhaiterions plus régulière et systématique à l’avenir. Nous serons heureux de faire tout ce qui est nécessaire pour faire en sorte d’être en totale conformité avec nos obligations conventionnelles, et nous sommes persuadés que nous pouvons y arriver. Une poursuite de la coopération peut se faire par le biais d’une transposition des dispositions des conventions de l’OIT dans notre législation, en dispensant une formation à la population et en la sensibilisant à la question, et par une vérification du respect des conventions par une coopération tripartite. Nous serons heureux de faire tout cela.

Membres travailleurs – Nous remercions le représentant du gouvernement turkmène pour les informations qu’il a pu nous fournir au cours de la discussion. Et je peux le rassurer, je l’ai écouté très attentivement. Nous remercions également les différents intervenants pour leur contribution à cette discussion.

Il est indéniable que le Turkménistan a encore aujourd’hui massivement recours au travail forcé pour la récolte du coton. Il ne s’agit pas de simples allégations mais d’informations vérifiées auprès de différentes sources présentes sur le terrain. Il n’est pas raisonnable de mettre ces informations en balance avec les dénégations répétées du gouvernement turkmène sur la problématique avérée du travail forcé dans le pays. Nous partageons la profonde préoccupation de la commission d’experts face à la persistance des pratiques de travail forcé et les mauvaises conditions de travail des personnes forcées à travailler dans le secteur du coton, et ce en violation manifeste de la convention.

Il est indispensable que le gouvernement prenne toutes les mesures, en droit comme en pratique, pour éliminer le recours au travail forcé des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, notamment en s’assurant que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence, la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan, l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990 et l’article 19 du Code du travail ne puissent servir de bases légales au travail forcé dans les champs de coton.

Le gouvernement veillera à cesser de brandir des menaces envers ceux qui ne parviendraient pas à rencontrer les quotas fixés par les autorités. Ces pressions exercées sur les autorités à tous les niveaux pour rencontrer ces quotas induisent de nombreux abus dont les travailleurs sont les premières victimes. Il convient que le gouvernement agisse en conformité avec la convention et les législations nationales réprimant le recours au travail forcé, en émettant des instructions claires sur l’interdiction du recours au travail forcé et en poursuivant et sanctionnant, le cas échéant, les fonctionnaires qui y auraient tout de même recours.

Le gouvernement veillera à développer un plan d’action national en collaboration avec les partenaires sociaux afin d’éliminer durablement le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’État.

Il ressort du rapport de la commission d’experts que des contacts préliminaires ont été pris avec l’OIT afin d’entamer une coopération pour mettre fin à ces pratiques contraires à la convention sans véritablement aboutir à des engagements concrets. Nous invitons dès lors le gouvernement à intensifier ces contacts et à y associer les partenaires sociaux ainsi que toutes les organisations de la société civile qui suivent la situation au Turkménistan. Dans cette perspective, il sera fondamental de garantir l’accès aux champs de coton aux partenaires sociaux, à la presse et à toute organisation de la société civile qui seront libres de rapporter les constatations qu’ils auront dressées sans crainte de représailles. Il est évident que l’implication des partenaires sociaux dans le développement et la mise en œuvre d’un tel plan d’action national passera par la reconnaissance pleine et entière de la liberté syndicale dans le pays afin que les travailleurs et les employeurs du pays puissent être représentés.

Afin de garantir la réalisation de tous ces objectifs, nous invitons le gouvernement du Turkménistan à accepter la venue d’une mission de haut niveau de l’OIT avant la prochaine Conférence internationale du Travail et pendant la période de récolte; mission qui devra se voir accorder toutes les facilités afin de pouvoir mener à bien sa mission.

Membres employeurs – Les membres employeurs souhaitent remercier le gouvernement pour ces utiles informations, notamment sur sa volonté de coopérer avec l’OIT. Nous souhaitons aussi remercier les délégués des organisations syndicales et du gouvernement qui nous ont fait part de leurs commentaires sur ce cas, et souligner leur attachement à l’éradication du travail forcé.

À la lumière des débats, les membres employeurs invitent le gouvernement à s’engager réellement pour mettre sa pratique en conformité avec la convention. La première priorité est le soutien de l’OIT, et le gouvernement devrait solliciter l’assistance technique du Bureau afin de se conformer à la convention, en droit comme dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour l’élimination du travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’État.

Les membres employeurs closent la discussion de ce cas en recommandant au gouvernement de prendre des mesures efficaces, en droit comme dans la pratique, pour s’assurer que personne, que ce soit dans le secteur public ou le privé, sous la menace de sanctions pour ne pas avoir atteint les quotas de production, n’est forcé de travailler pour la récolte du coton; de s’assurer que les autorités locales, les inspecteurs du travail et les fonctionnaires publics sont dûment informés de la législation applicable au travail forcé et de poursuivre et sanctionner comme il se doit tout fonctionnaire public qui participe à la mobilisation forcée de travailleurs pour la culture ou la récolte du coton au mépris de la convention; de permettre aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile de contrôler et établir l’existence de tout cas de travail forcé lors de la récolte du coton, sans devoir craindre des représailles; et, enfin, de fournir à la commission d’experts des informations sur le nombre et la nature des infractions signalées en matière de travail forcé dans les champs de coton et sur les sanctions appliquées.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies par écrit et oralement et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté avec une profonde préoccupation la persistance d’un recours généralisé au travail forcé lors de la récolte annuelle de coton organisée par l’État turkmène et l’absence de progrès significatifs sur la question depuis le dernier examen de ce cas par la commission en 2016.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement du Turkménistan de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour:

- en application de l’article 1 b) de la convention, assurer que, en droit et dans la pratique, nul n’est contraint, y compris les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé et les étudiants, de participer à la récolte de coton organisée par l’État ni menacé de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints;

- assurer que, conformément à la convention, la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence, la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan et l’article 19 du Code du travail ne servent pas de base légale ou de prétexte au travail forcé;

- rendre compte du statut de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence;

- mettre fin aux quotas obligatoires de production et de récolte de coton;

- poursuivre et sanctionner de manière appropriée tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la culture ou la récolte du coton;.

- élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, un plan d’action visant à éliminer, en droit et dans la pratique, le travail forcé lors de la récolte du coton organisée par l’État, et à améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton, conformément aux normes internationales du travail; et

- permettre aux partenaires sociaux indépendants, à la presse et aux organisations de la société civile de suivre et de réunir des informations sur les cas de travail forcé lors de la récolte du coton sans craindre de représailles.

Afin de mettre efficacement en œuvre toutes ces recommandations, la commission demande au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau du BIT qui bénéficiera de tous les aménagements nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions avant la prochaine Conférence internationale du Travail et pendant la saison des récoltes.

Un autre représentant gouvernemental – Tout d’abord, je voudrais saisir cette occasion pour remercier toutes les parties qui ont participé à l’examen du cas concernant l’application par le Turkménistan de la convention no 105. Nous prenons note des conclusions de la commission.

Ensuite, nous considérons que les observations relatives au recours généralisé et systématique au travail forcé dans la culture du coton au Turkménistan sont totalement infondées. La commission n’a pas pris en compte les efforts importants que le Turkménistan a déployés pour mécaniser le secteur du coton et éliminer totalement le travail forcé.

Lors de son intervention du 8 juin 2021, le ministre du Travail a fourni des données statistiques concrètes sur le processus de mécanisation de ce secteur. Malheureusement, les conclusions de la commission démontrent une fois de plus que la commission ou ses membres ont adopté une attitude partiale et une approche sélective des faits qui ont été mis en avant lors de la discussion. En particulier, le deuxième point du troisième paragraphe porte sur l’application de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence et sur la loi de 2013 sur l’état d’urgence. Je tiens à vous informer que dans toute l’histoire de l’indépendance du Turkménistan, ces dispositions n’ont jamais été appliquées puisque l’état d’urgence n’a jamais été déclaré. Ce point n’est donc pas du tout pertinent.

Le troisième point du même paragraphe demande de rendre compte du statut de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, qui a été remplacée en 2013 par la loi sur l’état d’urgence, alors que nous avons déjà indiqué que ni la loi de 1990 ni la loi de 2013 ne contiennent l’expression «fins de développement économique». Nous sommes prêts à fournir les textes de ces deux lois aux fins de votre examen.

En conclusion, comme l’a déclaré à plusieurs reprises le chef de notre délégation, le Turkménistan est déterminé et prêt à coopérer avec le BIT pour remplir ses obligations découlant des conventions sur le travail. Nous avons déjà proposé diverses formes et modalités de coopération possibles avec le BIT, et nous sommes prêts à envisager d’autres options acceptables pour les deux parties.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

 2016-Turkmenistan-C105-Fr

Un représentant gouvernemental a rappelé les dispositions législatives pertinentes, notamment l’article 63 du Code des infractions administratives et l’article 223 du Code pénal, et a indiqué que le travail forcé n’est pas imposé en cas de violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. Il a indiqué que «la rééducation par le travail», en tant que sanction pénale, relève de l’exception prévue à l’article 2 c) de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930. De fait, en vertu de l’article 50 du Code pénal, les peines de rééducation par le travail ne sont imposées qu’en application d’une décision judiciaire et donnent lieu au versement des salaires correspondants. Parallèlement, la législation restreint le recours à la rééducation par le travail pour certaines catégories de citoyens. S’agissant des commentaires de la commission d’experts au sujet des sanctions imposées en cas d’insultes ou propos diffamatoires envers le Président du Turkménistan, y compris via la publication de matériels sur Internet (art. 176 et 192 du Code pénal et art. 30(3) de la loi sur le développement et les services d’Internet du 20 décembre 2014), les citoyens du Turkménistan jouissent de la liberté d’opinion et d’expression et du droit d’échanger des informations. L’application des dispositions de la législation nationale ne devrait pas être interprétée comme une sanction et, à ce titre, n’entre pas dans le cadre de l’interdiction prévue par l’article 1 a) de la convention no 105. En outre, la Constitution du Turkménistan garantit la liberté de réunion et le droit d’organiser des rassemblements et manifestations. Le 28 février 2015, le Parlement du Turkménistan a adopté une loi visant en particulier à garantir l’exercice des droits constitutionnels des citoyens relatifs à l’organisation de rassemblements, réunions et manifestations, et autres événements publics de grande ampleur. Dans ce contexte, les sanctions administratives prévues le sont pour violation de la procédure prévue par la législation, et non pour l’expression d’opinions politiques. Néanmoins, une peine de rétention administrative peut être imposée dans des circonstances exceptionnelles, pour certains types d’infractions administratives seulement, et ne comporte pas l’obligation d’exercer un travail d’intérêt général ou toute autre forme de travail obligatoire. L’accent a été mis sur le fait que le Parlement du Turkménistan débat actuellement d’une nouvelle constitution, en tenant compte des expériences internationales dans le domaine de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans le cadre de ces réformes législatives, des travaux sont également en cours relativement à un projet de loi portant création du poste de défenseur des droits de l’homme.

Concernant les commentaires de la commission d’experts sur le travail forcé pendant la récolte du coton, l’orateur a indiqué que le secteur agricole représente moins de 4 pour cent du PIB. Dans le même temps, le pays attache une attention particulière au développement et à l’amélioration du secteur agricole, à l’introduction de technologies modernes innovantes en vue de la création d’emplois, ainsi qu’aux mesures de soutien des exploitations agricoles et des petites et moyennes entreprises. Les exploitants agricoles bénéficient d’un soutien et de mesures d’incitation de la part de l’Etat sous la forme de prêts préférentiels allant jusqu’à dix ans, avec un taux d’intérêt de 1 pour cent annuel. Le prix d’achat du coton a également été augmenté. Au Turkménistan, le travail forcé est interdit en vertu de l’article 8 du Code du travail. De plus, dans le cadre des réformes constitutionnelles, l’interdiction du travail forcé sera intégrée à la nouvelle constitution. Conformément à la loi sur l’éducation et les droits de l’enfant, le gouvernement doit protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation au travail, par des mesures d’ordre juridique, économique, social, sanitaire et éducatif. Les étudiants n’ont pas le droit de travailler pendant l’année scolaire dans le secteur agricole ou autres secteurs n’étant pas liés à leurs études. La législation mentionnée par la commission d’experts dans ses commentaires, à savoir la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, a été abrogée. En ce qui concerne les commentaires sur l’imposition du travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique, la loi sur l’état d’urgence ne prévoit pas ce type de mobilisation. Conformément au Code des infractions administratives, des sanctions comprenant des suspensions administratives allant jusqu’à trois mois sont imposées aux employeurs qui n’ont pas été en mesure d’interdire le recours au travail forcé et au travail de personnes de moins de 18 ans. Les citoyens peuvent présenter des plaintes ou des demandes officielles de réparation pour recours au travail forcé. Cependant, aucune information ni plainte n’a été enregistrée concernant le recours au travail forcé. Le gouvernement souhaite poursuivre sa coopération avec le BIT à propos des questions soulevées par la commission d’experts. Le gouvernement est engagé dans un dialogue constructif et une collaboration permanente, comme en témoignent les réunions récentes et les visites officielles organisées par le BIT au Turkménistan, ainsi que les activités menées dans le pays relativement à l’application des normes internationales de travail.

Les membres travailleurs ont affirmé que le Turkménistan est le neuvième plus grand producteur et le septième plus grand exportateur de coton dans le monde et qu’il maintient ce rang grâce à un système de travail forcé chapeauté par l’Etat. Le gouvernement maintient un contrôle total de la production du coton et oblige les agriculteurs à respecter des quotas annuels. Pendant la récolte, les autorités obligent, sous la menace du licenciement, les travailleurs du secteur public soit à récolter le coton, soit à payer des dessous-de-table, soit à embaucher quelqu’un pour les remplacer. Les autorités forcent également les entreprises du secteur privé à apporter leur contribution à la tâche, en argent, en main-d’œuvre ou en nature, en brandissant la menace de la fermeture pure et simple de leurs établissements. Le travail forcé dans l’industrie du coton se déroule dans un climat de violation généralisée des droits de l’homme dans le pays. Le gouvernement est accusé d’être responsable de centaines de disparitions forcées et d’ordonner des peines de prison comme mesures de représailles politiques. Le gouvernement nie également le droit des travailleurs à la liberté syndicale, de réunion et d’expression, ce qui facilite le recours au travail forcé. Ceux qui essaient d’amasser des preuves contre le travail forcé dans l’industrie du coton le font à leurs risques et périls, et doivent donc agir de manière anonyme pour éviter harcèlements et représailles. Les membres travailleurs ont ensuite souligné que le gouvernement, bien qu’il ait adopté des lois qui interdisent le travail forcé, a ignoré à plusieurs reprises les profondes préoccupations exprimées par la commission d’experts concernant l’application des conventions nos 29 et 105. En 2016, la commission d’experts a de nouveau incité expressément le gouvernement à prendre sans tarder des mesures spécifiques et efficaces pour assurer l’élimination complète de l’utilisation du travail forcé par des travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et le Comité des droits de l’enfant ont également observé que les enfants étaient toujours impliqués dans la récolte du coton. Des informations fiables issues de rapports d’ONG concernant la récolte 2015 montrent clairement que le gouvernement a continué à utiliser de manière généralisée le travail forcé, au mépris total des demandes de l’OIT et d’autres agences des Nations Unies. Ces différents éléments démontrent que la commission d’experts a eu raison de porter ce cas à l’attention de la commission en lui attribuant une double note de bas de page.

Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que le gouvernement utilise diverses formes de coercition pour assurer la mise en œuvre du plan de production du coton. Le Président du Turkménistan menace les gouverneurs régionaux de les congédier s’ils ne parviennent pas à remplir leur objectif régional de production de coton. A leur tour, les responsables régionaux et de district menacent les chefs des associations agricoles de les limoger s’ils ne remplissent pas leurs quotas. Les associations menacent ensuite les agriculteurs de leur retirer leurs terres s’ils n’atteignent pas leurs objectifs. Et les travailleurs risquent le licenciement s’ils refusent de participer à la récolte, de payer un pot-de-vin ou d’embaucher quelqu’un à leur place. Lors de la récolte 2015, marquée par son caractère tardif et par les faibles rendements, le Président a reproché à plusieurs reprises aux gouverneurs régionaux la lenteur de la production, obligeant ces derniers à envoyer plus de travailleurs dans les champs afin d’accélérer celle-ci. Les administrateurs scolaires ont envoyé les enseignants récolter le coton plusieurs jours par semaine tout au long de la période de récolte dans les régions de Dashoguz, Lebap et Mary et, partout dans le pays, les enseignants ont indiqué qu’ils avaient le choix soit de travailler à la récolte, soit de payer un pot-de-vin ou bien de tirer un trait sur leur carrière. Les membres travailleurs ont ensuite cité des témoignages d’un employé du service public contraint de prendre part à la récolte ainsi que d’un travailleur embauché par un enseignant pour effectuer la récolte à sa place, soulignant tant les mauvaises conditions de travail que les pratiques de corruption accompagnant le contrôle du respect des objectifs de production fixés par l’Etat.

Les membres travailleurs ont également souligné que l’université agricole de Turkmènes et l’institut agricole de Dashoguz ont forcé près de 2 000 étudiants à aller récolter le coton sous peine d’être exclus de l’établissement, et que les administrateurs scolaires des régions d’Akhal et de Dashoguz ont fait de même avec leurs élèves. Ils ont également indiqué que le travail forcé des parents mis en place par le gouvernement pour faire respecter les quotas a entraîné, au moins dans le district de Boldumasaz (région de Dashoguz), le recours au travail des enfants, les parents craignant de perdre leur emploi s’ils n’atteignent pas le quota de coton qui leur a été assigné. Le gouvernement considère tout refus de contribuer à la récolte du coton comme des cas d’insubordination, d’incitation au sabotage et de mépris de la patrie entraînant l’application de sanctions administratives allant jusqu’au licenciement. Le taux de chômage élevé au Turkménistan renforce l’impact des menaces de licenciement suite au refus de participer à la récolte de coton. Les membres travailleurs ont enfin indiqué que le gouvernement devrait s’inspirer des conclusions de la commission relatives à des cas similaires. Il est nécessaire que, avec l’assistance technique du BIT, le gouvernement adopte et mette en œuvre sans tarder un plan d’action exhaustif permettant l’élimination totale du travail forcé dans le pays.

Les membres employeurs se sont félicités de la déclaration du gouvernement indiquant qu’il est prêt à collaborer avec le BIT pour s’attaquer aux problèmes que pose le respect des normes internationales du travail. Les dispositions de la convention sur l’interdiction du recours au travail forcé ou au travail obligatoire comme moyen de coercition politique ou d’éducation ou comme sanction pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, et en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique, semblent être pertinentes dans ce cas. Ils ont rappelé que, dans la première partie de ses observations, la commission d’experts a mis l’accent sur l’article 1 a) de la convention indiquant que, en vertu de l’article 178(2) du Code des infractions administratives de 1984 et de l’article 223 du Code pénal, toute violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations constitue un délit à la fois administratif et pénal passible d’une amende, d’une peine de rétention administrative ou de rééducation par le travail. Le gouvernement n’a pas fourni les informations relatives à l’application dans la pratique de ces dispositions, et la commission d’experts a noté que des modifications ont été apportées à l’article 178(2) du Code des infractions administratives de 1984, alors que l’article 223 du Code pénal reste inchangé, et que les articles 176 et 192 du Code pénal établissent des sanctions pour des délits passibles d’une amende, d’une peine de rééducation par le travail jusqu’à deux ans ou d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans. Les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de l’article 63 du Code des infractions administratives de 1984, des articles 176, 192 et 223 du Code pénal, et de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, afin d’assurer qu’aucune peine comportant du travail obligatoire n’est imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi.

S’agissant de l’article 1 b) de la convention, les membres employeurs ont rappelé que la commission d’experts a fait observer que la notion de «à des fins de développement économique», conformément à l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, ne satisfait pas aux critères de la force majeure telle que mentionnée par l’article 1 b) de la convention. La commission d’experts est profondément préoccupée par le recours répandu au travail forcé dans la production de coton. Notamment, des personnes sont forcées, sous la menace de sanctions, de ramasser le coton pour remplir les objectifs de production fixés par l’Etat. Le gouvernement oblige les fermiers à remplir les quotas de production annuelle de coton, et des milliers de travailleurs récoltent le coton sous la menace de perdre leur terre, leur emploi et leurs salaires. Des entreprises sont forcées d’envoyer des salariés récolter le coton sous la menace de contrôles exceptionnels des services des finances, des impôts et de la lutte contre l’incendie, tandis que des sociétés de transport sont obligées de participer en transportant des travailleurs vers les champs de coton, sans la moindre indemnité et sous la menace d’un retrait de leurs licences par la police. Rappelant que la convention, qui prévoit l’abolition de toute forme de travail forcé dans cinq cas spécifiques, a pour but de compléter la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, les membres employeurs ont souligné qu’ils s’opposent depuis longtemps au recours au travail forcé à des fins de développement économique. Ils ont invité instamment le gouvernement à prendre sans délai des mesures efficaces afin d’éliminer totalement le recours au travail forcé pour la récolte du coton et ont en outre demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cette fin et sur les résultats concrets obtenus. A cet égard, ils ont encouragé le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT. Les membres employeurs se sont déclarés préoccupés par la demande directe dans laquelle la commission d’experts, notant que l’article 16 de la loi sur la fonction publique interdit aux fonctionnaires de faire grève, demande au gouvernement de fournir des informations sur les sanctions susceptibles d’être imposées aux travailleurs qui participent à des grèves dans la fonction publique. Reconnaissant que la participation à des grèves pacifiques, dès lors que cette action de revendication est reconnue au niveau national, ne doit pas entraîner l’imposition du travail forcé, ils ont déclaré que cette disposition de la convention ne reconnaît pas un droit général à la grève et que, en conséquence, les sanctions imposées aux travailleurs grévistes qui n’imposent pas le travail forcé, ne relèvent pas du champ d’application de la convention. Les membres employeurs ont conclu en soulignant la gravité de ce cas et en espérant que le gouvernement prenne les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour veiller à ce qu’aucune sanction comportant une obligation de travailler ne soit imposée pour l’expression pacifique d’opinions publiques qui s’opposent à l’ordre établi et qu’il adopte sans tarder des mesures efficaces pour éliminer totalement le recours au travail forcé dans la culture du coton.

Le membre travailleur du Turkménistan a fait référence à un accord tripartite signé entre le gouvernement et les partenaires sociaux, dans le but de promouvoir le dialogue social et de mettre un terme à certaines situations regrettables qui persistent dans le pays. Les lois et règlements adoptés récemment font l’objet d’une discussion tripartite, et les organisations de travailleurs nationales prennent actuellement une part active au processus de modification de la législation, y compris de la Constitution. La nouvelle constitution contiendra une disposition interdisant spécifiquement le travail forcé, et les organisations de travailleurs y apportent leur soutien. L’orateur s’est également félicité de la décision de créer un poste de défenseur des droits de l’homme. L’inspection du travail est une réalité dans toutes les régions du pays. Quant aux organisations de travailleurs, elles effectuent également un contrôle avec l’aide des inspecteurs du travail et procèdent à des discussions sur les pratiques existantes. Le coton est une industrie importante, particulièrement en termes de création d’emplois. Une campagne, lancée par les syndicats et l’inspection du travail, a permis d’effectuer plus de 100 inspections au cours de l’année 2015, et quelque 50 plaintes ont été examinées. Toutefois, les syndicats n’ont reçu aucune plainte se rapportant au travail forcé. Les syndicats sont de plus en plus efficaces dans l’exécution de leurs tâches et leur influence dans le monde du travail s’accroît. Leurs travaux visent à garantir les droits des travailleurs, en collaboration avec les services de l’inspection du travail, l’objectif étant d’améliorer la qualité du travail et de garantir aux travailleurs une rémunération décente. Des conventions collectives sont également en cours de signature dans ce domaine.

La membre employeuse du Turkménistan a indiqué que les agriculteurs et les producteurs agricoles s’engagent volontairement dans la culture du coton aux termes de conditions préférentielles et d’incitations, comme la réduction du prix des engrais, des possibilités de prêts et des exonérations de taxes et d’autres frais. Bien que la commission d’experts ait noté que des entreprises privées soient obligées de participer à la production du coton, l’oratrice a affirmé ne pas être au courant de plaintes dans ce domaine et elle a encouragé la commission d’experts à examiner chaque cas individuellement. L’oratrice a finalement exprimé l’espoir que la commission tiendra compte de ses vues.

Le membre gouvernemental des Pays-Bas, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’ex-République yougoslave de Macédoine, de la Norvège et de la République de Moldova, a indiqué que l’UE est attachée à promouvoir la ratification et la mise en œuvre universelles des normes fondamentales du travail, incluant la convention, dans le cadre du Plan d’action en faveur des droits de l’homme qu’elle a adopté en juillet 2015. L’UE est préoccupée par la situation grave des droits de l’homme au Turkménistan, marquée par l’absence de liberté d’expression, notamment sur Internet, de liberté de réunion et de liberté de circulation ainsi que par les restrictions imposées aux organisations de la société civile et les détentions arbitraires. Dans ce contexte, la politique de l’UE relative au Turkménistan, qui vise à promouvoir le respect des droits de l’homme, l’état de droit et les principes démocratiques dans ce pays, est maintenue. A cet égard, l’orateur a salué l’adoption récente du Plan d’action national pour les droits de l’homme et a encouragé le gouvernement à intensifier ses efforts aux fins de sa mise en œuvre. L’UE est préoccupée par les commentaires de la commission d’experts concernant l’application en pratique de l’article 63 du Code des infractions administratives, des articles 176, 192 et 233 du Code pénal et de la loi sur le développement et les services d’Internet de 2014. Elle est également profondément préoccupée par le recours généralisé au travail forcé dans la production de coton au Turkménistan, ce qui a non seulement une incidence sur les agriculteurs, mais aussi sur les secteurs public et privé dans leur ensemble. Les travailleurs risquent de perdre leurs emplois, de subir des réductions de salaire, de perdre leurs terres et de faire l’objet d’enquêtes exceptionnelles. De plus, malgré son caractère illégal, le travail des enfants continue d’exister dans la production de coton. Compte tenu de ces éléments, l’orateur a prié le gouvernement de modifier la législation pour la mettre en conformité avec la convention et de s’assurer, en pratique, qu’aucune peine comportant du travail obligatoire n’est imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Il a encouragé le gouvernement à fournir toutes les informations demandées par la commission d’experts, à redoubler d’efforts en vue d’éliminer complètement le travail obligatoire dans la production de coton et à garantir une application renforcée de la législation sur le travail des enfants dans la production de coton. Enfin, l’UE est disposée à aider le Turkménistan à remplir ses obligations dans ce domaine et continuera à suivre de près la situation dans le pays.

Le membre gouvernemental du Bélarus a félicité le gouvernement pour ses initiatives destinées à renforcer sa législation relative à l’application des dispositions de la convention. Les réformes menées par le gouvernement facilitent des changements progressifs, en particulier dans le secteur agricole. Il convient de noter à cet égard les prêts préférentiels qui sont accordés aux exploitants agricoles, lesquels sont exemptés d’impôts et de cotisations. L’orateur a fait également état de l’adoption d’une législation garantissant le droit constitutionnel au rassemblement pacifique. Le Parlement a été saisi d’un nouveau projet de constitution, qui est le reflet de l’expérience internationale en matière de protection des droits de l’homme et des libertés. De plus, des projets sont en cours en vue de la nomination d’un défenseur des droits de l’homme. En conséquence, l’orateur a proposé que la commission interrompe l’étude de l’application de la convention par le Turkménistan, même s’il convient que le BIT poursuive sa collaboration avec le gouvernement.

La membre travailleuse de la France a souligné que les observations de la commission d’experts mettent en évidence la violation des libertés fondamentales d’expression et d’association, garantes de la démocratie, de la paix et de l’Etat de droit au Turkménistan. La culture du coton au Turkménistan engendre des profits considérables pour l’Etat et pour une élite restreinte très liée au pouvoir politique. Le recours au travail forcé est malheureusement commun dans ce cadre. La culture du coton contribue à la répression politique et l’absence d’Etat de droit rend toute contestation impossible et dangereuse. L’oratrice a affirmé que tous les medias sont contrôlés par l’Etat aux fins de propagande. L’accès aux réseaux sociaux et aux médias étrangers est interdit et toute forme d’opposition pouvant voir le jour sur Internet ou dans les medias est réprimée par des travaux forcés. A cet égard, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a alerté sur les trop nombreuses restrictions de la loi de décembre 2014 sur le développement d’Internet et de ses services ainsi que sur les répressions pouvant découler de l’application de ce texte. Par ailleurs, un document des Nations Unies soumis au Conseil des droits de l’homme lors de l’examen périodique universel du Turkménistan indique que toutes les tentatives visant à organiser des syndicats indépendants se sont heurtées à la résistance des autorités. L’absence de syndicats indépendants, dénoncée par la Confédération syndicale internationale, conduit de ce fait à de nombreuses violations des droits des travailleurs, le travail forcé en étant un aboutissement extrême.

L’oratrice a ensuite souligné que le pays n’est cependant pas fermé à toute présence étrangère dans la mesure où des multinationales étrangères, européennes et françaises, particulièrement dans les secteurs de la construction et de la communication, multiplient les contrats sur place. A l’heure où la Conférence internationale du Travail traite du travail décent dans les chaînes d’approvisionnement, il doit être rappelé que, s’il revient aux Etats de ratifier et mettre en œuvre les normes internationales du travail, les entreprises ne peuvent pas faire fi des normes internationales existantes en matière de droits de l’homme et de droits du travail. Elles doivent prendre en compte en particulier les principes Ruggie des Nations Unies ainsi que les principes directeurs relatifs aux entreprises multinationales de l’OCDE révisés en 2011 qui englobent les concepts de sphère d’influence et de relation d’affaires. Dans ce cadre, il est donc essentiel pour les représentants des autorités publiques étrangères présentes sur le territoire de veiller au respect de ce cadre international et pour les entreprises de s’assurer que leurs activités ne présentent pas, directement ou indirectement, un soutien aux négations des droits de l’homme et au travail forcé. La France, s’apprêtant à remettre au Directeur général de l’OIT sa ratification du protocole de 2014 relatif à la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, doit être particulièrement vigilante à ce sujet. Dans le même sens, la proposition de loi sur la responsabilité extraterritoriale des sociétés mères et donneuses d’ordre actuellement en discussion au parlement français mériterait d’être adoptée au plus vite en accord avec les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme en France. L’oratrice a finalement manifesté son soutien aux demandes de la commission d’experts afin que le gouvernement prenne les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour assurer qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi.

La membre gouvernementale de la Suisse a indiqué que son gouvernement soutient la déclaration de l’UE. Elle a souligné que l’utilisation du travail forcé pour la récolte de coton ne peut être justifiée par des fins de développement économique et que, comme le souligne la commission d’experts, il n’existe pas de situations d’urgence ni de force majeure au sens des conventions de l’OIT qui pourraient, dans ce contexte, justifier un recours au travail forcé. Elle a ensuite encouragé le gouvernement à promouvoir le consentement libre et éclairé des travailleurs de s’engager à tout moment dans une relation de travail, ainsi que d’assurer leur liberté de quitter leur emploi à tout moment, sans crainte de représailles ou de la perte d’un quelconque avantage. Elle a finalement exprimé l’espoir que le gouvernement pourra mettre en place des mesures concrètes pour éliminer en droit et en pratique le travail forcé.

Le membre employeur des Etats-Unis a condamné le recours généralisé dans le pays au travail forcé dans la production du coton. Cette situation touche de larges pans de la société, y compris des entreprises et des travailleurs des secteurs public et privé, des exploitants agricoles, des enseignants, des médecins et du personnel infirmier qui, en violation de la convention, sont forcés à travailler dans la production du coton sous la menace de perdre leur emploi, de subir des réductions de salaires, de perdre leurs terres et de faire l’objet d’enquêtes exceptionnelles. L’orateur a indiqué que, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, beaucoup de multinationales agissent en partenariat dans leurs chaînes d’approvisionnement avec des groupes qui œuvrent pour éliminer le travail forcé dans l’industrie du coton. Ces efforts s’avérant insuffisants, l’orateur a prié instamment la commission de joindre sa voix unique sur le plan institutionnel aux efforts collectifs qui sont déployés pour que le pays rende des comptes en ce qui concerne ses obligations internationales. Il a demandé à ce que soit lancé un programme de suivi tripartite pour s’assurer que le gouvernement respecte ses obligations internationales. L’orateur a déclaré que, sans une presse libre et sans une société civile solide, la capacité des entreprises d’identifier et de combattre les éventuelles violations des droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement est entravée. Les articles 28 et 29 de la Constitution du Turkménistan garantissent le droit d’avoir et d’exprimer des opinions, ainsi que le droit de se réunir et de manifester selon les modalités établies par la loi. Pourtant, la commission d’experts a noté que des sanctions pénales sont infligées habituellement, y compris par du travail obligatoire, aux personnes qui ont ou expriment des vues politiques ou des vues opposées idéologiquement au système politique, social ou économique établi. A ce sujet, l’orateur a également mentionné l’observation de l’OSCE sur la loi de décembre 2014 sur le développement de l’Internet et les services en ligne, ainsi que les préoccupations qui ont été exprimées dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations Unies en raison des importantes restrictions à la liberté d’expression dans le pays. A l’instar de la commission d’experts, l’orateur a exhorté le gouvernement à agir sans délai pour éliminer complètement le recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé dans la production du coton, et a également demandé au gouvernement d’indiquer les mesures spécifiques prises à cette fin, en droit et dans la pratique, ainsi que les résultats concrets obtenus.

La membre travailleuse de la Suède, s’exprimant au nom des travailleurs des pays nordiques, a indiqué que, selon Human Rights Watch, le Turkménistan est l’un des pays les plus fermés et les plus répressifs du monde. Le gouvernement procède à des arrestations et à la détention de citoyens en raison de leurs opinions politiques et impose des peines de rééducation par le travail pour violation des procédures juridiques, ce qui revient à restreindre l’organisation de rassemblements, réunions et manifestations, et à refuser par conséquent la liberté de réunion et d’expression. Peu de signes, pour ne pas dire aucun, indiquent qu’il existe au Turkménistan un mouvement syndical libre, démocratique et indépendant. L’oratrice a souligné qu’un dialogue social de qualité constitue non seulement un moyen important d’éliminer les violations des droits au travail, comme le travail forcé, mais également le meilleur moyen de promouvoir de meilleures conditions de vie et de travail, la paix et la justice sociale. En outre, la démocratie fait partie des conditions nécessaires au bon fonctionnement du dialogue social. Un cadre institutionnel approprié, permettant la tenue de discussions tripartites sur des questions importantes, comme l’abolition du travail forcé, est également nécessaire. L’oratrice fait valoir que pratiquement aucun des éléments mentionnés n’existe au Turkménistan. Elle a souligné que le gouvernement devrait communiquer davantage d’informations et faire preuve de coopération accrue, et l’a prié instamment de modifier sa législation et ses pratiques juridiques. Elle a indiqué qu’il faut d’urgence abolir le travail forcé et entamer un dialogue social avec des partenaires sociaux libres et indépendants.

Le membre gouvernemental de la Fédération de Russie a salué les informations détaillées communiquées par le gouvernement. Des réformes sociopolitiques importantes sont en cours et conduiront à une application plus efficace de la convention. L’orateur a pris note avec satisfaction de la coopération constructive entre le gouvernement et le BIT, notamment sous la forme de séminaires conjoints et d’autres activités qui contribuent à la mise en œuvre des normes internationales du travail au niveau national. Ce niveau de coopération avec le BIT confirme la volonté du gouvernement de remplir les obligations qui lui incombent au titre du droit international. A cet égard, l’orateur a demandé instamment au Bureau de continuer à fournir une assistance technique au gouvernement dans la mise en œuvre de la convention.

La membre travailleuse des Etats-Unis a déclaré que, depuis des années, le contrôle social est l’un des moyens qu’utilise le gouvernement pour réprimer les travailleurs dans le pays, en particulier dans la production et la récolte du coton. Le gouvernement contraint les fermiers et les citoyens à remplir des quotas de production et de récolte du coton. Des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public, entre autres, de l’éducation, des soins de santé et de la culture, ainsi que des travailleurs d’institutions sportives et d’entreprises manufacturières, de la construction et du transport ont été contraints d’abandonner leur journée de travail ordinaire pour participer à la récolte du coton, ou à payer des pots-de-vin ou un remplaçant pour récolter le coton à leur place. Les fermiers qui ne remplissent pas les quotas sont menacés de perdre la possibilité d’exploiter la terre. Les employés à la récolte du coton qui travaillent dans les champs le font sous la menace d’une perte de salaire ou d’une perte de leur emploi. Etant donné la mobilisation massive des travailleurs du secteur public pour la récolte du coton, beaucoup de services sont perturbés, notamment l’éducation et les soins de santé, ce qui explique que nombre d’enseignants ou de membres du personnel technique dans les écoles quittent leur emploi. Il est particulièrement déplorable que les travailleurs des secteurs fondamentaux de l’éducation et des soins de santé soient arrachés des écoles et des hôpitaux pour aller récolter le coton dans les champs, dans le seul objectif de gonfler les profits des élites du gouvernement. L’oratrice a indiqué qu’il était encore plus inacceptable que des fonctionnaires soient contraints de mobiliser des étudiants pour aller récolter le coton dans les champs, en guise de stage. En outre, la pression qu’impose l’atteinte de quotas de récolte du coton fait que les enfants ne vont plus à l’école pour aller ramasser le coton avec leurs parents qui craignent de perdre leur emploi s’ils ne remplissent pas les quotas. L’oratrice a enfin souligné que ces violations choquantes des droits de l’homme ne peuvent plus durer et a demandé instamment au gouvernement d’entreprendre des réformes sérieuses afin d’abolir le travail forcé, comme l’exige la convention.

Le membre gouvernemental du Kazakhstan a mis en évidence les mesures positives prises par le gouvernement. A cet égard, il a salué les travaux actuellement menés pour élaborer une nouvelle constitution, en tenant compte des expériences internationales dans les domaines des droits de l’homme et des libertés, constitution qui contiendra l’interdiction du travail forcé. Il a également salué les travaux en cours visant à créer le poste de défenseur des droits de l’homme. Il a par ailleurs fait référence aux mesures de stimulation et au soutien fournis au secteur agricole, notamment sous la forme de prêts préférentiels, ainsi qu’à la promotion de nouvelles technologies innovantes dans ce secteur. La participation active du gouvernement à des organisations régionales et internationales a également été saluée.

Le membre gouvernemental de la République islamique d’Iran a félicité le gouvernement turkmène pour son engagement à souscrire totalement à ses obligations internationales, notamment l’élimination du travail forcé, par des mesures législatives et pratiques appropriées. Il faut encourager le gouvernement à poursuivre ses efforts et le Bureau à fournir au besoin une assistance.

La membre gouvernementale de l’Azerbaïdjan a rappelé les difficultés que rencontrent tous les pays de l’ex-Union soviétique dans leur processus de transition, ainsi que leurs réalisations s’agissant de l’adoption de nouvelles législations interdisant expressément le travail forcé, assurant le développement socio-économique, la mise en valeur complète du potentiel humain de leurs populations et l’augmentation constante des salaires. L’essor de l’industrie textile au Turkménistan, à l’origine de la participation accrue des femmes au marché du travail, témoigne des réalisations accomplies par le pays. Le développement économique va encore favoriser l’application totale des normes internationales du travail dans le pays.

Le représentant gouvernemental a exprimé sa gratitude aux orateurs qui ont participé à la discussion et il s’est à nouveau dit confiant qu’un dialogue aussi constructif assurera la pleine application des droits inscrits dans la convention.

Les membres employeurs ont salué les renseignements fournis par le gouvernement concernant les réformes juridiques, telles que l’abrogation de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, l’objectif énoncé étant d’interdire le travail forcé dans le droit. Des renseignements complémentaires sont toutefois nécessaires sur les points ci-après: l’abrogation de l’article en question; les modifications à apporter à l’article 178(2) du Code des infractions administratives de 1984; l’état d’avancement de la révision de l’article 223 du Code pénal; ainsi que la façon dont les modifications visant à interdire le travail forcé dans le droit sont gérées dans la pratique. Il est pris dûment note de l’intention déclarée du gouvernement de poursuivre sa coopération avec l’OIT en vue de l’application de la convention no 105. En outre, selon les membres employeurs, il pourrait s’avérer très utile, compte tenu des circonstances économiques, que le gouvernement poursuive sa collaboration avec le BIT, afin de mieux comprendre les obligations découlant de la convention. Le gouvernement est prié de prendre des mesures efficaces, dans la loi comme dans la pratique, afin de veiller à ce qu’aucune sanction impliquant un travail forcé ne soit prise à l’égard de personnes exprimant pacifiquement certaines opinions politiques en opposition avec le système établi, conformément à l’article 1 a) de la convention. Les membres employeurs prient également le gouvernement de prendre, sans délai, des mesures pour s’assurer qu’aucun individu, notamment aucun agriculteur et/ou aucun travailleur des secteurs public et privé, ne soit tenu de travailler pour la récolte de coton organisée par l’Etat et qu’aucune menace de sanction ou de peine ne soit autorisée sous le prétexte du développement économique, au cas où les quotas de production imposés par l’Etat ne sont pas atteints. Le gouvernement est également prié de confirmer l’abrogation de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence et de solliciter l’assistance technique du BIT, afin d’élaborer un plan d’action national visant à éliminer toute forme de travail forcé relatif à la récolte de coton et de poursuivre ses efforts de coopération avec l’OIT.

Les membres travailleurs ont exprimé leur accord avec les membres employeurs. Le travail forcé se déroule au Turkménistan dans un climat de violations généralisées des droits de l’homme, y compris le refus de la liberté syndicale et celle d’expression. Les personnes qui luttent contre ce travail forcé doivent agir dans la clandestinité et risquent d’être victimes d’intimidation, d’arrestation et de détention. La mobilisation forcée des agriculteurs et des travailleurs pour produire et récolter le coton constitue une violation de la législation nationale qui interdit le travail forcé, y compris de l’article 8 du Code du travail, ainsi qu’une violation de la convention no 105. La commission d’experts a noté avec «une profonde préoccupation le recours répandu au travail forcé dans la production de coton qui affecte les fermiers, les entreprises et les travailleurs des secteurs public et privé, notamment les enseignants, les médecins et le personnel infirmier, sous la menace de perdre leur emploi, de réductions salariales, pertes de terres, ou de faire l’objet d’enquêtes extraordinaires». Par ailleurs, la commission d’experts a «... prié instamment et fermement le gouvernement de prendre sans délai des mesures efficaces afin d’éliminer totalement le recours au travail forcé de travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton». Les membres travailleurs ont exhorté le gouvernement à coopérer avec l’OIT et les partenaires sociaux afin d’élaborer un plan pour éliminer le travail forcé, y compris celui des enfants. Par conséquent, le gouvernement est prié de mettre fin à la pratique consistant à forcer les agriculteurs à cultiver le coton et à mobiliser les travailleurs des secteurs public et privé pour sa récolte. En outre, les membres travailleurs ont demandé de cesser immédiatement les menaces envers ceux qui ne rencontrent pas les quotas de production et de récolte, d’appliquer la législation nationale qui interdit le travail forcé, d’instruire les fonctionnaires à ne pas utiliser la force pour obliger les citoyens à travailler dans les champs de coton et de sanctionner les fonctionnaires qui le font. Par ailleurs, il est demandé au gouvernement de solliciter l’assistance technique du BIT pour mettre fin au travail forcé dans l’industrie du coton et de permettre aux journalistes indépendants et aux défenseurs des droits de l’homme de travailler librement et d’exprimer leurs préoccupations au sujet du recours au travail forcé dans l’industrie du coton sans crainte de représailles. Les membres travailleurs ont aussi réclamé l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action national pour garantir le respect des droits au travail internationalement reconnus dans l’industrie du coton, y compris en mettant fin aux quotas obligatoires de production et de récolte de coton; et, le cas échéant, la libéralisation des prix d’achat du coton, et la transparence financière des dépenses et des revenus qui y sont liés. En outre, les membres travailleurs ont déclaré que, alors que les membres employeurs s’interrogeaient sur la demande directe de la commission d’experts qui avait adressée au gouvernement au sujet de l’article 1 d) de la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, les membres travailleurs de même que les éminents juristes et les hautes cours régionales et nationales sont d’avis que le droit de grève est garanti par la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Cela a été reconnu à la fois par les membres employeurs et les membres travailleurs dans une déclaration commune: «le droit de grève pour défendre des intérêts professionnels légitimes est reconnu par les mandants de l’OIT». La reconnaissance internationale de ce droit suppose que les représentants des travailleurs et des employeurs abordent la question du mandat de la commission tel que défini dans son rapport de 2015. Ce mandat, consistant à «examiner la portée juridique, le contenu et la signification des dispositions des conventions», est approuvé par le Conseil d’administration du BIT, et la commission d’experts peut alors exiger des informations sur l’application des obligations d’un Etat découlant d’une convention ratifiée en faisant une demande directe.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.

La commission s’est félicitée de l’engagement pris oralement par le gouvernement de continuer à coopérer avec l’OIT pour mettre en œuvre la convention no 105. Elle a pris note avec préoccupation des allégations concernant le recours généralisé au travail forcé lors de la récolte annuelle de coton organisée par l’Etat turkmène.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a invité instamment le gouvernement:

  • - en application de l’article 1 a) de la convention no 105, à prendre des mesures, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce qu’aucune sanction impliquant du travail forcé ne soit imposée à l’expression pacifique d’opinions politiques allant à l’encontre de l’ordre établi;
  • - en application de l’article 1 b) de la convention no 105, à prendre des mesures efficaces, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce que nul ne soit contraint de participer à la récolte de coton organisée par l’Etat ni menacé de sanction si les quotas de production ne sont pas atteints, sous prétexte de «fins de développement économique», y compris les agriculteurs et les travailleurs des secteurs public et privé. Elle a instamment invité le gouvernement, à cet égard, à abroger l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence;
  • - à poursuivre et à sanctionner comme il convient tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la culture ou la récolte du coton, en contravention de la convention no 105;
  • - à solliciter l’assistance technique du BIT afin de respecter la convention, en droit et dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat;
  • - à permettre aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile de détecter tout cas de travail forcé lors de la récolte du coton et de réunir des informations sur ces cas sans craindre de représailles.

Le représentant gouvernemental a exprimé sa gratitude au nom de la délégation turkmène et réitéré l’engagement du Turkménistan à toujours s’acquitter des obligations internationales qu’il a contractées en ratifiant les conventions de l’OIT. Les observations finales et les recommandations seront soigneusement examinées. Toutefois, l’orateur a fait remarquer que la commission, dans ses conclusions, a mentionné la loi de 1990 qui a été abrogée en 2013. Le représentant gouvernemental a réitéré le fait que le Turkménistan est prêt à mener un dialogue constructif et à coopérer plus avant avec l’OIT.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales impliquant une obligation de travailler imposées en tant que sanction pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses commentaires précédents, la commission a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir les articles suivants du Code Pénal, en limitant explicitement la portée de ces dispositions aux situations dans lesquelles il y a recours à la violence ou incitation à la violence, ou en supprimant les sanctions impliquant un travail obligatoire:
  • Article 176 (2): insultes ou propos diffamatoires envers le Président;
  • Article 177: incitation à l’hostilité ou à la discorde sociale, nationale ou religieuse;
  • Article 178: infraction liée au non-respect des symboles nationaux;
  • Article 191: outrage au tribunal;
  • Article 192: calomnies envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction; et
  • Article 212: insulte à un représentant des autorités.
La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport concernant les modifications apportées en 2022 au Code Pénal. En particulier, elle prend dûment note du fait que le Code Pénal, tel que modifié en 2022, ne comporte pas de disposition établissant des sanctions pénales pour insulte à un représentant des autorités. En outre, la commission constate que, bien que les articles 188 (2) «insultes ou propos diffamatoires envers le Président» et 189 «incitation à l’hostilité ou à la discorde sociale, nationale, tribale, ethnique, raciale ou religieuse» du Code Pénal, tel que modifié en 2022, n’établissent pas comme sanction le travail correctionnel, ces articles prévoient la peine de privation de liberté qui implique un travail pénitentiaire obligatoire. Le gouvernement indique par ailleurs que pour la période de 2020-2022, aucune condamnation n’a été prononcée sur la base des articles 188 (2), 189 et 193 «nonrespect des symboles de l’État», 210 «outrage au tribunal» et 211 «calomnies envers un juge, un juré, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction» du Code Pénal, tel que modifié en 2022.
La commission note par ailleurs que, dans ses observations finales, le Comité des Droits de l’homme des Nations Unies exprime sa profonde préoccupation au sujet des informations selon lesquelles les représentants de la société civile qui exercent pacifiquement leur liberté d’expression au Turkménistan et à l’étranger, ainsi que leurs proches, font l’objet de persécutions généralisées (CCPR/C/TKM/CO/3). En outre, la commission note que, dans ses observations finales de 2023, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies s’est déclaré préoccupé par la répression exercée contre des défenseurs éminents des droits de l’homme qui œuvrent pour la protection des minorités, et a recommandé au gouvernement de mettre un frein aux mesures de persécution et d’intimidation des défenseurs des droits de l’homme (CERD/C/TKM/CO/12-13,).
La commission rappelle que l’article 1 a) de la convention protège les personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, en interdisant de leur imposer des sanctions impliquant un travail obligatoire. La commission souligne à ce propos que la convention n’interdit pas d’appliquer des sanctions comportant du travail obligatoire aux personnes qui utilisent la violence, incitent à la violence ou préparent des actes de violence, toutefois, les peines impliquant un travail obligatoire entrent dans le champ d’application de la convention dès lors qu’elles sanctionnent une interdiction d’exprimer une opinion ou de manifester une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi (voir l’Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 302 et 303). La commission prie par conséquent instamment à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que tant en droit qu’en pratique aucune sanction impliquant un travail obligatoire ne puisse être imposée à l’encontre de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent de manière pacifique leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission réitère sa demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir les articles 188 (2), 189, 193, et 210 du Code Pénal, en limitant expressément la portée de ces dispositions aux situations dans lesquelles il y a recours à la violence ou incitation à la violence, ou en supprimant les sanctions impliquant un travail obligatoire. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées, et sur la nature des sanctions infligées au titre des articles susmentionnés du Code pénal.

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note du rapport du gouvernement reçu le 31 août 2023. Elle prend note aussi des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2023. En outre, elle prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 27 septembre 2023, et de la réponse du gouvernement à ces observations CSI, reçue le 27 octobre et le 9 novembre 2023. Enfin, la commission prend note du rapport sur la mise en œuvre de la feuille de route de 2023 pour la coopération entre le BIT et le gouvernement du Turkménistan (rapport de mise en œuvre), établi à la suite de la visite de la mission indépendante de l’OIT concernant le respect des conditions de travail et de recrutement des cueilleurs de coton durant la récolte de 2023.

Suivi des conclusions de la Commission de l ’ application des normes (Conférence internationale du Travail, 111 e session, juin 2023)

La commission prend note de la discussion détaillée qui s’est tenue en juin 2023 au sein de la Commission de l’application des normes (commission de la Conférence) pendant la 111e session de la Conférence internationale du Travail.
Article 1 b) de la convention. Imposition du travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Production du coton. La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2023, la Commission de la Conférence a déploré que le recours généralisé au travail forcé associé à la récolte annuelle du coton organisée par l’État persiste au Turkménistan et le fait que le gouvernement n’a pas réalisé des progrès significatifs sur la question depuis que la commission de la Conférence a examiné le cas en 2016 et en 2021. La commission de la Conférence avait prié instamment le gouvernement, en consultation et en coopération avec les partenaires sociaux: i) d’assurer la pleine mise en œuvre de la feuille de route pour la coopération entre le BIT et le gouvernement; ii) de redoubler d’efforts pour garantir l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, dans les productions de coton organisées par l’État; iii) d’éliminer le système de quota obligatoire pour la production et la récolte de coton; iv) de donner des instructions claires sur l’interdiction du recours au travail forcé et de renforcer l’inspection du travail et les organes responsables de l’application de la loi; v) de poursuivre et de sanctionner de manière appropriée tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la production ou la récolte du coton; et vi) de promouvoir le dialogue social dans le secteur de production de coton et continuer à coopérer avec le BIT et les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées, afin de garantir la pleine application de la convention dans la pratique.
La commission prend note des informations du gouvernement dans son rapport concernant les mesures prises dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route de 2023 pour la coopération entre le BIT et le gouvernement (feuille de route), adoptée en mars 2023 à la suite de plusieurs missions d’assistance technique de haut niveau du BIT. Cette feuille de route couvre des activités dans les six domaines suivants: 1) le réexamen du cadre politique et administratif régissant la récolte de coton; 2) l’amélioration de l’inspection du travail et du contrôle de l’application de la législation; 3) la pleine promotion de l’emploi productif et librement choisi dans le secteur du coton; 4) l’amélioration de la production et de la récolte de coton; 5) l’élaboration et la mise en œuvre d’activités de sensibilisation; et 6) la promotion du dialogue social dans la production de coton. Le gouvernement indique en particulier que: 1) une analyse du cadre législatif actuel concernant l’application de la convention a été menée, et les projets de textes législatifs élaborés en conséquence ont été soumis au Parlement; 2) des réunions se sont tenues avec la participation des ministères et bureaux concernés, des partenaires sociaux et des représentants du BIT, pour discuter de la conformité de la législation et des modalités du contrôle de son application avec la convention (n° 81) sur l’inspection du travail, 1947 et la convention (n° 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, en vue de préparer la ratification de ces conventions; 3) des efforts sont en cours en vue de l’établissement d’une étude qualitative sur les pratiques de recrutement pour la récolte du coton et d’une étude quantitative pour évaluer l’évolution dans le domaine de la récolte du coton au cours des cinq dernières années; 4) un atelier technique a été organisé durant la mission du BIT en juillet 2023 afin de discuter de l’emploi saisonnier et occasionnel dans le secteur agricole au Turkménistan; 5) en 2021-2022, plus de 200 réunions de sensibilisation, d’ateliers et de tables rondes se sont tenus pour traiter des questions de l’emploi équitable dans l’ensemble du pays; et 6) les partenaires sociaux sont associés activement à la mise en œuvre des mesures établies dans la feuille de route.
Par ailleurs, la commission note que, dans ses observations, la CSI, indique qu’en dépit de l’engagement du gouvernement auprès du BIT et de l’adoption de la feuille de route, les pratiques de travail forcé dans la production de coton sont toujours présentes à grande échelle au Turkménistan. En outre, la CSI souligne qu’en 2022 les dirigeants des entreprises publiques ont été soumis à une plus grande pression pour mobiliser les travailleurs pour les champs de coton. C’est ainsi qu’en particulier des dizaines de milliers de salariés du secteur public, et notamment des enseignants, des médecins, des travailleurs culturels et des fonctionnaires, ont été mobilisés pour cueillir le coton, en vue de répondre aux objectifs du plan de l’État sur la récolte de coton. Les cueilleurs de coton ont été forcés de travailler dans des conditions dangereuses et insalubres, y compris sous des températures se situant entre -10 C° en décembre et +40 C° en août, en plein soleil et sans disposer de quantités suffisantes d’eau potable. Les cueilleurs de coton ont été exposés aux substances chimiques, sans recevoir d’avertissement à ce sujet, et n’ont bénéficié d’aucun équipement de protection ou suivi médical. Ils ont aussi été tenus de payer leur nourriture, l’eau, le transport et le logement. La CIS indique aussi que certains ont été contraints de recourir à des cueilleurs de remplacement qu’ils payaient de leur poche pour éviter de participer eux-mêmes à la récolte de coton. En 2022, le tarif du remplaçant variait de 20 à 60 manats par jour (entre environ 1 et 3 dollars É.-U.), alors que le salaire moyen de l’enseignant se situe entre 1 300 et 1 400 manats par mois (environ 65 à 70 dollars É.-U.).
La commission prend note de la réponse du gouvernement aux observations de la CSI faisant à nouveau référence aux mesures prises pour assurer la mise en œuvre de la feuille de route et indiquant son intention de discuter des perspectives d’une coopération à long terme avec le BIT en cas de succès dans la mise en œuvre de la feuille de route. Le gouvernement se réfère aussi aux informations élaborées par le Centre national des syndicats du Turkménistan (NCTU), selon lesquelles le NCTU n’a reçu aucune plainte de la part des travailleurs au sujet du recours au travail forcé durant la récolte du coton. Le NCTU indique aussi que dans certaines régions du Turkménistan, les autorités locales et les fermiers, en collaboration avec les services de l’emploi, organisent le recrutement volontaire de cueilleurs de coton, qui bénéficient de moyens de transport et de repas, et qui reçoivent un salaire en fonction de la quantité de coton récoltée.
La commission note que, dans ses observations, l’OIE exprime l’espoir que des progrès seront accomplis dans l’application de la convention, en conformité avec les conclusions de la commission de la Conférence et en étroite consultation avec l’organisation la plus représentative des employeurs au Turkménistan.
Par ailleurs, la commission note que dans ses observations finales de 2023, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies reste toutefois préoccupé par le recours généralisé au travail forcé des fonctionnaires (principalement des femmes) pendant la récolte du coton, sous la menace de sanctions telles que la résiliation de leur contrat de travail ou des pertes ou réductions salariales, ou encore de peines d’autre nature (CCPR/C/TKM/CO/3).
En outre, la commission note, qu’avec l’accord du gouvernement, une mission d’observation indépendante du BIT sur les conditions de travail et de recrutement des cueilleurs de coton, composée de membres du personnel du BIT et de consultants indépendants recrutés par le BIT, s’est déroulée pendant la récolte de 2023 en octobre 2023. La commission note, selon les informations figurant dans le rapport de mise en œuvre, que les conclusions initiales de cette mission d’observation montrent l’existence de preuves directe ou indirectes de la mobilisation des fonctionnaires dans toutes les régions visitées (les provinces de Ahal, Lebap, Dashoguz et Mary), à l’exception de Ashgabat Cité.
Tout en prenant dûment note de la collaboration du gouvernement avec le BIT dans le cadre de la feuille de route et durant la récolte de coton en 2023, la commission réitère sa profonde préoccupation au sujet de la pratique continue de travail forcé dans le secteur du coton. La commission prie instamment et fermement le gouvernement d’intensifier ses efforts pour assurer l’élimination complète du recours au travail forcé des travailleurs, particulièrement ceux provenant du secteur public, dans la production de coton. À cet égard, la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre le dialogue avec le BIT et les partenaires sociaux, dans le cadre d’une coopération visant à assurer pleinement l’application de la convention dans la pratique. Elle prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires en vue de l’application des différents éléments de la feuille de route, et de continuer à communiquer des informations sur les mesures concrètes prises à ce propos, notamment les mesures destinées à favoriser la sensibilisation du public sur le sujet et à contrôler la récolte de coton.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales impliquant une obligation de travailler imposées en tant que sanction pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que plusieurs dispositions du Code pénal, qui prévoient des sanctions de travail correctionnel ou d’emprisonnement (impliquant les unes comme les autres une obligation de travailler) sont libellées en des termes suffisamment larges pour pouvoir être utilisées pour sanctionner l’expression d’opinions opposées à l’ordre politique, social ou économique établi. Ces dispositions du Code pénal sont les suivantes:
  • –article 176(2): insultes ou propos diffamatoires envers le Président;
  • –article 177: incitation à l’hostilité ou à la discorde sociale, nationale, ethnique, raciale ou religieuse;
  • –article 178: infraction liée au non-respect des symboles nationaux;
  • –article 191: outrage au tribunal;
  • –article 192: calomnies envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction;
  • –article 212: insulte à un représentant de l’autorité.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport, qu’aucune affaire pénale n’a été examinée ni instruite en vertu des articles 176 et 192 du Code pénal.
La commission note également que, dans leur communication conjointe du 17 février 2021 au gouvernement du Turkménistan, les experts indépendants des droits de l’homme des Nations Unies ont exprimé leur profonde préoccupation face à l’arrestation arbitraire et aux poursuites pénales dont un journaliste aurait fait l’objet en représailles de ses activités indépendantes liées au journalisme et aux droits de l’homme. La commission note également, d’après cette communication conjointe, que le journaliste a été condamné à quatre ans de prison pour fraude au titre de l’article 228(2) du Code pénal. En outre, les experts indépendants des Nations Unies ont mentionné d’autres cas de détention et de poursuites judiciaires concernant des journalistes indépendants et des défenseurs des droits de l’homme qui auraient été condamnés pour avoir mené des activités légitimes liées au journalisme et aux droits de l’homme. En outre, la commission note que le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies, dans son Avis no 18/2022 du 18 mai 2022, a conclu que l’arrestation et la détention d’un avocat pour avoir critiqué le gouvernement, au titre de l’article 108 (atteinte intentionnelle et de gravité moyenne à la santé) et de l’article 279 (houliganisme) du Code pénal, sont dues à l’exercice de droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique (A/HRC/WGAD/2022/18, paragr. 67).
La commission rappelle une nouvelle fois que l’article 1 a) de la convention protège les personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, en interdisant de leur imposer des sanctions impliquant une obligation de travailler. Parmi les activités qui, en vertu de cette disposition, ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail obligatoire figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques (oralement, par voie de presse ou par d’autres moyens de communication), ainsi que de divers autres droits généralement reconnus, tels que par exemple les droits d’association et de réunion, droits par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leur opinion, et qui peuvent se trouver affectés par des mesures de coercition politique. La commission a également souligné que la convention n’interdit pas d’appliquer des sanctions comportant du travail obligatoire aux personnes qui utilisent la violence, incitent à la violence ou préparent des actes de violence (paragraphes 302 et 303 de l’Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales).
La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune sanction impliquant une obligation de travailler n’est imposée, en droit et dans la pratique, à l’encontre de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent de manière pacifique leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission prie également le gouvernement de prendre des mesures pour revoir les articles 176(2), 177, 178, 191, 192 et 212 du Code pénal, en limitant clairement la portée de ces dispositions aux situations dans lesquelles il y a recours à la violence ou incitation à la violence , ou en supprimant les sanctions comportant l’obligation de travailler.La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée en la matière, ainsi que sur l’application dans la pratique des articles du Code pénal susmentionnés, en indiquant le nombre de poursuites engagées au titre de chaque disposition et le type de sanctions infligées.

Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2022. Elle prie le gouvernement de fournir sa réponse à ces observations.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Production de coton. Dans ses précédents commentaires, la commission a exprimé sa profonde préoccupation face à la persistance de pratiques de travail forcé dans le secteur du coton. La commission a également noté que, dans ses conclusions adoptées en juin 2021 sur l’application de la convention, la Commission de la Conférence a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures efficaces dans des délais définis pour  assurer que, en droit et dans la pratique, nul ne soit contraint, y compris les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé et les étudiants, de participer à la récolte de coton organisée par l’État. Afin de mettre en œuvre efficacement ses conclusions, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau de l’OIT qui bénéficierait de tous les aménagements nécessaires à l’exercice de ses fonctions, y compris pendant la saison des récoltes.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’aucun cas de recours au travail forcé dans le secteur du coton n’a été signalé aux organes de l’État, aux autorités judiciaires, aux organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, ou au bureau de l’Ombudsman. Le gouvernement indique également que le bureau de l’Ombudsman a formulé des recommandations au Procureur général, au ministère de l’Intérieur, au ministère de l’Éducation et aux chefs des provinces et d’Achgabat, avec pour objectif de renforcer le contrôle et prévenir le travail forcé et le travail des enfants, notamment lors de la récolte du coton et d’autres travaux agricoles. En outre, des mesures sont actuellement prises pour améliorer la procédure d’établissement des contrats de travail entre les agriculteurs et les cueilleurs de coton.
La commission note par ailleurs qu’une mission de haut niveau de l’OIT a été réalisée en deux phases au Turkménistan en 2022: la première phase a été conduite virtuellement, en raison des restrictions liées au COVID-19, en février 2022. En outre, une mission préparatoire de l’OIT s’est rendue au Turkménistan du 14 au 16 septembre 2022 pour préparer la deuxième phase de la mission de haut niveau. L’objectif de cette visite préparatoire était de: 1) permettre à l’OIT de mieux comprendre l’organisation institutionnelle et pratique de la récolte du coton au Turkménistan; 2) discuter des paramètres de la deuxième phase de la mission de haut niveau; et 3) discuter de l’élaboration d’un éventuel projet de coopération pour le développement. La deuxième phase de la mission de haut niveau a donc été réalisée du 14 au 18 novembre 2022. L’objectif principal de la deuxième phase était de parvenir à un accord sur les paramètres d’un projet de coopération pour le développement et sur les activités immédiatement réalisables pour la coopération entre l’OIT et les mandants turkmènes.
La commission note qu’à l’issue de la mission de haut niveau, un accord a été conclu concernant un projet de feuille de route pour la coopération entre l’OIT et le gouvernement en 2023. En particulier, la feuille de route prévoit l’élaboration d’activités dans les six domaines suivants: 1) révision du cadre politique et administratif réglementant la récolte du coton; 2) renforcement de l’inspection du travail et du contrôle de l’application de la loi; 3) promotion du plein emploi, productif et librement choisi dans le secteur du coton; 4) amélioration de la production et de la récolte du coton; 5) élaboration et mise en œuvre d’activités de sensibilisation; et 6) promotion du dialogue social dans la production du coton. En outre, la feuille de route prévoit des activités visant à améliorer le cadre législatif pour la prévention et l’interdiction du travail forcé; la conduite d’une analyse de situation en matière de recrutement pour la cueillette du coton; le renforcement de la réglementation du travail saisonnier dans l’agriculture et des arrangements contractuels; l’amélioration de l’inspection du travail pour renforcer les contrôles; des visites de terrain pendant la récolte du coton de 2023; ainsi que le renforcement du dialogue entre le BIT et le gouvernement. La commission note également que la mission de haut niveau a réalisé des visites dans les provinces de Mary et de Lebap au cours desquelles elle a rencontré les autorités régionales et visité les champs de coton.
La commission note également que la CSI, dans ses observations de 2022, fait encore une fois état de la persistance du recours par l’État au travail forcé pour la récolte du coton. Selon la CSI, lors de la récolte du coton de 2021, les personnes mobilisées ont été contraintes de travailler pendant des heures excessivement longues dans des conditions sanitaires déplorables, sans avoir accès à des soins médicaux et sans être indemnisées pour leur travail. Comme les années précédentes, pour ne pas participer à la récolte du coton, certaines personnes ont dû payer des montants représentant une part importante de leurs revenus pour se faire remplacer. La CSI souligne également que les personnes les plus vulnérables au travail forcé lors de la récolte du coton sont les fonctionnaires, qui constituent la principale main-d’œuvre à cette fin, les travailleurs migrants internes, les personnes recevant un traitement pour toxicomanie, les personnes accusées pour des faits de prostitution ou de défaut de paiement de pension alimentaire, ainsi que les étudiants d’établissements d’enseignement publics.
Tout en prenant dûment note de la collaboration du gouvernement avec l’OIT pour traiter la question du travail forcé dans la récolte du coton, la commission prend note à nouveau avec préoccupation des informations faisant état de la persistance de la pratique du travail forcé dans le secteur du coton. La commission prie instamment et fermement le gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé et des étudiants, dans le cadre de la production de coton. À cet égard, la commission encourage vivement le gouvernement à continuer de coopérer avec le BIT et les partenaires sociaux afin de donner pleinement effet à la convention dans la pratique, y compris dans le cadre de la feuille de route pour la coopération entre l’OIT et le gouvernement. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard, y compris sur 1) la révision du cadre politique et administratif réglementant la récolte du coton; 2) le renforcement de l’inspection du travail et du contrôle de l’application de la loi; 3) la promotion du plein emploi, productif et librement choisi dans le secteur du coton; 4) l’amélioration de la production et de la récolte du coton; 5) l’élaboration et la mise en œuvre d’activités de sensibilisation; et 6) la promotion du dialogue social dans la production du coton.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas de réponse à ses précédents commentaires. Elle espère que le prochain rapport fournira des informations complètes sur les points soulevés dans ses précédents commentaires.
Répétition
La commission réitère sa demande directe adoptée en 2019 dont le contenu est reproduit ci-après.
La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2019.
Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant une obligation de travailler imposées en tant que sanction pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.  Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des articles 176(2) et 192 du Code pénal qui prévoient des amendes et des peines de rééducation par le travail de deux ans au plus ou de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans pour les insultes ou propos diffamatoires envers le Président et pour les calomnies envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction; et l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet (loi IDIS de 2014) concernant la responsabilité des internautes quant à la véracité des informations qu’ils postent et la publication de matériels contenant des insultes ou des propos diffamatoires contre le Président. La commission a aussi noté dans le rapport de la mission consultative technique de septembre 2016 qu’il ressort clairement des entretiens qui ont eu lieu avec certaines parties intéressées, dont plusieurs institutions des Nations Unies, que la pratique consistant à imposer du travail forcé pour avoir exprimé des opinions politiques existe bien. La commission a donc instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Elle a en outre prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 176 et 192 du Code pénal et de l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet.
La commission prend note des observations de la CSI selon lesquelles le gouvernement continue de poursuivre, d’intimider ou de harceler ceux qui tentent de dénoncer les conditions de travail dans le secteur du coton. En octobre 2016, le gouvernement a arrêté et inculpé de fraude Gasper Matalaev, un journaliste qui a contribué à un article documentant le recours au travail forcé pour la récolte annuelle de coton. Il a été condamné à trois ans dans un camp de travail.
La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement selon laquelle aucune affaire criminelle n’a fait l’objet d’une enquête en vertu des articles 176 et 192 du Code pénal. Elle prend également note des informations fournies par le gouvernement sur l’accès accru à Internet en vertu de la loi IDIS de 2014. La commission note que le Code pénal contient certaines dispositions en vertu desquelles certaines activités peuvent être punies par des peines de rééducation par le travail, qui prévoient l’obligation de travailler pendant une période de deux mois à deux ans (conformément à l’article 50 du Code pénal) dans des circonstances pouvant relever de la convention. Les dispositions en question sont les suivantes:
  • – l’article 177: qui prévoit des peines d’emprisonnement de trois à huit ans pour incitation à l’hostilité ou à la discorde sociale, nationale, ethnique, raciale ou religieuse;
  • – l’article 178: qui prévoit des amendes, des peines de rééducation par le travail ou des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans pour toute infraction liée au non-respect du drapeau national ou de l’hymne national;
  • – l’article 191: qui prévoit des amendes ou des peines de rééducation par le travail d’une durée pouvant aller jusqu’à un an pour outrage au tribunal; et
  • – l’article 212: qui prévoit des amendes ou des peines de rééducation par le travail d’une durée pouvant aller jusqu’à deux ans pour insulte à un représentant de l’autorité.
La commission note que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans ses observations finales d’avril 2017, s’est déclaré préoccupé par: i) les restrictions injustifiées à l’accès à Internet et les limitations disproportionnées des contenus en ligne pour des activités définies de manière vague et générale dans la loi IDIS de 2014; et ii) le recours continu au harcèlement, à l’intimidation, à la torture, aux arrestations arbitraires, à la détention et à la condamnation de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme ou de membres de groupes religieux pour des motifs prétendument politiques (CCPR/C/TKM/CO/2, paragr. 42). Se référant à son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales (paragr. 302 et 303), la commission souligne que, parmi les activités qui ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail obligatoire, en vertu de l’article 1 a) de la convention, figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques (oralement, par voie de presse ou par d’autres moyens de communication), ainsi que de divers autres droits généralement reconnus, tels que par exemple les droits d’association et de réunion, droits par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leur opinion, et qui peuvent se trouver affectés par des mesures de coercition politique. Elle souligne également que la convention n’interdit pas d’appliquer des sanctions comportant du travail obligatoire aux personnes qui utilisent la violence, incitent à la violence ou préparent des actes de violence.  En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune sanction comportant une obligation de travailler, y compris un travail pénitentiaire obligatoire, n’est imposée, en droit et dans la pratique, à l’encontre de personnes qui ont ou expriment de manière pacifique certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, par exemple, en limitant expressément la portée des articles 176(2), 177, 178, 191, 192 et 212 du Code pénal, ainsi que de l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet, aux situations dans lesquelles il est fait usage de violence, ou en supprimant les sanctions comportant l’obligation de travailler. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée en la matière, ainsi que sur l’application, dans la pratique, des articles susmentionnés, en indiquant le nombre de poursuites engagées au titre de chaque disposition et le type de sanctions infligées.

Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2021, qui font référence aux questions examinées par la commission dans le présent commentaire. Elle prie le gouvernement de fournir une réponse aux observations de la CSI.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 109e session, juin 2021)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu lors de la 109e session de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2021.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Production de coton. La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2021, la Commission de la Conférence a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures efficaces dans des délais définis pour: i) assurer que, en droit et dans la pratique, nul ne soit contraint, y compris les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé et les étudiants, de participer à la récolte de coton organisée par l’État ni menacé de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints; ii) rendre compte du statut de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, qui porte sur le recrutement de citoyens en vue de les faire travailler dans des entreprises, des institutions et des organisations dans les situations d’urgence; iii) mettre fin aux quotas obligatoires de production et de récolte de coton; iv) poursuivre et sanctionner de manière appropriée tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la culture ou la récolte du coton; v) élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, un plan d’action visant à éliminer, en droit et dans la pratique, le travail forcé dans le cadre de la récolte de coton organisée par l’État, et à améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton, conformément aux normes internationales du travail; et vi) permettre aux partenaires sociaux indépendants, à la presse et aux organisations de la société civile de suivre et de réunir des informations sur les cas de travail forcé lors de la récolte du coton sans craindre de représailles.
Dans ses commentaires précédents, la commission a exprimé sa profonde préoccupation face à la persistance de pratiques de travail forcé dans le secteur du coton. Elle a également noté l’absence de progrès tangible dans le traitement de la question de la mobilisation des personnes à des fins de travail forcé dans la récolte du coton depuis la discussion de ce cas par la Commission de la Conférence en juin 2016 et la visite, qui avait suivi, d’une mission consultative technique du BIT dans le pays.
La commission a également noté que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales de 2018, s’était déclaré préoccupé par les informations selon lesquelles nombre de travailleurs et d’étudiants continueraient à être forcés de travailler pendant la récolte du coton, sous peine de sanctions (E/C.12/TKM/CO/2, paragr. 23). Elle a également noté, à la lecture du Résumé des observations des parties prenantes sur le Turkménistan, de 2018, présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, que des personnes obligées de récolter du coton ont été forcées de signer des déclarations de participation «volontaire» à la récolte (A/HRC/WG.6/30/TKM/3, paragr. 49).
La commission a également pris note des observations de la CSI de 2020 dans lesquelles celle-ci dénonçait la pratique généralisée, imposée par l’État, du travail forcé pour la récolte du coton. La CSI avait indiqué en particulier qu’au cours de la récolte de coton de 2019, des fonctionnaires, y compris des membres du personnel enseignant, des médecins, des employés des services municipaux et des entreprises de services publics avaient une fois encore été mobilisés pour la récolte du coton ou avaient été contraints de payer des cueilleurs pour les remplacer. Pour la seconde fois en 15 ans, les enseignants ont été contraints de passer leurs neuf jours de vacances d’automne à cueillir du coton. Ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas le faire ont dû payer une part importante de leur revenu. En octobre 2019, chaque enseignant concerné a dû payer 285 manats (soit environ 16 dollars des États-Unis) alors que leur revenu mensuel moyen est d’environ 90 dollars É. U.
À cet égard, la commission note l’indication du gouvernement, dans les informations écrites fournies à la Commission de la Conférence, selon laquelle, pour la période 2015-2020, le pourcentage de coton récolté à la main est passé de 71 pour cent à 28 pour cent du fait de la mécanisation des activités. Le gouvernement souligne que l’utilisation généralisée de récolteuses de coton démontre qu’il n’est pas nécessaire de mobiliser d’énormes ressources humaines pour la cueillette du coton.
La commission prend également note de l’indication du gouvernement, dans sa communication en date du 25 octobre 2021, selon laquelle il a accepté la venue d’une mission de haut niveau de l’OIT, comme le lui avait demandé la Commission de la Conférence.
La commission note également que le gouvernement, indique dans son rapport qu’il s’efforce de mettre en place une politique d’automatisation maximale des travaux du secteur agricole et que l’utilisation de fonctionnaires pour la cueillette du coton n’est pas économiquement viable. Le gouvernement précise en outre qu’il n’existe pas de système de quotas obligatoires pour la production de coton au Turkménistan et que les conditions de production du coton, y compris le volume et le prix d’achat, sont régies dans le cadre d’un contrat conclu entre l’État et l’exploitant. Le gouvernement indique également que les organes chargés de l’application de la loi n’ont enregistré aucun cas de contrainte exercée sur des citoyens pour la cueillette du coton ni de paiement par des citoyens de sommes destinées à la récolte du coton.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence a été abrogée par la loi de 2013 sur l’état d’urgence (art. 31(2)) et que l’état d’urgence n’a jamais été décrété au Turkménistan. La commission prend également note du Plan d’action national pour les droits de l’homme (2021-2025) élaboré avec la participation de parties prenantes de tous horizons. Le gouvernement indique que ce plan d’action comporte un article sur la liberté du travail, qui prévoit diverses mesures visant notamment à prévenir le recours au travail forcé en veillant au respect de la législation et en renforçant les contrôles à cet effet. À cet égard, le gouvernement souligne que ce plan d’action pourra servir de point de départ pour traiter les questions soulevées par la Commission de la Conférence.
Toutefois, la commission note que, dans ses observations de 2021, la CSI réitère une fois de plus que l’État recourt de manière systémique au travail forcé pour la cueillette du coton. En particulier, lors de la récolte de 2020, des employés du secteur public et des étudiants ont à nouveau été mobilisés pour travailler dans les champs de coton. La CSI indique que les personnes mobilisées sont contraintes de travailler pendant des heures excessivement longues dans des conditions sanitaires déplorables et sans équipement de protection. Comme elle l’avait précédemment souligné, pour ne pas participer à la récolte du coton, certaines personnes ont dû payer des montants représentant une part importante de leurs revenus pour se faire remplacer. La CSI souligne que la mécanisation du processus de récolte du coton ne semble pas offrir de garanties suffisantes pour que cesse durablement la pratique systématique du travail forcé au Turkménistan.
La Commission note par ailleurs que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, dans la communication datée du 30 août 2021 adressée au gouvernement du Turkménistan, s’est déclaré profondément préoccupé par les conditions de travail et de vie des travailleurs du coton. Le Rapporteur spécial indique que, selon les informations reçues, des dizaines de milliers de citoyens, de travailleurs des secteurs public et privé sont assujettis au travail forcé, étant contraints de travailler dans les champs de coton sous peine d’être licenciés. Les travailleurs du secteur du coton doivent, selon les informations recueillies, payer eux-mêmes leur transport, leur logement et leur nourriture et ils ne perçoivent pas de rémunération ou ont des salaires très bas. En outre, ces travailleurs n’ont pas accès à une assistance médicale en cas de besoin et ne peuvent pas se payer de soins médicaux eux-mêmes en raison de leurs faibles revenus. Si les quotas de production de coton imposés par l’État ne sont pas atteints, les associations agricoles, les entreprises et les organisations, les écoles, les organismes de construction, les services d’utilité publique et les hôpitaux de la région concernée peuvent être obligés de fournir du coton, en l’achetant ailleurs.
Tout en prenant note de certaines mesures adoptées par le gouvernement pour traiter le problème du travail forcé dans le cadre de la récolte de coton, y compris les mesures visant à réduire les travaux effectués manuellement, la commission exprime une fois de plus sa profonde préoccupation face à la persistance du travail forcé dans ce secteur. Prenant dûment note de l’engagement déclaré du gouvernement à collaborer avec le BIT et à mettre en œuvre cette convention, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé ainsi que des étudiants dans le cadre de la production de coton. La commission encourage vivement le gouvernement à continuer de coopérer avec le BIT et les partenaires sociaux afin d’assurer la pleine application de la convention dans la pratique. À cet égard, elle encourage le gouvernement à considérer la possibilité d’élaborer un plan d’action national, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et le BIT, pour améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin et les résultats concrets obtenus en la matière. La commission salue le fait que, comme le lui avait demandé la Commission de la Conférence, le gouvernement ait accepté d’accueillir une mission de haut niveau, laquelle se rendra dans le pays en 2022, et elle veut croire que, dans ce contexte, la mission de haut niveau sera en mesure de constater les progrès tangibles accomplis.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2022.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission réitère sa demande directe adoptée en 2019 dont le contenu est reproduit ci-après.
La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2019.
Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant une obligation de travailler imposées en tant que sanction pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.  Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des articles 176(2) et 192 du Code pénal qui prévoient des amendes et des peines de rééducation par le travail de deux ans au plus ou de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans pour les insultes ou propos diffamatoires envers le Président et pour les calomnies envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction; et l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet (loi IDIS de 2014) concernant la responsabilité des internautes quant à la véracité des informations qu’ils postent et la publication de matériels contenant des insultes ou des propos diffamatoires contre le Président. La commission a aussi noté dans le rapport de la mission consultative technique de septembre 2016 qu’il ressort clairement des entretiens qui ont eu lieu avec certaines parties intéressées, dont plusieurs institutions des Nations Unies, que la pratique consistant à imposer du travail forcé pour avoir exprimé des opinions politiques existe bien. La commission a donc instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Elle a en outre prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 176 et 192 du Code pénal et de l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet.
La commission prend note des observations de la CSI selon lesquelles le gouvernement continue de poursuivre, d’intimider ou de harceler ceux qui tentent de dénoncer les conditions de travail dans le secteur du coton. En octobre 2016, le gouvernement a arrêté et inculpé de fraude Gasper Matalaev, un journaliste qui a contribué à un article documentant le recours au travail forcé pour la récolte annuelle de coton. Il a été condamné à trois ans dans un camp de travail.
La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement selon laquelle aucune affaire criminelle n’a fait l’objet d’une enquête en vertu des articles 176 et 192 du Code pénal. Elle prend également note des informations fournies par le gouvernement sur l’accès accru à Internet en vertu de la loi IDIS de 2014. La commission note que le Code pénal contient certaines dispositions en vertu desquelles certaines activités peuvent être punies par des peines de rééducation par le travail, qui prévoient l’obligation de travailler pendant une période de deux mois à deux ans (conformément à l’article 50 du Code pénal) dans des circonstances pouvant relever de la convention. Les dispositions en question sont les suivantes:
  • – l’article 177: qui prévoit des peines d’emprisonnement de trois à huit ans pour incitation à l’hostilité ou à la discorde sociale, nationale, ethnique, raciale ou religieuse;
  • – l’article 178: qui prévoit des amendes, des peines de rééducation par le travail ou des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans pour toute infraction liée au non-respect du drapeau national ou de l’hymne national;
  • – l’article 191: qui prévoit des amendes ou des peines de rééducation par le travail d’une durée pouvant aller jusqu’à un an pour outrage au tribunal; et
  • – l’article 212: qui prévoit des amendes ou des peines de rééducation par le travail d’une durée pouvant aller jusqu’à deux ans pour insulte à un représentant de l’autorité.
La commission note que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans ses observations finales d’avril 2017, s’est déclaré préoccupé par: i) les restrictions injustifiées à l’accès à Internet et les limitations disproportionnées des contenus en ligne pour des activités définies de manière vague et générale dans la loi IDIS de 2014; et ii) le recours continu au harcèlement, à l’intimidation, à la torture, aux arrestations arbitraires, à la détention et à la condamnation de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme ou de membres de groupes religieux pour des motifs prétendument politiques (CCPR/C/TKM/CO/2, paragr. 42). Se référant à son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales (paragr. 302 et 303), la commission souligne que, parmi les activités qui ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail obligatoire, en vertu de l’article 1 a) de la convention, figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques (oralement, par voie de presse ou par d’autres moyens de communication), ainsi que de divers autres droits généralement reconnus, tels que par exemple les droits d’association et de réunion, droits par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leur opinion, et qui peuvent se trouver affectés par des mesures de coercition politique. Elle souligne également que la convention n’interdit pas d’appliquer des sanctions comportant du travail obligatoire aux personnes qui utilisent la violence, incitent à la violence ou préparent des actes de violence.  En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune sanction comportant une obligation de travailler, y compris un travail pénitentiaire obligatoire, n’est imposée, en droit et dans la pratique, à l’encontre de personnes qui ont ou expriment de manière pacifique certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, par exemple, en limitant expressément la portée des articles 176(2), 177, 178, 191, 192 et 212 du Code pénal, ainsi que de l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet, aux situations dans lesquelles il est fait usage de violence, ou en supprimant les sanctions comportant l’obligation de travailler. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée en la matière, ainsi que sur l’application, dans la pratique, des articles susmentionnés, en indiquant le nombre de poursuites engagées au titre de chaque disposition et le type de sanctions infligées.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 109ème session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2021]

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des observations reçues le 21 septembre 2020 de la Confédération syndicale internationale (CSI), ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019. La commission prie le gouvernement de fournir sa réponse aux observations de la CSI.
La commission note également les observations de la CSI reçues le 1er septembre 2019.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Production de coton. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, selon l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, l’État et les autorités gouvernementales peuvent recruter des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations, en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. La commission a considéré que la notion de «fins de développement économique» ne semble pas satisfaire la définition de la «force majeure» définie dans la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, et est donc incompatible à la fois avec l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29 et avec l’article 1 b) de la convention no 105, qui interdit le travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. La commission a également noté que le gouvernement a déclaré que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan ne se réfèrent pas à la notion de «fins de développement économique», mais que des citoyens peuvent être employés dans des entreprises, des organisations et des institutions pendant la mobilisation afin d’assurer le fonctionnement de l’économie du pays et de produire des biens et services essentiels pour satisfaire les besoins de l’État, des forces armées et de la population en cas d’urgence. En outre, l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi.
Dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2016, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement: i) de prendre des mesures efficaces, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce que nul ne soit contraint, pas même les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé, de participer à la récolte de coton organisée par l’État ni menacé de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints, sous prétexte de «fins de développement économique»; ii) d’abroger l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence; et iii) de solliciter l’assistance technique du BIT afin de respecter la convention, en droit et dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’État.
La commission a noté que, dans ses observations de 2016, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) a exprimé sa profonde préoccupation face aux pratiques de travail forcé signalées dans la production de coton, qui affectent les exploitants agricoles, les entreprises et les travailleurs des secteurs public et privé, sous la menace de sanctions si les quotas de production n’étaient pas atteints. En outre, les observations de 2016 de la CSI ont mis l’accent sur les pratiques de mobilisation forcée par le gouvernement des salariés d’un large éventail d’institutions des secteurs public et privé pour la récolte du coton, notamment ceux d’institutions d’enseignement et de soins de santé, d’antennes locales de l’administration, de bibliothèques, de musées, d’instituts météorologiques, de centres culturels, d’organisations sportives, d’entreprises du secteur public, et d’entreprises manufacturières et des secteurs de la construction, des télécommunications et de la pêche. Ceux qui ont refusé se sont exposés à des sanctions administratives, telles que la censure publique, la cessation du paiement de leur salaire et la résiliation de l’emploi. À cet égard, la commission a noté que le gouvernement avait indiqué que, dans certaines régions du pays, l’administration locale et les producteurs agricoles, secondés par les services locaux de l’emploi, ont organisé des campagnes de recrutement volontaire parmi les personnes inscrites à l’agence pour l’emploi pendant la saison de la récolte du coton afin d’offrir un emploi saisonnier à ce segment de la population.
La commission a noté par ailleurs d’après le rapport de la mission consultative technique du BIT de septembre 2016 que, bien que les représentants des organisations internationales et des ambassades étrangères rencontrés par la mission aient indiqué l’existence de la pratique du travail forcé, dans la plupart des cas, ils ne disposaient pas de preuve directe du fait de la difficulté de se rendre dans les champs de coton. Le rapport de mission du BIT a noté les multiples stratégies nationales et plans d’action mis en place par le gouvernement, comme le Plan d’action national pour les droits de l’homme (2016-2020); le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (2016-2018); l’Accord-cadre de partenariat des Nations Unies pour le développement signé en avril 2016; et les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2016. La mission a également dûment pris note de la réelle volonté politique du gouvernement de s’attaquer au problème du travail forcé dans la récolte du coton. La commission a prié instamment le gouvernement de continuer à collaborer avec le BIT afin d’éliminer, en droit comme dans la pratique, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’État.
La commission note, d’après les observations de la CSI de 2019, qu’en novembre 2018, des travailleurs de tous les secteurs de l’économie nationale ont été envoyés dans les champs de coton, certains d’entre eux ayant même été envoyés dans des contrées éloignées à des centaines de kilomètres de leur domicile. Pour la première fois en quinze ans, des enseignants ont été forcés de passer leurs vacances d’automne, d’une durée de neuf jours, à récolter le coton. Dans la région de Mary, la proportion d’enseignants forcés de récolter le coton pendant la saison des récoltes de 2018 a été estimé à 70 pour cent. La CSI déclare également que les personnes travaillaient depuis l’aube jusqu’à la tombée de la nuit, avec une pause déjeuner comprise entre trente et soixante minutes, et que le soir, on les raccompagnait en bus en ville. Ceux qui étaient envoyés aux champs pour dix jours ou plus étaient logés dans des locaux d’habitation provisoires dont le sol était en terre, sans installations sanitaires. Les exploitants agricoles devaient produire une récolte importante de coton; devaient atteindre les quotas fixés par l’État; et payer les travailleurs que le gouvernement forçait à travailler pour la récolte du coton. Les autorités menaçaient les exploitants agricoles de leur enlever leurs terres s’ils n’atteignaient pas les quotas imposés par le gouvernement.
La commission note l’information contenue dans le rapport du gouvernement selon laquelle la décision du Conseil public, adoptée en septembre 2018, vise à améliorer les méthodes de travail dans le secteur de l’agriculture, à moderniser le travail dans ce domaine et à prévoir un vaste recrutement de producteurs privés dans l’agriculture. Conformément à cette décision, des lopins de terre devront être offerts sur une base contractuelle à des sociétés à capital social, des exploitations agricoles familiales et à d’autres entités juridiques ou d’autres producteurs, pour une période de 99 ans, aux fins de la production végétale telle que le blé et le coton. La commission prend note également de l’information du gouvernement selon laquelle il s’est procuré des machines à récolter le coton, de sorte que le recrutement de masse de ressources humaines à cette fin n’est plus nécessaire. Le gouvernement indique que, pendant la saison des récoltes de 2017, 1 200 machines de récolte ont été utilisées et, en 2018, 500 machines supplémentaires ont été achetées à l’Ouzbékistan. De plus, un contrat de 200 machines de ce type a été signé avec un fabricant de matériels agricoles. En outre, la commission note que le gouvernement indique que, en collaboration avec les partenaires sociaux, un projet de programme de coopération a été élaboré et envoyé au BIT pour examen. Ce projet établit les mesures concernant la mise en œuvre des normes et règles internationales, le travail décent, les salaires équitables et la protection sociale, de même que la participation active des partenaires sociaux sur les questions relatives au travail décent et à l’emploi. La commission note cependant qu’il n’y a pas eu d’accord sur ce projet de programme de coopération.
La commission note en outre, d’après les observations récentes de la CSI, que pendant les récoltes de coton de 2019, des employés du secteur public, notamment des enseignants, des médecins, des employés des services municipaux et des entreprises de services publics ont continué à être mobilisés pour la récolte du coton ou ont été contraints de payer des récolteurs de remplacement. Ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas récolter le coton ont dû verser une partie substantielle de leurs revenus. En octobre 2019, les membres du personnel enseignant avaient payé 285 manats (16 dollars des États-Unis) chacun, alors que leur revenu mensuel moyen était d’environ 90 dollars des États-Unis. D’autres preuves montrent que les travailleurs du secteur public sont mobilisés pour la récolte 2020.
La commission note que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales d’octobre 2018, s’est déclaré préoccupé par les informations selon lesquelles nombre de travailleurs et d’étudiants continueraient à être forcés à travailler pendant la récolte du coton, sous peine de sanctions (E/C.12/TKM/CO/2, paragr. 23). Elle note également, d’après le Résumé des observations des parties prenantes sur le Turkménistan, de février 2018, présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, que des personnes obligées à récolter du coton ont été forcées à signer des déclarations sur une participation «volontaire» à la récolte (A/HRC/WG.6/30/TKM/3, paragr. 49).
La commission doit exprimer sa profonde préoccupation face à la persistance des pratiques de travail forcé dans le secteur du coton et les mauvaises conditions de travail des personnes employées dans ce secteur. La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre des mesures pour éliminer le recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, dans la culture du coton. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin et sur les résultats concrets obtenus, en précisant les violations qui ont été constatées et les sanctions qui ont été appliquées. À cet égard, la commission encourage vivement le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT afin d’éliminer, en droit comme dans la pratique, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’État, et d’améliorer le recrutement et les conditions de travail dans le secteur du coton.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement, qui reprend le contenu de sa précédente demande adoptée en 2019.
À la lumière de la situation décrite ci-dessus, la commission ne peut que noter l’absence de progrès tangible dans le traitement de la question de la mobilisation de personnes à des fins de travail forcé dans la récolte du coton depuis la discussion de ce cas par la Commission de la Conférence et la visite d’une mission consultative technique du BIT dans le pays en 2016. La commission note avec une profonde préoccupation que les pratiques de travail forcé persistent dans le secteur du coton.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 109e  session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2021.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2019.
Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant une obligation de travailler imposées en tant que sanction pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des articles 176(2) et 192 du Code pénal qui prévoient des amendes et des peines de rééducation par le travail de deux ans au plus ou de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans pour les insultes ou propos diffamatoires envers le Président et pour les calomnies envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction; et l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet (loi IDIS de 2014) concernant la responsabilité des internautes quant à la véracité des informations qu’ils postent et la publication de matériels contenant des insultes ou des propos diffamatoires contre le Président. La commission a aussi noté dans le rapport de la mission consultative technique de septembre 2016 qu’il ressort clairement des entretiens qui ont eu lieu avec certaines parties intéressées, dont plusieurs institutions des Nations Unies, que la pratique consistant à imposer du travail forcé pour avoir exprimé des opinions politiques existe bien. La commission a donc instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Elle a en outre prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 176 et 192 du Code pénal et de l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet.
La commission prend note des observations de la CSI selon lesquelles le gouvernement continue de poursuivre, d’intimider ou de harceler ceux qui tentent de dénoncer les conditions de travail dans le secteur du coton. En octobre 2016, le gouvernement a arrêté et inculpé de fraude Gasper Matalaev, un journaliste qui a contribué à un article documentant le recours au travail forcé pour la récolte annuelle de coton. Il a été condamné à trois ans dans un camp de travail.
La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement selon laquelle aucune affaire criminelle n’a fait l’objet d’une enquête en vertu des articles 176 et 192 du Code pénal. Elle prend également note des informations fournies par le gouvernement sur l’accès accru à Internet en vertu de la loi IDIS de 2014. La commission note que le Code pénal contient certaines dispositions en vertu desquelles certaines activités peuvent être punies par des peines de rééducation par le travail, qui prévoient l’obligation de travailler pendant une période de deux mois à deux ans (conformément à l’article 50 du Code pénal) dans des circonstances pouvant relever de la convention. Les dispositions en question sont les suivantes:
  • -l’article 177: qui prévoit des peines d’emprisonnement de trois à huit ans pour incitation à l’hostilité ou à la discorde sociale, nationale, ethnique, raciale ou religieuse;
  • -l’article 178: qui prévoit des amendes, des peines de rééducation par le travail ou des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans pour toute infraction liée au non-respect du drapeau national ou de l’hymne national;
  • -l’article 191: qui prévoit des amendes ou des peines de rééducation par le travail d’une durée pouvant aller jusqu’à un an pour outrage au tribunal; et
  • -l’article 212: qui prévoit des amendes ou des peines de rééducation par le travail d’une durée pouvant aller jusqu’à deux ans pour insulte à un représentant de l’autorité.
La commission note que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans ses observations finales d’avril 2017, s’est déclaré préoccupé par: i) les restrictions injustifiées à l’accès à Internet et les limitations disproportionnées des contenus en ligne pour des activités définies de manière vague et générale dans la loi IDIS de 2014; et ii) le recours continu au harcèlement, à l’intimidation, à la torture, aux arrestations arbitraires, à la détention et à la condamnation de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme ou de membres de groupes religieux pour des motifs prétendument politiques (CCPR/C/TKM/CO/2, paragr. 42). Se référant à son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales (paragr. 302 et 303), la commission souligne que, parmi les activités qui ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail obligatoire, en vertu de l’article 1 a) de la convention, figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques (oralement, par voie de presse ou par d’autres moyens de communication), ainsi que de divers autres droits généralement reconnus, tels que par exemple les droits d’association et de réunion, droits par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leur opinion, et qui peuvent se trouver affectés par des mesures de coercition politique. Elle souligne également que la convention n’interdit pas d’appliquer des sanctions comportant du travail obligatoire aux personnes qui utilisent la violence, incitent à la violence ou préparent des actes de violence. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune sanction comportant une obligation de travailler, y compris un travail pénitentiaire obligatoire, n’est imposée, en droit et dans la pratique, à l’encontre de personnes qui ont ou expriment de manière pacifique certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, par exemple, en limitant expressément la portée des articles 176(2), 177, 178, 191, 192 et 212 du Code pénal, ainsi que de l’article 30(3) de la loi de 2014 sur le développement et les services de l’Internet, aux situations dans lesquelles il est fait usage de violence, ou en supprimant les sanctions comportant l’obligation de travailler. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée en la matière, ainsi que sur l’application, dans la pratique, des articles susmentionnés, en indiquant le nombre de poursuites engagées au titre de chaque disposition et le type de sanctions infligées.

Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2019.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. (Production de coton). Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, selon l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, l’Etat et les autorités gouvernementales peuvent recruter des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations, en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. La commission a considéré que la notion de «fins de développement économique» ne semble pas satisfaire la définition de la «force majeure» définie dans la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, et est donc incompatible à la fois avec l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29 et avec l’article 1 b) de la convention no 105, qui interdit le travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. La commission a également noté que le gouvernement a déclaré que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan ne se réfèrent pas à la notion de «fins de développement économique», mais que des citoyens peuvent être employés dans des entreprises, des organisations et des institutions pendant la mobilisation afin d’assurer le fonctionnement de l’économie du pays et de produire des biens et services essentiels pour satisfaire les besoins de l’Etat, des forces armées et de la population en cas d’urgence. En outre, l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi.
Dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2016, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement: i) de prendre des mesures efficaces, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce que nul ne soit contraint, pas même les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé, de participer à la récolte de coton organisée par l’Etat ni menacé de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints, sous prétexte de «fins de développement économique»; ii) d’abroger l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence; et iii) de solliciter l’assistance technique du BIT afin de respecter la convention, en droit et dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission a noté que, dans ses observations de 2016, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) a exprimé sa profonde préoccupation face aux pratiques de travail forcé signalées dans la production de coton, qui affectent les exploitants agricoles, les entreprises et les travailleurs des secteurs public et privé, sous la menace de sanctions si les quotas de production n’étaient pas atteints. En outre, les observations de 2016 de la CSI ont mis l’accent sur les pratiques de mobilisation forcée par le gouvernement des salariés d’un large éventail d’institutions des secteurs public et privé pour la récolte du coton, notamment ceux d’institutions d’enseignement et de soins de santé, d’antennes locales de l’administration, de bibliothèques, de musées, d’instituts météorologiques, de centres culturels, d’organisations sportives, d’entreprises du secteur public, et d’entreprises manufacturières et des secteurs de la construction, des télécommunications et de la pêche. Ceux qui ont refusé se sont exposés à des sanctions administratives, telles que la censure publique, la cessation du paiement de leur salaire et la résiliation de l’emploi. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement avait indiqué que, dans certaines régions du pays, l’administration locale et les producteurs agricoles, secondés par les services locaux de l’emploi, ont organisé des campagnes de recrutement volontaire parmi les personnes inscrites à l’agence pour l’emploi pendant la saison de la récolte du coton afin d’offrir un emploi saisonnier à ce segment de la population.
La commission a noté par ailleurs d’après le rapport de la mission consultative technique du BIT de septembre 2016 que, bien que les représentants des organisations internationales et des ambassades étrangères rencontrés par la mission aient indiqué l’existence de la pratique du travail forcé, dans la plupart des cas, ils ne disposaient pas de preuve directe du fait de la difficulté de se rendre dans les champs de coton. Le rapport de mission du BIT a noté les multiples stratégies nationales et plans d’action mis en place par le gouvernement, comme le Plan d’action national pour les droits de l’homme (2016-2020); le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (2016-2018); l’Accord-cadre de partenariat des Nations Unies pour le développement signé en avril 2016; et les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2016. La mission a également dûment pris note de la réelle volonté politique du gouvernement de s’attaquer au problème du travail forcé pour la récolte du coton. La commission a prié instamment le gouvernement de continuer à collaborer avec le BIT afin d’éliminer, en droit comme dans la pratique, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission note, d’après les récentes observations de la CSI, qu’en novembre 2018, des travailleurs de tous les secteurs de l’économie nationale ont été envoyés dans les champs de coton, certains d’entre eux ayant même été envoyés dans des contrées éloignées à des centaines de kilomètres de leur domicile. Pour la première fois en quinze ans, des enseignants ont été forcés de passer leurs vacances d’automne, d’une durée de neuf jours, à récolter le coton. Dans la région de Mary, la proportion d’enseignants forcés de récolter le coton pendant la saison des récoltes de 2018 a été estimé à 70 pour cent. La CSI déclare également que les personnes travaillaient depuis l’aube jusqu’à la tombée de la nuit, avec une pause déjeuner comprise entre trente et soixante minutes, et que le soir, on les raccompagnait en bus en ville. Ceux qui étaient envoyés aux champs pour dix jours ou plus étaient logés dans des locaux d’habitation provisoires dont le sol était en terre, sans installations sanitaires. Les exploitants agricoles devaient produire une récolte importante de coton; devaient atteindre les quotas fixés par l’Etat; et payer les travailleurs que le gouvernement forçait à travailler pour la récolte du coton. Les autorités menaçaient les exploitants agricoles de leur enlever leurs terres s’ils n’atteignaient pas les quotas imposés par le gouvernement.
La commission note l’information contenue dans le rapport du gouvernement selon laquelle la décision du Conseil public, adoptée en septembre 2018, vise à améliorer les méthodes de travail dans le secteur de l’agriculture, à moderniser le travail dans ce domaine et à prévoir un vaste recrutement de producteurs privés dans l’agriculture. Conformément à cette décision, des lopins de terre devront être offerts sur une base contractuelle à des sociétés à capital social, des exploitations agricoles familiales et à d’autres entités juridiques ou d’autres producteurs, pour une période de 99 ans, aux fins de la production végétale telle que le blé et le coton. La commission prend note également de l’information du gouvernement selon laquelle il s’est procuré des machines à récolter le coton, de sorte que le recrutement de masse de ressources humaines à cette fin n’est plus nécessaire. Le gouvernement indique que, pendant la saison des récoltes de 2017, 1 200 machines de récolte ont été utilisées et, en 2018, 500 machines supplémentaires ont été achetées à l’Ouzbékistan. De plus, un contrat de 200 machines de ce type a été signé avec un fabricant de matériels agricoles. En outre, la commission note que le gouvernement indique que, en collaboration avec les partenaires sociaux, un projet de programme de coopération a été élaboré et envoyé au BIT pour examen. Ce projet établit les mesures concernant la mise en œuvre des normes et règles internationales, le travail décent, les salaires équitables et la protection sociale, de même que la participation active des partenaires sociaux sur les questions relatives au travail décent et à l’emploi. La commission note cependant qu’il n’y a pas eu d’accord sur ce projet de programme de coopération.
La commission note que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales d’octobre 2018, s’est déclaré préoccupé par les informations selon lesquelles nombre de travailleurs et d’étudiants continueraient à être forcés à travailler pendant la récolte du coton, sous peine de sanctions (E/C.12/TKM/CO/2, paragr. 23). Elle note également, d’après le Résumé des observations des parties prenantes sur le Turkménistan, de février 2018, présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, que des personnes obligées à récolter du coton ont été forcées à signer des déclarations sur une participation «volontaire» à la récolte (A/HRC/WG.6/30/TKM/3, paragr. 49). Tout en prenant dûment note des mesures prises par le gouvernement, la commission se doit d’exprimer sa préoccupation face à la poursuite de la pratique de travail forcé dans le secteur du coton et les mauvaises conditions de travail des personnes employées dans ce secteur. La commission prie donc instamment le gouvernement de continuer à prendre des mesures afin de garantir l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, dans la culture du coton. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin et sur les résultats concrets obtenus, en précisant si des violations ont été détectées et si des sanctions ont été appliquées. A cet égard, la commission encourage vivement le gouvernement à continuer à recourir à l’assistance technique du BIT afin d’éliminer, en droit comme dans la pratique, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’Etat, et d’améliorer le recrutement et les conditions de travail dans le secteur du coton.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Peines comportant un travail obligatoire. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission prend note des éclaircissements apportés par le gouvernement dans son rapport sur la détention administrative, les sanctions administratives comportant un service à la collectivité et la rééducation par le travail. Le gouvernement indique que, aux termes de l’article 49 du Code des infractions administratives de 2013, une détention administrative peut être appliquée dans des cas exceptionnels pour des délits administratifs spécifiques lorsque, compte tenu des circonstances du cas et de la situation de la personne ayant commis le délit, d’autres types de sanctions sont jugés insuffisants. Il précise que la détention administrative n’est pas assortie d’une obligation d’effectuer un service à la collectivité ou du travail obligatoire.
Le gouvernement indique par ailleurs que l’article 576(1) du Code des infractions administratives énonce les conditions dans lesquelles un tribunal peut imposer une sanction administrative sous la forme d’un service à la collectivité pouvant être effectué dans des lieux déterminés par le gouverneur de la province ou de la ville. Ces services à la collectivité peuvent inclure le nettoyage des rues et des trottoirs du district ou de la ville et l’entretien d’équipements publics, un travail en zone rurale (culture, élevage bovin ou avicole), et l’entretien des sols pour éviter des catastrophes naturelles (inondations, glissements de terrain, tremblements de terre). La commission prend note par ailleurs de la précision apportée par le gouvernement suivant laquelle la «rééducation par le travail», telle que la définit l’article 50 du Code pénal, est une sentence prononcée par une juridiction contre un contrevenant qui devra purger sa peine sur son lieu de travail ou dans un autre lieu de sa zone de résidence, moyennant versement d’un salaire adéquat.
Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant une obligation de travailler imposées pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des allégations de la Confédération syndicale internationale (CSI) suivant lesquelles le gouvernement ne respecte pas la liberté d’association et d’expression, et les défenseurs des droits de l’homme s’exposent à des risques personnels graves et doivent agir dans la clandestinité pour éviter le harcèlement et les représailles. Elle a noté par ailleurs que l’Union européenne, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture ont exprimé leur préoccupation au sujet des restrictions graves visant la liberté d’expression et des allégations concordantes faisant état d’arrestations arbitraires de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes pour des délits pénaux, apparemment en représailles de leur travail (Union européenne, communiqué de presse du 17 juin 2015 sur le «Dialogue UE Turkménistan sur les droits de l’homme»; CCPR/C/TKM/CO/1; CAT/C/TKM/CO/1; A/HRC/17/27/Add.1; A/HRC/WG.6/16/TKM/2; A/HRC/WG.6/16/TKM/3 et A/HRC/24/3).
La commission prend note de l’indication donnée par le gouvernement suivant laquelle les sanctions administratives prévues à l’article 63 du Code des infractions administratives de 2013 portent sur des infractions aux textes régissant la tenue de rassemblements, défilés, manifestations ou de toute autre activité de masse. De même, les sanctions pénales prévues à l’article 223 du Code pénal s’appliquent aux citoyens qui ont déjà fait l’objet de sanctions administratives pour infraction aux textes régissant l’organisation ou la tenue de rassemblements, défilés, marches ou manifestations. Le gouvernement précise qu’aucune de ces dispositions ne vise l’expression de vues ou opinions politiques, mais les infractions aux conditions imposées à la tenue de tels rassemblements et activités de masse. Le gouvernement indique aussi, dans le rapport qu’il a soumis au titre de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que les sanctions administratives prévues à l’article 63 du code comporteront un avertissement ou une amende administrative, ou une détention administrative ne pouvant excéder dix jours. En outre, la commission note que le gouvernement indique que le Parlement turkmène a adopté la loi du 28 février 2015 sur l’organisation et la tenue d’assemblées, de rassemblements publics, de manifestations et autres activités de masse, qui dispose que les citoyens peuvent exercer leur droit constitutionnel de se rassembler pacifiquement, tenir des assemblées, des rassemblements publics, des manifestations et autres activités de masse.
La commission note toutefois que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur les dispositions légales citées par la commission dans ses précédents commentaires, à savoir: i) les articles 176 et 192 du Code pénal qui prévoient des peines de rééducation par le travail de deux ans au plus ou de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans pour les insultes ou propos diffamatoires envers le Président et pour les calomnies envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction; et ii) l’article 30(3) de la loi sur le développement et les services de l’Internet de 2014 concernant la responsabilité des internautes quant à la véracité des informations qu’ils postent et la publication de matériels contenant des insultes ou des propos diffamatoires contre le Président.
A cet égard, la commission prend note de la déclaration du représentant du gouvernement devant la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2016, suivant laquelle l’application des dispositions de la législation nationale ne doit pas être interprétée comme constituant une sanction et ne doit par conséquent pas relever de l’interdiction contenue à l’article 1 a) de la convention. La commission note aussi dans le rapport de la mission consultative technique qui s’est rendue à Achgabat du 26 au 29 septembre 2016 qu’il ressort clairement des entretiens qui ont eu lieu avec certaines parties intéressées, dont plusieurs institutions des Nations Unies, que la pratique consistant à imposer du travail forcé pour avoir exprimé des vues politiques existe bien. En conséquence, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, afin de s’assurer qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Dans l’attente de l’adoption de ces mesures, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 176 et 192 du Code pénal et de l’article 30(3) de la loi sur le développement et les services de l’Internet de 2014.
Article 1 c). Mesures disciplinaires applicables aux gens de mer. A la suite de ses précédents commentaires, la commission note que le gouvernement indique que, en vertu du chapitre IV du Code de discipline, les sanctions disciplinaires pour infraction à la discipline du travail commise par un membre d’équipage à bord d’un navire ou dans les locaux ou sur le territoire d’entreprises de transport maritime sont: la note de service, la réprimande, la réprimande grave, l’avertissement, le transfert sur un autre navire avec salaire inférieur pour les officiers, le travail à terre correspondant à la profession du contrevenant pour une durée maximum d’un an, le retrait, l’annulation ou la suspension de la licence pour une durée d’un à trois ans, et le licenciement. Le gouvernement indique également que les sanctions disciplinaires pour les membres d’équipage ne comportent pas de travail obligatoire.
Article 1 d). Sanctions comportant un travail obligatoire en cas de participation à des grèves. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté la déclaration du gouvernement suivant laquelle l’article 16 de la loi sur la fonction publique interdit aux fonctionnaires de faire grève. Elle s’est référée aux commentaires qu’elle avait formulés quant à l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dans lesquels elle relevait d’autres restrictions au droit de grève. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur les sanctions susceptibles d’être imposées aux travailleurs qui participent à des grèves, plus particulièrement dans la fonction publique.
La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement dans son rapport sur l’application de la convention no 87, suivant laquelle l’article 395 du Code du travail prévoit que les litiges entre les travailleurs et leurs représentants et les employeurs et leurs représentants survenant aux divers échelons du partenariat social sont réglés par une procédure de conciliation en deux étapes: i) le règlement d’un conflit collectif du travail par un comité de conciliation; et ii) l’examen d’un conflit collectif du travail par les instances judiciaires lorsque aucun accord n’est trouvé en comité de conciliation. Les représentants des parties et le comité de conciliation doivent saisir toutes les occasions que leur offre la loi de régler un conflit collectif du travail lorsqu’il survient. Le gouvernement déclare en outre que le pays n’a enregistré aucun cas de grève.

Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 105e session, mai-juin 2016)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence, en juin 2016, concernant l’application de la convention par le Turkménistan. Elle prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2016, et des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 31 août 2016, ainsi que des rapports du gouvernement reçus le 5 septembre 2016 et le 10 novembre 2016. Enfin, elle prend note du rapport de la mission consultative technique du BIT qui s’est rendue au Turkménistan du 26 au 29 septembre 2016.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, suivant l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, l’Etat et les autorités gouvernementales peuvent réquisitionner des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations, en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. La commission a considéré que la notion de «fins de développement économique» ne semble pas satisfaire aux critères de la «force majeure» définie dans la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, et est donc incompatible à la fois avec l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29 et avec l’article 1 b) de la convention no 105. La commission a également noté que le gouvernement a déclaré que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan ne se réfèrent pas à la notion de «fins de développement économique», mais que des citoyens peuvent être employés dans des entreprises, des organisations et des institutions pendant la mobilisation afin d’assurer le fonctionnement de l’économie du pays et de produire des biens et services essentiels pour satisfaire les besoins de l’Etat, des forces armées et de la population en cas d’urgence. En outre, l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi.
La commission a également noté les allégations de la CSI selon lesquelles des dizaines de milliers d’adultes des secteurs public et privé sont forcés de récolter le coton et des fermiers sont forcés de remplir des quotas de production de coton fixés par l’Etat, tout cela sous la menace de sanctions. D’après la CSI, le Président promulgue chaque année des ordonnances sur la production de coton à l’intention des gouverneurs des régions qui risquent d’être démis de leur fonction s’ils n’atteignent pas ces quotas. Les gouverneurs assignent des responsabilités aux fonctionnaires de district ou municipaux qui, à leur tour, donnent des consignes à des directeurs d’écoles, à d’autres administrations publiques et à des entreprises. De par la législation en vigueur, le gouvernement ordonne l’utilisation qui doit être faite des terres par l’intermédiaire des associations de fermiers, qui peuvent déchoir un fermier de ses droits pour «utilisation irrationnelle et inappropriée» de la terre. Responsables devant le Président, les gouverneurs des régions supervisent les associations de fermiers, qui gèrent les exploitations, et les fonctionnaires locaux qui mobilisent d’autres citoyens pour la récolte du coton. La CSI allègue de surcroît que des entreprises d’Etat conservent aussi des monopoles sur la production de coton. Selon la CSI, le gouvernement force des travailleurs du secteur public, dont des enseignants, des médecins, des infirmiers et des fonctionnaires, à récolter le coton, payer une amende ou embaucher un remplaçant, sous peine de perdre leur emploi, de voir leurs horaires de travail réduits ou leur salaire amputé. La commission a noté par ailleurs que, d’après la CSI, pour la récolte de coton de 2014, le gouvernement a également forcé des entreprises du secteur privé à mettre des travailleurs à disposition pour la récolte du coton. Les autorités locales ont décidé de limiter les horaires d’ouverture de tous les marchés et de toutes les épiceries, obligeant les petits exploitants à fermer leur commerce pour participer à la récolte du coton et à produire une attestation signée par le fermier prouvant qu’ils ont bien travaillé dans les champs de coton. Des propriétaires d’autobus privés auraient également été obligés de participer en transportant des travailleurs forcés vers les champs de coton, sans la moindre indemnité et sous la menace d’un retrait de leur licence par la police.
La commission note que, dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2016, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement: i) de prendre des mesures efficaces, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce que nul ne soit contraint de participer à la récolte de coton organisée par l’Etat ni menacé de sanction si les quotas de production ne sont pas atteints, sous prétexte de «fins de développement économique»; ii) d’abroger l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence; et iii) de solliciter l’assistance technique du BIT afin de respecter la convention, en droit et dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission note que, dans ses observations, l’OIE exprime sa profonde préoccupation face aux pratiques de travail forcé signalées dans la production de coton, qui affectent les fermiers, les entreprises et les travailleurs des secteurs public et privé, sous la menace de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints. L’OIE déclare que le gouvernement du Turkménistan devrait solliciter l’assistance technique du BIT et, en accord avec ses partenaires sociaux, élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission prend également note que, dans ses observations, la CSI souligne les récentes pratiques de mobilisation forcée par le gouvernement des salariés d’un large éventail d’institutions des secteurs public et privé pour la récolte du coton, notamment ceux d’instituts d’enseignement et de soins de santé, d’antennes locales de l’administration, de bibliothèques, de musées, d’instituts météorologiques, de centres culturels, d’organisations sportives, d’entreprises de service public, et d’entreprises manufacturières et des secteurs de la construction, des télécommunications et de la pêche. En outre, le travail forcé de parents tenus de remplir des quotas de production fixés par le gouvernement a aussi pour conséquence que des enfants récoltent le coton aux côtés de leurs parents. La CSI allègue que le gouvernement assimile le refus de contribuer à la récolte de coton à de l’insubordination, de l’incitation au sabotage, de l’absence de patriotisme, voire à un outrage à la patrie. Ceux qui ont refusé se sont exposés à des sanctions administratives, telles que la censure publique, le blocage de leur salaire et la résiliation de l’emploi.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que, dans certaines régions du pays, l’administration locale et les producteurs agricoles, secondés par les services locaux de l’emploi, organisent des campagnes de recrutement volontaire parmi les personnes inscrites à l’agence pour l’emploi pendant la saison de la récolte du coton. Le gouvernement déclare qu’un emploi saisonnier est ainsi offert à ce segment de la population. La commission note aussi que le gouvernement indique qu’il porte plus d’attention au développement et à l’amélioration des conditions de recrutement dans le secteur agricole par l’introduction d’innovations technologiques modernes et en soutenant les fermes et les petites et moyennes entreprises. Se référant par ailleurs aux inspections effectuées par les instances syndicales en 2015 et 2016, le gouvernement indique qu’aucune plainte n’a été déposée par des citoyens pour imposition de travail forcé pendant la récolte du coton. La commission note enfin l’information du gouvernement selon laquelle un nouveau projet de loi fondamentale (Constitution) a été adopté le 14 septembre 2016 qui reconnaît le droit au travail, au libre choix des lieu et type de travail, et à des conditions de travail respectueuses de la santé et la sécurité (article 49). En outre, elle interdit le travail forcé et les pires formes de travail des enfants et crée une institution des droits de l’homme (ombudsman).
La commission note par ailleurs dans le rapport de mission du BIT que, bien que les représentants des organisations internationales et des ambassades étrangères rencontrés par la mission ont indiqué l’existence de la pratique du travail forcé, dans la plupart des cas, ils ne disposaient pas de preuve directe du fait de la difficulté de se rendre dans les champs de coton. Ce rapport relate aussi les déclarations des mêmes parties intéressées selon lesquelles la présence d’enfants travaillant dans les champs de coton n’a pas été signalée. Le rapport de mission du BIT fait apparaître une réelle volonté politique du gouvernement de s’attaquer au problème du travail forcé pour la récolte du coton et d’y remédier. A cet égard, le rapport de mission du BIT a noté les multiples stratégies nationales et plans d’action mis en place par le gouvernement, comme le Plan d’action national pour les droits de l’homme (2016-2020), le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (2016-2018), l’Accord-cadre de partenariat des Nations Unies pour le développement signé en avril 2016 et les objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2016. Le rapport de mission considère que, tant l’Accord-cadre de partenariat des Nations Unies, dont la recommandation 7 porte sur l’emploi, que l’objectif 8.7 de l’ODD 8, qui vise directement l’élimination du travail forcé et du travail des enfants, offrent un angle d’attaque précis pour une assistance technique du BIT, d’autant plus que ces instruments récemment adoptés nécessiteraient l’adoption par le gouvernement de mesures concrètes pour leur mise en application.
La commission se félicite des mesures législatives et politiques prises par le gouvernement, notamment l’adoption de stratégies nationales, de plans d’action ainsi que des ODD. Elle prend aussi dûment note de la volonté politique affichée par le gouvernement de s’attaquer au problème du travail forcé pour la récolte du coton dans le pays, notamment en ayant accepté d’accueillir une mission consultative technique du BIT pour examiner les points soulevés par la commission et par la Commission de l’application des normes. En outre, la commission relève dans le rapport de mission du BIT que, bien que les représentants de tous les ministères et les partenaires sociaux nient qu’une coercition soit exercée sur les personnes qui participent à la récolte du coton, ils jugent que des mesures devraient être prises pour empêcher ce phénomène de se produire. A cet égard, notant que le gouvernement a signifié aux membres de la mission consultative technique son souhait de se prévaloir de l’assistance technique du BIT, la commission prie instamment le gouvernement d’élargir sa collaboration avec l’OIT en sollicitant l’assistance technique du BIT afin d’éliminer, en droit comme en fait, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’Etat dans le cadre d’un plan d’action national pour l’élimination du travail forcé et l’amélioration du recrutement et des conditions de travail dans le secteur du coton. La commission prie le gouvernement de fournir des informations actualisées sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur toute autre mesure prise afin d’assurer l’élimination complète du recours au travail forcé de la part de fermiers, de travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton, et sur les résultats concrets obtenus, en indiquant les sanctions imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Sanctions pénales comportant un travail obligatoire. La commission se réfère à ses commentaires formulés sur l’application de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, dans lesquels elle a noté l’indication du gouvernement selon laquelle, conformément à l’article 76 du Code de procédure pénale, toute personne condamnée doit travailler dans le lieu et l’emploi précisés par l’administration pénitentiaire. Notant que, conformément à la disposition précitée, les sanctions pénales telles que les peines de rééducation par le travail et d’emprisonnement comportent un travail obligatoire, la commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer si une peine de rétention administrative peut impliquer une obligation d’exercer des travaux communautaires ou toute autre forme de travail obligatoire.
Article 1 c) de la convention. Mesures disciplinaires applicables aux gens de mer. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, en application de l’article 50 du Code de la marine marchande, les conditions d’emploi des gens de mer sont régies par ledit code, le règlement de service à bord des navires et les règlements disciplinaires approuvés par le Cabinet des ministres, qui prévoient qu’un capitaine peut prendre des mesures disciplinaires contre les membres d’équipage. La commission prie le gouvernement d’indiquer quelles sont les sanctions applicables aux gens de mer pour infraction à la discipline du travail, en précisant si ces sanctions comportent un travail obligatoire.
Article 1 d). Sanctions comportant un travail obligatoire en cas de participation à des grèves. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle, depuis son indépendance, le Turkménistan n’a connu aucune grève. Prenant note de la déclaration du gouvernement suivant laquelle l’article 16 de la loi sur la fonction publique interdit aux fonctionnaires de faire grève, la commission se réfère aux commentaires formulés sur l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dans lesquels elle a relevé d’autres restrictions au droit de grève. Notant que les dispositions du Code du travail relatives aux conflits collectifs du travail ne se réfèrent pas au droit de grève, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les sanctions susceptibles d’être imposées aux travailleurs qui participent à des grèves, plus particulièrement dans la fonction publique.
Communication de textes. Tout en notant que le gouvernement a ratifié la convention en 1997, la commission note avec regret que le gouvernement n’a pas fourni copie de la législation nationale qu’elle avait demandée précédemment. Elle attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’il est important de fournir copie de sa législation nationale pertinente afin de permettre à la commission d’évaluer effectivement l’application de la présente convention au Turkménistan. En conséquence, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir, avec son prochain rapport, copie des textes suivants: les lois régissant la presse et les autres médias; les dispositions régissant l’exercice du droit de grève et les services essentiels, ainsi que les sanctions applicables en cas de participation à des grèves; et le Code de la marine marchande du 23 octobre 2008, ainsi que les règlements disciplinaires approuvés par le Cabinet des ministres.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 105e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2016.]

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

La commission prend note du rapport reçu du gouvernement. Elle note également la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçue le 1er septembre 2015, ainsi que la réponse du gouvernement à cet égard en date du 23 octobre 2015.
Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant une obligation de travailler imposées pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle les articles 28 et 29 de la Constitution du Turkménistan garantissent le droit d’avoir et d’exprimer librement des opinions, ainsi que le droit de tenir des réunions et d’organiser des manifestations, dans le respect de la loi. Elle a noté cependant que toute violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations constitue un délit à la fois administratif et pénal passible d’une amende, d’une peine de rétention administrative ou de rééducation par le travail (art. 178(2) du Code des infractions administratives de 1984) ou d’une peine de rééducation par le travail pouvant aller jusqu’à un an ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois (art. 223 du Code pénal). La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application de ces deux dispositions dans la pratique, en précisant si l’imposition d’une peine de rétention administrative peut comporter une obligation d’exercer un travail d’intérêt général ou toute autre forme de travail obligatoire.
La commission note que le rapport du gouvernement ne répond à ces demandes. Se référant à ses commentaires sur l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission note toutefois qu’un nouveau Code des infractions administratives a été adopté le 29 août 2013 et que l’article 178(2) précité a été remplacé par l’article 63 du code qui prévoit une amende ou une peine de rétention administrative en cas de violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. La commission note que l’article 233 du Code pénal reste inchangé et prévoit des peines de rééducation par le travail ou d’emprisonnement, impliquant toutes deux du travail obligatoire. Elle note en outre que les insultes ou propos diffamatoires envers le Président sont passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans, et que les propos diffamatoires envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction peuvent être sanctionnés d’une amende, d’une peine de rééducation par le travail jusqu’à deux ans ou d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans (art. 176 et 192 du Code pénal). La commission note l’adoption de la loi sur le développement et les services d’Internet du 20 décembre 2014, et les préoccupations exprimées à cet égard par le représentant pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) face à l’imprécision de la définition de l’incitation à la violence ou à la cruauté et à la responsabilité des utilisateurs d’Internet quant à l’exactitude de toutes les informations qu’ils postent et à la publication de matériels contenant des insultes ou des propos diffamatoires contre le Président (art. 30(3) de la loi).
La commission prend note des allégations de la CSI selon lesquelles le gouvernement ne respecte pas la liberté d’association et d’expression, et les défenseurs des droits de l’homme s’exposent à des risques personnels graves et doivent agir dans la clandestinité pour éviter le harcèlement et les représailles.
La commission note par ailleurs que l’Union européenne, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Comité des droits de l’homme, le Comité contre la torture ainsi que plusieurs gouvernements, dans le cadre de l’Examen périodique universel relatif au Turkménistan, ont exprimé leur préoccupation au sujet des restrictions graves visant la liberté d’expression et les allégations concordantes faisant état d’arrestations arbitraires de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes pour des délits pénaux, apparemment en représailles de leur travail (Union européenne, communiqué de presse du 17 juin 2015 sur le «Dialogue UE-Turkménistan sur les droits de l’homme»; CCPR/C/TKM/CO/1; CAT/C/TKM/CO/1; A/HRC/17/27/Add.1; A/HRC/WG.6/16/TKM/2; A/HRC/WG.6/16/TKM/3 et A/HRC/24/3). A cet égard, la commission note que le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a adopté des avis dans lesquels il conclut, pour plusieurs cas, que l’emprisonnement constitue une privation de liberté arbitraire pour avoir exercé pacifiquement le droit à la liberté d’expression (A/HRC/WGAD/2014/40; A/HRC/WGAD/2013/22 et A/HRC/WGAD/2013/5).
La commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, afin de s’assurer qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne peut être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Dans l’attente de l’adoption de ces mesures, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de l’article 63 du Code des infractions administratives; des articles 176, 192 et 233 du Code pénal; ainsi que de l’article 30(3) de la loi sur le développement et les services d’Internet de 2014.
Article 1 b). Imposition de travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Dans ses précédents commentaires adressés au gouvernement au titre de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, la commission a noté que, selon l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, l’Etat et les autorités gouvernementales peuvent réquisitionner des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations, en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. Elle a considéré que la notion de «à des fins de développement économique» ne semble pas satisfaire aux critères de la «force majeure» définie dans la convention no 29 et est donc incompatible à la fois avec l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29 et avec l’article 1 b) de la convention no 105.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan ne se réfèrent pas à la notion de «fins de développement économique», mais que des citoyens peuvent être employés dans des entreprises, des organisations et des institutions pendant la mobilisation afin d’assurer le fonctionnement de l’économie du pays et produire des biens et des services essentiels pour satisfaire les besoins de l’Etat, des forces armées et de la population en cas d’urgence. La commission note également que le gouvernement indique que l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans rapport avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi.
La commission note toutefois que, dans ses observations, la CSI allègue que, en 2014, des dizaines de milliers d’adultes des secteurs public et privé ont été forcés de participer à la récolte du coton, et que des fermiers ont dû remplir les quotas de production de coton imposés par l’Etat, tout cela sous la menace de sanctions. D’après la CSI, chaque année, le Président transmet des instructions en matière de production de coton aux gouverneurs des provinces qui risquent la destitution s’ils ne remplissent pas les quotas qui leur sont assignés. Les gouverneurs définissent ensuite les responsabilités des fonctionnaires des districts et des villes qui, à leur tour, publient des ordres à l’intention des administrateurs d’écoles et autres institutions publiques et des chefs d’entreprises. Aux termes de la législation en vigueur, le gouvernement décide de l’affectation des terres par l’intermédiaire des associations de fermiers, qui peuvent priver un fermier de son droit pour «utilisation irrationnelle et inappropriée» de la terre. Les gouverneurs des provinces font rapport au Président sur le contrôle qu’ils exercent sur les associations de fermiers, qui gèrent les fermiers, et sur les agents locaux de l’administration, qui mobilisent d’autres citoyens pour la récolte du coton. La CSI allègue en outre que des entreprises d’Etat exercent également un monopole sur la production de coton. D’après la CSI, des fermiers indiquent qu’il leur est régulièrement facturé par ces entreprises d’Etat des services qui ne leur sont jamais fournis ou que les responsables de l’égrenage comptabilisent des volumes inférieurs et un coton de moindre qualité par rapport à ce que le fermier a livré.
La commission note par ailleurs que la CSI allègue que le gouvernement oblige des salariés du secteur public, et notamment des enseignants, des médecins, du personnel infirmier et des agents de l’administration, à participer à la récolte du coton, ou à payer une amende ou engager un remplaçant, sous la menace de perdre leur emploi, d’une diminution de leurs heures de travail ou de déductions salariales. Les administrateurs de banques publiques, d’usines et d’agences gouvernementales obligeraient leurs salariés à signer un formulaire indiquant qu’ils sont conscients de «la responsabilité» qui découlerait de leur refus de récolter le coton, et certains exigeraient de leur personnel des sommes leur permettant d’engager des travailleurs pour récolter le coton à leur place. La commission note en outre que, d’après la CSI, pour la récolte de 2014, le gouvernement a également forcé des entreprises privées à fournir du personnel pour la récolte du coton. Les autorités locales ont décidé de limiter les horaires d’ouverture de tous les marchés et de toutes les épiceries, obligeant les petits exploitants à fermer leur commerce pour participer à la récolte du coton et à produire une attestation signée par le fermier prouvant qu’ils ont bien travaillé dans les champs de coton. La CSI allègue aussi que des moyennes et grandes entreprises ont également été forcées d’envoyer des salariés pour participer à la récolte sous la menace de contrôles exceptionnels des services des finances, des impôts et de la lutte contre l’incendie. Des particuliers propriétaires d’autobus auraient également été obligés de participer en transportant des travailleurs forcés vers les champs de coton, sans la moindre indemnité et sous la menace d’un retrait de leurs licences par la police.
La commission note par ailleurs que, d’après l’Agence officielle de presse du Turkménistan, le Président a organisé en 2015 plusieurs ateliers avec les gouverneurs des provinces pour discuter de la progression dans la récolte du coton. Elle note en particulier que, le 12 octobre 2015, le Président a exprimé son mécontentement devant la lenteur de la récolte et a donné des «instructions» précises à plusieurs gouverneurs de provinces pour que soit respecté le «calendrier fixé», recommandant dans un cas de «mobiliser toutes les réserves disponibles». La commission note encore que, le 27 octobre 2015, le Président a reçu le «rapport sur la victoire du travail des producteurs de coton» du Cabinet des ministres chargé de l’agriculture et des gouverneurs des provinces d’Ahal, de Daşoguz, de Lebap et de Mary Velayat portant sur «l’exécution des obligations contractuelles pour la production de coton».
La commission note avec une profonde préoccupation le recours répandu au travail forcé dans la production de coton qui affecte les fermiers, les entreprises et les travailleurs des secteurs privé et public, notamment les enseignants, les médecins et le personnel infirmier, sous la menace de perdre leur emploi, de réductions salariales, pertes de terres, ou de faire l’objet d’enquêtes extraordinaires. La commission rappelle que, aux fins des conventions nos 29 et 105, les termes «travail forcé ou obligatoire» désignent «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré». Dans ce contexte, l’expression «offert de plein gré» fait référence au consentement libre et éclairé des travailleurs de s’engager à tout moment dans une relation d’emploi, ainsi qu’à leur liberté de quitter leur emploi à tout moment, sans crainte de représailles ou de la perte d’un quelconque privilège. En conséquence, même si les transferts temporaires d’emploi peuvent être inhérents à certaines professions et activités, la commission considère que l’application dans la pratique de dispositions, ordonnances ou règlements autorisant le transfert systématique de travailleurs pour exercer des activités qui ne sont pas liées à leur profession habituelle (par exemple, le transfert d’un professionnel des soins de santé à un emploi agricole) devrait être examinée attentivement pour s’assurer que cette pratique n’a pas pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un travail imposé par la loi. La commission souligne également que, bien que certaines formes de travail ou de service obligatoire (comme le travail faisant partie des obligations civiques normales des citoyens ou les menus travaux de village) soient explicitement exclues du champ d’application des conventions sur le travail forcé, ces exceptions n’incluent pas le travail ayant une importance quantitative certaine et utilisé à des fins de développement économique. En conséquence, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre sans délai des mesures efficaces afin d’éliminer totalement le recours au travail forcé de travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cette fin, en droit et en pratique, et sur les résultats concrets obtenus.
La commission note par ailleurs que le Comité des droits de l’homme, l’Equipe par pays des Nations Unies et le Comité des droits de l’enfant dans ses observations finales de 2015 ont observé que, bien que le travail des enfants soit illégal, le contrôle de l’application de la loi devrait être renforcé compte tenu de la persistance de l’emploi d’enfants dans la récolte de coton (CCPR/C/TKM/CO/1; A/HRC/WG.6/16/TKM/2; A/HRC/WG.6/16/TKM/3 et CRC/C/TKM/CO/2-4). A cet égard, la commission prie le gouvernement de se référer à ses commentaires sur l’application de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 105e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2016.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points soulevés dans sa précédente demande directe, qui était conçue dans les termes suivants:
Répétition
Communication de textes. La commission prie le gouvernement de fournir copie de la législation en vigueur dans les domaines suivants: les lois régissant la presse et les autres médias; les lois régissant les partis politiques; les lois régissant les conditions d’emploi des gens de mer, et en particulier les sanctions disciplinaires pouvant leur être appliquées; les dispositions réglementant l’exercice du droit de grève et les services essentiels.
Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction pour la manifestation d’opinions politiques ou d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle, en vertu de l’article 28 de la Constitution du Turkménistan, les citoyens ont le droit d’exprimer librement leurs opinions et de recevoir des informations lorsque celles-ci ne relèvent pas du secret d’Etat ou ne sont pas protégées d’une autre façon par la législation. Elle note également que l’article 29 de la Constitution garantit la liberté de réunion ainsi que le droit de tenir des réunions et d’organiser des manifestations de la façon établie par la législation. La commission note cependant que, selon l’article 178(2) du Code des infractions administratives du 27 décembre 1984, toute violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations est sanctionnée par une amende ou une peine de rétention administrative pouvant aller jusqu’à 15 jours. En cas de récidive, les sanctions applicables sont l’amende, la peine de rétention administrative ou la peine de travail pénitentiaire d’une durée de un à deux mois. La commission note également que l’article 223 du Code pénal (1997) prévoit des peines de travail pénitentiaire pouvant aller jusqu’à un an ou une privation de liberté d’une durée de six mois en cas de violation de la procédure relative à l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. La commission prie le gouvernement d’indiquer si le nouveau Code pénal adopté en 2010 contient des dispositions semblables et, dans l’affirmative, quelles sont les peines prévues en cas de violation des procédures relatives à l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. Prière également de fournir des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 178(2) du Code des infractions administratives, en communiquant copie des décisions de justice qui en définissent ou illustrent la portée et en précisant, en particulier, si l’imposition d’une peine de rétention administrative peut impliquer l’obligation d’exercer des travaux communautaires ou toute autre forme de travail obligatoire.
Article 1 b). Peines comportant une obligation de travailler en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. La commission se réfère à cet égard aux commentaires adressés au gouvernement au sujet de l’application de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, également ratifiée par le Turkménistan.
Article 1 d). Peines comportant un travail obligatoire en cas de participation à des grèves. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport, selon laquelle, depuis l’indépendance du Turkménistan, le pays n’a connu aucune grève. Notant que les dispositions du Code du travail relatives aux conflits collectifs du travail ne se réfèrent pas au droit de grève et que le rapport du gouvernement ne contient pas d’information à cet égard, la commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir, dans son prochain rapport, des informations sur toute restriction imposée par la législation au droit de grève, y compris dans la fonction publique, et sur les peines susceptibles d’être imposées en cas de non-respect de ces restrictions.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

La commission prend dûment note des informations fournies par le gouvernement dans son premier rapport sur l’application de la convention. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations supplémentaires sur les points suivants.
Communication de textes. La commission prie le gouvernement de fournir copie de la législation en vigueur dans les domaines suivants: les lois régissant la presse et les autres médias; les lois régissant les partis politiques; les lois régissant les conditions d’emploi des gens de mer, et en particulier les sanctions disciplinaires pouvant leur être appliquées; les dispositions réglementant l’exercice du droit de grève et les services essentiels.
Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction pour la manifestation d’opinions politiques ou d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle, en vertu de l’article 28 de la Constitution du Turkménistan, les citoyens ont le droit d’exprimer librement leurs opinions et de recevoir des informations lorsque celles-ci ne relèvent pas du secret d’Etat ou ne sont pas protégées d’une autre façon par la législation. Elle note également que l’article 29 de la Constitution garantit la liberté de réunion ainsi que le droit de tenir des réunions et d’organiser des manifestations de la façon établie par la législation. La commission note cependant que, selon l’article 178(2) du Code des infractions administratives du 27 décembre 1984, toute violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations est sanctionnée par une amende ou une peine de rétention administrative pouvant aller jusqu’à 15 jours. En cas de récidive, les sanctions applicables sont l’amende, la peine de rétention administrative ou la peine de travail pénitentiaire d’une durée de un à deux mois. La commission note également que l’article 223 du Code pénal (1997) prévoit des peines de travail pénitentiaire pouvant aller jusqu’à un an ou une privation de liberté d’une durée de six mois en cas de violation de la procédure relative à l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. La commission prie le gouvernement d’indiquer si le nouveau Code pénal adopté en 2010 contient des dispositions semblables et, dans l’affirmative, quelles sont les peines prévues en cas de violation des procédures relatives à l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. Prière également de fournir des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 178(2) du Code des infractions administratives, en communiquant copie des décisions de justice qui en définissent ou illustrent la portée et en précisant, en particulier, si l’imposition d’une peine de rétention administrative peut impliquer l’obligation d’exercer des travaux communautaires ou toute autre forme de travail obligatoire.
Article 1 b). Peines comportant une obligation de travailler en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. La commission se réfère à cet égard aux commentaires adressés au gouvernement au sujet de l’application de la convention no 29, également ratifiée par le Turkménistan.
Article 1 d). Peines comportant un travail obligatoire en cas de participation à des grèves. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport, selon laquelle, depuis l’indépendance du Turkménistan, le pays n’a connu aucune grève. Notant que les dispositions du Code du travail relatives aux conflits collectifs du travail ne se réfèrent pas au droit de grève et que le rapport du gouvernement ne contient pas d’information à cet égard, la commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir, dans son prochain rapport, des informations sur toute restriction imposée par la législation au droit de grève, y compris dans la fonction publique, et sur les peines susceptibles d’être imposées en cas de non-respect de ces restrictions.
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