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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2019, Publication : 108ème session CIT (2019)

 2019-TUR-C087-Fr

Discussion par la commission

Représentant gouvernemental – Avant de commencer mes remarques, je souhaite plein succès aux président et vice-présidents de cette commission dans leurs efforts visant à rendre plus fructueux les travaux de cette commission, cela dans un esprit de dialogue constructif, digne du centenaire de l’OIT.

Depuis le dernier examen de ce cas par votre commission à la 100e session de la Conférence internationale du Travail en 2011, la législation de la Turquie sur les syndicats a considérablement évolué. Une nouvelle loi sur les syndicats et les conventions collectives du travail (no 6356) a été adoptée en 2012. Elle a remplacé les lois nos 2821 et 2822 qui avaient suscité des critiques de la commission d’experts pendant de nombreuses années et fait l’objet, à plusieurs reprises, de discussions au sein de cette commission. La nouvelle loi s’applique à toutes les personnes qui sont liées par un contrat de travail dans les secteurs privé et public et régit leur droit de s’organiser et de négocier collectivement. Cette loi est le fruit d’un dialogue social et d’un consensus entre les parties qui, à l’époque, n’étaient pas gagnés d’avance.

Autre changement législatif très important: la modification en 2012 de la loi no 4688 sur les syndicats des fonctionnaires, dont le titre est désormais «loi sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives du travail». Elle comporte de nombreuses modifications de grande portée qui visent à reconnaître le droit des fonctionnaires à la négociation collective.

Après avoir esquissé l’évolution des dix dernières années, je voudrais aborder la question des allégations faites par nos partenaires sociaux. En ce qui concerne l’allégation de la TÜRK-IS selon laquelle les travailleurs temporaires occupés par des agences d’emploi privées ne peuvent pas jouir des droits syndicaux parce qu’ils changent souvent de secteur d’activité, je voudrais souligner que ce type de contrat est appelé contrat de travail triangulaire. En vertu de ce contrat, une personne est occupée par une agence de travail temporaire et travaille pour un employeur différent. Ces travailleurs ont le droit de se syndiquer dans la branche d’activité où l’agence de placement déploie ses activités.

En ce qui concerne l’allégation relative aux pressions exercées sur les travailleurs d’entités du secteur public pour qu’ils s’affilient ou non à certains syndicats, je voudrais souligner que la Constitution, le Code pénal et la législation du travail contiennent des dispositions garantissant la protection contre la discrimination antisyndicale. Tant les syndicats que les travailleurs disposent de moyens administratifs et judiciaires pour contester des actes de ce type.

Les actes de discrimination antisyndicale commis par un employeur sont considérés comme des infractions passibles d’une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement, conformément aux articles 118 et 135 du Code pénal. En outre, la législation du travail prévoit dans ces cas une indemnisation dont le montant équivaut au moins à un an de salaire et, en cas de licenciement, la possibilité pour la victime d’être réintégrée. Etant donné que les employeurs publics sont également tenus de respecter pleinement la loi dans l’exercice de leurs fonctions, leur responsabilité au regard du droit public est aussi engagée.

En ce qui concerne les libertés civiles, je voudrais rappeler que la Turquie est un pays démocratique, qui respecte l’état de droit. Dans notre pays, aucun syndicat n’a été dissous et aucun de ses responsables n’a été suspendu ou licencié en raison d’activités légitimes.

Avec l’adoption de la loi no 6356 et la modification substantielle de la loi no 4688, le taux de syndicalisation s’accroît constamment et atteint 22 pour cent, secteurs public et privé confondus.

Dans tous les pays démocratiques, il existe un cadre réglementaire pour organiser les réunions et les manifestations. La Turquie ne fait pas exception à la règle. Dans ce contexte, lorsque des syndicalistes enfreignent la loi, détruisent des biens publics ou privés ou cherchent à imposer leurs propres règles pendant des réunions et des manifestations, les forces de l’ordre sont naturellement obligées d’intervenir pour assurer la sécurité publique. Bien sûr, moyennant préavis, des défilés et des manifestations peuvent être organisés.

Il est bizarre de discuter du manque de liberté pour organiser des réunions et des manifestations dans un pays où, cette année, dans plusieurs villes, le 1er mai a été fêté pacifiquement et avec enthousiasme par tous les syndicats et confédérations.

Nous avons surmonté une tentative de coup d’Etat terrible et meurtrière et nous n’aimerions pas qu’un autre pays en fasse l’expérience; 251 citoyens innocents y ont perdu la vie et il y a eu 2 391 blessés. La communauté internationale a également condamné cette tentative de renversement d’un pays démocratique.

Les allégations contenues dans le rapport concernent la période de l’état d’urgence entre juillet 2016 et juillet 2018, lorsque notre pays s’est efforcé de défendre la sécurité nationale et publique. A cet égard, du haut de quelque tribune que ce soit, la dissolution d’organisations liées au terrorisme, qui revêtaient l’apparence de syndicats, ne devrait pas servir de prétexte à l’encontre de la Turquie. En Turquie, les libertés et droits fondamentaux, y compris les droits syndicaux, sont et seront toujours protégés par la Constitution.

Outre le droit de saisir la justice contre tous les actes et actions des diverses administrations, toute personne a également le droit de saisir la Cour constitutionnelle si elle estime que la puissance publique a violé l’un quelconque de ses droits fondamentaux et les libertés garanties par la Constitution, laquelle relève de la portée de la Convention européenne des droits de l’homme.

Comme l’a demandé la commission d’experts, j’ai transmis au secrétariat à titre d’exemple plusieurs textes de décisions de la Cour constitutionnelle qui montrent que les syndicats ou les membres de syndicats disposent de voies de recours efficaces.

Les syndicats et leurs membres sont tenus de respecter la légalité, comme l’exige l’article 8 de la convention no 87. Par exemple, la Cour constitutionnelle a souligné ce point dans un arrêt où elle indique que l’affiliation syndicale ne doit pas nécessairement conduire les agents de l’Etat à agir contrairement à leurs devoirs et responsabilités, même s’ils jouissent de droits constitutionnels. Heureusement, peu de syndicalistes sont liés aux organisations terroristes et se servent de leurs activités pour dissimuler leurs actes illicites. Lorsque ces syndicalistes sont poursuivis en justice, on les présente comme des syndicalistes poursuivis en raison de leurs activités syndicales.

Puisque cela est directement lié à la question des libertés civiles, je voudrais informer votre commission qu’une stratégie de réforme judiciaire a été lancée le 30 mai 2019 par le Président de la République lui-même. Ses principaux objectifs sont: renforcer l’état de droit; protéger et promouvoir plus efficacement les droits et libertés; renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et améliorer l’impartialité; rendre le système plus transparent; simplifier le processus judiciaire; faciliter l’accès à la justice; renforcer le droit de se défendre et protéger efficacement le droit à un procès dans un délai raisonnable. Un plan d’action clair et évaluable sera également élaboré, et le ministère de la Justice présentera des rapports annuels de suivi.

En ce qui concerne l’article 15 de la loi sur les syndicats des fonctionnaires, je voudrais indiquer que, pour déterminer les catégories de fonctionnaires qui seraient exclues du champ d’application de l’article 15, il a été tenu compte du deuxième paragraphe de l’article 1 de la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Comme vous vous en souvenez, cette disposition se lit comme suit: «La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s’appliqueront aux agents de niveau élevé dont les fonctions sont normalement considérées comme ayant trait à la formulation des politiques à suivre ou à des tâches de direction ou aux agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel sera déterminée par la législation nationale.»

En principe, tous les fonctionnaires ont le droit de jouir des droits syndicaux mais, en raison de la nature de leurs fonctions, un nombre limité de fonctionnaires sont exclus du champ d’application de la loi. Les restrictions se limitent aux hauts fonctionnaires et aux fonctionnaires de services publics, tels que la sécurité et la justice, dont l’interruption ne peut être compensée.

Sur la question de la suspension de la grève dans les transports publics urbains des municipalités métropolitaines et dans les services bancaires, j’aimerais préciser que le pouvoir de suspendre une grève dans les transports publics urbains n’appartient pas aux municipalités métropolitaines.

L’interdiction de la grève et la suspension de la grève sont deux choses différentes qui sont réglementées dans deux articles distincts de la loi no 6356. Les services dans lesquels les grèves sont interdites sont déterminés à l’article 62 de la loi, tandis que la possibilité, sous certaines conditions, de suspendre la grève pendant soixante jours dans les services susmentionnés est régie par l’article 63.

Il faut garder à l’esprit que, lorsqu’une action de grève est menée pendant une négociation collective en Turquie, elle s’applique à l’entreprise ou au lieu de travail faisant l’objet de la négociation collective, dans son intégralité et pour une durée indéterminée. Par conséquent, si une grève compromet la santé générale, la sécurité nationale ou les transports publics urbains de municipalités métropolitaines, ou encore la stabilité économique et financière des services bancaires, la grève peut être reportée de soixante jours.

Comme l’a demandé la commission d’experts, nous transmettons également copie du décret présidentiel no 5 concernant le Conseil de surveillance de l’Etat. Nous fournirons des informations plus détaillées avec notre rapport, mais je tiens à informer votre commission que le Conseil de surveillance de l’Etat n’a jamais mené d’enquête ou d’audit sur une organisation syndicale ni suspendu un responsable syndical en application du décret présidentiel no 5.

A ce stade, je voudrais indiquer que le conseil tire ce pouvoir de la disposition de l’article 108 de la Constitution, qui existe depuis l’adoption de la Constitution en 1982. En vertu de cette disposition, le conseil avait déjà la faculté d’effectuer toutes sortes d’examens, d’enquêtes et d’inspections dans toutes les entités et organisations publiques, y compris les organisations professionnelles publiques et les syndicats. Je tiens à préciser que le Conseil de surveillance de l’Etat n’a pas le pouvoir de licencier ou de suspendre des responsables syndicaux. Ce pouvoir ne s’applique qu’aux fonctionnaires, et le conseil n’est jamais intervenu dans le fonctionnement interne de syndicats.

Par ailleurs, la dissolution de syndicats et la suspension de leurs dirigeants sont une question qui relève de la législation relative aux syndicats. Comme il s’agit d’une législation spéciale, elle ne peut être annulée ni par des décrets présidentiels ni par des lois à caractère général. En vertu de l’article 31 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives du travail, seuls les tribunaux compétents sont habilités à dissoudre des syndicats et, le cas échéant, à suspendre les dirigeants syndicaux responsables d’actes illicites.

Je tiens à souligner que la loi sur les syndicats et les conventions collectives du travail a été élaborée avec la participation active des partenaires sociaux et en tenant compte des dispositions des conventions pertinentes de l’OIT, des directives de l’Union européenne et de la Charte sociale européenne révisée. Elle élargit les droits et les libertés des syndicats et de leurs représentants et garantit leur indépendance.

L’article 29 et le règlement y afférent énoncent les principes du contrôle interne et des audits externes des syndicats. Conformément à leurs dispositions, le contrôle administratif et les audits financiers des syndicats et de leurs confédérations sont effectués par le conseil de surveillance, conformément aux dispositions de leurs statuts et aux décisions de l’assemblée générale de ces organisations.

Sur le dernier point concernant la dissolution de syndicats après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, je voudrais souligner que ces syndicats avaient des liens très étroits avec l’organisation terroriste FETÖ. Comme je l’ai déjà dit, la dissolution de ces syndicats n’est nullement fonction ou établie sur la base de leur statut ou de leurs activités syndicales légitimes.

Néanmoins, je voudrais indiquer que tous les syndicats qui ont été dissous et tous les fonctionnaires licenciés en application d’un décret d’état d’urgence ont le droit de demander à la commission d’enquête une révision de la dissolution ou du licenciement. Même la confédération et les neuf syndicats dissous en raison de leurs liens avec l’organisation terroriste FETÖ ont présenté une demande à la commission d’enquête.

J’aimerais souligner qu’il n’y a eu licenciement ou dissolution directement par décret impératif que pendant l’état d’urgence et que toutes les voies de recours judiciaires contre les décisions de la commission d’enquête existent dans le système judiciaire, y compris la Cour constitutionnelle de la Turquie et la Cour européenne des droits de l’homme.

Enfin, nous présenterons notre rapport en 2019, contenant des informations détaillées sur les faits nouveaux, et nous transmettrons copie des documents que la commission a demandés en vue d’un examen plus approfondi. Nous espérons que, en élaborant ses conclusions, la commission tiendra compte de l’évolution révolutionnaire de la législation turque sur les syndicats.

Membres travailleurs – Nous examinons l’application de la convention par la Turquie et il s’agit d’un cas de double note de bas de page, ce qui n’a rien de surprenant au vu de la gravité et de la persistance des violations de la liberté syndicale qui, nous pouvons le craindre maintenant, sont bien enracinées dans l’attitude du gouvernement vis-à-vis des travailleurs. La dernière fois que nous avons examiné l’application de cette convention par la Turquie remonte à 2011. A l’époque, la commission avait exprimé sa vive préoccupation devant les restrictions imposées aux libertés publiques des syndicats et de leurs membres et l’exclusion arbitraire des syndicats de l’exercice des libertés et droits garantis par la convention.

Bien que le temps ait passé depuis, le rapport de la commission d’experts qui nous est présenté ne montre hélas aucun progrès. Au contraire, la situation s’est encore fortement dégradée ces dernières années, avec la persistance des arrestations arbitraires et la suppression de libertés publiques et de l’exercice pacifique d’activités syndicales légitimes. Le gouvernement a pris des mesures autoritaires en s’ingérant dans les affaires intérieures des syndicats et en imposant de lourdes restrictions au droit d’organisation. La situation est telle que les syndicats sont pratiquement dans l’impossibilité de fonctionner en Turquie.

Depuis 2016 en particulier, le gouvernement justifie les violations continuelles des libertés publiques au prétexte de l’état d’urgence et des décrets qui y sont associés.

La loi sur les réunions et les manifestations est systématiquement utilisée pour interdire de nombreuses activités syndicales légitimes. En septembre 2018, par exemple, quelque 600 travailleurs ont été arrêtés de nuit dans leurs dortoirs pour avoir participé à une action de protestation contre des infractions à la santé et à la sécurité commises pendant la construction du nouvel aéroport d’Istanbul où, d’après des chiffres officiels, 57 travailleurs sont décédés des suites de diverses infractions aux règles de santé et de sécurité. Bien que beaucoup aient été remis en liberté après une détention provisoire, 31 le sont sous caution et dans des conditions de contrôle judiciaire strictes en attente de leur procès pénal.

Dans le cadre des attaques dirigées contre des syndicats indépendants, les autorités ont aussi licencié à plusieurs reprises des travailleurs en raison de leurs activités syndicales. Plus de 11 000 représentants et membres de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) ont été suspendus ou renvoyés pour leurs activités syndicales, au prétexte de la sécurité nationale et des pouvoirs d’urgence. Elles ciblent aussi des activités syndicales pacifiques qu’elles taxent de terroristes, suivant des critères aussi larges que vagues. Cette stigmatisation a eu clairement pour effet de refroidir les travailleurs désireux de se syndiquer. Les syndicats ne sont pas des terroristes, ce climat de crainte doit cesser!

L’absence de respect pour les libertés publiques vide de son sens le concept de droits syndicaux. Le Comité de la liberté syndicale a souligné que la sécurité nationale et les mesures d’urgence ne justifient pas de déroger aux obligations découlant de la convention. La garantie de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et de la liberté des activités syndicales ne peut en aucun cas être considérée comme une menace pour la sécurité nationale. Le gouvernement a violé des libertés publiques parce que, prétendument, les syndicats et les travailleurs n’auraient pas respecté ni tenu compte des impératifs de l’état d’urgence ou parce qu’ils auraient eu des activités politiques. A cet égard, nous réitérons l’appel adressé par la commission d’experts au gouvernement pour qu’il prenne des mesures pour «assurer un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes de manière à ce que les travailleurs puissent exercer pleinement et librement leurs droits, conformément à la convention».

Deuxièmement, nous soulevons la question des restrictions imposées aux fonctionnaires qui désirent créer des syndicats et y adhérer. La commission d’experts a souligné en particulier que l’article 15 de la loi no 4688 empêche les agents publics, les magistrats et les gardiens de prison d’exercer leur droit de créer librement des organisations syndicales et d’y adhérer. Bien que cette disposition ait entre-temps été déclarée inconstitutionnelle, nous notons avec préoccupation que des restrictions continuent d’être imposées aux fonctionnaires. Le libellé de l’article 2 de la convention reconnaît le droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Malgré cela, le gouvernement empêche dans une large mesure un fonctionnaire sur six de se syndiquer, même s’il n’appartient pas aux forces armées ni à la police. Il s’agit là d’une violation flagrante de l’article 2. Le gouvernement devrait revoir d’urgence les chapitres concernés de la loi no 4688, y compris le chapitre 15, en concertation avec les partenaires sociaux.

Troisièmement, nous notons les vives préoccupations exprimées par la commission d’experts à propos d’ingérences excessives des autorités dans les activités syndicales, ce qui est contraire à l’article 3 de la convention. Le principe de non-ingérence dans les activités, les programmes et la gestion des syndicats protège l’indépendance de l’action des syndicats, y compris leur droit de déclencher des grèves.

La commission d’experts souligne en particulier que l’article 63(1) de la loi no 6356 contrevient à l’article 3 de la convention. Cette disposition permet au Conseil des ministres de suspendre les grèves pendant soixante jours et de soumettre unilatéralement le fond du différend à un arbitrage obligatoire si aucun accord ne survient après soixante jours. Bien que la loi indique qu’une telle suspension doit se limiter aux grèves pouvant avoir un effet préjudiciable sur la santé ou la sécurité nationale, elle a donné lieu à une interprétation très large qui a eu pour effet que des grèves dans des services non essentiels ont aussi été interdites dans les faits. Ces excès de pouvoir qui permettent de s’ingérer dans l’activité syndicale légitime ont encore été étendus par le décret no 678 qui permet au conseil de reporter de soixante jours des grèves dans des compagnies locales de transport et des institutions bancaires, contrairement à un précédent arrêt de la Cour constitutionnelle.

En outre, le groupe des travailleurs a de sérieuses préoccupations devant l’adoption du décret no 5 qui expose encore davantage les syndicats à des ingérences indues des autorités. Suivant ce décret, le Conseil de surveillance de l’Etat – une émanation des services de la présidence – est habilité à investiguer et auditionner à tout moment des syndicats et autres associations. De par cette prérogative, tous les documents et toutes les activités des syndicats et d’autres associations peuvent faire l’objet d’une enquête sans les garde-fous et les garanties offerts précédemment par une procédure judiciaire. Cela a pour conséquence que les syndicats sont empêchés d’exercer pleinement et librement leur droit de poursuivre sans crainte leurs activités légitimes. Les syndicats sont forcés d’autocensurer leurs activités et leurs programmes pour ne pas subir de constantes et malveillantes enquêtes et investigations répondant à des motivations politiques. Il s’agit là d’une ingérence et d’une forme déguisée d’autorisation préalable contraire à la convention. C’est un exemple de plus qui montre que la Turquie est devenue un Etat où règnent la crainte et l’oppression.

Toute loi qui donne, de manière directe ou indirecte, aux autorités un droit de regard sur le fonctionnement interne des syndicats, par exemple en allant au-delà de l’obligation pour un syndicat de soumettre des rapports financiers annuels, est incompatible avec la convention. Le gouvernement doit fournir à la commission d’experts des détails sur toute enquête et/ou tout audit qu’il a effectués sur des syndicats, notamment les résultats de ces enquêtes et audits ainsi que les destitutions ou sanctions infligées à des syndicats et à leurs dirigeants.

Enfin, nous sommes vivement préoccupés par la dissolution des syndicats imposée par le gouvernement turc en violation de l’article 4 de la convention. Le décret no 667 prévoit que les syndicats qui s’avèrent avoir des contacts, avoir communiqué avec des groupes et organisations terroristes ou représentant une menace pour la sécurité nationale ou y avoir adhéré seront interdits. La loi ne fait pas de distinction entre le syndicat en tant qu’organisation ayant un but public objectif et ses acteurs individuels. En effet, le décret considère tous les membres du syndicat coupables par association des conséquences d’une dissolution du syndicat.

Conformément à l’article 4 de la convention, les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution ou suspension du fait du gouvernement. Les organes de contrôle ont conclu que la dissolution ou la suspension d’une organisation syndicale est une forme extrême d’ingérence des autorités dans les activités internes d’organisations de travailleurs. En tant que tels, tous les garde-fous et toutes les garanties nécessaires doivent accompagner toute action à cet égard. Nous regrettons qu’aucun garde-fou ni aucune garantie n’aient été prévus dans le cadre de ce décret. Bien que le gouvernement ait constitué une commission d’enquête pour vérifier son intervention, y compris sous forme de dissolution, après coup, cette procédure ne bénéficie pas de la confiance des victimes et des organisations syndicales en raison de la manière dont elle a été instituée et des résultats enregistrés jusqu’à présent. Elle est entachée d’un manque d’indépendance institutionnelle, de longs délais d’attente, d’une absence de garde-fous qui permettent aux particuliers de réfuter des allégations ou des preuves défaillantes invoquées dans des décisions pour étayer des destitutions.

Pour conclure, nous mettons en avant la nécessité d’un changement de fond pour concrétiser l’application de la convention au bénéfice des travailleurs en Turquie. La source de défis réels ou perçus pour la sécurité n’est pas à trouver chez des syndicats libres et indépendants ni dans la garantie des droits fondamentaux qui définissent une démocratie. En fait, si nous avons appris quelque chose en un siècle d’existence de l’OIT, c’est que la garantie du droit à la liberté syndicale est indispensable pour la justice sociale et la paix.

Membres employeurs – Le groupe des employeurs tient à commencer par remercier le gouvernement pour son intervention de ce jour. Nous notons en particulier l’engagement pris par le gouvernement d’accompagner son rapport de 2019 d’informations détaillées et de fournir copie des documents demandés aux fins d’examen complémentaire par la commission d’experts. Les informations que le gouvernement a communiquées aujourd’hui sont très importantes en ce qu’elles nous permettent de mieux comprendre la manière dont la Turquie applique la convention, les défis qu’elle rencontre et les formules qu’elle a trouvées pour en surmonter certains.

Si l’on considère l’historique de ce cas, il est important de souligner que la Turquie a ratifié la convention en 1993. La commission a discuté de son application par la Turquie à six reprises entre 1997 et 2011, et nous notons que la commission d’experts a formulé au total 19 observations sur l’application de cette convention par la Turquie au cours des années passées. Nous notons également que la Turquie a bénéficié de l’assistance technique du BIT dans le cadre du projet de l’Union européenne sur l’amélioration du dialogue social dans la vie active qui avait pour objet d’accroître la capacité des partenaires sociaux et des institutions publiques concernées à tous les niveaux, y compris par de nombreuses activités de formation aux normes internationales du travail en 2016, 2017 et 2018.

Les questions abordées dans ce cas auquel la commission d’experts a attribué cette année une double note de bas de page concernent quatre grands points que nous allons aborder séparément.

Le premier point cité par la commission d’experts est celui des libertés publiques. Notons tout d’abord que la Confédération syndicale internationale (CSI) et des syndicats turcs font état d’entraves continues aux libertés publiques telles que l’interdiction de manifestations et de communiqués de presse de la part de syndicats turcs, des arrestations de syndicalistes et de responsables syndicaux, et la confiscation des passeports de cadres syndicaux destitués.

Nous notons dans l’observation de la commission d’experts que le gouvernement évoque des situations dans lesquelles les exigences de l’état d’urgence ont été ignorées ou n’ont pas été respectées de manière persistante, ou des activités menées en violation de la loi, par exemple des activités en extérieur contraires à la loi no 291, ou dans lesquelles des fonctionnaires se sont engagés en politique en violation de leur statut. Le gouvernement indique aussi que des voies de recours administratives ou judiciaires internes existent pour contester tous les actes de l’administration. Nous remercions le gouvernement pour les informations qu’il a fournies aujourd’hui à ce sujet parce qu’elles précisent le contexte à prendre en considération.

Le groupe des employeurs est convaincu que le respect effectif des libertés publiques des travailleurs et des employeurs est à la base même de l’exercice de la liberté syndicale au titre de la convention. C’est pourquoi les employeurs invitent le gouvernement à communiquer à l’administration toutes les instructions qui sont nécessaires pour faire en sorte que les violations des libertés publiques, qui sont à la base de la liberté syndicale que défend la convention, ne se répètent plus à l’avenir. Le gouvernement doit aussi fournir des informations sur les résultats éventuels de voies de recours administratif ou judiciaire auxquelles des membres de syndicats ont fait appel.

S’agissant du deuxième point, le droit des travailleurs sans distinction de constituer des organisations et de s’y affilier qui fait l’objet de l’article 2 de la convention, nous notons que, suivant l’article 15 de la loi no 4688 modifiée en 2012, les hauts fonctionnaires, magistrats et gardiens de prison ne jouissent pas du droit d’organisation. Nous croyons comprendre que, dans un arrêt de 2015, la Cour constitutionnelle avait abrogé partiellement cette interdiction, à savoir l’article 15A relatif au personnel de l’organisation administrative de l’Assemblée nationale de Turquie. Nous croyons savoir que les autres restrictions de l’article 15 sont toujours en vigueur.

A notre avis, le gouvernement tente de justifier ces restrictions en invoquant le fait qu’elles se limitent aux services publics dont l’interruption ne peut être compensée, comme la sécurité, la justice et la haute fonction publique.

Les employeurs voudraient profiter de l’occasion pour souligner que le droit de constituer des organisations et de s’y affilier inscrit à l’article 2 de la convention ne donne pas le droit d’interrompre des services ou de faire grève. En d’autres termes, selon nous, le gouvernement ne serait pas empêché par la convention de limiter ou d’exclure le droit de grève pour les hauts fonctionnaires, les magistrats ou les gardiens de prison. Nous avons mis en avant cette position des employeurs à de nombreuses occasions. Il semble par conséquent que les appréhensions du gouvernement ne sont donc pas justifiées et qu’il ne devrait pas priver des travailleurs ou fonctionnaires du droit d’organisation. C’est pourquoi les employeurs invitent le gouvernement à apporter les changements nécessaires à la loi, en particulier à l’article 15 de la loi no 4688, pour faire en sorte que tous les fonctionnaires jouissent du droit d’organisation. Seuls les membres des forces armées et de la police peuvent être exemptés, comme le prévoit la convention.

Sur le troisième point se rapportant au droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action, les observations de la commission d’experts portent essentiellement sur des dispositions légales qui permettent de suspendre des grèves sous certaines conditions. Pour l’instant, les employeurs souhaitent simplement faire remarquer sur ce point que, à leur avis, ces questions sortent du champ d’application de la convention. De même, le groupe gouvernemental avait, dans sa déclaration de 2015, expliqué que, pour lui, le droit de grève est réglementé au niveau national. Ce point de vue est partagé par les employeurs qui pensent que ces questions peuvent être réglées à l’échelon national.

Les employeurs profitent de cette occasion pour faire prendre acte de leur position suivant laquelle le Comité de la liberté syndicale n’est pas compétent pour vérifier la conformité avec la convention. Son mandat se limite strictement à examiner les allégations d’infractions aux principes de la liberté syndicale et la réalité de la reconnaissance du droit de négocier collectivement inscrit dans la Constitution de l’OIT, dans la Déclaration de Philadelphie et tel que l’exprime la résolution de l’OIT de 1970.

Par conséquent, les employeurs réitèrent que, en l’absence de toute règle relative à l’action du travail dans la convention, le gouvernement peut arrêter et appliquer ses propres règles dans la législation et la pratique nationales en ce qui concerne la question de l’action du travail. Les explications et requêtes formulées par la commission d’experts sur cette question doivent être prises dans ce contexte. En outre, nous notons que, suivant une allégation de la CSI, le décret no 5 de juillet 2018 autorise le Conseil de surveillance de l’Etat (DKK), une institution dépendant directement des services de la présidence, à enquêter et investiguer ainsi qu’à destituer ou changer la direction des syndicats et de certaines autres associations. Sur ce point, nous notons que le gouvernement explique dans son rapport que le DKK ne fait que vérifier la légalité, le bon fonctionnement et l’amélioration de l’administration et qu’il n’existe aucune intention de s’ingérer dans le fonctionnement interne des syndicats.

Nous déduisons du rapport du gouvernement que la compétence en matière de destitution ou de suspension d’administrateurs de syndicats ne s’applique qu’aux fonctionnaires. A cet égard, les employeurs notent qu’il n’appartient pas aux organes du gouvernement de prendre des mesures visant à assurer le bon fonctionnement des syndicats s’agissant de leur gestion. A dire vrai, cette question relève de l’autonomie des organisations syndicales, laquelle est protégée par l’article 2 de la convention.

Toute compétence accordée au DKK, quels que soient les buts poursuivis, pour investiguer ou contrôler des organisations syndicales ou des organisations d’employeurs, qui irait au-delà de la simple demande de déposer des rapports financiers annuels ne serait pas, comme l’a fait remarquer M. Leemans, dans la ligne de la convention. Nous prions le gouvernement de fournir à la commission d’experts un exemplaire du décret no 5, ainsi que des informations sur son application dans la pratique, afin de pouvoir examiner comme il se doit sa compatibilité avec la convention, en particulier pour ce qui est du droit des organisations syndicales et des organisations d’employeurs d’organiser leurs activités sans l’ingérence des autorités gouvernementales.

Enfin, s’agissant du dernier point de la discussion, celui de la dissolution des organisations syndicales, le KHK no 667 prévoit que des syndicats peuvent être interdits sur proposition d’une commission, moyennant l’approbation du ministre concerné, lorsqu’il s’avère qu’ils sont liés à des formations menaçant la sécurité nationale ou à des organisations terroristes, ou qui communiquent avec elles ou y adhèrent. Suivant les allégations formulées par la confédération des syndicats de fonctionnaires DISK, 19 organisations syndicales affiliées représentant 52 000 adhérents ont été dissoutes pour avoir eu des contacts avec une organisation terroriste, la Structure étatique parallèle. Entre-temps a été constituée une commission d’enquête qui traite les plaintes déposées contre des dissolutions d’organisations syndicales. Ses décisions peuvent être contestées devant les juridictions administratives. Bien que le gouvernement n’ait pas donné son point de vue sur ces allégations à la commission d’experts en 2018, il a fourni des informations sur cette question dans sa communication d’aujourd’hui. Nous croyons comprendre que le gouvernement a indiqué que la dissolution des syndicats est une matière réglementée par la législation sur les syndicats et que, suivant l’article 31 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives, seules les juridictions compétentes sont habilitées à prononcer la dissolution de syndicats. Bien qu’il apprécie les informations fournies par le gouvernement aujourd’hui, le groupe des employeurs prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à ce propos et sur les circonstances entourant en toute situation la dissolution d’un syndicat à la commission d’experts, ainsi que des informations relatives à la restauration des syndicats faisant suite à des décisions de la commission d’enquête ou d’arrêts de juridictions administratives. Ces informations favoriseraient une meilleure compréhension, plus approfondie, de cette question. Le groupe des employeurs remercie le gouvernement pour son exposé d’aujourd’hui et nous profitons de l’occasion pour signifier au gouvernement combien il est important de l’encourager à prendre des mesures pour se conformer totalement à la convention en s’inspirant des commentaires qui lui ont été faits.

Membre employeur, Turquie – J’aimerais présenter les vues et suggestions des employeurs turcs à ce sujet. En ce qui concerne la convention, la commission d’experts prend tout d’abord en considération les plaintes de différentes organisations de travailleurs au sujet des libertés civiles. Compte tenu des observations de la commission d’experts à ce sujet, nous, employeurs turcs, estimons nécessaire d’informer cette commission sur certaines questions.

La première est que le droit à la liberté et à la sécurité de la personne est régi par l’article 19 de la Constitution de la République de Turquie, et que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces droits peuvent être restreints sont également spécifiées dans cet article. Ainsi, ces mesures légales assurent la création et l’existence de conditions permettant aux travailleurs et aux employeurs d’exercer pleinement et librement leurs droits découlant de la convention sans être soumis à la violence, à l’oppression ou à la menace. En tant qu’employeurs turcs, nous pensons que la réalisation de ces conditions est nécessaire pour appliquer la convention et que l’écosystème de la vie professionnelle turque est parfaitement conforme aux normes de l’OIT.

Les observations de la commission d’experts sur la Turquie dans le cadre de l’article 2 de la convention visent à rendre l’article 15 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires compatible avec la convention. En tant qu’employeurs turcs, nous estimons que tous les travailleurs, sauf quelques exceptions, occupés dans le secteur public devraient jouir du droit syndical. A quelques exceptions près, c’est le cas en Turquie, mais pas seulement: c’est une sorte d’approche conventionnelle dans la plupart des pays.

De fait, la convention no 151, autre convention de l’OIT que la Turquie a ratifiée, dispose que la législation nationale détermine la mesure dans laquelle les garanties prévues par la convention s’appliquent aux agents de niveau élevé, aux personnes dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel, aux forces armées et à la police. Or les personnes visées à l’article 15 de la loi no 4688 n’ont pas le statut d’agent public, à savoir les travailleurs occupés dans le secteur public, mais le statut d’agent officiel, c’est-à-dire le statut de fonctionnaire. Au regard du droit, ces personnes n’ont pas le statut de travailleur mais celui de fonctionnaire. En conséquence, nous n’avons pas été en mesure de comprendre le raisonnement selon lequel la commission d’experts veut comparer la disposition d’une loi nationale qui s’applique aux fonctionnaires et celle d’une convention qui ne vise que les travailleurs.

De fait, étant donné qu’il existe une disposition spécifique d’une convention relative à cette question et que les dispositions de la législation nationale sont conformes à cette disposition, il n’est pas approprié de procéder à une évaluation dans le cadre de l’article 2 de la convention no 87. La convention no 87 dispose que les travailleurs/fonctionnaires de ces groupes peuvent constituer leurs propres organisations autonomes ainsi que celui de s’affilier à ces organisations. Cela ne signifie pas que les travailleurs/fonctionnaires de ces groupes ou leurs organisations ont le droit de négocier collectivement, voire le droit de faire grève en application de la convention.

Les observations de la commission d’experts sur la Turquie, au titre de l’article 3 de la convention, portent principalement sur les reports de grève et sur leur exécution. Toutefois, la commission d’experts formule une observation sur un sujet pour lequel elle n’est pas autorisée. De fait, la convention ne mentionne ni le mot grève ni le droit de grève et ne garantit en aucune façon ce droit. Par conséquent, le groupe des employeurs est également d’avis que la commission d’experts n’est pas autorisée à commenter les dispositions relatives au report d’une grève ou à la limitation du droit de grève reconnues par la législation nationale. En fait, la faculté d’interpréter les conventions de l’OIT appartient exclusivement à la Cour internationale de Justice.

Conformément à la position du groupe gouvernemental, le droit de grève en Turquie est réglementé par la législation nationale. En Turquie, des lois déterminent la portée du droit de grève, en accord avec le système national des relations professionnelles. Ces lois ont été adoptées dans le cadre d’un processus régulier et démocratique. Leur application peut être contestée devant la Cour constitutionnelle, ce qui a été fait à plusieurs reprises.

Autre point concernant les observations de la commission d’experts sur la Turquie, au sujet de l’article 3 de la convention: l’affirmation selon laquelle la faculté qu’a le Conseil de surveillance de l’Etat de vérifier les comptes des syndicats et d’enquêter sur les syndicats n’est pas conforme aux dispositions de la convention. La faculté de l’Etat de procéder à des inspections administratives et financières des organisations d’employeurs et de travailleurs, prévue par l’article 52 de la Constitution de la République de Turquie, a été supprimée en application de l’article 3 de la loi no 4121. Parallèlement à cette modification, l’article 29 de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives du travail dispose que le contrôle des syndicats est exercé par leurs propres organes de contrôle et que l’audit financier est effectué par des experts-comptables agréés.

Ainsi, l’article 108 de la Constitution de la République de Turquie régit le Conseil de surveillance de l’Etat. Le conseil procède à ses examens dans le but de veiller à la légalité, au fonctionnement régulier et efficace et à l’amélioration de l’administration. L’affirmation selon laquelle le Conseil de surveillance de l’Etat a le pouvoir de licencier ou de changer les administrations syndicales, entre autres allégations de la CSI, est sans fondement puisque le pouvoir de licenciement ou de suspension est une disposition qui vise uniquement les fonctionnaires. Dans ce contexte, le décret présidentiel no 5 n’impose aucune réglementation en dehors du cadre prévu par la Constitution en matière de liberté syndicale et de droit d’organisation.

Autre point concernant les observations de la commission d’experts sur la Turquie, au sujet de l’application de l’article 4 de la convention: la dissolution de syndicats.

Comme on s’en souviendra, il n’y a pas longtemps, on a tenté de renverser le gouvernement turc: 251 personnes ont été tuées et plus de 2 000 blessées à la suite de cette tentative de coup d’Etat. Les employeurs turcs condamnent toutes les attaques terroristes ou actes inconstitutionnels visant à prendre le pouvoir et à renverser la démocratie. Après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, une commission d’enquête a été instituée. Elle peut recevoir des demandes contre la dissolution de syndicats pendant l’état d’urgence, et ses décisions sont susceptibles de recours devant les tribunaux administratifs d’Ankara. Les motifs de dissolution de syndicats peuvent être examinés par les tribunaux administratifs en Turquie à la suite d’une demande, ce qui constitue un recours légal régulier et effectif.

Enfin, je tiens à souligner que les employeurs turcs accordent la priorité absolue au système de contrôle de l’OIT. Nous estimons que la crédibilité et la transparence doivent être respectées au sein de la commission afin d’assurer un niveau élevé d’observation des normes internationales du travail.

Membre travailleur, Turquie – Le droit des travailleurs d’adhérer librement à un syndicat est garanti par l’article 51 de notre Constitution et par l’article 19 de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives.

L’article 31 de la loi no 2821 sur les syndicats qui était d’application avant la loi no 6356 prévoyait que le fait d’employer un travailleur ne peut être associé à une affiliation syndicale spécifique. Une peine d’emprisonnement et une amende judiciaire étaient prévues en cas de violation de cette disposition. Or la nouvelle loi no 6356 ne prévoit qu’une amende judiciaire. En fait, l’article 118 du Code pénal turc prévoit aussi une peine de prison au cas où des travailleurs sont forcés de s’affilier à un syndicat ou d’en démissionner. Mais vu que le maximum est de deux ans, la peine d’emprisonnement peut se terminer par la suspension du prononcé du jugement. C’est pourquoi il faudrait durcir les sanctions pour les cas de violation des droits d’organisation ou de la législation en vigueur. Le rapport de la commission d’experts comporte une série de situations dans lesquelles le certificat de compétence à négocier collectivement peut être retiré par les autorités. Ce sont en particulier la désignation des branches d’industrie ou des compétences et la durée des procédures judiciaires qui sont sujettes à préoccupation.

Nous convenons des améliorations apportées à la législation depuis que ce cas est discuté par la commission. Toutefois, nous sommes toujours confrontés à des licenciements pour cause d’affiliation syndicale, en particulier dans le secteur privé. Les syndicats et les travailleurs qui doivent résoudre tous les problèmes de procédure sont alors confrontés aux pressions exercées par les employeurs. Ils sont contraints de démissionner de leur syndicat ou de s’affilier à des syndicats que leur désignent leurs employeurs.

Il faut des sanctions légales pour protéger les droits d’organisation des travailleurs, et les mettre dans les conditions nécessaires exemptes de toute pression ou menace nécessite un changement de mentalités et une prise de conscience que les problèmes doivent être réglés par le dialogue social.

Conformément à nos demandes précédentes et aux discussions de ce cas par la commission, des seuils ont été négociés avec les gouvernements, et le seuil national a été abaissé de 10 à 1 pour cent. C’est la conséquence du consensus obtenu à l’issue des négociations entre les parties. Ce point a aussi été discuté en détail lors des précédentes missions du Bureau.

Du fait de cet abaissement du seuil national et de la demande d’affiliation par voie électronique qui remplace l’onéreuse procédure antérieure devant notaire, on a vu progresser les taux de syndicalisation. Toutefois, comme le signale le rapport de la commission d’experts, nous avions indiqué précédemment qu’il n’est pas toujours facile d’atteindre les seuils de 50 pour cent d’un lieu de travail et 40 pour cent d’une entreprise dans un contexte de progression des régimes d’emploi flexible, sachant que nous sommes favorables au principe d’«un syndicat compétent par lieu de travail».

Comme il est dit dans le rapport de la commission d’experts, la loi no 6356 stipule qu’une grève peut être reportée de soixante jours par voie de décret pour motif d’atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale. Le gouvernement devrait veiller à ce qu’il ne soit pas fait mauvais usage de cette disposition. Quelque 800 000 travailleurs sous-traitants sont employés dans les lieux de travail correspondants en application d’un décret no 696 de 2018. Il faudrait aussi que le gouvernement s’assure que ces travailleurs transférés d’entreprises sous-traitantes jouissent pleinement de leurs droits en matière d’organisation et de négociation collective.

Comme l’indique le rapport de la commission d’experts, la Turquie a traversé une période de crise aiguë après la tentative ratée de coup d’Etat. L’organisation terroriste FETO qui était derrière ce coup d’Etat voulait supprimer toutes les institutions démocratiques et constitutionnelles et renverser le gouvernement, et elle est responsable de la mort de 251 citoyens turcs, y compris nos six membres, et de plus de 2 300 blessés dans la population civile. Sur cette question, les canaux administratifs et judiciaires devraient rester ouverts et les commissions en activité devraient rapidement achever leur travail.

Etant un des pays qui bénéficient beaucoup de l’OIT et de sa structure tripartite, nous aimerions que le gouvernement trouve des solutions à tous ces problèmes en étroites concertation et coopération avec les partenaires sociaux.

Un autre membre travailleur, Turquie – Je vais concentrer mon intervention sur les questions liées aux agents de la fonction publique. La Turquie a approuvé la convention no 87 ainsi que beaucoup d’autres conventions au début des années quatre-vingt-dix. Notre confédération TURKiYE KAMU-SEN (Confédération turque des syndicats de fonctionnaires) a vu le jour en 1992, lorsqu’il n’existait aucune base législative ni constitutionnelle sur une quelconque affiliation syndicale des fonctionnaires. La raison en est qu’à l’époque les agents de la fonction publique ne jouissaient pas des droits syndicaux, et il leur a été interdit de s’affilier à un syndicat jusqu’en 2011 quand a été adoptée la première loi no 4688 sur la fonction publique.

Entre 2001 et 2012, les syndicats des agents de la fonction publique fonctionnaient comme des organisations ordinaires plutôt que comme des syndicats. Cela s’explique par le peu de droits accordés par la Constitution et par la loi. En 2010, certains articles de la Constitution, dont ceux portant sur les syndicats, ont été modifiés par voie de référendum et, du fait de ces modifications, certains articles de la loi sur les syndicats de fonctionnaires ont été changés deux ans après ledit référendum.

Bien entendu, les syndicats de fonctionnaires ont obtenu des améliorations pour le syndicalisme de la fonction publique, mais il existe encore de nombreuses entraves en termes de liberté syndicale, du point de vue de la convention comme dans la pratique. Malgré une base législative nationale et internationale identique, les droits syndicaux des fonctionnaires souffrent toujours de 12 handicaps par comparaison avec les droits syndicaux de la population active.

En ce moment, la Turquie accueille un grand nombre d’immigrants et subit beaucoup de tentatives terroristes. La plus importante a été la tentative de coup d’Etat qu’ont fait avorter en sept heures les forces de sécurité, le gouvernement, les syndicats, beaucoup d’autres institutions démocratiques et une très grande partie de la société. Cette tentative de coup d’Etat était organisée par le groupe terroriste FETO. Toutes ces tentatives avaient pour but de mettre à bas la stabilité économique et sociale de la Turquie.

Après le 15 juillet 2016, en particulier, beaucoup de fonctionnaires ont fait l’objet d’enquêtes et ont été destitués en grand nombre. Au cours de cette période extraordinaire, tout n’était pas seulement blanc ou noir. Actuellement, la situation se normalise en Turquie, et une commission d’enquête composée de sept membres issus principalement de hautes juridictions a été constituée pour se pencher sur la question. Sa tâche devrait être ardue pour régler ce problème dans de brefs délais pour les personnes qui pourraient être innocentes.

Enfin, le cas de la Turquie a été discuté pour des motifs divers plus de dix fois par la commission depuis 2003. Ces dernières années, la Turquie a accueilli une mission de haut niveau du BIT. Certaines années, elle était supposée soumettre à la commission un rapport attestant d’une amélioration de la situation.

Actuellement, nous sommes plus optimistes parce que nous avons une nouvelle et très jeune ministre du Travail. Elle et son équipe sont au courant des problèmes et connaissent les enjeux. Sur le plan législatif, nous disposons de tous les types de mécanismes de dialogue social qu’il faut encore mettre en œuvre en pratique. L’OIT définit une vision de son centenaire axée sur une vie de travail décent et dans la paix. Dans le cas de la Turquie, nous devons nous attacher à une même vision pour notre avenir, afin de résoudre tous les problèmes, y compris celui de la liberté syndicale.

Membre gouvernemental, Roumanie – Je m’exprime au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres. La Norvège, pays membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE) et de l’Espace économique européen (EEE), s’associe à cette déclaration. Nous nous sommes engagés, au titre de notre cadre stratégique en matière de droits de l’homme, à promouvoir la ratification universelle et l’application des huit conventions fondamentales, et nous accordons la plus haute importance à la liberté syndicale et au droit de négociation collective. A cet égard, le respect des conventions nos 87 et 98 de l’OIT est essentiel. La Turquie est un partenaire essentiel de l’UE, ainsi qu’un pays candidat. Lors du dernier Conseil d’association UE-Turquie, qui s’est tenu à Bruxelles en mars 2019, l’UE a réaffirmé l’importance des relations entre l’UE et la Turquie. L’UE et ses Etats membres ont immédiatement et fermement condamné la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016. Toutefois, trois ans plus tard et alors que l’état d’urgence a été levé, nos inquiétudes demeurent quant à la situation qui reste profondément préoccupante en ce qui concerne les droits fondamentaux et l’état de droit, ainsi que les pressions que subit la société civile, notamment compte tenu des nombreuses arrestations et des interdictions récurrentes de manifestations et d’autres types de rassemblement. Nous insistons aussi sur l’importance de veiller à ce que la commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence constitue une voie de recours efficace pour les personnes injustement touchées par les mesures collectives adoptées à grande échelle à la suite de la tentative de coup d’Etat. En ce qui concerne le cas qui nous occupe aujourd’hui, relatif à la convention sur la liberté syndicale et la négociation collective, nous souhaitons souligner que la mise en place d’un environnement propice au dialogue social et à la confiance entre les employeurs, les travailleurs et le gouvernement est essentielle à la stabilité sociale et économique. Nous sommes préoccupées par les récentes arrestations de membres et de responsables syndicaux lors de manifestations – notamment contre les conditions de travail et de vie sur le chantier du nouvel aéroport d’Istanbul – et par le retrait du passeport à des dirigeants syndicaux et d’autres restrictions des libertés civiles, comme l’interdiction de manifester et de faire des déclarations à la presse. Nous croyons savoir que des procès sont toujours en cours, et nous espérons que les décisions de justice respecteront l’état de droit et les conventions nos 87 et 98 que la Turquie a ratifiées. Les travailleurs doivent disposer du droit de se syndiquer et de s’affilier aux organisations de leur choix, y compris dans le secteur public. Nous prenons dûment note des allégations de la KESK selon lesquelles des restrictions sont toujours imposées à un fonctionnaire sur six en Turquie. Dans ses précédents commentaires, la commission d’experts a déjà prié le gouvernement de revoir l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée. Nous prions donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier cette loi afin de lever les restrictions du droit de se syndiquer, contraires à la convention, et de faire en sorte que tous les fonctionnaires, y compris dans les secteurs de la justice et de la sécurité, et les hauts fonctionnaires aient le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et de s’y affilier. Nous insistons aussi sur le fait que les travailleurs doivent être libres de s’affilier aux syndicats de leur choix sans subir aucune pression de la part de leur employeur. En outre, il ne doit y avoir aucune ingérence des autorités publiques dans le programme et l’organisation des syndicats. D’après le rapport de la commission d’experts, le Conseil de surveillance de l’Etat – une institution rendant directement compte au bureau du Président – a été investi de pouvoirs très vastes, comme celui d’investiguer et de vérifier à tout moment les comptes de syndicats et d’associations professionnelles. Selon la CSI, ce conseil peut aussi en remplacer la direction. Le rapport de la commission d’experts rappelle que de tels pouvoirs ne devraient pas dépasser l’obligation de soumettre des rapports financiers annuels ni permettre le contrôle du fonctionnement interne des syndicats, faute de quoi ils seraient incompatibles avec la convention. Nous souhaiterions donc davantage d’informations sur le rôle et les activités du Conseil de surveillance de l’Etat, sur les enquêtes déjà menées sous son autorité et sur leurs résultats. Nous sommes également préoccupés que l’application de l’article 63 de la loi no 6356 et du décret ayant force de loi (KHK) no 678 enfreigne indûment le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités sans ingérence du gouvernement. La commission d’experts rappelle qu’une série de grèves ont été suspendues sur la base de ces textes pourtant déclarés inconstitutionnels par la Cour constitutionnelle. Nous souhaiterions avoir plus d’informations de la part du gouvernement sur l’application de ces deux lois. Enfin, nous tenons à souligner la situation particulièrement catastrophique et incertaine de nombreux membres syndicaux du secteur public qui ont été licenciés et de syndicats qui ont été dissous après la tentative de coup d’Etat. Il est essentiel de veiller à ce que toutes les organisations et tous les membres syndicaux qui souhaitent que leur situation soit réexaminée puissent saisir la commission d’enquête et à ce que la commission et les juridictions administratives d’appel étudient attentivement les motifs de dissolution des syndicats ou de licenciement des membres syndicaux. Nous souhaiterions avoir plus d’informations sur les travaux de cette commission et surtout sur le nombre de demandes présentées par des syndicats dissous et de cas examinés par la commission et sur les conclusions de cet examen. En ce qui concerne les syndicalistes du secteur public qui ont été licenciés, nous nous inquiétons de l’importante accumulation de cas toujours en suspens concernant des personnes touchées par les mesures adoptées lors de l’Etat d’urgence et du très faible nombre de réintégrations (7,5 pour cent en mai 2019). Nous prions instamment le gouvernement de la Turquie d’adopter rapidement les mesures nécessaires pour garantir un climat exempt de violence, de discrimination, de pressions ou de menaces afin que tous les travailleurs et tous les employeurs puissent exercer les droits qui leur sont reconnus par la convention dans le pays. L’UE et ses Etats membres continueront de coopérer avec la Turquie et de suivre la situation de près.

Membre gouvernemental, Qatar – La Constitution turque garantit l’égalité entre tous les citoyens devant la loi sans discrimination aucune fondée sur la langue, la race, la couleur de peau, la confession, etc. Le gouvernement a pris des mesures à la suite de la tentative de coup d’Etat. A notre avis, ces dispositions ne visaient pas les syndicats, il s’agissait simplement de mesures contre ceux qui avaient préparé ce coup d’Etat militaire.

Nous avons noté que le nombre de syndicats a augmenté entre 2013 et 2019. En fait, il a triplé. Cela montre clairement que le gouvernement turc a créé un cadre favorable aux syndicats, qui garantit et protège les droits de leurs membres. Qui plus est, la Constitution turque a reconnu toutes les libertés fondamentales, y compris la liberté syndicale.

Notre pays considère que la Turquie lutte pour la justice sociale, conformément à l’objectif de notre Organisation. Nous demandons donc à la commission d’évaluer le cas de la Turquie en ayant à l’esprit ce que je viens d’exposer. Nous appuyons la déclaration du gouvernement turc à ce sujet et nous demandons à la commission d’en tenir compte lorsqu’elle arrivera à ses conclusions.

Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – Je tiens à exprimer mon souhait pour que nos réunions apportent des solutions aux problèmes rencontrés par les travailleurs, et pour cela je vais dresser un bilan général des événements survenus dans le cadre de la convention.

Le gouvernement soutient ouvertement les confédérations et les syndicats affiliés qui sont dans la même ligne politique que la sienne. Bien que cela soit contraire aux normes de l’OIT, le gouvernement adopte une pratique discriminatoire selon les confédérations et les syndicats. La discrimination syndicale s’étend de la promotion à l’affectation à une place du système de convention collective ainsi qu’aux nominations dans le secteur public, par exemple lors des examens de promotion. La décision est prise non en fonction des connaissances et de la compétence des employés dans le secteur public, mais en fonction du syndicat auquel ils sont affiliés.

Les nouvelles mesures qui sont entrées en vigueur lors de l’état d’urgence sont devenues permanentes et, ainsi, le droit d’association a pris un sérieux coup. Avec les décrets ayant force de loi promulgués pendant l’état d’urgence, environ 130 000 travailleurs du secteur public ont été licenciés sans aucune enquête ni procédure judiciaire, et ce sans aucune possibilité de défense. A l’heure actuelle, 4 510 travailleurs publics membres de syndicats affiliés aux caisses sont toujours démis de leurs fonctions. Les sanctions de licenciement durant la période de l’état d’urgence étaient uniquement fondées sur l’avis des cadres du secteur public, des responsables administratifs, dont la plupart d’entre eux sont nommés par le pouvoir politique, des dénonciations anonymes et un système de personnes fichées. Les moyens d’opposition à cette injustice pour les employés licenciés du service public ont été bloqués.

Une commission appelée «Commission de l’état d’urgence» a été créée environ six mois après l’annonce de l’état d’urgence et a commencé ses activités treize mois après. Tous les membres de cette commission, composée de sept personnes, ont été nommés par le gouvernement, et le président a été autorisé à les démettre de leurs fonctions. Dans ces circonstances, il est impossible de s’attendre à ce que la commission prenne une décision juste. Ainsi, la commission a statué sur environ 70 406 demandes sur un total de 126 120 demandes déposées à ce jour. Pour 65 156 d’entre eux, ce qui fait 92,5 pour cent, cela a abouti à un rejet. Seuls 7,4 pour cent d’entre eux, ce qui fait un total de 5 250 employés du secteur public, ont été réintégrés dans leurs fonctions.

Ainsi, permettez-moi de souligner ces deux points: le nombre de travailleurs du secteur public interdits de se syndiquer est en augmentation et l’interdiction de grève continue. En Turquie, les obstacles juridiques pour les travailleurs du secteur public de s’affilier à un syndicat se sont accrus. Un employé sur neuf du secteur public est empêché par la loi d’être membre d’un syndicat. Ceci est également expliqué en détail dans le rapport de la commission d’experts. Malgré cela, le régime d’interdiction de la grève des travailleurs du secteur public en Turquie est toujours en vigueur; deuxièmement, la répression sur le KESK a augmenté. Pour ce qui est des droits et de la liberté syndicale, notons que toute manifestation collective et tous les communiqués de presse que nous souhaitons faire sont entravés pour des raisons sans fondement juridique.

Membre gouvernemental, Ukraine – Il est largement admis que la convention no 87 est un instrument essentiel de l’OIT, un élément fondamental du tripartisme, de la négociation collective et du dialogue social, sans lequel la liberté syndicale et l’égalité au travail ne seraient pas possibles. L’Ukraine est partie à la convention depuis 1956. Elle reconnaît pleinement et apprécie toute l’importance que joue ce document international indispensable en tant que mécanisme efficace pour garantir les principes qui permettent aux travailleurs et aux employeurs d’exercer librement leur droit d’organisation. Malgré son importance, la convention reste malheureusement l’une des moins ratifiées de toutes les conventions fondamentales de l’OIT. Le rapport récurrent sur le dialogue social, qui a été examiné l’année dernière lors de la session de la Conférence internationale du Travail, ainsi que le rapport récurrent de la Commission pour les principes et droits fondamentaux au travail, présenté en 2017, soulignent fermement la nécessité de promouvoir davantage l’universalisation et le respect de ce traité essentiel. L’Ukraine reconnaît donc les efforts entrepris par son pays voisin, la Turquie, pour se conformer à la convention, en particulier ceux déployés pour adopter une législation syndicale nationale pertinente. L’Ukraine espère une coopération plus fructueuse entre la Turquie et l’OIT dans tous les domaines sociaux et du travail nécessaires, y compris le renforcement du dialogue social aux niveaux national et international.

Membre travailleur, Belgique – Avant-hier précisément, on nous a montré une vidéo rappelant l’importance de la Commission de l’application des normes, les moments forts de cette commission et tout ce que l’Organisation internationale du Travail dans son ensemble a vécu au cours de son siècle d’existence. Parmi ces moments forts figure la contribution très appréciée de l’OIT à la création et à la reconnaissance d’un syndicat réellement indépendant et autonome en Pologne.

- La Turquie a ratifié la convention en 1993. Le texte de la convention est clair: «Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.»

- «Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élire librement leurs représentants.»

- «Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.»

- «La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.»

Malgré l’absence d’ambiguïté de ces textes, à notre grand regret, la Turquie a adopté en juillet 2018 le décret présidentiel no 5 instituant le Conseil de surveillance de l’Etat, qui est investi de l’autorité d’investiguer et de vérifier à tout moment les comptes de syndicats, d’associations professionnelles, de fondations et d’associations. Il a même un pouvoir discrétionnaire qui l’habilite à remplacer ou modifier la direction de syndicats. Il s’agit là de l’une des violations les plus flagrantes et les plus incontestables d’une des conventions fondamentales de l’OIT qui porte sur l’un des principes et droits fondamentaux au travail, à savoir sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Il incombe à notre commission de garantir la bonne application des normes de l’OIT.

Dans ce cas, la conclusion s’impose: la Turquie doit faire en sorte que les syndicats turcs soient réellement indépendants et autonomes. Le fait que le gouvernement a la possibilité de remplacer ou de changer la direction des syndicats n’a pas seulement pour effet de restreindre le fonctionnement de syndicats réellement indépendants et autonomes, elle rend tout simplement impossible leur fonctionnement en tant que tels. Soyons clairs, cela ne se limite pas aux organisations syndicales; le fait de pouvoir remplacer ou changer la direction d’organisations d’employeurs constituerait une violation tout aussi grave de la convention.

Pour conclure cette intervention, nous renvoyons à l’abondant recueil de décisions du Comité de la liberté syndicale. Le chapitre 7 de ce recueil publié l’an dernier traite en profondeur du droit des organisations d’élire librement leurs représentants. Il va sans dire que le remplacement d’une direction constitue une grave entrave au libre exercice des droits syndicaux et n’est pas compatible avec le principe de la liberté syndicale, que ce soit dans le cas des salariés du privé ou dans celui des salariés du secteur public.

Membre gouvernementale, Maroc – Je voudrais tout d’abord remercier le gouvernement de la Turquie pour les informations qu’il a fournies et qui constituent des éléments de réponse aux différents commentaires et observations formulés à cet égard par la commission d’experts.

En effet, les commentaires de la commission d’experts portent sur un certain nombre de sujets en relation directe avec la mise en œuvre de la convention, notamment en ce qui concerne les droits des fonctionnaires de constituer ou de s’affilier à des organisations de leur choix, le contrôle du fonctionnement interne des syndicats, la dissolution des syndicats.

Le représentant de la Turquie a apporté des explications et des éclaircissements importants tout en signalant que la Turquie a vécu une situation particulière en étant confrontée à une menace pour sa sécurité nationale en 2016.

En se référant à ses explications et particulièrement au fait que les droits et les libertés fondamentaux sont protégés par la Constitution, les fonctionnaires turcs ont le droit de s’organiser, et que les restrictions sont limitées aux hauts fonctionnaires dans certains domaines tels que la sécurité et la justice, les organisations de travailleurs ont le droit d’organiser librement leurs activités dans la mesure où elles sont conformes à la législation nationale. Tous les syndicats ont le droit de contester les décisions de dissolution en s’adressant à la commission d’enquête.

A cet effet, nous appuyons les efforts déployés par le gouvernement de la Turquie et nous l’invitons à redoubler d’efforts pour mettre en conformité la législation et la pratique nationales avec les dispositions et les principes de la convention no 87.

Observateur, Internationale de l’éducation (IE) – Plusieurs infractions sont reprises sous l’intitulé «Libertés publiques». En tant que membre d’un syndicat du secteur de l’éducation, je dois dire que les licenciements, les suspensions, les déportations, les transferts d’un lieu de travail à un autre sans l’assentiment du travailleur sont des pratiques auxquelles les syndicalistes turcs sont confrontés depuis très longtemps, et tout cela est consigné dans le rapport de la commission d’experts.

Lorsqu’il est interrogé à ce sujet, le gouvernement répond habituellement que ces syndicalistes ont des activités contraires à la législation. Or, en réalité, les actions de ces syndicalistes ne font pas l’objet d’enquêtes et ne sont pas réprimées en raison du fait qu’elles sont contraires à la législation. Les mesures prises par les gouvernements découlent d’une volonté de réprimer des syndicats considérés comme dissidents. De même, les responsables syndicaux sont confrontés chaque jour à des interdictions de manifestations, de réunions de masse, de rassemblements de syndicalistes et à des arrestations, destitutions et procès qui, comme l’expliquent les rapports de la commission d’experts, mettent les syndicalistes turcs dans l’impossibilité de mener une activité syndicale indépendante. A titre d’exemple, le secrétaire général d’Egitim Sen a été arrêté le 4 mai pour avoir assisté à une conférence de presse. Du fait de cette arrestation, il n’a pas été autorisé à se rendre à l’étranger, les autorités locales lui ayant interdit de voyager et ayant confisqué son passeport. Il aurait dû être parmi nous, à cette Conférence de l’OIT, mais il en a été empêché. Alors, peut-on parler de liberté syndicale et de droit d’organisation dans ce type de situation? La discrimination à l’encontre d’organisations syndicales en raison de leur proximité ou non avec le pouvoir est un autre problème de dimension. Utiliser la puissance et les instruments de l’Etat pour favoriser des syndicats progouvernementaux est une autre façon d’agir inacceptable. Comment un syndicaliste peut-il, dans de telles conditions, jouir du droit à la liberté syndicale et du droit d’organisation? Ces droits ne peuvent devenir une réalité que lorsqu’ils sont tous protégés par la législation nationale ou le droit international et les conventions internationales.

Les droits syndicaux et les libertés syndicales sont ou doivent être protégés par des conventions internationales, notamment par les conventions de l’OIT et par les législations nationales. L’article 90 de la Constitution turque considère que les conventions internationales dûment rectifiées priment sur la législation nationale. Or on voit bien que le gouvernement ne se conforme pas à ces obligations à cet égard. Par conséquent, dans le cas présent, les rapports et les interventions montrent clairement que la convention est considérablement violée et bafouée.

Membre gouvernementale, Cuba – Ma délégation souhaite réaffirmer l’importance de continuer à promouvoir le tripartisme et le dialogue social dans tous les pays, en vue d’éliminer les différences qui existent dans le monde de travail et favoriser une meilleure protection des droits des travailleurs; c’est là un objectif que nous devrions tous poursuivre en permanence. C’est pourquoi nous reconnaissons les progrès accomplis par le gouvernement de la Turquie et nous l’encourageons à poursuivre ses efforts en ce sens.

Nous soulignons aussi qu’il convient de continuer à promouvoir, dans le cadre de l’OIT, les mesures et les programmes qui appellent à l’assistance technique aux pays et qui permettent aux gouvernements de relever les défis qui se posent dans le monde du travail, dans un esprit de coopération et d’échange.

Observateur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – Lorsque nous examinons des cas individuels de violation des droits civils dont sont victimes les syndicalistes en Turquie, il est toujours intéressant de s’intéresser à la situation générale parce qu’on constate généralement qu’une série de violations de la convention surviennent dans le contexte d’une répression gouvernementale contre des activités syndicales légitimes.

Permettez-moi de vous communiquer un exemple concernant TÜMTIS, un syndicat affilié à l’ITF. A la fin de 2017, lorsque le personnel d’une grande entreprise de fret de la province de Gaziantep a rejoint TÜMTIS, l’employeur a tenté d’obliger les travailleurs à quitter le syndicat. Face au refus des travailleurs, la société a renvoyé neuf personnes et les a violemment expulsées des locaux. Les certificats d’incapacité que les services médicaux ont délivrés aux travailleurs concernés attestent du niveau de violence dont ils ont été victimes.

Lorsque Kenan Ozturk, le président de TÜMTIS, et quatre autres responsables du syndicat ont rendu visite aux travailleurs injustement licenciés et ont organisé une conférence de presse, ils étaient loin de s’imaginer que le procureur était déjà occupé à rédiger un acte d’accusation à leur encontre. M. Ozturk et ses collègues ont été accusés d’avoir enfreint la désormais tristement célèbre loi no 2911 sur les rassemblements et les manifestations. Le procureur réclame des peines allant de dix-huit mois à trois ans de prison parce que ces responsables ont eu l’audace de tenir une conférence de presse et de parler avec leurs membres.

La deuxième audience pour ce dossier aura lieu dans quatre semaines, le 9 juillet. Cette affaire contre TÜMTIS et ses dirigeants n’est pas un cas isolé. La présente commission connaît le dossier du cas no 3098 examiné par le Comité de la liberté syndicale. En effet, un dirigeant de TÜMTIS, Nurettin Kilicdogan, croupit en prison à l’heure où je vous parle. Un tel niveau de harcèlement judiciaire engendre un climat d’intimidation et de crainte, préjudiciable au développement des activités syndicales.

J’aimerais aussi informer la présente commission du cas d’une autre grève qui a été repoussée en vertu de l’article 631 de la loi no 6356 depuis que la commission d’experts a publié ses observations. Une grève qu’un syndicat de cheminots affilié à l’ITF souhaitait organiser à Izmir a été officiellement suspendue par un décret présidentiel le 8 janvier 2019. Le décret, signé par le Président Erdogan lui-même, confirme que la grève a été reportée parce qu’elle était, je cite, de nature à «perturber les services de transport publics urbains». C’était la première fois que l’article 631 était invoqué pour le secteur des transports internes.

Pour reprendre les propos du bâtonnier d’Izmir, «cette décision est un coup porté aux droits au travail, à la démocratie et au droit de faire grève. Elle est dépourvue de tout fondement juridique et est contraire à la Constitution, aux lois nationales et aux conventions internationales». Pour les travailleurs des transports et leurs syndicats en Turquie, la situation devient désespérée. Nous espérons sincèrement que, tôt plutôt que tard, les travailleurs et les syndicats du secteur des transports, et évidemment tous les travailleurs et syndicats, pourront exercer pleinement leurs droits syndicaux en toute liberté.

Membre gouvernemental, Azerbaïdjan – Nous sommes persuadés que cette importante commission devrait servir d’enceinte pour des discussions constructives axées sur l’amélioration du respect des normes internationales du travail. Nous accueillons avec satisfaction les informations communiquées par le gouvernement de la Turquie et nous le félicitons de sa volonté et de son engagement à interagir et à coopérer de manière constructive avec l’OIT. Nous nous félicitons en particulier de l’empressement du gouvernement turc à fournir à la commission d’experts le complément d’information qui devrait lui permettre de mieux évaluer la situation en Turquie.

Nous invitons le gouvernement de la Turquie à continuer à poursuivre ses efforts pour modifier les lois concernées en concertation avec les parties concernées, en particulier les partenaires sociaux, et à continuer à fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard. Nous appelons l’OIT et ses Etats Membres à soutenir le gouvernement de la Turquie et à lui fournir l’assistance technique qu’il pourrait solliciter à cet égard.

Membre travailleuse, Allemagne – En 1970, la Conférence internationale du Travail a adopté à une large majorité la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles. Ce texte reconnaît que «les droits conférés aux organisations de travailleurs et d’employeurs se fondent sur le respect des libertés civiles, qui ont été énoncées notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et que l’absence des libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux».

Les libertés civiles constituent le socle à partir duquel doivent s’exercer tous les droits garantis par la convention. Nous considérons la liberté syndicale comme une des pierres angulaires de l’OIT. Je ne suis pas architecte mais, même moi, je sais qu’une pierre angulaire doit reposer sur un terrain solide. Or, si nous considérons la situation en Turquie, nous constatons avec une vive préoccupation que le terrain est très fragile. Dans son rapport de 2019 sur la Turquie, la Commission européenne constate «de sérieux reculs dans les domaines de la liberté d’expression, de réunion et d’association ainsi que dans les droits de la procédure et les droits de propriété». Les droits syndicaux sont toujours l’objet de fortes pressions.

En novembre 2018, par exemple, le dirigeant syndical turc Abdullah Karacan a été abattu alors qu’il rencontrait des travailleurs dans une usine de pneus. Deux autres représentants syndicaux ont été blessés au cours du même incident. Arzu Çerkezoglu, le président du syndicat du personnel soignant et de la confédération syndicale DISK passe actuellement en jugement et risque trois ans de prison pour avoir simplement participé à un débat public sur le thème «Quo vadis Turquie». Pour des motifs tout aussi dénués de fondement, l’exercice de la liberté d’expression est systématiquement réprimé par l’interdiction des communiqués de presse et des manifestations syndicales. Le droit à la liberté de réunion est extrêmement limité, les défilés et les manifestations étant régulièrement interdits et les protestataires soumis à des ripostes policières disproportionnées et à des interpellations.

L’état d’urgence est invoqué pour autoriser toutes les entraves aux libertés civiles et aux fondements des droits syndicaux. Mais, même après juillet 2018, beaucoup de lois d’urgence restent d’application et avec elles se perpétue le climat d’intimidation contre les syndicalistes.

En conséquence, nous invitons instamment le gouvernement turc à abroger les lois et décrets promulgués pendant l’état d’urgence et à prendre immédiatement des mesures afin de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec ses obligations au titre de la convention no 87 et avec le droit international sur les droits de l’homme.

Membre gouvernemental, Algérie – L’Algérie remercie le gouvernement turc pour son rapport substantiel sur la situation du droit syndical et le droit de grève et soutient l’ensemble de ses commentaires.

Nous saluons également les efforts entrepris par le gouvernement turc, en particulier sa disposition à coopérer avec le BIT. L’Algérie salue l’ouverture syndicale aux travailleurs temporaires employés par des agences d’emploi privées. Nous saluons les progrès réalisés dans l’instauration des voies de recours judiciaires contre les violations des libertés syndicales et restons déterminés à soutenir la Turquie dans ses efforts visant à renforcer l’Etat de droit, protéger et promouvoir plus efficacement les droits et les libertés, renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et faciliter l’accès à la justice.

L’Algérie partage de nombreuses priorités avec la République turque en matière de liberté syndicale, et l’Algérie réitère son plein soutien dans les limitations apportées au droit de grève afin de préserver la paix du travail dans les services essentiels, s’ils sont définis comme des services dont l’interruption mettrait en danger dans l’ensemble ou dans une partie de la population la vie, la sécurité ou la santé de la personne, ou s’ils sont justifiés par le risque d’atteinte à l’ordre public. C’est ainsi le cas par exemple des magistrats et des personnels des services pénitentiaires.

Observateur, Internationale des services publics (ISP) – Je me limiterai à trois points. Premièrement, des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public ont été licenciés arbitrairement en application de décrets qui ont été pris pendant l’état d’urgence: 796 membres du Syndicat des travailleurs de la santé publique et des services sociaux (SES) ont été licenciés de l’administration publique, et seuls 17 d’entre eux ont été réintégrés. Le gouvernement a créé la commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence. Tous les fonctionnaires licenciés doivent d’abord s’adresser à cette commission avant de saisir les tribunaux. A ce jour, la commission d’enquête a examiné 117 demandes de membres du SES, dont 42 ont été acceptées et ont fait l’objet d’une décision positive, et 58 rejetées.

Deuxièmement, une nouvelle mesure, appelée «contrôle de sécurité», a été introduite dans la procédure de recrutement des fonctionnaires. Les personnes qui ne réussissent pas ce contrôle ne sont pas recrutées dans des institutions publiques. L’ampleur du contrôle est telle qu’il est impossible de savoir qui sera refusé et selon quels critères. L’application de cette procédure est illicite et arbitraire. Autrement dit, le droit des citoyens à l’emploi est enfreint par un contrôle injuste. On considère que des personnes ne conviennent pas à un poste public au motif de leur origine ethnique ou religieuse, de leurs opinions politiques ou du syndicat qu’elles ont choisi.

Troisièmement, en plus du contrôle de sécurité, les entretiens sont monnaie courante dans le recrutement dans le secteur public. Ces entretiens ne visent pas à déterminer objectivement si les compétences professionnelles sont compatibles avec les exigences du poste. Les entretiens sont devenus maintenant un mécanisme qui permet de s’assurer de la loyauté de chacun des candidats, mais aucune trace de ces entretiens n’est laissée. Ce mécanisme est totalement arbitraire, si bien que des personnes qui avaient déjà obtenu une note mais qui ont échoué à l’examen ont considéré que cet échec était dû à l’entretien. La situation est donc très difficile pour les personnes qui travaillent dans ce secteur, et le mécanisme susmentionné, en l’absence de sécurité d’emploi, est utilisé comme moyen de subordination. Aucun travailleur dans le secteur public ne peut exercer sa liberté d’expression, son droit de participer à la vie politique, son droit de s’affilier à un syndicat, etc. Cela nuit à la qualité de nos services publics. Notre lutte dans ces conditions, en tant que syndicat SES, est menée de différentes manières. Les autorités publiques entravent des activités syndicales courantes – distribution de prospectus, ouverture de stands d’information, autres questions relatives à notre travail, réunions, affichage d’informations, etc. Ces activités sont soumises à des contrôles particuliers, et c’est l’employeur qui décide quelles informations peuvent être données. Tout cela montre que le droit d’exercer la liberté d’association est enfreint en faveur des autorités et par les autorités. Malgré ces problèmes difficiles et d’ordre ethnique dans notre secteur, nous continuons à lutter avec détermination pour les droits des travailleurs et des syndicats.

Membre gouvernemental, Kazakhstan – Nous saluons l’engagement de la Turquie en faveur de l’OIT. Nous tenons à souligner qu’il y a huit ans la commission a examiné la situation en Turquie au regard de la convention. Immédiatement après cette discussion, la Turquie a adopté en 2012 une nouvelle législation syndicale conforme aux changements constitutionnels et aux conventions de l’OIT et a exigé que la loi sur les syndicats des fonctionnaires reconnaisse aux fonctionnaires le droit de négociation collective.

Nous croyons que la Turquie œuvrera avec l’OIT et les partenaires sociaux dans le même esprit de coopération constructive, en ce qui concerne l’OIT et les normes internationales du travail, avec la plus grande considération et qu’elle respectera ses obligations en matière de présentation de rapports ainsi que les dispositions des conventions de l’OIT qu’elle a ratifiées.

Membre travailleur, Royaume-Uni – En 2018, le Syndicat britannique de la fonction publique UNISON a envoyé une délégation rencontrer les collègues turcs. Elle a donné une description lugubre d’un pays où les droits des travailleurs et la règle de droit ont considérablement reculé, bien que l’état d’urgence ait été officiellement levé. Le rapport d’UNISON, distribué à ses 1,3 million d’adhérents, recense des abus systématiques, avec notamment des arrestations de leaders syndicaux, l’interdiction de manifestations pacifiques et la mise hors-la-loi des actions de grève pour des motifs fallacieux invoquant la sécurité nationale et la santé publique. Une grève dans une verrerie n’a pas été autorisée parce qu’une pénurie de verre pourrait entraîner une pénurie de médicaments contenus dans des flacons en verre. Cette logique ténue et tortueuse a été utilisée pour transformer, en pratique, une grève dans le secteur manufacturier en une grève dans un service essentiel, ce qui est en parfaite contradiction avec les définitions de l’OIT ainsi qu’avec l’article 51 de la Constitution de la Turquie. Comme vous l’avez entendu, ce souci de la santé et de la sécurité était absent à la construction du troisième aéroport d’Istanbul, pour laquelle les chiffres officiels montrent que plus de 50 travailleurs ont perdu la vie sur ce chantier. Lorsque les travailleurs se sont mis en grève pour que soient revues les conditions de travail terribles qui leur étaient imposées, 600 d’entre eux ont été arrêtés. Il ne semble pas que des poursuites aient été engagées contre les responsables des décès de plus de 50 travailleurs.

En 2018, 132 travailleurs turcs d’une usine de cosmétiques ont été licenciés. Après trois cents jours de manifestations acharnées, certains ont été réintégrés, mais seulement à la condition qu’ils démissionnent de leur syndicat. L’Etat devrait s’attaquer à ce genre de procédé s’il veut être en règle avec ses obligations internationales, mais il semble que rien n’a été fait. Nos collègues ont aussi exprimé leurs préoccupations quant au traitement de leurs homologues du secteur public. Il est tout particulièrement déprimant de trouver dans le rapport de la commission d’experts la même demande au gouvernement pour qu’il revoie l’article 15 de la loi no 4688. Le texte de la convention ne peut être plus clair: les travailleurs doivent pouvoir constituer des organisations de leur choix et s’y affilier. Leurs statuts de hauts fonctionnaires ou de gardiens de prison ne doivent avoir aucune incidence sur le droit d’être membres de syndicats indépendants, comme pourraient en attester mes collègues de la British First Division Association, qui représente les plus grands serviteurs de l’Etat, ou de la British Prison Officers’ Association.

Membre gouvernementale, Pakistan– Ma délégation tient à remercier le gouvernement de la Turquie pour la réponse détaillée qu’il a fournie. Nous saluons également la volonté du gouvernement turc d’entretenir un dialogue et de fournir d’autres informations. Nous prenons note des efforts déployés par la Turquie pour collaborer étroitement avec l’OIT dans plusieurs domaines, notamment pour renforcer le dialogue social, aux niveaux national et international. Nous l’encourageons à continuer de prendre des mesures à cet égard. Les observations de la commission d’experts sur la Turquie contiennent beaucoup de points où celle-ci demande des informations et des précisions complémentaires concernant la législation et les décisions judiciaires dans ce domaine, de manière à mieux évaluer la situation. La Turquie a pris plusieurs mesures depuis le dernier examen de ce cas par la commission en 2011. Le gouvernement de la Turquie a fait montre de son engagement et de sa volonté de collaborer avec la commission pour apporter des améliorations sur le terrain. C’est pourquoi nous demandons aussi que la commission tienne compte de tous les efforts réalisés par la Turquie et de donner à la commission d’experts davantage de temps pour examiner correctement les informations communiquées par la Turquie.

embre gouvernemental, Pays-Bas – C’est avec la plus vive préoccupation que l’organisation syndicale néerlandaise FNV constate la violation constante de la convention que la Turquie a ratifiée en 1993. Alors que l’état d’urgence a été levé le 19 juillet 2018, certaines pratiques, comme l’imposition de la loi martiale dans plusieurs provinces, indiquent qu’il a toujours cours et, dans bien des cas, ce n’est pas sans conséquence pour les activités syndicales.

Aux Pays-Bas, de nombreux membres entretiennent des contacts intensifs et coopèrent étroitement avec leurs collègues syndicaux en Turquie. Ils ont observé une augmentation drastique des politiques antisyndicales depuis la tentative de coup d’Etat, donnant lieu à des mesures répressives aux conséquences radicales pour les carrières et la vie personnelle des travailleurs concernés.

Amnesty International a relaté les arrestations de travailleurs qui protestaient contre les conditions sur le chantier du nouvel aéroport d’Istanbul en 2018: «En incarcérant et en persécutant ces ouvriers qui demandaient simplement des conditions de travail dignes et sûres, les autorités turques font savoir que toute personne qui tente de défendre ses droits sera sanctionnée.» Il existe donc clairement des pratiques antisyndicales, y compris dans les entreprises multinationales, comme dans l’exemple évoqué plus tôt par mon collègue de ces 132 travailleuses d’une filiale turque d’une société de cosmétiques qui ont été injustement licenciées parce qu’elles étaient affiliées à un syndicat.

C’est aussi la première fois en Turquie qu’autant de fonctionnaires publics sont suspendus ou démis de leurs fonctions depuis la tentative de coup d’Etat militaire du 15 juillet 2016. Selon la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, environ 150 000 fonctionnaires ont été licenciés et près de 40 000 ont été suspendus dans le pays. On note une tendance à la criminalisation et une politique de diffamation dont sont victimes les fonctionnaires publics en général et, plus particulièrement, les membres de l’organisation syndicale indépendante KESK.

Pour illustrer clairement les politiques antisyndicales et la diffamation à l’encontre des membres et militants syndicaux, nous souhaitons mentionner le cas de 25 femmes, membres de la KESK, qui ont été accusées d’appartenir à une organisation terroriste armée, ainsi que celui de 72 autres membres de la KESK (hommes et femmes), dont son ancien président, M. Lami Özgen, l’actuel vice-président, M. Mehmet Bozgeyik, et plusieurs autres membres du comité de direction, tous accusés d’appartenir à une organisation terroriste armée.

Nous condamnons donc fermement la pratique actuelle consistant à invoquer l’ancien état d’urgence pour justifier le licenciement de membres syndicaux qui ont fait valoir leurs libertés et droits syndicaux.

Membre travailleur, Ukraine – Je tiens à appeler l’attention de la commission sur l’attaque portée contre des travailleurs du bâtiment sur le chantier du nouvel aéroport d’Istanbul qui luttent pour leurs droits fondamentaux au travail et leurs droits de l’homme, dont le droit de constituer un syndicat et de mener des actions collectives, conformément à la convention.

Fin 2018, sur les 26 000 travailleurs du chantier du nouvel aéroport d’Istanbul, près de 22 000 travaillaient en sous-traitance, employés par 281 entreprises. Le principal entrepreneur était Airport Construction Ordinary Partnership Joint Stock Company (IGA). En outre, d’après l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), ils travaillent dans des conditions déplorables (bas salaires, paiement tardif des salaires, conditions de travail dangereuses, conditions de logement de qualité inférieure aux normes, harcèlement et violations des droits de l’homme en série).

Au plus fort de la crise, un affrontement grave a eu lieu et a conduit à l’arrestation de 24 travailleurs. Des syndicats turcs, dont Yol-Is, plaident activement en faveur des droits des travailleurs qui travaillent en sous-traitance, et dans le secteur du bâtiment, notamment du droit de s’affilier à un syndicat et de négocier des conventions collectives.

Nous espérons que suite sera donnée aux plaintes et préoccupations relatives au fait que les travailleurs ont des droits et qu’une solution permanente et durable sera trouvée quant au fond afin de garantir que les droits fondamentaux au travail et les droits de l’homme, dont la liberté syndicale pour les travailleurs en sous-traitance au nouvel aéroport d’Istanbul, dans toute la Turquie sont garantis.

Représentant gouvernemental – Nous avons écouté attentivement les porte-parole des employeurs et des travailleurs ainsi que les orateurs qui ont pris part à la discussion. Nous attachons une grande importance aux travaux de cette commission et nous estimons que c’est une enceinte propice à un dialogue tripartite constructif. Toutefois, nous constatons avec regret que cette enceinte sert aussi parfois à défendre des intérêts politiques et pas toujours à entretenir un dialogue constructif. J’emploierai le temps qui m’est imparti pour revenir sur certaines questions soulevées par les orateurs qui se sont exprimés. Je n’aborderai pas les allégations touchant aux questions qui ne relèvent pas du champ d’application de la convention.

Tout d’abord, j’aimerais faire des observations sur les allégations de la KESK selon lesquelles elle serait la cible de licenciements et ferait l’objet de discrimination. Nous disposons de chiffres qui démontrent le contraire. En effet, le nombre de syndicalistes appartenant aux confédérations les plus représentatives de fonctionnaires qui ont été licenciés en vertu du décret d’application de la loi, lors de l’état d’urgence, se décline comme suit: MEMUR-SEN: 10 600; TOURKiYE KAMU-SEN: 4 454; KESK: 4 269.

La KESK ne cesse de dire qu’elle est la cible de licenciements ou fait l’objet de discrimination, mais c’est en fait la MEMUR-SEN qui compte le plus grand nombre de licenciements. La KESK elle-même a indiqué dans une communication présentée dans le cadre des rapports dus au titre de la convention que, sur les 588 décisions prises par la commission d’enquête concernant des membres de la KESK, 199 étaient en faveur de leur réintégration. On s’aperçoit donc qu’une décision sur trois est favorable aux membres de la KESK, ce ratio étant largement supérieur à la moyenne qui est d’une décision sur dix.

Concernant l’allégation d’arrestations illégales et de harcèlement lors de la construction de l’aéroport d’Istanbul: environ 30 000 travailleurs étaient occupés à la construction de l’aéroport d’Istanbul, sur lesquels 2 000 travailleurs environ ont participé à une manifestation le 14 septembre 2018, sans avoir respecté les procédures prévues par la loi sur les réunions et manifestations. Alors que les forces de l’ordre tentaient de contrôler la situation, des négociations ont été tenues entre le gouverneur local, les responsables et les travailleurs concernés, sans pour autant déboucher sur le règlement de la situation. Malgré tous ces efforts, les manifestations et actions illégales, les violations du droit et les dommages à la propriété, tout cela constituant des délits, ont continué. Des travailleurs ou des représentants des travailleurs ont aussi pénétré dans le camp d’hébergement des travailleurs pour les inciter à l’action. Devant les troubles de l’ordre public provoqués par cette agitation sociale, les forces de l’ordre sont intervenues pour empêcher que celle-ci ne se propage et pour prévenir aussi tout autre dommage susceptible d’être causé au public et aux biens publics. Sur les 420 personnes inquiétées, 360 ont été relâchées par décision du ministère public après contrôle d’identité sans qu’aucun chef d’accusation n’ait été retenu contre elles; 62 suspects ont été mis en prison. Vingt-cinq suspects ont été relâchés sous contrôle judiciaire, et les 37 autres ont été accusés de délits pour violation des dispositions de la loi sur les réunions et les manifestations et du Code pénal.

Six suspects ont ensuite été relâchés par le tribunal compétent. Il s’avère que huit suspects n’étaient pas employés par la société de construction et ne se trouvaient là que pour inciter les travailleurs à l’action. Ces allégations ne reflètent donc pas la réalité.

Passons maintenant à la question de la syndicalisation. Un représentant travailleur a indiqué que les conditions actuelles en Turquie empêchaient les syndicats de fonctionner. Mais les chiffres et la pratique ne corroborent pas ces propos. Si l’on examine le taux de syndicalisation en 2013, juste après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les syndicats et la convention collective de travail, on s’aperçoit que le taux de syndicalisation dans le secteur privé était de 9,21 pour cent. En janvier 2019, il était de 13,86 pour cent. On constate la même évolution pour les fonctionnaires du secteur public. En juillet 2018, le taux de syndicalisation était de 67,65 pour cent, alors qu’il n’était que de 47,9 pour cent en 2002 après l’entrée en vigueur de la loi no 4688. Ces seuls chiffres démontrent l’évolution positive que connaît la Turquie aujourd’hui.

Au vu de la concurrence actuelle entre cinq fédérations syndicales dans le secteur privé et neuf confédérations syndicales de fonctionnaires dans le secteur public, soit au total 14 fédérations, on peut dire que la liberté syndicale et la possibilité de choisir sont patentes dans le pays.

S’agissant des allégations de recours excessif à la force de la part des forces de sécurité ces dernières années, nous avons déjà répondu à la question et nous allons répéter à peu près la même chose aujourd’hui. Le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour prévenir les incidents de ce type, qui se produisent essentiellement pour deux raisons. La première est liée à l’infiltration d’organisations illégales lors de défilés et de manifestations organisés par les syndicats, l’autre au fait que les syndicats tiennent à organiser ces réunions dans des rues ou sur des places qui ne s’y prêtent pas. Les forces de sécurité sont intervenues dans 2 pour cent des 40 016 actions et activités qui ont eu lieu en 2016; 0,8 pour cent des 38 976 activités qui ont lieu en 2017; et 0,7 pour cent des 36 925 activités qui ont lieu en 2018. Au 7 mai 2019, le taux d’intervention était d’environ 0,8 pour cent.

L’intervention des forces de sécurité n’a lieu que si des actes de violence et des attaques contre les forces de sécurité et les citoyens se produisent et que le cours de la vie ordinaire est considérablement perturbé. Le taux d’intervention montre que des activités et des manifestations pacifistes légales se déroulent sans entrave en Turquie.

En ce qui concerne les travaux de la commission d’enquête, j’ajouterai que c’est une voie de recours efficace qui rend des décisions individuelles et motivées sur environ 1 200 demandes par semaine, grâce à un système d’examen qui est à la fois rapide et approfondi. Avec un tel taux, on peut raisonnablement escompter qu’elle terminera ses travaux en moins d’un an.

Membres travailleurs – Nous avons écouté toutes les interventions attentivement et je dois dire que nous avons apprécié tout particulièrement l’intervention de l’Union européenne qui était claire et utile. Il est important de rappeler que nombre des violations de la convention relevées dans les observations de la commission d’experts, dont il est question devant cette commission, étaient déjà manifestes avant 2008 et la déclaration de l’état d’urgence. On se souviendra qu’en 2008 déjà l’OIT a envoyé une mission de haut niveau en Turquie et que, en 2010, une mission bipartite de haut niveau s’est rendue dans le pays. Ces missions visaient à aider le gouvernement à remplir ses obligations découlant de la convention. Le gouvernement ne saurait donc invoquer l’état d’urgence pour justifier ces manquements vis-à-vis de ses obligations au titre de la convention. D’ailleurs, les instances de contrôle n’ont cessé d’indiquer au gouvernement que l’état d’urgence ne l’autorise pas à déroger à ses obligations au titre de la convention. Le gouvernement est censé agir raisonnablement eu égard aux mesures de sécurité nationale et d’urgence qu’il met en œuvre.

C’est justement dans le contexte des mesures de sécurité nationale et d’urgence, où le pouvoir d’ingérence de l’Etat est à son comble, que les garanties offertes par la convention sont particulièrement utiles puisqu’elles empêchent que des dommages irréversibles ne soient causés à des individus innocents et à des organisations de travailleurs. Par conséquent, en l’absence des garanties nécessaires, le système de contrôle de l’OIT doit examiner dans les détails toute volonté de compromettre, restreindre ou empêcher l’exercice de ces droits.

L’état d’urgence a donné lieu au renvoi de 110 000 fonctionnaires et de 5 600 universitaires environ, ainsi qu’à l’annulation du permis de travail de quelque 22 500 travailleurs dans des institutions publiques; 19 syndicats ont été dissous et environ 24 000 travailleurs font actuellement l’objet de différentes formes de mesures disciplinaires pour avoir participé à des protestations, etc.

Nous constatons avec préoccupation que, sur les 42 000 décisions de la commission, seules 3 000 ont été acceptées, 39 000 décisions ayant donc été rejetées. Nous sommes encore plus préoccupés par le fait que des organisations syndicales indépendantes soient la cible de mesures visant à affaiblir leur capacité à protéger et à faire progresser les intérêts sociaux et économiques de leurs membres. C’est bien là une façon déguisée de contrôler et d’affaiblir les syndicats libres et indépendants en Turquie.

Nous appelons le gouvernement à mettre fin à ces pratiques inacceptables. Nous réaffirmons que toute loi ou mesure ayant pour effet de conférer aux autorités le pouvoir de contrôler directement ou indirectement le fonctionnement interne des syndicats, empêchant par-là même les organisations de travailleurs et d’employeurs de réaliser leurs objectifs organisationnels en toute liberté et indépendance, n’est pas compatible avec la convention.

Le gouvernement doit, à tout le moins, consulter les partenaires sociaux pour mettre au point un plan d’action visant à réviser toutes les lois qui ne sont actuellement pas conformes à la convention. Le gouvernement doit aussi consulter les partenaires sociaux pour veiller à ce qu’une procédure judiciaire équitable, acceptable et indépendante, jouissant de la confiance des partenaires sociaux, soit en place pour revoir les mesures prises contre les syndicats et leurs membres. Nous appelons aussi le gouvernement à accepter une mission de l’OIT afin d’évaluer les progrès en la matière avant la prochaine Conférence internationale du Travail.

Enfin, je souhaite également réagir à certains commentaires des employeurs, en ce qui concerne le droit de grève. Notre ferme position est toujours la même: la convention no 87 protège le droit de grève. Le système de contrôle de l’OIT, et notamment la commission d’experts, a employé des méthodes d’interprétation bien établies pour parvenir à cette conclusion. Cela fait partie du droit à la liberté syndicale, un droit fondamental qui permet aux travailleurs de faire entendre leurs voix auprès de gouvernements et d’employeurs qui souvent ne les entendent pas. Le droit de grève est non seulement régi par la convention no 87, mais il relève aussi du droit international coutumier, comme l’a indiqué le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

En ce qui concerne les commentaires des employeurs concernant le droit de grève des fonctionnaires, il convient de souligner que des restrictions à cet égard ne sont imposables qu’aux fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et à ceux occupés dans les services essentiels au sens strict du terme.

Le Comité de la liberté syndicale a défini son mandat de manière claire et transparente. Celui-ci consiste à examiner la conformité de la législation et des pratiques nationales avec les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, tels que prévus dans les conventions pertinentes.

Membres employeurs – J’aimerais commencer en remerciant le gouvernement pour les informations qu’il a présentées devant la commission et je retiendrai en particulier les commentaires constructifs dans lesquels il reconnaît que la commission constitue une plateforme propice à un dialogue permanent et constructif, des propos auxquels nous souscrivons.

Nous ne sommes pas d’accord avec les déclarations des membres travailleurs à propos de la pertinence des observations de la commission d’experts sur le droit de grève et, clairement, beaucoup d’observations ont déjà été faites à ce propos. Nous ne pouvons pas accepter que des orientations soient données au gouvernement à cet égard; de tels éléments ne peuvent figurer dans les conclusions relatives à ce cas. Nous avons à coup sûr une conception légèrement différente de celle des membres travailleurs sur certains autres aspects de ce cas et, par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de nous associer à une demande conjointe de mission du BIT en ce moment; nous ne pensons pas qu’une telle réaction soit appropriée. Nous pensons plutôt qu’on voit clairement ce qui relève d’une action de suivi appropriée et des indications qui devraient figurer dans les conclusions.

Nous pensons que, pour ce qui est de faire en sorte que le gouvernement reconnaisse que le respect des libertés publiques des travailleurs et des employeurs constitue le fondement même de l’exercice de la liberté syndicale au titre des engagements pris sous la convention no 87, il faut encourager le gouvernement à donner à son administration les instructions nécessaires pour faire en sorte que les violations des libertés publiques ne se produisent plus à l’avenir. Nous l’encourageons également à fournir à la commission d’experts des informations sur les éventuels résultats des voies de recours administratif ou judiciaire utilisées par des syndicalistes dans des cas de violations des libertés publiques.

Nous pensons également qu’il est judicieux, dans l’examen de ce cas, de prier le gouvernement d’effectuer les changements à la loi qui s’imposent, en particulier l’article 15 de la loi no 5688, pour donner à tous les fonctionnaires le droit de s’organiser, les membres des forces armées et de la police étant, comme nous en avons discuté, les seuls à pouvoir être exemptés, suivant les termes de la convention, de ces obligations et de ces prérogatives.

Nous notons aussi que, comme cela a été dit dans certaines interventions, il est important pour le gouvernement d’agir pour que ses organes prennent des mesures afin d’assurer la régularité et l’efficacité, qu’ils ne s’ingèrent pas dans l’organisation et l’autonomie des syndicats sous le prétexte d’assurer la régularité et l’efficacité de leur fonctionnement, c’est-à-dire toute intervention autre que découlant de l’obligation pour les syndicats de remettre des extraits ou rapports financiers. A cet égard, nous prions le gouvernement de transmettre à la commission d’experts un exemplaire du décret no 5 ainsi que des informations sur son application dans la pratique afin que la commission d’experts puisse en faire un examen approprié, et tout particulièrement en ce qui concerne le droit des organisations d’employeurs et de travailleurs d’organiser leurs activités sans interférence de la part des autorités publiques.

S’agissant des allégations relatives à la question de la dissolution des syndicats, nous demandons au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les fondements et les circonstances concernant tous les cas de dissolution ainsi que des informations sur le rétablissement des syndicats suite aux décisions de la commission d’enquête ou des tribunaux administratifs.

Donc, en conclusion, nous considérons que les informations fournies par le gouvernement aujourd’hui sont utiles. Nous l’encourageons cependant à soumettre son rapport de 2019 accompagné d’informations détaillées, comme il a indiqué qu’il le ferait, et de fournir copie des documents demandés par la commission d’experts afin que les questions discutées soient davantage analysées.

Clairement, nous demandons au gouvernement de le faire avec un esprit constructif et de poursuivre ce dialogue constructif.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a rappelé que le respect des libertés civiles est un préalable essentiel de la liberté syndicale. La commission a noté avec préoccupation les allégations de restrictions imposées aux organisations de travailleurs en matière de création, d’affiliation et de fonctionnement.

Prenant en compte la discussion, la commission prie instamment le gouvernement:

- de prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir que, quelle que soit l’affiliation syndicale, le droit à la liberté syndicale peut s’exercer dans des conditions normales, dans le respect des libertés civiles et dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces;

- de s’assurer qu’une procédure judiciaire régulière et en bonne et due forme est garantie aux organisations de travailleurs et d’employeurs et à leurs membres;

- de réviser la loi no 4688 en concertation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives afin d’accorder à tous les travailleurs sans aucune distinction, y compris aux travailleurs du secteur public, la liberté syndicale conformément à la convention, en droit et dans la pratique;

- de réviser le décret présidentiel no 5 pour exclure les organisations de travailleurs et d’employeurs de son champ d’application; et

- de s’assurer que la dissolution d’organisations syndicales est le résultat d’une décision de justice et que les droits de la défense et la régularité de la procédure sont pleinement garantis dans un système judiciaire indépendant.

La commission prie le gouvernement de faire rapport à la commission d’experts sur les progrès accomplis s’agissant des recommandations précitées pour sa réunion de novembre 2019.

Représentant gouvernemental– Nous remercions les pays et les partenaires sociaux qui ont débattu de manière constructive de ce cas et ont pris acte des développements positifs et des progrès accomplis en Turquie concernant cette question. Nous continuerons à œuvrer avec nos partenaires sociaux aux niveaux national et international pour répondre à leurs préoccupations et informerons la commission d’experts, dans notre prochain rapport, de la suite donnée aux questions qu’elle a soulevées dans ses rapports.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2011, Publication : 100ème session CIT (2011)

Un représentant gouvernemental a déclaré que l’amendement constitutionnel qui est entré en vigueur le 12 septembre 2010 doit être considéré comme un progrès majeur. Cet amendement est extrêmement important et démontre la sincérité du gouvernement ainsi que son attachement au processus démocratique et à la promotion des droits syndicaux. Les réformes constitutionnelles incluent l’abolition de l’interdiction de certaines formes d’action revendicative, de l’appartenance simultanée à plus d’un syndicat de la même branche, de la conclusion de plus d’une convention collective sur le même lieu de travail pour la même période. En outre, la disposition relative à la responsabilité civile des syndicats pour tous dommages matériels causés au cours d’une grève a été abrogée. En outre, il a été constitué un Conseil d’arbitrage des fonctionnaires, qui est compétent pour rendre des décisions définitives en matière de conclusion de conventions collectives applicables aux fonctionnaires et le pouvoir discrétionnaire du Conseil des ministres dans ce domaine a été supprimé. Le champ couvert par les conventions collectives applicables aux fonctionnaires a été étendu aux droits économiques et sociaux, le droit de saisir le Médiateur a été garanti, et toutes les décisions d’ordre disciplinaire rendues par de hauts fonctionnaires et concernant des fonctionnaires sont désormais susceptibles de recours devant les tribunaux. Le droit d’appel devant la Cour constitutionnelle est désormais reconnu à tous en cas d’atteinte aux droits fondamentaux de l’homme, droits syndicaux compris. Enfin, le Conseil économique et social a acquis un statut constitutionnel. Les réformes constitutionnelles ont nécessité l’adaptation substantielle de la législation et des projets de loi sur les syndicats, y compris en ce qui concerne les syndicats de fonctionnaires. Un processus soutenu de consultations entre les partenaires sociaux et les organismes publics compétents s’est poursuivi à la lumière de ces réformes. L’intervenant s’est déclaré confiant que les projets de loi révisés qui seront issus de ce processus se révéleront conformes aux attentes de la commission d’experts en matière de législation syndicale. Il est important cependant que les partenaires sociaux soutiennent et encouragent davantage ce processus. Un tel soutien est particulièrement nécessaire à propos de certaines questions très controversées qui restent à régler, comme celle de la création de syndicats sur la base du lieu de travail et de la profession, celle de la création de fédérations, et enfin celle de l’élimination des seuils déterminant la compétence d’un syndicat de négocier collectivement. Dans ce contexte, l’orateur a indiqué que, en raison des prochaines élections législatives qui se tiendront le 12 juin 2011 et du temps nécessaire à la révision de la législation sur le système des relations professionnelles, le processus d’harmonisation de la législation n’a pas été pleinement finalisé. Il n’est donc pas possible de fournir un calendrier prévoyant les futurs changements législatifs.

Evoquant certaines mesures positives démontrant les bonnes intentions du gouvernement en ce qui concerne l’adhésion des fonctionnaires à des syndicats, il a informé la commission qu’une nouvelle loi contenant des dispositions sur la promotion de la syndicalisation dans le secteur public a été adoptée par le Parlement en février 2011. Elle prévoit le versement d’une prime à chacun des membres de syndicats de la fonction publique, abroge les dispositions restrictives restantes du décret no 399 sur le personnel contractuel dans la fonction publique, et précise leurs droits de constituer des syndicats. Un décret ayant force de loi a également été adopté récemment à cette fin. Les mesures prises pour prévenir le recours excessif à la force par les services de sécurité ont produit les résultats escomptés. Les célébrations du 1er mai ont été pacifiques cette année et aucun incident n’a eu lieu. Cependant, les allégations concernant la détention de certains dirigeants et membres syndicaux pendant les défilés portent sur des cas exceptionnels qui ne constituent pas la règle. Lors des nombreux défilés et manifestations organisés par les syndicats l’année dernière, quelques individus seulement ont été mis en garde à vue, essentiellement pour avoir jeté des pierres et des cocktails Molotov à la police, causé des dommages à la propriété publique et privée, ou organisé des rassemblements ou des défilés dans des lieux non autorisés. En tout état de cause, les allégations de mauvais traitements infligés par les autorités publiques peuvent faire l’objet d’actions devant les tribunaux. Concernant les dispositions sur la vérification de la comptabilité des syndicats en vertu de la loi sur les associations, selon les données fournies par le ministère de l’Intérieur, ces dispositions n’ont pas été appliquées dans la pratique. Pour conclure, l’orateur a indiqué que le gouvernement est profondément déçu par le fait que la Turquie ait figuré sur la liste des cas individuels, malgré les progrès réalisés. Ces progrès n’ont pas été pris en considération lors de l’établissement de la liste. Devant les réformes accomplies, la commission aurait pu exprimer davantage sa satisfaction et ses encouragements. L’inclusion de la Turquie sur la liste des cas ne peut que saper la crédibilité des méthodes de travail de la commission et pourrait laisser entendre que des considérations politiques ont primé sur les aspects techniques de la question.

Les membres travailleurs ont rappelé que c’est la cinquième fois en sept ans que ce cas est examiné. La mission de haut niveau en Turquie, demandée par la commission en 2007, a abouti à une évaluation détaillée des changements législatifs requis. Compte tenu des suggestions faites à la suite de cette évaluation et de la volonté politique exprimée par le gouvernement, il semble que la solution soit à portée de main. Toutefois, en 2009, la commission a conclu qu’aucun changement législatif véritable n’a été adopté. Néanmoins, l’adoption de la loi no 5982 en 2010 a abouti à l’abrogation de certaines dispositions de la Constitution qui avaient été critiquées parce qu’elles restreignaient la liberté syndicale. Toutefois, pour que de tels amendements constitutionnels aient une incidence sur les droits des syndicats, il faut mettre en place une législation d’application. Or une telle législation n’a même pas été proposée. De surcroît, la loi no 4688 sur les syndicats des fonctionnaires n’a pas changé depuis que l’examen de ce cas a commencé en 2005, et les travailleurs du secteur public n’ont pas participé au dialogue social depuis 2007. En outre, les lois nos 2821 et 2822 comportent certaines restrictions au droit syndical et des changements spécifiques ont été demandés, tant par la présente commission que par la commission d’experts. Malgré l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi sur les syndicats réglant la question des dispositions permettant l’ingérence gouvernementale dans les affaires intérieures des syndicats a été élaboré, on ne constate aucun progrès dans la soumission de ce projet au législateur et ce projet ne traite pas de toutes les questions soulevées par la commission d’experts. En particulier, la commission d’experts a indiqué que les travailleurs indépendants, les travailleurs à domicile, les apprentis, les fonctionnaires de haut rang et les travailleurs retraités doivent avoir le droit de s’organiser, que les restrictions au droit de grève doivent être limitées aux fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et aux services essentiels au sens strict du terme et que le délai de préavis avant la convocation d’une grève doit être réduit.

Les membres travailleurs ont souligné qu’aucun progrès n’a été réalisé depuis les amendements de la Constitution, lesquels avaient déjà été notés à la précédente session de la commission. Cela est particulièrement inquiétant étant donné les violations sans cesse plus nombreuses des droits syndicaux dans la pratique. Les mesures prises par le gouvernement au sujet des libertés civiles et de l’utilisation de la violence n’ont pas été efficaces et le gouvernement doit être instamment prié de garantir un climat exempt de violence, pressions ou menaces de toute sorte. Cela inclut, entre autres, le harcèlement judiciaire, notamment les cas dans lesquels des syndicalistes ont été arrêtés pour des motifs peu clairs et la procédure judiciaire a été prolongée pendant des périodes de temps significatives. Concernant la question du seuil de 50 pour cent plus un, requis dans une entreprise pour avoir le droit à la négociation collective, les membres travailleurs ont souligné que le résultat en est que seul un très petit nombre de syndicats ont bénéficié de ce droit. Seul un petit pourcentage de travailleurs turcs syndiqués sont couverts par une convention collective et cela constitue un obstacle majeur à la constitution de syndicats. En outre, la législation n’offre pas de protection contre le licenciement dans les entreprises employant moins de 30 salariés, d’où il découle un manque de protection contre les licenciements injustifiés pour les travailleurs. Il en résulte un faible taux de syndicalisation dans les petites entreprises, où la protection des syndicats serait la plus nécessaire. La croissance de l’économie turque, sans droits garantis pour les travailleurs, aboutira à une croissance déséquilibrée et à la répartition inéquitable des bénéfices. Les membres travailleurs se sont dits déçus du fait que le gouvernement n’a pas tenu ses promesses. Il n’a fourni aucun plan d’action assorti de délais clairs, comme l’a demandé la commission en 2009 et 2010, et n’a pas non plus eu recours à l’assistance du BIT pour réviser la législation. Toutefois, une conformité totale avec la convention est possible, et le gouvernement a été instamment prié de faire tous les efforts nécessaires pour mettre de toute urgence sa législation et la pratique en conformité avec la convention.

Les membres employeurs ont rappelé que la discussion tenue sur ce cas l’an dernier a été positive et qu’ils espéraient qu’elle le soit aussi cette année. Plus particulièrement, l’approche incohérente du dialogue social peut être discutée et abordée de façon constructive. La réponse du gouvernement à la mission de haut niveau réalisée en mars 2010 s’est traduite par l’amendement de la Constitution en 16 jours seulement, cet amendement ayant été approuvé par l’électorat en septembre 2010. Le gouvernement a précédemment indiqué que certains amendements législatifs étaient nécessaires A cet égard, un projet de loi sur les syndicats a été élaboré en vue d’amender les lois nos 2821 et 2822, en consultation avec les partenaires sociaux, ce qui démontre que le dialogue social est en cours de développement. La commission d’experts a noté que le projet de loi semble traiter d’un certain nombre de préoccupations précédemment soulevées, notamment huit améliorations concrètes, et l’on peut en féliciter le gouvernement. Néanmoins, la commission d’experts a insisté sur le fait que le projet de loi ne couvre pas toutes les questions, et qu’aucun amendement n’a été apporté à la loi no 4688. Les membres employeurs ont reconnu les défis et les difficultés rencontrés pour ce qui est d’élaborer une législation portant sur les questions restantes. Ils ont souligné que les conclusions de la commission sur ce cas ne pourront pas porter sur les observations de la commission d’experts concernant le droit de grève. En ce qui concerne la nouvelle approche du gouvernement concernant l’usage de la force par la police, notée par la commission à sa dernière session, les membres employeurs ont rappelé que les libertés civiles constituent une condition préalable essentielle à la liberté syndicale. Une formation doit être dispensée à la police et le changement culturel nécessaire mettra du temps à intervenir, et certains problèmes demeurent concernant les syndicats et la police. Les conclusions de la commission doivent prier instamment le gouvernement de continuer à prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour instaurer un climat exempt de toute violence, pressions ou menaces de toute sorte, afin de permettre aux travailleurs et aux employeurs d’exercer pleinement et librement leurs droits au titre de la convention. Le gouvernement doit être prié instamment de réexaminer, en consultation avec les partenaires sociaux, toute législation susceptible d’avoir été appliquée dans la pratique de façon contraire à la convention. Le gouvernement doit aussi fournir un rapport, contenant suffisamment d’informations, avant la prochaine session de la commission d’experts. Si un certain temps est nécessaire pour traiter les questions par le biais d’un processus législatif, il est à espérer que l’examen de ce cas accélérera l’évolution de la situation. Les membres employeurs ont souligné que des progrès ont été accomplis, et que d’autres mesures doivent être prises pour parachever ce processus.

Un membre travailleur de la Turquie a indiqué que la modification constitutionnelle de 2010 était un progrès qu’il convenait de relever, mais a souligné que les demandes concernant les restrictions au droit de grève et la définition des termes «fonctionnaires» et «travailleurs employés dans le secteur public» n’avaient pas été prises en compte lors de ce processus. Malgré les modifications apportées aux lois nos 2821 et 2822, celles-ci sont encore loin d’entretenir un climat de paix sur le lieu de travail pendant le déroulement des activités syndicales. Deux exemples ont été donnés pour montrer les violations fréquentes de la convention no 87 et de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Comme les travailleurs qui adhèrent à un syndicat sont licenciés, que des formes d’emploi flexibles sont mises en place et que l’on recourt à la sous-traitance, il est devenu pratiquement impossible de se syndiquer. Le gouvernement a élaboré un projet de loi sur les syndicats afin de rendre la législation conforme à la convention, mais ce projet n’est pas acceptable pour les partenaires sociaux, car il ne tient pas suffisamment compte des besoins des travailleurs, et qu’il comporte plusieurs restrictions. Enfin, après la tenue de deux réunions tripartites en 2010 et 2011, certaines sources de conflit demeurent. Le gouvernement devrait donc prendre de solides engagements auprès de la commission, notamment celui d’élaborer un plan d’action assorti d’un échéancier précis.

Un autre membre travailleur de la Turquie a rappelé qu’une loi sur les activités syndicales des fonctionnaires a été approuvée en 2001 par l’Assemblée nationale. Cela étant, les fonctionnaires sont toujours privés du droit de grève et de négociation collective. La Constitution interdit également aux fonctionnaires dans certains secteurs de former des syndicats ou d’y adhérer. La Turquie a été inscrite sur la liste finale des cas individuels à cinq reprises au cours des sept dernières années et, chaque fois, le gouvernement a promis d’entreprendre les réformes nécessaires à la mise en conformité avec la convention. En 2010, un référendum a été organisé pour modifier certains articles de la Constitution, mais les syndicats des travailleurs du secteur public n’ont pas été consultés faute de dialogue social et les amendements ont été préparés sans consensus. Le dialogue social ne fonctionne pas. Aucune mesure n’a été prise pour modifier les dispositions de la loi no 4688 afin de la rendre conforme à la convention. Pour résoudre les problèmes auxquels les syndicats des travailleurs du secteur public et leurs membres sont confrontés, la commission devrait prier instamment le gouvernement d’engager sans attendre des négociations avec les représentants des fonctionnaires afin de mettre la loi no 4688 en conformité avec la convention. Des délais précis doivent être fixés pour que le nécessaire soit fait avant la session de 2012 de la Conférence internationale du Travail.

Le membre employeur de la Turquie a fait valoir que certains faits récents suscitent des inquiétudes au sein de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK). En dépit de l’importance du tripartisme, le texte soumis à la mission de haut niveau en mai 2010 n’a pas été discuté ou approuvé par les partenaires sociaux turcs. Ce texte ne constitue pas un progrès, contrairement à ce qu’estime la commission d’experts, car les partenaires sociaux n’y ont pas participé. Les discussions concernant les lois nos 2821 et 2822 sont toujours inscrites à l’ordre du jour pour les partenaires sociaux, et la TISK a organisé des réunions tripartites à ce sujet. Les textes, dont la version finale a fait l’objet de négociations, sont acceptables, à l’exception des dispositions permettant l’établissement de fédérations et de syndicats professionnels sur la base du lieu de travail, car elles ne cadrent pas avec la tradition turque des relations professionnelles et pourraient contribuer à la rupture des relations pacifiques sur le lieu de travail. Trois confédérations syndicales ont également émis des réserves à cet égard durant les discussions. Des consultations entre les partenaires sociaux à propos de ces amendements se poursuivront jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint. Après les élections générales imminentes, l’orateur a indiqué que les employeurs turcs continueront à soutenir les efforts que déploie le gouvernement pour améliorer les lois dans ce domaine.

Un observateur représentant la Confédération syndicale internationale (CSI) a évoqué la mémoire d’un enseignant retraité et ancien syndicaliste qui est décédé au cours d’une manifestation le 31 mai 2011. Mentionnant ensuite l’arrestation et l’emprisonnement de deux syndicalistes ainsi que la traduction en justice le 3 juin 2011 de 111 militants syndicaux risquant des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, il a signalé que, d’après l’enquête annuelle de la CSI, en Turquie, 66 pour cent des licenciements sont consécutifs à l’exercice d’activités syndicales. Les événements survenus cette année pendant le cours même de la Conférence internationale du Travail montrent que, dans ce pays, on n’hésite pas à faire obstacle aux activités syndicales par le meurtre, le harcèlement judiciaire, des arrestations et des licenciements. La législation du travail n’est pas conforme aux conventions de l’OIT et 5 pour cent seulement des travailleurs ont le droit de négocier collectivement. Près de la moitié de la population active exerce dans l’économie informelle et 25 pour cent de la population vit en deçà du seuil de pauvreté. La principale cause de cette situation réside dans la restriction des droits syndicaux. La législation nationale sur les syndicats continue d’imposer un seuil de représentativité de 10 pour cent d’un secteur et de 50 pour cent d’un lieu de travail, d’imposer un acte notarié pour pouvoir s’affilier à un syndicat ou cesser d’y appartenir, d’interdire la grève et d’imposer des procédures particulièrement longues dès lors qu’il est question de réintégration, ce qui est contraire aux normes internationales. Quatre procédures tendant à la dissolution de syndicats sont en cours devant les juridictions. Le gouvernement n’a pas procédé aux amendements nécessaires de la législation. Bien que les amendements constitutionnels aient été adoptés assez rapidement, le nombre des licenciements et celui des arrestations, de leur côté, n’a cessé de croître. Le gouvernement doit être rappelé dans des termes fermes à mettre en oeuvre la convention.

Une autre observatrice représentant la CSI a ajouté à la déclaration de l’orateur précédent qu’un demi-million de fonctionnaires n’ont pas le droit de se syndiquer. Les membres élus de haut rang des exécutifs syndicaux, de même que les membres de base, dont la plupart sont des femmes, sont en butte au harcèlement judiciaire, aux licenciements et à l’éviction de leur lieu de travail pour avoir organisé ou participé à des activités syndicales. Citant des exemples spécifiques de femmes syndicalistes faisant l’objet de telles mesures, l’oratrice a indiqué que ces cas restent exceptionnels mais que le risque est élevé de les voir se généraliser. La commission devrait par conséquent inclure ses conclusions sur ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.

La membre travailleuse de la France, s’exprimant également au nom de l’Internationale de l’éducation et de l’Internationale des services publics, a évoqué un certain nombre de violations de la convention qui ont été perpétrées au cours de ces dernières années à l’encontre de syndicalistes de la fonction publique et de l’enseignement en Turquie. Elle a cité le cas de plusieurs syndicalistes (Metin Findik, Seher Tumer et 31 membres de la Confédération des syndicats de fonctionnaires et de son syndicat enseignant Egitim-Sen, dont des dirigeants syndicaux) qui avaient été arrêtés sans que les charges retenues contre eux leur soient communiquées. Certains d’entre eux ont subi des mesures de représailles, telles que des coupes salariales, des licenciements, l’interdiction d’exercer dans les services publics, l’interdiction de se rendre à l’étranger et donc de participer à des réunions syndicales internationales. Le verdict n’a toujours pas été rendu deux ans après l’ouverture du procès, ce qui va à l’encontre de la jurisprudence de l’OIT selon laquelle des procédures rapides doivent être mises en oeuvre dans les cas de jugement de syndicalistes. Les tribunaux doivent rendre leur décision dans les plus brefs délais, afin que cessent les pressions exercées sur les prévenus. Par ailleurs, la multiplication des contrats de travail précaires incite les enseignants à renoncer à adhérer à un syndicat, et ceci dans le but d’obtenir un emploi. En outre, le droit de grève des fonctionnaires est limité voire inexistant, la participation à une grève demeurant un motif de destitution de la fonction publique. Les modifications législatives demandées sur ce point par la commission d’experts n’ont toujours pas été adoptées. A cet égard, l’oratrice s’est référée à la décision rendue par la Cour européenne des droits de l’homme en avril 2009 dans l’affaire Enerji Yapi-Yol Sen versus Turquie, dans laquelle la Cour a souligné que, si le droit de grève n’est pas absolu et peut être soumis à certaines conditions et restrictions, une interdiction appliquée à tous les fonctionnaires constitue une restriction trop vaste et est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Le gouvernement doit appliquer strictement la convention, cesser d’interférer dans les affaires syndicales, et garantir les droits de l’homme, civils et syndicaux.

La membre travailleuse de la Finlande a fait valoir que le problème ne tient pas seulement au fait que la législation n’est pas pleinement conforme aux normes internationales, mais aussi qu’elle n’est pas appliquée de manière effective. Les actes de discrimination antisyndicale, qui sont courants, et les carences du système judiciaire demeurent des problèmes très graves. Ces derniers mois, des centaines de travailleurs ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales. L’oratrice s’est référée à un incident survenu en 2008. Alors que, selon les conclusions de l’enquête menée à ce sujet par le ministère du Travail, les licenciements étaient illégaux, l’entreprise a refusé de payer les amendes. Les poursuites judiciaires ont traîné en longueur. Malheureusement, l’employeur a interjeté appel contre la décision qui était en faveur des travailleurs concernés, et l’affaire est pendante devant la Cour suprême. Cet exemple n’est pas isolé: depuis le début de 2011, 163 travailleurs ont été licenciés en raison d’activités syndicales dans le seul secteur de la métallurgie. Les actes de discrimination antisyndicale, notamment des licenciements abusifs, faute d’un recours rapide, constituent l’une des plus graves violations de la liberté syndicale car ils compromettent l’existence même des syndicats. En tant que partie à la convention no 87, à la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et à la Convention européenne des droits de l’homme, la Turquie est tenue de protéger les droits des travailleurs de former des syndicats et d’y adhérer, ainsi que le droit à la négociation collective.

Le membre travailleur de l’Allemagne, s’exprimant également au nom du membre travailleur de l’Autriche, a exprimé sa préoccupation face aux violations persistantes des droits syndicaux. Les atteintes à la liberté syndicale, à la liberté de rassemblement et au droit de négociation collective revêtent une importance particulière pour les syndicats allemands et autrichiens, en raison du grand nombre d’entreprises de ces pays qui sont implantées en Turquie. Les droits syndicaux ne sont pas encore suffisamment garantis et les réformes doivent être accélérées. Les droits sociaux et syndicaux devront bénéficier de la plus haute priorité lors des négociations en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Il ne s’agit pas seulement de modifications législatives, mais aussi de l’amélioration de la pratique et de la protection juridique. L’orateur a pleinement appuyé la déclaration faite par les membres travailleurs, ainsi que celles des membres travailleurs de la Turquie.

Le représentant gouvernemental a souligné que les partenaires sociaux sont associés au processus de révision de la législation en cours. Etant donné qu’il était apparu que les projets de lois précédents ne répondaient pas aux interrogations soulevées par la commission d’experts, des révisions ont été engagées et plusieurs réunions se sont tenues à ce sujet avec les partenaires sociaux. Il ne subsiste que quelques points de divergence. S’agissant de la discrimination antisyndicale, l’orateur a souligné qu’il existe des dispositions de loi interdisant de telles pratiques et qu’en la matière les voies de droit sont ouvertes aux travailleurs comme aux employeurs. L’activité antisyndicale fait encourir à l’employeur une peine de trois ans d’emprisonnement, sans préjudice des indemnisations dues aux travailleurs, lesquelles ne peuvent être d’un montant inférieur à une année de salaire, avec possibilité de réintégration. Cette disposition couvre tous les travailleurs et tous les lieux de travail. S’agissant des allégations d’arrestations de militants syndicaux, l’orateur a fait valoir que les charges retenues contre les intéressés n’avaient rien à voir avec une activité syndicale. Certains syndicalistes sont également membres d’organisations illégales. L’appareil judiciaire est indépendant, et nul n’est poursuivi, sur quelque chef que ce soit, sans des preuves concrètes d’activités illégales. S’agissant de la mort d’un syndicaliste, la manifestation au cours de laquelle ce fait est survenu revêtait un caractère politique et non pas celui d’une activité syndicale. Néanmoins, une instruction a été ouverte et les mesures qui se révéleront appropriées seront prises. L’emprisonnement d’un ancien dirigeant syndical n’avait rien à voir avec son activité syndicale ni avec le fait que cette personne avait été dirigeant d’un syndicat. S’agissant de l’arrestation de 111 travailleurs syndiqués, le représentant gouvernemental a précisé que les charges retenues contre ces personnes concernaient l’organisation d’une manifestation en un lieu où cela n’est pas autorisé. S’agissant des syndicats nouvellement constitués, la nouvelle législation autorisera la constitution de syndicats qui pourront négocier collectivement. Les fonctionnaires peuvent constituer des associations pour la défense de leurs intérêts, sauf à des fins de négociation collective.

Les membres employeurs ont indiqué que rien de ce qui avait été dit au cours de la discussion ne justifiait de modification à leur déclaration initiale. Par conséquent, leurs remarques introductives sur ce cas servent également de remarques finales.

Les membres travailleurs ont déclaré que la discussion et les informations fournies par le représentant gouvernemental ont renforcé leur conviction qu’il est à la fois urgent et faisable de rendre la législation conforme à la convention. Quelques amendements à la Constitution ont été faits, mais la législation pertinente reste inchangée par rapport à 2005 et le gouvernement n’a fourni aucun plan d’action assorti d’un échéancier clair, comme l’avait demandé la présente commission. Le gouvernement n’a pas fait usage de l’assistance continue du BIT qui avait été recommandée pour réviser la législation et n’a pas fourni non plus d’informations nouvelles quant au fond. Plusieurs exemples évoqués au cours de la discussion montrent que les droits des travailleurs de constituer librement des syndicats et celui de s’affilier à de telles organisations sont soumis à encore plus de pressions. Il serait possible de procéder aux changements nécessaires dans un délai relativement court parce que, grâce au concours de la commission d’experts et du BIT, les changements nécessaires sont maintenant parfaitement clairs. Les deux missions effectuées ont permis d’avancer et les membres travailleurs demandent qu’une nouvelle mission de haut niveau se rende en Turquie pour faciliter les efforts tendant à rendre la législation conforme aux conventions nos 87 et 98, en consultation avec les partenaires sociaux et pour faciliter le dialogue social. Il est également demandé au gouvernement de produire un échéancier en vue des mesures à prendre; d’accepter l’assistance technique du BIT pour mener à bien ce processus aussitôt que possible; et de faire rapport d’ici la prochaine session de la commission d’experts sur les amendements législatifs adoptés. Pour que le gouvernement comprenne l’urgence de la situation, les membres travailleurs ont demandé que les conclusions de la commission relatives à ce cas figurent dans un paragraphe spécial de son rapport.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté les explications du représentant gouvernemental sur les amendements constitutionnels qui sont entrés en vigueur et prennent en compte les demandes formulées par la commission d’experts depuis de nombreuses années. Il a évoqué la nécessité d’un plus grand soutien des partenaires sociaux dans le processus de réforme législative visant à mettre en oeuvre toutes les demandes de la commission d’experts encore en suspens, en particulier en ce qui concerne des questions controversées. Bien que le gouvernement se soit engagé à améliorer la législation syndicale, il a rappelé que le processus de révision prend du temps dans toute démocratie et que ce processus avait pris du retard car l’Assemblée nationale n’avait pas siégé au cours des trois derniers mois à cause de la campagne électorale. C’est pour cette raison qu’il n’était pas en mesure de fournir un calendrier des éventuelles modifications législatives. Il s’est référé à l’adoption, en février 2011, d’une loi prévoyant une prime de convention collective pour les membres des syndicats de fonctionnaires et à l’abrogation d’une disposition critiquée concernant le personnel contractuel dans la fonction publique. Il a déclaré que des résultats positifs avaient été constatés dans la prévention de l’usage excessif de la force par les services de sécurité et a observé que, cette année, les célébrations du 1er mai s’étaient déroulées sans incident. La détention de certains dirigeants et affiliés syndicaux au cours de défilés et manifestations publics concernaient principalement des cas individuels liés à des actes de violence, de dégradation de biens ou à l’organisation de défilés dans des lieux non prévus à cet effet. Il a également évoqué d’autres personnes mentionnées devant la commission et a affirmé qu’elles avaient été condamnées pour avoir commis des actes criminels. En ce qui concerne l’audit des syndicats prévu en vertu de la loi sur les associations, il a déclaré que cette disposition n’avait pas été utilisée dans la pratique.

La commission a rappelé qu’elle avait discuté de ce cas à plusieurs reprises. La commission a accueilli favorablement l’entrée en vigueur de l’amendement constitutionnel introduit par la loi no 5892 à la suite du référendum de septembre 2010, qui abroge plusieurs dispositions de la Constitution qui, auparavant, restreignaient les droits syndicaux. Toutefois, la commission a noté avec préoccupation les nouvelles allégations de restrictions imposées à la liberté syndicale et à la liberté de réunion des syndicalistes. A cet égard, elle a de nouveau rappelé que le respect des libertés publiques est une condition préalable indispensable à l’exercice de la liberté syndicale et a prié instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’existence d’un climat exempt de toute forme de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes afin que les travailleurs et les employeurs puissent pleinement et librement exercer leurs droits prévus dans la convention. La commission a prié instamment le gouvernement de réexaminer, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, toute législation susceptible d’avoir été appliquée d’une manière contraire à ce principe fondamental et d’envisager toute modification ou abrogation qui apparaîtrait nécessaire.

La commission a regretté qu’aucun progrès spécifique n’ait été réalisé en ce qui concerne le projet de loi tant attendu sur les syndicats, portant modification des lois nos 2821 et 2822, et qu’aucun calendrier n’ait été communiqué à cet égard. Elle a regretté en outre que plusieurs dispositions non conformes à la convention aient été maintenues: l’exclusion du bénéfice du droit syndical de certaines catégories d’agents de la fonction publique; des travailleurs indépendants; des travailleurs à domicile; des apprentis et des chômeurs; et des restrictions au droit d’élire leurs représentants en toute liberté et d’exercer librement leurs activités. La commission a également noté avec regret l’absence de nouvelles propositions visant à modifier la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique.

La commission a prié instamment le gouvernement, comme elle l’avait déjà fait l’année précédente, d’élaborer un plan d’action comportant des délais clairs et de le soumettre à la commission d’experts afin qu’elle puisse assurer un suivi et de continuer à se prévaloir de l’assistance technique continue du BIT. La commission a prié le gouvernement de discuter avec le BIT avant la fin de la Conférence au sujet de la façon dont cette assistance technique pourrait être rendue la plus efficace possible, en vue de l’adoption rapide des modifications nécessaires aux lois nos 2821, 2822 et 4688. Elle a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées et complètes sur tous les progrès accomplis sur ces questions et de transmettre tous les textes législatifs pertinents à la commission d’experts avant sa prochaine session.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2010, Publication : 99ème session CIT (2010)

Le gouvernement a fourni par écrit les informations qui suivent concernant les changements législatifs les plus récents en rapport avec l’application de la convention no 87 en Turquie.

Le projet de loi portant modification de la Constitution a été adopté par l’Assemblée nationale de Turquie le 7 mai 2010 et publié au Journal officiel le 13 mai 2010 (loi no 5982). Cette loi fera l’objet d’un référendum qui devrait avoir lieu le 12 septembre 2010. Ci-après, certaines modifications de la Constitution de la République de Turquie en rapport avec l’application de la convention:

1. L’article 51, quatrième paragraphe, en vertu duquel «il n’est pas possible d’être affilié à plusieurs syndicats simultanément dans le même secteur» est abrogé.

2. Le titre de l’article 53 est modifié pour se lire comme suit: «A. Droit de conclure des conventions collectives du travail et des conventions collectives» et le troisième paragraphe est abrogé. Les dispositions suivantes sont ajoutées à l’article:

«Les fonctionnaires et les autres employés du secteur public ont le droit de conclure des conventions collectives.

Si un différend survient au cours de la conclusion de conventions collectives, les parties peuvent s’adresser au Bureau d’arbitrage des employés du secteur public. Les décisions du Bureau d’arbitrage des employés du secteur public sont définitives et ont le même caractère contraignant qu’une convention collective.

La loi réglemente la portée du droit de conclure des conventions collectives, leurs exceptions, les bénéficiaires des conventions collectives, la modalité et la procédure de conclusion de conventions collectives et leur entrée en vigueur, l’application des dispositions de conventions collectives aux titulaires d’une pension, la création du Bureau d’arbitrage des employés du secteur public, ses principes et procédures de fonctionnement ainsi que d’autres questions.»

Le droit de conclure des conventions collectives est pleinement reconnu aux fonctionnaires et aux autres employés du secteur public. Si aucune convention n’est conclue au cours du processus de négociation collective, le Bureau d’arbitrage des employés du secteur public prend une décision qui est définitive et considérée comme une convention collective. Suite à ce changement, le Conseil des ministres perd son pouvoir discrétionnaire. De plus, les titulaires d’une pension entrent dans le champ d’application de la convention collective.

3. L’article 53, quatrième paragraphe, en vertu duquel «il n’est pas possible de conclure ou d’appliquer plusieurs conventions collectives du travail sur un même lieu de travail et pour la même durée» est abrogé. 

4. L’article 54, troisième paragraphe, en vertu duquel la responsabilité du syndicat est engagée pour tout dégât matériel causé sur le lieu de travail pendant une grève, et l’article 54, huitième paragraphe, en vertu duquel «les grèves et les lock-out ayant des motifs politiques, les grèves de solidarité et les lock-out, les grèves générales et les lock-out, l’occupation des locaux de travail, les grèves perlées et les autres formes d’obstruction sont interdits» sont abrogés. 

5. Une phrase est ajoutée à l’article 128, deuxième paragraphe, afin que les droits sociaux et les droits financiers entrent dans le champ d’application de la convention collective. L’article se lit désormais comme suit: «La loi réglemente les qualifications des fonctionnaires et des autres employés du secteur public, les procédures régissant leur nomination, leurs pouvoirs et obligations, leurs droits et responsabilités, leur traitement et leurs primes, et d’autres questions relatives à leur statut. Toutefois, il existe une réserve pour les dispositions des conventions collectives qui concernent les droits sociaux et financiers.» Grâce à cette modification, il est indiqué explicitement que les droits sociaux et les droits financiers entrent dans le champ d’application des conventions collectives, et que ces droits peuvent être réglementés par convention collective.

6. Le titre de l’article 166 est modifié pour se lire comme suit: «I. Planification; Conseil économique et social», et le paragraphe qui suit est ajouté à l’article: «Le Conseil économique et social est créé pour donner au gouvernement des avis consultatifs sur la définition de politiques économiques et sociales. La loi réglemente la création et le fonctionnement du Conseil économique et social.» Par cette disposition, le Conseil économique et social en place est devenu une institution prévue par la Constitution et un acteur important en matière de politiques économiques et sociales.

7. L’article 129, troisième paragraphe, est modifié pour se lire comme suit: «Il n’est pas possible d’exclure les décisions d’ordre disciplinaire des questions soumises au contrôle judiciaire» afin de garantir le droit des fonctionnaires et des autres employés du secteur public de soumettre toutes les mesures disciplinaires à un contrôle judiciaire.

8. Le paragraphe suivant est ajouté à l’article 20: «Toute personne a droit à la protection des données personnelles la concernant. Ce droit comprend aussi le droit d’être informé des données personnelles concernant cette personne, le droit d’avoir accès à ces données, le droit de rectification ou de suppression et le droit de savoir si elles sont utilisées conformément à leur objet. Les données personnelles ne peuvent être traitées que dans les cas prévus par la loi ou avec le libre consentement de la personne concernée. La loi réglemente les principes et procédures concernant la protection des données personnelles.»

Comme l’a proposé la Commission de l’application des normes de la Conférence à la 98e session (2009) de la Conférence internationale du Travail, et comme l’a demandé la commission d’experts dans son observation la plus récente concernant la convention no 87, une mission bipartite de haut niveau s’est déroulée en Turquie du 3 au 5 mars 2010. Les membres de la mission ont rencontré des représentants haut placés du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, des représentants de confédérations syndicales, de confédérations de fonctionnaires et de la confédération des organisations d’employeurs, ainsi que le président de la Commission parlementaire pour la santé, la famille, le travail et les affaires sociales. Comme l’a relevé la mission, le gouvernement avait préparé un nouveau projet de loi sur les syndicats qui avait été présenté au BIT pour examen. Ce nouveau projet de loi, actuellement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de Turquie, n’est pas entièrement conforme aux dispositions de la convention, comme l’a indiqué la commission d’experts de façon détaillée dans sa dernière observation. Les consultations avec les partenaires sociaux relatives aux modifications de la législation sur les syndicats vont se poursuivre jusqu’à l’obtention d’un consensus compte tenu de la réforme constitutionnelle adoptée par le parlement et en vue du plein respect des dispositions de la convention.

Le gouvernement estime que, lorsqu’il fera rapport en 2010 sur les autres questions relatives à l’application de la convention, il sera en mesure de signaler l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle au BIT à temps pour que la commission d’experts puisse l’examiner à sa réunion de novembre-décembre 2010.

En outre, devant la commission, un représentant gouvernemental a exprimé sa déception au motif que ce cas est examiné alors qu’il s’agit d’un cas de progrès. Un certain nombre d’amendements constitutionnels importants ont été approuvés le 7 mai 2010. Un référendum sur ces amendements est prévu pour septembre 2010. Les modifications comprennent la suppression de l’interdiction des grèves politiques, des grèves de solidarité, des grèves générales, des lock-out et des grèves perlées. Les dispositions interdisant l’appartenance à plus d’un syndicat ont été abrogées, en plus de l’abrogation de l’interdiction de conclure plus d’une convention collective dans un même lieu de travail. Les amendements reconnaissent le droit des fonctionnaires publics de conclure des conventions collectives. Ils prévoient également la création d’un Bureau d’arbitrage de la fonction publique, qui aura le pouvoir d’établir une convention collective lorsque les parties n’auront pas été en mesure d’y parvenir, et la révocation du pouvoir discrétionnaire du Conseil des ministres à cet égard. La responsabilité des syndicats pour tout dégât matériel causé sur le lieu de travail où la grève a eu lieu a également été supprimée par ces amendements. Enfin, ces derniers octroient un statut constitutionnel au Conseil économique et social.

Conformément aux conclusions adoptées en 2009 par cette commission et à la demande de la commission d’experts, une mission de haut niveau bipartite a visité la Turquie en mars 2010. La mission a pris note de la préparation du projet de loi sur les syndicats. Un projet de loi antérieur sur ce sujet n’était pas en pleine conformité avec les normes de l’OIT. C’est pourquoi un nouveau projet de loi sur les syndicats a été élaboré, à la suite de discussions au sein du Conseil tripartite de consultation. Ce projet de loi prévoit la redéfinition des principaux paramètres du système de relations professionnelles. Il vise à fixer des principes généraux plutôt qu’à réglementer des activités syndicales spécifiques. Les changements importants introduits dans le projet de loi sont: la levée de l’obligation d’obtenir une approbation notariée pour l’adhésion à un syndicat; l’autorisation de créer des syndicats au niveau du lieu de travail ou de la profession et de constituer des fédérations; l’autorisation pour les syndicats de déterminer leurs propres statuts et d’organiser leurs activités; l’abrogation de l’obligation pour les représentants syndicaux d’occuper un emploi effectif; la suppression des restrictions imposées à la création de syndicats dans le secteur de la radiodiffusion et de la télévision; le renforcement de la protection des représentants syndicaux et la simplification de la procédure de création d’un syndicat. Le projet de loi sur les syndicats contient également des dispositions prévoyant que les audits financiers des syndicats doivent être effectués par des auditeurs indépendants et que les syndicats ne seront pas dissous en raison des actes criminels commis par leurs dirigeants. Les peines d’emprisonnement contenues dans la loi sur les syndicats actuelle seront remplacées par des amendes judiciaires. Les consultations avec les partenaires sociaux au sujet de ce projet se poursuivront jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint, sur la base du respect intégral de la convention.

Une célébration pacifique a eu lieu le 1er mai sur la place Taksim à Istanbul, trente ans après l’interdiction de toute manifestation sur cette place. Les forces de sécurité et les syndicats ont collaboré dans le cadre de cet événement. En ce qui concerne les commentaires de la commission d’experts concernant l’usage excessif de la force par des agents de sécurité, plusieurs mesures ont été prises en 2009. Tous les policiers responsables de la sécurité des manifestations publiques ont commencé à recevoir une formation concernant l’usage proportionné de la force. Dans ce cadre, 17 000 policiers recevront cette formation chaque année. La police antiémeute est également équipée de casques munis d’appareils de communication et portant des numéros facilement identifiables. L’orateur a indiqué que la présence de policiers aux réunions syndicales publiques est seulement liée au maintien de l’ordre public. Conformément à la législation en vigueur, les forces de sécurité ne sont pas autorisées à pénétrer dans les locaux syndicaux, sauf si elles ont obtenu une décision judiciaire à cette fin. Au sujet de l’incendie survenu au bureau d’Egitim-Sen en 2007, l’orateur a indiqué que les forces de sécurité et les pompiers sont intervenus à temps et que trois suspects ont été arrêtés. L’un d’entre eux a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Aucun membre du syndicat n’a été blessé dans l’incendie. L’orateur a exprimé l’espoir que ces progrès seraient pris en compte dans les conclusions de la commission.

Les membres employeurs ont apprécié l’esprit d’ouverture et de transparence du gouvernement à l’occasion de la mission bipartite de haut niveau qui s’est rendue dans le pays en mars de cette année. Toutefois, à ce stade, ils ne peuvent encore dire si ce cas constitue un cas de progrès, parce que c’est à la commission d’experts de statuer sur ce point. Le cas est à l’examen depuis fort longtemps; sa dernière discussion remonte à l’année précédente.

Le gouvernement a réagi à la mission bipartite avec une étonnante rapidité, en amendant la Constitution en l’espace de seize jours seulement. L’amendement à la Constitution porte sur des questions relevant à la fois des secteurs public et privé et il devra être analysé par la commission d’experts afin de voir s’il répond à toutes les questions soulevées dans le passé. Il est important que cet amendement constitutionnel s’accompagne d’une réforme législative parce que la mission de l’inspection du travail est régie par la législation et la réglementation nationales, pas par la Constitution. Il faut s’attendre à ce que le nouveau projet de loi soulève plus de difficultés, comme l’ont montré les projets de loi qui ont été discutés et présentés devant cette commission dans le passé. Ces précédents projets contenaient des discordances par rapport à la convention no 87. Le nouveau projet que soumet le gouvernement suit un paradigme différent. Cependant, on peut difficilement dire s’il est conforme ou non au texte de la convention no 87, et c’est pour cela qu’il doit faire l’objet d’une analyse de la commission d’experts.

S’agissant de la nouvelle ligne de conduite pour l’utilisation de la force par la police qui a été évoquée par le représentant gouvernemental, en réponse aux nombreux commentaires formulés par la commission d’experts dans le chapitre sur les libertés civiles, les membres employeurs ont une fois encore souligné, comme ils l’avaient fait l’an dernier, que les libertés civiles constituent un préalable essentiel à la liberté syndicale. L’avenir dira si la solution proposée donnera des résultats. Une formation devra être dispensée aux policiers et un changement de culture s’impose, ce qui demandera inévitablement du temps. Les informations fournies au BIT à ce propos seront précieuses pour évaluer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la convention.

En conclusion, les membres employeurs considèrent qu’il s’agit là d’un cas exemplaire qui montre comment les gouvernements devraient réagir à des missions bipartites chargées de procéder à une meilleure évaluation de la situation nationale et d’exprimer un avis sur l’application de la convention. Après avoir pris les dispositions qui ont été décrites aujourd’hui, le gouvernement doit maintenant soumettre les informations à la commission d’experts. Les membres employeurs espèrent être en mesure de constater des progrès continus et soutenus dans ce cas.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies sur des points soulevés depuis plusieurs années par la commission d’experts et la Commission de la Conférence. L’an passé, la Commission de la Conférence avait demandé qu’une mission de haut niveau ait lieu pour ce cas. Celle-ci a eu lieu en mars 2010. La commission d’experts a noté dans son rapport que des projets de loi sur les syndicats, sur la négociation collective et sur la grève sont en cours de réexamen. Cependant, la situation a-t-elle changé?

Les membres travailleurs ont relevé que la commission d’experts fait elle-même état d’un usage excessif de la force par la police à l’encontre de syndicalistes, de l’ingérence du gouvernement dans l’élaboration des statuts des syndicats du secteur public avec l’interdiction de toute référence à des notions de grève ou de conflit collectif, du refus de reconnaître des syndicats de retraités, ou encore de la présence de la police lors de réunions syndicales. Un climat antisyndical s’est développé émanant tant des autorités que des employeurs pour qui l’affiliation syndicale est un motif de pression et de licenciement.

Dans le secteur de l’éducation, la crise économique amène le gouvernement à précariser l’emploi. Ainsi, à la rentrée, 142 000 enseignants seront engagés sous un contrat précaire de dix mois sans prestations sociales. Ce contexte de contractualisation conduit à une discrimination des enseignants syndiqués dont beaucoup sont contraints de renoncer à leur affiliation pour augmenter leurs chances d’obtenir un contrat de travail, alors que 327 000 enseignants sont au chômage. Le Syndicat des enseignants (Egitim-Sen) fait régulièrement l’objet d’intimidations. Son site Internet a même été fermé pendant plusieurs jours pour avoir critiqué une décision des autorités. En mai 2009, des syndicalistes de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), parmi lesquels 28 enseignants du syndicat Egitim-Sen, ont été arrêtés et emprisonnés, pour plusieurs d’entre eux pendant plus de six mois. Avec le report du verdict, il n’y a toujours pas de décision judiciaire plus d’un an après les arrestations, et les activités des prévenus font l’objet d’une surveillance étroite.

Les membres travailleurs dénoncent une tendance préoccupante de recours au harcèlement judiciaire et à l’invocation de chefs d’accusation d’activités terroristes pour maintenir les syndicalistes en détention et pour les maltraiter.

Certes la commission d’experts a pris note des projets de lois sur les syndicats, sur la négociation collective, la grève et le lock-out, cependant ces textes n’ont toujours pas été adoptés ni appliqués. Les projets contiennent des améliorations, mais certains points n’ont pas été abordés: certaines catégories de travailleurs, tels que les travailleurs indépendants, les travailleurs domestiques, les hauts fonctionnaires, les gardiens de prison, sont exclues du droit d’organisation; les syndicats ne peuvent être que de branches, celles-ci étant déterminées par le ministère du Travail; le droit de grève est strictement encadré. Enfin, la loi de 2004 sur les associations permet toujours au gouvernement de contrôler la comptabilité des organisations de travailleurs et d’employeurs.

Le gouvernement a fourni des informations sur un projet de loi portant amendements à la Constitution, qui sera soumis à référendum. Ce projet supprimerait certaines dispositions contraires à la convention en admettant plusieurs syndicats dans une même branche, en reconnaissant le droit de négociation collective dans le secteur public, en admettant les grèves politiques, générales ou de solidarité, ou encore en supprimant la responsabilité quasi automatique des syndicats lors de grèves. Enfin, le gouvernement semble avoir changé d’attitude concernant la commémoration du 1er mai.

Tout en regrettant que ces informations n’aient pas été fournies à la mission bipartite de haut niveau, les membres travailleurs ont demandé que le gouvernement communique un plan d’action de mise en conformité des lois avec la convention no 87. Enfin, les membres travailleurs ont exigé que la violence à l’égard de syndicalistes et l’ingérence dans les affaires des syndicats cessent immédiatement, sans attendre la mise en conformité de la loi.

Un membre travailleur de la Turquie a exprimé son appréciation en ce qui concerne la mission de haut niveau de l’OIT et la contribution de cette mission aux progrès significatifs enregistrés dans le sens d’une plus grande conformité de la législation nationale à la convention no 87. Etant partisan de la démarche selon laquelle les amendements à la Constitution doivent précéder les réformes législatives, il a observé que le gouvernement a fait adopter par la Grande assemblée nationale une série d’amendements constitutionnels qui répondent entre autres choses à une partie des revendications des syndicats relatives aux droits et libertés individuels. Il a relevé cependant que les amendements tendant à instaurer une distinction claire entre fonctionnaires et agents contractuels, à supprimer dans certains cas l’interdiction de la grève et à permettre à des syndicalistes de continuer d’exercer leurs fonctions syndicales lorsqu’ils sont élus au parlement, n’ont pas été inclus dans cet ensemble.

Le gouvernement a communiqué au BIT juste avant l’arrivée de la mission un nouveau projet de loi sur les syndicats tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822. Le projet n’a été communiqué pour consultation au Conseil consultatif tripartite qu’après avoir été communiqué au BIT. Les syndicats attendent que le gouvernement négocie ce texte avec les partenaires sociaux.

Contrairement aux chiffres officiels, le taux de syndicalisation en Turquie est estimé à moins de 10 pour cent. Les syndicats se heurtent à des problèmes quant à la détermination de leur représentativité aux fins de la négociation collective. Cela a été le cas, par exemple, pour le Syndicat turc des travailleurs du textile, de la maille et de l’habillement (TEKSIF) dans des usines textiles employant des milliers de travailleurs à Denizli et Bursa. Les projets d’amendements prévoient d’abroger la règle imposant d’atteindre 10 pour cent de représentativité au niveau de la branche, tout en maintenant la règle imposant d’atteindre la majorité absolue sur le site de travail considéré, générant ainsi un risque de voir apparaître en Turquie une prolifération de syndicats dominés par l’employeur. La règle imposant la majorité absolue aggrave le risque de voir se produire des licenciements de travailleurs syndiqués pour éviter que les syndicats n’atteignent le seuil de représentativité, et elle est l’un des plus importants obstacles à l’exercice du droit de se syndiquer. Tout projet d’instrument qui ne tiendrait pas compte de ces problèmes serait contraire à la convention no 87 et ne saurait être accepté. En outre, la commission chargée, selon ce qui est prévu à l’article 5 du projet d’instrument, de déterminer les branches d’activité devrait être remplacée par une institution autonome et indépendante qui aurait aussi pour attribution de tenir une comptabilité des nouveaux affiliés. Le nouveau projet aura aussi pour effet d’empêcher les anciens salariés d’adhérer à des organisations syndicales, alors qu’avec la législation actuelle ils en ont le droit. Les amendements projetés aboliront également la règle actuelle prévoyant que les membres fondateurs ou les membres des instances de direction d’un nouveau syndicat doivent être des travailleurs en activité. Une telle disposition pourrait entraîner des problèmes dans la pratique, puisqu’elle ouvrirait la porte à des personnes n’ayant aucun rapport avec un syndicat. De plus, les cotisations syndicales seraient déterminées suivant les principes et la procédure définis par les statuts du syndicat. Or une telle règle pourrait avoir pour effet de restreindre le droit des travailleurs de s’affilier au syndicat de leur choix. Le projet final affecterait également les conditions concernant la suspension des grèves – puisque ces suspensions seraient décidées par une instance judiciaire et non par le Conseil des ministres –, si bien qu’il ne serait plus possible de poursuivre une grève après l’expiration de l’ordonnance de sa suspension. Enfin, les dispositions obligeant les dirigeants syndicaux à renoncer à leurs fonctions syndicales pour pouvoir se présenter à des élections municipales ou des élections générales ont été maintenues.

Un autre membre travailleur de la Turquie a déclaré que le mouvement syndical du secteur public en Turquie a été confronté à des problèmes sérieux qui ont déjà fait l’objet de discussions à plusieurs reprises à la Commission de la Conférence. Même si certains changements théoriques ont eu lieu suite à la mission de haut niveau bipartite, rien n’a changé dans les faits. L’amendement constitutionnel qui est en discussion porte sur 21 questions différentes, dont certaines améliorations en matière de droits syndicaux, telles que la négociation collective, mais pas le droit de grève. Le référendum aura lieu le 12 septembre si les modifications proposées ne sont pas entre-temps rejetées par la Cour constitutionnelle. Cependant, l’adoption d’une réforme législative est plus importante que la modification de la Constitution et un projet de révision de loi no 4688 fait l’objet d’un accord avec les partenaires sociaux depuis 2006. Le nouveau projet de loi modifiant la loi no 4688 portera atteinte à certains droits fondamentaux dont jouissent actuellement les syndicats de travailleurs du secteur public en Turquie. Même si les travailleurs du secteur public jouissent du droit de grève en vertu d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme et d’un décret du Conseil d’Etat de la Turquie, ce droit de grève sera désormais dénié par la modification de la Constitution. Les travailleurs seront en mesure d’adhérer à plus d’un syndicat, ce qui remettra en cause le pouvoir des syndicats les plus importants. Tous ces amendements ont été décidés par le gouvernement sans consensus de la part des partenaires sociaux. Selon de récents articles dans la presse, un projet de loi modifiant la loi no 657 qui limite la sécurité d’emploi des fonctionnaires a été récemment présenté au parlement, à nouveau sans aucune consultation avec les syndicats, à l’exception d’un. Cela montre l’attitude du gouvernement vis-à-vis du dialogue social. Après un an et demi en fonction, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale n’a toujours pas répondu aux demandes des syndicats pour une réunion pour discuter des problèmes que rencontrent les syndicats des travailleurs du secteur public, et les voies de communication du ministère sont ouvertes seulement à l’égard d’une confédération. En conclusion, l’orateur a souligné que les principaux problèmes sont l’absence de dialogue social, la discrimination entre les syndicats et des efforts consentis plus pour faire bonne impression vis-à-vis de l’OIT et l’Union européenne que pour réaliser des progrès substantiels. L’orateur a demandé à la commission d’envoyer une autre mission de haut niveau dans le pays.

Le membre employeur de la Turquie a déclaré que l’amendement à la Constitution turque allait ouvrir la voie à des grèves générales et politiques, permettre le droit de s’affilier à plus d’un syndicat et reconnaître le droit de négociation collective aux fonctionnaires et autres agents publics. Les employeurs turcs sont d’avis que certains de ces amendements auront pour effet de réduire la compétitivité des entreprises turques et auront des effets négatifs sur la paix sociale. En ce qui concerne les projets de lois nouvelles, l’orateur a rappelé que, en avril 2008, le ministre du Travail, les partenaires sociaux et les représentants du gouvernement se sont réunis et mis d’accord sur les projets de loi concernant les syndicats et la négociation collective, les grèves et les lock-out. Cela avait été le résultat d’un consensus et les projets de loi avaient été présentés au parlement en mai 2008. Toutefois, ces projets de loi ont été abandonnés par la suite. Suite à la demande de la Commission de la Conférence, une mission de haut niveau bipartite s’est rendue en Turquie en 2009 et en 2010 et a rencontré des hauts représentants turcs. Suite à ces visites de haut niveau, le gouvernement a préparé un nouveau projet de loi sur les syndicats et l’a soumis au BIT pour examen. L’orateur a exprimé l’espoir que les consultations avec les partenaires sociaux sur les amendements à la législation se poursuivront jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint.

Une observatrice représentant la Confédération syndicale internationale (CSI) a déclaré que, bien qu’il semble à première vue que certains progrès positifs aient été faits en Turquie en matière de liberté syndicale et de droit d’organisation, l’exercice de ces droits dans la pratique pose encore de sérieux problèmes. Etant donné tous les espoirs escomptés compte tenu des amendements de la Constitution, il convient de rappeler que l’article 90 de ladite Constitution prévoit déjà que la législation internationale prévaut sur la législation nationale. Or cette disposition n’a jamais été appliquée. Il est tout aussi important de rappeler que l’intégration dans la législation des amendements de la Constitution risque de prendre très longtemps – entre six et huit ans, comme cela s’est déjà produit par le passé avec les droits les plus élémentaires des fonctionnaires publics. Au-delà de toutes ces faiblesses, plusieurs risques se cachent dans les projets d’amendement de la Constitution. Par exemple, tandis que l’interdiction des grèves de solidarité a été levée, les dispositions autorisant les travailleurs à n’organiser des grèves qu’en cas de conflit collectif sont maintenues dans le texte.

Dans la pratique, des milliers de travailleurs ont été licenciés au seul motif qu’ils sont devenus membres de syndicats affiliés à la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK). Ils n’ont pas été réintégrés, pas plus qu’ils n’ont pu bénéficier des droits collectifs pendant la procédure juridique, qui dure en général deux ou trois ans, voire plus. De nombreux syndicats, tels que ceux qui représentent les jeunes travailleurs et les retraités, ainsi que la Confédération des petits exploitants agricoles, doivent faire face à des procès qui n’ont d’autre but que d’imposer leur fermeture. Les exemples sont très nombreux qui illustrent l’ingérence systématique, la plupart du temps par le biais du harcèlement et de menaces, dans les efforts déployés par la confédération syndicale KESK pour organiser les fonctionnaires publics. Les activités de sensibilisation de la KESK sont interdites dans les institutions publiques et des affiches ont été retirées sur le simple motif qu’elles critiquaient les politiques sociales du gouvernement. Le président de l’Union des employés de bureau de la KESK a été licencié officiellement pour implication dans des activités idéologiques. Tout au long de 2009, de nombreux cadres dirigeants, représentants et membres de la KESK, en particulier ceux qui ont posé des questions sur la discrimination subie par les minorités kurdes, ont été arrêtés et emprisonnés sans avoir été accusés du moindre délit particulier. Toutes les manifestations pacifiques organisées par la KESK et les syndicats qui y sont affiliés ont subi des attaques violentes de la part des forces armées, qui ont utilisé du gaz lacrymogène. En avril 2010, une conférence de presse pacifique organisée en soutien à la grève des travailleurs de Tekel a été violemment interdite par l’intervention de milliers de policiers. De nombreux membres et activistes, dont un membre du comité exécutif de la KESK, ont été blessés dans les affrontements. A la suite d’une grève d’une journée organisée par la KESK le 25 novembre 2009 en soutien aux droits syndicaux des fonctionnaires publics, des centaines de membres ont été sanctionnés, ont subi des réductions de salaire, etc. Seize membres du Syndicat des employés des transports affilié à la KESK ont été licenciés pour avoir participé à cette action.

Malheureusement, on déplore également des occasions manquées, telles que le consensus auquel sont parvenus les partenaires sociaux lors de la réunion de Bursa, organisée en mai 2008 par le ministère du Travail. En raison de contraintes internes au sein même du gouvernement, ce consensus n’a donné lieu concrètement à aucun projet de proposition. Au lieu de cela, après plusieurs modifications importantes que le ministère du Travail a apportées, le texte du consensus a été entièrement modifié. En conclusion, le gouvernement n’a pas pour obligation d’attendre qu’un consensus soit atteint entre les partenaires sociaux, ou d’agir de façon à satisfaire l’une quelconque des organisations. Il doit plutôt faire ce qu’il est censé faire en vertu de ses engagements internationaux.

Le membre travailleur de l’Allemagne a indiqué que le mouvement syndical allemand est préoccupé par les violations persistantes des droits syndicaux en Turquie, cela d’autant plus que ce sont des entreprises allemandes actives dans le pays ou leurs fournisseurs qui contribuent à ces violations et en tirent un profit.

La commission d’experts ne cesse de relever que le gouvernement est opposé à la création de syndicats. La loi no 2821 contraint les syndicats à obtenir une certification par acte notarié lors de la constitution et de la dissolution. Le tarif d’adhésion à un syndicat est fixé à l’équivalent de 18 euros. Pour les six millions de travailleurs dont le salaire minimum est de l’équivalent de 300 euros mensuel, cette cotisation est impossible à payer. Ce sont les syndicats eux-mêmes qui doivent payer les cotisations et ainsi le nombre de membres d’un syndicat dépend de la capacité financière de l’organisation. Le projet de loi prévoit bien la suppression de cette condition préalable mais il a été présenté en mai 2008 et n’est toujours pas entré en vigueur. Le gouvernement devrait cesser de ralentir l’adoption de cette loi.

La commission d’experts a aussi relevé une violation de l’article 2 de la convention no 87 dans la mesure où, selon la loi no 2822, un syndicat ne peut être reconnu comme agent négociateur que lorsqu’il compte plus de 50 pour cent des salariés d’une entreprise et que la représentativité de l’organisation dans le secteur dépasse 10 pour cent. Cela prive 49,99 pour cent des salariés du droit d’organisation syndicale. Certains syndicats, à cause de recours en justice de l’employeur qui ont un effet suspensif sur les négociations, peuvent se voir priver de négocier pendant plusieurs années. A titre d’exemple, le syndicat Birlesik-Metal, qui opère dans le secteur automobile, et qui dépasse largement le taux de 50 pour cent des salariés, s’est retrouvé privé du droit à la négociation collective pendant 820 jours. Une autre entreprise a été scindée en deux pour éviter que le syndicat puisse dépasser le taux de représentativité de 50 pour cent. Ces situations montrent à quel point la situation juridique invite les employeurs à violer les droits syndicaux. De plus, des travailleurs font l’objet d’intimidations pour quitter les syndicats.

Le mouvement syndical allemand a appelé le gouvernement à apporter rapidement les modifications juridiques nécessaires pour se conformer à la convention no 87 et demandé aux membres de l’Union européenne de tenir compte du respect des droits syndicaux lors des négociations sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

La membre travailleuse du Japon a déclaré que des mesures doivent être prises promptement pour amender la loi no 4688 et la Constitution afin de remédier à une série de problèmes relatifs au droit syndical des fonctionnaires. Il s’agit notamment de la privation du droit syndical pour un certain nombre de fonctionnaires; de la dissolution des organes directeurs d’un syndicat en cas de non-respect de critères énoncés dans la loi; de la destitution d’un dirigeant syndical de ses fonctions pour cause de changement de branche d’activité, de licenciement, ou simplement pour avoir quitté son travail; de l’interdiction de la grève dans de nombreux services ne pouvant être considérés comme essentiels au sens strict du terme; ainsi que de lourdes sanctions, telles que des peines de prison, imposées aux travailleurs qui participent à des grèves illégales.

Le plus déconcertant est la tendance croissante à la persécution judiciaire des syndicalistes du secteur public. Seher Tumer, du Syndicat des fonctionnaires des services sociaux et de santé (SES), a été arrêtée l’an dernier et condamnée à plus de sept ans de prison, simplement au motif d’activités exercées de façon licite dans le mouvement syndical et le mouvement féministe. Meryem Ozogut, elle aussi du SES, ainsi que Metin Findik, Ferit Epozdemir et Bestas Epozdemir, tous trois membres du Syndicat des agents municipaux (Tum Bel Sen), ont eux aussi été arrêtés récemment pour des motifs similaires. En outre, beaucoup de travailleurs municipaux ont été forcés de démissionner de leur syndicat ou licenciés. Il est extrêmement regrettable qu’aucun progrès n’ait été fait en pratique, et la situation est très grave et critique.

S’agissant des mesures législatives, l’amendement à la Constitution ne semble pas conforme à la convention pour ce qui est du droit de grève et il a été adopté par le parlement sans consultation préalable des partenaires sociaux. Bien qu’une réforme constitutionnelle s’impose pour garantir intégralement le droit syndical, et notamment le droit de grève, il faut de toute urgence amender la loi no 4688. Les travailleurs ont suffisamment attendu et plus aucun retard ne peut être toléré. L’oratrice a prié le gouvernement de prendre par tous les moyens des mesures actives afin d’assurer un dialogue suffisant et sérieux en vue de s’attaquer efficacement à toutes les questions relevant de la convention no 87, en droit comme dans la pratique, notamment en garantissant le droit d’organisation et le droit de grève aux fonctionnaires qui n’exercent pas d’autorité au nom de l’Etat.

Le représentant gouvernemental a indiqué qu’il souhaitait répondre à certains commentaires faits pendant la discussion. S’agissant des allégations de licenciements pour des raisons de discrimination antisyndicale, la Constitution et la législation du travail comprennent des dispositions garantissant une protection contre la discrimination antisyndicale. Les actes de discrimination antisyndicale commis par des employeurs sont considérés comme une infraction qui peut être punie d’une peine d’emprisonnement allant de un à trois ans en vertu du Code pénal, et qui peut donner lieu à une indemnisation équivalente à au moins une année de salaire ainsi qu’à une réintégration. Pendant la crise économique, les licenciements et les actes de discrimination antisyndicale peuvent augmenter, et ce dans n’importe quel pays. Dans ce cas, les syndicats et les travailleurs disposent de moyens judiciaires pour contester ces actes, et se voient conseiller d’avoir recours aux moyens disponibles.

S’agissant du recours excessif à la force de la part des forces de sécurité, le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour prévenir les incidents de ce type, qui se produisent essentiellement pour deux raisons. La première est liée à l’infiltration d’organisations illégales lors de défilés et de manifestations organisés par les syndicats, l’autre au fait que les syndicats tiennent à organiser ces réunions dans des rues ou sur des places qui ne s’y prêtent pas. Dans les deux cas, les syndicats et les travailleurs disposent de tous les moyens légaux pour contester les actes des forces de sécurité.

Le représentant gouvernemental a déclaré que la Turquie est un pays confronté à des activités et des attaques séparatistes et terroristes. Au cours des trente dernières années, les activités terroristes ont coûté la vie à plus de 30 000 personnes en Turquie. L’arrestation de syndicalistes soupçonnés d’avoir des liens avec une organisation illégale ne devrait pas faire l’objet de critiques, car cela est tout à fait légal dans tous les pays du monde. Les syndicalistes ne doivent pas être considérés comme constituant une exception à cette règle. Les responsables de la KESK mentionnés au cours de la discussion ont été arrêtés en mai 2009 dans le cadre d’une opération visant des organisations terroristes en vertu de la loi de lutte contre le terrorisme. Le tribunal a ordonné la libération des personnes détenues et une décision doit être rendue. Mme Ozogut et 13 associés ont été accusés d’appartenir à une organisation terroriste et de faire de la propagande pour cette organisation. Cela est sans rapport avec des activités syndicales.

Quant aux consultations avec les syndicats de salariés du public, deux ateliers sur les droits syndicaux des salariés du public ont été organisés en février et mars avec la participation de représentants de syndicats, de ministères et d’organisations publiques compétents et d’universitaires. Ces deux ateliers ont offert une enceinte pour examiner les modifications qui peuvent être apportées à la législation relative aux syndicats de salariés du public. De plus, un Conseil de consultation des fonctionnaires présidé par le ministre d’Etat a été créé avec la participation des trois organisations syndicales de salariés du secteur public les plus représentatives pour mettre au point une gestion participative et assurer une meilleure communication entre les décideurs et les syndicats. En conséquence, la consultation des syndicats de salariés du public a relevé pour l’essentiel du ministère d’Etat chargé des questions intéressant les fonctionnaires. De plus, les mesures convenues au cours des négociations collectives entre le Conseil des employeurs publics et les syndicats de salariés du public sont appliquées au moyen de circulaires des services du Premier ministre, comme les circulaires de juillet 2009 et de janvier 2010, ainsi qu’au moyen de lois si cela est nécessaire.

S’agissant de la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public, la modification de la Constitution va offrir un nouveau cadre à la négociation collective dans le secteur public et des modifications législatives feront suite à l’adoption de la Constitution. Le critère de représentativité de 10 pour cent sera supprimé lorsque le projet de loi sur les syndicats sera adopté. Enfin, la commission doit être assurée que les critiques concernant certains aspects de la législation seront prises en considération dans le projet de loi le plus récent. Les consultations vont se poursuivre et des améliorations restent possibles.

Les membres employeurs ont estimé que le gouvernement doit être félicité pour son action dans le cadre de la modification de la Constitution, les mesures pour régler la question de l’usage excessif de la force par la police et les dispositions législatives sur les droits syndicaux. Toutefois, les dispositions constitutionnelles et les réformes législatives proposées ne sont pas encore en vigueur. Les dispositions constitutionnelles entreront en vigueur au plus tôt en septembre 2010 selon les résultats du référendum. Les membres employeurs s’interrogent sur le moment où les modifications législatives aux lois nos 2821, 2822 et 4688 seront adoptées. Les propositions précédentes n’ont pas été adoptées. Elles posaient des problèmes en relation avec la convention. A sa décharge, le gouvernement a reconnu ce fait et a cherché à y remédier. Les membres employeurs espèrent que le gouvernement agira avec la même promptitude dans l’adoption tant des modifications législatives que des dispositions constitutionnelles. Entre-temps, le gouvernement devrait présenter à la commission d’experts un rapport sur les modifications de la Constitution et les dispositions législatives.

Les membres travailleurs ont déclaré que, de leur avis, la situation syndicale en Turquie est plus préoccupante que jamais. Le gouvernement doit immédiatement prendre des mesures pour cesser les agressions à l’encontre de syndicalistes et les ingérences dans les affaires des syndicats, et d’utiliser les lois contre le terrorisme à des fins antisyndicales. A cette fin, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement d’accepter l’assistance du BIT dans le processus de réforme de la loi sur les syndicats en vue de la rendre pleinement conforme avec la convention no 87. Rappelant qu’une telle requête a déjà été formulée l’année passée par la commission, les membres travailleurs ont insisté pour que cette assistance soit permanente et que le gouvernement présente un plan d’action, assorti d’un calendrier précis de révision de la législation sur les syndicats en consultation avec les partenaires sociaux. Enfin, le gouvernement est prié de faire rapport à la commission d’experts avant la fin de l’année sur les progrès réalisés.

Conclusions

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le représentant gouvernemental, ainsi que de la discussion qui a suivi. Elle a également noté qu’une mission bipartite de haut niveau de l’OIT s’était rendue dans le pays du 3 au 5 mars 2010, suite à la demande faite par cette commission en juin 2009.

La commission a relevé que les commentaires de la commission d’experts portent depuis plusieurs années sur les divergences existant entre la législation et la pratique, d’une part, et la convention, d’autre part, en ce qui concerne les droits des travailleurs du secteur public et du secteur privé, sans distinction d’aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations, ainsi que le droit des organisations de travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités sans intervention des autorités.

Elle a accueilli favorablement la déclaration du gouvernement selon laquelle le projet de loi modifiant la Constitution a été adopté le 7 mai 2010. Sous réserve d’un référendum qui aura lieu en septembre 2010, cette loi abrogera ou modifiera diverses dispositions qui restreignent le droit syndical. En particulier, les dispositions interdisant l’affiliation à plus d’un syndicat, de même que l’existence de plus d’une convention collective sur le même lieu de travail et pour une même période, seront abrogées; le droit des fonctionnaires à la négociation collective sera reconnu; une disposition interdisant les grèves politiques et de solidarité sera abrogée; les droits économiques et sociaux relèveront du champ d’application des conventions collectives; le droit des agents de la fonction publique d’introduire un appel devant une instance judiciaire lorsque des mesures disciplinaires sont prises à leur encontre sera assuré; et la protection des données personnelles sera garantie. En outre, le représentant gouvernemental s’est référé à la célébration du 1er mai en 2010, qui s’est déroulée dans un climat tout à fait pacifique. Le gouvernement a pris des mesures pour prévenir le recours excessif à la force par les forces de police et a lancé un programme de formation dans ce domaine.

Tout en prenant dûment note des informations communiquées par le gouvernement au sujet des mesures prises pour éviter les violences policières et les interventions indues de la police, la commission a noté encore une fois avec regret les allégations faisant état de restrictions importantes à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des syndicalistes, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

La commission a rappelé une nouvelle fois l’importance qu’elle accorde au respect des libertés civiles fondamentales et a prié instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un climat exempt de violences, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit, de manière à permettre aux travailleurs et aux employeurs d’exercer pleinement et librement leurs droits en vertu de la convention. La commission a prié instamment le gouvernement de réexaminer, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, toute législation qui pourrait avoir été appliquée dans la pratique d’une manière contraire à ce principe fondamental, et d’envisager d’y apporter toute modification nécessaire ou de l’abroger.

La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il a préparé un nouveau projet de loi sur les syndicats et que les consultations avec les partenaires sociaux se poursuivront dans le cadre de la réforme constitutionnelle, sur la base d’un calendrier précis. A cet égard, la commission a prié instamment le gouvernement, comme elle l’avait fait l’année précédente, d’élaborer un plan d’action assorti de délais précis, et de le soumettre à la commission d’experts afin d’en assurer le suivi, et de faire appel de manière continue à l’assistance du BIT afin d’assurer l’adoption rapide des amendements requis aux lois nos 2821, 2822 et 4688. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées et complètes sur tout progrès accompli sur ces points, ainsi que sur les résultats de la réforme constitutionnelle, et de communiquer tout texte législatif pertinent dans le rapport qu’il devra soumettre pour examen à la commission d’experts cette année.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2009, Publication : 98ème session CIT (2009)

Un représentant gouvernemental a rappelé que, comme cela avait été proposé par la Commission de la Conférence en 2007, une mission de haut niveau de l’OIT s’est rendue en Turquie en avril 2008. Les membres de la mission ont rencontré des représentants de haut niveau du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, les confédérations syndicales des secteurs privés et publics ainsi que les confédérations d’organisations d’employeurs. La visite avait été l’occasion d’observer les efforts sincères et bien intentionnés du gouvernement pour coopérer avec les partenaires sociaux et pour obtenir une représentation fidèle à la réalité des caractéristiques uniques du système de relations sociales du pays tant en droit que dans la pratique.

Le gouvernement s’est attelé à la tâche consistant à préparer la révision des lois nos 2821 et 2822 en coopération étroite avec les partenaires sociaux aussi bien avant qu’après la mission de haut niveau de l’OIT. Le Conseil tripartite de consultation et son groupe de travail ont travaillé intensivement et le processus de coopération et de consultation avec les partenaires sociaux s’est poursuivi avec les discussions sur les amendements envisagés devant la Commission parlementaire et sa sous-commission. Une approche similaire a été suivie en ce qui concerne les amendements projetés à la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public. Le projet de loi portant révision des loisnos 2821 et 2822 est actuellement au programme de la session plénière de la Grande Assemblée nationale. Le texte du projet de loi a été communiqué au BIT et des informations supplémentaires seront communiquées après sa promulgation. Cependant, la suspension estivale, les élections locales ainsi qu’un remaniement ministériel ont retardé la promulgation du projet de loi. Le projet de loi ne comporte pas d’amendement aux dispositions concernant les grèves politiques, générales et de solidarité, ceci nécessitant une révision constitutionnelle. Bien qu’une révision constitutionnelle ne soit pas facile à réaliser et requière le consensus des différentes parties prenantes de la société, le gouvernement projette de réviser la Constitution.

Une évolution positive doit également être mentionnée car elle est conforme au point de vue exprimé par la commission d’experts selon lequel les syndicats doivent pouvoir agir sur des questions économiques et sociales affectant les intérêts de leurs membres. Dans un arrêt publié en avril 2009, la cour constitutionnelle a décidé à l’unanimité que l’article 73, alinéa 3 de la loi no 2822 était contraire à la Constitution et l’a par conséquent abrogé. Suite à cette décision, rendue dans une affaire relative à une suspension de travail par des employés qui protestaient contre un projet de loi sur les pensions, la participation à une suspension de travail destinée à influencer les mesures prises ou envisagées par les autorités en ce qui concerne le travail et les conditions de travail n’était plus considérée comme illégale.

L’orateur a, en outre, fourni des informations supplémentaires sur les mesures prises ou envisagées pour limiter l’intervention de la police lors de réunions et de manifestations et pour prévenir l’usage excessif de la force dans le contrôle des manifestations, rassemblements et marches des syndicats. De la même façon que pour toutes les autres personnes physiques et juridiques, les syndicats doivent respecter la législation en vigueur, et en particulier la loi no 2911 sur les marches et manifestations. Les activités des syndicats contraires à la loi ne peuvent pas s’affranchir de l’intervention de la police, mais des moyens de recours sont ouverts aux syndicats et à leurs membres pour contester l’action de la police. Le gouvernement est déterminé à prendre toutes les mesures disciplinaires et judiciaires nécessaires contre les membres des forces de sécurité ayant fait un usage disproportionné et excessif de la force pour contrôler des manifestations, des rassemblements et des marches. A cette fin, les mesures suivantes sont envisagées: l’acquisition de matériel de communication qui serait placé à l’intérieur des casques des policiers; l’inscription de numéros facilement identifiables sur leur casque; et de nouvelles dispositions

législatives concernant les actions, les méthodes et les principes encadrant l’action des autorités de police affectées au contrôle des manifestations et marches. Il a ajouté que plusieurs circulaires ont été émises depuis 1997 par le bureau du Premier ministre donnant pour instruction aux autorités publiques de faciliter les activités légales des syndicats. Ces circulaires illustrent clairement l’attitude positive des autorités publiques vis-à-vis des activités légales des syndicats. Cette approche positive est également reflétée dans le fait que le 1er mai a été reconnu comme le jour de la fête du travail et de la solidarité en 2008 et comme un jour férié officiel en 2009.

Toutefois, en ce qui concerne l’usage excessif de la force par la police, il a souligné que des membres d’organisations illégales infiltrent parfois les manifestations et marches des syndicats et attaquent les forces de sécurité à l’aide de pierres et de gourdins, blessant des passants et des policiers, et causant des dommages aux biens publics et privés. Quoi qu’il en soit, ces infiltrations ne doivent pas être une excuse pour permettre un usage disproportionné de la force, et les policiers qui se rendent coupables de telles actions sont assurés d’être sanctionnés disciplinairement et poursuivis pénalement s’ils outrepassent leur autorité. Il a réaffirmé que le fait que la police assiste aux manifestations et marches des syndicats a pour unique but de maintenir l’ordre public. De plus, aux termes de l’article 20 de la loi sur les associations, les forces de sécurité ne sont pas autorisées à pénétrer dans les locaux des syndicats ou de toutes autres organisations à moins d’être en possession soit d’une décision de justice visant à maintenir l’ordre public et à prévenir des actes criminels, soit d’instructions écrites provenant du bureau du gouverneur local dans les cas où des délais excessifs risqueraient de porter atteinte à l’ordre public.

Concernant la loi no 4688 sur les syndicats d’employés du secteur public, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a élaboré un projet de loi en consultation avec les partenaires sociaux, qui a été communiqué au BIT en février 2009. Le projet de loi a abrogé les restrictions concernant le droit des employés du service public en période probatoire, des gardiens de sécurité privés employés dans le secteur public, des gardiens de prison et des fonctionnaires de rang supérieur dans les établissements employant plus de cent personnes de constituer et de s’affilier à des organisations. Le projet de loi a aussi abrogé l’obligation de justifier de deux années d’ancienneté pour pouvoir fonder un syndicat et que la négociation collective ne sera désormais plus confinée aux droits économiques mais qu’elle couvrira aussi les droits sociaux, ce qui permettrait de mieux refléter la situation réelle. Le projet de loi ne traite pas du droit de grève, qui nécessitera des amendements à la Constitution ainsi qu’une restructuration du système régissant les employés de l’Etat.

En ce qui concerne le droit des membres d’un syndicat affecté par la modification d’une branche d’être représentés par l’organisation de leur choix, et qui concerne principalement le cas de Yapi Yol-Sen, il convient d’observer que les fonctionnaires ont le droit de constituer et se s’affilier aux syndicats de leur choix, dans la branche d’activité de l’établissement où ils travaillent. La fermeture d’une unité administrative dans le contexte d’une restructuration et le transfert de ses employés, n’affectant pas leur statut de fonctionnaire, ne doivent pas être considérés comme une ingérence du gouvernement dans les activités syndicales. Cela démontre plutôt l’importance qu’attache le gouvernement à la sécurité dans l’emploi des fonctionnaires. Il n’est pas cohérent pour un syndicat, en vertu du système actuel fondé sur la syndicalisation par branche, de recruter des employés travaillant dans une autre branche d’activité. L’acceptation de cette pratique aurait pour effet de bloquer le système existant en ce qui concerne la détermination du syndicat autorisé à représenter un groupe d’employés. Il en va de même pour les délégués syndicaux dont la branche d’activité a changé. Le principe qui sous-tend l’exercice de la liberté d’association par les fonctionnaires est qu’ils ont droit de constituer et de s’affilier à des syndicats de leur choix dans la branche d’activité de l’établissement public où ils travaillent.

Concernant la suspension des fonctions d’un dirigeant syndical, candidat à des élections locales ou générales, et la détermination du statut d’un dirigeant syndical ayant été élu, il convient de préciser que les membres de la Grande Assemblée nationale ne peuvent, en vertu de l’article 82 de la Constitution, siéger dans les comités exécutifs de syndicats ou de confédérations syndicales et que leurs fonctions de délégués ne sont pas compatibles avec le fait d’être membres du parlement. Le cas de dirigeants syndicaux candidats à des élections locales ou générales est régi par l’article 18 de la loi no 4688. L’article 10 de la loi prévoit que les dirigeants syndicaux qui ne convoquent pas une assemblée générale conformément aux statuts de leur organisation ou qui ne respectent pas le quorum ne peuvent être démis de leur fonction que par ordonnance de la cour.

En cas de divergence entre les statuts du syndicat et les dispositions de la Constitution ou d’autres lois, le syndicat doit amender ses statuts à défaut de quoi le cas devra être déféré devant les tribunaux. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a toutefois pas eu recours à l’action judiciaire afin d’exiger des amendements aux statuts des syndicats.

Concernant les commentaires de la commission d’experts sur l’article 35 de la loi sur les associations de 2004, il y a lieu d’observer que ce dernier s’applique aux syndicats et aux autres associations, dans les limites prévues aux articles 19 et 26 de la loi, dès lors qu’aucune disposition particulière d’une loi spéciale ne concerne ces organisations. La loi no 2821 régit spécifiquement le statut des organisations de travailleurs. L’article 26 impose l’obtention d’une autorisation délivrée par les autorités provinciales et de district afin de pouvoir ouvrir et opérer des centres d’hébergement en lien avec des activités d’éducation et d’enseignement. L’article 95 des règlements relatifs aux associations prévoit que l’ouverture et l’opération de centres d’hébergement pour les élèves du secondaire sont assujetties à la réglementation émise par le Conseil des ministres en décembre 2004, à moins qu’elles ne soient intervenues en contravention à la loi sur les associations. Il est difficile de comprendre comment la règlementation des centres d’hébergement pour étudiants du secondaire et du niveau supérieur peut être considérée comme une ingérence dans les activités des syndicats. Il s’agit d’une question purement technique, sans aucun rapport avec la liberté d’association, qui a pour but d’assurer les conditions nécessaires à la fourniture de ce type de service.

Enfin, des progrès majeurs s’apparentant à une réforme ont été accomplis grâce au projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821, 2822 et 4688. L’orateur a remercié les partenaires sociaux pour leur participation enthousiaste dans le processus de formulation de ces amendements et déclaré que le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour adopter les amendements dès que possible.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour l’information fournie et ont indiqué que ce cas soulève un dilemme. Un certain nombre d’informations a été fourni sur les aspects fondamentaux des libertés civiles et la violence ainsi que sur les mesures prises pour amender les lois nos 2821 et 2822. Cependant, la commission n’est pas en mesure d’évaluer ces informations. Bien qu’il semble que des démarches aient été effectuées dans la bonne direction en ce qui concerne les libertés civiles et la violence, il n’est actuellement pas possible d’en être certain. On aurait pu espérer que les amendements proposés aient déjà été adoptés. Les organisations d’employeurs et de travailleurs ont assumé leurs responsabilités avec diligence et les projets de loi ont été soumis à la Grande Assemblée nationale. Le gouvernement doit donc faire en sorte que ces derniers soient adoptés.

Ce cas est discuté par la commission depuis plusieurs années. Il a été examiné dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix sous la convention no 98 et, depuis la ratification de la convention no 87 en 1993, le cas a été discuté par la commission en 1997, 2005 et 2007. A plusieurs occasions, la commission d’experts a noté avec intérêt, et même avec satisfaction, les mesures prises par le gouvernement. Lors de sa dernière session, la commission d’experts a aussi noté avec intérêt et satisfaction les actions menées par la Turquie sur d’autres conventions. Une mission de haut niveau a visité le pays en 2008, toutefois les progrès semblent avoir diminué depuis. Le changement de gouvernement suscite de l’espoir. Des mesures semblent être prises mais il est difficile d’évaluer précisément ce qui est fait. Bien que le gouvernement se soit engagé à adopter le plus rapidement possible les amendements susmentionnés, il est nécessaire de s’assurer qu’il existe une réelle volonté d’agir. Afin de permettre une meilleure évaluation de la situation, le gouvernement devrait être prié de fournir un rapport détaillé en réponse aux questions soulevées par la commission d’experts. Le nombre de questions relatives au secteur public démontrent que des réformes concernant les employés de ce secteur sont nécessaires. Enfin, il n’est pas clair que le gouvernement soit dans la bonne direction, mais le rythme des réformes a certainement ralenti.

Les membres travailleurs ont indiqué que, depuis 1993, date de la ratification des conventions nos 87, 135 et 151, tout était réuni pour le bon déroulement d’un dialogue social, sauf l’acceptation par le gouvernement du fait que le dialogue social peut effectivement aboutir à ce que les organisations syndicales contestent l’action d’un gouvernement, quel qu’il soit, notamment dans les domaines de la politique économique et sociale et des droits civils. Le dialogue du gouvernement en matière de liberté syndicale avec la commission d’experts ou avec la Commission de la Conférence ressemble à un dialogue de sourds mettant en cause la crédibilité de l’OIT. La commission d’experts a adressé une douzaine d’observations individuelles au gouvernement restées sans réponse. De façon générale, le gouvernement fait peu de cas des demandes qui lui sont présentées, qu’elles émanent de la commission d’experts, de la CSI ou des syndicats nationaux. L’application de la convention a déjà été examinée par la commission en 2005 et 2007, mais pas en 2008, en raison de l’organisation d’une mission de haut niveau du BIT quelques semaines avant la Conférence. La modification des lois nos 2821 et 2822, en consultation avec les partenaires sociaux, est au cœur des demandes du Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts mais le gouvernement présente les mêmes arguments et promesses à l’occasion de chaque plainte. Les recommandations des instances de contrôle de l’application des normes en vue de l’application de la convention sont pourtant claires. Le rapport de la mission de haut niveau précitée fait état d’un certain nombre de déclarations du Sous-Secrétaire d’Etat au Travail et à la Sécurité sociale, selon lesquelles, il existe un consensus pour amender les lois nos 2821 et 2822, sous réserve de la résolution de quelques questions mineures. D’autre part, la révision des dispositions de la loi no 2822, relatives aux grèves générales et de solidarité, aux occupations et aux grèves perlées, ne pourra intervenir qu’après la révision de la Constitution, rendue nécessaire dans l’optique de l’adhésion à l’Union européenne. Enfin, la loi no 4688 traitant la question du droit des travailleurs du secteur public de négocier collectivement est actuellement révisée dans le cadre d’un projet-cadre de réforme du statut de l’ensemble du personnel.

Un autre problème qui se pose est celui des pratiques antisyndicales, déjà évoquées devant cette commission en 2005 et 2007. Malgré des circulaires du Premier ministre enjoignant à l’administration de se conformer aux dispositions pertinentes de la législation et de ne pas faire obstacle aux activités syndicales, le fait de participer à une manifestation et de publier certaines informations est toujours puni d’emprisonnement. Ces libertés sont entravées par des enquêtes judiciaires ou des poursuites dirigées contre des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux. Les terribles incidents qui se sont déroulés, année après année, lors des fêtes du 1er mai à Istanbul en sont une illustration. Le fait que le gouvernement ait enfin reconnu le 1er mai comme un jour férié ne signifie pas qu’il respecte le droit de manifester. Le gouvernement objecte que les syndicats ne sont pas au-dessus des lois, qu’ils exercent des activités illicites au mépris des lois et qu’il leur est possible de saisir la justice en cas de litige. Les syndicats doivent certes respecter la loi, mais, quand celle-ci a pour effet de les priver de la liberté syndicale, le problème devient insoluble. Les arrestations de syndicalistes se multiplient sous le prétexte de constituer des activités terroristes ou de propagande pour des organisations terroristes. Education International a écrit au Premier ministre pour protester contre l’arrestation de plus de 30 membres du syndicat Egitim Sen le 28 mai 2009 dont 14 sont encore en prison. La semaine dernière encore, la police et les forces de sécurité ont usé de violences extrêmes à l’encontre de professeurs qui manifestaient pour obtenir la garantie du droit à la libre négociation collective. Egitim Sen avait entamé une marche vers Ankara pour porter cette demande. Le 3 juin, le centre ville d’Ankara a été encerclé par les forces de sécurité et s’est transformé en champ de bataille. Des syndicalistes ont été blessés. Des membres d’organisations syndicales du secteur public sont licenciés ou mutés sous des prétextes totalement fallacieux. Les syndicats n’ont pas le droit d’inscrire dans leurs statuts les objectifs pacifiques qu’ils jugent nécessaires à la défense des droits et des intérêts de leurs membres. Ils n’ont pas le droit d’exprimer des opinions, notamment par voie de presse, alors même que le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations et des opinions dans le respect des principes de la non-violence. En ce qui concerne la modification de la législation, le rapport de la commission d’experts met une nouvelle fois en évidence les prétextes avancés par le gouvernement pour ne pas avancer. La révision de la Constitution, rendue nécessaire pour régler notamment la question des grèves de solidarité, n’a pas été entreprise. La révision des articles 5, 6, 10, 15 et 35 de la loi no 4688 relative au statut syndical des travailleurs salariés du secteur public, en vue de leur mise en conformité avec la convention en permettant à tous les travailleurs sans distinction de jouir du droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, n’est toujours pas intervenue malgré les demandes répétées des experts et malgré les discussions qui ont eu lieu lors de la mission de haut niveau. Le gouvernement invoquera probablement la responsabilité des organisations syndicales dans l’échec des réformes. Mais si les organisations syndicales ont rejeté le projet de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822, elles ont publié une déclaration motivant ce rejet comme le refus d’accepter qu’un syndicat puisse être dissout pour défaut de documents informatifs, le manque de garanties sur le droit effectif de négociation collective et le maintien d’une série d’interdictions du droit de grève. Compte tenu du contexte accablant, des considérations juridiques soulevées par tous les organes de contrôle et compte tenu du sujet évoqué, il est évident qu’une révision de la législation, aux fins d’une mise en conformité avec la convention et en vue de mettre en place un système de relations sociales dignes de l’acquis social européen, doit s’opérer avec les partenaires sociaux. Une telle concertation suppose que les organisations représentatives de travailleurs ne soient pas simplement mises en présence d’un texte non négociable. Les membres travailleurs ont conclu en soulignant qu’ils demanderaient l’adoption de conclusions fermes à l’encontre du gouvernement.

Un membre travailleur de la Turquie a indiqué que le projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822, qui a été soumis au parlement, contient des dispositions supprimant certaines des libertés et droits syndicaux qui subsistent toujours actuellement. Bien que le représentant gouvernemental ait remercié les partenaires sociaux pour leur soutien, il y a lieu d’indiquer que le projet de loi a été soumis au parlement sans leur soutien et qu’il n’a pas résolu les problèmes soulevés par la commission d’experts et en a, en réalité, créé de nouveaux. L’adoption du projet de loi aurait pour effet de maintenir des conditions très restrictives à la création de syndicats, notamment l’exigence d’obtenir l’affiliation de 50 pour cent plus un des employés d’un établissement a pour effet que, dans la plupart des cas, ils ne peuvent se constituer. De plus, la négociation collective est interdite dans de nombreux cas. La législation n’est pas conforme aux conventions de l’OIT, notamment en ce qu’elle détermine les branches en vue de la négociation collective dans le secteur public alors que cette détermination devrait être effectuée par un organisme représentatif. Un processus de médiation établi par la loi et pouvant être initié par les parties serait également nécessaire. Les syndicalistes devraient être protégés contre les licenciements liés aux activités syndicales au moyen de l’établissement du droit d’être réintégrés dans leurs fonctions. Le gouvernement a toutefoisrefusé de discuter une loi véritablement nouvelle établissant les droits garantis par les conventions nos 87 et 98.

Le membre employeur de la Turquie a indiqué qu’il était impossible d’être en désaccord avec le rapport de la commission d’experts sur les critères régissant l’exercice des libertés civiles. Alors qu’une intervention limitée de la police serait acceptable uniquement en cas de menace réelle pour l’ordre public, l’usage disproportionné de la force est à proscrire. L’adoption de la loi en avril, autorisant que le 1er mai soit célébré comme «Journée du travail et de la solidarité», devrait être vue comme un pas dans la bonne direction. Il faut rappeler qu’avant 1980, lorsque le régime militaire a adopté une loi prohibant la célébration du 1er mai, il s’agissait d’un jour férié. Il s’agit néanmoins d’une avancée importante dans la démocratisation du pays. Grâce à cette mesure, les dirigeants syndicaux ont pu occuper la place Taksim à Istanbul le 1er mai 2009 et la police n’a pas fait usage de la force.

Concernant les amendements aux lois nos 2821 et 2822, la Confédération des associations d’employeurs (TISK) a assumé avec diligence les responsabilités qui sont les siennes en ce qui concerne les projets de loi et ces derniers ont été présentés à la Grande Assemblée nationale l’an dernier. Le gouvernement devrait être encouragé à adopter lesdits projets, qui ont été élaborés afin de rendre la législation conforme à la convention. A plusieurs reprises, la TISK a été l’hôte de réunions entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Les textes élaborés pour examen par le parlement sont acceptables, aux yeux des employeurs, dans la mesure où ils ont été négociés et acceptés lors de réunions où la TISK était présente.

Les observations détaillées figurant dans le rapport de la commission d’experts concernant les activités syndicales des fonctionnaires démontrent le grand besoin d’une réforme du système régissant les employés de l’Etat. Une telle réforme clarifierait qui exerce l’autorité au nom de l’Etat et qui est employé dans les services essentiels. Les employeurs turcs soutiennent les initiatives du gouvernement à cet égard et sont prêts à collaborer avec le gouvernement dans le processus d’amélioration de la situation, et s’attendent à ce que le gouvernement tienne ses promesses.

Un autre membre travailleur de la Turquie a rappelé la contribution importante du mouvement syndical afin de soutenir les employés du secteur public. En 2001, la loi no 4688 sur les syndicats des salariés du public a été adoptée à la suite d’une longue lutte de ces employés qui demeurent néanmoins soumis à des restrictions importantes discutées récemment par cette commission. Bien que le gouvernement se soit engagé à éliminer ces restrictions, cela n’a pas encore été fait et il n’y a actuellement aucun projet de réforme de la loi précitée. En outre, les amendements des lois nos 2821 et 2822 ont été soumis en l’absence d’un consensus avec les partenaires sociaux.

Les fonctionnaires ne disposent pas du droit de négocier collectivement, les consultations tenues sont purement formelles, il existe des restrictions à l’affiliation syndicale, le mécanisme consultatif tripartite ne fonctionne pas, il existe une discrimination parmi les syndicats et les travailleurs sont susceptibles d’être transférés lorsqu’ils exercent des activités syndicales. Entre 2003 et 2009, 70 représentants syndicaux ont ainsi été transférés sans motif valable, et bien que certains aient réintégré leur poste, tel n’était pas le cas de la majorité. L’orateur a conclu en soulignant que la loi no 4688 ne respecte pas la convention no 87 et doit être amendée en consultation avec les partenaires sociaux et le soutien technique du BIT.

Un autre membre travailleur de la Turquie, s’exprimant au nom de la Confédération syndicale internationale, a rappelé l’intervention militaire de 1980 en Turquie suite à laquelle un certain nombre de lois régissant les droits syndicaux avaient été adoptées par le régime militaire, lois auxquelles les travailleurs ont toujours été soumis depuis lors. La législation en vigueur en matière de droit syndical ne respecte pas les conventions nos 87 et 98 et les organisations syndicales sont étroitement contrôlées par le gouvernement. En outre, le système de double seuil empêche l’exercice du droit de s’affilier librement à des syndicats et de celui à la négociation collective. En effet, un syndicat doit représenter au minimum 10 pour cent des travailleurs au niveau sectoriel et plus de 50 pour cent au niveau de l’entreprise. La liberté syndicale est grandement mise à mal par l’obligation de consulter un notaire en vue de s’affilier et de se retirer d’un syndicat. Les travailleurs doivent ainsi acquitter des frais de notaire afin de faire valider leur affiliation et verser leurs cotisations. Enfin, les procédures de détermination de l’autorité compétente aux fins de la négociation collective sont trop complexes, cette autorité étant déterminée par le ministère du Travail à la suite d’une période probatoire assez longue.

Le droit de grève est très limité dans le pays et les grèves par solidarité, les grèves d’avertissement et les grèves générales sont toutes prohibées par la loi. Le droit de grève est interdit dans nombre de secteurs et le gouvernement a le droit de décider du report d’une grève en prétextant des mesures de santé et de sécurité publiques.

Le rapport de la mission de haut niveau de 2007 souligne que le projet de loi n’est toujours pas conforme aux conventions de l’OIT. Les seules mesures prises suite à ce rapport ont été des discussions stériles, le gouvernement refusant de réaliser les amendements législatifs nécessaires. En outre, le droit de réunion est fortement réprimé. Les manifestations du 1er mai 2007 et 2008 ont été attaquées par les forces de l’ordre et des centaines de syndicalistes ont été emprisonnés. En 2008, le siège de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) a été l’objet d’attaques au gaz lacrymogène et par des canons à eau. En 2009, le 1er mai a été déclaré jour férié, mais la manifestation a été comme les années précédentes l’objet de violences extrêmes et d’utilisation de gaz lacrymogènes causant des centaines de blessés parmi les travailleurs. Le syndicat représentant les travailleurs à la retraite a pour sa part été dissout. Au cours de la semaine qui a précédé, les forces de sécurité ont envahi et perquisitionné le siège de la Confédération des syndicats des salariés du public (KESK) et 30 de ses membres, y compris un membre du comité exécutif, ont été arrêtés. La législation concernant la liberté syndicale n’est donc pas conforme aux normes de l’OIT et le gouvernement n’a jamais tenu ses promesses en ce qui concerne la réforme de sa législation et en ce qui concerne le licenciement de personnes affiliées à un syndicat.

Une membre travailleuse des Pays-Bas a rappelé qu’en 2007 lorsque la commission a examiné le défaut de mise en oeuvre de la convention par la Turquie, elle a recommandé que le gouvernement accepte que soit organisée une mission de haut niveau afin qu’elle évalue les problèmes et recommande des solutions. Il avait été espéré que cette mission allait accélérer le processus par lequel le gouvernement mettrait sa législation en conformité avec les conventions nos 87 et 98. Dans un premier temps, la mission de haut niveau avait semblé porter ses fruits. Le gouvernement a, en effet, consulté les partenaires sociaux et soumis en mai 2008 un nouveau projet de loi au parlement, bien que ce projet fût différent du texte approuvé par les partenaires sociaux et non conforme à la convention. L’ancienne législation demeurait encore en vigueur. Les services techniques de l’OIT, la commission d’experts, la Commission de la Conférence et la mission de haut niveau ont tous pris part aux débats et à l’analyse de la législation. De plus, les organisations européennes, telles que le Conseil économique et social européen, ont conseillé au gouvernement d’effectuer les réformes nécessaires et la Cour européenne des droits de l’homme, dans son jugement sur le cas opposant Demir et Bakara au gouvernement, s’est référée explicitement au fait que la Turquie a ratifié la convention no 87 et à la nécessité pour le gouvernement de procéder à la réforme de sa législation afin qu’elle soit rendue conforme à la convention. Ensemble, ces organisations ont permis d’obtenir des informations précieuses qui ont clairement identifié les amendements nécessaires pour rendre la législation conforme aux normes de l’OIT. Le retard constaté ne pouvait donc être imputable à une mauvaise compréhension des changements nécessaires.

Le gouvernement turc a indiqué publiquement que l’absence de progrès était due au manque de consensus avec les partenaires sociaux au sujet de l’avant-projet de loi. Toutefois, le gouvernement ne peut invoquer ce manque de consensus pour expliquer que sa législation ne soit pas conforme aux conventions nos 87 et 98, puisqu’on peut lire dans le rapport de la mission de haut niveau que les syndicats l’ont instamment prié de manière expresse à procéder à cette mise en conformité. Le gouvernement a essayé de justifier la lenteur des réformes par le fait qu’une partie de sa législation qui n’est pas conforme à la convention n’est pas utilisée dans la pratique. Cet argument n’est toutefois pas convaincant, car n’importe quelle restriction à la liberté syndicale contenue dans la législation pourrait néanmoins être utilisée. En outre, si le gouvernement n’avait pas l’intention d’utiliser ces restrictions, il n’y aurait alors aucune raison valable pour qu’elles soient conservées dans la législation. En réalité, les cas récents de violence à l’encontre de manifestations syndicales et de dirigeants syndicaux qu’ont relatés les représentants des travailleurs turcs sont la preuve que des restrictions sont bien appliquées. Bien que la commission d’experts ait demandé au gouvernement de faire le nécessaire pour que la police n’intervienne pas dans des manifestations qui ne constituent pas une menace pour l’ordre public et pour éviter tout excès de violence, le gouvernement a utilisé des gaz lacrymogènes pour empêcher la tenue d’un rassemblement du 1er mai et a pénétré dans les bureaux du KESK. Plusieurs cas de licenciement pour affiliation à un syndicat ont été signalés, de même que des exemples d’ingérence dans les affaires internes des syndicats.

Au cours de la première semaine de la Conférence, la commission a pu entendre plusieurs déclarations faisant état de l’importance des normes en période de crise économique. De plus, chacun au sein de la commission a reconnu que les normes de l’OIT sont nécessaires à la protection des travailleurs les plus vulnérables afin d’éviter qu’ils soient les plus touchés et pour que l’on puisse sortir de façon durable de cette crise. Tout le monde s’est, en outre, accordé à dire que la convention no 87 constitue une norme centrale, sans laquelle les chances de préserver et d’élaborer d’autres normes sont réduites. Avant la crise, la Turquie a connu une croissance économique relativement rapide, aujourd’hui ralentie en raison précisément de la crise. Les travailleurs touchés depuis peu par cette évolution économique risquent de perdre leurs avantages si difficilement acquis. A peine plus de cinq pour cent des travailleurs du pays bénéficient d’une convention collective, ce qui représente une bien faible proportion et, dans la pratique, moins de la moitié des travailleurs syndiqués bénéficient d’une convention collective. La Turquie doit appliquer pleinement la convention afin de permettre aux travailleurs de ce pays de bénéficier de la liberté d’association, de manière à défendre leurs droits et leurs conditions de travail. Dans le cadre de la crise économique actuelle, il faut également que les syndicats participent pleinement au dialogue social en faveur du rétablissement économique et de progrès futurs. La limitation des droits syndicaux dont souffrent les travailleurs dans le pays est un problème grave et il n’y a aucune raison valable qui justifie le retard pris dans la mise en conformité de la législation avec la convention no 87. En conséquence, l’oratrice a instamment prié le gouvernement de procéder à ladite mise en conformité.

Le membre travailleur de la République de Corée a exprimé ses vives préoccupations concernant la répression par le gouvernement des droits fondamentaux au travail. La législation turque du travail n’est pas conforme aux conventions de l’OIT et le gouvernement tarde à honorer ses engagements de les mettre en accord avec les principes de l’OIT. En outre, le gouvernement a attaqué à plusieurs reprises des travailleurs et des dirigeants syndicaux par le biais de la police antiémeutes. Chaque année depuis 2007, le rassemblement pour la Fête du travail s’est soldé par de nombreuses arrestations, plusieurs personnes blessées. De plus, le siège du DISK, organisation affiliée à la CSI, a été assiégé. Compte tenu de cette situation totalement inacceptable, le gouvernement doit être prié de mettre fin aux actes violents perpétrés contre les travailleurs. Quatorze membres du KESK sont toujours en état d’arrestation pour avoir exercé leurs droits syndicaux. Parmi eux, il y a 12 enseignants ayant été arrêtés au sein des établissements scolaires pendant les cours. Le gouvernement a essayé de les inculper pour activités terroristes, alors même que la plupart ont été employés par le service public depuis plus de vingt ans et sans qu’il n’y ait aucune preuve établissant qu’ils exercent des activités violentes. Le gouvernement doit être instamment prié de les relâcher immédiatement et de mettre un terme à la criminalisation des syndicats d’employés publics.

S’agissant de la protection limitée contre la discrimination antisyndicale et le licenciement, selon les sources de la CSI, le nombre minimal d’employés exigé en vue de l’application de la législation relative à la sécurité du travail est de 30. Cependant, compte tenu des contrats de sous-traitance et à durée déterminée, environ 95 pour cent des lieux de travail comptent moins de 30 employés. Compte tenu de cette situation, le gouvernement devrait donc adopter sans délai des lois appropriées afin d’éliminer tous les types de discrimination antisyndicale et de protéger les travailleurs contre le licenciement.

En conclusion, l’orateur a opéré un parallèle avec la situation existant dans son pays où la police avait l’habitude d’intervenir très souvent pour interdire l’exercice du droit de manifester et de faire grève. Le gouvernement a très souvent ignoré les recommandations de la communauté internationale, y compris celles de l’OIT et de l’OCDE. Par conséquent, le gouvernement doit donner effet aux conventions de l’OIT sur la liberté syndicale afin que les travailleurs puissent jouir pleinement de leurs droits syndicaux et humains. Le consensus social ne sera jamais atteint moyennant le recours à une violence brutale à l’encontre des syndicats.

Un représentant gouvernemental de la Turquie a remercié les membres de la commission pour leurs commentaires constructifs et a réaffirmé la volonté du gouvernement de poursuivre les réformes en cours. En dépit du report dû aux élections locales et au récent remaniement gouvernemental, la réforme de la législation du travail se poursuit. L’arrestation des syndicalistes du KESK s’est déroulée conformément aux instructions du bureau du procureur et est fondée sur des présomptions d’activités terroristes en relation avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), lequel figure sur la liste des organisations terroristes internationales. Ces personnes ont été arrêtées pour s’être livrées à des activités illégales étrangères à leurs activités syndicales. Malgré les appels effectués, le gouvernement n’est pas en mesure de libérer des personnes arrêtées sur ordre d’une juridiction. En conclusion, bien qu’il ne soit pas possible d’affirmer que l’ensemble du droit du travail soit en totale conformité avec les conventions de l’OIT, ceci est dû à certaines dispositions de la Constitution. En ceci, les avant-projets de loi soumis au parlement constituent une réforme importante et même radicale. L’orateur a appelé la commission à prendre en compte dans ses conclusions le fait que le projet de loi a été préparé en collaboration avec les employeurs et les travailleurs.

Un autre représentant gouvernemental de la Turquie a indiqué que la déclaration selon laquelle les parties n’étaient pas parvenues à un consensus ne reflète pas la réalité. Les partenaires sociaux ont participé intensivement au processus d’élaboration des amendements au sein du Comité tripartite de consultation, qui s’est réuni chaque mois, ainsi qu’au sein des commissions et sous-commissions parlementaires. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale, il faut se rappeler qu’avec une population de 70 millions de personnes, la Turquie possède une vaste économie et il est possible que certains employeurs ne permettent pas aux syndicats d’être actifs sur les lieux de travail. Cependant, il existe déjà trois textes de loi en matière de discrimination antisyndicale et les responsables de ce délit sont passibles de lourdes pénalités. Les travailleurs victimes d’une telle discrimination peuvent obtenir une compensation. Les fonctionnaires peuvent, quant à eux, toujours faire appel à leurs supérieurs et intenter un recours judiciaire. A propos des rassemblements et manifestations syndicales, les organisations ne doivent pas obtenir de permissions pour organiser de tels événements, mais seulement les notifier au bureau du gouverneur 48 heures à l’avance, celui-ci pouvant néanmoins indiquer l’endroit où ces événements devront avoir lieu. Ainsi, à Istanbul, quatre places principales sont disponibles à cet effet. La place Taksim a toutefois été fermée à de telles manifestations depuis 1979 pour des raisons de sécurité. Les incidents de 2008 sont dus à l’insistance de quelques syndicats et confédérations pour que les célébrations du 1er mai se déroulent à cet endroit. Cette année, un nombre restreint de travailleurs a eu la permission de célébrer le 1er mai sur la place Taksim. Le gouvernement a pris les mesures nécessaires et l’événement s’est déroulé de manière pacifique. Les incidents du passé ont souvent eu lieu en raison d’infiltrations d’organisations illégales qui ont attaqué les forces de l’ordre. Les mesures prises lors de la célébration du 1er mai ne constituent pas une violation des libertés syndicales et la cause principale des incidents est à rechercher du côté de l’insistance des syndicats à vouloir organiser leurs célébrations de façon contraire à la loi.

Les membres travailleurs ont exprimé leur préoccupation en ce qui concerne la situation qui perdure dans le pays et les événements attristants qui ont été rapportés. Etant donné la gravité des manquements constatés et la persistance du gouvernement à refuser de faire des efforts pour rendre la législation conforme à la convention, un paragraphe spécial a été envisagé. Il est toutefois important de continuer à croire que des efforts peuvent permettre de déboucher sur un vrai dialogue social, fondé sur le modèle européen, dans un climat exempt de violence. Le gouvernement devrait, par conséquent, accepter l’assistance technique du BIT et une visite bi ou tripartite de haut niveau pour résoudre les problèmes qui perdurent en dépit des nombreuses discussions de ce cas, notamment dans le cadre de la mission de haut niveau d’avril 2008. De vagues promesses ne seront toutefois pas suffisantes et un calendrier relatif à la planification des mesures à prendre devrait être établi, de concert avec les partenaires sociaux et sous l’égide du BIT. Le gouvernement devra ensuite fournir un rapport détaillé pour examen par la commission d’experts, pour sa session de 2009, des activités menées. De cette façon, le cas de l’application de la convention pourra être suivi année après année et au besoin figurer à nouveau sur la liste des cas individuels si aucun progrès n’est constaté. Cela ne devrait pas poser de problème si, comme l’indique le gouvernement, les partenaires sociaux sont déjà associés au processus de réforme. Il y a toutefois lieu de noter qu’il n’y a plus de consultations tripartites dans le secteur public depuis plus de trois ans.

Les membres employeurs ont observé qu’il existait un manque de clarté dans le présent cas concernant la situation dans les faits et celle dans la législation. Bien qu’un consensus semble s’être dégagé avec les partenaires sociaux sur les projets de lois tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822, le message en provenance des membres travailleurs semble plutôt indiquer qu’il n’en existe aucun en réalité. La question, par conséquent, est de savoir quelle est la situation réelle. Comme cela a déjà été observé, il est difficile d’évaluer la valeur des initiatives qui ont été prises récemment en ce qui concerne le respect des libertés civiles et les actes de violence. Le gouvernement devrait fournir un rapport à temps afin de permettre qu’il soit examiné par la commission d’experts lors de sa prochaine session. Des mesures sont nécessaires afin que la situation soit rendue conforme à la convention. Enfin, ils se sont associés à la proposition des membres travailleurs visant à ce qu’une mission tripartite de haut niveau soit menée.

Conclusions

La commission a pris note de la déclaration faite par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi. La commission a également noté qu’une mission de haut niveau du BIT s’est rendue dans le pays du 28 au 30 avril 2008 suite à une demande adressée en juin 2007 par cette même commission.

La commission a observé que les commentaires de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations se sont référés pendant de nombreuses années aux divergences entre, d’un côté, la loi et la pratique et, de l’autre, la convention en ce qui concerne les droits des travailleurs dans les secteurs public et privé sans distinction d’aucune sorte de constituer ou de s’affilier à une organisation de leur choix, le droit des organisations syndicales d’élaborer leur constitution et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités sans ingérence de la part des autorités. La commission a noté les commentaires présentés par les organisations syndicales nationales et internationales sur l’application de la convention, en particulier par rapport à la répression violente des manifestations, à l’utilisation disproportionnée de la force par la police et aux arrestations de syndicalistes, de même qu’à l’ingérence du gouvernement dans les activités syndicales.

La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les amendements de loi nos 2821 et 2822 ont été préparés en étroite collaboration avec les partenaires sociaux, et que le comité de consultation tripartite a mené à cet égard un travail important. Les projets de loi sont sur l’agenda de l’Assemblée nationale. Le gouvernement a aussi consulté les partenaires sociaux s’agissant des amendements faits à la loi sur les syndicats de salariés du public. Bien que les projets de loi n’envisagent pas encore certaines demandes d’amendements, ceci vient du fait qu’il est primordial d’amender la Constitution en premier. A cet égard, le gouvernement a également planifié des amendements nécessaires. Il a aussi envoyé à consultation un récent jugement de la Cour constitutionnelle qui stipule comme étant inconstitutionnelles les dispositions limitant certains types d’interruptions de travail. Pour ce qui est des allégations concernant une intervention excessive de la police suite aux manifestations syndicales, le représentant du gouvernement a exposé que, bien que le gouvernement soit déterminé à prendre toutes les mesures disciplinaires et judiciaires nécessaires à l’encontre des membres des forces de l’ordre ayant fait un usage disproportionné et abusif de la force, il est important que ces manifestations respectent les dispositions de la législation nationale. Il a souligné l’avancée importante du gouvernement en 2008 en déclarant le 1er mai jour férié.

Notant les informations données par le gouvernement en réponse aux sérieuses allégations faites par le comité d’experts concernant les violences policières, les arrestations de syndicalistes et les ingérences du gouvernement dans les activités syndicales, la commission a noté avec inquiétude l’information fournie quant aux arrestations massives de syndicalistes et les allégations d’un climat généralisé antisyndical. La commission a accueilli avec un profond regret les déclarations faites sur les restrictions importantes placées sur la liberté de se rassembler et la liberté d’expression des syndicalistes.

Elle a une fois de plus mis l’accent sur le fait que le respect des libertés civiles fondamentales est une condition préalable à l’exercice de la liberté syndicale. Elle exhorte le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires dans le but de garantir un climat sans violence, sans pression et sans menace d’aucune sorte de façon à ce que les travailleurs et employeurs puissent pleinement et librement exercer leurs droits conformément à la convention. Elle a prié le gouvernement de revoir toutes les affaires se rapportant à l’emprisonnement de syndicalistes en vue de leur libération, de répondre en détail à toutes les allégations en suspens et d’indiquer dans son rapport auprès de la commission d’experts de cette année toutes les mesures prises pour garantir les principes fondamentaux mentionnés ci-dessus.

Concernant le récent projet de loi amendant les lois nos 2821, 2822 et 4688 soumis à consultation par le gouvernement, la commission a noté le manque de clarté quant à la situation actuelle et l’ampleur avec laquelle le consensus a été atteint avec les partenaires sociaux à cet égard. La commission a exprimé le ferme espoir que ces projets de loi aborderont correctement tous ces problèmes relevés par la commission d’experts durant ces années et que des mesures adéquates seront adoptées sans plus de délai de façon à ce que la commission d’experts puisse être en mesure cette année de noter des progrès significatifs faits en rendant la loi et la pratique conformes avec les dispositions de la convention. La commission a demandé au gouvernement de rapidement soumettre et garantir toutes les réformes constitutionnelles nécessaires en vue de l’application de la convention. Elle a instamment demandé au gouvernement d’élaborer un plan d’action comprenant des limites temporelles précises dans le but de finaliser les étapes mentionnées ci-dessus. La commission a demandé au gouvernement d’accepter la mission bipartite de haut niveau ayant pour but de l’assister à faire des progrès significatifs sur ces problèmes en suspens. La commission a demandé au gouvernement de fournir, dans le rapport pour la prochaine session de la commission d’experts en 2009 des informations détaillées et complètes regardant tous les progrès faits sur ces problèmes ainsi que les textes législatifs pertinents.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2007, Publication : 96ème session CIT (2007)

Un représentant gouvernemental a indiqué à la commission que son exposé se limiterait aux sept principaux points soulevés par la commission d'experts dans son observation. Le premier point concerne l'exclusion d'un certain nombre de salariés du secteur public du droit de se syndiquer (articles 3 a) et 15 de la loi no 4688). La commission d'experts a noté qu'en vertu de l'article 3 a) de cette même loi la définition de l'"employé du secteur public" ne se réfère qu'à une personne employée de manière permanente ayant accompli sa période probatoire, ce qui est contraire à l'article 2 de la convention. De plus, les exceptions prévues à l'article 15 de la loi no 4688 reviennent, selon la commission d'experts, à dénier le droit de s'organiser aux fonctionnaires de l'appareil judiciaire, aux hauts fonctionnaires et aux employés occupant un "poste de confiance". Le représentant gouvernemental a précisé que l'article 4 (2) de la loi no 5620 du 4 avril 2007 avait déjà amendé l'article 3 a) de la loi no 4688, de manière à permettre aux salariés du secteur public travaillant sur la base de contrats de durée déterminée (ce que l'on appelle le personnel "sous contrat") d'adhérer aux syndicats de la fonction publique. L'emploi permanent n'est donc plus exigé pour pouvoir adhérer aux syndicats de la fonction publique. De plus, le Comité de consultation tripartite a décidé à l'unanimité, lors de sa réunion du 10 mai 2005, de recommander l'amendement de l'article 3 a) de la loi no 4688, de manière à permettre aux salariés du secteur public de constituer des syndicats pendant leur période probatoire et d'y adhérer.

Le second point soulevé par la commission d'experts concerne les critères suivant lesquels le ministère du Travail détermine à quelle branche d'activité appartient un lieu de travail, et les conséquences de cette détermination sur le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s'affilier à de telles organisations. Pour pouvoir traiter efficacement des différends entre syndicats, l'article 60 de la loi no 2821 prévoit une délimitation soigneuse des branches d'activité en tenant compte des opinions des confédérations syndicales et patronales et des normes internationales. En cas de contestation quant à la branche d'activité à laquelle appartient un établissement, le ministère du Travail est habilité par l'article 4 à procéder à cette détermination à la demande de la partie concernée. Le ministère n'est donc sollicité que dans les cas de contestation entre syndicats, et il est toujours possible de faire appel de la décision du ministère devant les tribunaux. Le projet de loi sur les syndicats fusionne certaines branches d'activité pour que la classification soit plus logique et pour faciliter la création de syndicats plus forts. Comme l'a fait remarquer la commission d'experts, la détermination de larges catégories de classification dans le but de clarifier la nature et le champ d'action des syndicats au niveau d'un secteur d'activités n'est pas en soi incompatible avec la convention. Après l'application de cette nouvelle classification de certaines branches d'activité, les travailleurs resteront libres d'adhérer à n'importe quel syndicat créé dans leur branche d'activité respective. De plus, le critère utilisé par le ministère pour procéder à cette détermination est la principale activité exercée par l'établissement, et "les autres activités auxiliaires à cette principale activité" sont considérées comme relevant de la même branche d'activité principale.

Le troisième point soulevé par la commission d'experts porte sur le caractère trop détaillé des dispositions des lois nos 2821, 2822 et 4688 sur le fonctionnement interne des syndicats. De l'avis du gouvernement, ces dispositions ne font en rien obstacle à l'autonomie des syndicats mais ont pour but d'assurer leur fonctionnement démocratique, en protégeant les droits des membres et en maintenant la transparence dans les activités syndicales. Pour mieux protéger la liberté de constituer des syndicats et d'y adhérer et pour simplifier et accélérer le processus de négociation collective, un certain nombre d'améliorations ont été envisagées dans les projets de loi d'amendement des lois nos 2821 et 2822. La commission d'experts a noté avec intérêt ces propositions de réforme. Au nombre des faits positifs déjà survenus, figurent l'adoption en 2004 de la loi no 5253 sur les associations, plus libérale, et le remplacement de la loi no 2908, ainsi que l'adoption du nouveau Code pénal no 5237, en 2005, qui prévoit des sanctions pénales sévères en cas d'actes de discrimination antisyndicale.

Le quatrième point soulevé par la commission d'experts concerne l'annulation du mandat des membres de l'instance exécutive d'un syndicat en cas de non-respect de règles fixées par la législation et la suspension du mandat d'un syndicaliste pendant la période durant laquelle il est candidat à des élections locales ou générales, ainsi que la cessation de son statut de responsable syndical s'il est élu. L'article 10 de la loi no 4688 habilite le ministère et tout membre d'un syndicat à saisir les tribunaux en vue d'annuler le mandat de membres de l'instance exécutive du syndicat ayant évité de tenir le congrès général. Il convient de souligner que le rôle du ministère consiste simplement à attirer l'attention sur une possible incohérence ou une contravention aux règles, et que le jugement final appartient au tribunal indépendant. Les motifs de l'adoption de cette disposition sont, là encore, la protection des droits des membres et la sauvegarde du fonctionnement démocratique des syndicats. En ce qui concerne l'annulation du mandat des dirigeants syndicaux élus dans des élections générales ou locales, un amendement à l'article 82 de la Constitution serait nécessaire pour pouvoir adopter la législation pertinente.

Le cinquième point soulevé par la commission d'experts concerne le droit de grève dans la fonction publique. Les travailleurs employés dans le secteur public dans le cadre d'un contrat bénéficient du droit de grève au même titre que les salariés du secteur privé. Mais en ce qui concerne les fonctionnaires en général, la question ne fait pas l'objet d'une étude. En fait, la reconnaissance du droit de grève pour les fonctionnaires exige un amendement de la Constitution. Conformément aux points de vue exprimés par la commission d'experts, le gouvernement prévoit d'engager une réforme du personnel dans le secteur public, dans le contexte de laquelle, les "fonctionnaires" au sens étroit du terme, c'est-à-dire ceux qui exercent une autorité au nom de l'Etat, seront tout d'abord identifiés et soigneusement distingués des autres salariés du secteur public. La préparation de cette réforme continue à être prioritaire.

Le sixième point concerne les restrictions au droit de grève prévues par la loi no 2822. Le projet de loi visant à amender la loi no 2822 envisage la suppression du texte de certaines professions ou certains services dans lesquels il n'est pas possible d'autoriser une grève. Les exemples fournis sont l'exploration pétrolière, les forages pétroliers, la production et la distribution pétrolière, la production de lignite pour alimenter les centrales thermiques, les transports urbains par voie terrestre, par chemin de fer et par mer, etc. Quant à la question de savoir comment une convention collective pourrait être établie dans les cas où les grèves sont interdites dans certains établissements qui seraient couverts par une convention collective au niveau de l'entreprise, elle est controversée. Le projet prévoit qu'une convention collective signée après une grève dans certains établissements s'appliquerait également aux travailleurs de l'établissement où les grèves sont interdites. Si, dans le système turc des relations professionnelles, le nombre des piquets de grève est limité, c'est parce que la législation interdit strictement à l'employeur de remplacer les grévistes. Compte tenu de l'attente excessivement longue et de la période de préavis exigée avant l'appel à une grève, le projet de loi prévoit un mécanisme de médiation plus simple, plus rapide et plus souple et raccourcit considérablement le temps de négociation. La Constitution de la Turquie ne reconnaît la grève que dans le cas des conflits du travail qui éclatent pendant la négociation collective et elle restreint certains types d'action tels que les grèves à des fins politiques et les grèves de solidarité. Ces restrictions découlent de l'article 54 de la Constitution qui interdit ces formes de grève.

Le septième point concerne les poursuites engagées contre la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), l'une des confédérations syndicales, en ce qui concerne l'élection de ses représentants. Ces poursuites ont été engagées le 21 juin 2001. Le cinquième tribunal du travail d'Istanbul a rejeté la demande de suspension des activités de la DISK ou de dissolution de l'organisation. Cette décision a été confirmée en faveur de la DISK par la Cour de cassation le 22 décembre 2004. Une décision finale a donc été prise dans cette affaire.

Le fondement constitutionnel du critère des "dix années d'emploi actif" à remplir pour pouvoir être élu membre de l'instance exécutive d'un syndicat a déjà été supprimé en 2001. La disposition restante dans l'article 14 de la loi no 2821 a été abrogée par l'adoption de la loi no 5675 du 26 mai 2007.

S'agissant des progrès accomplis dans la préparation de ces projets de loi, le représentant gouvernemental a indiqué que, au cours de la réunion du Conseil de consultation tripartite tenue le 28 décembre 2006, il a été décidé de poursuivre les travaux pour déterminer quelles sont les dispositions sur lesquelles les partenaires sociaux s'accordent et celles sur lesquelles ils ne s'accordent pas. La dernière réunion a eu lieu le 29 mai 2007 avec la participation des confédérations syndicales et patronales TISK, Türk-Is, HAK-IS, DISK, KAMU-SEN, KESK, MEMUR-SEN et BASK. Le ministre a proposé de poursuivre les travaux conjointement avec les partenaires sociaux pour présenter les projets de loi sous leur forme finale avant la tenue des élections législatives générales en juillet. Cette proposition n'a pas été acceptée par les présidents des confédérations qui ont fait valoir que le processus des élections générales qui avait déjà commencé rendait impossible la poursuite de ces travaux. La soumission des projets de loi à la grande Assemblée nationale a donc été reportée à la fin des élections générales. Enfin, le représentant gouvernemental a remercié l'OIT pour son action permanente de promotion des normes du travail dans le monde et en Turquie.

Les membres employeurs ont rappelé que ce cas a régulièrement fait l'objet de discussions dans les années quatre-vingt-dix, jusqu'en 1997. Après une absence de neuf années, le cas a refait l'objet d'une discussion en 2005. A plusieurs reprises, la commission d'experts a noté avec satisfaction ou intérêt des progrès survenus dans ce cas et cette année encore, elle note avec intérêt le projet de loi qui porte amendement aux lois nos 2821 et 2822. Il n'est pas toujours facile dans certains cas, en lisant les commentaires de la commission d'experts, de déterminer à partir de quand un changement peut être considéré comme un progrès. Si les informations fournies par le représentant gouvernemental font état de certains changements, la substance de ces informations est similaire à celle qui avait déjà été présentée devant la présente commission en 2005. De plus, il est surprenant que le gouvernement n'ait pas abordé d'abord et avant tout les commentaires de la commission d'experts concernant la nécessité d'enquêter sur des allégations d'actes de violence. A cet égard, il convient de souligner que le respect des libertés publiques est un pré-requis à l'application efficace de la convention. Les membres employeurs ont espéré et ils s'attendent à ce que le gouvernement fournisse un rapport à la commission d'experts sur les problèmes de violence. Quant au projet de loi couvrant des aspects spécifiques, il appartient à la commission d'experts de l'évaluer. De manière générale, le gouvernement semble graduellement s'orienter vers l'application de la convention. Il semble cependant que le rythme de la réforme soit plus lent que celui annoncé dans les informations fournies en 2005 et il devient urgent, en raison de la nature fondamentale de la convention, d'adopter des mesures visant à la mettre en uvre.

Les membres travailleurs ont remercié la commission d'experts pour son analyse détaillée de la situation de la liberté syndicale en Turquie que la commission examine cette année pour la dixième fois depuis 1990. Le gouvernement tarde à agir ou bien se retranche derrière des excuses de pure forme pour ne pas prendre de mesures effectives concernant les nombreuses demandes faites par la commission et ne souhaite pas bénéficier de l'expertise technique du Bureau. En 2006, trois organisations syndicales turques et la CISL ont adressé des commentaires à la commission d'experts faisant état d'ingérences des autorités dans les questions internes des syndicats, de violations répétées de la législation nationale concernant le droit de grève et d'actes d'ingérence de la part des autorités dans les statuts des syndicats ainsi que de violences policières et autres arrestations de syndicalistes lors de manifestations pacifiques. La commission d'experts n'est cependant pas entrée en matière sur l'ensemble de ces questions, malgré les informations très précises portées à sa connaissance illustrant la manière dont l'arsenal législatif est utilisé pour harceler, menacer et emprisonner des syndicalistes. En revanche, elle n'a pas manqué de faire des commentaires sur de multiples questions juridiques. Ainsi, les informations réitérées par le gouvernement concernant l'adoption en 2004 d'une nouvelle loi sur les associations et d'un nouveau Code pénal n'ont-elles pas pu être examinées faute de disposer d'une traduction de ces nouvelles dispositions. Le gouvernement réitère également certains progrès contenus dans divers projets de lois déjà portés à la connaissance de la commission d'experts. Les consultations sur ces sujets avec les partenaires sociaux se poursuivent cependant depuis des années, et le manque d'avancées réelles ne peut être dû qu'aux employeurs ou au gouvernement. Certains problèmes pourtant clairement identifiés, comme l'exclusion de certains travailleurs du secteur public, notamment ceux de l'administration judiciaire et de la sécurité, le droit de fonder des syndicats de leur choix et d'y adhérer, sont néanmoins ignorés par le gouvernement. Or la convention prévoit le droit pour les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et d'y adhérer, la seule exception autorisée concernant les membres des forces armées et de la police. La réforme législative annoncée doit donc sans délai se conformer strictement à ce principe essentiel. La commission d'experts constate, en outre, que l'exercice du droit de grève est limité ou interdit pour les employés de la fonction publique; qu'il existe une interdiction des grèves générales et des grèves de solidarité; que la notion de service essentiel est interprétée de façon trop large; et que les délais de préavis de grève sont excessifs et le demeurent dans le projet de loi actuel où il est projeté de les réduire à trente jours, ce qui n'est nullement satisfaisant compte tenu des pressions auxquelles s'exposent les travailleurs durant cette période.

Il convient cependant d'analyser les nombreux manquements juridiques à la lumière des informations sur les réalités pratiques dénoncées par le monde syndical et qui mériteraient d'être mieux reflétées dans le rapport de la commission d'experts. Cette année, la Confédération syndicale internationale (CSI) projette, par exemple, d'informer celle-ci du fait qu'en février 2006 35 membres du syndicat Tekstil-DISK ont été licenciés par la direction d'une usine textile, car le syndicat était sur le point d'atteindre une majorité de travailleurs syndiqués dans l'entreprise et, en septembre de la même année, 22 travailleurs d'une entreprise d'emballage britannique furent licenciés en raison de leur activité syndicale, et des enquêtes judiciaires sont parfois menées contre des syndicalistes accusés d'avoir affiché un calendrier syndical. En mai 2006, à Tuzla, la police a blessé grièvement et emprisonné un groupe de dockers, dont les contrats avaient été rompus par un important employeur turc, qui avait aussi refusé de leur payer les arriérés de salaire. Il s'agit là d'un très bref aperçu des questions soumises à la commission d'experts chaque année et qui font que la Turquie s'apparente à un recueil de jurisprudence du Comité de la liberté syndicale et de la commission d'experts.

Le membre travailleur de la Turquie a déclaré que le projet de loi amendant la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et les lock-out vise à assurer le respect de la convention et de la réglementation de l'Union européenne. Cependant, les dispositions de la loi no 2822 qui restreignent le droit de négociation collective et imposent des obstacles au droit de grève sont toujours en vigueur. L'article 54 de la Constitution interdit les grèves politiques, les grèves de solidarité, les grèves générales, l'occupation des lieux de travail, les grèves perlées, les actions visant à réduire la productivité du travail, ainsi que d'autres formes de résistance. Les pénalités en cas d'action illégale sont excessives dans le nouveau projet de loi.

Le droit de se syndiquer et de mener des négociations collectives est un droit fondamental. La loi no 5170 du 7 mai 2004 a introduit, à l'article 90 de la Constitution, une disposition prévoyant qu'en cas de conflit entre des traités internationaux sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales, d'une part, et la législation nationale, d'autre part, ce sont les premiers qui prévalent. La loi no 2822 devrait donc être amendée afin d'être mise en conformité avec la convention.

Les salariés du secteur bancaire sont également privés du droit de grève sur la base de la loi no 2822, au motif que de telles grèves paralyseraient la vie sociale et auraient des conséquences irrémédiables à long terme. Malheureusement, le gouvernement continue à proposer le maintien de cette disposition dans le projet de loi. Le Comité de la liberté syndicale a clairement indiqué que le secteur bancaire ne constitue pas un service essentiel au sens strict du terme et que les grèves dans ce secteur ne devaient pas faire l'objet de restrictions. En outre, l'interdiction des grèves dans les secteurs de l'eau, de l'électricité et du gaz naturel n'a plus de raison d'être, étant donné que ces entreprises publiques ont été privatisées en raison des politiques économiques mises en uvre par le gouvernement. Il conviendrait donc de réexaminer la définition des services essentiels et d'en restreindre autant que possible le champ d'application.

Le membre employeur de la Turquie a noté que la loi du 4 avril 2007, qui interdit la création de syndicats pour les travailleurs du secteur public, a été abrogée, et que les travailleurs ont le droit de s'affilier à des syndicats du secteur public. Des progrès ont également été accomplis via l'adoption de la loi du 26 mai 2007, qui abroge la condition selon laquelle un fonctionnaire public devait avoir été en fonction pendant dix ans pour devenir un membre fondateur d'un syndicat. Le gouvernement a également indiqué à l'Union européenne, le 17 avril 2007, qu'il s'engageait à procéder à des amendements législatifs concernant le droit de négociation collective, d'ici la fin de l'année 2007, de manière à aligner sa législation avec les normes européennes.

Le gouvernement, afin de rendre sa législation nationale conforme dans le délai prévu, a déjà préparé deux projets de loi sur lesquels un consensus n'a pas encore été obtenu. Les discussions à cet égard se poursuivent. Il est à espérer que le gouvernement remplira sa promesse faite à l'Union européenne et a énoncé que les employeurs de la Turquie sont prêts à lui fournir leur assistance à cet égard.

Un autre membre travailleur de la Turquie a souhaité, en sa qualité de représentant des organisations syndicales de la fonction publique turque, informer la commission de la situation dans ce secteur. En dépit de la ratification de plusieurs conventions, beaucoup de problèmes demeurent tant au niveau législatif que dans la pratique. Jusqu'en 2001, les syndicats de la fonction publique avaient revendiqué les droits garantis par les conventions de l'OIT et développé leurs activités en l'absence de tout texte normatif. Par la suite, ils ont obtenu, en luttant, des droits limités mais un nombre de problèmes demeurent parmi lesquels il est possible d'en distinguer cinq plus importants. Tout d'abord, malgré le fait que la loi no 4688 reconnaît certains droits syndicaux aux employés du secteur public, elle n'en contient pas moins de nombreuses restrictions quant à la création et l'administration des syndicats, à la protection de leurs membres, au droit de grève et à celui de négociation collective. L'on dénombre, depuis 2002, cinq cas de négociation collective entre les syndicats des employés du secteur public et le comité des employeurs publics qui n'ont permis de conclure qu'un unique accord collectif. Le protocole signé en 2005 n'est pas entièrement appliqué, et 26 de ses 34 articles, parmi lesquels figurent des dispositions importantes concernant l'équipement et les prestations socio-économiques (par exemple, la réintégration dans les cas d'actes de discrimination antisyndicale), ne sont pas mis en uvre par le gouvernement. En outre, selon l'article 34 de la loi no 3688, le protocole conclu n'a pas de force obligatoire. Par ailleurs, le conseil de réconciliation ne dispose pas du pouvoir de faire exécuter ses recommandations qui ne sont, par conséquent, pas mises en uvre. De nombreux employés publics se voient interdire d'adhérer à ou de fonder des syndicats. Les représentants syndicaux sont victimes d'actes de discrimination antisyndicale et, bien que certains aient pu réintégrer leur poste sur la base de décisions de justice, cela reste préjudiciable au plus grand nombre compte tenu du retard dans l'administration de la justice (3 à 7 ans). Le gouvernement ne peut donc pas se contenter d'affirmer que l'adoption en 2005 d'un nouveau Code pénal a introduit de nouvelles sanctions à l'encontre des actes de discrimination antisyndicale dans la mesure où cela reste inefficace dans la pratique. Enfin, l'on constate des dysfonctionnements du système tripartite établi par la loi sur le Conseil économique et social de 2001. Ce conseil était supposé se réunir annuellement à l'invitation du gouvernement mais les partenaires sociaux n'ont pas été conviés depuis 2005 à discuter dans ce cadre, et les décisions du conseil n'ont pas été prises au sérieux. L'orateur a appelé à un soutien en vue de résoudre ces graves problèmes et parvenir à des solutions.

Une observatrice représentant la Confédération syndicale internationale (CSI) a déclaré que la condition requérant que les syndicats atteignent au minimum deux seuils d'adhésions - 10 pour cent des travailleurs dans une branche d'activité économique donnée et 50 pour cent des travailleurs sur un même lieu de travail - est contraire au principe de la liberté syndicale. Les syndicats ne peuvent pas défendre les intérêts des travailleurs sans satisfaire ces deux conditions restrictives. En outre, la dernière condition signifie que, en pratique, 49 pour cent des travailleurs sur un même lieu de travail ne peuvent pas être représentés par le syndicat de leur choix.

Même si les syndicats pouvaient satisfaire ces conditions restrictives, le fait que 50 pour cent de l'activité économique du pays est informelle constitue une difficulté supplémentaire. Etant donné que les syndicats doivent inscrire leurs membres en utilisant leur numéro de sécurité sociale et que la plupart des travailleurs du secteur informel n'ont pas de numéro de sécurité sociale, plus de la moitié de la force de travail du pays ne bénéficie pas des droits fondamentaux que sont le droit syndical et le droit de s'affilier aux organisations de leur choix. L'inscription de l'affiliation des travailleurs auprès de notaires est aussi une condition excessivement pesante. Cette inscription est difficile car les notaires ne travaillent que pendant les heures officielles. De plus, elle constitue une charge financière supplémentaire pour les syndicats.

En ce qui concerne le droit de grève, les syndicats n'ont pas le droit d'organiser des grèves de solidarité et le Conseil des ministres peut également interdire les grèves dans certains secteurs et dans certains cas. Les agents publics n'ont pas le droit de faire grève ni de négocier collectivement. Des dirigeants de syndicats de fonctionnaires ont été inculpés au pénal pour avoir organisé des manifestations pacifiques revendiquant la liberté syndicale.

Beaucoup d'autres violations à la liberté syndicale persistent, comme par exemple, le fait que les branches d'activité soient déterminées par le ministère du travail ou le fait que, bien que les syndicats puissent intenter un recours contre les décisions du ministère, les procédures judiciaires se prolongent et peuvent durer entre trois et sept ans, période excessive pour la poursuite d'une action syndicale. Malgré les promesses faites par de nombreux gouvernements depuis 1980 de modifier la législation relative à la liberté syndicale, environ un cinquième des membres de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) qui se sont affiliés au cours des trois dernières années ont perdu leur emploi au début de leur campagne syndicale. L'oratrice a exprimé sa gratitude envers les organisations filiales de la DISK pour leur solidarité et leur soutien et a déclaré que des brochures concernant la situation des syndicats en Turquie étaient disponibles pour les membres de la commission.

La membre travailleuse de Singapour a observé que le présent cas est examiné depuis longtemps, et concerne de sérieuses violations à la convention. Les droits fondamentaux des travailleurs turcs de s'organiser et de négocier collectivement sont gravement limités, et les travailleurs souffrent depuis longtemps. Il est grandement temps que la commission examine à fond le cas et émette des recommandations claires sur ce qu'elle souhaite que le gouvernement fasse afin de remplir ses obligations en vertu de la convention. Ce n'est pas par manque de soutien que le gouvernement n'a pas pu apporter les changements nécessaires. La Turquie a en effet reçu l'assistance technique de l'OIT à plusieurs occasions dans le passé. Le Comité consultatif conjoint EU-Turquie a également préparé un rapport contenant plusieurs recommandations utiles, aucune d'elles n'ayant été suivie. La question consiste essentiellement à savoir s'il existe suffisamment de volonté politique pour provoquer ces changements; jusqu'à maintenant, les indications semblent suggérer que la volonté politique est plutôt faible.

Plusieurs lois turques - la loi sur les syndicats, la loi sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out, et la loi sur les syndicats des employés du secteur public - violent gravement la convention. Le gouvernement a informé la commission d'experts que des projets d'amendements étaient en cours de préparation. La commission d'experts a, à son tour, observé que les projets d'amendements contenaient des améliorations. Il est trop tôt pour se réjouir, l'oratrice ne partageant pas le même optimisme que la commission d'experts. Les gouvernements ont trop souvent indiqué dans le passé que des modifications avaient été soumises aux partenaires sociaux pour consultation ou au parlement, pour finalement déclarer un ou deux ans après que la loi avait été retirée, nécessitant un examen plus approfondi. Elle a souhaité que les projets d'amendements actuels ne subissent pas le même sort.

De nombreuses violations des droits des travailleurs persistent, de même que des ingérences dans les affaires internes des syndicats. Le syndicat des enseignants EGITIM-SEN a par exemple été obligé de retirer de son statut l'objectif prévoyant l'enseignement en langue maternelle. Le syndicat a intenté un recours en justice sur ce sujet, et le cas est actuellement pendant devant la Cour européenne. De l'avis de l'oratrice, cette exigence est particulièrement ridicule, puisque dans son pays, à l'école primaire, les enfants étudient dans leur langue maternelle, afin de préserver la diversité culturelle du pays.

Il y a aussi des cas en instance contre la DISK et contre certains de ses affiliés pour de prétendues violations à la législation, interdisant les syndicats d'élire des dirigeants qui ont travaillé moins de dix ans dans le secteur concerné. Le droit des syndicats d'élire librement leurs dirigeants est un droit fondamental. Si le gouvernement n'intervient pas dans l'élection des dirigeants des organisations d'employeurs, pourquoi devrait-il intervenir dans le cas des syndicats? L'oratrice a prié la commission d'experts de demander plus d'informations concernant les poursuites entamées contre la DISK au sujet de l'élection de ses représentants.

Le fait que les travailleurs doivent inscrire leur affiliation ou désaffiliation auprès d'un notaire constitue une autre restriction. Bien que cette condition n'existe plus pour ceux désirant s'affilier à des syndicats, elle existe toujours pour les désaffiliations et constitue un obstacle pour les travailleurs qui souhaitent s'affilier à un autre syndicat. En ce qui concerne la condition requérant la présence d'un observateur du gouvernement au congrès des syndicats, cette restriction est surprenante, puisque les membres du gouvernement devraient plutôt s'occuper des défis que présente la croissance économique. Parmi les autres violations de la convention: l'interdiction, pour un dirigeant syndical, de continuer ses activités s'il se porte candidat à des élections politiques est une autre infraction à la convention; l'obligation pour les fonctionnaires d'effectuer une probation avant d'adhérer au syndicat des fonctionnaires; l'exclusion des dirigeants syndicaux qui auraient violé la loi relative aux élections syndicales ainsi que la détermination des branches d'activités économiques par le ministère. Tout ceci constitue de sérieuses violations et entraves à la démocratie syndicale.

Le gouvernement est capable d'impulser des changements quand il le souhaite, comme le montrent les réformes - y compris des réformes sur des sujets difficiles et sensibles - qu'il a entreprises pour satisfaire les demandes en vue de l'accession à l'Union européenne. Le gouvernement bénéficie aussi d'une majorité au parlement et est en bonne position pour apporter des changements, s'il avait la volonté politique d'assumer ses obligations.

Le gouvernement ayant indiqué son intention de modifier la législation, il ne lui serait pas difficile de déclarer un moratoire sur les poursuites engagées contre les dirigeants syndicaux en vertu des lois mentionnées plus haut. Un tel moratoire démontrerait le sérieux et la sincérité du gouvernement dans son désir d'appliquer la convention. L'oratrice a exhorté le gouvernement à considérer cette proposition. Cependant, le moratoire proposé ne serait qu'un premier pas vers la mise en conformité. Afin d'appliquer pleinement la convention, le gouvernement a besoin de réviser sérieusement sa législation conformément aux recommandations de la commission d'experts. Le gouvernement doit le faire de toute urgence.

Le représentant gouvernemental a observé, en ce qui concerne les actes de violence antisyndicaux, que la Turquie possède une législation régissant les manifestations et les marches, qui établit certaines limites à ce droit. Le pays est parfois sujet à des troubles politiques durant lesquels ces limites sont franchies, ce qui amène les autorités à imposer les mêmes sanctions à tous les contrevenants, fussent-ils membres de syndicats ou non.

En ce qui concerne les projets de loi qui doivent encore être adoptés, leur élaboration s'est faite avec la participation des partenaires sociaux et le gouvernement s'est attaché à obtenir un consensus parmi ces derniers, même en ce qui concerne les sujets où un tel consensus n'existait pas. Le ministère est actuellement en train de procéder à l'inscription de ces projets sur l'agenda parlementaire.

Concernant l'ingérence dans les affaires concernant les statuts des syndicats, auxquelles certains orateurs précédents ont fait allusion, les dispositions types en la matière visent à améliorer l'harmonie et la transparence de ces statuts et concernent uniquement la domiciliation des organisations ou le nombre de leurs membres. Le gouvernement ne dicte, par conséquent, pas le contenu des statuts des organisations syndicales. Certains autres sujets évoqués ont été traités précédemment. Ainsi, la nécessité d'avoir été employé pendant dix années avant de pouvoir être élu à des fonctions de dirigeant syndical a été supprimée de la Constitution et de la législation. La loi sur les associations a, quant à elle, été assouplie et le projet actuel ne requiert plus la présence d'un observateur gouvernemental aux assemblées générales des syndicats. Les syndicats disposent de davantage de liberté dans leurs activités à l'international, notamment d'ouvrir des bureaux à l'étranger et de s'affilier à des organisations internationales. La seule exigence en la matière est d'aviser les gouverneurs des provinces et des districts concernant la réception d'aides en provenance de l'étranger. En ce qui concerne l'interdiction pour les dirigeants syndicaux de rechercher des mandats électifs, cela découle de l'article 82 de la Constitution qui classe les activités syndicales parmi les emplois incompatibles avec l'exercice d'activités politiques.

En ce qui concerne le droit de grève dans le secteur public, un nombre considérable d'employés de ce secteur sont engagés en vertu de contrats de travail dans les mêmes conditions que les employés du secteur privé, y compris en ce qui concerne le droit de grève. Le cas de la compagnie aérienne turque en constitue une belle illustration. Là où l'interdiction des grèves existe, des arrangements alternatifs sont mis en place, comme en témoigne la procédure d'arbitrage obligatoire mise en place en faveur de certaines catégories d'employés, comme les pompiers. La période de négociation collective que les parties doivent respecter avant de recourir à la grève a également été raccourcie de soixante à trente jours.

Des informations concernant les projets de lois ont été communiquées à la commission d'experts. En ce qui concerne les commentaires transmis par l'organisation DISK concernant la double exigence requise pour avoir la capacité de négocier collectivement, le gouvernement est prêt à modifier les 10 pour cent requis, mais le mouvement syndical turc a refusé de soutenir l'abrogation de cette disposition, si bien qu'aucun consensus n'a pu être trouvé. Les projets de lois ont néanmoins levé cette exigence et il est à espérer qu'ils seront prochainement adoptés.

Concernant l'économie informelle, tous les travailleurs bénéficiant d'un contrat de travail, que ce soit dans le secteur informel ou ailleurs, ont le droit de s'affilier à des syndicats car la loi sur les syndicats n'exige pas la communication d'un numéro de sécurité sociale afin de pouvoir devenir membre d'une telle organisation. Le problème ici est plutôt de nature logistique dans la mesure où le système informatique utilisé par le ministère du Travail pour déterminer la position majoritaire d'un syndicat peut seulement enregistrer des membres de syndicats ayant un numéro d'assurance sociale. Les syndicats devraient à cet égard organiser les travailleurs du secteur informel et les aider à s'affilier au système d'assurance sociale jusqu'à ce que le ministère puisse procéder à la modification du système informatique actuel. En outre, la nécessité de s'enregistrer auprès d'un notaire est actuellement en train d'être supprimée et il est à espérer qu'un consensus pourra être trouvé en la matière.

Il est, par ailleurs, incorrect d'affirmer que le ministère détermine la délimitation des différents secteurs d'activité économique. Cette procédure est régie par la loi dans le respect de facteurs parmi lesquels les normes internationales du travail. La manière dont le ministère détermine quels syndicats appartiennent à quel secteur économique fait l'objet des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, et des voies de recours existent à l'encontre des décisions ministérielles prises en ce domaine.

En ce qui concerne la durée excessive des procédures judiciaires, dire qu'il faut compter trois à sept ans avant qu'une décision soit rendue est exagéré. Il existe des textes normatifs spécifiant des délais précis devant être respectés à chaque stade de la procédure, entre le jugement et l'appel. Il est, à cet égard, plus exact de dire qu'il faut compter en la matière sur des procédures durant de six à sept mois.

Pour conclure, l'orateur a observé que, en ce qui concerne le cas Egitim-Sen mentionné précédemment, ce syndicat avait été dissous en raison d'une disposition dans ses statuts relative à l'éducation dans la langue maternelle et pouvait, à présent, de nouveau opérer normalement après avoir amendé lesdits statuts.

Les membres employeurs ont déclaré que le gouvernement a confirmé l'impression qu'ils avaient au début de la séance, selon laquelle ce cas serait compliqué. Il est bien entendu nécessaire que le gouvernement fasse rapport sur les remarques finales qui viennent d'être formulées par le représentant gouvernemental, mais il faut aller plus loin. Le gouvernement a indiqué, dans ses remarques finales, que de nombreux problèmes pourraient être résolus avec l'établissement d'un consensus social. L'orateur a toutefois souligné que le consensus social n'implique pas nécessairement le respect des normes internationales du travail. Il est urgent que le gouvernement clarifie les dispositions de la législation, de telle sorte que la commission d'experts puisse réellement identifier les lacunes de la législation turque par rapport aux exigences de la convention.

Les membres travailleurs ont fait part de leur frustration devant les déclarations du représentant gouvernemental. Le manque de progrès tangibles de ce cas est patent et il est inacceptable. Le gouvernement annonce une série d'amendements à la législation qu'il présente comme des progrès. Il se réfère, par exemple, à un amendement législatif, selon lequel les membres des syndicats ne seraient plus soumis à l'obligation d'être employés au minimum dix ans dans la même branche d'activité pour être candidats à des postes de direction dans les organes exécutifs de leur syndicat. Or cette disposition, qui se trouvait dans la Constitution, a été abrogée mais elle a été maintenue dans la loi sur les syndicats, sur laquelle s'est fondé le procès contre la DISK. Le statut exact de ces amendements n'est cependant pas clair et la commission ne saurait prendre simplement acte de ces changements. Le gouvernement doit donc absolument fournir ces textes afin que la commission d'experts les examine et que la présente commission évalue l'année prochaine s'il y a réellement eu progrès. Pour le moment, la législation critiquée est toujours en vigueur et il est incompréhensible que ce cas ait été mentionné par la commission d'experts dans son rapport comme un cas de progrès.

Les membres travailleurs ont indiqué qu'en l'absence de réel progrès l'année prochaine ils proposeront de placer les conclusions que cette commission adopterait dans un paragraphe spécial de son rapport. Par ailleurs, le gouvernement devrait inviter une mission de haut niveau du Bureau pour l'aider à prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires afin de mettre sa législation en conformité avec la convention.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et du débat qui a suivi. La commission a fait observer que les commentaires de la commission d'experts faisaient référence à un certain nombre de divergences entre la législation et la convention concernant, d'une part, le droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s'y s'affilier et, d'autre part, le droit des organisations de travailleurs, du secteur public et du secteur privé, de rédiger leurs statuts et leurs règlements pour élire librement leurs représentants et d'organiser leurs activités, sans ingérence d'aucune sorte des autorités. La commission a pris note que plusieurs organisations nationales de travailleurs avaient également présenté des observations concernant l'application de la convention, portant également sur les allégations d'ingérence du gouvernement dans les activités syndicales, la violence policière et les arrestations de syndicalistes.

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles: l'article 3 a) de la loi no 4688 a été modifié le 4 avril 2007 afin de permettre que les employés du secteur public ayant des contrats de travail à durée déterminée (dénommés personnel contractuel) s'affilient aux syndicats des fonctionnaires; une réforme du personnel du secteur public, à caractère prioritaire, a été entreprise de manière à ce que les fonctionnaires au sens strict du terme soient définis avec précaution et différenciés des autres employés du secteur public en ce qui concerne les restrictions au droit de grève; un avant-projet de loi, ayant pour objet de modifier la loi no 2822 et prévoyant la suppression de l'interdiction du droit de grève dans certains emplois ou services, a été élaboré; le verdict final de la Cour de cassation du 22 décembre 2004 a mis fin aux procédures ouvertes contre la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK); l'exigence d'être un travailleur actif durant dix années avant de pouvoir être élu membre des comités exécutifs des syndicats a été abrogée par la loi no 5675 du 26 mai 2007; la poursuite du travail conjoint des partenaires sociaux au sein du Conseil consultatif tripartite a été proposée.

Tout en prenant note de l'information du gouvernement concernant certaines des mesures prises dans le but d'améliorer l'application de la convention, la commission a exprimé ses doutes quant à la situation actuelle et au contenu des lois récemment adoptées. Elle a regretté que ces mesures soient insuffisantes compte tenu du fait qu'à de nombreuses occasions cette commission et la commission d'experts avaient recommandé au gouvernement d'adopter rapidement des mesures pour rendre la législation et la pratique conformes aux dispositions de la convention.

La commission a profondément regretté que le gouvernement n'ait pas encore fourni d'information en réponse aux allégations graves portant aussi bien sur la violence policière et les arrestations de syndicalistes que sur l'ingérence du gouvernement dans les activités des syndicats, notamment l'interdiction de brochures et d'affiches à caractère syndical, présentées à la commission d'experts. La commission a souligné que le respect des libertés civiles fondamentales constituait une condition essentielle pour l'exercice de la liberté syndicale et a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un climat exempt de violence, de pressions ou de menace de telle sorte que les travailleurs et les employeurs puissent, conformément à la convention, exercer pleinement et librement leurs droits. La commission a prié instamment le gouvernement de fournir cette année dans son rapport des réponses détaillées à ces allégations ainsi que sur les mesures adoptées pour garantir le respect des principes fondamentaux mentionnés.

Elle lui a également demandé de communiquer, dans son prochain rapport, des informations complètes et détaillées sur toutes les questions pendantes et d'envoyer tout texte législatif pertinent. La commission a exprimé l'espoir que des progrès significatifs, portant sur la mise en pleine conformité de la législation et de la pratique avec la convention, seront prochainement réalisés. La commission a demandé au gouvernement d'accepter une mission de haut niveau de l'OIT afin de l'aider à prendre les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec les dispositions de la convention.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2005, Publication : 93ème session CIT (2005)

Un représentant gouvernemental a d'abord rappelé que, cette année, la commission d'experts avait trouvé intéressantes plusieurs mesures prises par son pays pour mettre en œuvre la convention no 87, et qu'elle s'en était félicitée. A cet égard, plusieurs amendements législatifs ont été préparés avec la participation active des partenaires sociaux. La commission d'experts a par ailleurs soulevé un certain nombre de questions pour lesquelles elle a demandé des informations complémentaires sur l'application de la convention. Il convient donc de répondre à cette demande.

S'agissant de la "période probatoire" requise pour les fonctionnaires et du champ d'application de la loi no 4688, l'orateur a indiqué que cette loi a été modifiée par la loi no 5198 grâce au dialogue social. Lors d'une réunion récente du Comité consultatif tripartite, il a été décidé que l'on continuerait à travailler à partir du nouveau projet, et il est prévu de supprimer la période probatoire et d'élargir le champ d'application de la loi en ce qui concerne les catégories qui ont le droit de se syndiquer. Par ailleurs, il est faux d'affirmer que les fonctionnaires, qui sont de plus en plus souvent employés dans le cadre de contrats à durée déterminée, sont exclus du champ d'application de la loi no 4688. Ces employés ont les mêmes droits syndicaux que leurs homologues du secteur privé. De plus, il est prévu de supprimer certaines restrictions contenues à l'article 15 afin de limiter, dans la mesure du possible, les exceptions qui concernent les positions de confiance.

S'agissant des critères utilisés par le ministère du Travail pour déterminer le secteur d'activité dont relève un établissement et des critiques formulées à cet égard et selon lesquelles cela pourrait empêcher les travailleurs de s'affilier aux syndicats de leur choix, des clarifications doivent être faites. Afin de prévenir les conflits, la loi no 2821 prévoit des délimitations prudentes des secteurs d'activité en tenant compte des normes internationales. Dans le cas exceptionnel d'un conflit entre syndicats concernant la délimitation, il incombe au ministère du Travail, à la demande des parties, de procéder à la détermination, et sa décision peut faire l'objet d'un recours en appel devant les tribunaux. En Turquie, pour déterminer les secteurs d'activité, des critères objectifs sont utilisés afin de maintenir un système de négociation collective valable et efficace qui permette aux travailleurs de s'affilier librement à tout syndicat constitué dans le secteur d'activité correspondant. Dans le cas de Dok GemIs, un conflit de juridictions a conduit à un transfert de compétences entre deux syndicats, les travailleurs restant libres de s'affilier aux autres syndicats du secteur ou de constituer un nouveau syndicat.

Pour répondre à la demande d'information de la commission d'experts sur la proposition de fusionner certains secteurs, il faut signaler que l'objectif est là aussi de rationaliser les structures conformément aux normes internationales et d'éviter le chevauchement d'activités. A titre d'exemple, les secteurs sucrier et alimentaire, les secteurs routier et autoroutier et les transports maritime et aérien, qui relèvent actuellement de différents secteurs, feront l'objet de fusions sur la base de critères objectifs tels que la structure des secrétariats de syndicats internationaux. Si des mises en examen ont eu lieu, elles seront sans effet négatif sur le droit syndical des travailleurs qui, une fois encore, sont libres de s'affilier aux organisations de leur choix. La commission d'experts a estimé que les modifications proposées, qui visent à regrouper certains secteurs afin de préciser la nature et les compétences des syndicats sectoriels, "n'étaient pas en soi incompatibles avec la convention".

S'agissant des commentaires de la commission d'experts selon lesquels plusieurs dispositions des lois nos 2821, 2822 et 4688 réglementent trop précisément les affaires intérieures des syndicats, et qu'une telle situation pourrait donner lieu à une ingérence indue des pouvoirs publics, il faut souligner que les procédures envisagées ne remettent pas en cause l'indépendance des organisations, mais qu'elles sont censées donner des orientations pour veiller au fonctionnement démocratique des syndicats, assurer la transparence de leurs activités et protéger les droits de leurs membres.

Concernant l'observation de la commission d'experts selon laquelle l'article 10 de la loi no 4688 donne le pouvoir aux ministères et aux membres d'un syndicat de s'adresser aux juridictions pour demander la destitution des dirigeants syndicaux qui enfreignent les dispositions sur les élections syndicales, il a déclaré que la décision finale appartenait aux juridictions et qu'en pratique ce sont principalement les membres des syndicats qui utilisaient cette procédure. Le but est une nouvelle fois de protéger les droits des membres syndicaux et de sauvegarder la démocratie syndicale. Le Comité consultatif tripartite a néanmoins décidé d'examiner cette question ultérieurement.

S'agissant du commentaire de la commission d'experts selon lequel la loi no 4688 maintient la restriction relative à la suspension du mandat des dirigeants syndicaux candidats lors d'élections locales ou générales et à la révocation de ces derniers en cas de non-élection, l'orateur a déclaré que ce commentaire reposait sur un malentendu. Les fonctions des dirigeants concernés se terminent, en pratique, s'ils sont élus et non s'ils perdent les élections. Cette disposition de la loi est basée sur un article de la Constitution et le Comité des académiciens cherche actuellement une solution appropriée.

En ce qui concerne le commentaire de la commission d'experts selon lequel l'article 35 de la loi no 4688 ne fait pas mention du droit de grève dans le secteur public, l'orateur a indiqué que les travailleurs engagés par un contrat de travail dans le secteur public jouissent du droit de grève de la même façon que les travailleurs du secteur privé. Il doit néanmoins être rappelé que, selon les termes de la convention, le droit de grève des fonctionnaires n'a pas été résolu dans le contexte de l'OIT. Malgré cela, pour tenir compte du point de vue de la commission d'experts qui estime que le droit de grève dans le secteur public ne peut être limité que pour les fonctionnaires engagés dans l'administration de l'État, le gouvernement a toutefois lancé une réforme cherchant à définir de façon plus stricte la notion de "fonctionnaire" et établir une distinction entre les fonctionnaires, d'une part, et les autres employés du secteur public, d'autre part. En tenant compte des commentaires de la commission d'experts, la question du droit de grève des autres employés du secteur public sera abordée, bien que cela nécessite en principe un amendement constitutionnel. L'orateur s'est engagé à tenir le BIT informé sur tous les progrès réalisés à cet égard.

S'agissant des restrictions contenues dans les dispositions de la loi no 2822 relatives au droit de grève, le projet de loi modifiant l'article 29 de cette loi a introduit des progrès significatifs en supprimant notamment certaines professions ou services pour lesquels le droit de grève n'est actuellement pas autorisé, y compris dans les centrales électriques alimentées par le lignite, les services bancaires, les services notariaux publics et le transport urbain, routier, ferroviaire et maritime. Le retrait de la restriction du droit de grève dans la production, le raffinage et la distribution du gaz naturel, du gaz de ville et du pétrole a également fait l'objet d'un débat du Comité des académiciens. La priorité a été donnée dans ce cas à l'extension du droit de grève aux travailleurs des établissements dans lesquels ce droit était anciennement interdit.

En ce qui concerne les limitations de la pratique des piquets de grève, l'orateur a déclaré que la suppression de certaines restrictions, comme l'interdiction de fournir des abris aux personnes participant aux piquets de grève devant les installations concernées et autour, était au programme des réformes du gouvernement.

S'agissant du commentaire de la commission d'experts selon lequel il existe un préavis de grève excessivement long, la période de temps envisagée correspond à la durée maximale et elle est prévue pour fournir de la flexibilité aux parties. Le projet de loi envisage une procédure de médiation plus simple et plus souple qui devrait raccourcir la durée du préavis de grève.

Concernant l'interdiction de l'occupation du lieu de travail et des grèves à des fins politiques, générales et de solidarité, l'orateur a mentionné que ces restrictions proviennent de l'article 54 de la Constitution. De plus, la légalité de certaines catégories d'actions syndicales auxquelles la commission d'experts se réfère, y compris les boycottages secondaires, les grèves générales et l'occupation du lieu de travail, est controversée chez les universitaires et n'est pas partagée par tous les systèmes juridiques.

S'agissant du commentaire selon lequel la loi no 2822 prévoit des sanctions lourdes en cas de participation aux grèves illégales, les dossiers ne contiennent aucune information relative à des syndicalistes condamnés pour ce type d'activité. Le Comité des académiciens a effectué des recherches dans ce domaine et le Comité consultatif tripartite se penchera bientôt sur cette question. Concernant l'application de l'article 312 du Code pénal aux syndicalistes dans l'exercice légitime de leurs activités, les sanctions pénales applicables en cas de violation de la loi sont clairement spécifiées par l'article 59 de la loi no 2821. Jusqu'à présent, le ministre du Travail n'a pas eu connaissance de jugements ou de condamnations de syndicalistes sur la base de ces dispositions. La manière selon laquelle pourraient être conclus des accords collectifs dans les établissements qui ne reconnaissent toujours pas le droit de grève fait toujours l'objet de discussions importantes.

Quant au procès intenté contre la DISK, l'exigence des dix ans d'ancienneté pour constituer un syndicat, exigence prévue par la Constitution, a été supprimée par amendement constitutionnel. De plus, le Comité des académiciens a décidé de modifier la loi no 2821 sur ce point. Il faut mentionner à ce sujet que le ministère n'a intenté aucune action contre les responsables de la DISK pour ces motifs mais certains responsables ont été démis de leurs fonctions car ils ne remplissaient pas l'exigence d'ancienneté.

Pour conclure, il faut souligner à nouveau que la Turquie a réalisé des progrès importants pour mettre sa législation en conformité avec les normes de l'OIT, progrès que la commission d'experts a soulignés avec satisfaction. A cet égard, l'orateur s'est félicité du rôle de pionnier joué par l'OIT, qui a encouragé son pays à mettre en place des initiatives pour se rapprocher de l'Union européenne. Les commentaires de la commission d'experts ont orienté l'action menée par la Turquie pour aligner sa législation du travail sur les normes de l'Union européenne. La Turquie est déterminée à poursuivre ses efforts pour atteindre cet objectif.

Les membres travailleurs ont remercié le gouvernement pour les informations détaillées qu'il a fournies et qui devront être examinées par la commission d'experts. Le contexte entourant ce cas est positif. La Turquie a entrepris des efforts de réformes sérieux et réalisé des progrès significatifs concernant les normes internationales et européennes relatives aux droits de l'homme et à l'état de droit. Bien que la plupart des changements positifs soient survenus dans la législation et qu'il existe souvent un écart entre la loi et sa mise en application en pratique, le gouvernement a un bilan remarquable qui suscite des attentes. Les membres travailleurs reconnaissent le travail effectué par le gouvernement concernant les questions faisant l'objet de discussions devant la commission, mais insistent sur le fait qu'il doit faire davantage. Les insuffisances concernant l'application de la convention no 87 ne peuvent être ignorées, surtout que la Turquie a un lourd passif en ce qui concerne les violations des droits syndicaux fondamentaux. Signalant que la plupart des violations incarnées par la loi sont les vestiges du régime militaire en place au cours des années quatre-vingt, les membres travailleurs rappellent que l'OIT a critiqué la situation en Turquie à de nombreuses reprises au cours des vingt-cinq dernières années, avant même que le pays ne ratifie les conventions nos 87 et 98. Les membres travailleurs regrettent que le gouvernement suive une tactique visant à repousser dans le temps le moment où il remédiera aux graves insuffisances de la législation concernant les syndicats et les relations du travail. La capacité d'agir qu'a démontrée le gouvernement au cours des deux dernières années concernant d'autres situations problématiques, par exemple la mise en œuvre des acquis européens en matière de politique sociale ou les réformes visant à faire passer l'armée sous contrôle démocratique, est frappante. Il est, en conséquence, difficile de croire que le gouvernement a été incapable, pendant des décennies, d'amender la législation pertinente quant à des problèmes clairs et pour la résolution desquels l'OIT a envoyé plusieurs missions d'assistance technique. Les membres travailleurs expliquent plutôt la perpétuation de cette situation par le manque de volonté politique du gouvernement et la faible importance donnée, jusqu'ici, aux problèmes dont il est question.

Les membres travailleurs ont souligné que le fait que la commission n'ait pas examiné ce cas depuis 1997 ne signifie pas que tous les problèmes ont été résolus. Dans son rapport, la commission d'experts n'a exprimé sa satisfaction qu'à propos d'un point spécifique, l'abrogation d'une disposition rendant l'arbitrage obligatoire dans les zones franches d'exportation. Rappelant que la commission d'experts a également pris note avec intérêt de six projets d'amendement concernant les lois nos 2821 et 2822, les membres travailleurs ont souligné qu'il ne s'agit en fait que d'améliorations potentielles, puisque les textes en question n'ont pas encore été adoptés. Il n'est pas courant que la commission d'experts analyse et formule des commentaires si fermes sur la base d'une législation qui n'est qu'à l'état de projet. Il conviendrait également de noter que, selon les experts, certaines dispositions critiquables ont parfois été abrogées là pour être réintroduites ailleurs. De plus, la commission d'experts a continué de soulever un certain nombre d'interrogations sur plusieurs questions: 1) le droit de certaines catégories de fonctionnaires de se syndiquer; 2) la détermination par le gouvernement des branches d'activité, ce qui est la base de l'organisation syndicale; 3) diverses dispositions qui concernent le fonctionnement interne des syndicats; 4) la suspension des instances dirigeantes d'un syndicat en cas de non-respect de prescriptions gouvernementales concernant le fonctionnement interne des syndicats; 5) le droit de grève, dans le service public et hors de celui-ci.

Les restrictions extrêmement poussées des droits syndicaux, y compris du droit de grève, à l'égard des fonctionnaires et agents des services publics, sont une question très grave. A la base, le problème réside dans la définition de la notion de fonctionnaire, beaucoup plus large que ce que ne prévoit la convention, laquelle n'envisage de restrictions au droit de grève qu'à l'égard des fonctionnaires qui exercent une autorité au nom de l'État et de ceux qui appartiennent à des services essentiels au sens strict du terme. L'étude de la définition de la notion de fonctionnaire, que le gouvernement a annoncée, demandera naturellement du temps, mais cela ne devrait pas servir d'excuse pour continuer à perpétrer des violations qui portent sur des libertés syndicales fondamentales. Les membres travailleurs ont prié instamment le gouvernement de confirmer son intention de modifier la législation en question dans un proche avenir de manière à la rendre conforme à la convention.

La question de la définition des branches d'activité revêt une importance particulière pour les travailleurs, s'agissant de l'exercice de leur droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier. Sur la base de la législation actuelle, les travailleurs sont tout simplement exposés à voir leur syndicat disparaître inopinément. De ce point de vue, les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement n'apporte aucun élément concernant le cas du Comité de la liberté syndicale no 2126, auquel la commission d'experts se réfère dans son rapport.

Avec la législation actuelle, il existe d'innombrables moyens, pour les autorités publiques, d'intervenir dans les affaires internes des syndicats. Cette législation comporte en effet de nombreuses prescriptions détaillées et inutiles sur la façon dont les syndicats doivent fonctionner. Ces prescriptions rappellent tristement les années de la dictature militaire, où les syndicats étaient alors perçus comme des organisations subversives dangereuses. La Constitution nationale, rédigée par le régime de l'époque, contenait de nombreuses dispositions antisyndicales. La plupart ont été abrogées mais, hélas, nombre d'entre elles existent encore dans la législation, tirant leur origine dans ces dispositions constitutionnelles. L'argument du gouvernement selon lequel ces dispositions législatives sont destinées à soutenir le fonctionnement démocratique des syndicats est irrecevable et absurde. Les membres travailleurs prient instamment le gouvernement de modifier rapidement la législation en question. De plus, il le prie instamment de mettre un terme à l'ouverture de procédures judiciaires contre les syndicats sur la base de cette législation, et notamment de mettre un terme aux poursuites engagées contre la DISK sur le fondement de l'article 54 de la loi sur les syndicats, comme mentionné par la commission d'experts. Heureusement, la DISK a récemment été acquittée.

Les membres travailleurs ont également souligné que les problèmes qui se posent en Turquie à propos de l'application de la convention ne concernent pas que les aspects juridiques mais touchent aussi à des violations dans la pratique. Certaines se produisent régulièrement, comme en attestent les nombreuses observations de syndicats et les nombreux cas de liberté syndicale auxquels la commission d'experts se réfère dans son observation. A cet égard, les membres travailleurs ont signalé que les travailleurs turcs ne peuvent changer de syndicat que moyennant un acte notarié d'un coût de 40 euros. Une telle pratique devrait être abolie sans attendre. De plus, pour faire suite aux commentaires de la commission d'experts concernant les restrictions à la liberté d'association dans les quatre provinces du sud-est du pays, les membres travailleurs ont signalé qu'une procédure est en cours à l'encontre de EGITIM-SEN, un syndicat d'enseignants, sur la présomption d'atteintes à la Constitution et à la loi sur les syndicats ce qui pourrait entraîner la dissolution du syndicat. La commission d'experts devrait suivre cette question et la Commission de la Conférence devrait en être saisie à nouveau après avoir donné son opinion.

En conclusion, les membres travailleurs ont pris acte avec intérêt de certains progrès. Mais ces progrès sont modestes et ils doivent encore pratiquement tous se concrétiser dans la mesure où ils ne consistent qu'en projets de lois. Le gouvernement ne s'est attaqué que très lentement aux déficiences de la législation syndicale et du travail, alors que l'action gouvernementale en la matière n'est qu'une question de priorité et de volonté politique. Les membres travailleurs ont appelé instamment le gouvernement à prendre résolument l'engagement d'agir sans retard et selon les orientations préconisées par la commission d'experts. Ils ont également demandé que le gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour mettre un terme à l'ouverture de toute nouvelle procédure fondée sur des articles à caractère antisyndical de la Constitution qui ont été abrogés, jusqu'à ce que la législation syndicale soit rendue conforme à la convention no 87. La commission devrait souligner à la fois les progrès et les retards de la législation turque sur les syndicats et les relations du travail et inciter le gouvernement à rendre cette législation conforme à la convention avec la même détermination que celle dont il a fait preuve dans le cadre des réformes engagées dans d'autres domaines, telles que la demande d'adhésion à l'Union européenne.

Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations qu'il a fournies et précisé que, compte tenu de leur complexité, certaines d'entre elles ne pourront faire l'objet de commentaires de leur part tant qu'elles n'auront pas été examinées par la commission d'experts. Le rapport de la commission d'experts fournit quelques indications positives concernant ce cas. Au paragraphe 38 du rapport, la commission d'experts a inclus la Turquie dans la liste des pays où des progrès avaient été constatés. Qui plus est, la commission d'experts note avec intérêt dans son observation que certaines mesures concernant dix points significatifs sont en voie d'être adoptées: plusieurs dispositions ont été mises en vigueur, d'autres sont actuellement étudiées, et un comité d'universitaires a été mis sur pied pour préparer des projets de législation.

Néanmoins, la commission d'experts a clairement identifié certaines difficultés concernant d'autres points. A cet égard, les membres employeurs tiennent à souligner que, bien qu'il soit reconnu que le gouvernement a adopté des mesures significatives pour mettre sa législation en conformité avec la convention, il est important que le gouvernement poursuive ses efforts en prenant les mesures additionnelles qui s'imposent. Ils accueillent comme un signe positif le fait que le gouvernement ait manifesté sa compréhension des mesures qui restent à prendre pour remédier à la situation, de même que son apparente volonté politique d'agir en conséquence. Les questions qui demeurent sont, tel qu'il ressort du rapport de la commission d'experts et de la réponse du gouvernement, complexes et circonstanciées. La Commission de la Conférence n'a pas les compétences nécessaires à la résolution de telles questions et aura besoin de l'aide de la commission d'experts à cet égard. De plus, constatant que les questions touchant à l'application pleine et entière de la convention présentent un degré de précision et de détail particulièrement élevé, les membres employeurs se demandent si cette situation reflète bien les finalités sous-jacentes à l'adoption de la convention.

Les membres employeurs concluent en rappelant que ce cas constitue, tel que l'a noté la commission d'experts, un cas de progrès dans l'application de la convention. Ils indiquent également que le gouvernement devrait fournir à la commission d'experts, dans un rapport écrit, des informations détaillées expliquant la situation en vigueur dans le pays et permettant à la Commission de la Conférence de revenir sur ce cas dans le futur.

Le membre travailleur de la Turquie a indiqué que des améliorations notables ont été prises pour mettre la législation en conformité avec la convention. Certains des obstacles restants et empêchant une mise en œuvre totale de la convention disparaîtront avec l'adoption des deux projets de loi. Les partenaires sociaux ont été consultés afin d'harmoniser le droit du travail avec les normes de l'OIT et de l'Union européenne. Néanmoins, des préoccupations demeurent. Le gouvernement, qui avait initialement décidé que l'article 37 de la loi no 2821 sur les syndicats qui prévoit la suspension ou la destitution d'un dirigeant syndical en cas de candidature à des élections locales ou générales ou en cas d'élection, respectivement, serait modifié, a décidé que cet article serait maintenu. L'article 37 reste donc inchangé dans le projet de loi. De plus, la loi no 3984 interdit aux syndicats de créer leurs propres stations de télévision ou de radio alors même que les médias audiovisuels constituent le moyen la plus efficace pour les syndicats de se faire entendre. En outre, en 2003, une grève dans l'usine de fabrication de verre Pa abahçe a été reportée à deux reprises, en vertu de l'article 33 de la loi no 2822, qui prévoit un report de soixante jours lorsqu'une grève risque de porter atteinte à la santé publique et la sécurité nationale. L'intervenant a soulevé des doutes sur le fait qu'une grève dans une usine de fabrication de verre puisse menacer la sécurité nationale. De plus, un nouveau et efficace système de résolution des conflits collectifs est nécessaire dans la mesure où le système actuel prévoit que le droit de grève ne peut s'exercer avant l'expiration d'un délai de cinq mois qui comprend une phase de médiation qui doit débuter trente jours après le début des négociations. Comme pour le cas EGITIM-SEN mentionné par les membres travailleurs dans leur discours introductif, il est nécessaire, avant de débattre ici sur le fait qu'il y ait ou non une violation de la convention, d'attendre les commentaires de la commission d'experts sur ce point qui concerne la Constitution turque et l'indépendance du système judiciaire. L'intervenant a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation nationale soit modifiée le plus rapidement possible conformément à l'engagement pris ici.

Le membre employeur de la Turquie a déclaré que, comme l'a reconnu la commission d'experts, il y a eu des progrès en Turquie au cours des vingt dernières années. Le ministre du Travail et de la Sécurité sociale et les partenaires sociaux ont conclu, en 2001, un protocole visant à moderniser la législation du travail. Un comité d'universitaires a été constitué pour préparer un projet de loi sur les syndicats et un projet de loi sur les accords collectifs de travail, la grève et le lock-out. Bien que les projets de loi préparés reflètent un équilibre entre les intérêts des partenaires sociaux, la commission d'experts a conclu que certains de leurs aspects étaient incompatibles avec les critères de l'OIT. Malencontreusement, les textes visés par les commentaires de la commission d'experts ne se fondent pas sur la version des projets de loi la plus récente. Tels qu'ils sont actuellement rédigés, les projets de loi ne contiennent plus: les interdictions relatives au droit de grève dans le secteur bancaire et pour les notaires et celles relatives au droit des syndicats de détenir leur propre station de radio ou de télévision; l'exigence de détenir la nationalité turque ou une ancienneté dans l'emploi d'au moins dix ans pour pouvoir être élu en tant que dirigeant syndical; la possibilité que les gouverneurs envoient des observateurs aux réunions des syndicats; l'obligation d'obtenir une autorisation avant d'inviter un syndicaliste étranger en Turquie ou pour qu'un syndicaliste turc puisse voyager à l'étranger. Le comité d'universitaires mis sur pied par les partenaires sociaux et le gouvernement a toujours pris en considération les commentaires de la commission d'experts. La Commission de la Conférence devrait demander au gouvernement de fournir les plus récentes versions des projets de loi. L'article 312 du Code pénal a été amendé et ne fait plus référence aux activités syndicales. En conclusion, l'orateur indique que la situation en Turquie n'est pas préoccupante. Un accord tripartite a été conclu pour poursuivre le développement des actuels projets de loi et une réforme majeure du droit collectif du travail devrait être approuvée lors de la prochaine période législative.

La membre gouvernementale de Cuba a signalé que les explications fournies par le gouvernement ont permis d'éclaircir certaines des questions soulevées par la commission d'experts. Elle rappelle que la commission d'experts a noté avec satisfaction les amendements à la loi no 4688 et, avec intérêt, les modifications importantes aux lois nos 2821 et 2822. S'agissant de la nécessité de clarifier sa législation, le gouvernement a également fait preuve de collaboration par le biais des projets de loi qui font actuellement l'objet de consultations.

Le membre travailleur du Pakistan a pris note de l'évolution positive de la situation en Turquie concernant le droit fondamental à la liberté syndicale et qui découle de la décision du gouvernement de modifier les lois nos 2821 et 2822: cette décision avait pour but d'assurer que les commentaires faits par la commission d'experts dans son observation soient appliqués en droit et en pratique. L'orateur met toutefois l'accent sur la nécessité que le gouvernement fasse davantage afin de mettre sa législation en pleine conformité avec la convention et prie instamment celui-ci de rectifier la situation le plus rapidement possible.

Le représentant gouvernemental a remercié les membres de la commission pour leur précieuse contribution à la discussion. Durant ces vingt dernières années, la législation turque a fait l'objet de discussions et de critiques. L'intervenant a noté avec satisfaction que ces critiques se sont atténuées ces cinq dernières années, comme l'a indiqué la commission d'experts. Concernant l'avancée de la réforme législative, le gouvernement est déterminé à agir. Un comité, constitué de trois experts universitaires, a été mis en place afin de modifier les lois concernant la liberté syndicale et la négociation collective. Ce comité d'universitaires a fait des propositions qui seront discutées avec les partenaires sociaux les 16, 17 et 18 juin 2005. Les propositions ainsi finalisées feront l'objet d'une consultation tripartite en septembre 2005. L'intervenant a ajouté que la procédure législative est basée sur le dialogue tripartite.

Concernant les questions spécifiques soulevées durant la discussion, l'intervenant a souligné que l'adoption du projet de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822 a été suspendue du fait de l'adoption entre-temps d'autres instruments: la loi sur les associations et le Code pénal, dont il a fallu étudier avec attention les dispositions afin de les harmoniser avec celles du projet de loi susmentionné. Par exemple, la nouvelle loi sur les associations abroge les dispositions prévoyant la présence d'un observateur gouvernemental lors des assemblées générales des associations. Le Code pénal prévoit des peines allant jusqu'à l'emprisonnement pour les actes de discrimination commis à l'encontre des syndicats. Le processus d'analyse et d'harmonisation des textes législatifs prend du temps. Dès son retour en Turquie, le comité d'universitaires portera une attention particulière à ce problème.

Concernant la suspension des dirigeants syndicaux en cas de participation à des élections locales ou nationales, l'intervenant a précisé qu'ils ont la possibilité de réintégrer leur syndicat s'ils ne sont pas élus. Le comité d'universitaires avait initialement proposé que, dans le cas où ils sont élus, ils puissent occuper les deux fonctions (au sein du syndicat et au Parlement), sauf lorsqu'ils sont fonctionnaires, auquel cas ils devraient choisir l'une ou l'autre fonction. Le comité d'universitaires, en finalisant le projet de loi, a constaté qu'une telle disposition serait contraire à la Constitution; il a alors décidé de ne pas retenir cette possibilité. Le comité d'universitaires cherche des solutions concernant ce problème.

Concernant les commentaires des membres travailleurs sur la nécessité d'obtenir un acte notarié pour s'affilier ou quitter un syndicat, l'intervenant a indiqué que cette disposition a été introduite en 1971 afin de prévenir d'éventuels litiges entre les différents syndicats sur la reconnaissance de leur représentativité pour les besoins de la négociation collective. Le comité d'universitaires est néanmoins conscient des difficultés que soulève cette disposition et estime donc que celle-ci pourrait être modifiée ou abrogée. Concernant la procédure de médiation, l'intervenant a indiqué que celle-ci durait quinze jours et s'appliquait dans les cas où les parties ne sont pas parvenues à un accord après trente jours de négociation. Dans un souci de simplification, le comité d'universitaires envisage de supprimer une étape dans la procédure de règlement des conflits.

Concernant le cas EGITIM-SEN, l'intervenant a indiqué que le cas n'ayant pas été examiné par la commission d'experts, il serait préférable d'attendre avant d'en débattre devant la Commission de la Conférence. Il a néanmoins souhaité préciser que ce cas porte sur les statuts d'EGITIM-SEN, qui prévoient que l'un des objets du syndicat est de permettre à une personne de bénéficier de l'éducation dans sa langue maternelle. Le terme "éducation" se réfère à l'éducation de base et non au droit d'utiliser, à sa guise, sa langue maternelle dans les médias ou en ayant recours à l'éducation privée. L'éducation de base est désormais garantie en Turquie conformément aux critères définis par l'Union européenne. Du fait de ces dispositions, le bureau du gouverneur, qui est chargé d'enregistrer les syndicats et de leur conférer la personnalité juridique, a demandé au syndicat de modifier ses statuts. Aucun changement n'ayant été effectué, les autorités judiciaires ont été saisies. La Cour suprême a rendu une décision visant à dissoudre le syndicat au motif que celui-ci n'a pas mis ses statuts en conformité avec la loi. Le ministre du Travail a été conciliant et tolérant sur ce point et a octroyé au syndicat du temps supplémentaire pour modifier ses statuts. L'intervenant a indiqué que le gouvernement continuera à faire son possible pour qu'EGITIM-SEN soit à nouveau opérationnel et que les modifications nécessaires soient apportées à ses statuts. Il a ajouté que les autorités administratives n'ont pas le pouvoir de dissoudre des syndicats, pouvoir qui est conféré aux seuls tribunaux.

Les membres travailleurs ont une fois encore regretté la pratique qui consiste à abroger certaines dispositions pour les introduire à nouveau dans un autre texte, y compris l'ouverture de procédures judiciaires à l'encontre de syndicats, sur la base de textes législatifs qu'il se propose d'abroger. Répondant à l'indication du gouvernement selon laquelle toute modification de la législation nationale est basée sur le dialogue social, les membres travailleurs ont indiqué que, même si des mesures législatives seraient adoptées suite à une consultation tripartite, celles-ci doivent être soumises à la commission d'experts pour examen. La Commission de la Conférence devrait prier instamment le gouvernement de faire adopter le projet de loi dans un proche avenir afin de démontrer sa volonté réelle et de fournir des informations sur tout développement à cet égard dans son prochain rapport à la commission d'experts.

Les membres employeurs ont indiqué avoir apprécié la réponse détaillée fournie par le gouvernement. Ils ont demandé au gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts concernant les questions posées et d'envoyer tout projet de loi ou de propositions relatives aux observations concernant la mise en œuvre de la convention.

La commission a pris note des informations présentées oralement par le représentant gouvernemental et du débat qui a suivi. La commission a pris note avec intérêt du fait que, selon le rapport de la commission d'experts, une disposition a été introduite dans la législation afin de rendre cette dernière plus conforme à la convention sur un aspect concret. Cependant, elle a noté avec préoccupation qu'il subsiste encore un certain nombre de divergences entre la législation turque et la convention, s'agissant du droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier et, par ailleurs, du droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements, d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités sans intervention de la part des autorités publiques, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. Elle a relevé que diverses organisations de travailleurs ont émis des commentaires sur l'application de la convention.

La commission a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles celui-ci s'est fixé comme objectif de faire disparaître, au moyen de plusieurs projets de réforme, un certain nombre de divergences par rapport à la convention que présentent la loi sur les syndicats d'agents des services publics, la loi sur les syndicats et la loi sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out. La commission prend également note des explications fournies par le gouvernement sur la législation en vigueur.

La commission s'est déclarée préoccupée par les procédures judiciaires engagées en vue de parvenir à la dissolution de la DISK. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires engagées soient arrêtées et pour empêcher que de nouvelles procédures judiciaires se fondant sur une législation en passe d'être modifiée, parce que reconnue contraire à la convention, ne soient engagées.

La commission a également prié le gouvernement de communiquer toutes informations pertinentes sur la dissolution de l'organisation EGITIM-SEN, afin que la commission d'experts puisse examiner cette question en pleine connaissance des faits. Tout en prenant note avec intérêt de l'élaboration de divers projets de loi tendant à rendre la législation plus conforme à la convention, la commission a prié le gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que ces textes soient adoptés rapidement, en tenant compte des commentaires de la commission d'experts afin qu'ils puissent être analysés à l'occasion du prochain rapport.

La commission a prié le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport à la commission d'experts, des informations détaillées et complètes sur toutes les questions en suspens, y compris sur toutes les questions soulevées par la commission, sur les derniers projets de réforme législative ou tout autre texte qui viendrait à être adopté, et elle a exprimé l'espoir d'être en mesure de constater dans un proche avenir des progrès importants et concrets, afin que la législation et la pratique nationales se révèlent pleinement conformes à la convention.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1997, Publication : 85ème session CIT (1997)

Concernant l'observation de la commission d'experts selon laquelle il subsiste en Turquie certaines divergences entre les dispositions de la convention, la législation nationale sur les organisations syndicales et la loi relative aux conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out, un membre gouvernemental de la Turquie a souhaité attirer l'attention de la commission sur les développements récents intervenus dans son pays avant et après la publication du rapport de la commission d'experts. Conformément à la loi no 4121 du 23 juillet 1995, qui a modifié plusieurs articles de la Constitution turque afin de garantir un plus grand respect des droits syndicaux, un projet de loi amendant les articles pertinents de la loi no 2821 a reçu le soutien unanime des commissions parlementaires compétentes et est actuellement inscrit à l'ordre du jour du Parlement pour approbation définitive. Les amendements soumis à l'examen du Parlement ont pour but de revenir sur l'interdiction qui est faite aux organisations syndicales, à l'article 37 de la loi concernant les syndicats, de s'engager dans toute activité politique, et d'abroger totalement l'article 39, alinéa 1, qui limite la désignation de candidats par les syndicats dans les services publics et qui leur interdit de faire du prosélytisme pour ou contre un candidat. Suite à la suppression de ces restrictions, les sanctions pénales qui figurent aux articles 58 et 59 seront également abrogées. A cet égard, ce même projet de loi supprime la procédure de l'audition des organisations syndicales par le gouvernement - cette question étant désormais du ressort des mécanismes de contrôle internes aux organisations syndicales.

En ce qui concerne les limitations au droit de grève existantes, un autre projet de loi amendant différents articles de la loi no 2 822 a été élaboré afin d'élargir le champ d'application du droit de grève. Les amendements proposés prévoient l'octroi du droit de grève aux établissements ou entreprises tels que les banques, l'industrie du lignite ou encore les transports publics - ce qui reviendrait à limiter de façon importante le recours aux mécanismes d'arbitrage obligatoire en Turquie. On peut également citer les changements suivants au titre de ce projet de loi: le lock-out ne pourra être décidé par l'employeur qu'après le déclenchement de la grève; tout lock-out en cours prendra fin automatiquement en cas d'arrêt de la grève; le nombre de piquets de grève qui peuvent être disposés à chaque entrée et sortie d'un établissement en grève (fixé à l'article 48) sera accru; et, dès que les amendements proposés seront adoptés, les sanctions pénales dont sont passibles les contrevenants seront automatiquement supprimées.

Il a informé la commission qu'un nouveau projet de loi a été préparé, en ce qui concerne le droit d'organisation et de négocier collectivement des agents publics, qui prend en compte la version remaniée de l'article 53 de la Constitution turque et les dispositions de la convention no 151 sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Aux termes de ce projet de loi, les agents publics - tels que strictement définis par l'article 128 de la Constitution - sont autorisés à s'organiser au sein de syndicats et à négocier collectivement avec l'administration sur les questions de salaires et de conditions de travail. Après consultation des partenaires sociaux, le projet de loi a été examiné par le Conseil des ministres le 14 mai 1997. Ce projet de loi prend en compte les principes essentiels consacrés par la convention no 151, notamment celui du recours à un mécanisme de conciliation impartiale. L'orateur a fait observer que les travailleurs employés dans le secteur public, et qui ne sont pas considérés comme des agents publics aux termes de l'article 128 de la Constitution, bénéficient des mêmes droits syndicaux et de négociation collective que les travailleurs du secteur privé depuis les débuts du système de négociation collective en Turquie. Ils sont couverts par les lois nos 2 821 et 2 822. Il a déclaré que l'on pouvait s'attendre à ce que ce projet de loi relatif aux droits syndicaux des agents publics soit examiné prochainement et de façon prioritaire par les commissions parlementaires compétentes afin de donner suite à la modification constitutionnelle de 1995. A cet égard, il a souligné que les agents publics et autres fonctionnaires employés dans les services essentiels et continus de l'Etat, conformément à la réglementation sur les services publics (tels que définis par l'article 128 de la Constitution), avaient déjà commencé à s'organiser avant l'entrée en vigueur de l'amendement constitutionnel de 1995. Il existe actuellement trois confédérations d'agents publics et de nombreux syndicats et syndicats de branches de fonctionnaires.

Enfin, il a fait référence aux observations de la commission d'experts selon lesquelles en Turquie la législation syndicale est détaillée à l'excès et réglemente des aspects qui devraient être du ressort des statuts et règlements des organisations syndicales elles-mêmes. La tendance à édicter des législations détaillées est profondément enracinée dans la tradition législative de la société turque, et ce depuis la création de la République en 1923. C'est grâce à l'adoption d'une législation détaillée, approuvée par les partenaires sociaux, que la législation du travail turque a progressé au cours des années - parallèlement au développement des autres branches du droit en Turquie. Les dispositions restrictives des lois nos 2821 et 2822 ont néanmoins été améliorées par les amendements successifs, intervenus en 1986, 1988 et 1995; par la ratification de plusieurs conventions fondamentales de l'OIT en 1993 et 1994; et par l'amendement constitutionnel de 1995. En outre, un projet de loi ayant pour objet de renforcer l'autonomie des partenaires sociaux dans l'élaboration de leurs règlements est en préparation. Les efforts constants du gouvernement, illustrés par les différentes mesures législatives mentionnées ci-dessus, démontrent l'engagement de la Turquie de mettre sa législation sur les organisations syndicales et la négociation collective en conformité avec les dispositions des normes de l'OIT, notamment la convention. L'orateur a informé la commission que, outre les conventions fondamentales nos 87, 98, 100, 105 et 111 déjà ratifiées par son pays, les conventions no 29 sur le travail forcé, 1930, et 138 sur l'âge minimum, 1973, sont actuellement soumises à l'examen du Parlement afin qu'il se prononce sur leur ratification. Il a ajouté que le ministre du Travail a présenté la convention no 159 sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, au Conseil des ministres en vue de sa ratification. Les mesures de protection qui existent déjà dans la législation turque dans ces domaines seront renforcées par la ratification des conventions nos 29, 138 et 159. Il a fait observer qu'avec la ratification des conventions nos 29 et 138 la Turquie aurait ratifié l'ensemble des sept conventions relatives aux droits fondamentaux des travailleurs.

Les membres employeurs considèrent qu'un certain nombre d'éléments positifs sont à noter. Depuis un certain nombre d'années, le gouvernement de la Turquie se présente régulièrement devant la commission à propos de la convention no 98. A de nombreuses reprises, la commission a déploré que la Turquie n'ait pas ratifié la convention no 87. Le rapport dont elle est saisie aujourd'hui constitue le premier rapport sur la convention no 87 depuis la ratification de cet instrument et, une fois de plus, la Turquie est au nombre des cas examinés par la commission. Il convient toutefois de noter que la Constitution de ce pays a été modifiée sur plusieurs points pour lever les obstacles à la liberté syndicale. Ces amendements de la Constitution concernent également l'interdiction pour les syndicats d'exercer des activités politiques, les restrictions à la liberté d'association et les restrictions au droit de négocier collectivement, pour les salariés du secteur public non assimilés aux fonctionnaires. A la suite de ces modifications de la Constitution, la législation du travail a subi elle aussi plusieurs modifications, et des mesures ont été prises pour saisir le Parlement d'autres instruments modificateurs nécessaires à la mise en oeuvre des réformes constitutionnelles. Il s'agit notamment d'une nouvelle législation sur la négociation collective pour les salariés du secteur public non assimilés aux fonctionnaires. Le dernier point soulevé par la commission d'experts dans son rapport concerne l'excès de précision de la législation sur les syndicats en Turquie. A cet égard, le représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement s'emploie à simplifier les textes en question. On constate, sur la base de son rapport, qu'un certain nombre d'étapes appréciables ont été accomplies. Après la ratification de la convention, des efforts ont été déployés en vue d'adapter les dispositions juridiques de la Constitution du pays, cette démarche devant être suivie d'une modification de la législation du travail. Les membres employeurs veulent croire que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport sur cette convention toutes les précisions utiles et se réjouit par avance de prendre connaissance de ce document.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations transmises oralement et ont noté avec intérêt l'annonce de la ratification d'autres conventions fondamentales de l'OIT. La commission examine ce cas pour la première fois puisque la ratification de la convention par la Turquie ne date que de 1993. Toutefois, ils rappellent que la présente commission avait examiné des questions intimement liées concernant la Turquie, dans le contexte de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, à quatre reprises au cours des années quatre-vingt-dix. Il est indiscutable que la ratification par cet Etat de la convention et d'autres conventions, telles la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, est un acte important. Néanmoins, la ratification n'est pas suffisante et, dans le cas de la Turquie, elle doit s'accompagner de modifications législatives. En effet, tel que la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale l'ont relevé, la législation syndicale turque est détaillée à l'excès et réglemente plusieurs aspects qui devraient être du ressort des statuts et règlements des organisations de travailleurs et d'employeurs. Ils notent que depuis 1995 plusieurs lois ont été modifiées, et que l'article 52 de la Constitution qui interdisait à un syndicat toute activité politique a été supprimé. Pourtant, des mesures s'imposent encore afin de rendre la législation conforme aux dispositions de la convention. Ces modifications permettront la mise en oeuvre de relations de travail efficaces, saines et démocratiques et favoriseront, en conséquence, la justice et la paix sociales. La législation doit être simplifiée afin notamment d'éliminer les dispositions qui permettent l'ingérence des autorités et des employeurs dans les affaires internes des syndicats et qui entravent la libre négociation collective. Ils citent, à titre d'exemples, l'interdiction de constituer un syndicat sur la base de la profession, le double critère quantitatif pour réaliser les négociations collectives, l'interdiction générale de la grève de solidarité, l'interdiction de piquets de grève accompagnés de lourdes sanctions pénales, les restrictions graves à la liberté syndicale dans les zones franches d'exportation et l'absence de dispositions législatives permettant la réintégration de travailleurs qui ont été victimes de mesures antisyndicales. Enfin, comme la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale, les membres travailleurs ont pris note avec intérêt de la déclaration du gouvernement selon laquelle il entend poursuivre la réforme de sa législation afin de la rendre pleinement conforme aux dispositions de la convention. Ils ont insisté pour que le gouvernement transmette toutes les informations pertinentes et prenne les mesures nécessaires pour supprimer toutes les dispositions légales antisyndicales, antinomiques à tout développement sain des relations professionnelles. A cet égard, ils ont rappelé que l'assistance technique du BIT est à la disposition du gouvernement s'il le souhaite.

Le membre travailleur de la Turquie a rappelé que la réclamation présentée par son organisation syndicale le 4 juillet 1994 pour non-respect, par la Turquie, de la convention no 87 a donné lieu à un rapport très complet du Comité de la liberté syndicale, qui a été adopté par le Conseil d'administration en mars 1996. Du fait qu'aucune modification de la législation ne soit intervenue depuis la publication de ce rapport, ses conclusions et recommandations restent entièrement pertinentes. La Commission de la Conférence devrait donc maintenir à l'examen ses éléments essentiels qui sont également visés dans le rapport de la commission d'experts.

En mars 1996, dans son rapport sur le cas no 1810, le Comité de la liberté syndicale notait avec préoccupation que, malgré les assurances réitérées du gouvernement dans le cadre des nombreuses affaires concernant la Turquie examinées par ce comité, certaines dispositions législatives continuaient de violer les droits garantis par les conventions nos 87 et 98, et que la pratique nationale était loin de satisfaire aux engagements internationaux du pays. Il avait demandé au gouvernement d'intensifier ses efforts pour que des mesures soient prises d'urgence afin de remédier à la situation. L'orateur a fait observer qu'en l'absence de garanties efficaces et du fait de la précarité de l'emploi nombre de travailleurs s'étant affiliés à des syndicats ont perdu leur emploi. Le gouvernement de la Turquie, en ne rendant pas sa législation conforme à la convention no 158, n'a pas rempli ses obligations. Il est en outre regrettable que l'adhésion à un syndicat soit strictement interdite au personnel contractuel des entreprises du secteur public, au personnel de sécurité des établissements privés et aux appelés du contingent employés comme travailleurs dans le secteur public. La législation en vigueur ne garantit pas aux fonctionnaires ni aux travailleurs à domicile le droit de se syndiquer. En outre, si la Constitution telle que modifiée stipule que les fonctionnaires sont autorisés par la loi à constituer des organisations syndicales et des organisations de niveau supérieur, aucune législation à cet effet n'a encore été adoptée au bout de deux ans. C'est ainsi que les fonctionnaires continuent d'être poursuivis pour exercice d'activités syndicales qui sont devenues légales. Le projet de loi élaboré par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en janvier 1997 est loin de satisfaire aux prescriptions des conventions nos 87 et 98. Selon l'article 6 de ce texte, les fonctionnaires doivent avoir au moins deux années d'ancienneté pour pouvoir constituer un syndicat. Selon les articles 14 et 20 de ce même texte, ces syndicats ne peuvent s'affilier qu'à des organisations internationales de fonctionnaires, ce qui exclut la CISL ou la CES. L'interdiction pour le personnel de l'appareil judiciaire, les salariés civils des forces armées et le personnel pénitentiaire de s'affilier à des syndicats veut dire que les deux syndicats actuels de fonctionnaires devront être dissous. Deux fédérations syndicales ayant demandé leur adhésion à la CISL et à la CES s'opposent à ce projet de loi. Selon des informations de source syndicale, 73 000 fonctionnaires ont été condamnés à des peines d'amendes, 1 500 ont été démis de leurs fonctions, 1 700 stoppés dans leur carrière, près de 8 000 on fait l'objet de sanctions disciplinaires, 1 900 ont été licenciés et 4 000 ont été mutés dans une autre ville pour s'être engagés dans des activités syndicales légales. Le syndicat représentant les salariés du secteur public dans les services postaux a été supprimé. Les prérogatives politiques des syndicats ont été sérieusement amputées. Malgré l'abrogation de l'article 52 de la Constitution, la loi sur les syndicats, la loi sur la fonction publique et le décret concernant le personnel contractuel comportent encore d'importantes interdictions ou restrictions à l'activité politique pour les fonctionnaires et les syndicats représentant cette catégorie. L'article 82 de la Constitution, qui dispose que la fonction syndicale n'est pas compatible avec celle de membre du Parlement, est toujours en vigueur. Les syndicats restent soumis à un contrôle administratif et financier de la part des pouvoirs publics.

Bien que le droit de grève soit l'une des composantes fondamentales et indispensables de la convention, la législation du travail turque persiste à violer cet instrument à de nombreux égards. La modification de la Constitution n'a pas suffi à résoudre ces questions. Dans le secteur informel comme dans le secteur non organisé, les travailleurs ont toujours l'interdiction de faire grève. D'une manière générale, les travailleurs ne peuvent toujours pas appeler à la grève sans autorisation préalable de leur syndicat et ne peuvent recourir à cette forme d'action qu'en conséquence d'un conflit d'intérêts dans le cadre d'une négociation collective. La grève reste interdite aux confédérations de même qu'aux travailleurs des zones franches d'exportation, aux fonctionnaires, au personnel contractuel, aux étudiants employés temporairement aux fins de formation, aux appelés du contingent employés dans des entreprises publiques et aux employés de la Banque centrale. La grève reste également interdite aux travailleurs des secteurs de l'eau, de l'électricité, du gaz, du lignite et de la pétrochimie. Cette interdiction touche même les employés de banque, les notaires, les pompiers et les travailleurs des transports terrestres, ferroviaires et maritimes, en dépit du fait qu'aucun de ces services ne constitue un service essentiel au sens strict du terme. Restent également interdites, malgré les recommandations du Comité de la liberté syndicale, les grèves de solidarité, les grèves générales et les grèves du zèle ainsi que les occupations pacifiques des lieux de travail.

L'appel à la grève nécessite une procédure extrêmement laborieuse. Il en résulte que les suspensions de l'action revendicative et les piquets de grève sont difficiles à envisager. Un préavis de six jours doit être donné aux employeurs et les tribunaux conservent le droit de suspendre des grèves légales au motif du préjudice subi par la collectivité. En outre, la grève peut être totalement interdite en cas de loi martiale ou de situation d'urgence. Dans de telles circonstances, les sanctions en cas de violation de ces interdictions sont extrêmement sévères. Dans ce domaine, les projets de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 ont connu le même sort que les autres textes modificateurs évoqués par le gouvernement turc dans le cadre des discussions relatives à la convention no 98 au cours des cinq dernières années.

Pour conclure, l'orateur a déclaré que des améliorations mineures ne sauraient rendre la législation turque conforme à la convention. Comme le préconisent les conclusions et recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1810, l'assistance technique du BIT s'avère nécessaire pour remédier à cette regrettable situation.

Le membre travailleur de la Norvège, s'exprimant au nom des travailleurs des pays nordiques et des Pays-Bas, a fermement appuyé l'intervention du membre travailleur de la Turquie relative aux violations de la convention. En premier lieu, il convient de rappeler que, dans ses commentaires, la commission d'experts a mentionné que de nombreuses activités politiques étaient toujours interdites aux syndicats, que plusieurs dispositions législatives limitaient le droit de grève, en violation des principes de la liberté syndicale, et que la législation nationale réglementait plusieurs aspects qui devraient être de la compétence des organisations d'employeurs et de travailleurs. Au cours de l'automne 1996, son organisation s'est rendue deux fois en Turquie. Les constats effectués lors de cette visite ont confirmé que le gouvernement était responsable de violations graves et permanentes des droits syndicaux fondamentaux, et plus particulièrement du non-respect d'instruments internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme, les conventions de l'OIT nos 87 et 98 ainsi que la Convention européenne des droits de l'homme. A cet égard, il convient de partager les sérieuses préoccupations du Comité de la liberté syndicale qui, en examinant les cas nos 1810 et 1830, a constaté avec un profond regret que certaines dispositions législatives continuaient à porter atteinte aux droits garantis par les conventions nos 87 et 98, et que la pratique nationale était loin d'être conforme aux engagements internationaux souscrits par la Turquie. Ensuite, l'orateur a énuméré les graves restrictions subies par le mouvement syndical. Aux termes de la législation, le personnel contractuel des entreprises publiques ne dispose ni du droit de grève ni du droit d'association, ni du droit de négociation collective. En outre, selon la pratique nationale, les fonctionnaires sont privés du droit d'association, de grève, et de négociation collective. La réglementation impose de larges limitations à ces droits à l'égard des travailleurs des secteurs public et privé. La loi sur les zones franches interdit de recourir à la grève dans les zones franches d'exportation et impose le recours à l'arbitrage. Il n'existe aucune disposition prévoyant la réintégration des syndicalistes licenciés, et le manque général de sécurité en matière d'emploi porte préjudice à la protection juridique. Enfin, les lois contiennent des prescriptions et des règles excessives à l'égard des statuts et des règlements des syndicats. En se référant aux commentaires de la commission d'experts, il convient de souligner que, bien que la commission ait relevé l'abrogation de l'article 52 de la Constitution qui interdisait à un syndicat toute activité politique, elle passe sous silence le fait que cette interdiction existe toujours dans la législation nationale (article 37 de la loi sur les syndicats). En outre, l'article 53 de la Constitution qui accorde le droit de négociation collective aux syndicats du secteur public ne contient pas un droit effectif puisqu'il laisse le soin à la législation nationale de régler cette question et que, jusqu'à présent, rien n'a été fait à ce niveau. De plus, de nombreux syndicalistes ont fait l'objet de poursuites judiciaires en vertu de la loi antiterroriste qui prévoit des peines sévères. En fait, dans certaines régions de Turquie, les activités syndicales ne peuvent être menées normalement et de nombreux syndicalistes ont été emprisonnés pour avoir organisé des réunions syndicales. Selon des informations récentes, plusieurs dirigeants syndicaux ont été arrêtés à la fin du mois de mai 1997. Dans la mesure où il y a peu de raisons de croire que le gouvernement parviendra seul à mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions de la convention, il convient de proposer que le BIT offre son assistance afin que, dans un avenir proche, les dispositions de cette convention nouvellement ratifiée soient incorporées dans la législation nationale.

Le membre travailleur de la Grèce a souligné que, dans ce cas aussi, les informations des syndicats mettent en évidence le fossé qui sépare la ratification d'une convention de sa mise en oeuvre effective. Selon ces informations, seulement deux millions de travailleurs sont couverts par les conventions collectives en Turquie. Les seuils de 10 pour cent des travailleurs d'une branche et de 50 pour cent des travailleurs d'une entreprise n'ont pour seul but que de restreindre l'exercice de la liberté syndicale. Par exemple, dans le cas de la société de chemins de fer, un syndicat ne pourrait fonctionner que s'il représentait 50 pour cent de l'ensemble des travailleurs en activité sur l'ensemble d'un territoire très vaste. Par ailleurs, l'organisation d'une assemblée syndicale est soumise à l'autorisation préalable de la police à laquelle doit être fournie une liste complète des orateurs. Il ne s'agit là que de quelques éléments à verser au dossier et qui conduisent à se demander quelles sont les dispositions de la convention qui ont réellement été introduites dans la législation. Il est urgent que le gouvernement démente ces informations par sa pratique et non par une simple déclaration vouée à rester lettre morte.

Le membre travailleur de l'Allemagne a souligné les contradictions entre la déclaration du représentant gouvernemental et celle du membre travailleur de la Turquie en ce qui concerne la législation et la pratique au regard de la convention. Si l'on se réfère aux cas individuels décrits par ce travailleur, la pratique enfreint les dispositions de la convention dans une bien plus large mesure que la loi. Par conséquent, il est important de savoir si le représentant gouvernemental est en mesure de confirmer que les mesures nécessaires seront adoptées ainsi que la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale, dans les cas nos 1810 et 1830, l'ont requis. Si l'on se réfère aux conclusions du Comité de la liberté syndicale, deux questions essentielles se posent. En premier lieu, le représentant gouvernemental peut-il indiquer les mesures prises pour supprimer l'interdiction faite aux syndicats de créer des stations de radio et de télévision, dans la mesure où cette interdiction porte atteinte au droit de mener des activités syndicales? Deuxièmement, comme le représentant gouvernemental n'a pas fourni d'informations précises sur la portée et le contenu du projet de loi visant à modifier la loi sur les syndicats, il conviendrait de savoir si ce projet modifie toutes les dispositions ayant fait l'objet de critiques en matière de droit de grève. L'orateur a recommandé que les conclusions sur ce cas ne fassent référence à une évolution positive de la situation que si le représentant gouvernemental était en mesure de donner des réponses satisfaisantes sur ces points.

Le membre gouvernemental de l'Islande, s'exprimant au nom des gouvernements du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, a noté avec intérêt l'abrogation de l'article 52 de la Constitution qui interdisait à un syndicat d'exercer toute activité politique et a déclaré attendre avec impatience l'application de cette mesure dans la pratique. Toutefois, plusieurs lois qui interdisent aux syndicats l'exercice de nombreuses activités demeurent en vigueur. Des mesures devraient être prises par le gouvernement pour mettre ces lois en conformité avec les dispositions de la convention. A cette fin, le gouvernement devrait demander l'assistance technique du Bureau.

Le membre travailleur du Pakistan a apporté son entier soutien aux appels lancés au gouvernement par les autres orateurs afin que celui-ci mette la législation nationale en conformité avec les dispositions de la convention. Dans son commentaire, la commission d'experts a noté que certaines lois limitaient toujours les activités politiques et syndicales ainsi que le droit d'association des fonctionnaires. Afin d'aligner la législation sur les dispositions de la convention, le gouvernement devrait envisager de recourir à l'assistance technique du Bureau.

Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il appréciait les opinions formulées par les membres travailleurs et par les membres employeurs. Toutefois, il serait souhaitable que l'on reconnaisse que l'adoption de législation, particulièrement dans le domaine des relations de travail, est difficile et prend du temps dans tous les pays, en raison des divers intérêts en présence. Comme les membres travailleurs l'ont souligné à juste titre, la ratification seule n'est pas suffisante. C'est pourquoi le gouvernement a entrepris de modifier la loi sur les syndicats. Ces amendements font actuellement l'objet d'un débat au Parlement. En ce qui concerne le maintien du double critère pour négocier collectivement, auquel les membres travailleurs se sont référés, l'orateur a souligné que son gouvernement souhaite abroger cette exigence mais que le consentement des partenaires sociaux est nécessaire pour y parvenir. Jusqu'à présent, ceux-ci se sont montrés satisfaits de l'existence de cette condition. En réponse à la déclaration du membre travailleur de la Turquie affirmant que les membres et les dirigeants des syndicats toujours employés par l'entreprise ne bénéficient d'aucune sécurité en matière d'emploi, il convient de souligner que ces personnes sont protégées par la législation nationale qui prévoit que l'indemnisation ne doit pas être inférieure au montant total du salaire annuel. Seuls les délégués syndicaux peuvent faire l'objet d'une réintégration. Toutefois, lorsque la convention no 158 sera incorporée dans la législation nationale, tous les travailleurs, syndicalistes et non syndiqués, bénéficieront d'une protection. Quant à l'appel lancé pour la suppression des diverses interdictions faites aux syndicats d'exercer des activités politiques, l'article 37 2) de la loi no 2821 relative aux syndicats prévoit seulement que les syndicats et les confédérations ne peuvent pas exercer d'activité en dehors de leurs objectifs ni utiliser le nom, l'emblème, le logo ou le symbole d'un parti politique. De plus, l'article 37 3) du projet de loi sur les syndicats (no 2821) prévoit que, lorsque des dirigeants syndicaux sont candidats aux élections générales et locales, leur mandat syndical est suspendu. S'ils sont élus, il est mis fin à leur fonction de dirigeants. Le projet de loi prévoit également que les dirigeants des syndicats et confédérations élus aux organes des partis politiques conservent leurs fonctions dans les syndicats. Dans le but de promouvoir le commerce, la loi no 3218 de juin 1985 sur les zones franches d'exportation interdit les grèves dans les zones franches d'exportation pendant dix ans. Des négociations collectives peuvent toutefois s'y dérouler. Si ces négociations échouent, le conflit est soumis à l'arbitrage obligatoire pour une période décennale à partir de l'ouverture de la zone franche d'exportation. De même, les stagiaires, qui travaillent dans des établissements dans le cadre de leur formation, ne disposent pas du droit de grève en vertu de l'article 22 de la loi no 3308, car ils sont considérés comme des étudiants et non des travailleurs au sens des lois nos 2821 et 1475. L'interdiction de se syndiquer prévue par l'article 21 de la loi sur les syndicats a été supprimée par la loi no 4101 de 1995. Actuellement, seuls les membres professionnels des forces armées ne bénéficient pas de ce droit. Les travailleurs contractuels se trouvent uniquement dans les entreprises d'Etat et leur nombre diminue du fait des privatisations. De plus, les contractuels qui sont considérés comme des autres fonctionnaires en conformité avec l'article 128 de la Constitution sont couverts par le projet de loi sur le droit syndical des fonctionnaires. Le projet de loi visant à modifier la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out prévoit de porter à huit le nombre de piquets de grève autorisés alors que la législation actuelle n'en autorise que quatre à la fois. En outre, ce projet de loi supprime les contrôles administratifs et financiers auxquels les syndicats sont soumis et laisse aux statuts des syndicats le soin de régler cette question. Bien que le syndicat TUMHABER-SEN ait été dissous par la Cour de cassation en raison de l'absence de loi d'habilitation, cette décision n'est applicable qu'à ce cas d'espèce.

En outre, il serait prématuré de faire des remarques définitives sur un texte pour lequel la procédure législative n'est pas encore arrivée à terme. Le projet de loi en amendement de la loi no 2822 supprime les interdictions sur le droit de grève dans les banques, dans la production et la distribution de la lignite, tout en maintenant les restrictions à la grève dans certains des services essentiels, où l'arbitrage obligatoire constitue le dernier recours. Le déni de la négociation collective et du droit de grève aux confédérations est simplement évident, puisque, dans nombre de pays, les confédérations constituent des structures horizontales au sommet non favorables à la négociation collective. Les travailleurs non organisés jouissent du droit de grève au même titre que les syndicats. Bien que les syndicats ne peuvent réclamer à leurs adhérents des frais supplémentaires autre que ceux qui leur sont normalement dus, ils disposent, contrairement à d'autres pays, du droit à une retenue automatique à la source des cotisations syndicales qui les a fortifiés sur le plan financier. L'interdiction du droit de grève pour les conflits de droit est fondée sur une disposition constitutionnelle, le droit de grève est uniquement reconnu pour les conflits d'intérêt, comme c'est le cas dans divers pays occidentaux. La loi prévoit maintenant l'arbitrage des conflits collectifs par les juridictions du travail ou l'arbitrage volontaire. L'allégation selon laquelle beaucoup de militants syndicaux font actuellement l'objet de harcèlement juridique dans le Sud-Est de la Turquie, constitue une tromperie, dans la mesure où lesdites personnes - vivant dans une zone où sévit l'activisme terroriste séparatiste - ont probablement fait l'objet de détention pour des actes sans rapport avec leurs droits et leurs fonctions syndicales.

Ainsi, tous les autres syndicats de fonctionnaires exercent aujourd'hui dans la légalité. Les autres points soulevés n'ont pas trait aux conventions nos 87, 98 et 151. Enfin, il convient de souligner l'impact qu'a eu l'OIT sur l'élaboration de la législation nationale relative aux normes du travail, depuis que la Turquie est devenue Membre de cette Organisation en 1922.

Les membres travailleurs ont estimé que, même après l'approbation des projets de changement de législation, des problèmes subsisteront en ce qui concerne notamment les zones franches d'exportation ou le droit de grève. Il convient de rappeler que le gouvernement s'est engagé devant le Comité de la liberté syndicale à poursuivre la réforme de la législation pour la rendre conforme à la convention. Il convient de l'inviter à recourir à temps à l'assistance technique du BIT.

Les membres employeurs ont souligné qu'après la modification de la Constitution, celle du code du travail serait nécessaire. Comme la Constitution établit les principes qui doivent être mis en oeuvre par la loi, il est logique pour un pays de modifier sa législation en conséquence et il n'y a pas là matière à préoccupation. Certains orateurs se sont référés à la convention no 98, alors qu'il serait préférable de s'en tenir aux questions effectivement soulevées par l'application de la convention en discussion. Lorsque la commission d'experts indique dans son rapport qu'elle "note avec intérêt", c'est le signe d'une appréciation positive des progrès accomplis. Cette appréciation positive devrait également se refléter dans les conclusions de la présente commission.

La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a eu lieu en son sein. La commission rappelle que la commission d'experts a noté avec intérêt les modifications constitutionnelles qui ont levé l'interdiction des syndicats d'exercer des activités politiques et l'autorisation accordée aux syndicats de fonctionnaires publics de participer aux négociations collectives. Cependant, la commission d'experts demande à nouveau au gouvernement qu'il adopte dans un avenir proche toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation en conformité avec les exigences de la convention. La présente commission recommande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en particulier celles relatives aux droits de tous les travailleurs sans distinction de créer des syndicats de leur choix, aux droits des organisations des travailleurs de rédiger librement leurs statuts, de formuler leur programme d'action ainsi que de négocier collectivement sans ingérence des autorités publiques. La commission exprime le ferme espoir que des progrès concrets, en droit comme en pratique, seront observés dans le prochain rapport du gouvernement. La commission rappelle au gouvernement qu'il peut faire appel à l'assistance technique du BIT.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Article 2 de la Convention. Droit des travailleurs, sans distinction aucune, de constituer des organisations et de s’y affilier. Travailleurs employés par l’intermédiaire d’agences d’emploi privées. Dans son précédent commentaire, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont les travailleurs employés temporairement par l’intermédiaire d’agences d’emploi privées exercent leur droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, conformément aux dispositions de la loi no 6356, un employé engagé par une agence d’emploi privée a le droit de constituer un syndicat dans la branche d’activité de l’agence ou de s’affilier librement à un syndicat existant. Le gouvernement ajoute que l’article 19(4) de la loi no 4904 sur certains règlements concernant l’agence turque pour l’emploi prévoit que les contrats stipulant que l’employé est tenu d’adhérer ou ne pas adhérer à un syndicat sont nuls. La commission prend bonne note de ces informations et prie le gouvernement de fournir des exemples concrets de syndicats constitués ou rejoints par des travailleurs employés par l’intermédiaire d’agences d’emploi privées.
Impact de la classification sectorielle. Travailleurs domestiques. Dans son précédent commentaire, la commission avait pris note de l’observation de la Confédération des syndicats progressistes de Türkiye (DİSK) indiquant que la classification sectorielle des syndicats par la loi empêche certaines catégories de travailleurs, tels que les travailleurs domestiques, d’exercer leur liberté syndicale; et que, dans les lieux de travail qui ont à la fois une installation de production et un bureau ou un magasin, la syndicalisation sectorielle empêche tous les travailleurs d’adhérer au même syndicat, parce que les bureaux et les installations de production sont pour la plupart enregistrés dans des secteurs différents. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les travailleurs domestiques directement employés par les ménages peuvent s’affilier à des syndicats opérant dans l’activité économique dénommée «affaires générales», répertoriée comme secteur numéro 20. Le gouvernement se réfère au syndicat des travailleurs domestiques de l’IMECE, qui a été créé au sein du secteur no 20, ainsi qu’au syndicat «Hizmet-İş» et le Syndicat de solidarité des travailleurs domestiques (EVID-SEN), qui sont également actifs dans la syndicalisation de ces travailleurs. Le gouvernement ajoute que les personnes employées dans les «services domestiques» par l’intermédiaire d’agences d’emploi privées sont couvertes par le Code des obligations. En ce qui concerne la possibilité pour tous les travailleurs d’un lieu de travail de s’affilier au même syndicat, le gouvernement indique que, conformément à l’article 4 de la loi no 6365, les activités auxiliaires qui s’ajoutent à l’activité principale exercée sur un lieu de travail sont considérées comme appartenant à la branche d’activité principale et indique que, par exemple, les unités de commercialisation et d’administration dans les installations de production sont considérées comme des activités auxiliaires et font partie de la branche d’activité déterminée en fonction des principaux biens ou services produits. La commission prend note des informations fournies et prie le gouvernement de préciser si les travailleurs employés dans les «services domestiques» par l’intermédiaire d’agences d’emploi privées peuvent s’affilier aux syndicats de travailleurs domestiques existants ou créer leurs propres syndicats.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que le dernier paragraphe de l’article 10 de la loi n° 4688 prévoit qu’en cas de non-respect des exigences légales concernant les réunions syndicales et les décisions des assemblées générales, les dirigeants syndicaux sont démis de leurs fonctions par décision du tribunal du travail à la demande de l’un des membres ou du ministère du Travail. La commission avait rappelé à cet égard que toute destitution ou suspension de dirigeants syndicaux qui ne résulte pas d’une décision interne du syndicat, d’un vote des adhérents ou d’une procédure judiciaire régulière, constitue une grave ingérence dans l’exercice des fonctions syndicales, et avait demandé au gouvernement de réviser cette disposition. La commission note avec regret que le gouvernement ne fournit aucune information à cet égard et réitère donc sa demande.
Droit de grève. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que si, d’une part, le septième paragraphe de l’article 54 de la Constitution (interdisant les grèves et les lock-out ayant un but politique, les grèves et les lock-out de solidarité, l’occupation des locaux de travail, les grèves perlées et autres formes d’obstruction) avait été abrogé, d’autre part, l’article 58 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives de travail (loi n° 6356) limitait les grèves licites aux différends survenant au cours des négociations collectives,et la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser la législation en vue de reconnaître expressément toutes les formes d’action syndicale légitime en droit interne. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le droit à l’action collective est garanti conformément aux dispositions de la convention et des traités européens et internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le gouvernement se réfère également à un arrêt de la Cour de cassation en date du 31 mars 2016 qui prévoit que «selon les normes internationales, les actions de protestation concernant les conditions économiques et sociales des travailleurs ou les actions de courte durée par lesquelles un droit démocratique s’exerce face aux pratiques du lieu de travail sont incluses dans le droit de mener des actions collectives. Ces actions ne peuvent être interdites que si elles sont de nature purement politique». La commission rappelle que les grèves de solidarité (à condition que la grève initiale soit licite) et les grèves appelant à la reconnaissance et à l’exercice des libertés fondamentales sont également des formes légitimes d’action collective et prie le gouvernement d’indiquer si ces formes de grève sont reconnues dans la pratique administrative et judiciaire actuelle.
Détermination du service minimum. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 65 de la loi no 6356 conférait à l’employeur le pouvoir de déterminer unilatéralement un service minimum en cas d’action collective et avait prié le gouvernement de réviser cette disposition afin de garantir que les organisations de travailleurs puissent participer à la détermination du service minimum requis sur le lieu de travail et que, faute d’accord, la question puisse être renvoyée à un organe indépendant ayant la confiance des parties. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle cette question ne pose pas de problème dans la pratique; néanmoins, le gouvernement est prêt à réviser l’article 65 si les partenaires sociaux en font la demande d’un commun accord. La commission prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) à cet égard, indiquant que bien que les travailleurs qui ne peuvent pas participer à des grèves et à des lock-out licites soient déterminés par l’employeur ou son représentant, les travailleurs ont le droit de faire appel de cette décision dans les six jours ouvrables suivant la notification de cette décision. La TISK réitère en outre son observation précédente selon laquelle, dans la pratique dans les six jours ouvrables qui suivent le début des négociations collectives, les employeurs et les organisations de travailleurs mènent des négociations sur la liste, proposée par l’employeur, du personnel exclus des grèves et des lock-out, ainsi que leurs remplaçants. La commission note que les organisations de travailleurs ne font aucune observation à cet égard. Tout en notant qu’il semblerait, d’après les informations fournies, que dans la pratique les organisations de travailleurs sont probablement impliquées dans tous les stades de la détermination du service minimum, la commission considère que la législation devrait expressément accorder ce droit aux organisations de travailleurs, au lieu de seulement leur permettre de faire appel contre une liste établie unilatéralement par l’employeur. Par conséquent, la commission prie à nouveau le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures appropriées pour assurer la révision de l’article 65 de la loi n° 6356 afin de garantir que la loi garantisse expressément le droit des organisations de travailleurs de participer à la détermination du service minimum requis sur le lieu de travail, et qu’à défaut d’accord, la question puisse être renvoyée à un organe indépendant ayant la confiance des parties. Dans l’intervalle, la commission prie le gouvernement de contrôler l’application de l’article 65, en vue de garantir la participation active et continue des organisations de travailleurs à la détermination des services minimums.
Secteur public. Dans son précédent commentaire, la commission avait demandé au gouvernement de réviser la législation concernant les travailleurs du service public avec les partenaires sociaux concernés en vue de la modifier, de manière à garantir que l’interdiction de l’action collective soit limitée aux fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’État et à ceux qui travaillent dans les services essentiels. Le gouvernement indique à cet égard que les restrictions sont limitées aux hauts fonctionnaires et aux fonctionnaires des services publics tels que la sécurité et la justice, où les services ne peuvent pas être interrompus. La commission prend note de l’observation de la DISK qui indique une nouvelle fois que près de trois millions d’employés du secteur public sont privés du droit d’organiser des actions collectives au sens large et que l’une des principales revendications de la DISK est liée à la garantie juridique des actions syndicales. La commission prie le gouvernement d’indiquer spécifiquement tous les groupes de travailleurs publics qui ont le droit de créer des organisations et d’y adhérer, mais dont le droit d’action collective est limité par la loi, et d’indiquer les dispositions légales autorisant ces restrictions.

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission note les observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS), de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (KAMU-SEN) et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) communiquées avec le rapport du gouvernement. La commission note également les observations de la Confédération des syndicats progressistes de Türkiye (DİSK), de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues les 30 août et 1er septembre 2023, ainsi que la réponse du gouvernement à ces observations, qui portent sur des questions examinées dans ce commentaire.
Libertés publiques. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de fournir ses commentaires sur plusieurs allégations graves de violations des libertés publiques présentées dans les observations de la KESK, de la DİSK et de la CSI. La commission note les informations fournies par le gouvernement à cet égard comme suit.
Arrestation, détention et poursuite de dirigeants syndicaux. Concernant l’allégation d’arrestation à Ankara de huit dirigeants du Syndicat des employés de la santé publique et des services sociaux (SES) pour des chefs d’accusation non précisés le 25 mai 2021, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle une enquête a été ouverte contre ces personnes pour création ou direction d’une organisation terroriste armée (le PKK), comme prévu à l’article 314/1 du Code pénal turc. Par la suite, ils ont été libérés par des ordonnances judiciaires imposant des interdictions de voyager à l’étranger et des contrôles judiciaires. Toutefois, un individu, qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt à la suite de l’objection du procureur chargé de l’enquête, est toujours en fuite. La commission note également les dernières observations de la KESK à cet égard, affirmant que le Procureur de la République accuse cinq cadres du SES de direction d’une organisation illégale armée (Mme Selma Atabey, co-présidente et ancienne secrétaire de la section femmes, Mme Gonul Erden, ancienne co-présidente, Mme Bedriye Yorgun, ancienne présidente, M. Fikret Calagan, ancien membre du comité exécutif, et Mme Belkis Yurtsever, ancien membre du comité exécutif); et trois responsables syndicaux d’appartenir à la même organisation (Mme Rona Temelli, ancienne dirigeante de la branche SES d’Ankara, M. Ramazan Tas, ancien dirigeant de la branche SES d’Ankara et M. Erdal Turan, ancien dirigeant de la branche SES d’Ankara). La KESK affirme qu’il n’existe aucune preuve concrète confirmant ces accusations et que, le juge ayant décidé de déclarer le dossier confidentiel, l’équipe juridique n’a pas eu accès aux détails du dossier jusqu’à ce que la cour approuve l’acte d’accusation. La KESK indique que Mme Erden a été arrêtée le 22 septembre 2021 et libérée le 13 mars 2023, et que Mme Atabey a été arrêtée le 3 juillet 2022 et libérée le 5 juin 2023. La KESK allègue que le Procureur de la République utilise les activités syndicales des dirigeants syndicaux inculpés pour justifier l’accusation d’appartenance à un groupe armé illégal. La KESK indique que ces activités syndicales comprenaient des protestations contre les attaques de Daesh en Syrie et les couvre-feux dans la région sud-est de la Türkiye. Selon la KESK, les dirigeants accusés du SES avaient organisé des rassemblements publics pour demander au gouvernement de fournir des services sanitaires aux citoyens dans les zones sous couvre-feu. La commission note également l’observation de la KESK concernant le procès dans la municipalité de Van de Mme Figen Colakoglu et M. Zeki Seven, les co-présidents de la branche locale du SES, pour violation de la loi sur les manifestations, du fait de leur participation à une conférence de presse donnée le 8 février 2022 dans le cadre d’une journée de grève des employés du secteur de la santé organisée par l’Association turque des médecins. Le gouvernement indique à cet égard que les dirigeants syndicaux ont été informés que les services du gouverneur avaient décidé d’interdire la conférence de presse prévue devant le cabinet du médecin-chef de l’hôpital de formation et de recherche, et qu’une action en justice a été engagée contre eux après qu’ils ont refusé de se conformer aux avertissements des autorités. L’affaire est toujours en cours. Prenant note des informations soumises et soulignant l’importance du droit à un procès équitable pour la garantie de la liberté syndicale, la commission prie le gouvernement et la KESK de continuer à fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées contre les 10 dirigeants du SES et sur leur issue. La commission prie le gouvernement de fournir une copie des décisions de justice une fois qu’elles auront été rendues.
Liberté de réunion et de manifestation pacifique. La commission prend note des indications générales du gouvernement concernant le cadre juridique de l’exercice de la liberté de réunion en Türkiye, qui reproduisent les explications des années précédentes relatives à la loi no 2911. Le gouvernement indique que les réunions et les manifestations tenues dans des lieux désignés peuvent se dérouler librement, à condition que les autorités administratives en soient informées, pour faciliter les mesures de sécurité nécessaires. Le critère principal pour la détermination de ces lieux et itinéraires est d’assurer que la vie quotidienne des citoyens ne soit pas excessivement perturbée. Le gouvernement indique également que les données sur les trois dernières années montrent que pour les «manifestations illégales», à savoir celles où les manifestants se sont rassemblés dans des lieux autres que ceux désignés par les autorités malgré un avertissement contraire, ou n’ont pas dûment notifié la manifestation, les autorités ont essayé de résoudre la situation par des négociations avec les manifestants, et que par conséquent le taux d’intervention des forces de l’ordre a diminué au cours de cette période. Selon le gouvernement, 22 millions de personnes ont participé à 64 993 manifestations ou événements en 2022, dont 697 manifestations illégales. Seules 335 manifestations «illégales» ont fait l’objet d’une intervention, ce qui représente 0.5 pour cent du nombre total de manifestations qui ont eu lieu dans le pays. Il s’agit d’un net recul par rapport aux deux pour cent enregistrés en 2016.
Concernant l’allégation du DİSK relative à l’interdiction des célébrations du 1er mai sur la place Taksim à Istanbul, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle les manifestations sont interdites sur la place Taksim non seulement le 1er mai, mais tout au long de l’année, car cette zone ne figure pas parmi celles énumérées dans la décision des services du gouverneur d’Istanbul, publiée le 27 février 2023, qui désigne les lieux où les réunions et les manifestations sont autorisées à se dérouler. Le gouvernement indique qu’à certaines occasions dans le passé, l’administration a autorisé un nombre limité de représentants syndicaux à tenir une réunion commémorative sur la place Taksim à l’occasion du 1er mai, le requérant ayant invoqué l’importance symbolique de la tenue de l’événement à cet endroit. L’administration a limité le droit de réunion et de manifestation dans cette zone, considérant que les risques pour la sécurité lors d’une réunion avec une forte participation sur la place Taksim sont plus importantes que l’inconvénient causé par l’interdiction de la réunion. La commission rappelle que la question de l’interdiction des manifestations du 1er mai à Taksim a été portée à son attention pour la première fois en 2008 et note que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a statué sur deux affaires concernant l’interdiction de la manifestation du 1er mai à Taksim en 2008 et l’intervention de la police contre les syndicalistes qui avaient tenté de se rassembler malgré l’interdiction. Dans les deux cas, la Cour a conclu à une violation du droit à la liberté de réunion, en raison du caractère disproportionné de l’intervention de la police dans une manifestation pacifique, bien que non autorisée [voir affaire Disk et Kesk c. Türkiye (2012), et affaire Süleyman Çelebi et autres c. Türkiye (no 2) (2017)]. La commission note en outre que dans la première affaire, la CEDH a noté qu’en 1977, lors des célébrations du 1er mai sur la place Taksim, 37 personnes avaient trouvé la mort lorsqu’un affrontement avait éclaté. En conséquence, la place Taksim est devenue un symbole de cet événement tragique, et c’est pour cette raison que les requérants ont insisté pour y organiser les célébrations du 1er mai. La commission note que, conformément aux indications du gouvernement et de la DİSK, l’interdiction des rassemblements du 1er mai à Taksim reste effective, et les travailleurs qui souhaitent célébrer le 1er mai à Istanbul sont tenus de se rassembler dans d’autres lieux. Plus généralement, la commission prend note de l’observation du DİSK, qui indique que chaque année, lors des célébrations du 1er mai, de nombreuses personnes sont détenues et blessées en raison des attaques violentes de la police et de l’utilisation de gaz lacrymogènes. La commission prend note de l’indication du gouvernement à cet égard selon laquelle, en 2022, des poursuites judiciaires ont été engagées contre 222 personnes ayant agi illégalement dans le cadre d’actions ou de manifestations organisées à l’occasion du 1er mai, mais cela doit être replacé dans le contexte où 337 manifestations du 1er mai ont eu lieu dans tout le pays avec la participation de 144 262 personnes. La commission note également qu’en ce qui concerne l’allégation d’interdiction absolue de toute forme de rassemblement public dans la ville de Van, le gouvernement indique qu’en 2023, la KESK a organisé 16 événements à Van, qui se sont tous terminés sans incident.
La commission note en outre les réponses du gouvernement à 14 allégations spécifiques concernant des événements survenus entre novembre 2021 et août 2023, au cours desquels des réunions publiques, des manifestations ou des conférences de presse organisées par des syndicats n’ont pas été autorisées, parce que les itinéraires choisis par les organisateurs ne figuraient pas parmi ceux désignés par les autorités, ou parce que le gouvernorat avait pris une décision d’interdiction spécifique concernant une action. Les syndicats concernés étaient la KESK et ses affiliés EğitimSen, TUM BEL SEN et SES, ainsi que Birlesik Metal Is, affilié à la DİSK, et le Syndicat des enseignants du secteur privé. Le gouvernement indique que dans ces cas, les organisateurs ont été avertis que leur action n’était pas autorisée, mais qu’ils ont agi sans tenir compte de ces avertissements. Le gouvernement informe que les autorités sont intervenues dans toutes ces manifestations. Dans cinq cas, le gouvernement indique que l’action s’est terminée pacifiquement après des négociations entre les autorités et les organisateurs, notamment lorsque les groupes ont volontairement cessé leurs actions ou accepté de changer de lieu, mais dans neuf autres cas, certains manifestants ont persisté à poursuivre leurs actions et des «mesures légales» ont été prises à leur encontre. La commission note que les «mesures légales» peuvent référer à l’arrestation d’un nombre indéterminé de participants. Dans un cas, une amende administrative a été imposée. Dans un cas au moins, des participants ont été inculpés et leur procès est actuellement en cours (l’affaire concernant deux dirigeants du SES à Van mentionnée ci-dessus). Il y a eu des allégations de violence policière, y compris l’utilisation de gaz lacrymogène et de gaz poivré dans quatre cas, mais le gouvernement rejette toutes ces allégations ou n’y répond pas.
La commission note avec préoccupation que, selon les indications du gouvernement, dans au moins 14 cas spécifiques, des réunions publiques organisées par des syndicats ont été interdites et, comme les participants persistaient à poursuivre leur action, les autorités sont intervenues pour y mettre fin et, parfois, les membres et dirigeants des syndicats participants ont été arrêtés. La commission note que, dans aucun de ces cas, le gouvernement n’indique que les réunions publiques n’étaient pas pacifiques: ces réunions étaient «illégales» parce qu’elles n’avaient pas eu lieu dans les lieux désignés ou parce qu’elles n’avaient pas respecté une interdiction spécifique de manifester. La commission note à cet égard que la CEDH a considéré dans l’affaire Disk et Kesk c. Türkiye (paragraphe 29) qu’il est important que les autorités publiques fassent preuve d’un certain degré de tolérance à l’égard des rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion ne soit pas vidée de sa substance. La commission souhaite relever une nouvelle fois l’interdépendance entre les libertés publiques, y compris la liberté de réunion, et les droits syndicaux, et souligner l’idée qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces de quelque nature que ce soit à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations. La commission prie donc instamment le gouvernement de veiller à ce que les mesures prises pour protéger l’ordre public ne privent pas les organisations de travailleurs de leur droit d’organiser des manifestations pacifiques et des réunions publiques pour défendre leurs intérêts, et prie en outre instamment le gouvernement de s’abstenir d’arrêter, de détenir prisonnier et de poursuivre des travailleurs et des syndicalistes pour avoir participé à des réunions publiques pacifiques.
Droit à un recours effectif et à un procès équitable des membres et dirigeants des syndicats dissous en vertu des décrets-lois sur l’état d’urgence. La commission rappelle que, dans le cadre du suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation faite en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT), elle avait demandé instamment au gouvernement de veiller à ce que le droit à un recours effectif des membres et dirigeants syndicaux ayant subi des représailles et des mesures de rétorsion en raison de leur appartenance aux syndicats dissous sous l’état d’urgence, ainsi que le droit à un procès équitable des dirigeants et membres de ces syndicats emprisonnés, soient dûment respectés. La commission note que le gouvernement indique que les personnes physiques et morales faisant l’objet de procédures fondées sur des décrets-lois n’ont subi aucun préjudice. Elles pourraient soumettre leurs demandes à la commission d’enquête créée à cet effet. Pour les juges et les procureurs, une voie de recours interne au Conseil d’État a été introduite en ce qui concerne les décisions de «destitution», ce qui leur permet d’engager de nouvelles actions liées à des recours antérieurs devant les tribunaux administratifs, y compris lorsqu’ils ont été déboutés. Les personnes concernées peuvent présenter leur défense devant un tribunal impartial. Des voies d’objection, d’appel et de recours individuel devant la Cour constitutionnelle sont également disponibles. Le gouvernement indique également que les travailleurs du secteur privé qui estiment avoir été injustement licenciés par leur employeur ont le droit d’engager une procédure devant les tribunaux du travail sans passer par la commission d’enquête. En ce qui concerne les syndicalistes emprisonnés, le gouvernement se contente d’indiquer en termes généraux que les personnes reconnues coupables d’infraction à la loi sont traitées conformément à l’État de droit et que la législation contient des garanties importantes pour protéger les travailleurs, les représentants syndicaux sur le lieu de travail et les dirigeants d’organisations de travailleurs contre les licenciements pour des motifs liés aux activités syndicales.
La commission note avec un profond regret qu’une fois de plus, le gouvernement n’indique aucune mesure spécifique prise pour mettre en œuvre les recommandations du comité tripartite. Concernant la commission d’enquête sur les mesures d’urgence de l’État, la commission note que son mandat a pris fin en janvier 2023 après cinq ans de fonctionnement et que les personnes ayant reçu des décisions négatives disposaient de 60 jours après la notification de la décision pour faire recours aux tribunaux administratifs désignés à Ankara. La commission note que la procédure devant la commission d’enquête ne présentait pas les garanties d’une procédure régulière en termes de droits de la défense, et que l’obligation de passer par cette étape a retardé pendant longtemps l’accès des agents publics révoqués aux tribunaux. La commission rappelle également que le comité tripartite avait noté à cet égard que dans les affaires portées par des personnes licenciées en raison de leur appartenance à un syndicat lié à la FETÖ/PDY, la commission d’enquête n’avait examiné ni la base légale de la dissolution du syndicat concerné ni les activités des personnes en question. L’appartenance à un syndicat fermé a été facilement prouvée, par exemple, par des informations attestant que les cotisations syndicales étaient déduites du salaire du requérant et considérées comme un motif suffisant pour motiver le refus de toute demande de recours contre le licenciement [voir le rapport du comité chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la Türkiye de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, GB.341/INS/13/5, annexe 1, paragr. 28]. Compte tenu de cequi précède, la commission prie le gouvernement de: i) prendre des mesures spécifiques pour garantir un examen exhaustif, indépendant et impartial au sujet de toutes les personnes ayant subi des représailles, des mesures de rétorsion et des licenciements en raison de leur appartenance aux syndicats dissous dans le cadre de l’état d’urgence, qu’elles aient ou non saisi la commission d’enquête, et ii) fournir des informations sur le nombre de membres et de dirigeants emprisonnés de ces syndicats, ainsi que sur le déroulement et le résultat de leurs procès.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction aucune, de créer des organisations et de s’y affilier. Hauts fonctionnaires, magistrats et personnel pénitentiaire. Depuis de nombreuses années, la commission prie le gouvernement de modifier l’article 15 de la loi no 4688 qui exclut les hauts fonctionnaires, les magistrats et le personnel pénitentiaire du droit d’organisation. La commission note que le gouvernement indique une fois de plus que l’article 15 a été conçu conformément aux dispositions légales, à la jurisprudence et aux conventions de l’OIT, et que la raison d’être de ces limitations repose sur l’importance de garantir la fourniture de services publics de manière impartiale et non biaisée par ces fonctionnaires. Le gouvernement mentionne également l’exclusion de certains fonctionnaires du champ d’application de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. La commission rappelle à cet égard que: i) en vertu de l’article 1(1) de la convention no 151, les dispositions plus favorables d’autres conventions internationales du travail sont sauvegardées et que la convention no 87 garantit le droit de constituer des organisations et de s’y affilier à tous les travailleurs des secteurs privé et public, à la seule exception des forces armées et de la police; ii) le fait d’exclure les hauts fonctionnaires du droit de s’affilier à des syndicats qui représentent d’autres travailleurs du secteur public n’est pas nécessairement incompatible avec la liberté syndicale, à condition qu’ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour défendre leurs intérêts; et iii) si l’exclusion des forces armées et de la police du droit d’organisation n’est pas contraire à la convention, il n’en va pas de même pour le personnel pénitentiaire.
Les travailleurs suppléants (enseignants, infirmières, sage-femmes, etc.), les fonctionnaires travaillant sans contrat de travail et les retraités. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que les travailleurs suppléants qui occupent temporairement des postes tels que ceux d’enseignants, d’infirmières et de sage-femmes dans la fonction publique, ainsi que les fonctionnaires travaillant sans contrat de travail et les retraités, n’ont pas le droit de s’affilier à des syndicats de la fonction publique en vertu de la loi no 4688 et avait prié le gouvernement de garantir leur droit de s’affilier à des organisations ou d’en créer. La commission note que le gouvernement réitère ses précédentes indications à cet égard, à savoir que: i) seuls les fonctionnaires tels que définis à l’article 3 de la loi no 4688 peuvent s’affilier à des syndicats établis dans le cadre de cette loi et que les travailleurs suppléants ne peuvent être employés dans aucun cadre ou poste tel que spécifié à l’article 3; et ii) les fonctionnaires retraités ne peuvent créer ou s’affilier à des syndicats de fonctionnaires, les articles 6 et 14 de la loi no 4688 limitant ces droits aux fonctionnaires en activité. Selon le gouvernement, ils ont cependant formé plusieurs associations qui peuvent porter les questions les concernant à l’attention du gouvernement. Notant avec regret l’absence de progrès à cet égard, la commission rappelle à nouveau que: i) en ce qui concerne le droit de créer des organisations et de s’y affilier, la convention n’autorise aucune distinction fondée sur le fait que les employés sont engagés sur une base permanente ou temporaire, ou sur leur statut contractuel ou l’absence de celui-ci; et ii) la législation ne devrait pas empêcher les anciens travailleurs et les retraités de s’affilier à des syndicats, s’ils le souhaitent, en particulier lorsqu’ils ont participé à l’activité représentée par le syndicat.
Compte tenu de ce qui précède, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser la législation ou adopter une législation spécifique en vue de garantir que les hauts fonctionnaires, les magistrats et le personnel pénitentiaire, les travailleurs suppléants, les fonctionnaires travaillant sans contrat de travail et les retraités puissent jouir et exercer leur droit de créer des organisations et de s’y affilier. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes. Suspension et interdiction des grèves. Dans son précédent commentaire, la commission avait prié le gouvernement de veiller à ce que l’article 63(1) de la loi no 6356 ainsi que la KHK no 678 soient appliqués conformément au principe selon lequel les grèves ne peuvent être suspendues que dans les services essentiels au sens strict du terme, pour les fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’État ou en cas de crise nationale aiguë. La commission note que le gouvernement indique une fois de plus que la décision du président de reporter une grève est prise en fonction du contexte et que la raison en est clairement indiquée, de sorte que ce pouvoir est exercé dans des limites clairement définies. En outre, conformément à l’article 125 de la Constitution, en tant que décision administrative elle peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Notant qu’aucune grève n’a été suspendue depuis 2019, la commission espère que le gouvernement appliquera l’article 63(1) et la KHK 678 d’une manière qui ne porte pas atteinte au droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités sans ingérence du gouvernement et prie le gouvernement de fournir des informations sur tous les cas futurs de suspension de grèves par l’autorité exécutive.
Article 4. Dissolution des syndicats. Dans son précédent commentaire, la commission avait pris note des conclusions du comité tripartite mentionnée ci-dessus concernant la situation des syndicats dissous en vertu du décret-loi no 667. Le comité tripartite a noté que ces syndicats ont été dissous par le pouvoir exécutif et que, bien que, selon le gouvernement, les représentants de ces syndicats n’aient pas déposé de demandes auprès de la commission d’enquête chargée d’examiner leur cas, le comité tripartite a noté qu’ils avaient une capacité limitée de présenter leurs revendications en raison de l’emprisonnement de leurs dirigeants et membres et de la saisie de leurs fonds en vertu des décrets-lois sur l’état d’urgence. Le comité tripartite avait prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la dissolution des syndicats en vertu du décret-loi no 667 fasse l’objet d’un réexamen dans le cadre des procédures judiciaires ordinaires, ce qui devrait également permettre à ces syndicats d’être pleinement représentés pour la défense de leur cause. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le décret-loi no 667 qui a dissous Aksiyon-İş a été approuvé par la Grande Assemblée nationale, l’organe législatif, et qu’il ne peut pas être annulé par une décision d’un tribunal administratif. Selon le gouvernement, la commission d’enquête sur les mesures d’état d’urgence était l’instance appropriée à laquelle le plaignant devait s’adresser. Ce n’est qu’après une décision négative de la commission, qui est une décision administrative, que l’affaire peut être portée devant un tribunal administratif. Le gouvernement indique qu’Aksiyon-İş n’a pas choisi d’épuiser les voies de recours internes. La commission note avec regret que le gouvernement semble indiquer qu’il n’y aura pas de recours judiciaire pour les syndicats dissous qui n’ont pas saisi la commission d’enquête. La commission note également l’indication du gouvernement selon laquelle 4 confédérations, 19 fédérations et 19 syndicats ont été dissous après que les tribunaux ont estimé qu’ils étaient affiliés à des organisations terroristes. La commission rappelle une nouvelle fois que la dissolution et la suspension des organisations syndicales constituent des formes extrêmes d’intervention des autorités dans les activités des organisations et devraient donc être entourées de toutes les garanties nécessaires. Celles-ci ne peuvent être assurées que par une procédure judiciaire normale, qui devrait par ailleurs avoir un effet suspensif (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentalesparagr. 162 Par conséquent, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer à la recommandation du comité tripartite concernant tous les syndicats dissous en vertu du décret-loi no 667 dont les cas n’ont pas encore été examinés par un organe judiciaire et de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur tous les cas de dissolution de syndicats qui ont été confirmés par les tribunaux et de fournir des copies des décisions.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats progressistes de Türkiye (DİSK) reçues le 1er septembre 2022, concernant les questions examinées dans le présent commentaire. Elle prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) jointes au rapport du gouvernement.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs de constituer des organisations et de s’y affilier. Travailleurs engagés par des agences d’emploi privées. La commission rappelle que, dans son précédent commentaire, elle avait prié le gouvernement de fournir des informations, y compris des exemples concrets de la façon dont les travailleurs employés temporairement par l’intermédiaire d’agence de placement privées (travailleurs engagés dans le cadre d’un contrat de travail triangulaire) exercent leur droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier dans la pratique. Notant avec regret que le gouvernement n’a fourni aucune information à ce sujet, la commission réitère sa précédente demande.
Incidences de la classification sectorielle. Travailleurs domestiques. La commission note que, dans ses observations, la DİSK indique que la classification sectorielle des syndicats établie par la loi a pour effet de priver certaines catégories de travailleurs, dont les travailleurs domestiques, de la possibilité d’exercer leur liberté d’association. Elle souligne que, dans les lieux de travail composés non seulement d’installations de production, mais aussi d’un bureau ou d’un magasin, la répartition par secteur fait que tous les travailleurs ne peuvent pas adhérer à un seul et même syndicat étant donné que les bureaux et les installations de production sont généralement enregistrés sous différents secteurs. La commission prie le gouvernement de soumettre ses observations à ce sujet et de préciser comment les travailleurs domestiques exercent leur droit d’organisation dans la pratique et par quels syndicats ils sont représentés.
Article 3. Droit des travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que le dernier paragraphe de l’article 10 de la loi no 4688 prévoit qu’en cas de non-respect des prescriptions de la loi régissant les réunions syndicales et les décisions des assemblées générales, les responsables syndicaux sont démis de leurs fonctions sur décision du tribunal du travail, à la demande de l’un des membres ou du ministère du Travail. La commission avait prié le gouvernement de réexaminer cette disposition. Le gouvernement indique à ce propos que l’objectif de la procédure prévue par l’article 10 de ladite loi est de garantir la convocation de l’assemblée générale des organisations qui ne tiennent pas leur session plénière en temps utile. La commission note que, d’après le gouvernement, le but implicite de l’action en justice prévue par cette disposition est la convocation de l’assemblée générale, mais que l’objet de cette disposition tel qu’il est expressément énoncé est la révocation de responsables syndicaux. En conséquence, la commission répète que toute révocation ou suspension de responsables syndicaux qui ne résulte pas d’une décision interne du syndicat, d’un vote des membres ou d’une procédure judiciaire ordinaire constitue une ingérence grave dans l’exercice de la fonction syndicale. Elle réitère donc sa précédente demande et prie le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure qui aura été prise ou qu’il est envisagé de prendre à cette fin.
Droit de grève. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, d’une part, le septième paragraphe de l’article 54 de la Constitution (qui interdit les grèves et les lock-out organisés pour des motifs politiques, les grèves et les lock-out de solidarité, l’occupation de locaux de travail, les grèves perlées et autres formes d’obstruction) avait été abrogé, mais que d’autre part, l’article 58 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356) ne considérait comme légitimes que les grèves motivées par des conflits surgissant dans le cadre de négociations collectives. La commission avait prié le gouvernement de préciser comment les actions de protestation, les grèves de solidarité et les autres moyens légitimes d’action revendicative étaient protégés. La commission note que le gouvernement renvoie au dernier paragraphe de l’article 90 de la Constitution, qui dispose qu’en cas de conflit entre les instruments internationaux ratifiés par la Türkiye et le droit interne, les dispositions de ces instruments priment. En conséquence, le droit à l’action collective est garanti conformément à la réglementation régissant l’exercice du droit de grève tel qu’il est consacré par la convention et par d’autres instruments européens et internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le gouvernement ajoute que, conformément à ces instruments internationaux, la Cour de cassation considère que les travailleurs jouissent du droit de participer à une action collective pacifique à des fins professionnelles, qui constitue une mesure de dernier recours. Ayant pris bonne note de cette information, la commission rappelle qu’en vertu de la convention, les grèves visant la politique économique et sociale du gouvernement, y compris les grèves générales, sont légitimes, et que réclamer la reconnaissance et l’exercice des libertés en ayant recours à la grève constitue une forme légitime d’action collective. La commission estime en outre que les travailleurs devraient pouvoir organiser des grèves de solidarité, en particulier dans le contexte de la mondialisation, qui se caractérise par une interdépendance croissante et par l’internationalisation de la production, pour autant que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légitime. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser la législation afin que toutes les formes légitimes d’action collectives soient expressément reconnues par la législation interne.
Détermination du service minimum. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 65 de la loi no 6356 confère à l’employeur le pouvoir de déterminer unilatéralement la mise en place d’un service minimum en cas d’action collective et avait prié le gouvernement de revoir les dispositions dudit article de façon que les organisations de travailleurs puissent participer à la définition d’un service minimum requis sur le lieu de travail et que, faute d’accord, la question soit tranchée par un organe indépendant bénéficiant de la confiance des parties. La commission note que le gouvernement répète à ce propos qu’aucune des dispositions de l’article 65 n’interdit ni n’empêche la tenue de consultations et la conclusion d’un accord préalable entre l’employeur et les représentants des travailleurs sur l’organisation d’un service minimum avant que l’employeur ne l’annonce. La commission prend note à ce sujet des observations de la TISK, qui indique que, dans la pratique, dans le cadre de ses négociations collectives avec ses interlocuteurs travailleurs, une liste de noms et de chiffres correspondant au nombre de travailleurs susceptibles de ne pas participer aux grèves et de remplaçants est établie par la direction de la TISK et fournie aux travailleurs dans les six jours ouvrables à compter du début de la négociation collective. Si le groupe des travailleurs a des objections au sujet de cette liste, des discussions sont engagées jusqu’à ce que l’employeur et les travailleurs parviennent à un accord. La commission prend note de la précision donnée par le gouvernement selon laquelle le syndicat compétent peut contester la décision de l’employeur devant les tribunaux afin que ceux-ci tranchent définitivement le litige, ainsi que de l’observation de la TISK concernant la pratique actuelle. Cela étant, elle rappelle une nouvelle fois que les organisations de travailleurs devraient avoir la possibilité de participer à la définition du service minimum tout comme les employeurs (voir l’Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 138) et que, pour promouvoir la participation du syndicat à la définition de ce service en cas d’action collective, il importe que le gouvernement fasse en sorte que cette participation soit expressément prévue par la loi et que les décisions en la matière ne soient pas prises unilatéralement par l’employeur. La commission prie encore une fois le gouvernement de réviser l’article 65 de la loi no 6356 afin d’établir en droit que les organisations de travailleurs peuvent participer à la définition d’un service minimum requis sur le lieu de travail et qu’en l’absence d’accord, la question peut être renvoyée à un organe indépendant jouissant de la confiance des parties. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures qui auront été prises ou qu’il est envisagé de prendre à cette fin.
Secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que les agents du service public au sens large du terme n’étaient pas autorisés à mener des actions collectives et que la loi no 657 sur les agents de la fonction publique et la loi no 6111 sur les agents publics prévoient que ces actions sont passibles de sanctions disciplinaires. La commission avait noté que, d’après la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), l’interdiction de mener des actions collectives dans le secteur public couvrait une catégorie très vaste de travailleurs, qui comprenait 3 millions de personnes. Elle avait prié le gouvernement de revoir la législation sur les fonctionnaires en collaboration avec les partenaires sociaux concernés afin de la modifier, le but de cette révision étant que l’interdiction de participer à une action collective ne concerne que les fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’État et ceux qui travaillent dans les services essentiels. Notant avec regret qu’aucune information n’a été fournie à ce sujet par le gouvernement, la commission réitère sa précédente demande et prie celui-ci de fournir des informations sur toutes les mesures qui auront été prises ou qu’il est envisagé de prendre à cette fin.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]

Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues le 31 août 2022, ainsi que de celles de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de la Confédération des syndicats progressistes de Türkiye (DISK), reçues le 1er septembre 2022, concernant les questions examinées dans le présent commentaire, et de la réponse du gouvernement à celles-ci. La commission prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) jointes au rapport du gouvernement.
Libertés publiques. Dans son précédent commentaire, la commission priait le gouvernement de fournir ses commentaires détaillés sur les allégations de longue date et graves de violations des libertés publiques et des droits syndicaux remontant à 2016. La commission note que le gouvernement répète ses propos précédents à caractère général, citant des dispositions constitutionnelles et légales qui garantissent la liberté syndicale et, en particulier, l’article 118 du Code pénal relatif au délit consistant à forcer quelqu’un à adhérer à un syndicat ou à en démissionner ou à empêcher les activités d’un syndicat, et indique que ces dispositions sont assorties de sanctions à la fois administratives et pénales dans le but de protéger les activités des syndicats de toute forme de violence, de pressions et de menaces. Le gouvernement se réfère aussi, à nouveau, au cadre constitutionnel et réglementaire régissant la liberté de réunion en Türkiye et indique que tout un chacun a le droit de se réunir et manifester pacifiquement et sans armes sans y être autorisé au préalable – mais en l’ayant signalé préalablement aux autorités administratives – et que ce droit ne peut être limité que par la loi pour des motifs de sécurité nationale, d’ordre public, pour prévenir des crimes, pour la protection de la santé et la moralité publiques, ou pour les droits et les libertés d’autrui. La loi no 2911 sur les réunions et manifestations et son règlement d’application arrêtent le cadre juridique de l’exercice de ce droit, qui veut que ces réunions et manifestations soient organisées dans des lieux définis, avec préavis aux autorités administratives, afin de garantir que les mesures de sécurité nécessaires soient prises. Ces mesures de sécurité sont préparées et mises en place indépendamment de l’obédience des organisateurs, car il s’agit de protéger la vie et les biens des organisateurs et des autres citoyens. Le gouvernement indique que toutes sortes de réunions et manifestations pacifiques se tiennent dans un contexte de sécurité et de liberté mais que, lorsque des syndicalistes transgressent la loi, détruisent des biens publics et privés et tentent d’imposer leurs propres règles lors de réunions et de manifestations, les forces de sécurité sont alors obligées d’intervenir pour préserver l’ordre public et la sécurité. Le gouvernement ajoute que, pour le 1er mai dernier, toutes les organisations et confédérations syndicales ont organisé des célébrations dans tout le pays. D’après lui, le taux d’intervention dans les manifestations et réunions a diminué, passant de 3,2 pour cent en 2015 à 0,6 pour cent en 2021, tandis que le nombre de personnes ayant fait l’objet de procédures administratives et de poursuites judiciaires au cours de la même période est passé de 11 330 à 2 640. Le gouvernement ajoute pour terminer que, depuis la promulgation de la loi no 6356 et de la loi modificative no 4688, le taux de syndicalisation a régulièrement progressé pour atteindre 72,36 pour cent dans le secteur public et 14,32 pour cent dans le privé. Il existe actuellement sept confédérations syndicales et 12 confédérations de fonctionnaires. Prenant dument note de ces informations, la commission note avec un profond regret que le gouvernement ne fournit aucune information tangible en réponse aux nombreuses allégations spécifiques et très graves de violations des libertés publiques portées par les partenaires sociaux ces dernières années. La commission note que dans leurs dernières observations en date, la KESK, la DISK et la CSI dénoncent de nouveaux cas d’arrestations, de détentions et de poursuites contre des syndicalistes, avec notamment l’emprisonnement de six membres et cadres de la KESK, parmi lesquels Mehmet Ali Köseoğlu, secrétaire chargé de la négociation collective et des questions juridiques chez Yapi-Yol-Sen et adhérent de la KESK, arrêté le 3 juin 2022 et toujours en détention préventive, sans qu’il soit informé des accusations portées contre lui ou que la date de son procès soit fixée; ainsi que les arrestations, le 25 mai 2021, de huit dirigeants du Syndicat des employés de la santé publique et des services sociaux (SES) pour des chefs d’accusation non précisés. La commission note que le gouvernement invoque l’absence de toute information sur ces cas dans les dossiers du ministère du Travail. La commission rappelle la liste des allégations de négation de la liberté de se réunir et de manifester: l’interdiction totale de toute forme de rassemblement public dans la municipalité de Van arrêtée le 21 novembre 2016 et régulièrement prorogée depuis par les services du gouverneur; l’interdiction par le gouvernement des fêtes du 1er mai sur la place Taksim à Istanbul; l’arrestation à Istanbul de 212 manifestants qui avaient tenté d’organiser une action de protestation à l’occasion du 1er mai, malgré le confinement dû à la pandémie du COVID-19, parmi lesquels des membres de plusieurs affiliés de la DISK; l’intervention des forces de sécurité lors de l’action de sensibilisation de dirigeantes de la KESK à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence envers les femmes du 22 novembre 2021; l’interdiction, le 12 décembre 2021, d’un rassemblement public de représentants de la KESK et d’autres organisations syndicales à Antalya pour échanger des points de vue sur le budget annuel alors à l’examen devant le parlement; l’utilisation de gaz lacrymogènes et le recours à la force physique pour disperser un rassemblement de dirigeants et d’adhérents de la KESK qui protestaient contre les bas salaires devant l’Institut turc de statistique le 1er juillet 2022; l’intervention violente et avec gaz lacrymogène dans la manifestation organisée par des représentantes de la KESK pour protester contre le retrait de la Türkiye de la Convention d’Istanbul sur la violence contre les femmes du Conseil de l’Europe, à Ankara le 26 juin 2022; et l’intervention violente de la police dans l’occupation des locaux de l’usine FarlPlas Automotive, le 31 janvier 2022, pour protester contre le licenciement de quelque 150 travailleurs et travailleuses. La police a poursuivi les manifestants jusque sur le toit de l’usine, où elle les a arrêtés avec violence, faisant usage de gaz au poivre, risquant de les faire tomber du toit, insultant les femmes, les tirant par les cheveux sur le sol en provoquant plusieurs fractures. Il semble que 106 travailleurs et affiliés et 2 responsables du syndicat DGD-SEN aient été arrêtés par la police puis arrêtés après avoir remis une déposition. La commission prie instamment le gouvernement de fournir des commentaires détaillés sur ces graves allégations de violations des libertés publiques.

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

La commission note qu’en mars 2021, le Conseil d’administration a approuvé le rapport du comité tripartite chargé d’examiner la réclamation déposée par la confédération syndicale Aksiyon-Is au titre de l’article 24 de la Constitution de l’OIT (GB.341/INS/13/5). La commission note que le comité tripartite a adopté des conclusions et formulé des recommandations à propos de: i) la dissolution d’organisations syndicales en application du décret-loi no 667; ii) la situation des travailleurs ayant subi des représailles et actes de rétorsion du fait de leur appartenance aux syndicats dissous; et iii) la situation des membres et dirigeants des syndicats dissous emprisonnés. La commission examinera les mesures prises par le gouvernement à propos de la recommandation du comité tripartite reproduite cidessous.
La commission rappelle que le comité tripartite a conclu que ces travailleurs licenciés en raison de leur appartenance aux syndicats dissous ont été sanctionnés pour avoir exercé leur droit d’adhérer à des organisations de leur choix, droit garanti par l’article 2 de la convention, sans qu’il leur soit possible de faire examiner leur situation individuelle. La commission d’enquête chargée d’examiner les recours introduits par les travailleurs licenciés en application des décrets émis sous l’état d’urgence ne s’est pas penchée sur la légalité de l’interdiction des syndicats concernés ni sur les activités de chacune des personnes en cause, l’appartenance à un syndicat dissous étant jugée constituer un motif suffisant pour rejeter une demande d’annulation de licenciement. Pour le comité tripartite, il s’agit là d’une négation du droit des travailleurs licenciés à une voie de recours effective. Concernant l’allégation de l’emprisonnement du président d’Aksiyon-Is et des présidents de PAK MADEN IS, PAK TEKSIL IS, PAK EGITIM IS, PAK TASIMA IS, PAK SAGLIK IS et PAK HIZMET IS, ainsi que de nombreux membres de comités administratifs, le comité tripartite souligne l’importance qui devrait être accordée au droit de tout individu à la liberté et à la certitude de ne pas être arbitrairement arrêté ou détenu et d’être entendu équitablement par un tribunal indépendant et impartial, conformément aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le comité tripartite prie instamment le gouvernement de procéder à un examen complet, indépendant et impartial concernant tous les travailleurs ayant subi des représailles et actes de rétorsion du fait de leur appartenance aux syndicats dissous afin de déterminer si, indépendamment de leur appartenance à ces syndicats, ils ont exercé une activité illégale susceptible de justifier leur licenciement. Le comité tripartite a aussi dit vouloir croire que les syndicalistes emprisonnés bénéficieront d’un procès mené rapidement en toute impartialité et il a demandé au gouvernement de communiquer à la CEACR une copie des jugements qui seront rendus. La commission prend note des informations suivantes que le gouvernement a fournies à propos du mécanisme d’examen de la commission d’enquête: i) l’ouverture d’une procédure par la commission d’enquête sur l’état d’urgence se fait au motif que la personne concernée est membre, affiliée, en rapport ou en contact avec des organisations terroristes, ou des structures/entités ou groupes reconnus par le Conseil national de sécurité comme ayant des activités contraires à la sécurité nationale de l’État; ii) les enquêtes sur les requérants issus de confédérations et d’organisations syndicales dissoutes par les décrets-lois sont toujours en cours; iii) au titre de voie de recours effective, la commission (d’enquête) rend des décisions individuelles et motivées après un examen accéléré et complet; le but est que tous les dossiers de recours dont le processus d’examen est en cours soient clos pendant le mandat de la commission.
La commission regrette profondément que le gouvernement ne mentionne aucune mesure prise afin de répondre aux préoccupations du comité tripartite et aux recommandations qu’il a formulées s’agissant de la négation des droits des membres et dirigeants de syndicats dissous à des voies de recours effectives et un procès équitable. En outre, la commission regrette profondément que le gouvernement ne fournisse aucune information sur la situation des dirigeants syndicaux incarcérés. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations du comité tripartite et pour faire en sorte que le droit à des voies de recours effectives et à un procès équitable des membres et dirigeants des syndicats dissous soient dument respectés. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à ce sujet.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction aucune, de constituer des organisations et d’y adhérer. Hauts fonctionnaires, magistrats et personnel pénitentiaire. La commission rappelle que, depuis nombre d’années, elle demande au gouvernement de modifier l’article 15 de la loi no 4688 qui exclut du droit syndical les hauts fonctionnaires, les magistrats et les gardiens de prison. La commission note que, de l’avis du gouvernement, l’article 15 a été conçu dans le respect de la législation, des décisions de justice et des conventions de l’OIT. Elle rappelle à cet égard avoir toujours considéré que: i) le fait d’interdire aux hauts fonctionnaires d’adhérer à des organisations syndicales qui représentent d’autres travailleurs du secteur public n’est pas nécessairement incompatible avec la liberté d’association pour autant qu’ils aient le droit de constituer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts; et ii) bien que l’exclusion des membres des forces armées et de la police du droit de se syndiquer ne soit pas contraire à la convention, il n’en va pas de même dans le cas du personnel pénitentiaire.
Travailleurs suppléants (enseignants, infirmières, sage-femmes, etc.) fonctionnaires travaillant sans contrat d’emploi et retraités. La commission avait demandé précédemment au gouvernement de faire connaître ses commentaires sur les observations de MEMUR-SEN à propos de la nécessité de garantir la liberté d’association à ces catégories de travailleurs. Le gouvernement indique à cet égard que: i) seuls les fonctionnaires tels que les définit l’article 3 de la loi no 4688 sur les syndicats et les conventions collectives pour les fonctionnaires peuvent adhérer à des organisations syndicales créées dans le cadre de cette loi, tandis que les travailleurs suppléants ne peuvent être employés dans aucun cadre et à aucun poste énuméré à l’article 3; et ii) les fonctionnaires retraités ne peuvent créer de syndicats de fonctionnaires ni y adhérer, du fait que les articles 6 et 14 de la loi no 4688 limitent ces droits aux fonctionnaires en activité. Selon le gouvernement, ils ont néanmoins créé plusieurs associations qui peuvent porter des questions les concernant à l’attention du gouvernement. La commission rappelle à ce sujet que: i) s’agissant du droit de créer des syndicats et d’y adhérer, la convention ne permet aucune distinction reposant sur le fait que les salariés soient engagés à titre permanent ou temporaire ou en fonction de leur statut contractuel ou de l’absence d’un tel statut; et ii) la législation ne devrait pas empêcher d’anciens travailleurs ou des retraités d’adhérer à des syndicats s’ils le souhaitent, en particulier lorsqu’ils ont participé aux activités du syndicat.
La commission prie le gouvernement de prendre des mesures nécessaires afin de revoir la législation pour faire en sorte que les hauts fonctionnaires, les magistrats et le personnel pénitentiaire, les travailleurs suppléants, les fonctionnaires travaillant sans contrat d’emploi et les retraités puissent exercer et jouir de leur droit de créer des organisations et d’y adhérer. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à ce sujet.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. Suspension et interdiction de grèves. La commission rappelle que l’article 63(1) de la loi no 6356 dispose que le Président de la République peut suspendre une grève ou un lock-out licite en préparation ou qui a déjà commencé par voie de décret et pour une durée de 60 jours si cette action porte atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale et que, si une solution n’est pas trouvée pendant la durée de la suspension, le litige est alors soumis à l’arbitrage obligatoire. Depuis un certain nombre d’années, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que l’article 63 de la loi no 6356 ne soit pas appliqué d’une manière qui porte atteinte au droit des syndicats d’organiser leurs activités sans ingérence gouvernementale. Tout en notant que, dans une décision datée du 22 octobre 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction des grèves et lockout dans les services bancaires et les services municipaux de transport en vertu de l’article 62(1), la commission a relevé que le décret ayant force de loi no 678 (KHK) autorise le Conseil des Ministres à repousser pour une durée de 60 jours les grèves dans les compagnies locales de transport et dans les institutions bancaires. Le gouvernement indique à cet égard que la décision du président de reporter une grève est prise en fonction du contexte et que sa raison d’être est clairement motivée dans la décision, ce qui veut dire que cette prérogative est exercée dans des limites clairement définies. En outre, conformément à l’article 25 de la Constitution, la décision est soumise au contrôle des autorités judiciaires, comme toute décision administrative. Le gouvernement indique que 14 grèves ont été reportées depuis 2012 et que, dans le courant de la durée normale de la suspension, un seul report a été accepté, ce qui a débouché sur un accord entre les parties et la signature d’une convention collective. La commission prend note, en outre, de l’observation de la DISK, suivant laquelle, entre 2015 et 2019, neuf grèves impliquant 235 lieux de travail et 169 705 travailleurs ont été reportées par décret ministériel. Rappelant que les grèves ne peuvent être suspendues que dans les services essentiels au sens strict du terme, pour lesfonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’État ou dans le cas d’une crise nationale aiguë, la commission prie à nouveau le gouvernement de faire en sorte que ces principes soient pris en considération pour l’application de l’article 63 de la loi no 6356 et du KHK no 678.
Conseil de surveillance de l’État. La commission avait précédemment demandé au gouvernement de fournir des informations sur toute enquête ou audit de syndicats entrepris par le Conseil, en application du décret no 5 ou de l’article 108 de la Constitution, ainsi que sur ses résultats, y compris les sanctions imposées. La commission note que le gouvernement indique que la Cour constitutionnelle a annulé l’expression «peut appliquer une mesure ou» à l’article 6(c) du décret présidentiel no 5, qui disposait que le Conseil de surveillance de l’État peut appliquer une mesure de révocation ou proposer l’application de cette mesure aux autorités compétentes pour les fonctionnaires de tout niveau et tout rang jugés ne pas convenir à leurs fonctions en termes de nécessités du service public. Le gouvernement explique qu’à la suite de cette décision, le Conseil de surveillance de l’État n’est plus habilité à révoquer ou suspendre un responsable syndical mais peut uniquement proposer l’application de ces mesures aux autorités compétentes ce qui, dans le cas des organisations syndicales, signifie les propres organes de surveillance et comités disciplinaires de ces organisations. La commission prend bonne note de l’indication donnée par le gouvernement que le Conseil n’a mené aucune enquête ni aucun audit à l’encontre d’aucune organisation syndicale.
Article 4. Dissolution des syndicats. La commission prend note des conclusions du comité tripartite précité à propos de la situation des organisations syndicales dissoutes en application du décret-loi no 667. Le comité tripartite a noté que ces organisations ont été dissoutes par la branche exécutive du gouvernement alors que, suivant l’article 4 de la convention, toute dissolution d’organisation de travailleurs ou d’employeurs ne peut être prononcée que par les autorités judiciaires, qui seules peuvent garantir les droits de la défense. La commission tripartite avait également noté que, bien que selon le gouvernement, les représentants de ces organisations n’avaient pas déposé de requête auprès de la commission d’enquête chargée d’examiner leurs cas, il fallait tenir compte du fait que les organisations dissoutes avaient une capacité limitée pour soumettre leurs griefs du fait de l’emprisonnement de leurs dirigeants et membres et de la saisie de leurs avoirs en vertu des décretslois. Le comité tripartite a noté que le délai requis pour la formation d’un recours contre la dissolution du syndicat étant désormais expiré, il semble désormais impossible de soumettre à une procédure judiciaire normale les mesures prises à l’encontre des organisations syndicales et il ajoutait que le gouvernement lui-même ne fournit aucune explication ou précision sur les motifs ayant présidé à la dissolution des syndicats, si ce n’est une déclaration figurant dans le décret-loi no 67 et indiquant qu’elles sont liées à la FETÖ/PDY. Le comité tripartite a donc prié instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la dissolution des syndicats consécutive au décret-loi no 667 soit réexaminée par le biais des procédures judiciaires normales, ce qui permettrait aussi à ces syndicats de se faire pleinement représenter afin de se défendre. La commission regrette que le gouvernement se limite à indiquer que deux confédérations et dix syndicats dissous en raison de leurs liens avec l’organisation terroriste FETO ont introduit devant la commission d’enquête un recours qui est en attente. Rappelant que la dissolution et la suspension d’organisations syndicales constituent des formes extrêmes d’ingérence de la part des autorités dans les activités de ces organisations, et que l’article 4 de la convention interdit d’imposer de telles mesures par la voie des autorités administratives, la commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer à la recommandation du comité tripartite et de fournir des informations à ce sujet. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur l’aboutissement des cas concernant les organisations et confédérations syndicales dissoutes qui sont en attente devant la commission d’enquête ainsi que sur le nombre et l’issue de tout recours contre des décisions négatives de la commission d’enquête.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Article 2 de la convention. Droit des travailleurs de constituer des organisations et de s’y affilier. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 7(d) de la loi sur les syndicats des fonctionnaires et les conventions collectives (loi no 4688), telle que modifiée en 2012, prévoit que le lieu de résidence des membres fondateurs d’une organisation doit être mentionné dans les statuts de celle-ci et que ces statuts doivent être soumis au bureau du Gouverneur de la province pour que l’organisation puisse être enregistrée. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’absence de communication des informations requises n’a pas d’incidence sur l’enregistrement d’un syndicat ou sur l’acquisition de la personnalité juridique de celui-ci, la commission avait instamment prié le gouvernement de transmettre des informations sur l’application pratique de cette disposition, en précisant si celle-ci a donné lieu à des réclamations ou des plaintes en raison de retards, de difficultés rencontrées dans l’enregistrement, ou de harcèlement et, le cas échéant, les mesures prises par le gouvernement à cet égard. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les syndicats et leurs confédérations n’ont pas besoin d’autorisation préalable pour être constitués et acquièrent la personnalité juridique dès que leurs statuts sont déposés auprès du gouverneur. Il peut être remédié dans un délai d’un mois à toute pièce manquante ou au non-respect de la législation. Si le dossier est incomplet ou s’il n’a pas été remédié à la situation, le gouverneur saisit la juridiction compétente dans un délai d’un mois, laquelle accorde deux mois supplémentaires au syndicat concerné. D’après les informations obtenues du gouvernement, aucune difficulté ou retard dans l’enregistrement des syndicats n’a été constaté et aucune plainte ou allégation de harcèlement n’a été signalée. La commission prend dûment note de ces informations.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 10 de la loi no 4688 prévoit, dans son dernier paragraphe, qu’en cas de non-respect des prescriptions légales concernant les réunions syndicales et les décisions des assemblées générales, les responsables syndicaux sont démis de leurs fonctions par décision du tribunal du travail sur requête de l’un des membres ou du Ministère du travail. Elle avait prié le gouvernement de réviser cette disposition, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations détaillées sur toute demande de destitution déposée par les agents du gouvernement contre des dirigeants syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle cette disposition vise à assurer le fonctionnement démocratique d’un syndicat. Rappelant que toute révocation ou suspension de responsables syndicaux qui ne résulte pas d’une décision interne du syndicat, d’un vote des membres, ou d’une procédure judiciaire normale constitue une ingérence grave dans l’exercice de la fonction syndicale, la commission réitère sa demande précédente et prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises ou envisagées à cet égard.
Droit de grève. La commission prie de nouveau le gouvernement de faire part de ses commentaires au sujet des observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) qu’il a jointes à son rapport de 2015, selon lesquelles les conditions préalables requises pour toutes actions collectives, réunions et manifestations ou annonces à la presse légales étaient constamment plus strictes et que tout était fait pour changer les lieux de réunion et les itinéraires courants.
La commission avait précédemment noté que si, d’un côté, le septième paragraphe de l’article 54 de la Constitution (interdisant les grèves et lock-out organisés pour des motifs politiques, les grèves de solidarité et les lock-out, l’occupation des lieux de travail, les grèves du zèle et autres formes d’obstruction) avait été supprimé, de l’autre côté, l’article 58 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356) limitait la grève légale aux conflits survenant au cours de négociations collectives. La commission avait prié le gouvernement d’indiquer de quelle manière les actions de protestation, les grèves de solidarité et les autres moyens d’action revendicative légitimes étaient protégés. Notant avec regret que le gouvernement ne fournit aucun détail sur cette question, la commission réitère sa demande et prie instamment le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Détermination du service minimum. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, conformément à l’article 65 de la loi no 6356, seul l’employeur a le pouvoir, unilatéralement, de déterminer la mise en place d’un service minimum en cas d’action collective, et elle avait prié le gouvernement de revoir ses dispositions de manière à garantir que les organisations de travailleurs sont en mesure de participer à cette détermination sur les lieux de travail et que, à défaut d’accord, la question soit tranchée par un organe indépendant recueillant la confiance des parties. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle aucune disposition de la loi n’interdit ni n’empêche la consultation et la décision d’un accord préalable entre les représentants d’employeurs et de travailleurs concernant la mise en place d’un service minimum avant que l’employeur n’en fasse l’annonce. Le syndicat compétent a le droit de contester la décision de l’employeur devant les tribunaux. Le gouvernement fait référence à la nécessité d’assurer la continuité des travaux dans les processus, qui doivent être maintenus pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons de sécurité, de prévention des dommages et de protection de la faune et de la flore. Le gouvernement considère que la participation des syndicats à ce processus équivaut à une ingérence dans les droits de gestion de l’employeur, ce qui entraîne également une responsabilité financière et économique. La commission rappelle une fois de plus que les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à la définition des services minima au même titre que les employeurs et que pour favoriser la participation du syndicat à la détermination d’un tel service en cas de grève, il serait important que le gouvernement prévoie expressément cette participation dans la législation, plutôt que d’accorder ce pouvoir unilatéral à l’employeur. La commission prie de nouveau le gouvernement de revoir cette disposition afin de s’assurer que les organisations de travailleurs sont en mesure de participer à la détermination d’un service minimum requis sur le lieu de travail et que, à défaut d’accord, la question puisse être renvoyée à un organe indépendant ayant la confiance des parties. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que le service public au sens large du terme n’a pas le droit de mener des actions collectives et que la loi no 657 sur les agents de la fonction publique et la loi no 6111 sur les agents publics prévoient des mesures disciplinaires pour sanctionner de telles actions. La commission avait noté que, selon la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), l’interdiction de mener des actions collectives dans le secteur public couvre une catégorie très large de travailleurs, dont le nombre s’élève à 3 millions. La commission avait prié le gouvernement de revoir la législation sur les fonctionnaires avec les partenaires sociaux concernés en vue de la modifier, afin de faire en sorte que l’interdiction des actions collectives se limite aux fonctionnaires exerçant l’autorité au nom de l’État et à ceux qui travaillent dans les services essentiels. Notant avec regret qu’aucune information à ce sujet n’a été fournie par le gouvernement, la commission réitère sa demande précédente et prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). La commission a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires s reçues du gouvernement et des partenaires sociaux cette année, ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019 [voir les sections sur les libertés publiques et l’article 2 ci-dessous].
La commission note les observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues le 31 août 2020, de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 16 septembre 2020, de l’Internationale de l’éducation (IE), reçues le 1er octobre 2020, et les réponses détaillées du gouvernement à ce sujet. La commission note également les observations de la Confédération des syndicats de la fonction publique (MEMUR-SEN), communiquées avec le rapport supplémentaire du gouvernement.
La commission avait précédemment pris note des observations de CSI, reçues le 1er septembre 2019 et examinées ci-après. Elle avait également pris note des observations de la KESK et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) transmises par le gouvernement avec son rapport et se référant aux questions soulevées par la commission ci-dessous. La commission avait également pris note des observations de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF), reçues le 4 septembre 2019 et se référant aux informations soumises par la CSI. La commission avait également pris note des observations de la TİSK, reçues le 2 septembre 2019.
La commission rappelle qu’elle avait précédemment prié le gouvernement de répondre aux observations de 2018 de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) selon lesquelles les travailleurs employés temporairement par des agences de placement privées ne pouvaient jouir de leurs droits syndicaux, ainsi qu’aux allégations de pression exercée sur les travailleurs, en particulier dans le secteur public, pour les inciter à adhérer aux syndicats désignés par leur employeur. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre d’un «contrat de travail triangulaire» (dans lequel le travailleur est employé par une agence de travail intérimaire et travaille pour un employeur différent), les travailleurs ont le droit de se syndiquer dans la branche d’activité dans laquelle l’agence de travail est active. La commission prie le gouvernement de fournir des informations additionnelles à cet égard, y compris des exemples concrets de la manière selon laquelle les droits des travailleurs engagés dans le cadre d’un contrat de travail triangulaire sont exercés dans la pratique. En ce qui concerne l’allégation de pressions exercées sur les travailleurs du secteur public, le gouvernement se réfère aux dispositions législatives garantissant la protection contre la discrimination antisyndicale et souligne que les syndicats et les travailleurs disposent de recours administratifs et judiciaires pour contester ces actions. Il se réfère en particulier au premier paragraphe de l’article 118 du code pénal, selon lequel toute personne qui fait usage de la force ou de menaces dans le but de contraindre une personne à adhérer ou à ne pas adhérer à un syndicat, ou à participer à des activités syndicales ou à ne pas y participer, ou à démissionner d’une fonction syndicale, est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans. En outre, selon le gouvernement, dans de tels cas, la législation prévoit une indemnisation équivalente au moins au montant d’une année de salaire et, en cas de licenciement, la possibilité d’une réintégration. Les employeurs du secteur public ont la responsabilité de respecter la loi dans l’exercice de leurs fonctions et sont donc également responsables en vertu du droit public.

Suivi des conclusions de la commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

La commission prend note des discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en juin 2019 concernant l’application de la convention. Elle fait observer que la Commission de la Conférence avait noté avec préoccupation les allégations de restrictions imposées aux organisations de travailleurs s’agissant de constituer des syndicats, d’y adhérer et d’en assurer la gestion et avait prié le gouvernement de: i) prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir que, quelle que soit l’affiliation syndicale, le droit à la liberté syndicale peut s’exercer dans des conditions normales, dans le respect des libertés civiles et dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces; ii) s’assurer qu’une procédure judiciaire régulière et en bonne et due forme est garantie aux organisations de travailleurs et d’employeurs et à leurs membres; iii) réviser la loi no 4688 en concertation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives afin d’accorder à tous les travailleurs sans aucune distinction, y compris aux travailleurs du secteur public, la liberté syndicale conformément à la convention, en droit et dans la pratique; iv) réviser le décret présidentiel no 5 pour exclure les organisations de travailleurs et d’employeurs de son champ d’application; et v) s’assurer que la dissolution d’organisations syndicales est le résultat d’une décision de justice et que les droits de la défense et la régularité de la procédure sont pleinement garantis dans un système judiciaire indépendant.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires sur la situation des libertés publiques en Turquie. Notant que le gouvernement a indiqué qu’il existait des voies de recours administratives ou judiciaires internes contre tous les actes de l’administration, la commission l’avait prié d’indiquer si les personnes touchées avaient eu recours à de telles voies et quels en avaient été les résultats. La commission l’avait également prié de fournir des informations sur les mesures prises pour garantir un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit afin que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement les droits que leur confère la convention.
La commission rappelle que, dans son commentaire précédent, elle a noté la réaffirmation par le gouvernement que la Turquie est un pays démocratique, respectueux de l’état de droit et qu’aucun syndicat n’a jamais été fermé ni ses fonctionnaires suspendus ou licenciés en raison de leurs activités légitimes. Le gouvernement a indiqué que: i) du fait de l’adoption de la loi sur les syndicats et les conventions collectives de travail (loi no 6356) et des modifications substantielles apportées à la loi no 4688 sur les syndicats des fonctionnaires en 2013, le taux de syndicalisation a régulièrement augmenté, atteignant 22 pour cent dans les secteurs public et privé réunis (66,79 pour cent dans le secteur public; 13,76 pour cent dans le secteur privé). Il existe actuellement quatre confédérations syndicales dans le secteur privé et dix confédérations de fonctionnaires. Comme tous les pays démocratiques, la Turquie dispose d’un cadre réglementaire pour l’organisation de réunions et de manifestations. Lorsque les membres des syndicats transgressent la loi, détruisent les biens publics et privés et cherchent à imposer leurs propres règles pendant les réunions et les manifestations, les forces de sécurité sont obligées d’intervenir pour préserver l’ordre et la sécurité publics. Le gouvernement indique qu’il est possible d’organiser des marches et des manifestations avec notification préalable, comme l’illustrent les célébrations du 1er mai, organisées par tous les syndicats et confédérations de manière pacifique. Le gouvernement réaffirme en outre que les droits et libertés fondamentaux sont protégés par la Constitution nationale. Outre le droit de recours judiciaire contre les actes de l’administration, toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle contre les autorités publiques pour violation des droits et libertés constitutionnels. Le gouvernement souligne en outre que les allégations concernent principalement la période de l’état d’urgence entre juillet 2016 et juillet 2018, à la suite d’une tentative de coup d’État, et que les problèmes sont survenus lorsque les prescriptions de l’état d’urgence ont été ignorées et ignorées avec persistance par certains syndicats et leurs membres. Bien que les fonctionnaires n’aient pas le droit de grève, certains syndicats de fonctionnaires et leurs membres ont appelé à des actions de grève et des réunions et manifestations en plein air ont été organisées en violation des dispositions de la loi no 2911 sur les réunions et manifestations. Par conséquent, des procédures disciplinaires peuvent avoir été appliquées à des fonctionnaires impliqués dans la vie politique.
En ce qui concerne l’usage excessif présumé de la force par les forces de sécurité, le gouvernement rappelle qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher que de tels incidents ne se produisent. Il explique que ces incidents se sont largement produits pour deux raisons: i) l’infiltration d’organisations terroristes illégales dans les marches et manifestations organisées par les syndicats et ii) l’insistance de certains syndicats à organiser de telles réunions dans des zones non prévues à cet effet. Le gouvernement informe que les forces de sécurité sont intervenues dans 2 pour cent des cas sur 40 016 actions et activités en 2016; dans 0,8 pour cent des cas sur 38 976 activités en 2017; et dans 0,7 pour cent des cas sur 36 925 activités en 2018. Selon les informations supplémentaires fournies par le gouvernement, le taux d’interférence des forces de sécurité a diminué de 0,8 pour cent en 2017 à 0,7 pour cent en 2019. Le gouvernement indique en outre qu’en 2019, 51 525 manifestations/activités ont été menées, impliquant 32 166 244 personnes, ce qui représente, par rapport à 2018, une augmentation de 3,6 pour cent du nombre d’événements et une augmentation de 11,07 pour cent en termes de participants. Le gouvernement a indiqué dans son rapport de 2019 que l’intervention de la police ne se produit qu’en cas de violence et d’attaques contre les forces de sécurité et les citoyens et lorsque la vie des citoyens est gravement affectée.
La commission rappelle que dans son rapport de 2019, le gouvernement a indiqué qu’une stratégie de réforme judiciaire a été lancée le 30 mai 2019 par le Président de la République. Les principaux objectifs de cette réforme sont notamment le renforcement de l’état de droit, la protection et la promotion effectives des droits et libertés, le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’amélioration de l’impartialité, l’accroissement de la transparence du système, la simplification des procédures judiciaires, l’accès à la justice, le renforcement du droit à la défense et la protection efficace du droit au procès dans un délai raisonnable. Le gouvernement a indiqué qu’un plan d’action clair et mesurable serait également préparé et que le ministère de la Justice publierait des rapports de suivi annuels.
Tout en prenant note de ce qui précède, la commission a noté avec préoccupation les observations de la CSI selon lesquelles, depuis la tentative de coup d’État et les sévères restrictions aux libertés publiques imposées par le gouvernement, les libertés et droits des travailleurs ont été davantage restreints (la CSI a dénoncé, en particulier, la répression policière des manifestations et le licenciement systématique des travailleurs cherchant à s’organiser). La commission a noté en outre avec préoccupation l’allégation de l’assassinat, le 13 novembre 2018, du président du syndicat des travailleurs du caoutchouc et de la chimie Lastik-İş et la condamnation, le 2 novembre 2018, de 26 syndicalistes à cinq mois de prison avec sursis pour «désobéissance à la loi sur les réunions et manifestations» après une manifestation en mars 2016 demandant la reconnaissance du droit syndical dans une entreprise privée (la CSI affirme que la manifestation avait été dispersée violemment par la police). La commission note également avec préoccupation les allégations de la CSI selon lesquelles les dirigeants syndicaux suivants auraient fait l’objet de poursuites pénales pour leurs activités syndicales légitimes: i) Le secrétaire général du syndicat d’enseignants Eğitim Sen a été arrêté en mai 2019 pour avoir assisté à une réunion de presse et n’a donc pas été autorisé à assister à la Conférence de l’OIT; ii) Kenan Ozturk, président du syndicat des transports TÜMTIS, et quatre autres responsables syndicaux ont été arrêtés en vertu de la loi no 2911 pour avoir rendu visite, en 2017, aux travailleurs injustement licenciés d’une compagnie de fret dans la province de Gaziantep et avoir tenu une conférence de presse; en attendant leur procès pénal, un autre dirigeant de TÜMTIS, Nurettin Kilicdogan, est toujours en prison; iii) Arzu Çerkezoğlu, président de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) fait l’objet de poursuites pénales pour son intervention devant le panel public organisé en juin 2016 par le parti de l’opposition de Turquie; et iv) en mai 2019, le ministère public a engagé des poursuites contre Tarim Orman-is, président du Syndicat des fonctionnaires de l’agriculture, des forêts, de l’élevage et de l’environnement pour avoir critiqué le gouvernement après avoir publiquement défendu le droit des travailleurs à bénéficier des installations publiques.
La commission a noté que la CSI s’est déclarée préoccupée par la gravité et la persistance des violations de la liberté syndicale et des mesures autoritaires du gouvernement visant à s’ingérer dans les affaires syndicales et à imposer de lourdes restrictions au droit syndical. La CSI a allégué qu’il est devenu presque impossible pour les syndicats en Turquie de fonctionner. Elle a affirmé que, à cet égard, à partir de 2016, le gouvernement a justifié la poursuite des violations des libertés publiques sous couvert de l’état d’urgence par des décrets associés. En conséquence, quelque 110 000 fonctionnaires et 5 600 universitaires ont été licenciés; environ 22 500 travailleurs d’établissements d’enseignement privés ont vu leur permis de travail annulé; 19 syndicats ont été dissous et environ 24 000 travailleurs font l’objet de diverses formes de mesures disciplinaires liées aux manifestations des travailleurs. Plus de 11 000 représentants et membres de la KESK ont été suspendus de leurs fonctions ou licenciés en raison de leurs activités syndicales, sous prétexte de la sécurité nationale et des pouvoirs d’urgence. En outre, la CSI a indiqué que le gouvernement a continué de faire respecter les lois d’état d’urgence qui permettent la dissolution arbitraire des organisations syndicales. Le décret no 667 adopté en 2016 dispose que «les syndicats, fédérations et confédérations (...) dont il est établi qu’ils sont liés à des formations menaçant la sécurité nationale ou à des organisations terroristes, ou qu’ils en communiquent ou y adhèrent, sont interdits sur proposition de la commission et sur approbation du ministre concerné». La CSI a allégué en outre que la loi ne fait aucune distinction entre un syndicat en tant qu’organisation ayant une finalité publique objective et des acteurs individuels et déclare tous les membres du syndicat coupables par association en ordonnant la fermeture du syndicat. Bien que le gouvernement ait mis en place une commission d’enquête chargée d’examiner ses actions, y compris les cas de dissolution de syndicats, le processus n’a pas bénéficié de la confiance des victimes et des syndicats en raison de la manière dont il a été constitué et des résultats des processus à ce jour (la CSI a affirmé qu’il est marqué par un manque d’indépendance institutionnelle, de longues périodes d’attente, une absence de garanties permettant aux individus de réfuter les allégations et la faiblesse des preuves invoquées dans les décisions de maintenir les licenciements).
La commission note que dans son rapport supplémentaire, le gouvernement indique que M. Kenan Ozturk, le président du syndicat des travailleurs du transport TÜMTIS, et quatre autres membres du syndicat arrêtés en 2017 ont été acquittés en mai 2018 et qu’un autre dirigeant du TÜMTIS, M. Nurettin Kilicdogan, a été libéré en février 2020. En ce qui concerne l’allégation de la CSI sur les travaux de la commission d’enquête, le gouvernement indique que la commission a commencé ses travaux le 22 décembre 2017 et qu’en date du 2 octobre 2020, elle avait rendu 110 250 décisions (12 680 acceptées et 97 570 rejetées). Selon le gouvernement, 60 des décisions d’acceptation sont liées à l’ouverture d’organisations qui ont été fermées (associations, fondations et chaînes de télévision). Le gouvernement souligne que 87 pour cent des demandes ont fait l’objet d’une décision dans un délai de 33 mois. Le gouvernement informe en outre qu’actuellement, six tribunaux administratifs d’Ankara sont compétents pour traiter les cas d’annulation des décisions de la commission d’enquête et que le «délai moyen de traitement» (pour finaliser une demande d’annulation) varie, selon le tribunal, entre 191 et 347 jours.
La commission note avec préoccupation l’allégation la plus récente de la CSI selon laquelle en 2019 et 2020, des dirigeants syndicaux ont continué à faire l’objet d’arrestations et de poursuites alors que le gouvernement tentait de réprimer les voix critiques. Selon la CSI, alors que les tribunaux ont rejeté plusieurs affaires, les autorités sont tombées dans un schéma de ciblage, d’arrestation et de poursuite systématique des dirigeants syndicaux. La CSI fait référence à l’affaire en cours d’Umar Karatepe, directeur des communications du DISK, en notant que sa maison a été perquisitionnée le 5 mars 2020; il a été arrêté et conduit au siège de la police à Istanbul; et les charges retenues contre lui n’ont pas été précisées mais seraient liées à plusieurs déclarations faites sur son compte sur les médias sociaux.
La commission note en outre avec préoccupation l’allégation de la MEMUR-SEN concernant les pressions et le harcèlement exercés sur ses membres, les membres de Bem-Bir-Sen, son affilié, et les membres de Hizmet-Is, affilié à Hak-Is, à la suite des élections locales du 31 mars 2019.
Tout en notant la réponse du gouvernement à certaines de ces allégations, la commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires détaillés sur les autres allégations de longue date et graves de violations des libertés civiles et des droits syndicaux. La commission observe que la question du licenciement des syndicalistes à la suite de la dissolution des syndicats est examinée par un comité tripartite du Comité de la liberté syndicale créé pour examiner une réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT alléguant la violation par le gouvernement de la Turquie de la convention no 87. La commission procédera à l’examen de ces questions une fois que le comité tripartite aura achevé ses travaux.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction aucune, de constituer des organisations et d’y adhérer. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, excluait du droit syndical les hauts fonctionnaires, les magistrats et les gardiens de prison. La commission note que le gouvernement a réaffirmé que les restrictions prévues à l’article 15 de la loi se limitent aux services publics où l’interruption de service ne peut être compensée, comme la sécurité, la justice et les hauts fonctionnaires.
La commission note que la MEMUR-SEN souligne la nécessité de garantir les droits à la liberté d’association des retraités, des travailleurs suppléants (enseignants, infirmières, sages-femmes, etc.) ainsi que des employés publics qui ne sont pas salariés et qui travaillent sans contrat de travail. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires à ce sujet.
Rappelant que tous les travailleurs, sans distinction aucune, ont le droit de constituer des syndicats de leur choix et d’y adhérer et que les seules exceptions possibles à l’application de la convention à cet égard concernent les forces armées et la police, la commission encourage le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour revoir l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée, afin de garantir à tous les employés publics le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Elle le prie également de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait noté que l’article 63(1) de la loi no 6356 dispose qu’une grève ou un lock-out légal qui a été déclenché ou commencé peut être suspendu par le Conseil des ministres pendant soixante jours par décret si cette action porte atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale et que, si un accord n’est pas trouvé pendant cette période, le litige sera soumis à un arbitrage obligatoire. Depuis un certain nombre d’années, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que l’article 63 de la loi no 6356 ne soit pas appliqué d’une manière qui porte atteinte au droit des syndicats d’organiser leurs activités sans ingérence gouvernementale. Tout en notant que, dans une décision datée du 22 octobre 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction des grèves et lock-out dans les services bancaires et les services municipaux de transport en vertu de l’article 62(1), la commission a relevé que le décret no 678 (KHK) autorise le Conseil des Ministres, en application duquel les sociétés et institutions bancaires locales de transport ont le pouvoir légal de suspendre pour soixante jours la grève des travailleurs des services bancaires. La commission a en outre noté avec préoccupation que, en 2017, cinq grèves avaient été suspendues, y compris dans le secteur du verre pour menace à la sécurité nationale, alors qu’en 2015, la Cour constitutionnelle turque avait déclaré inconstitutionnelle une suspension de grève dans ce même secteur. La commission a rappelé que le droit de grève ne peut être limité ou interdit qu’à l’égard des fonctionnaires exerçant leur autorité au nom de l’État, dans les services essentiels au sens strict du terme et dans les situations de crise nationale ou locale aiguë, pour une durée limitée et dans la mesure nécessaire pour répondre aux besoins de la situation. Rappelant la décision de la Cour constitutionnelle selon laquelle les suspensions de grève dans ces secteurs sont inconstitutionnelles, la commission avait prié le gouvernement de tenir compte des principes ci-dessus dans l’application de l’article 63 des lois no 6356 et no 678 du KHK. Elle avait en outre prié le gouvernement de fournir une copie du KHK no 678. La commission note qu’une copie du décret a été transmise et l’examinera dès que sa traduction sera disponible. La commission note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle le pouvoir de suspendre une grève pendant soixante jours revient au Président lorsqu’une grève nuit à la santé générale et à la sécurité nationale ou aux transports publics urbains des municipalités métropolitaines ou à la stabilité économique et financière des services bancaires. Le gouvernement indique que lorsque la grève a été suspendue, le Haut Conseil d’arbitrage fait le maximum d’efforts pour amener les parties à un accord. La procédure judiciaire est ouverte pour le sursis de l’exécution contre la décision du Conseil. Le gouvernement rappelle qu’en vertu de l’article 138 de la Constitution sur «l’indépendance des tribunaux» aucun organe, autorité, fonction ou individu ne peut donner d’ordres ou d’instructions aux tribunaux ou aux juges concernant l’exercice de leur pouvoir judiciaire, leur envoyer des circulaires ou leur faire des recommandations ou suggestions. La commission note que, selon la CSI, bien que la législation indique que la mesure de suspension devrait être limitée aux grèves susceptibles de porter préjudice à la santé publique ou à la sécurité nationale, elle a été interprétée d’une manière si large que les grèves dans les services non essentiels ont également été effectivement interdites. Elle informe à cet égard que, en janvier 2019, une grève déclenchée par le syndicat des chemins de fer affilié à la FIT à Izmir a été reportée en vertu de ces lois. La commission prie le gouvernement de lui faire part de ses commentaires à ce sujet. Considérant que les grèves ne peuvent être suspendues que dans les services essentiels au sens strict du terme, pour les fonctionnaires exerçant leur autorité au nom de l’État ou en cas de crise nationale aiguë, la commission prie le gouvernement de faire en sorte que l’article 63 des lois no 6356 et no 678 KHK soit appliqué en tenant compte de ces éléments.
La commission rappelle que la CSI avait précédemment allégué que le décret no 5 adopté en juillet 2018 prévoyait qu’une institution relevant directement de la Présidence de la République – le Conseil de surveillance d’État (DDK) – était investie du pouvoir d’enquêter et de vérifier les syndicats, associations professionnelles, fondations et associations à un moment donné. Selon la CSI, tous les documents et activités des syndicats peuvent faire l’objet d’une enquête sans ordonnance judiciaire et le DDK a le pouvoir discrétionnaire de révoquer ou de modifier la direction des syndicats. Rappelant que toute loi qui donnerait aux autorités des pouvoirs étendus de contrôle du fonctionnement interne des syndicats au-delà de l’obligation de soumettre des rapports financiers annuels serait incompatible avec la convention, la commission avait prié le gouvernement de transmettre un exemplaire du décret no 5 afin que soit effectué un examen approfondi de sa conformité avec la convention. Elle l’avait également prié de fournir des informations précises sur toute enquête ou tout audit entrepris en application du décret no 5 et sur leurs résultats, y compris tout licenciement ou suspension de dirigeants syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il n’y a jamais eu d’enquête ou d’audit d’une organisation syndicale ou de suspension d’un responsable syndical par le Conseil national de surveillance en vertu du décret no 5. Le gouvernement explique que les pouvoirs d’enquête du Conseil en vue d’assurer la légalité, le fonctionnement régulier et efficace et l’amélioration de l’administration sont énoncés à l’article 108 de la Constitution. Il indique en outre que le Conseil n’a pas le pouvoir de révoquer les responsables syndicaux et qu’il ne s’est jamais ingéré et n’a jamais eu l’intention de s’ingérer dans le fonctionnement interne des syndicats. Les mesures de révocation ne peuvent être prises que par les tribunaux dans le cadre des dispositions légales existantes. En outre, la suspension est une mesure appliquée aux agents publics dans les cas où la prestation de services publics l’exige au cours d’une enquête administrative. Lorsqu’une mesure de suspension doit être prise à l’encontre d’élus tels que des responsables syndicaux, le Conseil de surveillance de l’État ne peut proposer l’application de cette mesure qu’aux autorités compétentes qui, dans le cas des syndicats, font référence aux conseils de surveillance des syndicats et aux comités de discipline. La commission prend note qu’une copie du décret no 5 a été transmise par le gouvernement et l’examinera dès que sa traduction sera disponible. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute enquête ou audit entrepris par le Conseil, en application du décret no 5 ou de l’article 108 de la Constitution, ainsi que sur ses résultats, y compris les sanctions imposées.
Article 4. Dissolution des syndicats. La commission rappelle qu’après la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, la Turquie était en état de crise nationale aiguë et qu’une commission d’enquête a été créée pour examiner les demandes contre la dissolution des syndicats ordonnée par décret pendant l’état d’urgence. La commission avait vivement espéré que la commission d’enquête serait accessible à toutes les organisations qui le souhaitaient et que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui examinaient ses décisions en appel examineraient attentivement les motifs de dissolution en tenant dûment compte des principes de la liberté syndicale. Elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de demandes présentées par les organisations dissoutes et sur les résultats de leur examen par la commission d’enquête. La commission avait en outre prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours formés contre les décisions négatives de la commission d’enquête concernant la dissolution des syndicats. La commission observe que le gouvernement se réfère uniquement aux cas des confédérations Cihan-Sen et Aksiyon-İş. Selon le gouvernement, ces organisations, ainsi que leurs syndicats affiliés, ont été dissous en raison de leurs liens avec l’organisation terroriste FETÖ qui a perpétré le coup d’État visant à renverser le gouvernement démocratiquement élu. Le gouvernement indique que les affaires des organisations susmentionnées sont toujours en instance devant la commission d’enquête. Rappelant que la dissolution et la suspension des syndicats constituent des formes extrêmes d’ingérence des autorités dans les activités des organisations, la commission observe, comme indiqué ci-dessus, que la question de la dissolution des syndicats est examinée par un comité tripartite du Comité de la liberté syndicale créé pour examiner une réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT alléguant l’inexécution par le gouvernement de la Turquie de la convention no 87. La commission procédera à l’examen de cette question lorsque le comité tripartite aura achevé ses travaux.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement, qui réitère le contenu de sa précédente demande adoptée en 2019.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

Article 2 de la convention. Droit des travailleurs de constituer des organisations et de s’y affilier. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 7(d) de la loi sur les syndicats des fonctionnaires et les conventions collectives (loi no 4688), telle que modifiée en 2012, prescrit que le lieu de résidence des membres fondateurs d’une organisation doit être mentionné dans les statuts de celle-ci et que ces statuts doivent être soumis au bureau du Gouverneur de la province pour que l’organisation puisse être enregistrée. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’absence de communication des informations requises n’a pas d’incidence sur l’enregistrement d’un syndicat ou sur l’acquisition de la personnalité juridique de celui-ci, la commission avait instamment prié le gouvernement de transmettre des informations sur l’application pratique de cette disposition, en précisant si celle-ci a donné lieu à des réclamations ou des plaintes en raison de retards, de difficultés rencontrées dans l’enregistrement, ou de harcèlement et, le cas échéant, les mesures prises par le gouvernement à cet égard. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les syndicats et leurs confédérations n’ont pas besoin d’autorisation préalable pour être constitués et acquièrent la personnalité juridique dès que leurs statuts sont déposés auprès du gouverneur. Il peut être remédié dans un délai d’un mois à toute pièce manquante ou au non-respect de la législation. Si le dossier est incomplet ou s’il n’a pas été remédié à la situation, le gouverneur saisit la juridiction compétente dans un délai d’un mois, laquelle accorde deux mois supplémentaires au syndicat concerné. D’après les informations obtenues du gouvernement, aucune difficulté ou retard dans l’enregistrement des syndicats n’a été constaté et aucune plainte ou allégation de harcèlement n’a été signalée. La commission prend note de ces informations.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 10 de la loi no 4688 prévoit, dans son dernier paragraphe, qu’en cas de non-respect des prescriptions légales concernant les réunions syndicales et les décisions des assemblées générales, les responsables syndicaux sont démis de leurs fonctions par décision du tribunal du travail sur requête de l’un des membres ou du Ministère du travail. Elle avait prié le gouvernement de réviser cette disposition, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations détaillées sur toute demande de destitution déposée par les agents du gouvernement contre des dirigeants syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle cette disposition vise à assurer le fonctionnement démocratique d’un syndicat. Rappelant que toute révocation ou suspension de responsables syndicaux qui ne résulte pas d’une décision interne du syndicat, d’un vote des membres, ou d’une procédure judiciaire normale constitue une ingérence grave dans l’exercice de la fonction syndicale, la commission réitère sa demande précédente et prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises ou envisagées à cet égard.
Droit de grève. La commission prie de nouveau le gouvernement de faire part de ses commentaires au sujet des observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) qu’il a jointes à son rapport de 2015, selon lesquelles les conditions préalables requises pour toutes actions collectives, réunions et manifestations ou annonces à la presse légales étaient constamment plus strictes et que tout était fait pour changer les lieux de réunion et les itinéraires courants.
La commission avait précédemment noté que si, d’un côté, le septième paragraphe de l’article 54 de la Constitution (interdisant les grèves et lock-out organisés pour des motifs politiques, les grèves de solidarité et les lock-out, l’occupation des lieux de travail, les grèves du zèle et autres formes d’obstruction) avait été supprimé, de l’autre côté, l’article 58 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356) limitait la grève légale aux conflits survenant au cours de négociations collectives. La commission avait prié le gouvernement d’indiquer de quelle manière les actions de protestation, les grèves de solidarité et les autres moyens d’action revendicative légitimes étaient protégés. Notant avec regret que le gouvernement ne fournit aucun détail sur cette question, la commission réitère sa demande et prie instamment le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Détermination du service minimum. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, conformément à l’article 65 de la loi no 6356, seul l’employeur a le pouvoir, unilatéralement, de déterminer la mise en place d’un service minimum en cas d’action collective, et elle avait prié le gouvernement de revoir ses dispositions de manière à garantir que les organisations de travailleurs sont en mesure de participer à cette détermination sur les lieux de travail et que, à défaut d’accord, la question soit tranchée par un organe indépendant recueillant la confiance des parties. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle aucune disposition de la loi n’interdit ni n’empêche la consultation et la décision d’un accord préalable entre les représentants d’employeurs et de travailleurs concernant la mise en place d’un service minimum avant que l’employeur n’en fasse l’annonce. Le syndicat compétent a le droit de contester la décision de l’employeur devant les tribunaux. Le gouvernement fait référence à la nécessité d’assurer la continuité des travaux dans les processus, qui doivent être maintenus pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons de sécurité, de prévention des dommages et de protection de la faune et de la flore. Le gouvernement considère que la participation des syndicats à ce processus équivaut à une ingérence dans les droits de gestion de l’employeur, ce qui entraîne également une responsabilité financière et économique. La commission rappelle une fois de plus que les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à la définition des services minima au même titre que les employeurs et que pour favoriser la participation du syndicat à la détermination d’un tel service en cas de grève, il serait important que le gouvernement prévoie expressément cette participation dans la législation, plutôt que d’accorder ce pouvoir unilatéral à l’employeur. La commission prie de nouveau le gouvernement de revoir cette disposition afin de s’assurer que les organisations de travailleurs sont en mesure de participer à la détermination d’un service minimum requis sur le lieu de travail et que, à défaut d’accord, la question peut être renvoyée à un organe indépendant ayant la confiance des parties. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que le service public au sens large du terme n’a pas le droit de mener des actions collectives et que la loi no 657 sur les agents de la fonction publique et la loi no 6111 sur les agents publics prévoient des mesures disciplinaires pour sanctionner de telles actions. La commission avait noté que, selon la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), l’interdiction de mener des actions collectives dans le secteur public couvre une catégorie très large de travailleurs, dont le nombre s’élève à 3 millions. La commission avait prié le gouvernement de revoir la législation sur les fonctionnaires avec les partenaires sociaux concernés en vue de la modifier, afin de faire en sorte que l’interdiction des actions collectives se limite aux fonctionnaires exerçant l’autorité au nom de l’Etat et à ceux qui travaillent dans les services essentiels. Notant avec regret qu’aucune information à ce sujet n’a été fournie par le gouvernement, la commission réitère sa demande précédente et prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2019 et qu’elle examine ci-après. Elle prend également note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires publics (KESK) de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) jointes au rapport du gouvernement. La commission en examinera le contenu dès que leur traduction sera disponible. Elle prend également note des observations de la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIT), reçues le 4 septembre 2019 et se référant aux informations soumises par la CSI. La commission prend également note des observations de la TİSK reçues le 2 septembre 2019.
La commission rappelle qu’elle avait précédemment prié le gouvernement de répondre aux observations de 2018 de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) selon lesquelles les travailleurs employés temporairement par des agences de placement privées ne pouvaient jouir de leurs droits syndicaux, ainsi qu’aux allégations de pression exercée sur les travailleurs, en particulier dans le secteur public, pour les inciter à adhérer aux syndicats désignés par leur employeur. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre d’un «contrat de travail triangulaire» (dans lequel le travailleur est employé par une agence de travail intérimaire et travaille pour un employeur différent), les travailleurs ont le droit de se syndiquer dans la branche d’activité dans laquelle l’agence de travail est active. La commission prie le gouvernement de fournir des informations additionnelles à cet égard, y compris des exemples concrets de la manière selon laquelle les droits des travailleurs engagés dans le cadre d’un contrat de travail triangulaire sont exercés dans la pratique. En ce qui concerne l’allégation de pression exercée sur les travailleurs du secteur public, le gouvernement renvoie aux dispositions législatives garantissant la protection contre la discrimination antisyndicale et fait observer que les syndicats et les travailleurs disposent de moyens administratifs et judiciaires pour contester ces actions. Il renvoie en particulier à l’article 118(1) du Code pénal, selon lequel toute personne qui a recours à la force ou à des menaces dans le but de contraindre une personne à adhérer à un syndicat ou à ne pas adhérer, à participer à des activités syndicales ou à ne pas y participer, ou à démissionner d’une fonction syndicale est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans. En outre, selon le gouvernement, dans de tels cas, la législation prévoit une indemnité équivalente au moins au montant d’une année de salaire et, en cas de licenciement, la possibilité de réintégration. Les employeurs du secteur public sont tenus de respecter la loi dans l’exercice de leurs fonctions et sont donc également responsables en vertu du droit public.

Suivi des conclusions de la commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

La commission prend note des discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en juin 2019 concernant l’application de la convention. Elle fait observer que la Commission de la Conférence avait noté avec préoccupation les allégations de restrictions imposées aux organisations de travailleurs s’agissant de constituer des syndicats, d’y adhérer et d’en assurer la gestion et avait prié le gouvernement de: i) prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir que, quelle que soit l’affiliation syndicale, le droit à la liberté syndicale peut s’exercer dans des conditions normales, dans le respect des libertés civiles et dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces; ii) s’assurer qu’une procédure judiciaire régulière et en bonne et due forme est garantie aux organisations de travailleurs et d’employeurs et à leurs membres; iii) réviser la loi no 4688 en concertation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives afin d’accorder à tous les travailleurs sans aucune distinction, y compris aux travailleurs du secteur public, la liberté syndicale conformément à la convention, en droit et dans la pratique; iv) réviser le décret présidentiel no 5 pour exclure les organisations de travailleurs et d’employeurs de son champ d’application; et v) s’assurer que la dissolution d’organisations syndicales est le résultat d’une décision de justice et que les droits de la défense et la régularité de la procédure sont pleinement garantis dans un système judiciaire indépendant.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires sur la situation des libertés publiques en Turquie. Notant que le gouvernement a indiqué qu’il existait des voies de recours administratives ou judiciaires internes contre tous les actes de l’administration, la commission l’avait prié d’indiquer si les personnes touchées avaient eu recours à de telles voies et quels en avaient été les résultats. La commission l’avait également prié de fournir des informations sur les mesures prises pour garantir un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit afin que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement les droits que leur confère la convention.
La commission note que le gouvernement réaffirme que la Turquie est un pays démocratique, respectueux de l’état de droit et qu’aucun syndicat n’a jamais été fermé ni ses fonctionnaires suspendus ou licenciés en raison de leurs activités légitimes. Le gouvernement indique que: i) du fait de l’adoption de la loi sur les syndicats et les conventions collectives de travail (loi no 6356) et des modifications substantielles apportées à la loi no 4688 sur les syndicats des fonctionnaires en 2013, le taux de syndicalisation a régulièrement augmenté, atteignant 22 pour cent dans les secteurs public et privé réunis (66,79 pour cent dans le secteur public; 13,76 pour cent dans le secteur privé). Il existe actuellement quatre confédérations syndicales dans le secteur privé et dix confédérations de fonctionnaires. Comme tous les pays démocratiques, la Turquie dispose d’un cadre réglementaire pour l’organisation de réunions et de manifestations. Lorsque les membres des syndicats transgressent la loi, détruisent les biens publics et privés et cherchent à imposer leurs propres règles pendant les réunions et les manifestations, les forces de sécurité sont obligées d’intervenir pour préserver l’ordre et la sécurité publics. Le gouvernement indique qu’il est possible d’organiser des marches et des manifestations avec notification préalable, comme l’illustrent les célébrations du 1er mai, organisées par tous les syndicats et confédérations de manière pacifique. Le gouvernement réaffirme en outre que les droits et libertés fondamentaux sont protégés par la Constitution nationale. Outre le droit de recours judiciaire contre les actes de l’administration, toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle contre les autorités publiques pour violation des droits et libertés constitutionnels. Le gouvernement souligne en outre que les allégations concernent principalement la période de l’état d’urgence entre juillet 2016 et juillet 2018, à la suite d’une tentative de coup d’Etat, et que les problèmes sont survenus lorsque les prescriptions de l’état d’urgence ont été ignorées et ignorées avec persistance par certains syndicats et leurs membres. Bien que les fonctionnaires n’aient pas le droit de grève, certains syndicats de fonctionnaires et leurs membres ont appelé à des actions de grève et des réunions et manifestations en plein air ont été organisées en violation des dispositions de la loi no 2911 sur les réunions et manifestations. Par conséquent, les procédures disciplinaires peuvent avoir été appliquées à des fonctionnaires impliqués dans la vie politique.
En ce qui concerne l’usage excessif présumé de la force par les forces de sécurité, le gouvernement rappelle qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher que de tels incidents ne se produisent. Il explique que ces incidents se sont largement produits pour deux raisons: 1) l’infiltration d’organisations terroristes illégales dans les marches et manifestations organisées par les syndicats et 2) l’insistance de certains syndicats à organiser de telles réunions dans des zones non prévues à cet effet. Le gouvernement informe que les forces de sécurité sont intervenues dans 2 pour cent des cas sur 40 016 actions et activités en 2016; dans 0,8 pour cent des cas sur 38 976 activités en 2017; et dans 0,7 pour cent des cas sur 36 925 activités en 2018. Selon le gouvernement, au 7 mai 2019, le taux d’ingérence des forces de sécurité est de 0,8 pour cent et ne se produit qu’en cas de violence et d’attaques contre les forces de sécurité et les citoyens et lorsque la vie des citoyens est gravement affectée.
Enfin, le gouvernement indique qu’une stratégie de réforme judiciaire a été lancée le 30 mai 2019 par le Président de la République. Les principaux objectifs de cette réforme sont notamment le renforcement de l’état de droit, la protection et la promotion effectives des droits et libertés, le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’amélioration de l’impartialité, l’accroissement de la transparence du système, la simplification des procédures judiciaires, l’accès à la justice, le renforcement du droit à la défense et la protection efficace du droit au procès dans un délai raisonnable. Le gouvernement indique qu’un plan d’action clair et mesurable sera également préparé et que le ministère de la Justice publiera des rapports de suivi annuels.
Tout en prenant note de ce qui précède, la commission note avec préoccupation les observations de la CSI selon lesquelles, depuis la tentative de coup d’Etat et les sévères restrictions aux libertés publiques imposées par le gouvernement, les libertés et droits des travailleurs ont été davantage restreints (la CSI dénonce, en particulier, la répression policière des manifestations et le licenciement systématique des travailleurs cherchant à s’organiser). La commission note en outre avec préoccupation l’allégation de l’assassinat, le 13 novembre 2018, du président du syndicat des travailleurs du caoutchouc et de la chimie Lastik-İş et la condamnation, le 2 novembre 2018, de 26 syndicalistes à cinq mois de prison avec sursis pour «désobéissance à la loi sur les réunions et manifestations» après une manifestation en mars 2016 demandant la reconnaissance du droit syndical dans une entreprise privée (la CSI affirme que la manifestation avait été dispersée violemment par la police). La commission note également avec préoccupation les allégations de la CSI selon lesquelles les dirigeants syndicaux suivants auraient été poursuivis au pénal pour leurs activités syndicales légitimes: 1) Le secrétaire général du syndicat d’enseignants Eğitim Sen a été arrêté en mai 2019 pour avoir assisté à une réunion de presse et n’a donc pas été autorisé à assister à la Conférence de l’OIT; 2) Kenan Ozturk, président du syndicat des transports TÜMTIS, et quatre autres responsables syndicaux ont été arrêtés en vertu de la loi no 2911 pour avoir rendu visite, en 2017, aux travailleurs injustement licenciés d’une compagnie de fret dans la province de Gaziantep et avoir tenu une conférence de presse; en attendant leur procès pénal, un autre dirigeant de TÜMTIS, Nurettin Kilicdogan, est toujours en prison; 3) Arzu Çerkezoğlu, président de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) est poursuivi au pénal pour son intervention devant le panel public organisé en juin 2016 par le parti de l’opposition de Turquie; et 4) en mai 2019, le ministère public a engagé des poursuites contre Tarim Orman-is, président du Syndicat des fonctionnaires de l’agriculture, des forêts, de l’élevage et de l’environnement pour avoir critiqué le gouvernement après avoir publiquement défendu le droit des travailleurs à bénéficier des installations publiques.
La commission note que la CSI se déclare préoccupée par la gravité et la persistance des violations de la liberté syndicale et des mesures autoritaires du gouvernement visant à s’ingérer dans les affaires syndicales et à imposer de lourdes restrictions au droit syndical. La CSI allègue qu’il est devenu presque impossible pour les syndicats en Turquie de fonctionner. Il affirme que, à cet égard, à partir de 2016, le gouvernement a justifié la poursuite des violations des libertés publiques sous couvert de l’état d’urgence par des décrets associés. En conséquence, quelque 110 000 fonctionnaires et 5 600 universitaires ont été licenciés; environ 22 500 travailleurs d’établissements d’enseignement privés ont vu leur permis de travail annulé; 19 syndicats ont été dissous et environ 24 000 travailleurs font l’objet de diverses formes de mesures disciplinaires liées aux manifestations des travailleurs. Plus de 11 000 représentants et membres de la KESK ont été suspendus de leurs fonctions ou licenciés en raison de leurs activités syndicales, sous prétexte de la sécurité nationale et des pouvoirs d’urgence. En outre, la CSI indique que le gouvernement continue de faire respecter les lois d’état d’urgence qui permettent la dissolution arbitraire des organisations syndicales. Le décret no 667 adopté en 2016 dispose que «les syndicats, fédérations et confédérations (...) dont il est établi qu’ils sont liés à des formations menaçant la sécurité nationale ou à des organisations terroristes, ou qu’ils en communiquent ou y adhèrent, sont interdits sur proposition de la commission et sur approbation du ministre concerné». La CSI allègue en outre que la loi ne fait aucune distinction entre un syndicat en tant qu’organisation ayant une finalité publique objective et des acteurs individuels et déclare tous les membres du syndicat coupables par association avec une fermeture du syndicat. Bien que le gouvernement ait mis en place une commission d’enquête chargée d’examiner ses actions, y compris les cas de dissolution de syndicats, le processus ne bénéficie pas de la confiance des victimes et des syndicats en raison de la manière dont il a été constitué et des résultats des processus à ce jour (la CSI affirme qu’il est marqué par un manque d’indépendance institutionnelle, de longues périodes d’attente, une absence de garanties permettant aux individus de réfuter les allégations et la faiblesse des preuves invoquées dans les décisions de maintenir les licenciements). Tout en notant la réponse du gouvernement à certaines de ces allégations, la commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires détaillés sur les autres allégations longues et graves de violations des libertés civiles et des droits syndicaux.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction aucune, de constituer des organisations et d’y adhérer. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, excluait du droit syndical les hauts fonctionnaires, les magistrats et les gardiens de prison. La commission note que le gouvernement a réaffirmé que les restrictions prévues à l’article 15 de la loi se limitent aux services publics où l’interruption de service ne peut être compensée, comme la sécurité, la justice et les hauts fonctionnaires. Rappelant que tous les travailleurs, sans distinction aucune, ont le droit de constituer des syndicats de leur choix et d’y adhérer et que les seules exceptions possibles à l’application de la convention à cet égard concernent les forces armées et la police, la commission encourage le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour revoir l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée, afin de garantir à tous les fonctionnaires le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Elle le prie également de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait noté que l’article 63(1) de la loi no 6356 dispose qu’une grève ou un lock-out légal qui a été déclenché ou commencé peut être suspendu par le Conseil des ministres pendant soixante jours par décret si cette action porte atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale et que, si un accord n’est pas trouvé pendant cette période, le litige sera soumis à un arbitrage obligatoire. Depuis un certain nombre d’années, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que l’article 63 de la loi no 6356 ne soit pas appliqué d’une manière qui porte atteinte au droit des syndicats d’organiser leurs activités sans ingérence gouvernementale. La commission note que, par décision du 22 octobre 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction des grèves et des lock-out dans les services bancaires et les services municipaux de transport en vertu de l’article 62(1). Tout en notant que, dans une décision datée du 22 octobre 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction des grèves et lock-out dans les services bancaires et les services municipaux de transport en vertu de l’article 62(1), la commission a noté que le décret no 678 (KHK) autorise le Conseil des Ministres, en application duquel les sociétés et institutions bancaires locales de transport ont le pouvoir légal de suspendre pour soixante jours la grève des travailleurs des services bancaires. La commission avait en outre noté avec préoccupation que, en 2017, cinq grèves avaient été suspendues, y compris dans le secteur du verre pour menace à la sécurité nationale, alors qu’en 2015, la Cour constitutionnelle turque avait déclaré inconstitutionnelle une suspension de grève dans ce même secteur. La commission a rappelé que le droit de grève ne peut être limité ou interdit qu’à l’égard des fonctionnaires exerçant leur autorité au nom de l’État, dans les services essentiels au sens strict du terme et dans les situations de crise nationale ou locale aiguë, pour une durée limitée et dans la mesure nécessaire pour répondre aux besoins de la situation. Rappelant la décision de la Cour constitutionnelle selon laquelle les suspensions de grève dans ces secteurs sont inconstitutionnelles, la commission avait prié le gouvernement de tenir compte des principes ci-dessus dans l’application de l’article 63 des lois no 6356 et no 678 du KHK. Elle avait en outre prié le gouvernement de fournir une copie du KHK no 678. La commission note qu’une copie du décret a été transmise et l’examinera dès que sa traduction sera disponible. La commission note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle le pouvoir de suspendre une grève pendant soixante jours revient au Président lorsqu’une grève nuit à la santé générale et à la sécurité nationale ou aux transports publics urbains des municipalités métropolitaines ou à la stabilité économique et financière des services bancaires. Le gouvernement indique que lorsque la grève a été suspendue, le Haut Conseil d’arbitrage fait le maximum d’efforts pour amener les parties à un accord. La procédure judiciaire est ouverte pour le sursis de l’exécution contre la décision du Conseil. Le gouvernement rappelle qu’en vertu de l’article 138 de la Constitution sur «l’indépendance des tribunaux,» aucun organe, autorité, fonction ou individu ne peut donner d’ordres ou d’instructions aux tribunaux ou aux juges concernant l’exercice de leur pouvoir judiciaire, leur envoyer des circulaires ou leur faire des recommandations ou suggestions. La commission note que, selon la CSI, bien que la législation indique que la mesure de suspension devrait être limitée aux grèves susceptibles de porter préjudice à la santé publique ou à la sécurité nationale, elle a été interprétée d’une manière si large que les grèves dans les services non essentiels ont également été effectivement interdites. Elle informe à cet égard que, en janvier 2019, une grève déclenchée par le syndicat des chemins de fer affilié à la FIT à Izmir a été reportée en vertu de ces lois. La commission prie le gouvernement de lui faire part de ses commentaires à ce sujet. Considérant que les grèves ne peuvent être suspendues que dans les services essentiels au sens strict du terme, pour les fonctionnaires exerçant leur autorité au nom de l’Etat ou en cas de crise nationale aiguë, la commission prie le gouvernement de faire en sorte que l’article 63 des lois no 6356 et no 678 KHK soit appliqué en tenant compte de ces éléments.
La commission rappelle que la CSI avait précédemment allégué que le décret no 5 adopté en juillet 2018 prévoyait qu’une institution relevant directement de la Présidence de la République – le Conseil de surveillance d’Etat (DDK) – était investie du pouvoir d’enquêter et de vérifier les syndicats, associations professionnelles, fondations et associations à un moment donné. Selon la CSI, tous les documents et activités des syndicats peuvent faire l’objet d’une enquête sans ordonnance judiciaire et le DDK a le pouvoir discrétionnaire de révoquer ou de modifier la direction des syndicats. Rappelant que toute loi qui donnerait aux autorités des pouvoirs étendus de contrôle du fonctionnement interne des syndicats au-delà de l’obligation de soumettre des rapports financiers annuels serait incompatible avec la convention, la commission avait prié le gouvernement de transmettre un exemplaire du décret no 5 afin que soit effectué un examen approfondi de sa conformité avec la convention. Elle l’avait également prié de fournir des informations précises sur toute enquête ou tout audit entrepris en application du décret no 5 et sur leurs résultats, y compris tout licenciement ou suspension de dirigeants syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il n’y a jamais eu d’enquête ou d’audit d’une organisation syndicale ou de suspension d’un responsable syndical par le Conseil national de surveillance en vertu du décret no 5. Le gouvernement explique que les pouvoirs d’enquête du Conseil en vue d’assurer la légalité, le fonctionnement régulier et efficace et l’amélioration de l’administration sont énoncés à l’article 108 de la Constitution. Il indique en outre que le Conseil n’a pas le pouvoir de révoquer les responsables syndicaux et qu’il ne s’est jamais ingéré et n’a jamais eu l’intention de s’ingérer dans le fonctionnement interne des syndicats. Les mesures de révocation ne peuvent être prises que par les tribunaux dans le cadre des dispositions légales existantes. En outre, la suspension est une mesure appliquée aux agents publics dans les cas où la prestation de services publics l’exige au cours d’une enquête administrative. Lorsqu’une mesure de suspension doit être prise à l’encontre d’élus tels que des responsables syndicaux, le Conseil de surveillance de l’État ne peut proposer l’application de cette mesure qu’aux autorités compétentes qui, dans le cas des syndicats, font référence aux conseils de surveillance des syndicats et aux comités de discipline. La commission prend note qu’une copie du décret no 5 a été transmise par le gouvernement et l’examinera dès que sa traduction sera disponible. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute enquête ou audit entrepris par le Conseil, en application du décret no 5 ou de l'article 108 de la Constitution, ainsi que sur ses résultats, y compris les sanctions imposées.
Article 4. Dissolution des syndicats. La commission rappelle qu’après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, la Turquie était en état de crise nationale aiguë et qu’une commission d’enquête a été créée pour examiner les demandes contre la dissolution des syndicats ordonnée par décret pendant l’état d’urgence. La commission avait vivement espéré que la commission d’enquête serait accessible à toutes les organisations qui le souhaitaient et que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui examinaient ses décisions en appel examineraient attentivement les motifs de dissolution en tenant dûment compte des principes de la liberté syndicale. Elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de demandes présentées par les organisations dissoutes et sur les résultats de leur examen par la commission d’enquête. La commission avait en outre prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours formés contre les décisions négatives de la commission d’enquête concernant la dissolution des syndicats. La commission observe que le gouvernement se réfère uniquement aux cas des confédérations Cihan-Sen et Aksiyon-İş. Selon le gouvernement, ces organisations, ainsi que leurs syndicats affiliés, ont été dissous en raison de leurs liens avec l’organisation terroriste FETÖ qui a perpétré le coup d’Etat visant à renverser le gouvernement démocratiquement élu. Le gouvernement indique que les affaires des organisations susmentionnées sont toujours en instance devant la commission d’enquête. Rappelant que la dissolution et la suspension des syndicats constituent des formes extrêmes d’ingérence des autorités dans les activités des organisations, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de demandes soumises par les organisations de travailleurs dissoutes, et le résultat de leur examen par la commission d’enquête. Elle le prie en outre de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours formés contre les décisions négatives de la commission d’enquête concernant la dissolution des syndicats.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Article 2 de la convention. Droit des travailleurs de constituer des organisations et de s’y affilier. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 7(d) de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, prescrit que le lieu de résidence des membres fondateurs d’une organisation doit être mentionné dans les statuts de celle-ci et que ces statuts doivent être soumis au bureau du Gouverneur de la province pour que l’organisation puisse être enregistrée. La commission avait noté dans son précédent commentaire l’indication du gouvernement selon laquelle l’absence de communication des informations requises n’a pas d’incidence sur l’enregistrement d’un syndicat ou sur l’acquisition de la personnalité juridique de celui-ci. Etant donné que le gouvernement n’a à nouveau pas communiqué les informations pratiques précédemment demandées, la commission le prie instamment de transmettre des informations sur l’application pratique de l’article 7(d) de la loi no 4688, en précisant si celle-ci a donné lieu à des réclamations ou des plaintes en raison de retards, de difficultés rencontrées dans l’enregistrement ou de harcèlement et, le cas échéant, les mesures prises par le gouvernement à cet égard.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 10 de la loi no 4688 prévoit, dans son dernier paragraphe, la dissolution des organes exécutifs d’un syndicat en cas de non-respect des prescriptions concernant les réunions et les décisions des assemblées générales prévues par les lois, à la demande d’un des membres ou du ministère du Travail. La commission rappelle que toute dissolution ou suspension de dirigeants syndicaux qui ne résulte pas d’une décision interne du syndicat, de vote par les membres ou de procédure judiciaire normale constitue une grave ingérence dans l’exercice des fonctions syndicales. Elle demande donc à nouveau au gouvernement de réviser le dernier paragraphe de l’article 10 de la loi no 4688, en consultation avec les partenaires sociaux, et de l’informer des mesures prises à cet égard. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations détaillées sur toute demande de destitution déposée par les agents du gouvernement contre les dirigeants syndicaux.
Droit de grève. La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ), que le gouvernement a jointes à son rapport de 2015, selon lesquelles les conditions préalables requises pour toutes action collective, réunions et manifestations ou annonces à la presse légales sont en permanence rendues plus difficiles, et tout est fait pour modifier les emplacements et les itinéraires des réunions courantes. La commission demande au gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
La commission avait précédemment noté que l’article 58 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356) limite la grève légale aux conflits survenant au cours de négociations collectives et avait prié le gouvernement d’indiquer de quelle manière les actions de protestation, les grèves de solidarité et les autres moyens d’action revendicative légitimes sont protégés. La commission note que le gouvernement précise à nouveau que la loi no 5982, qui modifie certaines dispositions de la Constitution, a abrogé le septième paragraphe de l’article 54 de la Constitution interdisant les grèves et lock-out organisés pour des motifs politiques, les grèves de solidarité et les lock-out, l’occupation des lieux de travail, les grèves du zèle et autres formes d’obstruction, sans pour autant fournir les informations qu’elle avait demandées. La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer précisément la façon dont les mesures de protestation, les grèves de solidarité et autres moyens d’action revendicative légitimes sont protégés, conformément à l’amendement à la Constitution.
Détermination du service minimum. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que, conformément à l’article 65 de la loi no 6356, seul l’employeur a le pouvoir, unilatéralement, de déterminer la mise en place d’un service minimum en cas d’action collective, et avait prié le gouvernement de revoir ses dispositions de manière à garantir que les organisations de travailleurs sont en mesure de participer à cette détermination sur les lieux de travail et que, à défaut d’accord, la question soit tranchée par un organe indépendant recueillant la confiance des parties. La commission note que le gouvernement répète qu’aucune disposition de la loi interdit ou empêche la consultation et la décision d’un accord préalable entre les représentants d’employeurs et de travailleurs concernant la mise en place d’un service minimum avant que l’employeur n’en communique la teneur, et que le syndicat compétent a le droit de contester la décision de l’employeur devant un tribunal pour obtenir une décision définitive. La commission rappelle à nouveau à cet égard que, pour encourager la participation des syndicats à la détermination des services minima dans le cas d’une action collective, il importe que le gouvernement prévoie clairement ce processus dans sa législation, plutôt que d’en laisser unilatéralement le pouvoir à l’employeur. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre des mesures pour revoir ces dispositions en consultation avec les partenaires sociaux, en vue de leur modification, et de communiquer des informations sur tout fait nouveau à cet égard.
Secteur public. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que le service public au sens large du terme n’a pas le droit de mener des actions collectives, et que la loi no 657 sur les agents de la fonction publique et la loi no 6111 prévoient des mesures disciplinaires pour sanctionner ces actions. La commission prend note à cet égard des allégations de la Confédération des syndicats des fonctionnaires (KESK), reçues le 4 septembre 2015, selon lesquelles l’interdiction de mener des actions collectives dans le secteur public couvre une classe de travailleurs très vaste, dont le nombre s’élève à 3 millions. Compte tenu du principe selon lequel les fonctionnaires qui n’exercent pas d’autorité au nom de l’Etat devraient pouvoir exercer leur activité, y compris les actions collectives, sans être sanctionnés, la commission avait prié le gouvernement de revoir sa législation en la matière. Elle note avec regret que le gouvernement n’a fourni aucune information concernant les mesures envisagées ou prises à cet égard. La commission prie donc une nouvelle fois le gouvernement de revoir la législation sur les fonctionnaires avec les partenaires sociaux concernés, en vue de la modifier et d’assurer que l’interdiction d’une action collective se limite aux fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et à ceux travaillant dans les services essentiels.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 108e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2019.]

Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues les 1er septembre 2017 et 1er septembre 2018, ainsi que des observations de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) et de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) qui leur sont jointes, et de la réponse du gouvernement. La commission prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) transmises par l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2018, ainsi que des observations de l’Internationale de l’éducation (IE) et du Syndicat des travailleurs de l’enseignement de la science de Turquie (EGİTİM SEN), reçues le 1er octobre 2018, et de la réponse du gouvernement à celles-ci. De plus, la commission prend note des observations de la TİSK et de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) communiquées avec le rapport du gouvernement. Dans ses observations, la TÜRK-İŞ allègue que les travailleurs employés temporairement par l’intermédiaire d’agences de placement privées ne peuvent jouir des droits syndicaux car ils changent souvent de secteur d’activité, et la syndicalisation en Turquie est basée sur les secteurs d’activité. La TÜRK-İŞ fait également référence à des allégations de pressions exercées sur les travailleurs, en particulier dans les lieux de travail du secteur public, pour qu’ils s’affilient à des syndicats désignés par l’employeur. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires à cet égard.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires sur la situation des libertés publiques en Turquie. Elle prend note des observations de la CSI, de la KESK et de la DİSK, faisant état de l’interdiction de nombreuses manifestations et déclarations à la presse de la DİSK et la KESK et de leurs syndicats affiliés, de nombreuses arrestations de membres de syndicats et de responsables syndicaux, ainsi que du retrait des passeports des dirigeants licenciés de la KESK. La commission prend note de la réponse générale du gouvernement à l’allégation d’oppression de certains syndicats et de leurs membres, indiquant que les exemples cités concernent principalement des situations dans lesquelles les exigences de l’état d’urgence ont été ignorées ou n’ont pas été respectées de manière persistante, ou dans lesquelles ont été lancés des appels à des grèves illégales, ou des activités en extérieur menées en violation de la loi no 2911, ou lorsque des procédures disciplinaires ont été appliquées aux fonctionnaires engagés en politique en violation de leur statut. Le gouvernement indique enfin que des voies de recours administratives ou judiciaires internes sont disponibles pour contester tous les actes de l’administration. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour assurer un climat exempt de toute violence, pression ou menace, afin que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement les droits qui leur sont reconnus par la convention. A cet égard, la commission prie le gouvernement d’indiquer si les voies de recours administratives ou judiciaires susmentionnées ont été utilisées par les syndicalistes ou les fonctionnaires, et quels ont été les résultats éventuels de ces recours.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs sans distinction d’aucune sorte de constituer des organisations et de s’y affilier. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, excluait du droit d’organisation les hauts fonctionnaires, les magistrats et les gardiens de prison. La commission prend note de l’indication faite par le gouvernement en réponse aux observations de la KESK en 2015 selon lesquelles, dans un arrêt en date du 30 septembre 2015, la Cour constitutionnelle a abrogé la restriction prévue à l’article 15 a) de la loi no 4688, permettant ainsi au personnel de l’Organisation administrative de la Grande assemblée nationale turque de se syndiquer. Le gouvernement ajoute en outre que les restrictions prévues à l’article 15 de la loi se limitent aux services publics dont l’interruption ne peut être compensée, comme la sécurité, la justice et les hauts fonctionnaires. La commission prend note des observations dans lesquelles la KESK, tout en se félicitant des décisions de la Cour constitutionnelle d’avril 2013 et de janvier 2014 abrogeant certaines restrictions au droit syndical des fonctionnaires, dénonce d’autres restrictions qui toucheraient un sixième des fonctionnaires. Rappelant que les seules exceptions autorisées à l’application de la convention concernent les forces armées et la police, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir l’article 15 de la loi no 4688 telle qu’amendée en vue de garantir à tous les fonctionnaires le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait noté que le paragraphe 1 de l’article 63 de la loi no 6356 dispose qu’une grève ou un lock-out légal qui a été déclenché ou commencé peut être suspendu par le Conseil des ministres pendant soixante jours par décret si cette action porte atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale et que, si un accord n’est pas trouvé pendant cette période, le litige sera soumis à un arbitrage obligatoire. Depuis un certain nombre d’années, la commission, de concert avec le Comité de la liberté syndicale, prie le gouvernement de veiller à ce que l’article 63 de la loi no 6356 ne soit pas appliqué d’une manière qui porte atteinte au droit des syndicats d’organiser leurs activités sans ingérence gouvernementale. La commission note que, par décision du 22 octobre 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction des grèves et des lock-out dans les services bancaires et les services municipaux de transport en vertu de l’article 62(1). Toutefois, la commission note également que, dans son dernier examen du cas no 3021, le Comité de la liberté syndicale a noté qu’en vertu d’un récent décret ayant force de loi (KHK), no 678, le Conseil des ministres peut reporter de soixante jours les grèves dans les sociétés de transport locales et les établissements bancaires. A cette occasion, le Comité de la liberté syndicale avait invité le gouvernement à communiquer des informations détaillées, relatives à l’application du décret no 678, à la commission d’experts, à laquelle il avait renvoyé les aspects législatifs de la question (voir 382e rapport du Comité de la liberté syndicale, juin 2017, paragr. 144). La commission prend note à cet égard des observations de 2018 de la DİSK, indiquant que le KHK no 678 permet aux municipalités métropolitaines de reporter les grèves dans les transports publics urbains et les services bancaires, et alléguant la suspension, en application de l’article 63, de cinq grèves en 2017, pendant l’état d’urgence. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle ces grèves qui devaient avoir lieu dans les secteurs de l’énergie, du verre, de l’acier, de la pharmacie et des banques, touchant 24 000 travailleurs, ont été considérées comme une menace pour la sécurité nationale, la santé publique et la stabilité économique et financière. Le gouvernement indique en outre que les conflits dans les secteurs sidérurgique et bancaire ont finalement été soumis à un arbitrage obligatoire et que, dans tous les autres cas, un accord a été conclu entre les parties. Le gouvernement indique enfin qu’en dehors de ces cinq cas il n’y a eu aucune limitation du droit de grève pendant l’état d’urgence, et que les travailleurs de 20 lieux de travail se sont mis en grève. La commission note avec préoccupation que, peu après que la Cour constitutionnelle a levé l’interdiction de grève dans les secteurs des transports urbains et des banques, un décret a donné aux municipalités métropolitaines le pouvoir d’interdire les grèves dans ces secteurs. La commission note en outre avec préoccupation qu’en 2017 cinq grèves étaient suspendues, y compris dans le secteur du verre, pour menace à la sécurité nationale, alors qu’en 2015 la Cour constitutionnelle turque avait déclaré inconstitutionnelle une suspension de grève dans ce même secteur. La commission rappelle que le droit de grève ne peut être limité ou interdit qu’à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, dans les services essentiels au sens strict du terme et dans les situations de crise nationale ou locale aiguë, pour une durée limitée et dans la mesure nécessaire pour répondre aux exigences de la situation. Rappelant l’arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant l’inconstitutionnalité des suspensions de grève dans ces secteurs, la commission prie le gouvernement de tenir compte des principes susmentionnés dans l’application de l’article 63 de la loi no 6356 et du KHK no 678. Elle le prie en outre de lui fournir copie du KHK no 678.
La commission note que la CSI allègue que le décret no 5 adopté en juillet 2018 prévoit qu’une institution devant rendre des comptes directement au bureau du Président – à savoir le Conseil de surveillance de l’Etat (DDK) – a été investie de l’autorité d’enquêter et de vérifier à tout moment les comptes de syndicats, d’associations professionnelles, de fondations et d’associations. Selon la CSI, tous les documents et toutes les activités des syndicats peuvent être soumis à enquête sans décision judiciaire, et le DDK a toute latitude pour remplacer ou modifier la direction de syndicats. La commission note la réponse du gouvernement à ce sujet, dans laquelle il indique que l’objet des examens effectués par le DDK est de garantir la conformité avec la loi, le fonctionnement régulier et efficace et l’amélioration de l’administration, et qu’il n’a aucune intention de s’ingérer dans le fonctionnement interne des syndicats. A cela, le gouvernement ajoute que le pouvoir de licencier ou de suspendre des administrations syndicales ne concerne que les fonctionnaires. Rappelant que toute loi donnant aux autorités les pouvoirs étendus de contrôle du fonctionnement interne des syndicats qui dépassent l’obligation de soumettre des rapports financiers annuels serait incompatible avec la convention, la commission prie le gouvernement de transmettre copie du décret no 5 pour qu’il puisse procéder à un examen approfondi de sa conformité avec la convention, selon le principe ci-dessus. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur toute enquête ou audit entrepris selon le décret no 5 et ses résultats, y compris tout licenciement ou suspension de dirigeants syndicaux ayant eu lieu par conséquent.
Article 4. Dissolution des syndicats. La commission prend note des observations de la DİSK, selon lesquelles, conformément au KHK no 667, 19 syndicats affiliés au Cihan-Sen et à l’Aksiyon-İş, comptant environ 22 000 et 30 000 membres respectivement, ont été dissous au motif qu’ils étaient liés à la FETO/PSS (organisation terroriste fethullahiste/structure étatique parallèle). La DİSK ajoute en outre qu’une disposition du KHK prévoit que «les syndicats, fédérations et confédérations qui ne sont pas mentionnés dans la liste en annexe, mais qui sont considérés comme liés à des formations menaçant la sécurité nationale ou à des organisations terroristes, ou qui communiquent avec elles ou y adhèrent, sont interdits sur proposition de la commission et sur approbation du ministre concerné». La commission tient à rappeler que la dissolution et la suspension des organisations syndicales constituent des formes extrêmes d’ingérence des autorités dans les activités des organisations et doivent donc s’accompagner de toutes les garanties nécessaires. Cela ne peut être assuré que par une procédure judiciaire normale, qui devrait également avoir pour effet un sursis à exécution. La commission note que, après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, la Turquie se trouvait dans un état de crise nationale aiguë et qu’entre-temps une commission d’enquête avait été créée, qui recevait les demandes déposées contre la dissolution des syndicats par décret pendant l’état d’urgence et dont les décisions étaient susceptibles de recours devant les tribunaux administratifs d’Ankara. La commission a examiné le rôle de cette commission dans son commentaire sur l’application de la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, en Turquie. La commission exprime le ferme espoir que la commission d’enquête sera accessible à toutes les organisations qui le souhaitent, et que cette commission ainsi que les tribunaux administratifs qui examinent ses décisions en appel étudieront attentivement les motifs de dissolution des syndicats en tenant dûment compte des principes de la liberté syndicale. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de demandes présentées par les organisations dissoutes et sur les résultats de leur examen par la commission. La commission demande en outre au gouvernement de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours formés contre les décisions négatives de la commission concernant les syndicats dissous.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 108e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2019.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Article 2 de la convention. Droit des travailleurs de constituer des organisations et de s’y affilier. La commission rappelle que sa précédente observation concernait l’article 7(d) de la loi no 6289 sur les syndicats de fonctionnaires et la négociation collective, modifiant la loi no 4688, qui prescrit que le lieu de résidence des membres fondateurs d’une organisation doit être mentionné dans les statuts de celle-ci et que ces statuts doivent être soumis au bureau du gouverneur de la province pour que l’organisation puisse être enregistrée; et l’article 10(8) qui prévoit la dissolution des organes exécutifs d’un syndicat en cas de non-respect des prescriptions concernant les réunions et les décisions des assemblées générales prévues par les lois, à la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale.
La commission prend dûment note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’absence de communication des informations requises n’a pas d’incidence sur l’enregistrement d’un syndicat ou sur l’acquisition de la personnalité juridique de celui-ci. Etant donné que le gouvernement n’a pas communiqué les informations pratiques précédemment demandées, la commission le prie à nouveau de communiquer des informations sur l’application pratique de l’article 7(d) de la loi no 6289, en indiquant si celle-ci a donné lieu à des réclamations ou des plaintes en raison de retards, de difficultés rencontrées dans l’enregistrement ou de harcèlement et, le cas échéant, les mesures prises par les autorités à cet égard.
S’agissant de la faculté de dissoudre les organes exécutifs d’un syndicat en cas de non-respect des prescriptions concernant les réunions et les décisions des assemblées générales prévues par la loi, et ce à la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, la commission avait prié le gouvernement de revoir cette disposition, en consultation avec les partenaires sociaux, en vue de sa modification. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle ces décisions ne peuvent être prises que par le biais d’une procédure régulière du tribunal compétent et visent à garantir le fonctionnement démocratique de ces réunions. La commission prie à nouveau le gouvernement de revoir l’article 10(8) de la loi no 6289, en consultation avec les partenaires sociaux, et de communiquer des informations sur l’application pratique de cette disposition.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des préoccupations exprimées par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et la Confédération syndicale internationale (CSI) selon lesquelles l’article 9 de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives limitent désormais à cinq – et non plus à neuf, comme c’était le cas avec la loi précédente – le nombre de membres des conseils des syndicats de branche. La commission note, d’après ce qu’indique le gouvernement, que cette limitation a pour but de prévenir les abus en termes d’immunité syndicale et qu’elle a été convenue par les partenaires sociaux, mais que les parties peuvent établir, en vertu du sous-paragraphe 2, d’autres organes si nécessaire.
En ce qui concerne l’article 58 de la loi no 6356, dans ses précédents commentaires, la commission avait observé que cette disposition restreint la grève légale aux conflits survenant au cours de négociations collectives et avait prié le gouvernement d’indiquer de quelle manière les actions de protestation, les grèves de solidarité et les autres moyens d’action revendicative légitimes sont protégés, conformément à l’amendement constitutionnel de 2010. Etant donné que le gouvernement aborde de manière générale l’application pratique de cet article, la commission prie à nouveau le gouvernement de spécifier de quelle manière les formes d’action susmentionnées sont protégées.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de prendre des mesures pour revoir l’article 65 de la loi no 6356, en consultation avec les partenaires sociaux, de manière à garantir que les organisations de travailleurs sont en mesure de participer à la détermination de la mise en place d’un service minimum sur les lieux de travail et que, à défaut d’accord, la question soit tranchée par un organe indépendant recueillant la confiance des parties. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles aucune disposition n’empêche la consultation et un accord préalable entre les représentants d’employeurs et de travailleurs concernant la mise en place d’un service minimum avant que l’employeur n’en communique la teneur, et que les syndicats peuvent contester la décision de l’employeur devant un tribunal pour obtenir une décision définitive sur les services minima établis. La commission considère que, pour encourager la participation des syndicats à la détermination des services minimums dans le cas d’une action revendicative, il importe que le gouvernement prévoie clairement ce processus dans sa législation, plutôt que d’en laisser unilatéralement le pouvoir à l’employeur. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre des mesures pour revoir ces dispositions en consultation avec les partenaires sociaux, en vue de leur modification, et de communiquer des informations sur tout fait nouveau à cet égard.
Enfin, se référant à son observation, la commission prend note des allégations de la Confédération des syndicats des fonctionnaires (KESK) selon lesquelles le service public au sens large du terme n’a pas le droit de mener des actions collectives, et que la loi no 657 sur les agents de la fonction publique et la loi no 6111 prévoient des mesures disciplinaires pour sanctionner ces actions. La commission indique, dans son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 129, que les fonctionnaires qui n’exercent pas d’autorité au nom de l’Etat devraient pouvoir exercer leur activité, y compris les actions collectives, sans être sanctionnés. La commission prie le gouvernement de revoir la législation sur les fonctionnaires avec les partenaires sociaux concernés, en vue de la modifier et d’assurer que l’interdiction d’une action collective se limite aux fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et à ceux travaillant dans les services essentiels.

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

La commission prend note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) reçues le 23 février 2015, ainsi que des observations de la TİSK et de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 28 août 2015. Elle prend également note des observations de caractère général de l’OIE reçues le 1er septembre 2015. La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2015, et de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) reçues le 4 septembre 2015. Enfin, la commission prend note des observations de la TİSK, la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ), la Confédération des syndicats turcs authentiques (HAK-İŞ), de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK), de la Confédération des syndicats de la fonction publique (MEMUR-SEN), de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Turkiye Kamu Sen) et de la KESK que le gouvernement a jointes à son rapport et que la commission examinera dès qu’elle en aura reçu la traduction.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires sur la situation en Turquie sur le plan des libertés publiques. La commission note, d’après les observations de la CSI, que cinq responsables syndicaux représentant un large éventail de travailleurs, qui avaient été accusés d’inciter la population à se rassembler et à manifester illégalement, ont été acquittés par la Cour pénale de première instance no 28 d’Istanbul le 24 mars 2015.
La commission prend également note, d’après les dernières observations de la KESK, des graves allégations de nombreux cas de licenciements, harcèlement, mesures de représailles, arrestations et agressions de la police à l’encontre de la KESK et de ses membres pour avoir exercé légitimement des activités syndicales. La commission prie une fois encore le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour assurer un climat exempt de toute violence, pression ou menace, afin que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement les droits qui leur sont reconnus par la convention. La commission prie le gouvernement de communiquer des commentaires détaillés sur les observations de la KESK à cet égard.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs sans distinction d’aucune sorte de constituer des organisations et de s’y affilier. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait demandé au gouvernement de faire état des mesures prises pour revoir la loi no 4688, dans sa teneur modifiée par la loi no 6289, de manière à garantir que les hauts fonctionnaires, les magistrats et le personnel pénitentiaire puissent jouir de leurs droits élémentaires de se syndiquer, en modifiant la loi ou en établissant une législation séparée. La commission prend note des observations de la KESK dans lesquelles, tout en saluant les décisions de la Cour constitutionnelle d’avril 2013 et de janvier 2014, qui suppriment certaines restrictions au droit des fonctionnaires de s’organiser, elle dénonce les restrictions encore imposées à des centaines de milliers de fonctionnaires. La commission prie une fois encore le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser l’article 15 de la loi no 4688 dans sa teneur modifiée, afin de garantir à tous les fonctionnaires le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. A l’instar du Comité de la liberté syndicale, la commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de garantir que l’article 63 de la loi no 6356 ne soit pas appliqué d’une manière qui pourrait nuire au droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités librement, sans l’ingérence du gouvernement. La commission note avec intérêt les informations communiquées par le gouvernement concernant un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 2 juillet 2015, dans lequel le décret du Conseil des ministres établi en vertu de l’article 63 de la loi no 6356, qui avait suspendu pendant soixante jours une grève dans une verrerie au motif qu’elle perturbait la santé publique et la sécurité nationale, a été considéré comme étant contraire aux droits syndicaux garantis par l’article 51 de la Constitution turque. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la mise en œuvre de l’article 63 suite à la décision du Conseil constitutionnel et sur toute décision de justice qui aurait été rendue en la matière.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

Article 2 de la convention. La commission rappelle que sa précédente observation concernait les dispositions suivantes de la loi no 7289 sur les syndicats de fonctionnaires et la négociation collective modifiant la loi no 4688, instrument dont l’article 7(d) prescrit que le lieu de résidence des membres fondateurs d’une organisation doit être mentionné dans les statuts de celle-ci et que ces statuts doivent être soumis au bureau du gouverneur de la province pour que l’organisation puisse être enregistrée, et dont l’article 10(8) prévoit la dissolution des organes exécutifs d’un syndicat en cas de non-respect des prescriptions concernant les réunions et les décisions des assemblées générales prévues par la loi, et ce sur la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale.
S’agissant de l’obligation de communiquer l’adresse des membres fondateurs d’un syndicat, la commission prend note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) selon lesquelles il s’agit d’une transaction procédurale. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur la manière dont cet article est appliqué, en indiquant si cette application a donné lieu à des réclamations ou plaintes concernant des allongements de délais, des difficultés d’enregistrement ou des incidents relevant du harcèlement et les réponses apportées par les autorités à cet égard.
S’agissant de la faculté de dissoudre les organes exécutifs d’un syndicat en cas de non-respect des prescriptions concernant les réunions et les décisions des assemblées générales prévues par la loi, et ce sur la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, la commission prend note des observations de la TISK selon lesquelles une telle décision appartient à un tribunal et non à une autorité administrative. La commission considère que les organisations de travailleurs devraient être libres de déterminer à travers leurs règlements internes les conditions de la dissolution de leurs instances dirigeantes, et elle prie le gouvernement de revoir cette disposition, en consultation avec les partenaires sociaux, en vue de sa modification, et de fournir des informations sur son application dans la pratique.
La commission prend dûment note des commentaires du gouvernement concernant les questions soulevées par le Syndicat des salariés des municipalités et des entités privées de l’Etat (BEM-BIR-SEN) selon lesquelles la loi n’a pas prévu les clauses de redevance syndicale et elle rappelle que, selon les Travaux préparatoires, l’article 2 de la convention laisse à la pratique et à la réglementation de chaque Etat le soin de trancher cette question (voir étude d’ensemble sur les conventions fondamentales, 2012, paragr. 99).
Article 3. La commission prend note des préoccupations exprimées par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et la Confédération syndicale internationale (CSI) selon lesquelles l’article 9 de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives limite désormais à cinq – et non plus à neuf, comme c’était le cas avec la loi précédente – le nombre des membres des conseils des syndicats de branche. La commission note que, selon le gouvernement, cette limitation a pour but de prévenir les abus en termes d’immunité syndicale et qu’elle a été convenue par les partenaires sociaux dans le cadre d’une réunion trilatérale du Conseil de consultation. La commission prie le gouvernement d’indiquer si cette limitation n’affecte que le nombre des membres des conseils qui peuvent bénéficier d’une immunité syndicale et si les travailleurs ne sont pas autrement limités dans la détermination du nombre qu’ils estiment nécessaire de membres des conseils des syndicats lors de l’adoption de leurs règlements intérieurs.
Notant que l’article 58 de la loi no 1356 restreint la grève légale aux conflits survenant au cours de négociations collectives, la commission prie le gouvernement d’indiquer de quelle manière les actions de protestation, les grèves de solidarité et les autres moyens d’action revendicative légitime sont protégés (voir étude d’ensemble, op. cit., 2012, paragr.  124 à 126) en accord avec l’amendement constitutionnel de 2010.
La commission note que l’article 65 de la loi dispose que les conditions de la mise en place d’un service minimum sur les lieux de travail seront déterminées unilatéralement par l’employeur. Elle note en outre qu’une telle décision peut être déférée devant les tribunaux, qui statueront en dernier ressort. La commission rappelle à cet égard que les organisations de travailleurs devraient être en mesure de participer à la détermination de la mise en place d’un service minimum sur les lieux de travail et que, à défaut d’accord, la question devrait être tranchée par un organe indépendant recueillant la confiance des parties concernées (voir étude d’ensemble, op. cit., 2012, paragr. 137-138). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures pour que cette disposition soit revue, en consultation avec les partenaires sociaux, en vue d’être modifiée dans ce sens et de fournir des informations sur toute évolution à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

La commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) relatifs à l’application de la convention, qui font l’objet d’une communication reçue le 1er septembre 2014. Elle prend également note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication reçue le 1er septembre 2014, et de la réponse du gouvernement.
La commission prend note de la réponse du gouvernement aux observations formulées précédemment par la Confédération des syndicats turcs authentiques (HAK-İŞ), la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) et l’Union des syndicats des employés des municipalités et des entités de droit privé de l’Etat (BEM-BIR-SEN) sur la loi no 6356 sur les syndicats et la négociation collective.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires sur la situation en Turquie sur le plan des libertés civiles. Elle prend note à nouveau avec préoccupation d’allégations récentes de la CSI concernant d’importantes restrictions à la liberté des syndicalistes de tenir des assemblées, notamment à travers les faits suivants: l’intervention violente de la police contre une manifestation de «sit-in» qui s’était tenue en janvier 2014 pour soutenir 56 membres de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), l’arrestation de 91 travailleurs en avril 2014 et le placement en détention, accompagné d’interventions violentes de la police, de plus de 140 manifestants ayant célébré le 1er mai.
La commission rappelle une fois de plus que le respect des libertés publiques est une condition préalable essentielle à la liberté d’association et elle prie instamment le gouvernement de continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un climat exempt de toutes violences, pressions ou menaces, afin que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement les droits qui leur sont reconnus par la convention. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard. Elle le prie également de diligenter des enquêtes sur les nouvelles allégations de recours à la violence dans le cadre d’interventions de la police ou d’autres forces de sécurité et de communiquer ses commentaires sur les questions soulevées par la CSI.
Article 2 de la convention. Questions d’ordre législatif. La commission rappelle que sa précédente observation portait notamment sur l’article 15 de la loi no 6289 sur les syndicats de fonctionnaires et la négociation collective modifiant la loi no 4688, article qui interdit à plusieurs catégories de travailleurs, dont les hauts fonctionnaires, les magistrats, le personnel civil des institutions militaires et les gardiens de prison, de constituer un syndicat ou de s’affilier à un syndicat.
La commission note avec intérêt que, d’après les informations communiquées par le gouvernement et par la TİSK, les termes «personnel civil des institutions militaires» ont été supprimés de la loi no 4688 suite à une décision de la Cour constitutionnelle d’avril 2013. La commission prend note des observations du gouvernement et de la TİSK selon lesquelles la limitation du droit des hauts fonctionnaires de se syndiquer est permise par l’article 1 de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
La commission tient à rappeler que l’article 2 de la convention garantit le droit élémentaire de tous les travailleurs, «sans distinction d’aucune sorte», de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à de telles organisations, sans qu’il ne soit question de la nature des fonctions des intéressés, les seules limitations admises par la convention concernant les membres des forces armées et de la police. La convention no 151, elle aussi ratifiée par la Turquie, a été conçue pour compléter la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, en énonçant certaines dispositions concernant notamment la protection contre la discrimination antisyndicale et la détermination des conditions d’emploi en ce que celles-ci concernent le service public en général, et non pour contredire ou diluer les droits élémentaires d’association garantis à tous les travailleurs par la convention no 87. La commission a déclaré néanmoins qu’il peut être interdit aux hauts fonctionnaires de s’affilier à des organisations syndicales à la condition qu’ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts (voir étude d’ensemble de 2013 sur la négociation collective dans la fonction publique, paragr. 43 et suivants; et étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 66). En conséquence, la commission prie le gouvernement de faire état des mesures prises pour revoir, au moyen, soit d’un amendement, soit de l’adoption d’une loi distincte, la loi no 4688 dans sa teneur modifiée par la loi no 6289, de manière à garantir que les hauts fonctionnaires, les magistrats et le personnel pénitentiaire puissent jouir de leurs droits élémentaires de se syndiquer.
La commission prend note avec intérêt de l’entrée en vigueur le 7 novembre 2012 de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives, qui abroge la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out, à propos desquelles elle formulait des commentaires depuis plusieurs années.
La commission prend dûment note des observations faites par le gouvernement et la TİSK suite à ses précédents commentaires concernant la loi sur les associations no 5253, observations selon lesquelles les dispositions de cette loi ne s’appliquent pas aux syndicats puisqu’elles sont désormais remplacées par celles de la loi no 6356 réglant ces questions.
La commission note avec satisfaction que l’article 62 de la nouvelle loi a entraîné le retrait d’un certain nombre de services de la liste de ceux dans lesquels la grève est interdite et que la loi no 6356 a en outre abrogé des restrictions antérieures affectant les grèves à motivation politique, les grèves de solidarité, les occupations de locaux et les grèves du zèle afin de se conformer aux modifications constitutionnelles de 2010 et, en outre, qu’un jugement récent de la Cour constitutionnelle a retiré les services bancaires et les services de transport publics urbains de la liste des services essentiels annexée à la loi. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout cas d’application pratique de cette disposition.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission prend note des commentaires formulés par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) dans une communication du 30 août 2013 relative à l’application de la convention. La commission prend également note des commentaires concernant la loi no 6356, intitulée «loi sur les syndicats et les conventions collectives», présentés par la Confédération des syndicats (HAK-İŞ), dans une communication en date du 29 mars 2013, et par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK), dans une communication du 3 avril 2013, ainsi que des observations que le gouvernement a formulées sur le sujet dans des communications datées du 3 septembre et du 8 octobre 2013. La commission note en outre que, dans une communication du 30 août 2013, la Confédération syndicale internationale (CSI) a formulé des commentaires au sujet de ladite loi, ainsi qu’au sujet d’autres questions examinées précédemment par la commission, et a allégué l’existence de violations des dispositions de la convention dans la pratique (notamment de l’incarcération de militants syndicaux). La commission note la réponse du gouvernement à plusieurs allégations de la CSI et prie le gouvernement de communiquer, pour la session de novembre-décembre 2014 de la commission, ses observations concernant les questions récentes conjointement à son rapport détaillé sur la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

La commission prend note des commentaires de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), en date du 29 août 2012, qui concernent le droit de grève et sont traités dans le rapport général de la commission.
La commission prend également note des observations fournies par le gouvernement au sujet des commentaires de 2011 de l’Internationale de l’éducation (IE) et du Syndicat turc des travailleurs de l’enseignement, de la formation professionnelle et de la science (EGITIM SEN), ainsi que de ceux de la Confédération syndicale internationale (CSI). La commission prend note également des commentaires soumis par la CSI dans une communication en date du 31 juillet 2012, faisant état notamment de plusieurs cas de violence à l’encontre de syndicalistes, de la condamnation et de l’emprisonnement de 25 enseignants et d’un travailleur du cuir, ainsi que des poursuites pénales auxquelles 111 travailleurs ont été soumis pour avoir participé à une manifestation. La commission note également la communication de l’IE en date du 31 août 2012, signalant l’arrestation et l’emprisonnement de membres de la Confédération des syndicats des salariés du public (KESK), la descente de police dans les bureaux de la KESK et aux domiciles de membres syndicaux affiliés à la KESK, de même que des cas de violence de la police. La commission rappelle que, dans sa précédente observation, elle avait déjà noté les commentaires formulés par l’EGITIM SEN. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations à ce sujet.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis de nombreuses années des commentaires au sujet de la situation des libertés publiques en Turquie. Elle avait pris note avec préoccupation des allégations au sujet de restrictions importantes imposées à la liberté de parole et de rassemblement des syndicalistes, y compris de nombreux cas de violence à l’encontre de syndicalistes et d’arrestations de syndicalistes, relatées elles aussi dans les communications susmentionnées de la CSI et de l’IE de 2012. En ce qui concerne la communication de 2011 de l’IE qui signalait: 1) des descentes de police dans les bureaux de la KESK le 28 mai 2009, l’arrestation qui s’en est suivie de plusieurs membres syndicaux et l’interdiction de se rendre à l’étranger imposée à ceux qui ont été arrêtés, le gouvernement affirme que les recherches de la police se sont limitées à certaines pièces et qu’un certain nombre de suspects détenus ont été condamnés par la Haute Cour pénale le 28 novembre 2011 à des peines de prison pour avoir participé à une organisation terroriste, d’où l’interdiction de voyager qui leur a été imposée; 2) les recherches effectuées dans le bureau de l’EGITIM SEN le 21 juin 2011, où des biens ont été endommagés et des membres ont ensuite été placés en détention, le gouvernement indique que ces recherches entraient dans le cadre des activités antiterroristes, qu’aucun bien n’a été endommagé et que les avocats des membres étaient présents aussi bien pendant la détention qu’au cours des recherches; 3) le recours par la police aux gaz lacrymogènes contre des membres de l’IE participant à une manifestation de solidarité le 31 mars 2010, le gouvernement indique que les forces de sécurité étaient attaquées par des jets de pierres et de bâtons, plusieurs membres ayant été blessés et les gaz lacrymogènes ayant été utilisés à titre de représailles; 4) l’arrestation, le passage à tabac et les coups et blessures subis par plusieurs membres de l’IE au cours d’une manifestation, le gouvernement réplique que les forces de sécurité sont intervenues à la suite d’attaques par jets de pierres et de bâtons visant les forces de police, des véhicules de police et des bâtiments publics; 5) plusieurs cas de non-respect de la liberté de parole et de rassemblement (certaines manifestations n’étaient pas autorisées pour des raisons de «sécurité» ou parce qu’il n’y avait pas de lieu approprié pour leur organisation, les organisateurs des manifestations ont été emprisonnés pour ne pas avoir informé les autorités locales de l’organisation de la manifestation, et des procédures judiciaires ont été menées à leur encontre pour non-respect de la loi no 2911), et le fait que le droit à la manifestation pacifique risque de ne pas être exercé dans la pratique en raison de l’intervention du gouvernement et de la police, le gouvernement confirme que plusieurs poursuites judiciaires pour non-respect de la loi no 2911 ont été lancées. Pour ce qui est de l’allégation de la CSI concernant le harcèlement judiciaire, le gouvernement indique que chacun, quel que soit son titre ou sa position, est égal en termes de droits et de responsabilités face à la loi.
La commission note avec préoccupation de nouvelles allégations de restrictions imposées à la liberté syndicale et de réunion de syndicalistes. Dans son rapport, le gouvernement explique que les arrestations des membres syndicaux ont eu lieu en raison du fait que des organisations terroristes s’étaient infiltrées dans des organisations non gouvernementales afin de tirer profit des opportunités qu’elles pouvaient leur apporter, en fonction de leurs revendications. Aucune ingérence d’un syndicat ou d’une institution n’est à déplorer, et le gouvernement qualifie de non fondée la plainte selon laquelle certaines personnes sont détenues en raison de leurs activités syndicales. Il indique que les unités de police antiémeute bénéficient d’une formation régulière pour la prévention de l’utilisation disproportionnée de la force, et que 17 000 policiers antiémeute reçoivent chaque année une formation, y compris sur le respect des droits de l’homme. En outre, le gouvernement indique qu’un projet sur la prévention de l’utilisation disproportionnée de la force par la police, mené sous l’égide du Directorat général de l’éducation, qui fait partie du Directorat général de la sécurité, a débuté en septembre 2011 et devrait s’achever d’ici à la fin 2013. Une directive visant à réglementer les principes d’intervention des personnes impliquées dans des manifestations sociales est entrée en vigueur le 15 août 2011. La commission prend note des mesures prises par le gouvernement. Elle rappelle que le respect des libertés publiques est une condition préalable essentielle à la liberté d’association et prie instamment le gouvernement de continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes, de manière que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement leurs droits, conformément à la convention. La commission prie également instamment le gouvernement d’examiner, en consultant pleinement les partenaires sociaux, toute législation pouvant être appliquée dans la pratique d’une manière contraire à ce principe fondamental et d’envisager toutes modifications législatives ou abrogation nécessaires. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de toutes mesures prises à ce propos et d’envoyer copie de la directive régissant les principes d’intervention du personnel impliqué dans des manifestations sociales. La commission prie également le gouvernement de mener une enquête au sujet de nouvelles allégations concernant tous les cas de recours à la violence lors des interventions de la police ou des forces de sécurité, et de communiquer dans son prochain rapport des informations sur les actions en justice intentées pour non-respect de la loi no 2911.
Questions législatives. La commission note que la loi no 6289 relative aux syndicats et à la négociation collective des fonctionnaires, qui comprend des modifications importantes de la loi no 4688, a été adoptée le 4 avril 2012. La commission se félicite de voir que cette nouvelle loi traite certaines des questions qu’elle avait soulevées par le passé, notamment la nécessité de lever l’exclusion au droit de constituer des syndicats ou de s’y affilier dont sont victimes les fonctionnaires à l’essai. La commission note toutefois que les dispositions ci après de la loi no 6289 ne sont pas pleinement conformes à la convention:
Article 2 de la convention:
  • – article 15, qui interdit à certaines catégories de travailleurs, telles que les hauts fonctionnaires, les magistrats, le personnel civil dans les institutions militaires et les gardiens de prison, de constituer un syndicat ou de s’y affilier;
  • -article 7(d), selon lequel le lieu de résidence des fondateurs d’une organisation doit être mentionné dans les statuts de celle-ci, lesquels doivent être soumis au bureau du gouverneur de la province afin de pouvoir être inscrits.
Article 3. Election des représentants:
  • -article 10(8), qui prévoit la suppression des organes exécutifs des syndicats en cas de non-respect des prescriptions concernant les réunions et les décisions des assemblées générales prévues dans la loi à la suite d’une demande pouvant émaner du ministère du Travail et de la Sécurité sociale;
  • -articles 33 et 34, qui prévoient les procédures de règlement des différends par le Conseil d’arbitrage des fonctionnaires et qui ne mentionnent pas les circonstances dans lesquelles une grève peut être organisée dans le service public. La commission rappelle la nécessité de veiller à ce que les cas dans lesquels la grève peut être restreinte, ou même interdite, soient limités aux fonctionnaires publics exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat.
La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, pour rendre la loi no 6289 pleinement conforme à la convention.
Contrôle des comptes des organisations (loi no 5253 sur les associations). La commission avait précédemment observé que l’article 35 de la loi du 4 novembre 2004 sur les associations prévoit que certains articles spécifiques de cette loi s’appliquent aux syndicats, aux organisations d’employeurs ainsi qu’aux fédérations et confédérations, dans le cas où les lois spéciales relatives à ces organisations ne prévoient aucune disposition particulière à ce sujet. L’article 19 permet, à cet égard, au ministre des Affaires internes ou à l’autorité de l’administration civile d’examiner les livres et autres documents d’une organisation, de mener une enquête et de demander des informations à tout moment, sous réserve d’un préavis de 24 heures. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle aucun syndicat n’a été contrôlé et des rapports financiers sont soumis par les syndicats au ministère des Affaires intérieures dans le cadre de la loi no 2821. Toutefois, la commission rappelle à nouveau que le contrôle des comptes devrait se limiter aux cas suivants: obligation de soumettre des rapports financiers périodiques; cas où il existe de sérieuses raisons de considérer que les actions d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la loi (lesquels devraient être conformes à la convention); ou s’il s’avère nécessaire d’enquêter à propos d’une plainte présentée par un certain pourcentage de membres d’organisations d’employeurs ou de travailleurs. Dans tous les cas, l’autorité judiciaire compétente devrait avoir un droit de réexamen, offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité, tant sur les questions de fond que de procédure (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 125). La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier les articles 19 et 35 de la loi no 5253 de 2004, de manière à exclure du champ d’application de ces dispositions les organisations de travailleurs et d’employeurs ou de veiller à ce que la vérification des comptes d’un syndicat, qui va au-delà de la soumission de rapports financiers périodiques, ne s’effectue que s’il existe de sérieuses raisons de considérer que les actions d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la loi (lesquels devraient être conformes à la convention) ou pour enquêter à propos d’une plainte présentée par un certain pourcentage de membres.
La commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle a commenté sur plusieurs dispositions de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out. Elle a été informée que la loi sur les relations collectives du travail, qui modifie la loi no 2821 et la loi no 2822, a été adoptée par le Parlement le 18 octobre 2012. Elle note à cet égard la communication du 30 octobre 2012 de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) selon laquelle la nouvelle loi n’apporte pas de changement substantiel à la promotion des droits et des libertés syndicales mais qu’au contraire elle contient même certaines dispositions qui ne peuvent qu’aggraver les problèmes existants (par exemple, le double critère requis pour être autorisé à engager une négociation collective n’a pas été supprimé). La commission prie le gouvernement de fournir copie de cette loi, de même que ses observations concernant les allégations de la DISK.
La commission prie instamment le gouvernement d’accepter l’assistance du BIT dans l’objectif d’adopter rapidement les modifications nécessaires aux lois nos 5253 et 6289 et exprime l’espoir que ces modifications tiendront pleinement compte des commentaires susmentionnés.

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

La commission prend note des commentaires soumis par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication datée du 4 août 2011, l’Internationale de l’éducation (IE) dans une communication datée du 31 août 2011, et le Syndicat turc des travailleurs de l’enseignement, de la formation professionnelle et de la science (EGITIM SEN) dans une communication datée du 12 septembre 2011. La commission prend note des observations communiquées par le gouvernement au sujet des commentaires de 2010 de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), de la CSI et de l’IE ainsi que de ceux de la CSI de 2011. La commission rappelle que, dans son observation antérieure, elle avait également pris note des commentaires soumis par la Confédération indépendante des syndicats de fonctionnaires (BASK) dans une communication datée du 11 octobre 2010. La commission prie le gouvernement de transmettre ses observations à ce sujet ainsi qu’au sujet des commentaires de 2011 de l’IE.
La commission prend note de la discussion qui s’est tenue dans le cadre de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2011.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis de nombreuses années des commentaires au sujet de la situation des libertés civiles en Turquie. Elle rappelle que, dans son observation antérieure, tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour éviter les violences policières et les interventions indues de la police, la commission avait pris note avec préoccupation des allégations au sujet de restrictions importantes imposées à la liberté de parole et de rassemblement des syndicalistes, y compris de nombreux cas d’arrestation de syndicalistes, figurant dans les communications susmentionnées de la CSI, de la KESK et de l’IE. La commission prend note des observations du gouvernement à ce sujet. La commission note en particulier que le gouvernement, se référant à des allégations portant sur des cas d’arrestation de syndicalistes, déclare que l’arrestation et la détention des dirigeants syndicaux mentionnés ne sont pas dues à leurs activités syndicales mais plutôt à leur appartenance à une organisation terroriste. La commission note à ce propos que l’IE avait indiqué que, en accusant les syndicalistes d’être membres d’une organisation armée illégale, l’Etat a effectivement stigmatisé le mouvement syndical en Turquie et l’a privé de son caractère légitime. En ce qui concerne l’allégation de l’IE relative à des attaques commises par la police antiémeute utilisant des gaz lacrymogènes contre les membres d’EGITIM SEN au cours d’une manifestation organisée le 5 juin 2009, le gouvernement indique que les forces de sécurité sont intervenues en utilisant progressivement les gaz lacrymogènes, et de manière contrôlée, en vue de disperser le groupe de personnes qui avaient forcé les barricades. Le gouvernement fournit des explications similaires par rapport aux interventions des forces de sécurité dans d’autres grèves et manifestations. Le gouvernement estime que les forces de sécurité ont agi conformément aux règlements et ont exercé la force en conséquence. La commission note avec préoccupation de nouvelles allégations de restrictions imposées à la liberté d’association et de réunion de syndicalistes. La commission, tout comme la Commission de la Conférence, rappelle à nouveau que le respect des libertés publiques est une condition préalable essentielle à la liberté d’association et prie instamment le gouvernement de continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toute sorte, de manière que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement leurs droits, conformément à la convention. La commission prie également instamment le gouvernement d’examiner, en consultant pleinement les partenaires sociaux, toute législation qui pourrait être appliquée dans la pratique de manière contraire à ce principe fondamental et d’envisager toutes modifications ou abrogations nécessaires. Elle prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport toutes mesures prises à ce propos. La commission prie également le gouvernement de mener une enquête au sujet de nouvelles allégations concernant tous les cas de recours à la violence au cours des interventions de la police ou des forces de sécurité et de communiquer dans son prochain rapport des informations sur les résultats de celle-ci.
Questions législatives. La commission rappelle que, depuis de nombreuses années, elle formule des commentaires au sujet de plusieurs dispositions de la loi no 2821 sur les syndicats, de la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out et de la loi no 4688 sur les syndicats des employés du secteur public. La commission rappelle aussi que, dans son observation antérieure, elle avait pris note du projet de loi sur les syndicats visant à modifier les lois nos 2821 et 2822. La commission avait noté à ce propos que, en général, les projets de dispositions relatives au fonctionnement interne des syndicats et à leurs activités semblaient être moins détaillés que les dispositions correspondantes des lois nos 2821 et 2822, lesquelles avaient donné lieu à des actes répétés d’ingérence de la part des autorités. La commission avait en outre pris note de plusieurs autres améliorations concernant notamment la procédure de constitution d’un syndicat. La commission avait noté, cependant, que le projet ne traitait pas de toutes les questions précédemment soulevées par la commission et qu’aucune modification de la loi no 4688 n’avait été proposée. Elle avait en conséquence exprimé l’espoir que les mesures nécessaires visant à adopter rapidement les modifications nécessaires aux lois nos 2821, 2822 et 4688 seraient prises sans plus tarder.
La commission note, d’après la déclaration du gouvernement devant la Commission de la Conférence en juin 2011, que la révision de la législation relative au système de relations du travail exigeait davantage de temps et que le processus d’harmonisation de la législation n’a pas été complètement achevé. La commission note par ailleurs que la Commission de la Conférence avait prié le gouvernement de fournir à la commission d’experts, pour sa session de 2011, des informations détaillées et complètes sur tous progrès réalisés à ce propos. Tout en observant, avec regret, l’absence de rapport du gouvernement, la commission note la communication du gouvernement en date du 30 novembre 2011 par laquelle il informe qu’un projet de loi sur les relations collectives du travail a été préparé par le Conseil consultatif tripartite et que ce projet, qui vise à mettre la législation turque en conformité avec la convention, devrait être adopté par le Parlement dans le cours du premier semestre 2012. La commission exprime l’espoir que la nouvelle législation modifiant les lois nos 2821, 2822 et 4688 sera adoptée sans plus attendre et qu’elle prendra en compte les points suivants soulevés par la commission dans ses observations antérieures.
Article 2 de la convention:
  • -La nécessité de veiller à ce que les travailleurs indépendants, les travailleurs à domicile et les apprentis bénéficient du droit de s’organiser. La commission note à ce propos que l’article 2 du projet de loi fait référence à la définition du «travailleur» prévue dans la loi sur le travail (no 4857), selon laquelle un «employé est une personne physique travaillant dans le cadre d’un contrat de travail» et rappelle que l’article 18 de la loi no 3308 (apprentissage et formation professionnelle) a pour effet d’exclure soit expressément, soit dans la pratique ces catégories de travailleurs.
  • -La nécessité de garantir le droit d’organisation aux employés du secteur public, tels que les hauts fonctionnaires, les magistrats, le personnel civil dans les institutions militaires et les gardiens de prison (art. 15 de la loi no 4688).
  • -La nécessité de veiller à ce que les personnes au chômage depuis plus d’un an, ou les personnes à la retraite, puissent maintenir leur affiliation syndicale, sous réserve uniquement des statuts du syndicat concerné (art. 18 du projet de loi sur les syndicats).
Article 3. Election des représentants:
  • -La nécessité de veiller à ce que la décision relative à la suspension du mandat d’un responsable syndical dans les cas où il présente sa candidature aux élections locales ou générales ainsi que la cessation de son affiliation en cas d’élection relève du syndicat compétent (art. 22(3) et 27(3) du projet de loi sur les syndicats).
  • -La nécessité d’abroger l’article 10(8) de la loi no 4688, qui prévoit la suppression des organes exécutifs des syndicats en cas de non-respect des prescriptions concernant les réunions et les décisions des assemblées générales prévues dans la loi.
  • -La nécessité d’abroger l’article 16 de la loi no 4688, qui prévoit la suppression obligatoire de l’affiliation syndicale et des fonctions syndicales à la suite de la démission et de l’exclusion du service public ou du transfert dans une autre branche d’activité, de manière à assurer le droit des organisations d’élire leurs représentants en toute liberté.
  • -La nécessité de garantir que les procédures et les principes relatifs à l’acquisition et à la cessation de la qualité de membre sont réglementés par les règlements internes ou les statuts du syndicat et non par les autorités (art. 18(10) du projet de loi sur les syndicats).
Restrictions au droit de grève:
  • -La nécessité de veiller à ce que les cas dans lesquels la grève peut être restreinte ou même interdite soient limités aux: i) fonctionnaires publics exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; et ii) services essentiels au sens strict du terme, à savoir les services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé d’une partie ou de l’ensemble de la population. En ce qui concerne le service public, la commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688, qui prévoit le règlement des conflits par le Conseil de conciliation, ne mentionne pas les circonstances dans lesquelles la grève peut être exercée dans le service public. Pour ce qui est des autres services, la commission note que, d’une part, le projet de loi sur les syndicats propose d’abroger les articles 29 à 34 de la loi no 2822, qui imposent des restrictions importantes au droit de grève, et interdisent notamment la grève dans des catégories spécifiées de services et, d’autre part, propose d’ajouter l’article 29, en vertu duquel la grève peut être totalement ou partiellement, et de façon permanente ou temporaire, interdite par décision du tribunal compétent dans le cas où la grève est jugée contraire à l’ordre public ou à la santé publique (art. 42 du projet de loi sur les syndicats). La commission estime que l’expression «ordre public» est trop large pour relever d’une définition stricte de ce qui peut constituer un service essentiel.
  • -La nécessité de modifier l’article 52 de la loi no 2822, qui prévoit un arbitrage obligatoire imposé par la Haute Cour d’arbitrage à la demande de l’une ou l’autre des parties au conflit concernant les activités et les établissements dans lesquels la grève est interdite, et lorsque les parties ne sont pas parvenues à un accord. La commission rappelle que l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif de travail et à une grève ne peut se justifier qu’à la demande des deux parties au conflit, ou si la grève en question est susceptible d’être limitée, voire interdite, c’est-à-dire les cas de conflits dans les services essentiels au sens strict du terme.
  • -La nécessité de réduire la période d’attente excessivement longue nécessaire avant le déclenchement d’une grève (art. 27 – se référant à l’article 23 – et art. 35 de la loi no 2822).
  • -La nécessité de garantir la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs à la définition des services minima et, en cas de désaccord, de régler la question au sein d’un organe indépendant (art. 40 de la loi no 2822).
  • -La nécessité d’abroger les restrictions importantes relatives aux piquets de grève (art. 48 de la loi no 2822).
  • -La nécessité de veiller à ce qu’aucune sanction pénale ne puisse être imposée à l’encontre d’un travailleur pour avoir mené une grève pacifique et qu’aucune mesure d’emprisonnement ne puisse être imposée, à l’exception des cas dans lesquels, pendant une grève, des violences contre des personnes ou des biens ou autres graves infractions aux droits ont été commises (art. 70, 71, 72, 73 (sauf pour le paragraphe 3 abrogé par la Cour constitutionnelle), 77 et 79 de la loi no 2822, imposant de lourdes sanctions, y compris la peine d’emprisonnement pour avoir participé à des grèves illégales).
Contrôle des comptes des organisations (loi no 5253 sur les associations). La commission avait précédemment noté que l’article 35 de la loi du 4 novembre 2004 sur les associations prévoit que certains articles spécifiques de cette loi s’appliquent aux syndicats, aux organisations d’employeurs ainsi qu’aux fédérations et confédérations, dans le cas où les lois spéciales relatives à ces organisations ne prévoient aucune disposition particulière à ce sujet. L’article 19 permet à cet égard au ministre des Affaires internes ou à l’Autorité de l’administration civile d’examiner les livres et autres documents d’une organisation, de mener une enquête et de demander des informations à tout moment, sous réserve d’un préavis de 24 heures. La commission rappelle à nouveau que le contrôle des comptes devrait se limiter à l’obligation de présenter des rapports financiers périodiques ou aux cas où il existe de sérieux motifs de croire que les actes d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la loi (qui devraient être conformes à la convention), ou s’il s’avère nécessaire d’enquêter à propos d’une plainte présentée par un certain pourcentage de membres d’organisations d’employeurs ou de travailleurs; dans tous les cas, l’autorité judiciaire compétente devrait avoir un droit de réexamen, offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité, tant sur les questions de fond que de procédures (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 125). La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier les articles 19 et 35 de la loi no 5253 de 2004 de manière à exclure du champ d’application de ces dispositions les organisations de travailleurs et d’employeurs ou de veiller à ce que la vérification des comptes d’un syndicat, qui va au-delà de la soumission de rapports financiers périodiques, ne s’effectue que s’il existe de sérieux motifs de croire que les activités d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la loi (qui devraient être conformes à la convention) ou pour enquêter sur une plainte présentée par un certain pourcentage de membres.
La commission prie instamment le gouvernement de faire appel de manière continue à l’assistance du BIT en vue d’assurer l’adoption rapide des modifications nécessaires aux lois nos 2821, 2822, 4688 et 5253 et exprime l’espoir que les textes définitifs tiendront pleinement compte des commentaires susmentionnés.

Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

La commission prend note des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication datée du 24 août 2010, par la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) dans une communication datée du 28 août 2010, par l’Internationale de l’éducation (IE) dans une communication datée du 30 août 2010 et par la Confédération des syndicats des fonctionnaires (BASK) dans une communication du 11 octobre 2010. La commission prie le gouvernement de communiquer ses observations sur ces commentaires dans son prochain rapport.

La commission note qu’une discussion a eu lieu à la Commission de la Conférence sur l’application des normes de 2010. Elle note également qu’une mission bipartite de haut niveau s’est déroulée en Turquie en mars 2010, conformément à la demande de la Commission de la Conférence en 2009.

Libertés publiques

La commission prend note de la réponse du gouvernement aux commentaires précédemment formulés par la CSI dénonçant la répression violente de manifestations par les forces de police. Le gouvernement indique en particulier que des mesures ont été mises en place en 2009 pour prévenir la violence excessive exercée par la police. Les officiers de police chargés de la sécurité pendant les marches et manifestations publiques ont commencé à recevoir une formation concernant l’usage proportionné de la force. Dans ce cadre, 17 000 policiers recevront cette formation chaque année. Le gouvernement indique également que, après la promulgation du 1er mai comme Jour du travail et de la solidarité en 2008 et comme jour férié en 2009, une célébration a eu lieu le 1er mai 2010 sur la place Taksim à Istanbul, trente ans après l’interdiction de toute manifestation sur cette place. D’après le gouvernement, la manifestation a été pacifique grâce à la collaboration entre les syndicats et les forces de sécurité dans le cadre de cet événement.

En ce qui concerne l’allégation de la CSI en 2007 selon laquelle les syndicats doivent accepter que la police participe à leurs réunions et enregistre le déroulement de celles-ci, le gouvernement indique que, en vertu de la loi sur les associations, les forces de sécurité ne sont pas autorisées à entrer dans les locaux des syndicats, à moins qu’une décision judiciaire ne prévoie la nécessité de maintenir l’ordre public et de prévenir l’occurrence d’incidents délictueux. Il indique en outre qu’il convient d’établir une distinction entre les réunions publiques et les réunions dans les locaux des syndicats, et que toute participation de la police aux réunions publiques des syndicats ne vise qu’à la nécessité de maintenir l’ordre public.

En ce qui concerne l’allégation selon laquelle un incendie aurait été mis dans les locaux du syndicat Egitim-Sen, le gouvernement indique que les forces de sécurité et les sapeurs-pompiers sont intervenus à temps, que trois suspects ont été arrêtés et que l’un d’entre eux a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Aucun membre du syndicat n’a été blessé.

Prenant dûment note des informations communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour éviter les violences policières et les interventions indues de la police, la commission note avec préoccupation les allégations selon lesquelles des restrictions importantes ont été imposées à la liberté de parole et de rassemblement des syndicalistes, contenues dans les communications susmentionnées de la CSI, de la KESK et de l’IE. La commission, comme la Commission de l’application des normes de la Conférence, prie instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir les conditions favorables à un climat exempt de toute forme de violence, de pression ou de menaces afin que les travailleurs et les employeurs puissent pleinement et librement exercer leurs droits prévus par la convention. La commission prie également instamment le gouvernement de réviser, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, toute législation susceptible d’avoir été appliquée dans la pratique de façon contraire à ce principe fondamental, et d’envisager d’y apporter les modifications nécessaires ou de l’abroger. Elle prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport toutes les mesures prises à cet égard. La commission prie également le gouvernement d’ouvrir une enquête sur les allégations concernant tous les cas de violence exercée par la police ou les forces de sécurité, et de communiquer des informations sur les résultats obtenus dans son prochain rapport.

Législation

La commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle formule des commentaires sur certains projets de loi tendant à modifier la loi no 2821 sur les syndicats, la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock‑out, et la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public.

La commission note que, selon l’indication du gouvernement, la loi no 5982 portant modification de la Constitution de la République de Turquie, promulguée par l’Assemblée nationale le 7 mai 2010, est entrée en vigueur après avoir été approuvée par référendum électoral le 12 septembre 2010. La commission note avec intérêt que, en vertu de ladite loi, les dispositions suivantes de la Constitution ont été abrogées:

–           article 51, paragraphe 4, interdisant l’affiliation à plusieurs syndicats;

–           article 54, paragraphe 3, imputant aux syndicats la responsabilité de tout dommage matériel causé pendant les grèves; et

–           article 54, paragraphe 7, interdisant «les grèves et les lock-out à caractère politique, les grèves et les lock-out de solidarité, l’occupation de locaux professionnels, le ralentissement du travail et toute autre forme d’obstruction».

En ce qui concerne la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public, la commission prend également note des explications communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence, selon lesquelles l’amendement constitutionnel sera suivi des amendements législatifs pertinents.

En ce qui concerne les lois nos 2821 et 2822, la commission note, d’après les indications du gouvernement, qu’un projet de loi sur les syndicats, portant modification des lois susmentionnées, a été élaboré par un «comité scientifique» nommé par le ministère en 2009. Elle note également que ce projet de loi a été communiqué à la mission bipartite de haut niveau du BIT, ainsi qu’aux partenaires sociaux en mars 2010, dans le cadre du Conseil tripartite de consultation. La commission note que les dispositions du projet de loi semblent tenir compte de plusieurs préoccupations précédemment exprimées par la commission. La commission note qu’en général le projet de dispositions relatives au fonctionnement interne des syndicats et de leurs activités semble être moins détaillé que les dispositions correspondantes des lois nos 2821 et 2822, lesquelles avaient donné lieu à des actes répétés d’ingérence de la part des autorités. La commission prend note des améliorations, en particulier des suivantes:

–           la procédure d’établissement d’un syndicat semble avoir été simplifiée (art. 7);

–           la disposition notariale pour devenir membre d’un syndicat a été supprimée (art. 16);

–           la formation de syndicats par emploi sur le lieu de travail est permise (art. 3);

–           le système de prélèvement automatique est mis à la disposition de tous les syndicats, et le montant des cotisations syndicales doit être déterminé par les organisations elles-mêmes (art. 17);

–           la condition de nationalité, ainsi que la condition d’être employé dans la branche d’activité correspondante, précédemment imposée aux fondateurs d’un syndicat est supprimée (art. 6);

–           la disposition prévoyant que le gouverneur peut désigner un observateur à l’assemblée générale d’un syndicat a été supprimée;

–           le projet de loi ne prévoit plus de peine d’emprisonnement pour la violation à la législation (art. 35); et

–           la responsabilité de suspendre une grève incombe au tribunal et non au Conseil des ministres (art. 42).

La commission note toutefois que le projet de loi ne tient pas compte de toutes les questions précédemment soulevées par la commission et qu’aucun amendement à la loi no 4688 n’a été proposé autre que ceux qui ont déjà été considérés par la commission lors de sa dernière session. Elle attire donc une fois encore l’attention du gouvernement sur la nécessité de modifier sa législation afin d’assurer le respect des articles suivants de la convention.

Article 2 de la convention

–           La nécessité de garantir que les travailleurs indépendants, les travailleurs domestiques et les apprentis jouissent du droit de s’organiser. A cet égard, la commission note que l’article 2 du projet de loi fait référence à la définition de «travailleur» prévue par la législation du travail no 4857, selon laquelle, un «employé est une personne physique travaillant dans le cadre d’un contrat de travail», et rappelle que l’article 18 de la loi no 3308 (Apprentissage et formation professionnelle) a pour effet d’exclure du droit de se syndiquer, explicitement ou en pratique, ces catégories de travailleurs.

–           La nécessité de garantir le droit de s’organiser à un certain nombre d’employés du secteur public, comme les fonctionnaires, les magistrats, le personnel civil dans les institutions militaires et les gardiens de prison (art. 15 de la loi no 4688).

–           La nécessité de garantir que les personnes au chômage depuis plus d’un an ou les personnes à la retraite peuvent suspendre leur affiliation, sous réserve uniquement des statuts du syndicat concerné (art. 18 du projet de loi sur les syndicats).

Article 3. Election de représentants

–           La nécessité de garantir que la décision relative à la suspension du mandat d’un responsable syndical dans le cas où celui-ci serait candidat à des élections locales ou générales et la cessation de son affiliation dans le cas où les élections relèveraient du syndicat concerné (art. 22, paragr. 3, et art. 27, paragr. 3, du projet de loi sur les syndicats).

–           La nécessité d’abroger l’article 10, paragraphe 8, de la loi no 4688, qui prévoit la suppression des organes exécutifs des syndicats en cas de non‑respect des dispositions concernant les réunions et les décisions de l’Assemblée générale prévues par la législation.

–           La nécessité d’abroger l’article 16 de la loi no 4688 qui prévoit la cessation de charge de délégué syndical par le simple fait du transfert de son titulaire dans une autre branche d’activité, le licenciement de son titulaire ou simplement le fait que ce titulaire quitte son emploi, afin de garantir le droit des organisations d’élire librement leurs représentants.

–           La nécessité de garantir que les procédures et les principes relatifs à l’acquisition et à la cessation du statut de membre sont réglementés par les règlements ou les statuts internes des syndicats et non par les autorités (art. 18, paragr. 10, du projet de loi sur les syndicats).

Limitation au droit à la grève

–           La nécessité de garantir que les cas dans lesquels la grève peut être limitée ou interdite ne concernent que: i) les fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat; et ii) les services essentiels au sens strict du terme, à savoir les services dont l’interruption desquels mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé personnelle d’une partie ou de l’ensemble de la population. En ce qui concerne le service public, la commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688, qui prévoit le règlement des conflits par le Conseil de conciliation, ne mentionne pas les circonstances dans lesquelles la grève peut être exercée dans le service public. En ce qui concerne les autres services, la commission note que, d’une part, le projet de loi sur les syndicats propose d’abroger les articles 29 à 34 de la loi no 2822 qui imposent des limites importantes au droit à la grève, y compris l’interdiction de la grève dans des catégories de services spécifiées, et, d’autre part, propose d’ajouter l’article 29, en vertu duquel la grève peut être totalement ou partiellement, et de façon permanente ou temporaire, interdite par une décision du tribunal compétent dans le cas où la grève serait jugée contraire à l’ordre public ou à la santé publique (art. 42 du projet de loi sur les syndicats). La commission considère que l’expression «ordre public» est trop large et n’entre pas dans le champ de la définition stricte de ce qui peut constituer un service essentiel.

–           La nécessité de modifier l’article 52 de la loi no 2822, qui impose l’arbitrage obligatoire par la Haute Cour d’arbitrage à la demande de l’une des parties au conflit concernant les activités et les établissements dans lesquels la grève est interdite, et lorsque les parties ne sont pas parvenues à un accord. La commission rappelle que l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève ne peut se justifier qu’à la demande des deux parties au conflit, ou si la grève en question est susceptible d’être limitée, voire interdite, c’est-à-dire les cas de conflits dans les services essentiels au sens strict du terme.

–           La nécessité de réduire la période d’attente excessivement longue nécessaire avant l’appel à la grève (art. 27 – se référant à l’article 23 – et art. 35 de la loi no 2822).

–           La nécessité de garantir la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs à la définition des services minimums et, en cas de désaccord, de régler la question au sein d’un organe indépendant (art. 40 de la loi no 2822).

–           La nécessité d’abroger les limitations importantes relatives aux piquets de grève (art. 48 de la loi no 2822).

–           La nécessité de garantir qu’aucune sanction pénale ne peut être imposée à l’encontre d’un travailleur pour avoir observé une grève pacifique, et qu’aucune mesure d’emprisonnement ne peut être imposée, à l’exception des cas dans lesquels, pendant une grève, des violences contre des personnes ou des biens ou autres graves infractions aux droits ont été commises (art. 70, 71, 72, 73 (sauf pour le paragraphe 3 abrogé par la Cour constitutionnelle), 77 et 79 de la loi no 2822, imposant de lourdes sanctions, y compris la peine d’emprisonnement pour avoir participé à des grèves illégales).

Contrôle de la comptabilité des organisations
(loi sur les associations no 5253)

La commission avait précédemment observé que l’article 35 de la loi sur les associations du 4 novembre 2004 prévoit que certains articles spécifiques de cette loi s’appliquent aux syndicats, aux organisations d’employeurs ainsi qu’aux fédérations et confédérations, dans le cas où il n’y aurait pas de dispositions spécifiques dans la législation pertinente concernant ces organisations. A cet égard, l’article 19 permet au ministre des Affaires internes ou l’autorité de l’administration civile d’examiner les registres et autres documents d’une organisation, de conduire une enquête ou de demander des informations à tout moment, en envoyant une notification vingt-quatre heures à l’avance. Une fois encore, la commission rappelle que le contrôle de la comptabilité devrait se limiter à l’obligation de présenter des rapports financiers périodiques ou au cas où il existe de sérieux motifs de croire que les actes d’une organisation sont contraires aux règlements ou à la législation (qui devraient être conformes à la convention), ou en cas de nécessité d’enquêter à propos d’une plainte présentée par un certain nombre de membres d’organisations d’employeurs ou de travailleurs; dans tous les cas, l’autorité judiciaire compétente devrait avoir un droit de réexamen, offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité, tant sur les questions de fond que de procédures (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 125). La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour modifier les articles 19 et 35 de la loi no 5253 de 2004 de manière à exclure les organisations de travailleurs et d’employeurs du champ d’application de cette disposition ou de garantir que la vérification de la comptabilité des syndicats se borne à une obligation de soumettre des rapports financiers périodiques, ou si elle est effectuée parce qu’il existe de sérieuses raisons de croire que les actions d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la législation (qui devraient être conformes à la convention) ou pour faire une enquête sur une plainte présentée par un certain nombre de membres.

Tout en notant l’indication du gouvernement selon laquelle les consultations avec les partenaires sociaux en ce qui concerne la modification de la législation sur les syndicats continueront jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint, la commission note avec regret que le gouvernement n’a pas communiqué d’informations concernant l’élaboration du plan d’action présentant des objectifs clairs (demandés par la Commission de l’application des normes de la Conférence) qui permettrait à la commission de noter les progrès importants dans la mise en conformité de la loi et de la pratique avec les dispositions de la convention. La commission prie le gouvernement d’accepter l’assistance du BIT dans l’objectif d’adopter rapidement les modifications nécessaires aux lois nos 2821, 2822, 4688 et 5253, et exprime l’espoir que les textes définitifs tiendront pleinement compte des commentaires susmentionnés.

Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

La commission prend note des observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication en date du 26 août 2009, par la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) dans une communication du 20 août 2009, par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) dans une communication du 14 mai 2009, et par la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye Kamu-Sen) dans une communication du 15 septembre 2009. La commission prend également note des commentaires formulés par la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) dans une communication du 2 septembre 2009. La commission demande au gouvernement de communiquer ses commentaires sur ces observations.

La commission prend note des discussions tenues à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2009 sur l’application de la convention. La commission note en particulier que la Commission de l’application des normes a demandé au gouvernement d’accepter une mission bipartite de haut niveau, dans l’objectif d’assister le gouvernement à réaliser des progrès significatifs concernant les points que la commission soulève depuis de nombreuses années.

La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle un groupe composé de six personnes sous la présidence du directeur général du travail a été constitué en vue de réexaminer les projets de lois tendant à modifier la loi no 2821 sur les syndicats, ainsi que le projet de loi no 2822 sur la négociation collective, la grève et le lock-out.

Libertés civiles

La commission prend note de la réponse du gouvernement aux commentaires formulés par la CSI dans une communication du 29 août 2008 qui concernaient: 1) l’arrestation et la détention par les forces de police, dans la violence, de responsables et de membres syndicaux du syndicat TÜMTIS dans l’exercice légitime de leurs droits syndicaux; 2) les agressions violentes à l’égard de membres syndicaux du syndicat TÜMTIS par les forces de sécurité d’une entreprise privée; 3) la répression violente pendant une manifestation d’enseignants le 26 novembre 2005, l’arrestation et les peines de prison concernant dix responsables syndicaux de syndicats affiliés à la KESK; 4) l’incendie mis dans les locaux du syndicat Egitim-Sen le 4 mars 2007; 5) l’ingérence des autorités publiques dans les statuts de la confédération KESK et ses affiliés dans le secteur public; et 6) la dissolution du syndicat turc de retraités (EMEKLI-Sen) le 19 septembre 2007. En ce qui concerne les allégations de violence à l’égard de syndicalistes et des peines de prison, le gouvernement indique que, en vertu de l’article 34 de la Constitution, quiconque a le droit d’organiser des réunions et des manifestations sans permission préalable, dans la mesure où il n’y a pas de violence. De plus, il se réfère une fois encore à la loi no 2911 sur les assemblées et les manifestations qui prévoit le droit de réunion et de manifestation, les responsabilités, les circonstances dans lesquelles ces dernières sont interdites, et les sanctions susceptibles d’être imposées. En outre, la circulaire no 2005/14 du Premier ministre, également citée précédemment par le gouvernement, prévoit que les responsables syndicaux ne devraient pas être soumis à des procédures disciplinaires des déclarations de presse faites par eux, et prévoit la mise à disposition de locaux pour les réunions et les manifestations organisées dans le respect de la loi no 2911. La commission observe que le gouvernement donne des informations générales sur les allégations concernant la violence exercée par les forces de police. A cet égard, tout en accueillant favorablement les mesures importantes prises par le gouvernement en 2008 pour déclarer le «1er mai» en tant que jour férié, la commission note que les récents commentaires de la CSI, de la DISK et de la KESK mentionnent de nouveaux cas de recours à la violence des forces de police à l’occasion des célébrations du «1er mai» en 2009. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait pris note d’allégations comparables et avait soulevé la question des mesures prises pour donner des instructions appropriées à la police, de manière à limiter l’intervention de la police aux cas de réel danger à l’ordre public, et pour éviter le risque de violence excessive lors du contrôle des manifestations. La commission souhaite se référer aux conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2009, où elle avait noté que le gouvernement indiquait être déterminé à prendre toutes les mesures disciplinaires et judiciaires à l’égard des membres des forces de sécurité ayant fait usage de façon disproportionnée et excessive de la force, mais qu’il était important que les manifestants respectent les dispositions pertinentes de la législation nationale. A cet égard, la Commission de l’application des normes avait souligné que le respect des libertés civiles fondamentales était une condition essentielle à l’exercice de la liberté syndicale et avait prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un climat exempt de violence, de pression ou de menaces, quelle que soit sa forme, de manière à ce que les travailleurs et les employeurs bénéficient pleinement et librement de leurs droits prévus par la convention. La commission demande au gouvernement de communiquer des informations à cet égard. En outre, la commission demande une nouvelle fois au gouvernement de répondre aux observations formulées par la CSI en 2007, selon lesquelles les syndicats doivent accepter que la police participe à leurs réunions et enregistre le déroulement de celles-ci. La commission demande également au gouvernement de diligenter une enquête sur les allégations concernant tous les cas où il a été fait usage de la violence à l’occasion des interventions de la police et autres forces de sécurité, et d’en indiquer les résultats à cet égard.

Eu égard aux allégations concernant l’ingérence du gouvernement dans les statuts des confédérations et des syndicats du secteur public, le gouvernement indique que ces confédérations et syndicats se réfèrent dans leurs statuts à la «négociation collective», au «conflit collectif» et à la «grève», qui ne sont pas applicables aux syndicats du secteur public étant donné les restrictions constitutionnelles; selon le gouvernement, ils devraient plutôt mentionner les «négociations collectives». La commission rappelle que, en vertu de l’article 3 de la convention, les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs. Afin que ce droit soit pleinement garanti, la commission est d’avis que deux conditions de base doivent être remplies: premièrement, la législation nationale ne doit prévoir que des exigences de forme en ce qui concerne les statuts syndicaux; deuxièmement, les statuts et règlements ne doivent pas faire l’objet d’une approbation préalable discrétionnaire par les autorités (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 109). La commission rappelle en outre que l’interdiction de la grève n’est acceptable que dans le cas où les fonctionnaires exercent une autorité au nom de l’Etat et où il s’agit de services essentiels au sens strict du terme, et où les syndicats représentant de fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat peuvent s’engager dans la négociation collective au nom de leurs membres, dans le cadre des activités fondamentales menées par les syndicats. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 8 de la convention, si les syndicats sont tenus de respecter la légalité, la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention. La commission demande au gouvernement de s’abstenir de toute intervention concernant le droit des syndicats à élaborer leurs statuts et règlements administratifs, notamment, comme dans le présent cas, lorsque ceux-ci prévoient les droits des syndicats dans le respect des principes prévus par la convention no 87 et la convention no 98 ratifiées par la Turquie. La commission demande au gouvernement de d’indiquer tout progrès accompli à cet égard.

En ce qui concerne les allégations de fermeture d’EMELKLI-Sen le 19 septembre 2007, le gouvernement indique que seuls les salariés et les employés ont le droit de constituer sans permission des syndicats et des organisations de retraités, et qu’il n’existe pas de disposition dans les lois nos 2821 et 2822 concernant les retraités, lesquels peuvent néanmoins former des associations. La commission rappelle que la législation ne devrait pas empêcher les organisations et associations syndicales d’affilier des retraités s’ils le souhaitent, notamment lorsqu’ils ont participé à l’activité représentée par le syndicat.

La commission note en outre que le gouvernement ne communique pas d’information concernant l’incendie intervenu dans les locaux de l’annexe d’Egitim-Sen. La commission rappelle que l’agression de syndicalistes et l’attaque des locaux de syndicalistes constituent une ingérence grave dans les activités syndicales. Les activités criminelles de cette nature créent un climat de peur qui est extrêmement préjudiciable à l’exercice des activités syndicales. La commission demande au gouvernement de diligenter une enquête appropriée sur ces événements et d’en indiquer les résultats.

Législation

La commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle formule des commentaires sur certains projets de lois tendant à modifier la loi no 2821 sur les syndicats, la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out et la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public. La commission prend note des copies des projets de lois portant modification des lois nos 2821, 2822 et 4688 présentés par le gouvernement. La commission avait pris note dans ses observations précédentes, après consultation des partenaires sociaux et consensus en la matière, que les projets de lois portant modification des lois nos 2821 et 2822, ont été présentés à la Grande Assemblée nationale turque le 27 mai 2008. A cet égard, la Commission de l’application des normes de la Conférence avait pris note des indications du gouvernement selon lesquelles le Conseil tripartite de consultation avait conduit des travaux importants à cet égard. La commission note que ces projets de lois contiennent certaines améliorations relatives à l’application de la convention, concernant les dispositions suivantes (certaines avaient déjà été notées par la commission dans ses observations précédentes):

–           la condition de nationalité à laquelle étaient soumises l’éligibilité et l’élection aux fonctions de dirigeant syndical (art. 5 et 14 de la loi no 2821) a été supprimée;

–           la disposition prévoyant que le gouverneur peut désigner un observateur à l’assemblée générale d’un syndicat (art. 14(1) de la loi no 2821) a été supprimée;

–           la condition de l’intervention d’un officier public pour enregistrer l’adhésion à et la démission d’un syndicat (art. 22(2) et 25(2) de la loi no 2821) a été supprimée;

–           la définition de fonctionnaire couvre tous les travailleurs employés à des postes de salariés contractuels autres que ceux relevant d’établissements et institutions publics, notamment les fonctionnaires en période d’essai (art. 3(a) de la loi no 4688).

En outre, la commission note, d’après les indications du gouvernement à la réponse de la Commission de l’application des normes de la Conférence, que la Cour constitutionnelle a décidé que l’article 73(3) de la loi no 2822 était contraire à la Constitution et qu’il fallait par conséquent l’abroger.

Cependant, il ressort du projet de loi qu’un certain nombre de points soulevés par la commission ne sont toujours pas conformes à:

Article 2 de la convention

–           La nécessité de garantir que les travailleurs indépendants, les travailleurs domestiques et les apprentis jouissent du droit de s’organiser, dans la mesure où l’article 2 de la loi no 2821 et l’article 18 de la loi no 3308 (apprentissage et formation professionnelle) ont pour effet d’exclure du droit de se syndiquer, explicitement ou en pratique, ces catégories de travailleurs.

–           L’exclusion du droit de s’organiser d’un certain nombre d’employés du secteur public (tels que les hauts fonctionnaires, les magistrats, le personnel civil dans les institutions militaires et les gardiens de prison, prévus à l’article 15 de la loi no 4688). D’après la CSI et la KESK, près de 450 000 employés du secteur public sont privés de leur droit de s’organiser en raison de cette disposition.

–           L’interdiction relative à la formation de syndicats par emploi ou sur le lieu de travail (art. 3 de la loi no 2821 et art. 4 de la loi no 4688).

–           Les critères appliqués par le ministère du Travail pour déterminer la branche d’activité dont relève le lieu de travail (dans la mesure où les syndicats doivent être constitués par branche d’activité) et les répercussions d’une telle détermination sur le droit des travailleurs de former des syndicats de leur choix et de s’y affilier (art. 4 de la loi no 2821).

–           Les critères appliqués par le ministère du Travail pour déterminer la branche d’activité dans le secteur public et les répercussions d’une telle détermination sur le droit des travailleurs de constituer des syndicats de leur choix et de s’y affilier, compte tenu du fait que les syndicats doivent être constitués par branche d’activité (art. 5 de la loi no 4688 ainsi que la réglementation sur la détermination des branches d’activité des organisations et des agences). A cet égard, la commission a déjà pris note du cas no 2537 relatif à la plainte présentée par l’organisation Yapi Yol Sen, dans laquelle le syndicat alléguait que, en raison de la fermeture d’une unité administrative (Direction générale des affaires villageoises) qui appartenait à la branche «travaux publics, construction et services aux villageois», son personnel a été transféré aux administrations locales, par conséquent à la branche des «administrations décentralisées» qui, selon Yapi Yol Sen, a entraîné automatiquement la perte de l’affiliation syndicale des intéressés et a entraîné des difficultés financières pour ces derniers, ainsi que le fait que les délégués syndicaux ont perdu leur poste en vertu de l’article 16 de la loi no 4688.

Article 3 de la convention

–           Les dispositions détaillées des lois nos 2821, 2822 et 4688 concernant le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités ayant conduit à l’ingérence répétée par les autorités.

–           La disposition en vertu de laquelle les dirigeants syndicaux sont destitués en cas de candidature à des élections locales ou générales ou en cas d’élection (art. 37(3) de la loi no 2821).

–           La suppression des organes exécutifs du syndicat en cas de non-respect des conditions posées par la loi (art. 10 de la loi no 4688).

–           La cessation de charge de délégué syndical par le simple fait du transfert de son titulaire dans une autre branche d’activité, le licenciement de son titulaire ou simplement le fait que ce titulaire quitte son emploi (art. 16 de la loi no 4688, la question a également été abordée par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2537 relatif à la plainte présentée par Yapi Yol Sen, comme indiqué ci-dessus).

Limitations importantes au droit à la grève

–           Interdiction des grèves à des fins politiques, des grèves générales et des grèves de solidarité (art. 25 de la loi no 2822 et art. 54 de la Constitution). Le gouvernement avait indiqué que ce point n’était pas couvert par la réforme dans la mesure où il nécessitait une révision constitutionnelle. A cet égard, la commission demande au gouvernement d’engager rapidement les réformes juridiques et constitutionnelles nécessaires à l’application de la convention.

–           Interdiction des grèves dans de nombreux services ne pouvant pas être considérés comme essentiels au sens strict du terme (production de charbon pour les centrales thermiques, électriques, de gaz et de charbon, l’exploration, la production et la distribution de gaz naturel et de pétrole; les activités dans les secteurs pétrochimique, bancaire et des notaires, le transport public terrestre, maritime, ferroviaire en zone urbaine et autres transports publics par chemin de fer, le secteur pharmaceutique, les institutions éducatives et de formation) et arbitrage obligatoire dans les services où les grèves sont interdites (art. 29, 30 et 32 de la loi no 2822). La commission rappelle que, dans ces services, plutôt que d’imposer une interdiction, un service minimum pourrait satisfaire à la fois les travailleurs et l’intérêt du public.

–           La possibilité pour le Conseil des ministres de suspendre pendant 60 jours une grève illégale pour des raisons de santé publique ou de sécurité nationale, et de renvoyer l’affaire à l’arbitrage obligatoire, si les parties ne sont pas parvenues à un accord après expiration de la période de suspension (art. 33 de la loi no 2822). Le projet de loi prévoit l’avis consultatif du Haut Conseil d’arbitrage (organe tripartite); néanmoins, la commission considère que la responsabilité de suspension de la grève incombe à un organe indépendant jouissant de la confiance de toutes les parties concernées.

–           Période d’attente excessivement longue avant de pouvoir lancer un appel à la grève (art. 27 – se référant à l’article 23 – et art. 35 de la loi no 2822).

–           Les services minima sont déterminés par la Direction générale du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. La commission considère néanmoins que le service minimum devrait être déterminé avec la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs concernées, et que, en cas de désaccord, la question devrait être réglée par un organe indépendant et non par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale (art. 40 de la loi no 2822).

–           Limitations sérieuses des piquets de grève (art. 48 de la loi no 2822); bien que le projet de loi ait éliminé l’interdiction faite aux syndicats de fournir des abris aux piquets de grève, d’autres restrictions subsistent.

–           Lourdes sanctions, notamment l’emprisonnement pour avoir participé à des grèves illégales, l’interdiction de certaines d’entre elles étant néanmoins contraires aux principes de la liberté syndicale (art. 70, 71, 72, 73 (à l’exception du paragraphe 3 abrogé par la Cour constitutionnelle), 77 et 79 de la loi no 2822 (bien que l’article 79 ait été modifié dans le projet de loi, cette dernière disposition prévoit des amendes pour ceux établissant des affiches ou des pancartes sur les sites en grève)). La KESK mentionne des cas concrets de syndicats et de membres syndicaux sanctionnés pour avoir participé à des grèves.

–           L’article 35 de la loi no 4688, qui prévoit la détermination et le règlement de conflits par un conseil de conciliation, ne mentionne pas les circonstances dans lesquelles la grève peut être réalisée dans le service public. La commission rappelle que les restrictions au droit de grève dans le service public doivent être limitées aux fonctionnaires qui exercent des fonctions au nom de l’Etat et à ceux travaillant dans les services essentiels au sens strict du terme.

La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle concernant les projets de lois amendant les lois nos 2821, 2822 et 4688 et la mesure dans laquelle les partenaires sociaux sont parvenus à un consensus à cet égard. La commission exprime l’espoir que les textes définitifs tiendront dûment compte de ces commentaires et qu’elle sera en mesure de constater des progrès à cet égard.

Loi sur les associations (contrôle
de la comptabilité des organisations)

La commission avait précédemment observé que l’article 35 de la loi no 5253 sur les associations du 4 novembre 2004 prévoit que certains articles spécifiques de cette loi s’appliquent aux syndicats, aux organisations d’employeurs ainsi qu’aux fédérations et confédérations, dans le cas où il n’y aurait pas de dispositions spécifiques dans la législation pertinente concernant ces organisations. A cet égard, l’article 19 permet au ministre des Affaires internes ou l’autorité de l’administration civile d’examiner les registres et autres documents d’une organisation, de conduire une enquête ou de demander des informations à tout moment, en envoyant une notification 24 heures à l’avance. Une fois encore, la commission rappelle que le contrôle de la comptabilité devrait se limiter à l’obligation de présenter des rapports financiers périodiques ou aux cas où il existe de sérieux motifs de croire que les actes d’une organisation sont contraires aux règlements ou à la législation (qui devraient être conformes à la convention), ou en cas de nécessité d’enquêter à propos d’une plainte présentée par un certain nombre de membres d’organisations d’employeurs ou de travailleurs; dans tous les cas, l’autorité judiciaire compétente devrait avoir un droit de réexamen, offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité, tant sur les questions de fond que de procédure (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 125). La commission demande au gouvernement une fois encore d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour modifier les articles 19 et 35 de la loi no 5253 de 2004 de manière à exclure les organisations de travailleurs et d’employeurs du champ d’application de ces dispositions ou de garantir que la vérification de la comptabilité des syndicats se borne à une obligation de soumettre des rapports financiers périodiques ou s’il est effectué parce qu’il existe de sérieuses raisons de croire que les actions d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la législation (qui devraient être conformes à la convention) ou pour faire une enquête sur une plainte présentée par un certain nombre de membres.

La commission note avec regret que le gouvernement n’a pas communiqué d’information concernant l’élaboration du plan d’action présentant des objectifs clairs (demandés par la Commission de l’application de la Conférence) qui permettrait à la commission de noter les progrès importants dans la mise en conformité de la loi et de la pratique avec les dispositions de la convention. La commission demande au gouvernement d’accepter la mission bipartite de haut niveau proposée par la Commission de la Conférence dans l’objectif d’aider le gouvernement à progresser sur les points soulevés de longue date. La commission considère que ce type de mission serait particulièrement utile, compte tenu des indications du gouvernement communiquées à la Commission de la Conférence selon lesquelles certaines modifications législatives requièrent un amendement constitutionnel.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Articles 2 et 3 de la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission évoquait la nécessité de modifier plusieurs dispositions de la législation susceptibles d’entraver le libre exercice des droits établis par les articles 2 et 3 de la convention, notamment:

–           L’article 2 de la loi no 2821 et l’article 18 de la loi no 3308, qui a pour effet d’exclure du droit de se syndiquer (explicitement ou en pratique) les catégories suivantes: les travailleurs à domicile; le personnel contractuel; et les apprentis. La commission note que, selon le gouvernement, la loi no 2821 ne prévoit pas de telles exceptions et cette loi définit les travailleurs comme étant les personnes ayant un contrat de travail (article 2); elle reconnaît le droit des travailleurs de se syndiquer (article 20) et elle excepte seulement le personnel des forces armées du droit de constituer des organisations syndicales et d’adhérer à de telles organisations (article 21). Les apprentis sont considérés par une loi spéciale comme des étudiants. S’agissant des travailleurs à domicile, la commission rappelle, en se référant à ses précédents commentaires qui remontent à 2001, que plusieurs organisations de travailleurs ont fait valoir que la définition des travailleurs contenue dans la loi no 2821 a pour effet d’exclure en pratique les travailleurs à domicile. D’une manière générale, la commission considère que le droit de se syndiquer ne devrait pas être suspendu à une relation d’emploi, relation qui est souvent inexistante dans le cas des travailleurs autonomes et dans celui de catégories particulièrement vulnérables, comme les travailleurs à domicile. La commission rappelle que l’article 18 de la loi no 3308 interdit aux apprentis de s’affilier à des organisations. La commission demande une fois de plus au gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour assurer que les travailleurs à domicile, les travailleurs autonomes et les apprentis bénéficient du droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention, et de communiquer des données statistiques à ce sujet. Elle espère que cette question sera abordée à travers les instruments modificateurs des lois nos 2821 et 2822 dont le Parlement est actuellement saisi, et elle prie le gouvernement de la tenir informée dans son prochain rapport des dispositions adoptées.

–           L’article 5 de la loi no 2821, qui impose à un travailleur d’avoir la nationalité turque pour être membre fondateur d’un syndicat; l’article 22(3) et l’article 25(2) c) de la loi no 2821, en vertu desquels l’accomplissement d’un certain nombre de formalités, dont l’intervention d’un notaire, sont indispensables pour s’affilier à un syndicat, aussi bien que pour cesser d’y adhérer. La commission exprime l’espoir que ces questions seront traitées de manière exhaustive dans les instruments modificateurs des lois nos 2821 et 2822 dont le Parlement est actuellement saisi, et elle prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport les dispositions qui auront été adoptées.

–           L’article 3(d) de la loi no 2821 et l’article 4 de la loi no 4688, qui imposent des restrictions quant au niveau de la représentation syndicale. La commission note que, selon le gouvernement, les partenaires sociaux turcs sont d’accord, d’une manière générale, sur les paramètres fondamentaux des relations socioprofessionnelles telles que la répartition entre les secteurs d’activités des organisations et la négociation collective aux niveaux de l’entreprise et du lieu de travail, système qui est en place depuis pratiquement 25 ans. Le gouvernement ajoute qu’une fois les amendements adoptés, le système continuera de fonctionner de manière harmonieuse et conformément aux normes de l’OIT. Rappelant que le droit de constituer des organisations de leur choix recouvre celui de déterminer librement le niveau de représentation, la commission prie une nouvelle fois le gouvernement de faire état des mesures prises ou envisagées en vue d’abroger l’interdiction concernant la création de syndicats sur la base de la profession ou du lieu de travail, telle que prévue à l’article 3 de la loi no 2821 et à l’article 4 de la loi no 4688.

–           Les articles 33 et 34 de la loi no 2822, qui fondent le pouvoir du Conseil des ministres de suspendre pendant 60 jours une grève légale sur des considérations de santé publique et de sécurité nationale, puis de soumettre le conflit à un arbitrage obligatoire si les parties n’ont pas réussi à parvenir à un accord à l’expiration du délai de suspension (des recours en la matière peuvent être formés devant le Conseil d’Etat). La commission avait noté que, d’après des informations communiquées par le gouvernement, le projet d’instrument modificateur de la loi no 2822 modifierait l’article 33 de cette loi en prévoyant que ce soit le Haut-conseil d’arbitrage (instance tripartite) et non pas le Conseil d’Etat qui donne un avis consultatif avant que le Conseil des ministres ne tranche sur la suspension. La commission souligne une fois de plus que le pouvoir de suspendre une grève, tel qu’il est prévu à l’article 33, devrait appartenir à un organe indépendant jouissant de la confiance de toutes les parties concernées. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées en vue de modifier dans le sens indiqué l’article 33 de la loi no 2822.

Article 5. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé que le gouvernement fournisse des informations sur l’application pratique de l’article 3 g) de la loi no 4688, en vertu duquel une confédération doit être constituée d’au moins cinq syndicats émanant de secteurs différents, et elle avait demandé qu’il modifie cet article dans le cas où il s’avérerait restreindre le droit des syndicats de salariés du secteur public de s’affilier aux confédérations de leur choix, y compris à celles qui fédèrent également des organisations du secteur privé. La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, les confédérations de syndicats du secteur privé et du secteur public se rassemblent souvent au sein d’organisations faîtières, telles que celle connue sous le nom de «Plate-forme du travail». La commission prend note de cette information.

Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

La commission prend note du rapport de la mission de haut niveau de l’OIT qui s’est rendue dans le pays du 28 au 30 avril 2008, suite à la demande faite par la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2007.

La commission prend note du rapport du gouvernement qui contient, entre autres, une réponse aux observations que la Confédération syndicale internationale (CSI) avait formulées dans sa communication en date du 26 août 2008 (dans laquelle était transmise une communication de la TÜRK-IS du 12 août 2008). Elle prend également note de la réponse faite par le gouvernement à la communication de la CSI en date du 28 août 2007 (communications datées des 9 janvier, 28 mars et 17 juin 2008) et à la communication de la Confédération des syndicats de salariés du public (KESK) en date du 31 août 2007 (communication du gouvernement en date du 9 janvier 2008).

La commission prend également note des commentaires adressés par la CSI dans une communication en date du 29 août 2008, par la KESK dans une communication en date du 1er septembre 2008 et par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) dans une communication en date du 2 septembre 2008. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires détaillés à cet égard.

Libertés civiles. Dans ses précédents commentaires, la commission, prenant note de diverses communications d’organisations de travailleurs dénonçant la répression violente de manifestations pacifiques, avait soulevé la question des mesures prises pour que des instructions adéquates soient données afin que les interventions de la police soient limitées aux cas dans lesquels il y a véritablement menace à l’ordre public et pour éviter qu’une force excessive ne soit mise en œuvre pour contrôler les manifestations. La commission avait noté dans ce contexte que, suivant la circulaire no 2005/14 publiée le 2 juin 2005 (Journal officiel no 25883), les représentants des syndicats et confédérations syndicales d’employés des services publics du niveau de la province ou du district ainsi que les dirigeants des branches syndicales et des confédérations ne devaient pas être exposés à des procédures disciplinaires à raison des déclarations faites par eux à la presse dans le cadre de leur action syndicale et hors du cadre de leurs fonctions (en tant que fonctionnaires). De plus, leurs activités (assemblées et manifestations) organisées dans le respect des dispositions de la loi no 2911 sur les assemblées et manifestations devaient être facilitées. Enfin, diverses autres circulaires du Premier ministre enjoignaient à l’administration de se conformer aux dispositions pertinentes de la législation et à ne pas faire obstacle aux activités des syndicats (circulaires datées des 6 juin 2002, 12 juin 2003 et 2 juin 2005).

La commission note que la TÜRK-IS, dans une communication transmise par la CSI, dénonce la décision d’interdire aux travailleurs l’accès à la place Taksim, au cœur d’Istanbul, le 1er mai 2008, pour des raisons de sécurité, ainsi que la répression violente d’une manifestation pacifique organisée le 19 février 2008 par le syndicat des travailleurs TEKGIDA-IS, affilié à la TÜRK-IS. Elle note que la KESK se réfère elle aussi à un usage disproportionné de la force par la police le 1er mai 2008, contre les travailleurs qui s’étaient réunis devant les bureaux de la DISK pour participer à la manifestation susvisée, organisée à l’initiative de trois grandes confédérations, la TÜRK-IS, la DISK et la KESK. De plus, la CSI et la KESK dénoncent diverses entraves à des activités syndicales, notamment à des manifestations et à des publications, au moyen de peines de prison, d’enquêtes judiciaires et de poursuites dirigées contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux. S’agissant du secteur public, la CSI se réfère, dans ses commentaires de 2007, à une intervention du gouvernement en tant qu’employeur dans les activités de syndicats de salariés de ce secteur. La CSI fait valoir en particulier que, au cours de l’année 2006, 15 salariés du public ont été mutés, 402 ont été soumis à des «enquêtes disciplinaires», quatre ont été condamnés à des peines de prison, 131 ont été poursuivis devant les tribunaux et neuf ont été condamnés à des peines d’amende. Le CSI signale encore que, dans 14 lieux de travail différents, les syndicats ont été empêchés d’utiliser leurs locaux et que, dans trois cas, des locaux syndicaux ont été évacués par la force pendant l’exercice d’activités syndicales légitimes. La CSI ajoute que les syndicats doivent obtenir une permission officielle pour organiser des réunions ou des rassemblements et doivent accepter que la police participe à leurs réunions et enregistre le déroulement de celles-ci.

La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que les syndicats ne sont pas au-dessus des lois et doivent respecter les dispositions de la législation nationale et, en particulier, celles de la loi no 2911 sur les réunions et manifestations, au même titre que toute personne physique ou autre personne morale. Des activités illicites de syndicats qui bafouent totalement les dispositions de la législation applicable ne sauraient prétendre à une protection contre une intervention de la police. De plus, les voies de la justice sont ouvertes aux syndicats et à leurs membres s’ils veulent contester les actions de la police, ou encore la constitutionnalité ou la conformité des dispositions de la législation nationale par rapport aux instruments internationaux touchant aux droits de l’homme auxquels la Turquie est partie, instruments qui, d’ailleurs, priment sur la législation nationale (art. 90 de la Constitution). Le gouvernement produit également des chiffres, selon lesquels les syndicats ont mené 1 247 actions revendicatives au cours des cinq premiers mois de 2008 et, sur ce total, deux seulement n’ont pas respecté la légalité. En réponse aux commentaires de la CSI de 2007, le gouvernement indique que, sur les 1 149 actions revendicatives organisées par la KESK en 2006, cinq se sont terminées par le placement en garde à vue de 66 personnes et, sur les 722 actions menées dans le courant de 2007 et jusqu’à octobre de cette année, un rassemblement s’est soldé par le placement en garde à vue de 12 personnes. Il ajoute que, dans tous les cas de répression violente de manifestations et de grèves par la police que la CSI dénonce (y compris dans celui d’une manifestation organisée par la KESK le 30 mai 2006 et déjà mentionnée dans les commentaires antérieurs de la commission), il ne s’agissait pas de manifestations pacifiques, et les syndicalistes et leurs dirigeants avaient opposé une résistance à la police et s’en étaient même pris à elle, faisant des blessés parmi elle, et celle-ci a dû faire usage de la force, ce qu’elle a fait, de manière graduelle, exerçant l’autorité qui lui est conférée par la loi. Le gouvernement déclare enfin que les syndicats n’ont pas à obtenir une autorisation préalable pour organiser des réunions ou des rassemblements mais que, conformément à l’article 10 de la loi no 2911, ils doivent soumettre une notification signée de tous les membres du comité d’organisation au gouverneur de la province ou du district quarante-huit heures avant la réunion. La commission prie le gouvernement de répondre aux observations de la CSI selon lesquelles les syndicats doivent accepter que la police assiste à leurs réunions.

La commission rappelle que les droits syndicaux recouvrent celui d’organiser des manifestations publiques et, notamment, de célébrer le 1er mai, sous réserve que les syndicats respectent les mesures prises par les autorités publiques pour assurer l’ordre public. Simultanément, les autorités doivent s’efforcer de s’entendre avec les organisateurs d’une manifestation afin que celles-ci puissent se dérouler sans perturbation et ne doivent autoriser le recours à la force que dans des situations où la loi et l’ordre sont gravement menacés, l’intervention des forces de l’ordre dans ce contexte devant être proportionnelle à la menace que celles-ci s’efforcent de contenir.

La commission prie le gouvernement de faire état dans son prochain rapport de toute procédure et de toute décision ayant un lien avec l’exercice d’activités syndicales, ainsi que de toute autre mesure prise ou envisagée en vue d’assurer que l’intervention de la police dans le cadre de manifestations se limite aux situations dans lesquelles il y a menace réelle pour l’ordre public et que l’emploi de la force dans ce cadre se limite à ce qui est strictement nécessaire pour contrôler la situation.

Législation en projet. Depuis un certain nombre d’années, la commission se réfère à certains projets de lois tendant à modifier la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out. Dans sa précédente observation, tout en prenant note des améliorations apportées aux projets de lois tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822, la commission avait prié le gouvernement de donner dans son prochain rapport un échéancier précis de l’adoption et de l’entrée en vigueur des textes modificateurs portant sur les questions suivantes: i) les critères sur la base desquels un lieu de travail donné peut être classé dans une branche d’activité donnée (les syndicats doivent se constituer uniquement par branche d’activité); ii) diverses dispositions de détail concernant le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités; iii) de graves restrictions au droit de grève (restrictions concernant les piquets, interdiction de la grève et arbitrage obligatoire dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme; la longueur excessive du délai d’attente obligatoire avant un appel à la grève; lourdeur des sanctions prévues (peines d’emprisonnement) en cas de participation à des «grèves illégales», la définition de ces dernières allant d’ailleurs bien au-delà de ce que la convention admet; l’interdiction des grèves politiques, des grèves générales et des grèves de solidarité).

La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, suite à la mission de haut niveau faite par l’OIT en 2008 et aux diverses réunions qui se sont tenues sous l’égide du Conseil tripartite de consultation et de son groupe de travail, deux projets de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 ont été fusionnés en un seul, qui a été soumis au parlement (la Grande Assemblée nationale turque) le 20 mai 2008 par un groupe de parlementaires appartenant au parti au pouvoir. La Commission parlementaire pour la santé, la famille, le travail et les affaires sociales a procédé à la révision et à la modification de ce projet de texte les 22 et 23 mai 2008, avec la participation active des partenaires sociaux, et en a soumis le texte résultant à la Grande Assemblée nationale turque le 27 mai 2008. Le texte de cet instrument sera dûment communiqué au BIT lorsqu’il aura été adopté.

Le gouvernement ajoute que les dispositions législatives à propos desquelles on a fait valoir à diverses reprises que des modifications préalables de la Constitution seraient nécessaires – à savoir l’article 25 de la loi no 2822 interdisant les grèves à des fins politiques, les grèves générales et les grèves de solidarité ainsi que les occupations de locaux, les grèves perlées et autres formes d’obstruction visées à l’article 54 de la Constitution – n’ont pas été incluses pour modification dans le projet de loi.

La commission relève avec intérêt du rapport de la mission de haut niveau de l’OIT qu’il existe un consensus entre les partenaires sociaux et le gouvernement sur certains amendements à apporter aux lois nos 2821 et 2822 en vue de répondre aux commentaires des organes de contrôle de l’OIT. Elle note avec intérêt que le parlement a été saisi d’un projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 le 27 mai 2008. Elle rappelle également que la Commission de la Conférence a souligné en 2007 l’urgence s’attachant à ce que des mesures soient prises afin de rendre la législation et la pratique conformes à la convention. La commission prie le gouvernement d’indiquer les progrès concernant l’adoption du projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 et de communiquer le texte pertinent afin qu’elle puisse examiner s’il est conforme à la convention. Elle exprime le ferme espoir que ce projet de loi tiendra pleinement compte des éléments de consensus relevés par la mission de haut niveau, ainsi que des commentaires formulés antérieurement par elle-même tendant à ce que la législation et la pratique soient rendues conformes à la convention.

S’agissant de l’interdiction des grèves politiques, des grèves générales et des grèves de solidarité qui, selon ce qu’indique le gouvernement, n’ont pas été incluses dans la réforme parce qu’elles nécessitent une révision de la Constitution, la commission rappelle une fois de plus que les syndicats doivent être en mesure d’organiser leur action pour la défense des intérêts économiques et sociaux de leurs membres, ainsi que des grèves de solidarité dans la mesure où celles-ci tendent à soutenir une grève initiale qui est elle-même légale, et elle prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour permettre aux syndicats d’entreprendre de telles actions.

Depuis un certain nombre d’années, la commission aborde la question des projets de loi tendant à modifier la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public (telle que modifiée par la loi no 5198). Elle note à ce propos que, d’après le gouvernement, des consultations ont été menées avec les partenaires sociaux. Cependant, aucune information n’est donnée quant au calendrier probable d’adoption de ce texte. La commission demande une fois de plus au gouvernement de communiquer copie du texte actuel du projet de loi tendant à modifier la loi no 4688.

En outre, la commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires concernant les points suivants.

L’exclusion d’un certain nombre de salariés du secteur public du droit de se syndiquer (art. 3(a) de la loi no 4688). Cette exclusion frappe en effet ceux qui sont encore en période probatoire, les gardiens de prison, le personnel civil des installations militaires, les fonctionnaires de rang supérieur, les magistrats, etc. (art. 15 de la loi no 4688), situations qui concernent, d’après les deux dernières communications de la KESK, 500 000 personnes. En outre, en vertu de l’article 6 de la loi no 4688, un fonctionnaire doit justifier de deux années d’ancienneté pour pouvoir être membre fondateur d’un syndicat. La commission note que, selon les indications données par le gouvernement, il est prévu d’abroger l’interdiction faite au personnel civil du ministère de la Défense, aux membres de la police et aux gardiens de prison de se syndiquer. La commission prie une fois de plus le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour parvenir à ce que, dans le cadre des réformes législatives en cours, tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, à la seule exception, éventuellement, des cas visés à l’article 9 de la convention, jouissent du droit de constituer les organisations de leur choix et du droit de s’affilier à de telles organisations.

Critères suivant lesquels le ministère du Travail détermine les branches d’activité dans le secteur public et répercussions d’une telle détermination sur le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à de telles organisations. La commission note que le gouvernement déclare que les branches d’activité déterminées à l’article 5 de la loi no 4688 ne sont qu’au nombre de 11, si bien que cette détermination n’est pas «étroite» et «de nature à conduire à une fragmentation excessive des syndicats du secteur public», comme la commission l’a affirmé. Cette critique, qui tirait ses arguments de la plainte de l’organisation Yapi Yol Sen (voir conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2537 (347e rapport, paragr. 1-26)), a pour origine la fermeture d’une unité administrative (la direction générale des affaires villageoises) qui appartenait à la branche «Travaux publics, construction et services aux villages» et au transfert consécutif de son personnel aux administrations locales, donc à la branche des «Administrations décentralisées». Les fonctionnaires exercent leur droit de s’organiser suivant des modalités qui dépendent de la branche à laquelle leur établissement appartient et ils ont le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à de telles organisations dans cette branche spécifique. La fermeture d’une unité administrative dans le contexte d’une restructuration de l’administration, et la décision de transférer son personnel à d’autres unités plutôt que de le licencier, eu égard à son statut de droit public, ne doit pas et ne peut pas être considérée comme une intervention unilatérale du gouvernement dans des activités syndicales. De nombreux syndicats ont été constitués dans les diverses branches; par exemple, il existe 16 syndicats dans la branche de l’éducation, et le nombre le plus faible de syndicats dans une branche est de cinq.

La commission prend dûment note des arguments du gouvernement concernant le nombre de branches d’activité et les raisons ayant dicté ce changement particulier de branche, suite à une restructuration de l’administration. Elle regrette cependant les conséquences de ce transfert par rapport à la liberté de l’exercice du droit de se syndiquer pour les fonctionnaires concernés, qui ont automatiquement perdu leur affiliation à Yapi Yol Sen, ce qui a entraîné des difficultés financières pour ce syndicat et la perte automatique de leur mandat pour ses dirigeants. Elle note que les difficultés dans cette affaire découlent de ce qu’une branche en particulier se rapporte à une autorité administrative, à savoir les «Administrations décentralisées», alors que les autres branches sont thématiques, comme par exemple la branche «Travaux publics, construction et services aux villages», la branche «Education», etc. Pour cette raison, l’affiliation syndicale des intéressés a été automatiquement perdue, alors qu’ils continuaient d’accomplir les mêmes tâches, sous l’autorité d’une entité administrative différente. La commission demande donc à nouveau au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées pour:

i)     modifier l’article 5 de la loi no 4688 ainsi que le règlement relatif à la détermination des branches d’activité des organisations et institutions, qui fixent les branches d’activité suivant lesquelles les syndicats d’employés des services publics peuvent être constitués, de manière à garantir que ces branches ne soient pas restreintes à un ministère, un département ou un service spécifique, y compris à une administration décentralisée;

ii)    modifier le règlement du 2 août 2005 (qui modifie lui-même le règlement relatif à la détermination des branches d’activité des organisations et institutions) de manière à maintenir les personnes qui sont affiliées à Yapi Yol Sen dans la branche d’activité intitulée «Travaux publics, construction et services aux villages», conformément à la nature de leurs attributions et à leur souhait de rester affiliées à Yapi Yol Sen. D’une manière générale, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les membres d’un syndicat susceptible d’être affecté par la modification de la liste des branches d’activité aient le droit d’être représentés par le syndicat de leur choix, conformément à l’article 2 de la convention;

iii)   modifier l’article 16 de la loi no 4688 d’une manière qui garantisse qu’une charge de délégué syndical ne puisse cesser d’exister par le simple fait du transfert de son titulaire dans une autre branche d’activité, le licenciement de son titulaire ou simplement le fait que ce titulaire quitte son emploi.

Dispositions détaillées de la loi no 4688 concernant le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités. La commission prend note des commentaires formulés par la KESK et la CSI dans leurs communications de 2007 et 2008 relatives à des interventions commises par les autorités dans les affaires internes de la KESK et cinq de ses organisations affiliées (Egitim Sen, Kültür-Samat Sen, ESM, Haber-Sen et SES) tendant à ce que ces syndicats modifient leurs buts tels que proclamés dans leurs statuts, par rapport à des termes tels que «négociation collective», «convention collective», «sécurité de l’emploi», «conflit collectif» considérés par le gouvernement comme contraires à la loi no 4688. En 2006, Egitim Sen avait fini par modifier ses statuts en supprimant la référence au «droit de bénéficier d’une éducation dans sa langue maternelle» pour éviter d’être dissous.

La commission note que, du point de vue du gouvernement, les règlements intérieurs des syndicats et des confédérations sont une source d’obligations légales, si bien que l’on attend de tous leurs membres qu’ils les respectent. C’est ainsi que ces règlements sont examinés sur la base des dispositions de la Constitution, du Code civil, de la loi sur les associations, de la loi no 2821 et de la loi no 4688. Ce contrôle est opéré après chaque assemblée générale et cela permet de relever d’éventuelles contradictions, y compris dans le cas où celles-ci n’ont pas été relevées antérieurement. En cas de divergence par rapport aux dispositions légales, il est demandé aux organisations de travailleurs de se conformer à ces dernières. Par voie de conséquence, il serait inapproprié d’interpréter ce type de contrôle comme une pression s’exerçant sur les syndicats. Des termes tels que «négociation collective», «grève», etc., n’appellent pas de critique en soi tant que ces notions n’ont pas encore pris corps dans la pratique. En ce qui concerne, en particulier, Egitim Sen, s’il a été demandé à cette organisation de supprimer de ses statuts la revendication d’un droit à l’éducation dans sa langue maternelle, c’est parce qu’une action en violation des articles 3 et 42 de la Constitution a été menée par le Procureur de la République et qu’une action en dissolution de cette organisation avait été engagée devant le tribunal du travail d’Ankara. Dans son jugement du 27 octobre 2005, ce tribunal a estimé que cette disposition des statuts d’Egitim Sen était contraire à la Constitution en ce que celle-ci proclame que la République turque est un Etat unitaire et indivisible, avec le turc comme langue officielle, et qu’aucune langue autre que le turc ne sera enseignée comme langue maternelle à des citoyens turcs dans quelque établissement d’enseignement ou de formation professionnelle que ce soit. Egitim Sen a modifié ses statuts et l’affaire a été réglée. Les syndicats ne peuvent mener leurs activités que dans un esprit de loyauté à l’égard de la Constitution.

La commission rappelle une fois de plus que les syndicats devraient avoir le droit de faire figurer dans leurs statuts les objectifs pacifiques qu’ils considèrent nécessaires pour la défense des droits et des intérêts de leurs membres et que des dispositions législatives qui vont au-delà des prescriptions formelles peuvent entraver la création et l’épanouissement des organisations et constituer à ce titre une intervention contraire à l’article 3 de la convention (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 110 et 111). La législation peut faire obligation aux syndicats d’adopter des dispositions sur diverses questions, mais elle ne doit pas leur en dicter le contenu. Des indications de détail peuvent toujours être annexées, à titre indicatif, aux lois pertinentes, mais les syndicats doivent rester libres de les suivre. S’agissant de l’inclusion des termes «négociation collective» et «grève» dans les statuts des syndicats du secteur public, termes qui, du point de vue du gouvernement, peuvent y figurer dès lors que les activités elles-mêmes n’ont pas cours dans la pratique, la commission rappelle que l’interdiction de la grève ne se conçoit qu’à l’égard des fonctionnaires qui exercent une autorité au nom de l’Etat et dans les services essentiels au sens strict du terme, et que les syndicats qui représentent les autres fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat devraient pouvoir négocier collectivement ou au nom de leurs membres, dans le cadre des activités fondamentales qui sont de leur prérogative. La commission rappelle que si, en vertu de l’article 8 de la convention, les syndicats sont tenus de respecter la légalité, la législation qui incarne cette dernière ne doit pas porter atteinte aux garanties prévues par la convention. S’agissant des statuts d’Egitim Sen, la commission rappelle que, dans les conclusions et recommandations du cas no 2366 (342e rapport, paragr. 906-917), le Comité de la liberté syndicale a fait observer que, d’une part, des limites peuvent être posées au droit des syndicats d’élaborer leurs règlements et leurs statuts librement dès lors que les termes dans lesquels ceux-ci les formulent peuvent résulter en une atteinte imminente à la sécurité nationale ou à l’ordre démocratique et, d’autre part, il s’est déclaré gravement préoccupé par le fait que la mention, dans les statuts d’un syndicat, du droit à l’éducation dans sa langue maternelle, ait pu et puisse avoir donné matière à la menace de la dissolution de ce syndicat.

La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées, y compris à travers la modification des dispositions de détail de la loi no 4688, pour que les syndicats du secteur public puissent élaborer leurs statuts sans intervention indue des autorités publiques.

La dissolution (art. 10 de la loi no 4688) des instances exécutives d’un syndicat en cas de non-respect de règles fixées par la législation qui devraient normalement être laissées à la libre détermination des organisations. La commission prie une fois de plus le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier l’article 10 de la loi no 4688 de telle sorte que les organisations de travailleurs puissent décider librement si les dirigeants syndicaux peuvent conserver leurs fonctions lorsqu’ils sont candidats à des élections locales ou générales et une fois qu’ils sont élus.

Droit de grève dans la fonction publique. La commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688 ne précise pas les circonstances dans lesquelles le droit de grève peut s’exercer dans la fonction publique et que, par le passé, le gouvernement a indiqué qu’un amendement constitutionnel est nécessaire pour procéder à une révision des restrictions concernant le droit de grève des fonctionnaires; qu’il prévoit cependant d’engager une réforme du personnel dans le secteur public, dans le cadre de laquelle les «fonctionnaires» au sens étroit du terme, c’est-à-dire ceux qui exercent une autorité au nom de l’Etat, seront tout d’abord définis puis soigneusement distingués des autres salariés du secteur public. La commission souligne à nouveau que les restrictions du droit de grève dans la fonction publique ne devraient concerner que les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui assurent le fonctionnement de services essentiels au sens strict du terme et que, en ce qui concerne ces fonctionnaires, des garanties compensatoires consistant par exemple en procédures de conciliation et de médiation ou, en cas d’impasse, en un arbitrage présentant des garanties suffisantes d’impartialité et de rapidité, doivent leur être assurées (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 158, 159 et 164). La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises, y compris à travers l’éventuelle réforme du personnel du secteur public, afin de rendre l’article 35 de la loi no 4688 conforme à ce qui précède.

Loi sur les associations. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, conformément à l’article 35 de la loi no 5253 du 4 novembre 2004 sur les associations, certaines dispositions de cette loi s’appliquent aux syndicats, aux organisations d’employeurs et aux fédérations et confédérations, dès lors qu’aucune disposition particulière d’une loi spécifique ne concerne ces organisations. L’article 19 (applicable aux organisations de travailleurs et d’employeurs) habilite le ministre des Affaires intérieures ou l’autorité responsable de l’administration civile à examiner les livres et autres documents d’une organisation, mener des investigations et se faire remettre en tout temps des renseignements, moyennant un préavis de vingt-quatre heures.

La commission note que, d’après le gouvernement, l’article 19 de la loi sur les associations ne s’applique que s’il n’y a pas de dispositions à cet effet dans la loi pertinente, c’est-à-dire la loi no 2821 sur les syndicats, dont les articles 47 à 51 concernent le contrôle des comptes de ces organisations. Sans méconnaître que l’article 19 de la loi sur les associations ne s’applique que de manière subsidiaire, la commission rappelle néanmoins qu’il n’y a pas atteinte au droit des organisations d’organiser leur gestion si, par exemple, le contrôle se borne à une obligation de soumettre des rapports financiers périodiques ou s’il est effectué parce qu’il y a de solides raisons de croire que les actions d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la loi (qui, de son côté, ne doit pas être en contradiction avec les principes de la convention), ou s’il y a lieu d’enquêter sur une plainte émanant d’un certain pourcentage des membres de l’organisation, qu’il s’agisse d’une organisation de travailleurs ou d’une organisation d’employeurs. Dans tous les cas, l’autorité judiciaire compétente devrait avoir un droit de réexamen, offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité, tant sur les questions de fond que sur la procédure (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 125).

La commission rappelle en outre que l’article 26 de la loi susmentionnée (qui s’applique aux organisations de travailleurs comme aux organisations d’employeurs) impose l’obtention d’une autorisation de l’administration civile pour pouvoir ouvrir des centres d’hébergement en lien avec des activités d’éducation et d’enseignement. La commission observe qu’en vertu de l’article 3 de la convention les organisations de travailleurs comme les organisations d’employeurs ont le droit d’organiser leur activité – d’enseignement, par exemple – sans intervention de la part des autorités publiques qui serait de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier les articles 19, 26 et 35 de la loi no 5253 de 2004 de manière à exclure les organisations d’employeurs et de travailleurs du champ d’application de ces dispositions ou garantir que: i) le contrôle des comptes des syndicats, au-delà de l’obligation de présentation périodique d’états des comptes, n’ait lieu que dans des cas où il y a de sérieuses raisons de croire que l’action de l’organisation en question est contraire à ses statuts ou à la loi (laquelle doit être conforme à la convention) ou pour enquêter sur une plainte émanant d’un certain pourcentage de ses membres; ii) que l’activité des organisations d’employeurs ou de travailleurs, telle que l’ouverture de centres de formation professionnelle, ne soit pas soumise à l’obtention d’une autorisation préalable des autorités.

La commission invite le gouvernement à faire appel à l’assistance technique du BIT s’il le souhaite.

La commission soulève un certain nombre d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Dans ces circonstances, la commission reprend sa précédente demande directe, qui avait la teneur suivante:

Article 2 de la convention.a) La commission rappelle que le droit de se syndiquer n’est pas reconnu à plusieurs catégories de travailleurs soit parce que ces catégories ne sont pas couvertes par la loi no 2821, soit parce que la législation qui définit leur statut leur refuse expressément ce droit. Les catégories en question sont les suivantes: travailleurs à domicile; personnel contractuel; et apprentis (la commission note que la loi no 5188 a abrogé la loi no 2495 en ce qui concerne le personnel de sécurité privé et saurait gré au gouvernement de bien vouloir en communiquer copie). La commission note que le gouvernement réitère qu’avec l’adoption de la loi no 5188 sur le personnel de sécurité privé, en lieu et place de la loi no 2495, ce personnel a désormais le droit de constituer des organisations et celui de s’affilier à de telles organisations. Elle prie à nouveau le gouvernement de communiquer copie de cette loi no 5188, qui abroge la loi no 2495 en ce qui concerne le personnel de sécurité privé, et d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour assurer que les autres catégories de travailleurs susmentionnées jouissent du droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention.

b) S’agissant des travailleurs étrangers, la commission rappelle que l’article 5 de la loi no 2821 prévoit qu’il faut être citoyen turc pour pouvoir constituer un syndicat. La commission note que le projet de loi visant à modifier la loi no 2821 ne fixe plus une telle condition de nationalité, mais spécifie qu’il faut jouir pleinement de ses droits civils pour pouvoir constituer un syndicat. La commission avait demandé au gouvernement de préciser le sens des termes «droits civils». Dans son rapport, le gouvernement indique que, en vertu du Code civil, jouir pleinement de ses droits civils signifie avoir la faculté de jugement voulue pour discerner le bien du mal, ne pas être placé sous la garde d’une autre personne et avoir l’âge de la majorité. Selon le gouvernement, lorsque le projet de loi modifiant la loi no 2821 aura été adopté, les étrangers jouissant ainsi de leurs droits civils auront le droit de constituer un syndicat. La commission demande que le gouvernement rende compte des progrès accomplis dans le sens de l’adoption de ce projet de loi.

c) La commission rappelle que, en vertu du paragraphe 3 de l’article 22 et du paragraphe 2 de l’article 25 de la loi no 2821, il faut accomplir un certain nombre de formalités, en particulier faire intervenir un notaire, pour pouvoir devenir membre d’un syndicat ou le quitter. La commission note que le projet de loi visant à modifier la loi no 2821 renforce ces dispositions, puisque les membres du conseil exécutif d’un syndicat qui n’auraient pas satisfait à ces formalités seraient passibles d’une peine d’emprisonnement. Dans ses commentaires, la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) fait aussi mention de l’intervention obligatoire d’un notaire lorsqu’un travailleur souhaite s’affilier à un syndicat ou le quitter. La commission avait demandé au gouvernement de supprimer des articles 22 et 25 cette obligation de faire intervenir un notaire. Elle note que, dans son rapport, le gouvernement indique que le projet de loi modifiant la loi no 2821 tend à supprimer cette règle. La commission prie le gouvernement de veiller aussi à la suppression, dans le projet de loi, des sanctions correspondantes, de manière à garantir pleinement le libre exercice du droit de se syndiquer.

d) S’agissant des restrictions que l’article 3 de la loi no 2821 et l’article 4 de la loi no 4688 font peser sur le niveau de représentation, la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que l’objet de cette restriction est de promouvoir des syndicats puissants pour représenter des branches d’activité ou des services. Rappelant que le droit d’adhérer à l’organisation de son choix recouvre celui de déterminer librement le niveau de représentation, la commission demande à nouveau que le gouvernement supprime l’interdiction exprimée à l’article 3 de la loi no 2821 et à l’article 4 de la loi no 4688 de constituer des syndicats sur la base de la profession ou du lieu de travail.

Article 3. La commission note qu’en vertu de l’article 33 de la loi no 2822 le Conseil des ministres peut suspendre pendant soixante jours une grève licite, pour des raisons de santé publique ou de sécurité nationale. Il peut néanmoins être fait appel d’une telle décision devant le Conseil d’Etat. La commission note que, conformément à l’article 34, si les parties ne parviennent pas à un accord au terme de la période de suspension, le ministère du Travail soumet la question à un arbitrage obligatoire. La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, le projet de loi tendant à modifier la loi no 2822 modifierait cet article 33 en prévoyant qu’un avis consultatif serait demandé au Conseil supérieur d’arbitrage (qui est un organisme tripartite) plutôt qu’au Conseil d’Etat, comme antérieurement, avant que la décision de suspension de la grève ne soit prise par le Conseil des ministres. La commission considère que la responsabilité de suspendre une grève dans les circonstances prévues à l’article 33 devrait appartenir à un organe indépendant, jouissant de la confiance de toutes les parties intéressées. Compte tenu de ces éléments, la commission demande au gouvernement que l’article 33 de la loi no 2822 soit modifié en conséquence.

Article 4. La commission rappelle que l’article 37 de la loi no 4688 prévoit que le Tribunal du travail peut ordonner la dissolution d’un syndicat ou d’une confédération et, parallèlement, fait référence à l’article 54 de la loi sur les associations, article qui, d’après la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), permet aux gouverneurs de dissoudre un syndicat ou une confédération syndicale sans qu’une décision de justice n’intervienne. La commission note que, selon le rapport du gouvernement, suivant la nouvelle loi sur les associations, les autorités administratives n’ont pas le pouvoir de dissoudre une association ou de suspendre ses activités, et les autres lois pertinentes ne leur confèrent pas elles non plus ce pouvoir et, aux termes de la loi no 4721 insérée dans le Code civil, la décision d’un tribunal est nécessaire pour dissoudre une association ou en suspendre les activités.

Article 5. La commission rappelle que, aux termes de l’article 3(g) de la loi no 4688, une confédération doit se composer d’au moins cinq syndicats de différents secteurs. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de cet article, et de le modifier dans le cas où il restreindrait le droit des syndicats de fonctionnaires de s’affilier à des confédérations de leur choix, y compris à celles qui regroupent des organisations du secteur privé. La commission souligne que sa demande s’applique aussi à l’article 2 de la loi no 2821, qui définit les confédérations dans des termes similaires.

Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

La commission note les discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2007.

La commission note que le gouvernement répond aux commentaires émanant des organisations suivantes: la Confédération des syndicats d’employés des services publics (KESK), dans ses communications datées des 2 septembre 2006 et 31 août 2007 (communications du gouvernement datées des 16 février et 24 octobre 2007); la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), désormais Confédération syndicale internationale (CSI), dans ses communications datées des 12 juillet et 10 août 2006 (communication du gouvernement datée du 2 janvier 2007); la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), dans ses communications datées des 9 et 24 avril 2007 (communication du gouvernement datée du 16 octobre 2007). Enfin, la commission prend note d’une communication de la CSI datée du 28 août 2007 dénonçant la persistance d’une intervention du gouvernement dans les affaires syndicales. Elle prie le gouvernement de fournir ses observations à ce sujet.

Libertés publiques. La commission note que la Commission de la Conférence a profondément regretté que le gouvernement n’ait encore donné aucune information en réponse aux allégations graves des organisations de travailleurs concernant les violences policières, les arrestations de syndicalistes et les ingérences gouvernementales dans les activités syndicales, notamment sous forme d’une interdiction de la diffusion des tracts ou affiches à caractère syndical. La commission a souligné que le respect des libertés fondamentales constitue une condition essentielle pour l’exercice de la liberté syndicale et elle a demandé que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour assurer un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces, afin que les travailleurs et les employeurs puissent, conformément à la convention, exercer pleinement et librement leurs droits.

La commission rappelle que les allégations en question (qui émanent de la CISL, de la KESK et de la Confédération turque des syndicats d’employés du secteur public (TURKIYE KAMU SEN) concernent les questions suivantes: i) la répression violente par la police d’Istanbul de deux manifestations pacifiques organisées le 8 mars 2005 pour commémorer la Journée internationale de la femme; ii) la répression violente par la police d’une manifestation pacifique organisée par Egitim Sen (organisation affiliée à la KESK), le 26 novembre 2005, pour réclamer une réévaluation des heures supplémentaires et de meilleures inspections sanitaires, répression qui avait fait 17 blessés parmi les manifestants d’après la communication de la KESK datée du 31 août 2007 et à la suite de laquelle 11 membres des instances dirigeantes de ce syndicat avaient été condamnés à 15 mois de prison. Selon la KESK, le président de cette confédération, Ismail Haki Tombul, et l’ancien président de YAPI-YOL SEN, Fehmi Kutan, encourent la prison car ils ne peuvent bénéficier d’un sursis du fait qu’ils ont déjà eu une condamnation. Leur situation dépend de l’issue de leur appel qui est en cours; iii) la dispersion violente par la police d’une manifestation organisée par la KESK le 30 mai 2006 pour protester contre la réforme de sécurité sociale en discussion au parlement; et iv) l’interdiction de l’affichage de toutes affiches, tracts ou calendriers à caractère syndical dans certains établissements publics.

La commission note que, selon les déclarations du gouvernement, la tenue de manifestations dans le respect de la loi ne rentre pas dans le champ des compétences du ministère du Travail et ne semble pas non plus faire entrer en jeu les droits syndicaux dans le cadre de la Constitution, de la loi no 2821 sur les syndicats et des normes internationales relatives à la liberté syndicale. Les poursuites exercées contre des dirigeants de la KESK et de syndicats affiliés à cette confédération, suite à la manifestation organisée par Egitim Sen les 26 et 27 novembre 2005, sont motivées par le non-respect des formalités d’organisation des manifestations, la fermeture à la circulation d’axes routiers centraux par les manifestants et des agressions de policiers par des manifestants au moyen de bâtons et de pierres. Pour ce qui est des commentaires de la KESK, le gouvernement se réfère à la circulaire no 2005/14, qui prévoit que les déclarations faites à la presse par des représentants de syndicats et de confédérations du niveau de la province et du district, et par des dirigeants des branches syndicales, syndicats et confédérations dans le contexte de leurs activités syndicales ne donneront lieu à aucune enquête disciplinaire, sous réserve que ces déclarations n’aient pas de lien avec leurs obligations (en tant qu’employés du secteur public). La même circulaire précise en outre que les assemblées et manifestations organisées par les représentants des syndicats et des confédérations, au niveau de la province et du district, et les dirigeants des branches syndicales, syndicats et confédérations conformément aux dispositions de la loi no 2911 sur les assemblées et manifestations seront facilitées. Enfin, le gouvernement se réfère à diverses circulaires du Premier ministre ordonnant à l’administration d’observer les dispositions pertinentes de la législation et de ne pas faire obstacle aux activités syndicales (circulaires datées des 6 juin 2002, 12 juin 2003 et 2 juin 2005).

La commission rappelle que le recours à la force publique devrait être limité aux situations où l’ordre public est sérieusement menacé et que cette intervention devrait être en proportion de cette menace. Les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes aient des instructions appropriées, de manière à prévenir les dangers d’un recours excessif à la force dans les interventions visant à maîtriser des manifestations. La commission demande que le gouvernement expose dans son prochain rapport les mesures prises afin que la police ait des instructions adéquates pour que ces interventions se limitent aux situations présentant une réelle menace pour l’ordre public, et pour éviter le danger d’un recours excessif à la force dans les interventions visant à maîtriser les manifestations.

Législation adoptée. 1. La commission prend note du texte de la loi no 5672 du 26 mai 2007, communiqué par le gouvernement. Cette nouvelle loi modifie l’article 14(14) de la loi no 2821 en supprimant la règle imposant dix années d’emploi pour pouvoir être élu à une fonction syndicale (toutefois, certaines restrictions demeurent en ce qui concerne l’exigibilité au Conseil général des syndicats). La commission note en outre que, suivant ce que le représentant gouvernemental a déclaré à la Commission de la Conférence, la procédure ouverte en 2001 contre la DISK à propos de ses représentants a été annulée en dernière instance le 22 décembre 2004.

2. La commission prend note du texte de la loi no 5620 du 4 avril 2007, communiqué par le gouvernement. L’article 4(2) de cette nouvelle loi modifie l’article 3 a) de la loi no 4688 de telle sorte que les salariés du public employés par contrat à durée déterminée ont désormais le droit d’adhérer à des syndicats de salariés du secteur public.

La commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence, tout en relevant que les mesures susvisées vont dans le sens d’une application plus pleine de la convention, a déploré leur insuffisance au regard des nombreuses occasions dans lesquelles elle-même et la commission d’experts ont été amenées à inciter le gouvernement à prendre rapidement des dispositions propres à rendre la législation et la pratique du pays conformes à la convention.

3. La commission prend note du texte de la loi no 5253 sur les associations, du 4 novembre 2004. Elle note que, selon l’article 35, certains articles de cet instrument s’appliquent aux organisations syndicales, aux organisations d’employeurs ainsi qu’aux fédérations et confédérations si les lois concernant spécialement ces organisations ne contiennent pas de dispositions spécifiques. Ainsi, la commission observe que l’article 19 (qui est applicable aux organisations de travailleurs et d’employeurs) habilite le ministre des Affaires intérieures ou la Direction de l’administration civile à examiner les livres et autres documents d’une organisation, mener une enquête et demander des informations à tout moment moyennant un préavis de vingt-quatre heures. La commission estime que le contrôle des comptes doit se limiter à l’obligation de la présentation de rapports financiers périodiques ou aux cas présentant de sérieuses raisons de croire que les actions d’une organisation sont contraires à son règlement ou à la loi (la convention ne s’opposant pas à un tel contrôle), ou s’il s’avère nécessaire de mener une enquête par suite d’une plainte émanant d’un certain nombre de membres de l’organisation d’employeurs ou de travailleurs concernés; en tout état de cause, de tels contrôles devraient être soumis, tant sur le fond que sur la procédure, à un droit de réexamen par l’autorité judiciaire compétente, dans des conditions offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 125). La commission observe en outre que l’article 26 de la loi susmentionnée (qui s’applique aux organisations de travailleurs et d’employeurs) soumet désormais à une condition d’autorisation par l’administration civile la faculté pour une organisation d’ouvrir des moyens d’hébergement pour étudiants en rapport avec des activités éducatives et pédagogiques. La commission rappelle que, en vertu de l’article 3 de la convention, les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité – notamment leur activité de formation – sans intervention qui serait de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. La commission demande que le gouvernement expose dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour modifier les articles 19 et 26 de la loi no 5253 de 2004 de telle sorte que: i) la vérification des comptes d’un syndicat, au-delà de la présentation de rapports financiers périodiques, ne puisse avoir lieu que lorsqu’il existe de sérieuses raisons de croire que les actions de l’organisation sont contraires à son règlement ou à la loi (ce qui serait conforme à la convention) ou pour enquêter suite à une plainte émanant d’un certain nombre de ses membres; ii) les activités des organisations de travailleurs et d’employeurs, comme l’ouverture de centres de formation, ne soient pas soumises à une autorisation de l’administration.

Projets de lois. Depuis un certain nombre d’années, la commission aborde la question des projets de lois tendant à modifier la loi no 4688 sur les syndicats des salariés du public (telle que modifiée par la loi no 5198), la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et les lock-out. Dans sa précédente observation, la commission avait pris note de plusieurs améliorations qui devaient être apportées aux projets de lois tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822: 1) la suppression de la condition de nationalité à laquelle était soumise l’éligibilité aux fonctions de dirigeant syndical; 2) l’abrogation de la disposition prévoyant la suspension des mandats des dirigeants syndicaux en cas de candidature à des élections locales ou générales et l’annulation de leur mandat syndical en cas de succès à ces élections (loi no 2821, art. 37, paragr. 3); 3) l’abrogation de la disposition prévoyant que le gouverneur peut désigner un observateur à l’assemblée générale d’un syndicat (loi no 2821, art. 14, paragr. 1); 4) la suppression des activités suivantes de la liste des activités dans lesquelles la grève est interdite: production de lignite pour les centrales thermiques; notaires; transports maritimes et terrestres, y compris chemins de fer et autres transports par rail (loi no 2822, art. 29); transports publics urbains par voie terrestre, maritime ou ferroviaire; exploration, production, raffinage et distribution du pétrole; pétrochimie basée sur le naphta ou le gaz naturel; 5) l’abrogation de l’interdiction, instaurée par la loi no 3984, des stations de télévision et de radio appartenant à des syndicats; 6) l’exclusion des syndicats du champ d’application de l’article 43 de la loi no 2908 sur les associations, qui prévoit que les associations ne sont autorisées à inviter un étranger en Turquie ou à envoyer un de leurs membres à l’étranger que sous réserve d’une notification en bonne et due forme au gouverneur.

Tout en prenant note des mesures positives enregistrées jusque-là, la commission est amenée à observer que les projets de lois en question n’ont pas encore été finalisés, n’ont pas été adoptés et que le gouvernement ne donne pas d’indication spécifique quant au calendrier relatif à l’adoption de ces textes, adoption qui constituerait un progrès tangible vers leur application concrète. La commission demande que le gouvernement indique dans son prochain rapport des échéances spécifiques pour l’adoption et l’entrée en vigueur des projets de lois tendant à modifier la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public, la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et les lock-out. Elle exprime le ferme espoir que les projets en question seront finalisés et adoptés sans délai et que leurs dispositions tiendront pleinement compte de tous les commentaires que la commission formule dans le but de rendre la législation nationale conforme à la convention. La commission rappelle ci-après la teneur de ces commentaires.

Article 2 de la convention. 1. L’exclusion d’un certain nombre de salariés du secteur public du droit de se syndiquer (art. 3(a) et 15 de la loi no 4688). La commission note que, bien que la loi no 5620 du 4 avril 2007 susmentionnée ait modifié l’article 3(a) de la loi no 4688, de sorte que les salariés du public engagés par contrat à durée déterminée ont désormais le droit d’adhérer à des syndicats de salariés du public, aucun changement n’est intervenu en ce qui concerne l’interdiction de se syndiquer faite aux salariés du public se trouvant en période probatoire (art. 3(a) de la loi no 4688) et en ce qui concerne l’exclusion du droit de se syndiquer faite à plusieurs catégories de salariés du public, dont les gardiens de prison, le personnel civil des installations militaires, les fonctionnaires de rang supérieur, les magistrats, etc., c’est-à-dire, d’après la KESK, 500 000 employés du public (art. 15 de la loi no 4688). La commission note en outre que, en vertu de l’article 6 de la loi no 4688, un fonctionnaire doit justifier de deux années d’ancienneté pour pouvoir être membre fondateur d’un syndicat.

La commission souligne que l’article 2 de la convention dispose que les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations, et que la seule exception envisagée par la convention concerne les membres des forces armées et de la police. S’agissant des employés du secteur public occupant un «poste de confiance», la commission rappelle à nouveau qu’il n’est pas compatible avec la convention d’exclure totalement ces fonctionnaires du droit de se syndiquer. Néanmoins, interdire à ces fonctionnaires d’adhérer à des syndicats représentant d’autres travailleurs n’est pas nécessairement incompatible avec la convention, dans la mesure où deux conditions sont satisfaites: premièrement, que les fonctionnaires en question aient le droit de constituer des organisations de leur choix pour la défense de leurs intérêts propres et, deuxièmement, que la catégorie d’employés considérée ne soit pas définie si largement que cela entraîne un affaiblissement des organisations des autres employés du secteur public, lesquelles se trouveraient de ce fait privées d’une part substantielle de leur audience potentielle. La commission demande à nouveau que le gouvernement indique dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées, dans le cadre des réformes législatives en cours, pour garantir que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, aient le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à de telles organisations.

2. Les critères suivant lesquels le ministre du Travail détermine à quelle branche d’activité appartient un lieu de travail (les syndicats doivent être constitués sur la base de la branche d’activité) et les conséquences de cette détermination par rapport au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations (art. 3 et 4 de la loi no 2821). La commission note que les déclarations faites par le représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence n’apportent aucun élément nouveau à cet égard et, en particulier, ne précisent pas, comme elle l’avait pourtant demandé, les critères sur la base desquels un lieu de travail donné peut être classé dans une branche d’activité donnée. Dans ses précédents rapports, le gouvernement a indiqué que le classement d’un travail dans une branche d’activité se fonde sur des normes internationales et tient compte des avis des confédérations d’employeurs et de travailleurs, et que la décision pertinente du ministre du Travail peut être déférée devant le tribunal du travail local, la sentence de ce dernier étant susceptible de recours devant la Cour de cassation. Selon le gouvernement, le projet de loi sur les syndicats prévoirait un nombre moins élevé de branches d’activité, de manière à rendre la classification plus rationnelle et favoriser la constitution de syndicats plus puissants.

A ce sujet, la commission prend note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2537 (347e rapport, paragr. 1 à 26), dans le cadre duquel il est allégué que, par effet de dispositions obligeant les syndicats à s’organiser par branche d’activité, une organisation d’agents de la fonction publique, YAPI-YOL SEN, a automatiquement perdu ceux de ses membres qui, par suite d’une réorganisation administrative, ont été transférés de la Direction générale des services ruraux aux collectivités locales (d’après le gouvernement, ils ont été retirés de la branche d’activité dénommée «travaux publics, construction et services ruraux» pour être transférés dans la branche correspondant aux collectivités locales). Selon YAPI-YOL SEN, même s’ils continuaient d’exercer les mêmes fonctions, sous une nouvelle autorité administrative cependant, ces travailleurs ont perdu automatiquement leur qualité de membre de YAPI-YOL SEN, et le système de retenue à la source de leurs cotisations syndicales a été déclaré invalide, si bien que le syndicat a fait face à des difficultés financières. Le Comité de la liberté syndicale a observé avec regret qu’il s’agissait de la deuxième affaire concernant la Turquie dans laquelle le ministère du Travail et de la Sécurité sociale modifiait un classement par branche d’activité sur la base de critères contestables – en ce sens qu’ils ne se réfèrent pas à la nature de l’activité exercée mais à l’autorité dont relève le travail effectué – avec les graves conséquences qui en résultent pour les syndicats concernés (perte de membres et de droits de représentation) (voir cas no 2126, 327e rapport, paragr. 805-847). La commission note en outre que, selon les observations faites par le Comité de la liberté syndicale, en vertu de l’article 16 de la loi no 4688, les fonctions des dirigeants syndicaux prennent automatiquement fin lorsque des changements interviennent dans le classement de la branche d’activité qui les concerne.

La commission regrette profondément ces interventions unilatérales récurrentes du gouvernement dans la constitution et les activités des syndicats, en particulier à travers une détermination étroite des catégories de travailleurs qui peuvent se rassembler en un seul et même syndicat, contrainte qui, par voie de conséquence, peut entraîner une fragmentation excessive des syndicats du secteur public. La commission rappelle une fois de plus qu’elle considère que, s’agissant de branches d’activité, la détermination de larges catégories de classification dans le but de clarifier la nature et le champ d’action des syndicats du niveau d’un secteur d’activité n’est pas en soi incompatible avec la convention. Mais elle estime que cette classification et sa modification devraient s’effectuer suivant des critères spécifiques, objectifs et préalablement déterminés, basés sur la nature des fonctions déployées par les travailleurs sur le lieu de travail considéré, de manière à éviter toute détermination arbitraire et à garantir ainsi pleinement le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et celui de s’affilier à ces organisations. La commission demande donc que le gouvernement communique dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées afin de:

i)     modifier l’article 5 de la loi no 4688 ainsi que le règlement relatif à la détermination des branches d’activité des organisations et organismes, qui déterminent les branches d’activité dans lesquelles les syndicats des agents de la fonction publique peuvent être créés, afin que ces branches ne se limitent pas aux agents d’un ministère, département ou service particulier, gouvernements locaux compris;

ii)    modifier le règlement du 2 août 2005 (qui modifie lui-même le règlement relatif à la détermination des branches d’activité des organisations et organismes) de manière à ce que les adhérents de YAPI-YOL SEN restent dans la branche d’activité dénommée «travaux publics, construction et services ruraux», conformément à la nature des fonctions qu’ils exercent et à leur volonté de rester affiliés à YAPI-YOL SEN; d’une manière générale, la commission demande que le gouvernement fasse le nécessaire pour que les membres d’un syndicat qui seraient concernés par la modification de la liste des branches d’activité aient le droit d’être représentés par le syndicat de leur choix, conformément à l’article 2 de la convention;

iii)   modifier l’article 16 de la loi no 4688 de telle sorte que le transfert d’un dirigeant syndical dans une autre branche d’activité, son licenciement ou le simple fait qu’il abandonne son travail n’aient pas pour effet de mettre fin à ses fonctions syndicales.

Article 3. 1. Dispositions détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822 sur le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités. La commission note que les déclarations faites par le représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence réaffirmaient les arguments présentés antérieurement selon lesquels la raison d’être des dispositions particulièrement détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822 est d’assurer un fonctionnement démocratique des syndicats et de protéger les droits de leurs membres, encore que les projets de lois nos 2821 et 2822 tendraient à rendre cette législation moins détaillée.

La commission note que la KESK et la CSI dénoncent dans leurs commentaires des interventions répétées des autorités dans des questions concernant les statuts de la KESK et de cinq organisations qui lui sont affiliées (Egitim Sen, Kültür-Sanat Sen, ESM, Haber-Sen et SES). Ces interventions gouvernementales tendent à ce que ces syndicats modifient leurs buts tels que proclamés dans leurs statuts, par rapport à des termes tels que «négociation collective», «convention collective», «sécurité de l’emploi», «conflit collectif», qui seraient considérés comme contraires à la loi no 4688. En 2006, Egitim Sen a dû modifier ses statuts pour en faire disparaître la référence au «droit de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle», sous peine d’être dissous. Le gouvernement indique que cette démarche est conforme à l’article 6 de la loi no 4688, lequel énonce qu’en cas de divergence entre la loi et les statuts d’un syndicat le gouverneur compétent doit enjoindre au syndicat de corriger ses statuts.

La commission rappelle les conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2366 (342e rapport, paragr. 906-917) à propos du statut d’Egitim Sen. Elle rappelle en particulier que, s’il est admis que des limites puissent être apportées au droit des syndicats d’établir leur constitution et leurs règles comme ils l’entendent, dès lors que leur formulation risquerait de constituer une menace immédiate pour la sécurité nationale ou l’ordre démocratique, le Comité de la liberté syndicale s’est déclaré inquiet de voir qu’une référence, dans les statuts d’un syndicat, au droit à l’éducation dans la langue maternelle puisse avoir – et a effectivement eu – pour conséquence la demande de dissolution du syndicat concerné. La commission souligne que les syndicats devraient avoir le droit d’incorporer dans leurs statuts les objectifs pacifiques qu’ils considèrent nécessaires pour la défense des droits et intérêts de leurs membres. Elle rappelle que des dispositions législatives qui vont au-delà des prescriptions formelles risquent d’entraver la constitution et le développement des organisations et de constituer par le fait une ingérence contraire à l’article 3, paragraphe 2, de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 110 et 111). Il est admissible que la législation prescrive aux syndicats de se doter de dispositions pour régler divers aspects, mais elle ne doit aucunement dicter le contenu de ces dispositions. Les indications de détails peuvent toujours faire l’objet d’orientations annexées aux lois, que les syndicats resteraient libres de suivre. La commission demande que le gouvernement mette un terme à ses interventions dans les questions touchant aux statuts de la KESK et de ses affiliés et rende compte dans son prochain rapport des résultats des procédures dont les tribunaux sont actuellement saisis à ce sujet. De même, elle demande à nouveau que le gouvernement indique dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier les dispositions détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822, de manière à prévenir toute intervention des pouvoirs publics dans le fonctionnement interne des syndicats et dans leurs activités.

2. Annulation du mandat des membres des instances exécutives d’un syndicat en cas de non-respect de règles fixées par la législation qui devraient être laissées à la libre détermination des organisations (art. 10 de la loi no 4688). La commission note que les déclarations faites par le représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence n’apportent aucun élément nouveau à ce sujet. Elle souligne une fois de plus que les organisations de travailleurs doivent pouvoir organiser leur gestion et leurs activités sans intervention des autorités publiques qui invoqueraient des raisons qui sont incompatibles avec l’article 3 de la convention. La commission demande une fois de plus que le gouvernement indique dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier l’article 10 de la loi no 4688, de telle sorte que les organisations de travailleurs puissent décider librement si les dirigeants syndicaux peuvent conserver leurs fonctions lorsqu’ils sont candidats à des élections locales ou générales et aussi une fois qu’ils sont élus.

3. Droit de grève dans la fonction publique (art. 35 de la loi no 4688). La commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688 ne précise pas les circonstances dans lesquelles le droit de grève peut s’exercer dans la fonction publique et que, d’après les déclarations faites par le représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence, un amendement constitutionnel est nécessaire pour procéder à une révision des restrictions concernant le droit de grève des fonctionnaires. Cependant, le gouvernement prévoit d’engager une réforme du personnel dans le secteur public, dans le contexte de laquelle les «fonctionnaires» au sens étroit du terme, c’est-à-dire ceux qui exercent une autorité au nom de l’Etat, seront tout d’abord définis puis soigneusement distingués des autres salariés du secteur public, les préparatifs de cette réforme conservant leur caractère prioritaire. La commission souligne que les restrictions du droit de grève dans la fonction publique ne devraient concerner que les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui assurent le fonctionnement de services essentiels au sens strict du terme (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 158 et 159). Lorsque le droit de grève est interdit ou limité suivant des modalités compatibles avec la convention, des garanties compensatoires, consistant par exemple en procédures de conciliation et de médiation ou, en cas d’impasse, en un arbitrage présentant des garanties suffisantes d’impartialité et de rapidité, doivent être assurées aux fonctionnaires concernés (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 164). La commission demande que le gouvernement indique dans son prochain rapport les mesures prises, y compris dans le cadre éventuellement de la réforme du personnel du secteur public, en vue de rendre l’article 35 de la loi no 4688 conforme à ce qui précède. En outre, elle prie à nouveau le gouvernement de communiquer copie du nouveau projet de texte modifiant la loi no 4688.

4. Droit de grève dans le cadre de la loi no 2822. La commission rappelle qu’elle a abordé à plusieurs reprises dans ses commentaires certaines dispositions de la loi no 2822 relatives au droit de grève qui sont incompatibles avec la convention: l’article 25, qui interdit les grèves à fins politiques, les grèves générales et les grèves de solidarité (l’article 54 de la Constitution interdit en outre l’occupation des lieux de travail, les grèves perlées et les autres formes d’obstruction); l’article 48, qui restreint fortement la pratique des piquets de grève; les articles 29 et 30, qui interdisent la grève dans de nombreux services ne pouvant être considérés comme des services essentiels au sens strict du terme, et l’article 32, qui rend obligatoire l’arbitrage à la demande de l’une des parties dans les services où la grève est interdite; les articles 27 (renvoyant à l’article 23) et 35 qui imposent un préavis de grève d’une longueur excessive; les articles 70-73, 77 et 79, qui prévoient de lourdes sanctions, y compris l’emprisonnement, en cas de participation à des «grèves illégales» dont l’interdiction se trouve justement contraire aux principes de la liberté syndicale. A cet égard, la commission note que, dans ses déclarations faites à la Commission de la Conférence, le représentant gouvernemental a répété les informations présentées antérieurement selon lesquelles la levée de certaines restrictions au droit de grève, telles que celles qui sont prévues à l’article 25, nécessite un amendement de la Constitution mais plusieurs restrictions devraient disparaître avec la modification de la loi no 2822. Par exemple, outre la révision de la liste des activités dans lesquelles les grèves peuvent être interdites (notée plus haut), la durée d’un préavis de grève se trouve ramenée, dans le texte du projet de modification de la loi no 2822, à un maximum de trente jours ou de quarante-cinq si les parties ont recours à la médiation. La commission demande à nouveau que le gouvernement indique dans son prochain rapport les progrès tangibles accomplis pour modifier les dispositions susvisées de manière à les rendre conformes à la convention.

La commission note que la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau de l’OIT afin de l’aider à prendre les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec les dispositions de la convention. La commission veut croire que cette mission pourra se dérouler dans un proche avenir et qu’elle sera en mesure d’assister le gouvernement à rendre sa législation et la pratique conformes à la convention.

En outre, la commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

La commission prend note du rapport du gouvernement.

Article 2 de la convention. 1. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 51 de la Constitution le droit de constituer un syndicat et de s’y affilier peut être restreint pour une des raisons suivantes: sécurité nationale, ordre public, prévention d’un crime, santé publique, moralité et protection de la liberté d’autrui. La commission note que le gouvernement indique que les restrictions, s’appuyant sur l’une de ces raisons, ont pour but ultime la protection de l’ordre public et ne sont pas à considérer comme portant atteinte à l’esprit du droit de se syndiquer; en outre, le droit de se syndiquer n’a pas fait l’objet de restrictions sur les fondements de l’article 51.

2. a) La commission rappelle que le droit de se syndiquer n’est pas reconnu à plusieurs catégories de travailleurs, soit parce que ces catégories ne sont pas couvertes par la loi no 2821, soit parce que la législation qui définit leur statut leur refuse expressément ce droit. Les catégories en question sont les suivantes: travailleurs à domicile; personnel contractuel; et apprentis (la commission note que la loi no 5188 a abrogé la loi no 2495 en ce qui concerne le personnel de sécurité privé et saurait gré au gouvernement de bien vouloir en communiquer copie). La commission note que le gouvernement réitère qu’avec l’adoption de la loi no 5188 sur le personnel de sécurité privé, en lieu et place de la loi no 2495, ce personnel a désormais le droit de constituer des organisations et celui de s’y affilier. Elle prie à nouveau le gouvernement de communiquer copie de cette loi no 5188, qui abroge la loi no 2495 en ce qui concerne le personnel de sécurité privé, et d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour assurer que les autres catégories de travailleurs susmentionnées jouissent du droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention.

b) S’agissant des travailleurs étrangers, la commission rappelle que l’article 5 de la loi no 2821 prévoit qu’il faut être citoyen turc pour pouvoir constituer un syndicat. La commission note que le projet de loi visant à modifier la loi no 2821 ne fixe plus une telle condition de nationalité, mais spécifie qu’il faut jouir pleinement de ses droits civils pour pouvoir constituer un syndicat. La commission avait demandé au gouvernement de préciser le sens des termes «droits civils». Dans son rapport, le gouvernement indique que, en vertu du Code civil, jouir pleinement de ses droits civils signifie avoir la faculté de jugement voulue pour discerner le bien du mal, ne pas être placé sous la garde d’une autre personne et avoir l’âge de la majorité. Selon le gouvernement, lorsque le projet de loi modifiant la loi no 2821 aura été adopté, les étrangers jouissant ainsi de leurs droits civils auront le droit de constituer un syndicat. La commission prend dûment note des indications du gouvernement.

c) La commission rappelle que, en vertu du paragraphe 3 de l’article 22 et du paragraphe 2 de l’article 25 de la loi no 2821, il faut satisfaire à un certain nombre de formalités, en particulier requérir l’intervention d’un notaire public, pour pouvoir devenir membre d’un syndicat ou le quitter. La commission note que le projet de loi visant à modifier la loi no 2821 renforce ces dispositions, puisque les membres du conseil exécutif d’un syndicat qui n’auraient pas satisfait à ces formalités sont passibles d’une peine d’emprisonnement. Dans ses commentaires, la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) fait aussi mention de l’intervention obligatoire d’un notaire lorsqu’un travailleur souhaite s’affilier à un syndicat ou le quitter. La commission avait demandé au gouvernement de supprimer des articles 22 et 25 cette exigence touchant à l’intervention d’un notaire public. Elle note que, dans son rapport, le gouvernement indique que le projet de loi modifiant la loi no 2821 tend à supprimer cette règle. La commission prie le gouvernement de veiller aussi à la suppression, dans le projet de loi, des sanctions correspondantes, de manière à garantir pleinement le libre exercice du droit de se syndiquer.

d) La commission rappelle que l’article 14 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique interdit à ces derniers de s’affilier à plus d’un syndicat. Le gouvernement indique dans son rapport que cette interdiction, de même que l’interdiction prévue à l’article 22 de la loi no 2821, vise à empêcher l’affiliation à plus d’un syndicat des salariés qui, au moment considéré, exercent leur activité dans un seul et même secteur.

e) S’agissant des restrictions que l’article 3 de la loi no 2821 et l’article 4 de la loi no 4688 font peser sur le niveau de représentation, la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que l’objet de cette restriction est de promouvoir des syndicats puissants pour représenter des branches d’activité ou des services. Rappelant que le droit d’adhérer à l’organisation de son choix recouvre celui de déterminer librement le niveau de représentation, la commission demande à nouveau que le gouvernement supprime l’interdiction exprimée à l’article 3 de la loi no 2821 et à l’article 4 de la loi no 4688 de constituer des syndicats sur la base de la profession ou du lieu de travail.

3. Au sujet des fonctionnaires, la commission rappelle que, en vertu de l’article 6 de la loi no 4688, pour pouvoir fonder un syndicat, un fonctionnaire doit avoir au moins deux ans d’ancienneté. Elle note que, d’après le rapport du gouvernement, le Comité tripartite de consultation a convenu à l’unanimité de la nécessité de modifier cette loi no 4688, de manière à permettre à des fonctionnaires de constituer un syndicat ou de s’affilier à un syndicat pendant leur période probatoire. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de toute mesure concernant cet amendement.

Article 3. La commission note qu’en vertu de l’article 33 de la loi no 2822, le Conseil des ministres peut suspendre pendant soixante jours une grève licite, pour des raisons de santé publique ou de sécurité nationale. Il peut néanmoins être fait appel d’une telle décision devant le Conseil d’Etat. La commission note que, conformément à l’article 34, si les parties ne parviennent pas à un accord au terme de la période de suspension, le ministère du Travail soumet la question à un arbitrage obligatoire. La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, le projet de loi tendant à modifier la loi no 2822 modifierait cet article 33 en prévoyant qu’un avis consultatif serait demandé au Conseil supérieur d’arbitrage (qui est un organisme tripartite) plutôt qu’au Conseil d’Etat, comme antérieurement, avant que la décision de suspension de la grève ne soit prise par le Conseil des ministres. La commission considère que la responsabilité de suspendre une grève dans les circonstances prévues à l’article 33 devrait appartenir à un organe indépendant, jouissant de la confiance de toutes les parties intéressées. Compte tenu de ces éléments, la commission demande au gouvernement que l’article 33 de la loi no 2822 soit modifié en conséquence.

Article 4. La commission rappelle que l’article 37 de la loi no 4688 prévoit que le Tribunal du travail peut ordonner la dissolution d’un syndicat ou d’une confédération et, parallèlement, fait référence à l’article 54 de la loi sur les associations, article qui, d’après la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), permet aux gouverneurs de dissoudre un syndicat ou une confédération syndicale sans qu’une décision de justice n’intervienne. La commission note que, selon le rapport du gouvernement, suivant la nouvelle loi sur les associations, les autorités administratives n’ont pas le pouvoir de dissoudre une association ou de suspendre ses activités, et les autres lois pertinentes ne leur confèrent pas elles non plus ce pouvoir et, aux termes de la loi no 4721 insérée dans le Code civil, la décision d’un tribunal est nécessaire pour dissoudre une association ou en suspendre les activités.

Article 5. La commission rappelle que, aux termes de l’article 3(g) de la loi no 4688, une confédération doit se composer d’au moins cinq syndicats de différents secteurs. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de cet article, et de le modifier dans le cas où il restreindrait le droit des syndicats de fonctionnaires de s’affilier à des confédérations de leur choix, y compris à celles qui regroupent des organisations du secteur privé. La commission souligne que sa demande s’applique aussi à l’article 2 de la loi no 2821, qui définit les confédérations dans des termes similaires.

Observation (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

La commission prend note du rapport du gouvernement.

Commentaires d’organisations de travailleurs. La commission prend note des commentaires des organisations de travailleurs suivantes: Confédération turque des syndicats d’employés du secteur public (TURKIYE-KAMU-SEN), concernant notamment des actes d’ingérence du gouvernement dans les activités des syndicats – interdiction de brochures, d’affiches, de publicité, de calendriers à caractère syndical dans certaines institutions (communication datée du 9 février 2006); Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), concernant des problèmes liés au droit de grève (communication datée du 17 avril 2006); Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), concernant certains aspects négatifs des projets de lois nos 2821 et 2822 (communication datée du 9 juin 2006). La commission prend également note d’une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) concernant des questions déjà abordées et des allégations d’ingérence du gouvernement dans les statuts de syndicats, de violences policières et d’arrestations de syndicalistes lors de manifestations pacifiques (communications datées des 12 juillet 2006 et 10 août 2006). La commission prend note des observations du gouvernement en date du 19 juillet 2006 concernant la communication de TURKIYE-KAMU-SEN, ainsi que de celles du 19 octobre 2006 concernant la communication de la DISK et celles du 17 octobre 2006 concernant la communication de la CISL. Compte tenu de la gravité des allégations relatives aux actes de violence, la commission rappelle que le droit des organisations d’employeurs et de travailleurs prévu par la présente convention ne peut s’exercer que dans un climat exempt de toutes violences, pressions ou menaces de quelque nature que ce soit à l’égard des dirigeants ou membres de ces organisations et qu’il appartient au gouvernement de veiller à ce que ce principe soit respecté. La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles, parce que ces allégations concernent des entreprises privées, la récolte d’informations mettra du temps et que les plaignants peuvent déposer plainte au sujet de discriminations incompatibles avec les droits syndicaux. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la lumière soit faite sur les allégations concernant des actes de violence et elle le prie de fournir ses observations sur tous les commentaires en instance.

La commission prend également note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2303 (voir 342e rapport, juin 2006), concernant notamment les amendements à la loi no 2821 sur les syndicats, et à la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et les lock-out.

Nouvelles lois. La commission prend note de l’adoption, en 2004, de la nouvelle loi no 5253 sur les associations, en remplacement de la loi no 2908, et aussi d’un nouveau Code pénal. La commission examinera ces textes dès que leur traduction sera disponible.

Projets de lois. Dans ses précédents commentaires, la commission notait que divers projets de textes tendant à modifier la loi no 4688 sur les syndicats d’employés du secteur public (modifiée par la loi no 5198), la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et les lock-out, étaient en préparation. La commission note que le gouvernement indique que les consultations à ce propos avec les partenaires sociaux se poursuivent.

En outre, la commission note avec intérêt que les projets de lois tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 apporteraient des améliorations quant à l’application de la convention et répondent à certaines des questions soulevées par la commission: 1) la suppression de deux conditions d’éligibilité aux fonctions de dirigeant syndical: la condition de nationalité et la condition de dix ans d’ancienneté dans l’emploi (loi no 2821, art. 14, paragr. 14); 2) l’abrogation de la disposition prévoyant la suspension des mandats des dirigeants syndicaux en cas de candidature à des élections locales ou générales et l’annulation de leur mandat syndical en cas de succès à ces élections (loi no 2821, art. 37, paragr. 3); 3) l’abrogation de la disposition prévoyant que le Gouverneur peut désigner un observateur à l’assemblée générale d’un syndicat (loi no 2821, art. 14, paragr. 1); 4) la suppression des activités suivantes de la liste des activités dans lesquelles la grève est interdite: production de charbon pour les centrales thermiques; notaires; transports maritimes et terrestres, y compris chemin de fer et autres transports par rail (loi no 2822, art. 29); transports publics urbains par voie terrestre, maritime ou ferroviaire; production de lignite pour l’alimentation des centrales thermiques; exploration, production, raffinage et distribution du pétrole; pétrochimie basée sur le naphta ou le gaz naturel; 5) l’abrogation de l’interdiction des syndicats dans les stations de télévision et de radio, qui résulte de la loi no 3984; 6) l’exclusion des syndicats du champ d’application de l’article 43 de la loi no 2908 sur les associations, qui prévoit que les associations ne sont autorisées à inviter un étranger en Turquie ou à envoyer un de leurs membres à l’étranger que sous réserve d’une notification en bonne et due forme au Gouverneur.

Toutefois, un certain nombre de préoccupations demeurent; il s’agit des suivantes:

Article 2 de la convention. 1. L’exclusion d’un certain nombre de salariés du secteur public du droit de se syndiquer (art. 3(a) et 15 de la loi no 4688). La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que les critiques concernant les articles 3(a) et 15 seront prises en considération lors de la révision de la loi no 4688 et que le Conseil consultatif tripartite a convenu à l’unanimité, à sa réunion du 19 mai 2005, de la nécessité de modifier cette loi de manière à autoriser les fonctionnaires à adhérer à un syndicat ou à en constituer un pendant leur période probatoire. La commission note en outre que, dans sa réponse à l’un des commentaires de TURKIYE-KAMU-SEN, le gouvernement indique que tous les fonctionnaires, à l’exception des salariés ayant le statut de «travailleur», sont couverts par la loi no 4688, comme disposé à l’article 2 de cet instrument (les «travailleurs» employés dans le secteur public ont les mêmes droits que ceux du secteur privé puisqu’ils sont couverts par les lois nos 2821 et 2822); toutefois, l’article 15 de la loi no 4688 reconnaît le droit de se syndiquer aux fonctionnaires qui ne sont pas employés par les administrations de la justice, de la sécurité ou de la «supervision centrale» et dont les attributions ne concernent pas non plus l’administration de l’Etat. La commission rappelle que, en vertu de l’article 3(a) de la loi susmentionnée, la définition de l’«employé du secteur public» ne se réfère qu’à une personne employée de manière permanente et ayant accompli sa période probatoire. A l’égard des fonctionnaires, la commission rappelle que, selon l’article 6 de la loi no 4688, un fonctionnaire doit avoir été employé pendant deux ans avant de devenir un membre fondateur d’un syndicat. La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le Conseil consultatif tripartite a décidé à l’unanimité le besoin d’amender la loi no 4688 afin de permettre aux fonctionnaires de joindre ou former un syndicat pendant la période probatoire. L’article 15 énumère diverses catégories d’employés du secteur public pour lesquelles l’adhésion à un syndicat est interdite. La commission souligne que l’article 2 de la convention dispose que les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, et que la seule exception envisagée par la convention concerne les membres des forces armées et de la police. Il s’ensuit en particulier que le droit des employés du secteur public de se syndiquer ne saurait dépendre de la durée de leur contrat d’emploi. S’agissant des employés du secteur public occupant un «poste de confiance», la commission rappelle à nouveau qu’il n’est pas compatible avec la convention d’exclure totalement ces fonctionnaires du droit de se syndiquer. Néanmoins, interdire à ces fonctionnaires d’adhérer à des syndicats représentant d’autres travailleurs n’est pas nécessairement incompatible avec la convention, dans la mesure où deux conditions sont satisfaites: premièrement, que les fonctionnaires en question aient le droit de constituer des organisations de leur choix pour la défense de leurs intérêts propres et, deuxièmement, que la catégorie d’employés considérée ne soit pas définie si largement que cela entraîne un affaiblissement des organisations des autres employés du secteur public, qui se trouveraient de ce fait privées d’une part substantielle de leur audience potentielle. La commission prie le gouvernement d’assurer que la réforme législative en cours prend en compte les préoccupations mentionnées, afin que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, aient le droit de former et de se joindre à l’organisation de leur choix et prie le gouvernement de la tenir informée des développements à cet égard.

2. Les critères suivant lesquels le ministre du Travail détermine à quelle branche d’activité appartient un lieu de travail (les syndicats doivent être constitués sur la base de la branche d’activité) et les conséquences de cette détermination par rapport au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et à celui de s’affilier à de telles organisations (art. 3 et 4 de la loi no 2821). Dans son rapport, le gouvernement indique que le classement d’un travail dans une branche d’activité se fonde sur des normes internationales et tient compte des avis des confédérations d’employeurs et de travailleurs. Les parties concernées par une telle décision du ministre du Travail peuvent l’attaquer au tribunal du travail local, et il peut être fait recours de la décision du tribunal local devant la Cour de cassation. Le gouvernement indique dans son rapport que le projet de loi sur les syndicats comporte un nombre moins élevé de branches d’activité de manière à rendre la classification plus rationnelle et favoriser l’apparition de syndicats plus puissants. La commission rappelle qu’elle considère que, s’agissant de branches d’activité, la détermination de larges catégories de classification dans le but de clarifier la nature et le champ d’action des syndicats du niveau d’un secteur d’activité n’est pas en soi incompatible avec la convention. Mais elle estime que cette classification et sa modification devraient s’effectuer suivant des critères spécifiques, objectifs et déterminés d’avance, se basant notamment sur la nature des fonctions déployées par les travailleurs sur le lieu de travail concerné, de manière à éviter toute détermination arbitraire et à garantir ainsi pleinement le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et celui de s’affilier à de telles organisations. La commission prie le gouvernement de préciser les critères sur la base desquels un lieu de travail spécifique est classé comme appartenant à une branche d’activité donnée. La commission prie en outre le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les membres d’un syndicat pouvant être affectés par la modification de la liste des branches d’activité aient le droit d’être représentés par le syndicat de leur choix, conformément à l’article 2 de la convention.

Article 3. 1. Les dispositions détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822 sur le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités. La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que la raison à la base de ces dispositions détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822 est de garantir un fonctionnement démocratique des syndicats et protéger les droits de leurs membres. Il précise néanmoins que les projets de lois nos 2821 et 2822 rendront cette législation moins détaillée. La commission rappelle qu’en la matière des dispositions législatives qui vont au-delà des prescriptions formelles risquent d’entraver la constitution et le développement des organisations et de constituer par le fait une interférence contraire à l’article 3, paragraphe 2, de la convention (étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 110 et 111). Il est admissible que la législation prescrive aux syndicats de se doter de dispositions pour régler divers aspects, mais elle ne doit aucunement dicter le contenu de ces dispositions. Les indications de détail peuvent toujours faire l’objet d’orientations annexées aux lois, que les syndicats resteraient libres de suivre. La commission veut croire que cette question sera prise en considération dans le projet de législation et prie le gouvernement de la tenir informée à cet égard.

2. L’annulation du mandat des membres de l’instance exécutive d’un syndicat en cas de non-respect de règles fixées par la législation qui devraient être laissées à la libre détermination des organisations (art. 10 de la loi no 4688). La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que l’annulation du mandat d’un membre d’une instance exécutive d’un syndicat ne peut être prononcée que par décision d’un organe judiciaire. La commission estime que les organisations de travailleurs doivent pouvoir organiser leur gestion et leurs activités loin de toute intervention des autorités publiques invoquant des raisons incompatibles avec l’article 3 de la convention. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’amender l’article 10 de la loi no 4688 afin de permettre aux organisations de travailleurs de déterminer librement si un dirigeant syndical peut continuer ses fonctions pendant sa candidature ou élection à des élections locales ou générales.

3. Le droit de grève dans la fonction publique (art. 35 de la loi no 4688). La commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688 ne précise pas les circonstances dans lesquelles le droit de grève peut s’exercer dans la fonction publique. La commission note que le gouvernement indique qu’un amendement constitutionnel est nécessaire pour procéder à une révision des restrictions concernant le droit de grève dans la fonction publique. La commission souligne que les restrictions du droit de grève dans la fonction publique ne devraient concerner que les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui assurent le fonctionnement de services essentiels au sens strict du terme (étude d’ensemble, op. cit., paragr. 158 et 159). Lorsque le droit de grève est interdit ou limité suivant des modalités compatibles avec la convention, des garanties compensatoires, consistant par exemple en procédures de conciliation et de médiation ou, en cas d’impasse, en un arbitrage présentant des garanties suffisantes d’impartialité et de rapidité, doivent être assurées aux fonctionnaires concernés (étude d’ensemble, op. cit., paragr. 164). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le respect des principes mentionnés ci-dessus.

4. Le droit de grève dans le cadre de la loi no 2822. La commission rappelle que ses commentaires ont porté à plusieurs reprises sur certaines dispositions de la loi no 2822 relatives au droit de grève qui sont incompatibles avec la convention: l’article 25, qui interdit les grèves à fins politiques, les grèves générales et les grèves de solidarité (l’article 54 de la Constitution interdit en outre l’occupation des lieux de travail, les grèves perlées et les autres formes d’obstruction); l’article 48, qui restreint fortement la pratique des piquets de grève; les articles 29 et 30, qui interdisent la grève dans de nombreux services ne pouvant être considérés comme des services essentiels au sens strict du terme, et l’article 32, qui rend obligatoire l’arbitrage à la demande de l’une des parties dans les services où la grève est interdite; les articles 27 (renvoyant à l’article 23) et 35, qui imposent un préavis de grève d’une longueur excessive. La commission note à cet égard que, selon le gouvernement, ce délai d’attente imposé entre le début des négociations et le moment où la grève peut commencer se trouve considérablement raccourci dans le projet de loi modifiant la loi no 2822, puisqu’il sera désormais de trente jours au maximum, et de quarante-cinq si les parties recourent à la médiation; les articles 70-73, 77 et 79, qui prévoient de lourdes sanctions, y compris l’emprisonnement, en cas de participation à des «grèves illégales» dont l’interdiction se trouve justement contraire aux principes de la liberté syndicale. La commission note à ce propos que le gouvernement indique que certaines des restrictions du droit de grève telles que celles prévues à l’article 25 nécessitent un amendement de la Constitution. Cependant, plusieurs restrictions devraient disparaître avec l’amendement de la loi no 2822. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès accompli quant à l’adoption du projet de loi modifiant la loi no 2822.

La commission prie le gouvernement de veiller à ce que tous les problèmes soulevés soient abordés dans le texte final des projets de lois et que la législation future soit pleinement conforme à la convention. En outre, elle le prie à nouveau de communiquer copie du nouveau projet de modification de la loi no 4688. La commission rappelle à nouveau qu’il est loisible au gouvernement de faire appel à l’assistance technique du BIT à cet égard.

Autres questions. 1. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de donner des informations sur les mesures prises afin que l’article 312 du Code pénal, qui prévoit des peines d’emprisonnement en cas d’«incitation à la haine», ne soit pas applicable à l’égard de syndicalistes exerçant des activités syndicales légitimes. Dans son rapport, le gouvernement indique que l’article 312 a été remplacé par les articles 215, 216 et 218 et que ces articles (aussi bien les anciens que les nouveaux) visent toute personne, sans considération de son statut ou de sa fonction syndicale, qui se rendrait coupable d’éloge d’un crime commis ou de criminels, d’incitation à la haine ou à l’hostilité d’un groupe à l’égard d’un autre, ou encore d’injure à une partie de la population. Ces délits n’ont pas de rapport avec des activités syndicales légitimes et ne visent pas des syndicalistes qui exercent légitimement le droit de mener leurs activités syndicales.

2. Concernant les poursuites engagées contre la DISK en raison de l’élection de ses représentants, la commission note que le gouvernement ne donne pas d’information concrète. Dans ces circonstances, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces poursuites soient abandonnées.

En outre, la commission prend note de la communication de la Confédération des syndicats d’employés des services publics (KESK) en date du 2 septembre 2006 relative à l’application de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations concernant cette communication de la KESK.

La commission soulève par ailleurs un certain nombre d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

La commission prend note des informations présentées par le représentant gouvernemental à la Commission de l’application des normes de la Conférence, en juin 2005, et du débat qui a suivi. Elle note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées et complètes sur toutes les questions en suspens, y compris sur les plus récents projets de réforme législative et sur tout autre instrument qui viendrait à être adopté. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport, dû en 2006 dans le cadre du cycle régulier, des informations détaillées et complètes sur toutes les questions soulevées dans ses précédentes observations et demandes directes (voir observation et demande directe de 2004, 75e session), de même que sur les plus récents projets de réforme législative et sur les textes qui viendraient à être adoptés.

La commission prend note des commentaires formulés par YAPI YOL SEN en date du 1er septembre 2005 à propos du droit des salariés du secteur public de se syndiquer et de la récente réponse du gouvernement à cet égard. La commission prend également note des commentaires du Syndicat des employés des municipalités et des services administratifs locaux (TÜM BEL SEN), en date du 2 février 2005, qui concernent le droit des agents de la fonction publique qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat de faire grève, et de la réponse du gouvernement à cet égard. Notant que les questions soulevées dans ces commentaires ont été traitées dans ses précédentes observations, la commission les examinera de nouveau dans le cadre du cycle régulier de contrôle à sa session de 2006.

Enfin, la commission prend note des commentaires de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et de la Confédération des syndicats de la fonction publique (KESK) transmis dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en date du 30 août 2005 et de la réponse du gouvernement à cet égard. Ces commentaires portent sur des questions liées au droit des agents de la fonction publique qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat de participer à la négociation collective. A ce titre, ils seront examinés dans le cadre de la convention no 98.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Faisant référence à son observation, la commission demande au gouvernement de fournir un complément d’information sur les points suivants.

Tout d’abord, la commission note que, à l’exception du droit d’organisation du personnel de sécurité privée, le gouvernement ne répond dans son rapport à aucun des points qu’elle avait soulevés. La commission rappelle qu’elle lui avait notamment demandé de préciser les domaines relatifs au fonctionnement et aux activités des syndicats qui sont régis par la loi sur les associations, ainsi que les conséquences pratiques de ces dispositions pour les syndicats. Les projets de loi visant à modifier la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out soulèvent d’autres questions que la commission examinera ci-après. La commission demande au gouvernement de répondre dans son prochain rapport aux questions posées dans la présente demande directe et de préciser la mesure dans laquelle la loi sur les associations est applicable aux syndicats.

Article 2 de la convention. 1. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 51 de la Constitution le droit de constituer un syndicat et de s’y affilier peut être restreint pour les raisons suivantes: la sécurité nationale, l’ordre public, la prévention du crime, la santé publique, la moralité et la protection de la liberté d’autrui. La commission souligne que l’état d’urgence ne peut justifier des restrictions au droit syndical que dans des circonstances d’une extrême gravité, et à condition que ces restrictions soient limitées dans leur portée et leur durée à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à une situation particulière (voir l’étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 41). La commission estime que les termes généraux - par exemple, la santé publique, la moralité et la protection de la liberté d’autrui - dans lesquels l’article 51 de la Constitution définit les raisons qui permettent d’envisager de telles restrictions risquent de rendre ces dernières inacceptables au regard des droits prévus par la convention. En conséquence, elle prie le gouvernement d’envisager la modification de l’article 51 pour veiller à ce que les restrictions au droit syndical ne soient possibles que dans des cas exceptionnels. Dans l’intervalle, la commission demande au gouvernement de la tenir informée de toute application pratique de ces restrictions.

2. a) La commission rappelle que plusieurs catégories de travailleurs sont privées du droit syndical, soit parce qu’elles ne sont pas couvertes par la loi no 2821, soit parce que la législation qui régit leur statut les prive expressément de ce droit. Ces catégories sont entre autres les suivantes: travailleurs à domicile, personnel de sécurité privée, personnel contractuel et apprentis. A propos du personnel de sécurité privée, la commission note avec intérêt, à la lecture du rapport du gouvernement, que la loi no 5188 abroge la loi no 2495 qui interdisait à cette catégorie de s’affilier à un syndicat. La commission demande au gouvernement de communiquer copie de la loi no 5188 et d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour que les autres catégories de travailleurs susmentionnées bénéficient du droit syndical, conformément à l’article 2 de la convention.

b) A propos des travailleurs étrangers, la commission rappelle que l’article 5 de la loi no 2821 prévoit qu’il faut être citoyen turc pour pouvoir constituer un syndicat. La commission note que le projet de loi visant à modifier la loi no 2821 ne prévoit plus de condition de nationalité mais indique que pour constituer un syndicat il faut jouir pleinement de ses droits civiques. La commission demande au gouvernement de préciser le sens de l’expression «droits civiques» et d’indiquer si les travailleurs étrangers jouissent de ces droits, du moins après une période raisonnable de résidence, et pourront constituer des organisations de leur choix, conformément à l’article 2.

La commission rappelle qu’en vertu du paragraphe 3 de l’article 22 et du paragraphe 2 de l’article 25 de la loi no 2821 il faut satisfaire à un certain nombre de formalités, en particulier requérir l’intervention d’un notaire public, pour pouvoir devenir membre d’un syndicat ou le quitter. La commission note que le projet de loi visant à modifier la loi no 2821 renforce ces dispositions puisque les membres du conseil exécutif d’un syndicat qui n’auraient pas satisfait à ces formalités sont passibles d’une peine d’emprisonnement. Dans ses commentaires, la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) fait aussi mention de l’intervention obligatoire d’un notaire lorsqu’un travailleur souhaite s’affilier à un syndicat ou le quitter. La Confédération estime que cette disposition constitue une restriction au droit d’organisation. Afin de garantir pleinement le libre exercice du droit syndical, la commission demande au gouvernement d’éliminer l’exigence liée à l’intervention d’un notaire public et de supprimer les sanctions correspondantes que le projet de loi prévoit.

d) La commission rappelle que l’article 14 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique interdit aux fonctionnaires de s’affilier à plus d’un syndicat. Etant donné que la loi no 5198 qui modifie la loi no 4688 maintient cette restriction, la commission demande de nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires qui ont plus d’une profession puissent, s’ils le souhaitent, s’affilier aux syndicats qui correspondent à chacune de leurs professions. En outre, la commission demande de nouveau au gouvernement de préciser si l’article 22 de la loi no 2821 permet aux travailleurs ayant plus d’une profession de s’affilier, s’ils le souhaitent, aux syndicats correspondant à chacune de leur professions, même dans le cas où ils relèveraient d’un même secteur général d’activité.

e) Rappelant que le droit de s’affilier à une organisation de son choix comprend le droit de déterminer librement le niveau de représentation, la commission demande au gouvernement d’abroger l’interdiction, en vertu des articles 3 de la loi no 2821 et 4 de la loi no 4688, de constituer des syndicats sur la base de la profession ou du lieu de travail.

f) A propos du double critère prévu pour la reconnaissance du droit de conclure une convention collective (art. 12 de la loi no 2822) - représentation d’au moins 10 pour cent des travailleurs dans une branche d’activité donnée et de plus de la moitié des travailleurs dans l’établissement ou dans chacun des établissements visés par la convention collective -, la commission renvoie à ses commentaires au titre de l’application de la convention no 98.

3. Au sujet des fonctionnaires, la commission rappelle que, en vertu de l’article 6 de la loi no 4688, pour pouvoir fonder un syndicat, un fonctionnaire doit avoir au moins deux ans d’ancienneté. Ayant à l’esprit que, selon le gouvernement, le projet de loi visant à modifier cette loi supprime dans l’article 3(a) l’obligation d’avoir accompli une période probatoire pour s’affilier à un syndicat, la commission demande au gouvernement de modifier l’article 6 pour que le droit des fonctionnaires de constituer une organisation de leur choix ne dépende pas de leur statut dans l’emploi.

Article 3. 1. La commission prend note des conclusions du Comité de la liberté syndicale au sujet du cas no 2303 (voir 335e rapport, paragr. 1357-1378). Ce cas porte sur la suspension, pour des raisons liées à la sécurité nationale, d’une grève dans l’industrie verrière. La commission prend aussi note des commentaires de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) à propos de l’article 33 de la loi no 2822. La commission note que, en vertu de l’article 33, le Conseil des ministres peut suspendre pendant soixante jours une grève licite, pour des raisons de santé publique ou de sécurité nationale. Il peut être fait appel de cette décision devant le Conseil d’Etat. La commission note que, conformément à l’article 34, si les parties ne parviennent pas à un accord au terme de la période de suspension, le ministère du Travail renvoie la question à l’arbitrage obligatoire. La commission note que le projet de loi susmentionné modifie l’article 33 de la loi no 2822 et prévoit un avis consultatif du Conseil d’Etat avant que le Conseil des ministres ne décide de suspendre la grève. La commission rappelle qu’une grève peut être interdite en cas de crise nationale aiguë et que, dans ces situations, un arbitrage obligatoire est acceptable pour régler le différend. La commission fait observer que ce qui est présentement en question est l’exercice par le Conseil des ministres des pouvoirs qui lui sont octroyés au titre de l’article 33 et non les circonstances présidant à un tel exercice et mentionnées dans la loi. A cet égard, la commission, comme le Comité de la liberté syndicale, estime que la responsabilité de suspendre une grève en vertu de l’article 33 devrait incomber à un organe indépendant jouissant de la confiance de toutes les parties intéressées. La commission demande donc au gouvernement de modifier l’article 33 afin que la décision de suspendre une grève dépende des tribunaux, et que le droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leurs programmes d’action, sans intervention des autorités publiques, soit pleinement garanti, conformément à l’article 3. La commission demande aussi au gouvernement de la tenir informée de l’application dans la pratique de l’article 33 et de répondre au sujet des quatre grèves déclenchées par un affilié de DISK dans le secteur du caoutchouc, auxquelles DISK se réfère dans ses commentaires annexés au rapport du gouvernement, et qui ont prétendument été suspendues par le Conseil des ministres.

2. a) Au sujet de l’article 18 de la loi no 4688, la commission note avec intérêt que, en vertu de la loi no 5198 qui modifie la loi no 4688, les délégués syndicaux ne sont plus tenus de prendre un congé sans solde lorsqu’ils ont étéélus à leurs fonctions.

b) Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement de préciser le rôle du ministère du Travail et de la Sécurité sociale dans la détermination des effectifs d’un syndicat. La commission note que la loi no 5198 modifie les articles 14 et 30 de la loi no 4688. L’article 14, tel que modifié, n’oblige plus les syndicats à adresser au Ministère du Travail et de la Sécurité sociale des copies des demandes d’adhésion de fonctionnaires à un syndicat (disposition sur la base de laquelle le ministère déterminait le nombre total des effectifs d’un syndicat). En vertu de l’article 30, tel que modifié, le Ministère du Travail et de la Sécurité sociale détermine chaque année le nombre total des effectifs des syndicats et confédérations de fonctionnaires à partir de rapports qui indiquent le nombre total de fonctionnaires d’une institution donnée et le nombre total de fonctionnaires affiliés à un syndicat. Ces rapports sont conjointement établis et signés par les employeurs publics intéressés et les syndicats à partir des listes qui indiquent le nombre des membres des syndicats dont les cotisations sont déduites de leurs salaires. Notant que la CISL a fait mention de réclamations des syndicats de fonctionnaires soutenant que le gouvernement aurait altéré des chiffres pour priver ces syndicats du droit de négociation collective, la commission espère que les modifications apportées à la loi no 5198 empêcheront toute ingérence des autorités publiques dans ce domaine.

Article 4. La commission rappelle que l’article 37 de la loi no 4688 prévoit que le tribunal du travail peut ordonner la dissolution d’un syndicat ou d’une confédération et, parallèlement, fait référence à l’article 54 de la loi sur les associations. La commission rappelle qu’elle a soulevé cette question à la lumière de commentaires de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) indiquant que la loi sur les associations permet aux gouverneurs de dissoudre un syndicat ou une confédération sans que n’intervienne une décision de justice. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que, selon le gouvernement, les gouverneurs ne sont pas habilités à dissoudre un syndicat mais peuvent décider de suspendre les activités d’une association. Cette décision doit être portée à la connaissance d’un tribunal dans un délai de quarante-huit heures. Sans quoi, elle cesse de produire des effets. La commission rappelle que si la législation permet la dissolution ou la suspension des organisations de travailleurs par voie administrative, les organisations doivent pouvoir recourir devant un organe judiciaire indépendant et impartial, et la décision administrative ne devrait pas pouvoir prendre effet avant qu’une décision finale de justice soit rendue (voir l’étude d’ensemble, op. cit., paragr. 185). La commission demande donc au gouvernement de modifier l’article 37 de la loi no 4688 afin d’éviter que les activités d’un syndicat puissent être suspendues à la suite de la décision du gouverneur, même pour une courte période, et de garantir que la suspension ou la dissolution de syndicats ne puissent avoir lieu qu’à la suite d’une décision finale de justice, toutes les sauvegardes judiciaires nécessaires ayant été prévues.

Article 5. La commission rappelle qu’aux termes de l’article 3(g) de la loi no 4688 une confédération doit se composer d’au moins cinq syndicats de différents secteurs. La commission demande au gouvernement de lui donner des informations sur l’application dans la pratique de cet article, et de le modifier dans le cas où il restreindrait le droit des syndicats de fonctionnaires de s’affilier à des confédérations de leur choix, y compris à celles qui regroupent des organisations du secteur privé. La commission souligne que sa demande s’applique aussi à l’article 2 de la loi no 2821 qui définit les confédérations d’une façon analogue.

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission prend note des informations que le gouvernement a fournies dans son rapport, ainsi que des observations jointes qui émanent des organisations de travailleurs suivantes: la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (TÜRKIYE KAMU-SEN) et la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS). La commission prend aussi note des réponses du gouvernement aux observations formulées par les organisations suivantes: le Syndicat indépendant des fonctionnaires des communications du secteur public (BAGIMSIZ HABER-SEN), la DISK, la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), le Syndicat turc des fonctionnaires des services de l’éducation, de la formation et des sciences (TÜRK EGITIM-SEN) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). La commission demande au gouvernement de transmettre ses commentaires à propos des observations que la CISL a formulées dans une communication datée du 15 décembre 2003.

Dans ses commentaires précédents, la commission avait examiné la conformité avec la convention des lois suivantes: la loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires, la loi no 2821 sur les syndicats, la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out et la loi no 3218 dont l’article provisoire no 1 prévoit un arbitrage obligatoire dans les zones franches d’exportation.

La commission note que, depuis son examen du précédent rapport du gouvernement, certains articles de la loi no 4688 ont été modifiés en vertu de la loi no 5198 et qu’un projet de loi prévoyant d’autres modifications de la loi no 4688 est en cours d’élaboration. A propos des lois nos 2821 et 2822, la commission note que deux projets de loi ont étéélaborés et que des consultations à ce sujet sont en cours. La commission demande au gouvernement de transmettre avec son prochain rapport le second texte qui porte modification de la loi no 4688, ainsi que la dernière version des textes portant modification des lois nos 2821 et 2822. Enfin, la commission prend note de l’entrée en vigueur de la loi no 4857 portant Code du travail.

D’emblée, la commission prend note avec satisfaction de la loi no 4771 qui abroge l’article provisoire no 1 de la loi no 3218, article qui prévoyait pour dix ans, dans les zones franches d’exportation, un arbitrage obligatoire en vue du règlement des conflits collectifs du travail. En outre, la commission note avec intérêt que les projets de loi visant à modifier les lois nos 2821 et 2822 contiennent des dispositions qui permettent d’améliorer l’application de la convention et tiennent compte de certaines des questions qu’elle a soulevées, en particulier les suivantes:

n  la suppression de deux conditions d’éligibilité aux fonctions de dirigeants syndicaux: la condition de nationalité et la condition de dix années d’ancienneté dans l’emploi (loi no 2821, art. 14, paragr. 14);

n  l’abrogation de la disposition prévoyant la suspension ou la destitution d’un dirigeant syndical en cas de candidature à des élections locales ou générales ou en cas d’élection, respectivement (loi no 2821, art. 37, paragr. 3);

n  l’abrogation de la disposition qui permet au gouverneur de nommer un observateur au congrès général d’un syndicat (loi no 2821, art. 14, paragr. 1);

n  la suppression, dans la liste des activités dans lesquelles les grèves sont interdites, des activités suivantes: la production de lignite pour les centrales thermiques; les activités bancaires et de notariat public; les transports maritimes, terrestres ou ferroviaires (loi no 2822, art. 29);

n  la suppression de l’interdiction des stations de télévision et de radio syndicales, interdiction qui découle de la loi no 3984;

n  l’exclusion des syndicats de la portée de l’article 43 de la loi no 2908 sur les associations, laquelle n’autorise les associations à inviter un étranger en Turquie ou à envoyer un de leurs membres à l’étranger qu’à la condition qu’elles en préviennent suffisamment à l’avance le gouverneur.

Il apparaît, à la lecture des projets de loi, que plusieurs préoccupations de la commission n’ont pas été prises en compte:

n  plusieurs catégories de fonctionnaires ne bénéficient pas du droit syndical (voir les articles 3(a) et 15 de la loi no 4688);

n  les critères selon lesquels le ministère du Travail détermine le secteur d’activité d’un lieu de travail (les syndicats sont constitués sur la base du secteur d’activité) et les implications de cette détermination sur le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier (art. 3 et 4 de la loi no 2821);

n  les dispositions détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822 à propos du fonctionnement interne des syndicats et de leurs activités;

n  la destitution de l’organe exécutif d’un syndicat en cas de non-respect des dispositions de la loi, alors que ces dispositions devraient être librement déterminées par les organisations (art. 10 de la loi no 4688);

n  le droit de grève: a) dans la fonction publique (art. 35 de la loi no 4688); b) dans le cadre de la loi no 2822.

Article 2 de la convention. Droit des employeurs et des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. 1. La commission rappelle que l’article 3(a) de la loi sur les syndicats de la fonction publique définit les fonctionnaires de manière restrictive en ne se référant qu’à ceux qui ont un statut permanent ou qui ont accompli leur période probatoire. L’article 15 de la même loi dresse la liste des fonctionnaires qui n’ont pas le droit de se syndiquer. La commission note que, selon la CISL, plus de 400 000 fonctionnaires sont exclus du droit syndical. Elle note aussi que, d’après la KESK, de plus en plus de fonctionnaires sont liés par des contrats à durée déterminée et sont donc exclus du champ d’application de la loi no 4688. Selon le gouvernement, le projet de loi visant à modifier la loi no 4688 supprimera la mention qui est faite de la «période probatoire». De plus, le gouvernement indique que la définition de «fonctionnaires» sera modifiée pour inclure en particulier le personnel spécial de sécurité. Néanmoins, il semble que les fonctionnaires occupant des postes de confiance resteront exclus du champ d’application de la loi no 4688.

La commission souligne que l’article 2 de la convention prévoit le droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, et qu’en vertu de la convention la seule exception admissible concerne les forces armées et la police. Il en résulte, notamment, que le droit syndical des fonctionnaires ne saurait dépendre de la durée du contrat de travail. A propos des fonctionnaires occupant des postes de «confiance», la commission rappelle à nouveau que priver totalement ces fonctionnaires du droit de se syndiquer n’est pas compatible avec la convention. Par ailleurs, la commission rappelle qu’interdire à ces fonctionnaires le droit de s’affilier à des syndicats représentant d’autres catégories de travailleurs n’est pas nécessairement incompatible avec la convention, mais à deux conditions: les fonctionnaires concernés doivent avoir le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts et la catégorie des fonctionnaires en question ne doit pas être définie en termes si larges que les organisations d’autres catégories de fonctionnaires risquent de s’en trouver affaiblies, parce qu’elles sont ainsi privées d’une proportion substantielle de leurs membres effectifs ou éventuels (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 87 et 88). La commission veut croire que le projet de loi visant à modifier les articles 3(a) et 15 de la loi en question prévoira que l’ensemble des catégories de fonctionnaires, à l’exception des forces armées et de la police, auront le droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention. La commission demande au gouvernement de la tenir informée à cet égard.

2. La commission rappelle que ses commentaires précédents faisaient référence aux conclusions du Comité de la liberté syndicale (cas no 2126) et aux articles 3 et 4 de la loi no 2821 qui disposent que les syndicats sont constitués sur la base du secteur d’activité et que le secteur d’activité d’un lieu de travail donné est déterminé par le ministère du Travail. La commission avait demandé au gouvernement d’indiquer les critères sur la base desquels le ministère du Travail procède à la classification prévue à l’article 4 de la loi susmentionnée et de lui transmettre tout texte régissant cette classification. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement ne traite pas du sujet. La commission note aussi que le projet de loi portant amendement de la loi no 2821 modifie la liste des secteurs d’activité. Ainsi, certains des secteurs d’activité qui figurent à l’article 60 de la loi no 2821 seront supprimés ou fusionneront avec d’autres secteurs d’activité. La commission note que, en vertu de l’article 2 provisoire du projet de loi, les syndicats actuellement en place dans les secteurs d’activité qui seront supprimés ou qui fusionneront doivent tenir une assemblée extraordinaire pour fixer de nouvelles réglementations et modalités de fonctionnement.

La commission rappelle qu’elle considère que l’établissement de grands domaines de classification par secteurs d’activité aux fins de préciser la nature et les compétences des syndicats sectoriels n’est pas en soi incompatible avec la convention. Elle considère en revanche que cette classification et sa modification devraient être déterminées en fonction de critères précis, objectifs et prédéterminés, relatifs en particulier à la nature des fonctions assumées par les travailleurs sur le lieu de travail concerné, afin d’éviter toute détermination arbitraire et de garantir ainsi pleinement le droit pour les travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission prie de nouveau le gouvernement d’indiquer les critères sur la base desquels un lieu de travail donné est classé dans un secteur d’activité. De plus, la commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les membres d’un syndicat qui pourraient être touchés par la modification de la liste des secteurs d’activité aient le droit d’être représentés par le syndicat de leur choix, conformément à l’article 2. A cet égard, à propos des travailleurs qui, en raison d’une décision prise en vertu de l’article 4, ont été privés du droit d’être représentés par le syndicat Dok Gemi-Is (voir le cas no 2126 de la liberté syndicale), syndicat qu’ils avaient librement choisi, la commission demande à nouveau au gouvernement d’indiquer les mesures prises pour restituer à ces travailleurs leur droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission demande au gouvernement de la tenir informée de toutes les mesures prises et des conséquences pratiques que la modification de la liste des secteurs d’activité aura pour les syndicats.

Article 3. 1. Droit des organisations de travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs. Dans ses commentaires précédents, la commission avait souligné que plusieurs dispositions des lois nos 2821, 2822 et 4688 réglementaient trop précisément les affaires intérieures des syndicats et qu’une telle situation pourrait donner lieu à une ingérence indue des pouvoirs publics dans le fonctionnement et les activités des syndicats. La commission note que, selon le gouvernement, les dispositions en question de la loi no 4688 ne visent pas à restreindre l’indépendance des organisations, et que ces dispositions ont étéélaborées dans le seul but de garantir le fonctionnement démocratique des syndicats et la transparence de leurs activités, et de protéger les droits de leurs membres.

La commission rappelle tout d’abord que ses commentaires portent non seulement sur la loi no 4688, mais aussi sur les lois nos 2821 et 2822. Elle note à cet égard que la loi no 5198 et les projets de loi visant à modifier les lois nos 2821 et 2822 définissent tout aussi précisément le cadre de fonctionnement des syndicats. La commission rappelle que les dispositions législatives qui vont au-delà des exigences de forme en matière de statuts et de règlements administratifs des organisations syndicales risquent d’entraver la constitution et le développement des organisations et constituent une intervention contraire à l’article 3, paragraphe 2, de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 110 et 111). La législation peut obliger les syndicats à adopter des dispositions sur certains points, mais elle ne devrait pas imposer le contenu de ces dispositions. Des précisions pourraient toujours être apportées dans des guides annexés aux lois pertinentes, guides que les syndicats devraient néanmoins être libres de suivre ou non. La commission exprime le ferme espoir que les projets de loi visant à modifier les lois nos 4688, 2821 et 2822 prendront en compte ses commentaires. Elle demande au gouvernement de la tenir informée à cet égard. Enfin, à propos de l’article 10 de la loi no 4688 qui prévoit la destitution de l’organe exécutif d’un syndicat en cas de non-respect des dispositions de la loi, alors que ces dispositions devraient être librement déterminées par les organisations professionnelles, la commission renvoie à ses commentaires susmentionnés et demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 10 de la loi de telle sorte que les organisations de travailleurs puissent organiser librement leur gestion et leur activité sans ingérence, fondée sur des motifs incompatibles avec l’article 3, des pouvoirs publics.

2. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants. La commission rappelle que, en vertu de l’article 18 de la loi no 4688, les dirigeants syndicaux sont suspendus de leurs fonctions lorsqu’ils sont candidats lors d’élections locales ou générales. La commission note que, selon le gouvernement, cette disposition vise à garantir que les candidats soient sur un pied d’égalité et à empêcher que les ressources d’un syndicat soient utilisées à des fins politiques. La commission note avec intérêt que le projet de loi y afférent supprime la disposition correspondante de la loi no 2821 (art. 37, paragr. 3), mais que la modification de l’article 18 de la loi no 4688 prévue par la loi no 5198 maintient cette restriction et semble même empêcher les dirigeants syndicaux d’exercer leur mandat dans le cas où leur candidature lors d’élections locales ou générales n’aboutirait pas. La commission estime que la question de la participation de fonctionnaires à des élections locales ou générales pourrait relever du statut général des fonctionnaires, mais qu’elle ne devrait pas se traduire par une limitation du choix des dirigeants par les membres d’un syndicat. La commission demande donc au gouvernement, en cas d’interdiction ou de restrictions relatives à la candidature de fonctionnaires lors d’élections locales ou générales, de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 18 de la loi no 4688, afin que les organisations de fonctionnaires puissent décider librement si leurs dirigeants doivent conserver leurs fonctions s’ils sont candidats lors d’élections locales ou générales, ou s’ils sont élus, et afin que les statuts syndicaux puissent déterminer si ces dirigeants pourront conserver leurs fonctions dans le cas où leur candidature lors d’élections locales ou générales n’aboutirait pas.

3. Droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’organiser leur activité et de formuler leurs programmes sans ingérence du gouvernement. Syndicats de fonctionnaires. La commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688 ne spécifie pas les circonstances dans lesquelles le droit de grève peut être exercé dans la fonction publique. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que des études sont en cours en vue de réviser la définition du terme «fonctionnaire». La commission souligne que les restrictions au droit de grève dans le service public doivent dépendre seulement des fonctions exercées par les fonctionnaires intéressés. Par conséquent, les restrictions au droit de grève dans la fonction publique devraient se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou qui travaillent dans des services essentiels au sens strict du terme (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 158 et 159). Dans le cas où le droit de grève serait interdit ou limité d’une façon compatible avec la convention, les fonctionnaires devraient bénéficier de garanties compensatoires, par exemple de procédures de conciliation et de médiation, aboutissant en cas d’impasse à un mécanisme d’arbitrage qui comportera des garanties suffisantes d’impartialité et de rapidité (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 164). La commission veut croire que le gouvernement prendra prochainement les mesures nécessaires pour modifier la loi no 4688 d’une façon compatible avec l’article 3 en tenant compte des observations ci-dessus. Elle demande au gouvernement de la tenir informée des progrès accomplis à cet égard.

Autres syndicats. La commission rappelle que, à plusieurs reprises, elle a souligné que certaines dispositions de la loi no 2822 relatives au droit de grève ne sont pas compatibles avec la convention. La commission prend note à ce sujet des commentaires de la CISL, laquelle fait état de restrictions au droit de grève, tant en droit que dans la pratique, et des lourdes sanctions qui sont applicables en cas de participation à une grève illicite. La commission rappelle que ses commentaires précédents portaient sur les dispositions suivantes:

n  l’article 25 qui interdit les grèves à des fins politiques, générales et de solidarité; l’article 54 de la Constitution qui prévoit des dispositions analogues et interdit aussi l’occupation du lieu de travail, les grèves perlées et d’autres formes d’obstruction;

n  l’article 48 qui restreint fortement la pratique des piquets de grève;

n  les articles 29 et 30 qui interdisent la grève dans de nombreux services qui ne peuvent pas être considérés comme essentiels au sens strict du terme, et l’article 32 qui prévoit qu’un arbitrage obligatoire, à la demande d’une partie, peut être imposé dans les services où la grève est interdite. A propos des services qui figurent encore dans le projet de loi visant à modifier l’article 29, la commission souligne que les activités ayant trait à la production, le raffinage et la distribution de gaz naturel, de gaz de ville et de pétrole ne peuvent pas être considérées comme des services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne;

n  les articles 27 (qui se réfère à l’article 23) et 35 qui prévoient un préavis de grève excessivement long. A ce sujet, la commission note que le gouvernement convient que le délai qui doit s’écouler entre le début des négociations et le début de la grève est considérablement long, et que le projet de loi prévoit la modification des articles 22 et 23; la commission demande au gouvernement de préciser la mesure dans laquelle le préavis de grève a été abrégé dans les articles 22 et 23 tels que modifiés, et de transmettre la version mise à jour des dispositions modifiées;

n  les articles 70 à 73, 77 et 79 prévoient de lourdes sanctions, y compris des peines d’emprisonnement, en cas de participation à des grèves illégales. Or l’interdiction de ces grèves est contraire aux principes de la liberté syndicale. A cet égard, la commission rappelle que la grève ne devrait pouvoir être sanctionnée que lorsque son interdiction est conforme aux principes de la liberté syndicale et que, si des peines d’emprisonnement doivent être imposées, elles devraient être proportionnelles à la gravité des infractions.

Notant que le projet de loi visant à modifier la loi no 2822 ne tient pas compte de la plupart des préoccupations qu’elle avait manifestées, la commission demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les dispositions susmentionnées afin de les rendre conformes à l’article 3.

Enfin, la commission note que la CISL, dans ses observations, a fait mention de restrictions à la liberté syndicale qui sont particulièrement graves dans les quatre provinces du sud-est du pays, et de la détention de nombreux syndicalistes en vertu de l’article 312 du Code pénal, lequel prévoit des peines d’emprisonnement en cas d’«incitation à la haine». La commission note que, selon le gouvernement, l’état d’urgence a été levé partout en Turquie et que l’article 159 du Code pénal a été modifié pour que l’expression d’opinions non violentes ne soit plus considérée comme une infraction. La commission note que le gouvernement n’a pas répondu à propos de la question de l’application de l’article 312 du Code pénal aux syndicalistes qui ont déployé des activités syndicales licites. La commission demande donc au gouvernement de répondre à ce sujet et d’indiquer les mesures prises pour que l’article 312 du Code pénal ne soit pas appliqué aux syndicalistes qui déploient des activités syndicales licites.

A propos de l’action en justice intentée contre la DISK, la commission prend note de la confirmation du gouvernement, à savoir qu’une action en justice a été intentée contre la DISK en vertu de l’article 54 de la loi no 2821 et que la procédure suit son cours. La commission note que le gouvernement affirme que les documents qui concernent les dirigeants syndicaux élus au cours de l’assemblée générale de 2000 de la DISK étaient incomplets, tout en confirmant apparemment que l’une des raisons de l’action en justice portait sur l’exigence des dix ans d’ancienneté qui a été retirée de la Constitution. La commission note que l’existence d’une organisation, qui a dûment obtenu la personnalité juridique et qui fonctionne actuellement, est menacée en raison d’une action en justice introduite plus de deux ans auparavant et fondée sur une condition d’éligibilité qui a régulièrement été critiquée par la commission en tant qu’elle violait l’article 3. La commission estime que l’introduction d’une telle action en justice en vue d’obtenir la dissolution d’une organisation interfère non seulement dans l’exercice du droit des organisations d’élire librement leurs représentants mais viole plus fondamentalement le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission veut croire qu’en conséquence le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour retirer l’action en justice, d’autant que la condition d’éligibilité sera retirée de la loi no 2821. La commission demande au gouvernement de la tenir informée à cet égard.

La commission exprime l’espoir que, dans le cadre des prochaines réformes législatives relatives au droit d’organisation, les commentaires susmentionnés seront pris en compte. La commission rappelle de nouveau au gouvernement que, s’il le souhaite, il peut bénéficier de l’assistance technique du BIT dans ce domaine.

La commission soulève plusieurs autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

La commission prend note des commentaires du 3 juin 2003 formulés par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et de la réponse du gouvernement à cet égard. La commission note que le gouvernement indique simplement qu’il a demandéà un groupe d’académiciens de préparer un projet d’étude en vue d’amender certaines dispositions de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les accords collectifs, la grève et le lock-out, sans pour autant traiter de la question particulière de la procédure judiciaire relative à la dissolution de DISK. La commission note que, selon les informations données par le gouvernement, le projet d’étude a été achevé et envoyé pour commentaires aux partenaires sociaux. Le gouvernement déclare que le processus aboutira à un projet qui abordera toutes les questions soulevées par DISK, une fois qu’il aura été promulgué.

Article 3 de la convention. Droit des organisations des travailleurs d’élire librement leurs représentants. La commission note que la DISK continue à se référer à l’action intentée par le ministère du Travail contre la confédération, au motif que ses délégués ne justifient pas de dix ans de service, ainsi que du document officiel prouvant leur niveau d’instruction, malgré la modification de l’article 51 de la Constitution qui a supprimé la condition préalable de l’ancienneté dans le service pour l’élection des délégués syndicaux. Selon la DISK, le ministère a demandé au tribunal la suspension de la confédération. L’affaire est devant le cinquième Tribunal du travail d’Istanbul. La DISK indique aussi que des affaires similaires ont été engagées contre les syndicats qui y sont affiliés.

La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires au sujet de l’article 51 de la Constitution et de l’article 14 de la loi no 2821 sur les syndicats, elle avait souligné que toute question relative à l’établissement de conditions préalables à l’élection des délégués syndicaux en matière d’ancienneté dans le service devrait être du ressort des organisations elles-mêmes. Tout en notant que la modification de l’article 51 de la Constitution a supprimé la condition préalable imposant dix ans d’ancienneté dans l’emploi actif, elle attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de modifier en conséquence l’article 14 de la loi no 2821. Compte tenu de ce qui précède, et tout en notant les derniers développements concernant les amendements à la loi no 2821, la commission demande au gouvernement de fournir des commentaires plus spécifiques au sujet de la procédure judiciaire qui aurait été entamée pour la dissolution de DISK. Si les motifs de l’action sont bien ceux signalés par la DISK, la commission prie le gouvernement de retirer l’affaire (ainsi que toutes autres affaires qui auraient pu être engagées contre les syndicats affiliés), de manière que le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants soit effectivement garanti, et de la tenir informée à ce propos. Par ailleurs, elle prie le gouvernement  de lui transmettre copie du projet de la loi portant amendements de la loi no 2821 et de la loi no 2822, dès qu’il sera disponible.

La commission traitera des autres questions en suspens au sujet de l’application de la convention (voir observation 2002, 73e session), au cours de sa prochaine session, lorsque le rapport du gouvernement sera dû. La commission examinera en même temps le nouveau Code du travail no 4857 adopté le 22 mai 2003.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

Parallèlement à son observation, la commission prie le gouvernement de lui fournir des informations complémentaires sur les points suivants.

La commission prend dûment note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’article 51 de la Constitution énonce des motifs raisonnables de restriction du droit de constituer un syndicat et que, dans la pratique, aucune restriction n’a été imposée en vertu de cette disposition. La commission se voit néanmoins dans l’obligation de rappeler à nouveau que la formulation générale de certains motifs de restriction énoncée à l’article 51 de la Constitution, à savoir la santé et la moralité publiques et la protection de la liberté d’autrui, pourrait donner lieu à des restrictions inacceptables au regard des droits garantis par la convention. Elle prie donc le gouvernement d’envisager de modifier l’article 51.

Article 2 de la convention. 1. a) Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux catégories suivantes de travailleurs d’exercer pleinement les droits que leur confère la convention: travailleurs étrangers, personnel de sécurité privé et travailleurs à domicile (loi no 2821), apprentis (loi no 3308) et personnel contractuel. La commission prend note de la réponse générale du gouvernement indiquant que la Commission tripartite chargée d’une série de réformes législatives procèdera à la révision de la loi no 2821 et que cette commission a été saisie des observations formulées par la commission à propos de cette loi et de la loi no 3308. La commission prie à nouveau le gouvernement de lui indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour permettre à chacune des catégories de travailleurs susmentionnées d’exercer pleinement le droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention.

b) La commission note avec intérêt que l’article 51 de la Constitution a également été modifié de telle sorte que les fondateurs d’un syndicat ne soient plus tenus de soumettre des informations et des documents à l’autorité compétente désignée par la loi. Elle note en revanche que cette exigence est maintenue à l’article 6 de la loi no 4688 et à l’article 6 de la loi no 2821. En outre, ces articles permettent aux gouverneurs de saisir le Tribunal du travail pour empêcher une organisation de poursuivre ses activités s’ils considèrent que les documents soumis ne sont pas conformes aux conditions énoncées dans loi ou s’ils sont incomplets. La commission veut croire que les dispositions correspondantes de ces deux lois seront alignées sur l’article 51 tel que modifié afin de prévenir tout risque d’ingérence indue dans la formation d’organisations professionnelles et de garantir le plein respect dans la pratique du droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix. Dans l’intervalle, la commission prie le gouvernement d’indiquer comment sont appliquées dans la pratique les dispositions susmentionnées de la loi no 4688 et de la loi no 2821. Elle le prie en particulier d’indiquer si des instructions précises ont été données aux gouverneurs à qui l’information est soumise afin qu’ils ne puissent invoquer ces lois pour s’ingérer dans la constitution de syndicats; s’ils considèrent que la constitution d’un syndicat donné est contraire à la loi, ils doivent en référer aux tribunaux du travail à qui il appartient de décider s’il convient de suspendre ou de dissoudre le syndicat en question.

c) La commission note également que l’article 51 de la Constitution a été modifié de telle sorte qu’«il ne soit pas possible d’adhérer à plus d’un syndicat en même temps et dans la même branche d’activité». Interprétant cette modification comme autorisant désormais les travailleurs exerçant plus d’une activité professionnelle à s’affilier, s’ils le souhaitent, au syndicat correspondant à chacune de ses activités, la commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour modifier en conséquence l’article 14 de la loi no 4688. En outre, la commission prie le gouvernement de préciser si l’article 22 de la loi no 2821 autorise les travailleurs exerçant dans différentes branches d’activité d’adhérer à plusieurs syndicats. La commission prie le gouvernement de lui transmettre les informations nécessaires dans son prochain rapport.

d) La commission prend note de l’observation du gouvernement selon laquelle l’article 14 de la loi no 4688 n’impose aux fonctionnaires aucune condition formelle pour adhérer à un syndicat ou en démissionner - et qu’en particulier l’intervention d’un officier public n’est plus exigée. La commission veut croire que les articles 22 et 25 de la loi no 2821 seront modifiés de façon à garantir le droit des travailleurs de constituer librement des organisations de leur choix.

e) La commission prend note des observations du gouvernement à propos de l’article 4 de loi no 4688 en vertu duquel les fonctionnaires n’ont pas le droit de constituer des organisations sur la base de la profession ou du lieu de travail et constate qu’aucune information n’a été fournie à propos de l’article 3 de la loi no 2821 qui contient une interdiction identique et sur lequel la commission a attiréà plusieurs reprises l’attention du gouvernement. La commission rappelle à nouveau que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix suppose la libre détermination du niveau de représentation. Elle prie donc le gouvernement de supprimer à l’article 4 de la loi no 4688 et à l’article 3 de la loi no 2821 l’interdiction de constituer des syndicats sur la base de la profession ou du lieu de travail.

f) Se référant aux conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2126, la commission note que, conformément à l’article 3 de la loi no 2821, les syndicats sont constitués sur la base du secteur d’activité et que, conformément à l’article 4 de la loi no 2821, «le secteur d’activité d’un lieu de travail donné est déterminée par le ministre du Travail». La commission considère que l’établissement de grands domaines de classification par secteur d’activité aux fins de préciser la nature et les compétences des syndicats sectoriels n’est pas en soi incompatible avec la convention. Elle considère en revanche que cette classification, et sa modification, devraient être déterminées en fonction de critères précis, objectifs et prédéterminés définissant en particulier la nature des fonctions assumées par les travailleurs sur le lieu de travail concerné afin d’éviter tout arbitraire et de garantir ainsi pleinement le droit pour les travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission prie donc le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les critères sur la base desquels le ministère du Travail procède à la classification prévue à l’article 4 et de lui transmettre tout texte régissant cette classification. En outre, en ce qui concerne les travailleurs qui, en raison d’une décision prise en vertu de l’article 4, ont été privés du droit d’être représentés par le syndicat Dok-Gemi-Is qu’ils avaient librement choisi, la commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour rendre à ces travailleurs leur droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de l’évolution de la situation.

g) Toujours en référence aux conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2126, la commission note qu’en vertu de l’article 12 de la loi no 2822 la reconnaissance du droit de conclure une convention collective est assujettie à un double critère - représentation d’au moins 10 pour cent des travailleurs dans une branche d’activité donnée et de plus de la moitié des travailleurs dans l’établissement ou dans chacun des établissements visés par la convention collective. La commission note que, dans son rapport relatif à la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, le gouvernement indique qu’il se propose de supprimer le critère des 10 pour cent mais que le travail de révision n’a pu être achevé car les consultations avec les partenaires sociaux ne sont pas terminées. La commission relève en outre dans le rapport du gouvernement que la loi doit également être examinée par la Commission tripartite chargée des réformes législatives. Considérant que les syndicats qui ne satisfont pas au double critère ne devraient pas être totalement privés dans la pratique des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres et que, par conséquent, le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix devrait être pleinement garanti, la commission prie le gouvernement de l’informer de l’application de l’article 12 dans la pratique en attendant la modification de la loi no 2822.

2. a) Pour ce qui est des fonctionnaires, la commission prie le gouvernement de lui transmettre une copie du règlement relatif à la loi no 4688, qui a été promulgué le 9 novembre 2001 et qui précise apparemment les dispositions de la loi concernant la constitution de syndicats dans le secteur public. En outre, se référant à l’article 14 de la loi, en vertu duquel des copies des demandes d’adhésion des fonctionnaires à des syndicats doivent être transmises au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, la commission prie le gouvernement de préciser le rôle de ce ministère en ce qui concerne la détermination des effectifs d’un syndicat.

b) La commission prend note de l’observation du gouvernement concernant la condition stipulée à l’article 6 de la loi no 4688 selon laquelle un fonctionnaire doit avoir deux ans d’ancienneté pour pouvoir fonder un syndicat: ce délai correspond à la période probatoire de deux ans à laquelle est soumis tout fonctionnaire. La commission rappelle néanmoins une fois encore que le droit de constituer librement un syndicat, prévu à l’article 2, s’applique à l’ensemble des travailleurs sans distinction et ne peut être restreint en fonction de leur statut particulier au regard de l’emploi. La commission prie donc le gouvernement de supprimer à l’article 6 la condition concernant les fondateurs de syndicats.

c) Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’aux termes de l’article 3(g) de loi no 4688 une confédération doit se composer d’au moins cinq syndicats de différents secteurs. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application de cet article 3(g) et de le modifier dans le cas où il limiterait le droit des fonctionnaires de s’affilier à la confédération de leur choix, y compris à une confédération du secteur privé. La commission constate avec regret que le gouvernement n’a pas répondu à cette demande et le prie d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour faire en sorte que les syndicats du secteur public puissent s’affilier à des confédérations de syndicats du secteur privé.

Article 3. a) Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la modification de l’article 14 de la loi no 2821, subordonnant l’élection à une fonction syndicale à une condition d’ancienneté, dépendait de la modification de l’article 51 de la Constitution. La commission note avec intérêt que la condition préalable imposant dix ans d’ancienneté dans l’emploi a été supprimée de l’article 51. Elle espère donc que l’article 14 de la loi no 2821 sera modifié de manière à garantir effectivement le droit, pour les organisations de travailleurs, d’élire librement leurs représentants.

b) Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement des précisions sur l’article 18 de la loi no 4688 et, en particulier, si cette disposition imposait aux délégués syndicaux l’obligation de prendre un congé sans solde lorsqu’ils étaient élus. La commission relève dans le rapport du gouvernement que les fonctionnaires élus en qualité de délégués syndicaux sont effectivement obligés de prendre un congé sans solde. Elle note en outre que la même obligation est imposée à un certain nombre de représentants de branches dans certaines conditions et que les délégués concernés sont désignés par l’assemblée générale de l’organisation. La commission note que, selon le gouvernement, le but de cette obligation est de permettre aux délégués syndicaux de s’acquitter librement de leurs fonctions mais souligne qu’une telle obligation peut dissuader certains fonctionnaires de se porter candidat aux instances dirigeantes du syndicat et que, en conséquence, la loi no 4688 ne garantit pas pleinement le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants. Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de modifier l’article 18 de telle sorte que les organisations de fonctionnaires bénéficient pleinement du droit qui leur est garanti à l’article 3 de la convention.

c) La commission note que le gouvernement a saisi la commission tripartite des commentaires qu’elle avait formulés à propos de la disposition de la loi no 3984 interdisant les syndicats dans les stations de télévision et de radio. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de toute mesure prise pour assurer que les syndicats aient le droit d’organiser leur gestion et leur activité sans ingérence des pouvoirs publics.

Article 4. La commission prend note des commentaires du gouvernement concernant l’article 54 de la loi sur les associations, auquel il est fait référence à l’article 37 de la loi no 4688. Selon le gouvernement, les gouverneurs n’ont pas le pouvoir de dissoudre un syndicat mais peuvent décider de suspendre les activités d’une association. Cette décision doit être portée à la connaissance d’un tribunal dans un délai de quarante-huit heures ou au-delà duquel elle n’est plus applicable. Bien que l’article 37 de la loi no 4688 porte sur un aspect particulier d’une question d’ordre plus général -à savoir l’incidence de la loi sur les associations sur l’organisation, le fonctionnement et les activités des syndicats - que la commission a soulevée dans son observation, celle-ci tient à rappeler que si la législation permet la dissolution ou la suspension de syndicats par voie administrative, la décision administrative ne devrait pas pouvoir prendre effet avant qu’une décision finale soit rendue par l’autorité judiciaire; de plus, l’organisation concernée doit pouvoir recourir devant un organe judiciaire indépendant et impartial (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 185). Tout en notant que la décision prise par le gouverneur de suspendre un syndicat cesse d’être applicable si elle n’a pas été soumise à l’autorité judiciaire dans le délai prescrit, la commission prie le gouvernement de modifier l’article 37 de la loi no 4688 de telle sorte qu’une telle décision n’entrave pas les activités syndicales et de garantir ainsi que la suspension et la dissolution de syndicats ne puissent prendre effet qu’après qu’une décision finale soit rendue par un organe judiciaire avec toutes les garanties normales. En outre, la commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport la procédure appliquée par les tribunaux en pareil cas.

Article 5. La commission note que selon l’information transmise par le gouvernement dans son rapport, l’article 43 de la loi no 2908 a été modifié par la loi no 4748 et qu’une association peut inviter un étranger en Turquie ou peut envoyer un de ces membres à l’étranger à l’invitation d’une institution étrangère à condition qu’elle en prévienne à l’avance le gouverneur. La commission prie le gouvernement de lui donner des indications sur la manière dont est appliqué l’article 33 tel que modifié dans la pratique et, en particulier, de préciser si l’obligation de prévenir le gouverneur est purement formelle ou si celui-ci peut approuver ou désapprouver les activités en question.

Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission prend note des informations contenues dans le rapport transmis par le gouvernement ainsi que des commentaires annexés de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IŞ), de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK). La commission prend également note de la réponse du gouvernement aux observations formulées par la Confédération des syndicats des services publics (KESK) et le Syndicat de l’énergie et des infrastructures (EYYSEN), datées respectivement du 1er juin et du 10 septembre 2001. La commission note en outre que des observations ont été transmises par le Syndicat des travailleurs indépendants de la communication dans le secteur public (BAGIMSIZ HABER-SEN), le Syndicat turc des fonctionnaires des services de l’enseignement, de la formation et des sciences (TÜRK EGITIM-SEN), ainsi que par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). La commission prie le gouvernement de lui transmettre sa réponse à ces observations.

Dans ses précédents commentaires, la commission avait examiné certaines dispositions des lois suivantes: no 4688 sur les syndicats d’agents de la fonction publique, no 2821 sur les syndicats, no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out, et no 3218 sur l’arbitrage obligatoire dans les zones franches d’exportation. Elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte: a) que les fonctionnaires autres que les membres des forces armées et de la police jouissent pleinement du droit de se syndiquer (art. 3(a) et 15 de la loi no 4688); b) que les organisations de travailleurs puissent déterminer librement si leurs dirigeants doivent conserver leurs fonctions lorsqu’ils sont candidats ou élus lors d’élections locales ou générales (art. 37 de la loi no 2821 et art. 10 de la loi no 4688); c) que les organisations de travailleurs aient le droit d’organiser leurs activités sans intervention des autorités publiques (art. 29, 30, 32 et 54 de la loi no 2822); d) que les fonctionnaires qui n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui ne peuvent pas être considérés comme appartenant à des services essentiels au sens strict du terme puissent avoir recours à la grève directe sans encourir de sanction (loi no 4688); e) que les travailleurs des zones franches d’exportation aient la possibilité de recourir à l’action revendicative pour défendre leurs intérêts (article provisoire no 1 de la loi no 3218); et f) que les organisations syndicales puissent organiser leur gestion et leurs activités sans intervention indue de la part des pouvoirs publics (art. 10 de la loi no 4688).

La commission relève dans le rapport du gouvernement que les lois nos 2821, 2822 et 4688 seront révisées à la lumière des dispositions de la convention par une commission tripartite et que cette commission a été saisie des observations formulées par la commission à propos de ces lois.

La commission note en outre avec intérêt que, selon le gouvernement, une loi adoptée le 3 août 2002 par le Parlement a abrogé l’article provisoire no 1 de la loi no 3218. Elle prie le gouvernement de joindre à son prochain rapport une copie de cette loi ainsi qu’une copie de la loi sur la sécurité sociale qui a été récemment adoptée et dont la commission croit savoir qu’elle doit entrer en vigueur en mars 2003.

La commission prie le gouvernement de la tenir informée de l’état d’avancement de la révision des lois nos 2821, 2822 et 4688 et le renvoie aux précédents commentaires qu’elle avait formulés à propos de ces lois. Compte tenu du rapport du gouvernement, la commission tient à attirer l’attention de celui-ci sur les points suivants.

Article 2 de la convention. Droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission prend note des commentaires du gouvernement relatifs aux articles 3(a) et 15 de la loi no 4688. Elle tient à rappeler qu’étant donné le libellé très large de l’article 2 de la convention tous les agents de la fonction publique doivent avoir le droit de constituer des organisations professionnelles (voir paragr. 48 et 49 de l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective). Les seules exceptions autorisées sont celles prévues à l’article 9 de la convention concernant les membres de la police et des forces armées. Par conséquent, et pour répondre précisément au point soulevé par le gouvernement concernant les fonctionnaires qui occupent des postes de direction ou des postes de confiance, priver totalement ces fonctionnaires du droit de se syndiquer n’est pas compatible avec les dispositions de la convention. Par ailleurs, la commission rappelle qu’interdire à ces agents de la fonction publique le droit de s’affilier à des syndicats représentant les autres travailleurs n’est pas nécessairement incompatible avec la convention, mais à deux conditions: a) ils doivent avoir le droit de créer leurs propres organisations, et b) la législation doit limiter cette catégorie de fonctionnaires aux personnes exerçant de hautes responsabilités de direction ou de définition des politiques (voir paragr. 57 de l’étude d’ensemble, op. cit.). La commission note que, selon le gouvernement, la loi no 4688 représente une avancée non négligeable dans les réformes législatives engagées par le gouvernement mais prie à nouveau ce dernier de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 de telle sorte que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, jouissent pleinement du droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention.

Article 3. Dans ses précédents commentaires, la commission avait souligné, à propos de plusieurs dispositions des lois nos 2821, 2822 et 4688, que la législation nationale réglementait trop précisément les affaires intérieures des syndicats et que cela pourrait donner lieu à une ingérence indue des pouvoirs publics dans le fonctionnement et les activités des syndicats. Elle prend note des indications données par le gouvernement à propos de plusieurs dispositions de la loi no 4688 (art. 9, 10, 13, 18, 23 et 25) et note en particulier que le but de ces dispositions est soit de faciliter le fonctionnement interne des syndicats soit de favoriser l’émergence de syndicats puissants. La commission se voit toutefois dans l’obligation de rappeler que l’article 3 de la convention garantit le libre fonctionnement des organisations d’employeurs et de travailleurs, en leur reconnaissant quatre droits fondamentaux: élaborer leurs statuts et règlements administratifs, élire librement leurs représentants, organiser leur gestion et leurs activités et formuler leurs programmes d’action sans ingérence des autorités publiques (paragr. 108 de l’étude d’ensemble, op. cit.). La commission considère que les lois susmentionnées réglementent démesurément le fonctionnement, l’organisation et les activités des syndicats. Elle renvoie le gouvernement à ses précédents commentaires sur ce point.

Se référant aux observations de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), la commission note que, d’après l’article 33 de la loi no 4688, toute question non réglementée par cette loi relève des dispositions de la loi no 2908 sur les associations. En outre, en vertu de l’article 63 de la loi no 2821, les syndicats sont régis en particulier par les dispositions de la loi sur les associations qui ne sont pas contraires à la loi no 2821. La commission prie le gouvernement de préciser dans son prochain rapport les questions relatives au fonctionnement et aux activités des syndicats, qui sont régies par la loi sur les associations, et les incidences concrètes de ces dispositions sur les syndicats.

1. Droit des organisations d’employeurs et de travailleurs d’organiser leur action et de formuler leurs programmes sans ingérence du gouvernement - agents de la fonction publique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait fait observer que l’article 35 de la loi no 4688 ne spécifiait pas les circonstances dans lesquelles le droit de grève pouvait être exercé dans la fonction publique. Elle avait également pris note des commentaires du gouvernement concernant la spécificité du statut de fonctionnaire au regard du droit de grève. Compte tenu du silence du gouvernement sur ce point particulier et des observations de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK), la commission rappelle que l’interdiction du droit de grève dans la fonction publique devrait se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat (voir paragr. 158 de l’étude d’ensemble, op. cit.). Elle tient également à rappeler que la restriction du droit de grève par le biais de l’arbitrage obligatoire ne peut se justifier qu’en ce qui concerne cette catégorie restreinte de fonctionnaires, ainsi que ceux qui font partie des services essentiels au sens strict du terme. De plus, lorsque le droit de grève peut être interdit ou restreint, certaines contreparties comme la médiation ou la conciliation, ou encore en cas d’impasse, un arbitrage présentant des garanties d’impartialité et de rapidité suffisantes, doivent être garanties à ces fonctionnaires. En conséquence, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires qui n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui ne peuvent pas être considérés comme appartenant à des services essentiels au sens strict du terme bénéficient du droit de grève. Pour les fonctionnaires dont le droit de grève peut être restreint, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour que ces travailleurs bénéficient de garanties compensatoires.

Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 10 de la loi no 4688, si un fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale le demande à un tribunal du travail, le comité exécutif d’un syndicat peut être dissous en cas de non-respect des dispositions de la loi prescrivant le moment auquel doit se tenir une assemblée générale ainsi que la majorité requise pour convoquer une assemblée générale extraordinaire ou toute autre réunion de l’assemblée générale. Dans son rapport, le gouvernement indique qu’il appartient au tribunal du travail de décider de la dissolution du comité exécutif d’un syndicat et que la désignation d’un administrateur intérimaire est prévue pour assurer la continuité des activités les plus importantes de ce syndicat. La commission rappelle que la dissolution des instances dirigeantes d’un syndicat devrait avoir pour seul but la protection des membres des organisations et n’être possible que par voie judiciaire (paragr. 122 et 123 de l’étude d’ensemble, op. cit.). L’article 10 prévoit la destitution des organes exécutifs syndicaux en cas de non-respect des dispositions de la loi alors que, de l’avis de la commission, de telles dispositions doivent être librement déterminées par les organisations professionnelles et leurs membres dans leurs statuts et règlements. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’article 10 de la loi de telle sorte que les organisations de travailleurs puissent organiser librement leur administration et leurs activités sans ingérence des pouvoirs publics.

2. La commission rappelle en outre la nécessité de modifier les dispositions suivantes:

-  loi no 2821: article 37 (suspension et destitution d’un dirigeant syndical en cas de candidature à des élections locales ou générales ou en cas d’élection);

-  loi no 4688: article 10 (suspension et destitution d’un dirigeant syndical en cas de candidature à des élections locales et générales ou en cas d’élection - fonction publique);

-  loi no 2822: articles 25 et 70 (interdiction des grèves de protestation et de solidarité et sanctions pénales applicables pour participation à une grève déclarée «illégale» contrairement aux dispositions de la convention); articles 29 et 30 (arbitrage obligatoire dans des services qui ne peuvent être considérés comme des services essentiels au sens strict du terme); articles 21 à 23 et articles 27, 28, 35 et 37 (délais excessifs - de pratiquement trois mois -à compter du début des négociations avant qu’une décision d’appel à la grève ne puisse être prise); et article 48 (limitation très importante des piquets de grève).

La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour rendre sa législation et sa pratique parfaitement conformes à la convention sur toutes ces questions en suspens.

La commission soulève un certain nombre d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

Parallèlement à son observation au titre de cette même convention, la commission prie le gouvernement de fournir un complément d’information sur les points suivants.

1. Article 2 de la conventiona) La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles un projet de loi modificatrice de la loi no 2821 sur les syndicats tend à supprimer les restrictions au droit des travailleurs étrangers et du personnel de sécurité privé de se syndiquer. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout nouveau développement concernant les travailleurs étrangers et le personnel de sécurité privé.

La commission prend également note des informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles les apprentis sont assimilés à des étudiants jouissant des droits particuliers prévus par la loi no 3308 sur l’apprentissage et la formation professionnelle et sont à ce titre considérés comme des travailleurs ayant des droits syndicaux. La commission rappelle que l’article 18 de cette loi no 3308 interdit aux apprentis d’adhérer à des organisations syndicales. En conséquence, elle prie le gouvernement d’abroger l’article en question, afin de garantir que les apprentis puissent exercer pleinement les droits que leur reconnaît la convention.

Le gouvernement déclare dans son rapport qu’il n’existe aucune restriction d’ordre législatif au droit des travailleurs à domicile de se syndiquer. La commission note cependant que la loi sur les syndicats définit les travailleurs comme étant des personnes ayant un contrat d’emploi et qu’en outre plusieurs organisations syndicales ont déclaré que cette définition exclut les travailleurs à domicile. Notant que l’article 51 de la Constitution a été modifié afin de reconnaître à un plus large éventail de travailleurs le droit de se syndiquer, la commission prie le gouvernement d’indiquer les modalités selon lesquelles les travailleurs à domicile peuvent exercer pleinement le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts professionnels.

Le gouvernement indique que le personnel contractuel rentre dans le champ d’application de la nouvelle loi sur les syndicats de la fonction publique. A cet égard, la commission constate qu’aux termes de l’article 3(a) de la loi en question, les agents de la fonction publique se définissent comme étant les personnes employées sur une base permanente, ce qui n’est apparemment pas compatible avec la nature de l’emploi du personnel contractuel. En outre, elle souhaite faire valoir que le personnel contractuel peut être employé dans d’autres secteurs que les services publics et que le droit de se syndiquer pour défendre leurs intérêts doit également être garanti à ces travailleurs. En conséquence, elle prie le gouvernement de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour assurer que le personnel contractuel puisse exercer librement le droit de se syndiquer.

La commission note qu’aux termes de l’article 6 de la loi sur les syndicats de la fonction publique, pour être fondateur d’un syndicat, un membre des services publics doit avoir au moins deux ans d’ancienneté. A cet égard, elle souligne que l’article 2 de la convention prévoit que les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer librement un syndicat, de sorte que cette condition est incompatible avec la convention. En conséquence, elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette condition concernant les membres fondateurs d’un syndicat soit supprimée de l’article 6 de la loi.

La commission note que récemment des amendements à l’article 51 de la Constitution ont été adoptés, de telle sorte que le droit de constituer un syndicat et de s’y affilier ne puisse être restreint que pour les raisons suivantes: la sécurité nationale, l’ordre public, la prévention du crime, la santé du public, la moralité, la protection de la liberté des tiers. A cet égard, la commission appelle l’attention du gouvernement sur le paragraphe 41 de son étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, dans lequel elle souligne que l’état d’urgence ne peut légitimement être invoqué pour justifier des restrictions des droits syndicaux que dans des circonstances d’une gravité extrême et à la condition, en outre, que ces restrictions soient limitées dans leur portée et leur durée à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à la situation considérée. Elle estime que les termes généraux dans lesquels l’article 51 de la Constitution permet désormais d’envisager de telles restrictions risquent de rendre ces dernières inacceptables au regard des droits prévus par la présente convention. En conséquence, elle prie le gouvernement d’étudier la possibilité de modifier dans ce sens l’article 51 et, entre-temps, de la tenir informée de toute application pratique des restrictions en question.

b) Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 22 de la loi no 2821 sur les syndicats interdit aux travailleurs d’appartenir à plus d’un syndicat. Dans son dernier rapport, le gouvernement déclare que, tant que la procédure de modification de l’article 51 de la Constitution ne sera pas parvenue à terme, aucune modification de la législation ne peut être envisagée. Or, s’il semble aujourd’hui que certaines modifications ont été apportées à l’article 51, l’interdiction d’adhérer à plusieurs syndicats, quant à elle, persiste. En conséquence, la commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour modifier cette disposition de la Constitution, de même que l’article 22 de la loi no 2821, de telle sorte que les travailleurs occupés dans plusieurs secteurs d’activité puissent appartenir, s’ils le souhaitent, aux syndicats correspondant à chacun de ces secteurs.

Dans ses précédents commentaires, la commission relevait qu’aux termes de l’article 3 de la loi no 2821 sur les syndicats la constitution de syndicats sur la base de la profession ou bien du lieu de travail est interdite. Constatant que le gouvernement n’a pas fourni d’informations précises sur ce plan, la commission rappelle que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix s’applique à la détermination du niveau de représentation. En conséquence, elle prie le gouvernement de faire état dans son prochain rapport des mesures prises ou envisagées pour abroger cet article.

La commission note également que l’article 14 de la loi sur les syndicats de la fonction publique ne permet pas aux fonctionnaires de s’affilier à plus d’un syndicat et que l’article 4 de cette même loi ne leur permet pas non plus de constituer des organisations sur la base de la profession ou du lieu de travail. Elle réitère donc les commentaires formulés précédemment à propos de la loi sur les syndicats, commentaires qui sont également valables en ce qui concerne les fonctionnaires pour ce qui est du droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations de leur choix, droit qui recouvre celui d’appartenir à plus d’un syndicat lorsque l’on est actif dans plus d’un secteur professionnel, et aussi celui d’en déterminer librement le niveau de représentation. Compte tenu de ces éléments, la commission prie le gouvernement de modifier les articles 4 et 14 de la loi, de manière à garantir aux fonctionnaires le droit prévu par l’article 2 de la convention.

La commission note qu’aux termes de l’article 3(g) de la loi sur les syndicats de la fonction publique, une confédération se définit comme étant «l’organisation de niveau supérieur à la création de laquelle au moins cinq syndicats de différents secteurs ont concouru conformément à la présente loi et qui a la personnalité juridique». A cet égard, la commission appelle l’attention du gouvernement sur le paragraphe 86 de son étude d’ensemble de 1994, dans lequel elle rappelle que l’on peut admettre que les organisations de base de fonctionnaires soient limitées à cette catégorie de travailleurs, à la condition qu’elle puisse librement s’affilier aux fédérations et confédérations de son choix, tout comme celles du secteur privé. En conséquence, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de cet article 3(g) dans la pratique et, dans le cas où cette application se traduirait effectivement par une restriction du droit des organisations de fonctionnaires de s’affilier à la confédération de leur choix, y compris à une confédération du secteur privé, de prendre les mesures nécessaires pour assurer que cette restriction au regard de l’affiliation à des organisations de niveau supérieur soit levée.

2. Article 3a) Dans ses précédents commentaires, eu égard à l’article 51 de la Constitution et à l’article 14 de la loi no 2821 sur les syndicats, la commission avait émis l’opinion que toute condition d’admission à une fonction syndicale qui touche à l’ancienneté doit rester du ressort des organisations syndicales elles-mêmes. Dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu’aucun amendement de la législation n’est envisageable tant que la procédure de modification des dispositions pertinentes de la Constitution n’a pas été menée à terme. Constatant que l’amendement apportéà l’article 51 de la Constitution semble désormais avoir levé ce préalable, la commission prie le gouvernement de faire connaître les mesures prises ou envisagées en vue de modifier l’article 14 de la loi no 2821 en supprimant la condition préalable de dix années d’ancienneté dans l’emploi pour être admissible à une fonction de représentation syndicale, de manière à garantir effectivement le droit, pour les organisations de travailleurs, d’élire librement leurs représentants.

La commission note en outre que l’article 18 de la loi sur les syndicats de la fonction publique prévoit que les fonctionnaires qui sont élus représentants syndicaux doivent être mis en disponibilité sans traitement mais que ce même article se réfère également aux membres du comité exécutif d’un syndicat de branche, lesquels ne sont pas mis en disponibilité sans traitement mais continuent au contraire d’exercer leur emploi. En conséquence, la commission prie le gouvernement de préciser si cet article permet aux organisations de travailleurs en question de déterminer que leurs représentants agiront à plein temps ou continueront au contraire d’assumer leur emploi tout en exerçant leur fonction syndicale, et n’impose pas de ce fait aux délégués syndicaux l’obligation de se mettre en congé non rémunéré.

b) Le gouvernement indique dans son rapport que la disposition de la loi no 3984 qui interdit les syndicats dans les stations de télévision et de radio sera abrogée par effet de l’amendement à la loi no 2821 sur les syndicats. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout nouveau développement tendant, sur ce plan, à assurer le droit des syndicats d’organiser leur gestion et leur activité sans intervention des autorités publiques.

3. Article 4. La commission note qu’aux termes de l’article 37 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires la dissolution d’un syndicat ou d’une confédération relève de la compétence du tribunal du travail mais que l’on se réfère également à l’article 54 de la loi sur les associations. A cet égard, elle note que, dans ses commentaires, la Confédération des syndicats de la fonction publique (KESK) déclare que la loi sur les associations permet aux gouverneurs de dissoudre un syndicat ou une confédération sans qu’intervienne une décision de justice. La commission appelle l’attention du gouvernement sur le paragraphe 185 de son étude d’ensemble de 1994, dans lequel elle émet l’opinion que, si la législation admet la dissolution ou la suspension d’organisations syndicales par voie administrative, l’organisation visée doit pouvoir recourir devant un organe judiciaire indépendant et impartial ayant compétence pour examiner le cas quant au fond, étudier les motifs ayant fondé la mesure administrative et, le cas échéant, annuler cette dernière. De plus, la décision administrative ne devrait pas pouvoir prendre effet avant qu’une décision finale soit rendue. La commission prie donc le gouvernement d’exposer dans son prochain rapport les effets produits par cet article 54 de la loi sur les associations et de préciser dans quelle mesure les tribunaux du travail ont compétence pour connaître des appels d’une décision de dissolution d’un syndicat prise en application de l’article 37 de la loi sur les syndicats de la fonction publique.

4. Article 5. Dans ses précédents commentaires, la commission notait qu’un projet de loi avait étéélaboré en vue d’abroger l’article 43 de la loi no 2098 sur les associations, article qui obligeait une association à demander l’autorisation du ministère des Affaires étrangères pour pouvoir inviter un étranger en Turquie ou pour qu’un membre d’un syndicat puisse être envoyéà l’étranger à l’invitation d’une association ou organisation étrangère. La commission note que, conformément aux indications données par le gouvernement dans son rapport, cet article 43 a été abrogé par effet de l’amendement apportéà la loi no 2821 sur les syndicats. Elle prie le gouvernement de la tenir informée à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des commentaires formulés par la Confédération des syndicats des services publics (KESK), la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), le Syndicat de l’énergie et des infrastructures (ENREJI-YAPI YOL SEN), le Syndicat des personnels civils affectés à des emplois militaires (ASIM-SEN) et la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK).

Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations à propos de l’élaboration du projet de loi sur les syndicats de la fonction publique, en rappelant incidemment la nécessité d’adopter une législation garantissant pleinement les droits prévus par la convention, y compris le droit, pour les agents de la fonction publique qui n’exercent pas une autorité au nom de l’Etat, de faire grève.

La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le texte de loi - entre-temps adopté- tend à réglementer les activités des organisations d’agents de la fonction publique déjà existantes. Elle prend également note des commentaires émis par le gouvernement à propos du droit de grève des agents de la fonction publique, commentaires selon lesquels cette catégorie jouit d’un statut particulier sur le plan de l’emploi.

La commission note que ce qui n’était qu’un projet est devenu une loi, entrée en vigueur le 12 août 2001 en tant que loi no 4688 sur les syndicats d’agents de la fonction publique. Prenant acte du fait que l’adoption de cette loi s’inscrit dans un vaste processus de réformes engagé par le gouvernement, la commission appelle néanmoins l’attention de ce dernier sur certaines divergences entre cet instrument et les dispositions de la convention, ainsi que sur un certain nombre d’autres points qu’elle avait soulevés dans ses précédents commentaires.

Article 2 de la convention

Droit des employeurs et des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission note qu’aux termes des articles 3 a) et 15 de la loi sur les syndicats de la fonction publique, plusieurs catégories de fonctionnaires n’ont pas le droit de se syndiquer, soit parce ces fonctionnaires ne rentrent pas dans le champ d’application de la loi, soit parce que ce droit leur est expressément refusé par celle-ci. L’article 3 a) définit les employés de la fonction publique de manière restrictive, en ne se référant qu’à ceux qui ont un statut permanent ou qui ont accompli leur période probatoire, tandis que l’article 15 dresse la liste de ceux qui n’ont pas le droit de se syndiquer (les juges, les juristes, les fonctionnaires de rang supérieur, les agents du ministère de la Défense nationale et des forces armées turques qui appartiennent à la fonction publique civile, le personnel des institutions pénales, etc.). La commission souligne que l’article 2 de la convention prévoit que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer les organisations de leur choix. En conséquence, tous les agents de la fonction publique doivent avoir le droit de se syndiquer, quels que soient la nature ou le niveau de leurs responsabilités, ou encore leur catégorie professionnelle. S’agissant des fonctionnaires de haut niveau, elle estime que ceux-ci doivent avoir au moins le droit de constituer leurs propres organisations. La seule exception admissible aux termes de la convention concerne le personnel des forces armées et celui de la police, étant entendu que même dans ces domaines le personnel civil de ces institutions devrait, quant à lui, jouir pleinement des mêmes droits que les autres travailleurs. En conséquence, elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3 a) et 15 de la loi de telle sorte que les fonctionnaires autres que les membres des forces armées et de la police soient pleinement assurés du droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention.

La commission prend note des informations émanant de diverses organisations de travailleurs selon lesquelles des fonctionnaires ont d’ores et déjà constitué un certain nombre d’organisations, lesquelles vont devenir illégales du fait des interdictions et restrictions posées par la législation susvisée. Elle note que, conformément aux dispositions transitoires, les organisations existantes disposent de huit mois pour satisfaire aux conditions stipulées par cet instrument. Elle veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assurer que l’application de la loi n’affectera pas les activités de ces organisations d’une manière qui serait directement en contradiction avec la convention.

Article 3 de la convention

1. Droit des organisations des travailleurs d’élire librement leurs représentants. A propos de l’article 37 de la loi no 2821 sur les syndicats, la commission avait pris note, dans ses précédents commentaires, des explications du gouvernement concernant, d’une part, les conséquences de la candidature à des élections locales ou générales d’un membre des instances dirigeantes d’un syndicat sur les activités de ce même syndicat et, d’autre part, la portée de la peine d’emprisonnement prévue par la loi en cas d’infraction. Suite à ces explications, la commission avait prié le gouvernement de faire connaître les mesures envisagées afin que cette restriction soit supprimée et que les conditions d’éligibilitéà une charge syndicale soient déterminées par les organisations elles-mêmes. Elle constate aujourd’hui avec regret que le gouvernement ne fournit aucune information à cet égard dans son dernier rapport. Elle rappelle donc, une fois de plus, que les conséquences de la candidature d’un membre des instances dirigeantes d’un syndicat à des élections locales ou générales doivent être laissées à l’appréciation des membres du syndicat, exprimée dans les statuts de ce syndicat, et non à celle du gouvernement. Elle prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’article 37 soit modifié de telle sorte que les organisations de travailleurs puissent déterminer librement si leurs dirigeants doivent conserver leurs fonctions lorsqu’ils sont candidats à des élections locales ou générales, y compris lorsque cette candidature est couronnée de succès.

S’agissant des agents de la fonction publique, la commission note que l’article 10 de la loi sur les syndicats de la fonction publique traite, lui aussi, des conséquences de la candidature d’un dirigeant syndical à des élections générales ou locales sur les activités du syndicat considéré, puisqu’il dispose que tout membre d’une instance dirigeante d’un syndicat ou d’une confédération qui est candidat à des élections générales ou locales voit ses fonctions syndicales suspendues pendant cette période. La commission rappelle à cet égard les commentaires qu’elle a formulés à propos de la loi sur les syndicats, qui sont valables également en ce qui concerne les dirigeants syndicaux de la fonction publique. Elle prie donc le gouvernement de modifier l’article 10 de cette loi, de manière à garantir le droit des organisations syndicales de la fonction publique d’élire leurs représentants en toute liberté.

2. Droit des organisations de travailleurs et des organisations d’employeurs d’organiser leur action et de formuler leur programme sans intervention de la part des autorités publiques. Dans ses précédents commentaires, la commission avait soulevé un certain nombre de points touchant à l’interdiction ou à la restriction du droit de grève prévue à l’article 54 de la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out. Elle appelait notamment l’attention du gouvernement sur certains principes concernant, d’une part, l’interdiction généralisée des grèves de solidarité- principes selon lesquels les travailleurs doivent avoir le droit de recourir à ce moyen dans la mesure où la grève initiale qu’ils soutiennent est elle-même légale - et, d’autre part, les sanctions pour fait de grève, notamment les peines d’emprisonnement, lesquelles ne doivent être possibles que lorsque l’interdiction de faire grève est elle-même conforme aux principes de la liberté syndicale. S’agissant des articles 29, 30 et 32 de la loi no 2822, elle rappelle également que des restrictions à la grève - en particulier par le biais de l’arbitrage obligatoire - ne peuvent être justifiées qu’en ce qui concerne les services essentiels au sens strict du terme, les fonctionnaires exerçant une fonction d’autorité au nom de l’Etat et les situations de crise nationale aiguë. Elle note que, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare, d’une part, qu’aucune réforme législative ne peut être entreprise à propos de l’interdiction des grèves de protestation et de solidarité tant que les dispositions correspondantes inscrites dans la Constitution n’auront pas été modifiées et, d’autre part, qu’un projet de loi est prévu pour modifier l’article 29 de la loi no 2822 sur les conventions collectives de travail, les grèves et les lock-out à travers une limitation des activités des services dans lesquels l’action de grève restera interdite. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra dans un proche avenir les mesures nécessaires en vue de modifier les dispositions susmentionnées de manière à garantir le droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité sans intervention des autorités publiques.

La commission note également que l’article 35 de la loi sur les syndicats de la fonction publique prévoit qu’en cas d’échec de la négociation d’un accord l’une des parties peut demander la convocation de la Commission de conciliation, sans spécifier pour autant les circonstances dans lesquelles il peut être recouru à la grève. Elle prend également note des commentaires du gouvernement concernant la spécificité du statut de la fonction publique au regard du droit de grève. Elle tient à rappeler à cet égard que les restrictions du droit de grève dans la fonction publique devraient se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 158). Elle tient également à rappeler que les restrictions du droit de grève par le biais de l’arbitrage obligatoire ne peuvent être justifiées qu’en ce qui concerne cette catégorie restreinte de fonctionnaires, ainsi que ceux qui font partie des services essentiels au sens strict du terme. De plus, lorsque le droit de grève peut être exclu ou restreint, certaines contreparties, comme la médiation ou la conciliation, ou encore, en cas d’impasse, un arbitrage présentant des garanties d’impartialité et de rapidité suffisantes, doivent être garanties à ces fonctionnaires. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires qui n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui ne peuvent pas être considérés comme appartenant à des services essentiels au sens strict du terme puissent recourir à l’action revendicative directe sans encourir de sanctions.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que l’article provisoire no 1 de la loi no 3218 prévoyant l’arbitrage obligatoire dans les zones franches d’exportation pendant un délai de dix ans va être abrogé. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout nouveau développement tendant à garantir que les travailleurs des zones franches d’exportation aient la possibilité de recourir à l’action revendicative directe pour la défense de leurs intérêts.

La commission note que l’article 10 de la loi sur les syndicats de la fonction publique détermine de manière précise l’organisation des assemblées générales ainsi que la majorité requise pour convoquer une assemblée générale extraordinaire ou bien toute autre réunion de l’assemblée générale. Cet article dispose en outre que, si un fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale le demande à un tribunal du travail, le comité exécutif d’un syndicat peut être dissout en cas de non-respect de ces prescriptions. La commission tient à signaler que l’article 3 de la convention prévoit que les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité sans intervention des autorités publiques. Elle insiste notamment sur le fait que la destitution ou la suspension de dirigeants syndicaux qui ne résulterait pas de la décision interne de ce même syndicat, du vote de ses membres ou d’une procédure judiciaire normale constitue une grave entrave à l’exercice des responsabilités pour lesquelles ces dirigeants ont été librement élus par les membres du syndicat considéré. Les dispositions permettant la destitution et la suspension des dirigeants ou la désignation d’administrateurs provisoires par les autorités administratives sont incompatibles avec la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 122). En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’article 10 de la loi, de manière à garantir que les organisations syndicales puissent organiser leur gestion et leur activité sans intervention indue de la part des autorités publiques.

La commission prie le gouvernement de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour rendre la législation pleinement conforme, sur les points susvisés, avec la convention. Elle appelle à ce titre son attention sur la possibilité de recourir, s’il le désire, à l’assistance technique du BIT pour cela.

La commission soulève par ailleurs un certain nombre d’autres points dans le cadre d’une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

Se référant à son observation précédente, la commission prie le gouvernement de fournir un complément d’information sur les points suivants.

1. Article 2 de la convention. a) Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que plusieurs catégories de travailleurs n’ont pas le droit de se syndiquer soit parce qu’ils ne rentrent pas dans le champ d’application de la loi concernant les syndicats, soit parce que la législation régissant leur statut exclut expressément l’exercice de ce droit en ce qui les concerne. Il s’agit des catégories suivantes: travailleurs à domicile, personnel privé de sécurité, personnel contractuel, apprentis et travailleurs étrangers. Notant avec regret que le gouvernement ne donne aucune indication dans son dernier rapport, la commission le prie à nouveau d’indiquer les mesures prises ou envisagées afin que les catégories susmentionnées de travailleurs puissent pleinement exercer ce droit.

b) Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 22 de la loi concernant les syndicats interdit aux travailleurs d’appartenir à plus d’un syndicat. La commission note que le gouvernement invoque l’article 51 de la Constitution comme raison de ne pas modifier cette disposition. Elle rappelle cependant qu’elle a souligné dans ses précédents commentaires le principe selon lequel les travailleurs exerçant une activité dans plus d’un secteur professionnel doivent pouvoir appartenir, s’ils le désirent, aux syndicats correspondants. Elle prie à nouveau le gouvernement d’envisager, d’une part, la modification de l’article 51 de la Constitution et, d’autre part, celle de l’article 22 de la loi susmentionnée, afin que les travailleurs puissent s’affilier aux syndicats correspondant aux diverses activités professionnelles qu’ils exercent, et de faire connaître les progrès réalisés à cet égard.

c) Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 3 de la loi concernant les syndicats prévoit que ces organisations ne doivent pas être constituées sur une base professionnelle ou sur la base d’un lieu de travail. Notant avec regret que le gouvernement n’a fourni aucune information à cet égard, la commission souhaite rappeler que le droit, pour les travailleurs, de s’affilier aux organisations de leur choix implique celui de déterminer le niveau de leur représentation. Elle exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires afin que cet article de la loi soit modifié de manière à ce que les travailleurs puissent se syndiquer au niveau de la profession et du lieu du travail s’ils le souhaitent.

2. Article 3. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’un certain nombre de dispositions de la loi concernant les syndicats réglementent indûment les affaires internes de ces organisations. Elle note que, selon les indications données par le gouvernement dans son plus récent rapport, celui-ci n’a pas l’intention de modifier la règle prescrivant de justifier d’un nombre d’années d’appartenance à la profession avant d’être éligible à une charge syndicale parce que ce principe a ses fondements dans l’article 51 de la Constitution. La commission note cependant que l’article 51 de la Constitution et l’article 14 de la loi stipulent qu’un travailleur doit justifier d’au moins dix années d’emploi actif avant de pouvoir briguer une fonction élective dans un syndicat ou une confédération. Elle rappelle que l’autonomie des organisations syndicales ne peut être effectivement garantie que si les membres de ces organisations ont le droit d’élire leurs représentants en toute liberté et que les autorités publiques doivent en conséquence s’abstenir de toute intervention qui serait de nature à restreindre ce droit. Elle considère pour cette raison que toute condition préalable d’éligibilité, qu’elle porte sur le nombre d’années d’emploi dont l’intéressé justifie ou sur tout autre aspect, doit être du ressort des membres de l’organisation de travailleurs concernée, et elle demande donc au gouvernement de faire connaître les mesures prises ou envisagées pour faire disparaître cette règle à la fois de la Constitution et de la législation.

Notant avec regret que le gouvernement n’a donné aucune information en ce qui concerne la loi no 3984, qui interdit que les stations de radio ou de télévision soient animées par des syndicats, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour que cette interdiction soit abrogée, de telle sorte que les organisations syndicales puissent organiser leur administration et leurs activités sans intervention de la part des autorités publiques.

3. Article 5. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note avec intérêt des indications du gouvernement selon lesquelles un projet de loi avait étéélaboré et soumis au Parlement en vue d’abroger l’article 43 de la loi no 2098 concernant les associations, article qui prescrit à une association, sous peine d’emprisonnement, de demander l’autorisation du ministère des Affaires intérieures pour pouvoir inviter un étranger en Turquie ou envoyer un membre d’une association à l’étranger à l’invitation d’une association ou organisation étrangère. La commission note que, selon le plus récent rapport du gouvernement, l’amendement envisagé est devenu caduc à cause des élections générales de 1999 et de l’ouverture subséquente de la nouvelle session parlementaire, de sorte qu’un nouveau projet de loi a étéélaboré en vue de dispenser les représentants syndicaux de l’obligation en question. La commission veut croire que cette disposition sera abrogée dans un très proche avenir et prie le gouvernement de faire connaître les progrès réalisés à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, ainsi que des commentaires formulés par la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS), la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK).

1. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants. Dans ses précédents commentaires, la commission notait que l’article 37 de la loi no 2821 sur les syndicats, dans sa teneur modifiée de juin 1997, prévoit toujours que les délégués syndicaux ne peuvent être simultanément candidats lors d’élections administratives locales ou d’élections parlementaires générales, sous peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans (art. 59(6)). Dans son plus récent rapport, le gouvernement indique que les membres exécutifs des instances dirigeantes d’un syndicat peuvent être candidats à une élection locale ou une élection générale sans perdre leur statut premier mais que leurs fonctions officielles à ce titre sont suspendues ou annulées s’ils sont élus. Pour le gouvernement, cette disposition est dans le droit fil du principe constitutionnel selon lequel les membres du Parlement ne représentent pas seulement leur circonscription et les administrés de celle-ci mais la nation dans son ensemble. Pour ce qui est de la peine de prison, le gouvernement indique que l’article 59(6) ne se rapporte qu’au deuxième paragraphe de l’article 37. Tout en prenant note de ces éléments, la commission rappelle à nouveau qu’il revient aux organisations de travailleurs et d’employeurs de déterminer les conditions d’élection de leurs dirigeants et que les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention injustifiée dans l’exercice du droit, pour ces organisations, d’élire leurs représentants en toute liberté, comme prévu à l’article 3 de la convention. De ce fait, les conséquences à tirer de la candidature, y compris d’une candidature couronnée de succès, à des élections locales ou générales doivent être laissées à l’appréciation des membres du syndicat, exprimée dans les statuts de ce syndicat, et non à celle du gouvernement. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de faire connaître les mesures envisagées afin que cette restriction soit supprimée et que les conditions d’éligibilitéà une charge syndicale soient déterminées par les organisations elles-mêmes.

2. Droit des fonctionnaires de se syndiquer. S’agissant du droit des fonctionnaires de se syndiquer, la commission note que, d’après le rapport du gouvernement, le projet de loi sur les syndicats de fonctionnaires soumis par le gouvernement a été approuvé par la Commission parlementaire des affaires sanitaires et sociales moyennant quelques amendements. Cependant, la Commission parlementaire de la planification et du budget n’a pas encore conclu ses travaux. Le gouvernement a transmis avec son rapport la version la plus récente de ce projet de loi, en turc, en précisant que ce texte est encore susceptible d’amendements qui pourraient être proposés par la Commission de planification et du budget et l’Assemblée générale. La commission a cependant le regret de constater que le gouvernement n’a pas répondu aux commentaires formulés en 1999 par la DISK, selon lesquels ce projet serait en contradiction directe avec certains principes de la liberté syndicale. Elle prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations en réponse aux commentaires formulés par la DISK, de manière àêtre mieux à même d’examiner pleinement la teneur de ce projet de loi. Elle rappelle à cet égard qu’il est nécessaire d’adopter une législation reconnaissant pleinement aux fonctionnaires les droits prévus par la convention, y compris le droit de grève pour les fonctionnaires autres que ceux qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. Elle prie le gouvernement de faire connaître, dans son prochain rapport, tous faits nouveaux concernant ce projet de loi.

3. Droits des organisations de travailleurs d’organiser leur action et de formuler leur programme sans intervention de la part des autorités publiques. Faisant suite à ses précédents commentaires concernant certaines restrictions au recours à la grève, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport. Elle constate cependant avec regret que, si ce n’est pour dire qu’aucun changement n’est prévu à propos des grèves de solidarité parce qu’il existe une disposition correspondante à l’article 54 de la Constitution, le gouvernement n’a fourni aucune information tant en ce qui concerne l’interdiction frappant les grèves de protestation et de solidarité (art. 54), aux termes de la loi no 2822 du 5 mai 1983 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out, que les sanctions particulièrement graves, allant jusqu’à l’emprisonnement, en cas de participation à des grèves déclarées illégales contrairement aux principes de la liberté syndicale. Sur ce point, la commission appelle l’attention du gouvernement sur les paragraphes 168 et 177 de son étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, dans lesquels elle fait valoir: 1) qu’une interdiction générale des grèves de solidarité risquerait d’être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir exercer de telles actions pour autant que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale; et 2) que des sanctions ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas où les interdictions en question sont conformes aux principes de la liberté syndicale. De plus, si des mesures d’emprisonnement sont imposées, elles doivent être justifiées par la gravité des infractions commises. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que sa législation, y compris et au besoin sa Constitution, soit modifiée dans un sens conforme à ces principes et de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées à cet égard.

S’agissant de l’imposition d’un arbitrage obligatoire (art. 32 de loi no 2822) dans des services qui ne peuvent être considérés comme essentiels au sens strict du terme (art. 29 et 30), la commission prend note des informations et statistiques pertinentes contenues dans le rapport du gouvernement. Elle est cependant conduite à rappeler que de telles interdictions au recours à la grève ne peuvent être justifiées que dans des services essentiels, à l’égard de fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et dans les cas de crise nationale particulièrement grave. Elle rappelle en outre que les services essentiels sont seulement ceux dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 159), alors que les articles 29 et 30 de la loi no 2822 interdisent le recours à la grève dans des secteurs d’activité et des services qui, comme les caisses d’épargne, les pompes funèbres, l’exploration, la production et le raffinage du gaz et du pétrole, les services bancaires, le notariat, l’assainissement, l’enseignement, la formation professionnelle, les soins à domicile, les hospices pour personnes âgées et l’administration des cimetières, n’ont pas forcément ce caractère. A cet égard, la commission appelle l’attention du gouvernement sur le paragraphe 160 de son étude d’ensemble, où elle explique qu’afin d’éviter des dommages irréversibles ou exagérément disproportionnés par rapport aux intérêts professionnels des parties au différend, ainsi que les dommages causés à des tiers, les autorités peuvent établir un régime de service minimum négocié dans les autres services d’utilité publique plutôt que d’interdire purement et simplement la grève, interdiction qui devrait être limitée aux services essentiels dans le sens strict du terme.

De plus, la commission considère que les articles 21 à 23 de la loi no 2822, lus conjointement avec l’article 27, prescrivent un délai excessif - de pratiquement trois mois -à compter du début des négociations avant qu’une décision d’appel à la grève ne puisse être prise. Notant que, selon le rapport du gouvernement, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a élaboré un projet de loi tendant à modifier, entre autres, la loi no 2822, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 29 et 30 de manière à assurer que le recours à la grève ne puisse être interdit que dans les services essentiels au sens strict du terme, à l’égard des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et dans des cas de crise nationale particulièrement grave, et pour modifier les articles 21 à 23 de sorte que le délai préalable à la déclaration d’une grève ne soit pas excessivement long.

S’agissant du droit de grève dans les zones franches d’exportation, la commission rappelle que la loi no 3218 de 1985 impose dans ces zones pour une période de dix ans l’arbitrage obligatoire en cas de conflits collectifs du travail. Selon le rapport présenté par le gouvernement pour la convention no 98, le délai de dix ans en question a expiré en 1997 pour les zones de Mersin et d’Antalya et doit expirer en 2000 pour celles de la mer Egée et de l’aéroport Atatürk. La commission tient néanmoins à rappeler que l’imposition d’un arbitrage obligatoire constitue une grave limitation du droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action sans intervention de la part des autorités publiques, conformément à l’article 3 de la convention. En conséquence, elle prie le gouvernement de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées afin que la loi no 3218 soit modifiée de telle sorte que tous les travailleurs des zones franches d’exportation aient la possibilité de recourir à l’action revendicative directe pour la défense de leurs intérêts.

La commission prie le gouvernement de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour rendre la législation conforme aux points susmentionnés de la convention et rappelle à nouveau qu’il lui est loisible de faire appel à l’assistance technique du Bureau à cet égard.

En dernier lieu, la commission soulève un certain nombre d’autres points dans le cadre d’une demande adressée directement au gouvernement.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2001.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

Se référant à son observation, la commission prie le gouvernement de fournir un complément d'information sur les points suivants.

1. Article 2 de la convention. a) Dans ses précédents commentaires, la commission notait que plusieurs catégories de travailleurs n'ont pas le droit de se syndiquer soit parce qu'ils ne rentrent pas dans le champ d'application de la loi concernant les syndicats, soit parce que la législation régissant leur statut exclut expressément l'exercice de ce droit en ce qui les concerne. Il s'agissait des catégories suivantes: travailleurs à domicile, personnel privé de sécurité, personnel contractuel, apprentis et travailleurs étrangers. Tout en notant que, selon les indications du gouvernement, les apprentis ne peuvent s'affilier à des syndicats du fait qu'ils sont employés à des fins pédagogiques, dans le cadre de contrats d'apprentissage, la commission doit à nouveau rappeler que cet article de la convention prévoit le droit de se syndiquer pour tous les travailleurs, sans aucune distinction (même en ce qui concerne les apprentis, qui doivent avoir le droit de bénéficier d'une représentation syndicale). Elle prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées afin que les catégories susmentionnées de travailleurs puissent pleinement exercer ce droit.

b) Dans ses précédents commentaires, la commission notait que l'article 22 de la loi concernant les syndicats interdit aux travailleurs d'appartenir à plus d'un syndicat. Tout en notant que, selon les indications données par le gouvernement dans son rapport, cette interdiction d'appartenir à plus d'un syndicat a pour but d'éviter les difficultés et les litiges dans la détermination du syndicat compétent au stade de la négociation au nom des travailleurs dans une entreprise donnée, la commission se doit de rappeler qu'elle a demandé au gouvernement d'envisager des mesures tendant à modifier cette disposition afin que les travailleurs exerçant une activité dans plus d'un secteur professionnel puissent appartenir aux syndicats correspondants s'ils le désirent. Le gouvernement est prié de faire connaître, dans son prochain rapport, tout progrès réalisé à cet égard.

c) Dans ses précédents commentaires, la commission notait que l'article 3 de la loi concernant les syndicats prévoit que ces organisations ne doivent pas être constituées sur une base professionnelle ou sur la base d'un lieu de travail. Tout en notant que, selon les indications du gouvernement, cette disposition a été conçue pour favoriser la création de syndicats forts, la commission se doit de rappeler que le droit de s'affilier à l'organisation de son choix recouvre la détermination du niveau de représentation. Elle exprime l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires afin que l'article 3 de cette loi soit abrogé pour permettre aux travailleurs de se syndiquer au niveau de la profession et du lieu de travail.

2. Article 3. La commission rappelle que ses précédents commentaires visaient un certain nombre de dispositions de la loi concernant les syndicats qui réglementent indûment les affaires internes de ces organisations. Outre celles déjà mentionnées dans son observation, la commission constate que ces restrictions recouvrent aussi bien l'obligation de justifier d'un minimum d'emploi actif avant d'être éligible à une charge syndicale (art. 14) que l'interdiction des stations de radio ou de télévision syndicales (loi no 3984 du 13 avril 1994). Elle exprime l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que ces dispositions soient modifiées afin de permettre aux syndicats d'organiser leur administration et leurs activités et d'élire leurs représentants sans intervention de la part des autorités publiques.

3. Article 5. Dans ses précédents commentaires, la commission soulevait la nécessité de modifier l'article 43 de la loi no 2908 du 4 octobre 1983 concernant les associations, qui oblige une association, sous peine d'emprisonnement, à demander l'autorisation du ministère des Affaires intérieures pour pouvoir inviter un étranger en Turquie ou envoyer un membre d'une association à l'étranger à l'invitation d'une association ou organisation étrangère. La commission note avec intérêt que, selon le rapport du gouvernement, un projet de loi tendant à abroger cette règle a été élaboré et soumis à l'Assemblée nationale. Elle prie le gouvernement de faire état, dans son prochain rapport, des progrès réalisés à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des commentaires formulés par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), le Syndicat des employés du secteur public de l'énergie, des routes, de la construction, des infrastructures, des titres et du cadastre et la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK). Elle prend également note de la déclaration du représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence, en 1997, et de la discussion qui a fait suite.

La commission prend note avec intérêt des modifications apportées à la loi no 2821 sur les syndicats par la loi no 4277 du 26 juin 1997. Elle note en particulier que cette loi abroge certaines dispositions des articles 37, 39, 40 et 59 qui avaient fait l'objet de précédents commentaires concernant l'interdiction de certaines activités politiques pour les syndicalistes; les larges pouvoirs permettant à l'administration de contrôler la comptabilité des syndicats ainsi que l'encaissement et l'utilisation de leur fonds. Elle constate cependant que l'article 37 tel que modifié prévoit toujours que les délégués syndicaux ne peuvent également être candidats lors d'élections administratives locales ou d'élections parlementaires générales, sous peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans (art. 59(6)). La commission se doit de rappeler que c'est la prérogative des organisations de travailleurs et d'employeurs de déterminer les conditions d'élection de leurs dirigeants et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention injustifiée dans l'exercice du droit, pour ces organisations, d'élire leurs représentants en toute liberté, comme prévu à l'article 3 de la convention. Elle prie donc le gouvernement de faire connaître les mesures envisagées afin que cette restriction soit supprimée et que les conditions d'éligibilité à une charge syndicale soient déterminées par les organisations elles-mêmes.

S'agissant du droit, pour les fonctionnaires, de se syndiquer, la commission note que, selon le rapport du gouvernement, un nouvel article a été incorporé à la loi no 657 sur les fonctionnaires au sujet du droit, pour cette catégorie, de constituer des syndicats et des organisations de niveau supérieur et de s'y affilier, conformément aux principes énoncés dans la Constitution et dans la législation pertinente. Le gouvernement ajoute qu'un projet de loi concernant les syndicats de fonctionnaires a été soumis à l'Assemblée nationale, que la discussion générale est achevée, que la moitié des articles proposés a été adoptée mais que, sur les instances des parties d'opposition, le processus législatif est arrêté en attendant la réévaluation et la révision de certains des articles restants. La commission prend également note, à cet égard, des commentaires de la TURK-IS ainsi que du Syndicat des employés du secteur public, de l'énergie, des routes, de la construction, des infrastructures, des titres et du cadastre à l'effet que ce projet de loi va directement à l'encontre de certains principes de la liberté syndicale. Rappelant la nécessité d'adopter une législation reconnaissant pleinement aux fonctionnaires les droits prévus par la convention, la commission prie le gouvernement de communiquer copie, avec son prochain rapport, de la version la plus récente du projet de loi susmentionné, afin de pouvoir en examiner la compatibilité avec la convention.

La commission doit également rappeler ses précédents commentaires concernant les divergences entre la législation et la convention sur les points suivants:

-- les restrictions au droit de grève contenues dans la loi no 2822 du 5 mai 1983 concernant les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out (interdiction des grèves de protestation et de solidarité (art. 54), limitations très importantes des piquets de grève (art. 48), trop long préavis pour déclencher des grèves (art. 27 et 35), restrictions du droit de grève pour les employés des entreprises d'Etat (loi de 1965 sur les fonctionnaires) et sanctions graves pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement pour participation à des grèves qualifiées d'"illégales" sans tenir compte des principes de la liberté syndicale);

-- l'imposition de l'arbitrage obligatoire à la demande de l'une des parties (art. 32 de la loi no 2822) dans de nombreux services qui ne peuvent être considérés comme essentiels au sens strict du terme (art. 29 et 30).

La commission exprime l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires dans un proche avenir afin de modifier cette législation de manière à la rendre plus pleinement conforme à la convention et rappelle qu'il lui est loisible de faire appel à l'assistance technique du BIT dans ce domaine.

En dernier lieu, la commission soulève un certain nombre d'autres points dans le cadre d'une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

Faisant suite à son observation précédente, la commission prie le gouvernement de fournir un complément d'information sur les points suivants:

1. Article 2 de la convention. a) La commission note avec intérêt que l'article 53 de la Constitution a été modifié afin de permettre aux syndicats de fonctionnaires de négocier collectivement. Elle note toutefois à la lecture du rapport du gouvernement que les fonctionnaires ne sont pas inclus dans le champ d'application de l'article 51 de la Constitution, qui concerne le droit de s'organiser, ni par la loi no 2821, qui concerne les syndicats. Le gouvernement indique également dans son rapport qu'un projet de loi réglementant les droits syndicaux des fonctionnaires est actuellement soumis à la Grande Assemblée nationale turque. La commission prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport à quel stade en est ce projet et de communiquer copie de cet instrument dès qu'il aura été adopté.

b) La commission note que plusieurs catégories de travailleurs n'ont pas le droit de se syndiquer soit parce qu'ils sont exclus du champ d'application de la loi concernant les syndicats, soit parce que ce droit leur est explicitement dénié par la législation régissant leur statut. Ces catégories de travailleurs sont: les travailleurs à domicile, le personnel privé de sécurité, les salariés contractuels, les apprentis et les travailleurs étrangers. La commission rappelle que cet article de la convention consacre le droit de se syndiquer pour tous les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte. Elle prie donc le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir que les travailleurs précités bénéficient également de ce droit.

c) La commission note que l'article 22 de la loi concernant les syndicats interdit aux travailleurs de s'affilier à plus d'un syndicat. Le gouvernement est prié d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier cette disposition afin que les travailleurs employés dans plus d'un secteur aient la possibilité de s'affilier, s'ils le désirent, aux syndicats correspondant à leurs activités professionnelles.

d) La commission note que l'article 3 de la loi concernant les syndicats dispose que de telles organisations ne peuvent se constituer sur la base de la profession ou du lieu de travail. La commission rappelle que cet article de la convention prévoit que les travailleurs ont le droit de constituer les organisations de leur choix. Elle prie donc le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour abroger l'article 3 de cette loi afin que les travailleurs aient la possibilité de se syndiquer au niveau de la profession ou du lieu de travail s'ils le désirent.

2. Article 3. a) La commission note que la loi concernant les syndicats comporte un certain nombre de dispositions réglementant certains aspects relevant de la vie interne d'un syndicat qui devraient plutôt être réglementés par les syndicats eux-mêmes. Il s'agit notamment des règles selon lesquelles: une période minimale d'emploi est nécessaire pour être éligible à une fonction syndicale (art. 14); certaines activités politiques restent interdites (art. 37, 39, 58 et 59); l'Etat conserve de vastes pouvoirs quant au contrôle de la comptabilité des syndicats (art. 59(5)) et sur l'encaissement et l'utilisation des fonds (art. 39 et 40); le syndicalisme reste interdit dans les stations de radio et de télévision (loi no 3984 du 13 avril 1994). Le gouvernement est prié d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour abroger ou modifier ces dispositions afin que les syndicats puissent organiser leur administration et leurs activités et élire leur bureau sans ingérence des pouvoirs publics.

b) La commission note que la loi no 2822 du 5 mai 1983 concernant les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out comporte un certain nombre de dispositions restreignant le droit de grève qui ne sont pas conformes aux principes de la liberté syndicale. Ces restrictions concernent: l'interdiction des grèves de protestation et de solidarité (art. 54); sérieuses limitations des piquets de grève (art. 48); les limites rigoureuses s'appliquant aux préavis de grève (art. 27 et 35); la limitation du droit de grève pour les salariés des entreprises d'Etat (loi de 1965 sur les fonctionnaires); l'arbitrage obligatoire à la demande de l'une ou l'autre partie (art. 32) dans de nombreux services ne pouvant être considérés comme essentiels au sens strict du terme (art. 29 et 30). La commission note en outre que de lourdes sanctions, pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement, sont prévues par les articles 72 à 79 de cette loi en cas de participation à des "grèves illégales", dont l'interdiction est contraire aux principes de la liberté syndicale. La commission rappelle que des sanctions pour faits de grève ne devraient être possibles que dans les cas où les interdictions sont conformes aux principes de la liberté syndicale et qu'en outre, si des peines d'emprisonnement sont prononcées, elles doivent être justifiées par la gravité des délits commis. Elle prie donc le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier les dispositions de cette loi concernant les conventions collectives, les grèves et les lock-out afin de la rendre conforme aux principes de la liberté syndicale.

3. Article 5. La commission note que l'article 43 de la loi no 2908 du 4 octobre 1983 concernant les associations prévoit qu'une association, pour pouvoir inviter un étranger en Turquie ou envoyer l'un de ses membres à l'étranger à l'invitation d'une association ou organisation étrangère, doit obtenir, sous peine d'emprisonnement, l'autorisation du ministère de l'Intérieur. La commission considère que cette obligation peut altérer considérablement le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs de s'associer à des organisations internationales. Elle prie donc le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour faire disparaître cette obligation, sauf dans la mesure où elle ne concerne que l'obtention d'un visa de séjour.

4. En dernier lieu, le gouvernement est prié de communiquer, dans son prochain rapport, copie des articles 536 et 537 du Code pénal (en anglais si possible) et de la loi no 3218 sur les zones franches d'exportation.

Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son premier rapport, ainsi que des commentaires adressés par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) dans ses communications datées des 18 février 1994, 4 juillet 1994, 8 juillet 1995 et 17 juin 1996, et par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) dans sa communication datée du 24 février 1995. Elle prend également note de la communication de la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK), jointe au rapport du gouvernement. Enfin, elle note les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 1810 et 1830 (voir 303e rapport du comité, adopté par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996)).

La commission note avec intérêt que l'article 52 de la Constitution, qui interdisait à un syndicat toute activité politique, a été abrogé par la loi no 4121 du 23 juillet 1995 portant modification de la Constitution. Tout en notant que plusieurs autres articles de la Constitution ont été modifiés afin d'assurer un plus grand respect des libertés syndicales (on citera, par exemple, l'abrogation des autres articles interdisant aux syndicats de mener une activité politique (art. 69, 135 et 171) ainsi que la reconnaissance, pour les syndicats de fonctionnaires, du droit de négocier collectivement (art. 53)), la commission constate que certaines divergences persistent, au regard des articles 2 et 3 de la convention, dans la loi no 2821 concernant les syndicats, dans sa teneur modifiée par la loi no 4101 du 4 avril 1995, et dans la loi no 2822 du 5 mai 1983 concernant les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out (par exemple: les fonctionnaires ne sont toujours pas protégés par la loi amendée concernant les syndicats; un grand nombre d'activités politiques sont encore interdites aux termes de la loi concernant les syndicats (art. 37, 39, 58 et 59); et plusieurs dispositions de la loi concernant les conventions collectives du travail limitent le droit de grève en contradiction avec les principes de la liberté syndicale (art. 27, 29, 30, 32, 35, 48, 54 et 72 à 79)). La commission exprime l'espoir que les mesures nécessaires seront prises dans un proche avenir afin de rendre ces lois pleinement conformes aux dispositions de la convention et aux changements récents et importants apportés à la Constitution.

Par ailleurs, la commission considère que la législation syndicale turque est détaillée à l'excès et réglemente plusieurs aspects qui devraient être du ressort des statuts et règlements des organisations de travailleurs et d'employeurs elles-mêmes. Elle exprime donc l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires dans un proche avenir pour simplifier cette législation et laisser à ces organisations une plus grande part d'autonomie dans leurs activités et leur administration.

La commission note avec intérêt que, dans les cas nos 1810 et 1830, le gouvernement a déclaré au Comité de la liberté syndicale qu'il entend poursuivre la réforme de sa législation afin de la rendre conforme à la convention no 87. Elle saisit cette occasion pour lui rappeler qu'il peut recourir s'il le désire à l'assistance technique de l'OIT.

En dernier lieu, la commission soulève un certain nombre d'autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

Par des communications en date du 4 juillet 1994 et du 24 février 1995, la commission avait reçu des observations formulées, respectivement, par la Confédération des syndicats de Turquie (TURK-IS) et la Confédération des syndicats progressistes turcs (DISK) sur l'application de la convention. A cet égard, la commission regrette de constater que le gouvernement n'ait pas répondu à ces observations. La commission a néanmoins reçu au cours de la présente session le premier rapport du gouvernement qu'elle examinera lors de sa prochaine réunion. La commission prie en outre le gouvernement de faire parvenir sans délai ses commentaires sur l'ensemble des observations formulées par la TURK-IS et la DISK.

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