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Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 1949)

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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2023, Publication : 111ème session CIT (2023)

2023-GBR-087-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

1. La commission s’attend à ce que l’enquête soit conclue dans un avenir très proche et prie le gouvernement de fournir des informations sur les conclusions auxquelles il sera parvenu en ce qui concerne les allégations susmentionnées.

Les enquêtes concernant l’institution dénommée Enquête sur les opérations policières secrètes sont en cours et il ne serait donc pas approprié que le gouvernement fasse d’autres commentaires à ce stade. L’enquête publiera son rapport intérimaire pour la Tranche 1, les trois premières séries d’auditions de témoins, le 29 juin 2023. Des informations détaillées concernant l’approche et les plans de l’enquête, y compris les résumés des auditions de témoins et un calendrier des étapes prévues, sont disponibles sur son site Web.

2. Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes. La commission espère que ce travail sera achevé sans plus tarder et que le gouvernement fournira des informations à ce sujet dans son prochain rapport.

Le gouvernement est sur le point d’achever son examen des recommandations de Sir Ken Knight sur le vote électronique pour les scrutins organisés pour la tenue d’une grève et y répondra en temps voulu. Nous ne sommes pas en mesure de fournir davantage de précisions à la commission à ce stade, avant d’avoir finalisé notre examen et la réponse à y apporter.

3. La commission prie instamment le gouvernement de revoir sans plus tarder avec les partenaires sociaux l’article 3 de la loi sur les syndicats afin de garantir que l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs n’est pas requis pour un scrutin de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports.

Le gouvernement a l’intention d’entamer prochainement la révision de la loi sur les syndicats. Il s’agira notamment de revoir les seuils de participation aux scrutins. La révision de la loi prendra en compte les points de vue des partenaires sociaux. Nous prévoyons que cette révision sera achevée à temps pour le prochain rapport soumis par le Royaume-Uni à l’OIT.

4. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur l’application de cette notification à la police dans la pratique, y compris sur toute plainte déposée en rapport avec les informations traitées ou leurs effets sur les activités syndicales légales, et toute information sur l’inscription sur une liste noire de personnes participant à des piquets de grève légaux. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les restrictions supplémentaires prévues, le cas échéant.

Le gouvernement réitère sa réponse de l’année dernière. Le gouvernement a l’intention de commencer prochainement l’examen de la loi sur les syndicats, qui devrait être achevé à temps pour le prochain rapport du Royaume-Uni à l’OIT. La révision de la loi prendra en compte les points de vue des partenaires sociaux. Les questions posées par la commission seront examinées dans le cadre de cette révision. Le gouvernement souhaite souligner que l’établissement de listes noires est totalement inacceptable et n’a pas sa place aujourd’hui dans les relations de travail au Royaume-Uni. Le règlement de 2010 (listes noires) de la loi de 1999 sur les relations d’emploi interdit à toute personne ou organisation d’établir, de vendre ou d’utiliser des listes noires de membres d’un syndicat ou de personnes ayant pris part à des activités syndicales.

5. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires sur les observations de la Confédération des syndicats (TUC), ainsi que des informations détaillées sur la réforme mise en œuvre en ce qui concerne les nouveaux pouvoirs d’enquête de l’autorité chargée de l’enregistrement, les sanctions financières qui peuvent être imposées, le montant de toutes les sanctions qui ont été imposées depuis avril 2022, et le plafond du prélèvement instauré.

Réformes relatives à l’autorité chargée de l’enregistrement: le gouvernement a mis en œuvre les réformes de l’autorité chargée de l’enregistrement en avril 2022. Ces réformes comportaient les trois aspects suivants:

Renforcement des pouvoirs d’enquête: jusqu’en avril 2022, l’autorité chargée de l’enregistrement ne pouvait mener des enquêtes qu’à la suite d’une plainte déposée par un membre d’un syndicat. Depuis avril 2022, cette autorité dispose de pouvoirs d’enquête supplémentaires en ce qui concerne les fonds politiques, les fusions de syndicats, les élections des instances dirigeantes de ces derniers et la nomination ou la non-révocation d’une personne ayant été condamnée pour certains délits financiers. L’autorité chargée de l’enregistrement a désormais le pouvoir de nommer un inspecteur et de demander des documents et des informations. Elle peut également enquêter sans qu’une plainte officielle ait été déposée, y compris en réponse à des informations et à des préoccupations soulevées par un tiers.

Il existe d’importantes mesures de sauvegarde. En vertu de la loi sur les syndicats, l’autorité chargée de l’enregistrement ne pourra demander la production de documents que si elle a de bonnes raisons de le faire et ne pourra nommer un inspecteur que si un critère plus strict a été rempli, à savoir que l’autorité chargée de l’enregistrement doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’un syndicat n’a pas respecté une obligation légale. En tant qu’autorité publique, l’autorité chargée de l’enregistrement est tenue d’agir raisonnablement. Lorsque les allégations de tiers sont sans fondement ou abusives, le gouvernement ne s’attend pas à ce que l’autorité chargée de l’enregistrement y consacre beaucoup de temps. L’autorité chargée de l’enregistrement devra également donner au syndicat la possibilité de présenter des observations avant de prendre des mesures d’application.

Bien que le gouvernement s’attende à ce que les syndicats coopèrent naturellement aux enquêtes de l’autorité chargée de l’enregistrement, si un syndicat estime qu’une demande de documents est déraisonnable ou que l’autorité chargée de l’enregistrement agit de manière déraisonnable, il peut contester le processus d’enquête en demandant une révision judiciaire. En revanche, si l’autorité chargée de l’enregistrement doit faire appliquer une demande de documents, etc., elle devra démontrer au tribunal qu’elle a agi de manière raisonnable.

Sanctions financières: dans la mesure où l’autorité chargée de l’enregistrement a le pouvoir d’émettre des mises en demeure, elle peut désormais imposer des sanctions financières et des sanctions financières conditionnelles. Les montants des sanctions financières sont précisés dans les règlements, dans les limites maximales (20 000 livres sterling) et minimales (200 livres sterling), fixées dans le corps de la loi.

Les règlements répartissent les obligations légales imposées aux syndicats en trois grands groupes, en fonction de l’importance de l’obligation, et fixent la sanction financière maximale pouvant être imposée pour chaque groupe. La sanction financière minimale pour tous les groupes est de 200 livres sterling. L’autorité chargée de l’enregistrement peut fixer la sanction à l’intérieur de ces limites en fonction des circonstances.

Les sanctions financières de «niveau 1» concernent les obligations relatives au financement politique, à la gestion des fonds politiques, à la bonne conduite des élections syndicales et aux considérations tenant au caractère personnel (par exemple, veiller à ce qu’aucune personne ayant un casier judiciaire n’occupe un poste syndical de rang élevé). La sanction financière maximale pour le niveau 1 est fixée à 20 000 livres sterling.

Les sanctions financières de «niveau 2» concernent l’obligation de tenir à jour le registre des membres d’un syndicat. La sanction financière maximale pour le niveau 2 est fixée à 10 000 livres sterling.

Les sanctions financières de « niveau 3» concernent l’obligation pour les syndicats de se conformer à la demande d’accès d’un membre aux documents comptables, de fournir, dans leur rapport annuel, les informations requises à l’autorité chargée de l’enregistrement, ou de se conformer aux exigences en matière d’enquête. La sanction financière maximale pour le niveau 3 est fixée à 5 000 livres sterling.

Pour chaque groupe, les règlements prévoient de réduire de moitié la sanction maximale pour les syndicats dont le nombre d’adhérents est inférieur à 100 000. Si une sanction financière est imposée à une organisation (par exemple pour ne pas avoir respecté les exigences en matière d’enquête), la sanction maximale est fixée à 1 000 livres sterling.

Une organisation peut faire appel d’une décision exécutoire de l’autorité chargée de l’enregistrement devant le tribunal d’appel de l’emploi. La loi sur les syndicats de 2016 prévoit également un contrôle judiciaire accru des décisions de l’autorité chargée de l’enregistrement, en autorisant les appels sur des points de fait et de droit et, surtout, quant au caractère raisonnable de toute sanction financière imposée.

L’autorité chargée de l’enregistrement a confirmé qu’au moment de la rédaction du présent document, aucune sanction financière n’avait été imposée en vertu de ses nouveaux pouvoirs d’exécution.

Taxe: l’introduction d’une taxe alignera les pouvoirs de l’autorité chargée de l’enregistrement sur ceux d’autres organismes de réglementation, tels que l’autorité de contrôle des pensions et l’arbitre chargé d’appliquer le code des pratiques de l’approvisionnement alimentaire. Le gouvernement a pris des mesures pour veiller à ce que la taxe soit équitable et abordable. Il a notamment prévu d’exempter totalement de la taxe les organisations à faible revenu et de veiller à ce qu’aucune organisation ne paie plus de 2,5 pour cent de ses revenus. Dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement, le gouvernement a décidé qu’il continuerait également à financer les coûts variables de l’autorité chargée de l’enregistrement, garantissant ainsi la stabilité du prélèvement. Cela aidera les syndicats à budgétiser le prélèvement en évitant des hausses importantes et imprévues.

Le règlement relatif au prélèvement de la taxe prévoit qu’une organisation est tenue de la payer dès réception d’un avis de l’autorité chargée de l’enregistrement. Il précise la date à laquelle l’avis annuel peut être émis, la date à partir de laquelle une nouvelle organisation peut être considérée comme faisant partie du champ d’application de la taxe, et les informations que l’autorité chargée de l’enregistrement doit inclure dans l’avis.

Il précise les dépenses que l’autorité chargée de l’enregistrement peut recouvrer au titre de la taxe. Les frais liés à des inspecteurs externes ou des conseils juridiques externes sont exclus (et continueront donc à être financés par le gouvernement). Les dépenses prévues ou réelles peuvent être prises en compte dans le calcul de la taxe, à condition qu’elles se rapportent à l’exercice financier auquel la taxe se rapporte.

Le règlement fixe les règles selon lesquelles l’autorité chargée de l’enregistrement doit fixer les montants spécifiques prélevés. Le règlement prévoit ce qui suit.

L’autorité chargée de l’enregistrement doit veiller à ce que le montant total prélevé au cours d’une période de trois ans n’excède pas les dépenses réelles.

Elle doit veiller à ce que le montant total de la taxe que doit payer une catégorie d’organisations (syndicat fédéré, syndicat non fédéré, association des employeurs fédérée, association des employeurs non fédérée) reflète largement le coût des fonctions utilisées par chaque catégorie. En effet, les fonctions de l’autorité chargée de l’enregistrement sont centrées sur différentes catégories d’organisations (par exemple, les enquêtes ne concernent actuellement que les syndicats non fédérés, tandis que l’administration des déclarations annuelles couvre toutes les organisations). Dans la pratique, l’autorité chargée de l’enregistrement pourra combiner plusieurs catégories si elles utilisent globalement les mêmes fonctions.

Pour chaque catégorie d’organisation, le règlement prévoit que l’autorité chargée de l’enregistrement doit viser à définir des organisations exonérées de la taxe, puis deux niveaux de taxe. De cette manière, l’autorité chargée de l’enregistrement établira trois tranches de revenus pour chaque catégorie (ou combinaison de catégories): les organisations à faible revenu qui sont exemptées de la taxe, les organisations qui paieront un certain niveau de taxe, et les organisations à revenu plus élevé qui paieront une taxe plus élevée. Le règlement prévoit une autre tranche de revenus pour les syndicats afin de tenir compte des services supplémentaires fournis par l’autorité chargée de l’enregistrement. Des informations détaillées sur la manière dont la taxe doit être calculée par l’autorité chargée de l’enregistrement figurent dans la règlementation sur les syndicats de 2022 (taxe à payer à l’autorité chargée de l’enregistrement).

Aucune organisation ne peut payer plus de 2,5 pour cent de ses revenus.

Il appartient à l’autorité chargée de l’enregistrement, à l’organisme de réglementation des syndicats et aux associations d’employeurs, de fixer les montants de la taxe et les tranches de revenus dans le cadre du règlement sur la taxe relative à l’autorité chargée de l’enregistrement.

L’autorité chargée de l’enregistrement a récemment publié un avis de prélèvement qui concerne la première période de prélèvement, allant du 1er avril 2022 au 31 mars 2023. Au cours de cette période, les dépenses éligibles de l’autorité chargée de l’enregistrement se sont élevées à 656 672 livres sterling. L’avis fixe les montants à payer comme suit:

- Tous les syndicats, syndicats fédérés et associations d’employeurs dont le revenu annuel est inférieur à 81 574 livres sterling sont dispensés du paiement de la taxe.

- Toute organisation ayant un revenu supérieur à 81 574 livres sterling sera redevable de la taxe de base de 2 039,35 livres sterling.

- Tous les syndicats (à l’exception des trois syndicats fédérés) dont les revenus dépassent 191 019 livres sterling seront également redevables de la taxe supplémentaire de 2 736,13 livres sterling par organisation, ce qui signifie que les syndicats soumis à la taxe de base et à la taxe supplémentaire paieront un total de 4 775,48 livres sterling.

- Les associations d’employeurs et les syndicats fédérés dont les revenus sont supérieurs à 151 657 livres sterling et les syndicats dont les revenus sont supérieurs à 261 103 livres sterling seront également redevables de la taxe majorée de 1 752,08 livres sterling. Cela signifie que les syndicats qui paient la taxe de base, la taxe supplémentaire et la taxe majorée devront s’acquitter d’un total de 6 527,56 livres sterling. Les associations d’employeurs et les syndicats fédérés qui paient la taxe de base et la taxe majorée devront s’acquitter d’un montant total de 3 791,43 livres sterling.

Discussion par la commission

Président – Le troisième et dernier cas inscrit à notre ordre du jour aujourd’hui est celui du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Plus de 17 délégués sont inscrits sur la liste des orateurs; par conséquent, la réduction du temps de parole de cinq à trois minutes s’appliquera aux délégués concernés. J’invite désormais la représentante gouvernementale du Royaume-Uni à prendre la parole.

Représentante gouvernementale – Au nom du gouvernement de Sa Majesté, j’ai le plaisir de présenter la réponse formelle de la Grande-Bretagne à la commission au sujet de la convention nº 87.

Pour commencer, laissez-moi réaffirmer l’engagement du Royaume-Uni dans ce processus. J’aimerais remercier la commission d’experts de son examen attentif de notre législation en lien avec la convention. En tant que nation engagée en faveur de la promotion et de l’amélioration des normes internationales du travail aux niveaux national et mondial, le Royaume-Uni attache une grande valeur au rôle de l’OIT. Très récemment, par exemple, nous avons ouvert la voie lors de la négociation concernant la convention (no 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, et de sa ratification – le premier traité international reconnaissant le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement. La protection et le renforcement des droits des travailleurs, en parallèle du soutien à la croissance des entreprises, tout en tenant compte des intérêts du grand public, sont des priorités de ce gouvernement. Nous recherchons le juste équilibre entre les droits des travailleurs et des syndicats d’une part, et ceux des employeurs et des membres du public d’autre part. Il s’agit d’un principe bien intégré et conforme aux conventions internationales.

Le Royaume-Uni est convaincu que les réformes équilibrées entreprises au titre de la loi sur les syndicats de 2016 sont conformes à ses obligations internationales en matière de droits syndicaux. En particulier, notre introduction de seuils de participation aux scrutins, qui nécessite l’appui d’au moins 40 pour cent des travailleurs pour faire grève dans des services publics importants, répond au fait que l’action syndicale a des répercussions sur une grande part de la population qui n’a pas son mot à dire lors de scrutins de grève et n’est pas concernée par le conflit du travail en question. Le Royaume-Uni cherche à équilibrer les droits des personnes qui entreprennent une action syndicale et les droits de celles et ceux qui en subissent les conséquences. La loi sur les syndicats vise à moderniser les relations professionnelles tout en favorisant une approche plus efficace et collaborative de la résolution des conflits du travail.

Les conséquences pour le public étant importantes en cas d’action syndicale portant atteinte aux services publics, la loi sur les syndicats établit que les grèves dans les «services publics importants» spécifiés nécessitent l’appui d’au moins 40 pour cent des personnes votantes, ainsi qu’un taux de participation de 50 pour cent au scrutin de grève. Le but est de s’assurer que, là où elle est organisée, l’action syndicale bénéficie de la légitimité démocratique nécessaire et qu’elle est clairement soutenue par les membres des syndicats.

La loi sur les syndicats ne vise pas à interdire l’action syndicale et, de fait, ne l’empêche pas. Elle veille plutôt à ce que cette action bénéficie d’un niveau raisonnable de participation et d’appui, au bénéfice des syndicalistes, des employeurs et du grand public. Nous nous félicitons d’avoir la possibilité de répondre aux questions soulevées dans les observations de la commission d’experts et allons maintenant les aborder l’une après l’autre.

Premièrement, la commission d’experts a donné suite à sa précédente demande priant le gouvernement de commenter les allégations relatives à la surveillance policière des syndicats. L’enquête sur les opérations policières secrètes est en cours, et il ne serait donc pas approprié que le gouvernement fasse d’autres commentaires à ce stade. Le rapport intérimaire pour la tranche 1 de l’enquête sera publié plus tard dans le mois, le 29 juin 2023.

Deuxièmement, la commission d’experts avait antérieurement demandé une mise à jour sur les mesures prises pour faciliter le vote électronique. Si le Royaume-Uni avait exprimé son accord de principe avec le concept de vote électronique, il est cependant préoccupé par certains aspects pratiques. Nous devons avoir l’assurance que toute méthode de vote électronique garantit aux personnes ayant le droit de voter la possibilité de le faire, que les votes exprimés sont secrets et protégés et que le risque d’intimidation, d’injustice ou de fraude est limité. Le Royaume-Uni a mis en place un examen indépendant du vote électronique pour les scrutins organisés en vue de la tenue d’une grève. Nous avons consulté un groupe d’experts et organisé une table ronde avec les syndicats à la suite de l’examen du 23 janvier 2020 afin d’avoir leurs points de vue sur les recommandations issues de l’examen indépendant. Le Royaume-Uni est sur le point d’achever son examen de ces recommandations et répondra en temps voulu. Je présente par conséquent mes excuses, puisque à ce stade je ne suis pas en mesure de fournir davantage de précisions à la commission.

Troisièmement, je peux confirmer que le Royaume-Uni a l’intention d’entamer prochainement la révision de la loi sur les syndicats. Il s’agira notamment de revoir les seuils de participation aux scrutins. Cette révision prendra en compte les résultats des consultations avec les partenaires sociaux. Nous prévoyons qu’elle sera achevée à temps pour le prochain rapport du Royaume-Uni à l’OIT.

Quatrièmement, j’aimerais souligner que le Royaume-Uni est intimement convaincu que l’établissement de listes noires est totalement inacceptable et n’a pas sa place aujourd’hui dans les relations de travail. Le règlement de 2010 sur les listes noires interdit à toute personne ou organisation d’établir, de vendre ou d’utiliser des listes noires de membres d’un syndicat ou de personnes ayant pris part à des activités syndicales. Dans le cadre de la révision de la loi sur les syndicats, un examen des exigences en matière de piquets de grève sera mené sous peu. Je suis en mesure de confirmer que les questions posées par la commission d’experts seront prises en compte dans cette révision, qui devrait être achevée à temps pour le prochain rapport du Royaume-Uni à l’OIT.

Enfin, en avril 2022, le Royaume-Uni a mis en œuvre des réformes en ce qui concerne les pouvoirs conférés à l’autorité chargée de l’enregistrement, qui est l’organisme de réglementation des syndicats et des associations d’employeurs. Les réformes lui confèrent des pouvoirs d’enquête et d’exécution comparables à ceux d’autres organismes de réglementation. Elles ont également introduit une taxe partielle pour faire en sorte que les contribuables n’aient pas à payer intégralement la note de la réglementation des syndicats et des associations d’employeurs. Nous sommes convaincus que ces réformes sont conformes à nos obligations internationales, et nous sommes conscients que certains détails sont complexes et techniques, raison pour laquelle nous avons récemment fourni des renseignements détaillés à la commission d’experts.

Pour conclure, le Royaume-Uni est certain que les dispositions de la loi sur les syndicats poursuivent une approche équilibrée et sont raisonnables et proportionnées. La loi atteint un juste équilibre entre les droits des syndicats et leurs responsabilités et modernise la loi sur les syndicats à l’avantage de tous. Nous nous réjouissons d’entendre les points de vue des autres gouvernements, ainsi que ceux des travailleurs et des employeurs du Royaume-Uni et des autres pays pendant cette session. Je conclus mes remarques liminaires à ce stade.

Membres travailleurs – En cette 75e année d’existence de la convention, il convient de noter que le Royaume-Uni a été le premier État Membre de l’OIT à la ratifier et que notre commission s’est penchée sur son application par le Royaume-Uni en 2016 pour la dernière fois.

Aucune amélioration significative n’a été enregistrée depuis. On assiste au contraire à un déclin marqué depuis lors, ce qui soulève de graves inquiétudes. Si le gouvernement a fourni à la commission d’experts des informations sur les pouvoirs d’investigation secrète de la police, ainsi que des détails concernant les audits et les enquêtes en cours, il n’a pas commenté les allégations spécifiques formulées par la Confédération des syndicats (TUC) relatives à la surveillance policière des syndicats et des syndicalistes. Comme le montrent les propres registres de la police métropolitaine, le Royaume-Uni a derrière lui un long passé de surveillance secrète des syndicats, et cette raison justifie à elle seule que le gouvernement doit répondre intégralement aux préoccupations formulées par la TUC.

S’agissant du vote électronique pour la tenue d’une grève, nous regrettons qu’aucun progrès n’ait été fait depuis notre dernière discussion en 2016. Les syndicats ont interdiction d’utiliser tout autre moyen que le vote par correspondance, comme le vote sur le lieu de travail ou le vote électronique, cela malgré le fait qu’ils utilisent de plus en plus la technologie du vote électronique pour des votes indicatifs, par exemple au sujet des plaintes concernant la rémunération. Six ans après un examen du vote électronique qui recommandait comme première étape la mise en place de pilotes, aucune réponse formelle n’a été apportée.

Le fait que les syndicats doivent prévenir d’un vote sept jours à l’avance et passent ensuite du temps à organiser un vote par correspondance donne aux employeurs énormément de temps pour prendre des mesures en vue de limiter l’impact d’une action syndicale, et nous comprenons que les ministres proposent désormais l’ajout de dispositions procédurales qui entraveraient encore davantage la capacité des syndicats à mener à bien une telle action. Peut-on concevoir qu’en 2023 les syndicats n’aient d’autre option que le vote par correspondance ?

En ce qui concerne la loi sur les syndicats, nous regrettons profondément que le gouvernement n’ait pas révisé l’article 3 de la loi pour faire en sorte que l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs ne soit pas requis pour un scrutin de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports, qui constituent, bien entendu, des secteurs non essentiels au sens strict du terme. Non seulement le gouvernement a ignoré la commission d’experts, mais les ministres ont également fait part de leur intention de relever le seuil de 40 pour cent à 50 pour cent et de l’étendre à tous les secteurs.

Concernant les piquets de grève, le gouvernement n’a pas fourni, cette fois non plus, les informations demandées par la commission d’experts. Les exigences en matière de piquet de grève énoncées dans la loi sur les syndicats sont discriminantes, dans la mesure où elles imposent aux syndicats des obligations que d’autres organisations n’ont pas à remplir. En particulier, il est demandé aux syndicats de déclarer l’identité et les coordonnées des militants à la police, ce qui peut les exposer à l’établissement de listes noires. Au vu des antécédents en matière d’établissement de telles listes au Royaume-Uni, le risque reste significatif, et nous sommes également préoccupés par les projets annoncés par les ministres d’ajouter des restrictions à l’organisation de piquets de grève en limitant à six le nombre de piquets à des points d’«infrastructures nationales critiques». Tout cela alors que l’on a imposé des restrictions juridiques supplémentaires au droit de manifester. Ces restrictions de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et de la liberté syndicale sont, à tout le moins, excessives.

Au sujet des pouvoirs de l’autorité chargée de l’enregistrement, qui est responsable des fonctions conférées aux syndicats et aux organisations d’employeurs, le gouvernement n’a toujours pas examiné l’impact de ces dispositions avec les partenaires sociaux, comme l’a demandé la commission d’experts. Non seulement cet examen n’a pas eu lieu avec les partenaires sociaux en 2021, mais l’autorité chargée de l’enregistrement s’est également vu confier des pouvoirs supplémentaires. Ces nouveaux pouvoirs pourraient à terme contraindre les syndicats à répondre aux plaintes soumises par des employeurs ou par des groupes militants hostiles, en particulier lors de conflits du travail. Les nouveaux pouvoirs d’enquête permettront également à l’autorité chargée de l’enregistrement de réclamer des documents contenant des renseignements sensibles sur la base de critères bien minces.

La protection des syndicalistes qui entreprennent une action revendicative légale est limitée à douze semaines, sans garantie de réintégration ni interdiction concernant l’embauche de travailleurs remplaçants. Malgré une demande explicite de la commission d’experts, le gouvernement n’a pas révisé les articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats. Pour comble d’insulte, le gouvernement a adopté l’an dernier une loi permettant aux entreprises de travail temporaire de fournir des intérimaires en remplacement des travailleurs menant une action syndicale dans des secteurs non essentiels, renversant ainsi une pratique interdite depuis 1973.

Il convient de noter que les entreprises de travail temporaire comme les syndicats ont contesté cette modification. Il n’existe tout simplement pas de raison valable de lever l’interdiction d’avoir recours à des intérimaires comme briseurs de grève. Le fait de l’autoriser pourrait n’avoir d’autre but que d’affaiblir les travailleurs et de les empêcher d’exercer leur droit à l’action. Cela rendrait également infiniment plus compliqué pour les parties à un conflit de régler leurs différends et créerait du ressentiment parmi les travailleurs, qui perdurerait longtemps après la fin du conflit. Cela placerait aussi les travailleurs intérimaires dans une position délicate, sinon intenable.

Comme si les restrictions actuelles ne suffisaient pas, une loi réclamant le maintien d’un service minimum dans certains secteurs en en train d’être débattue au Parlement. La loi sur le service minimum couvre la même liste que la loi sur les syndicats, correspondant aux services publics importants. Cette loi donne à un secrétaire d’État le pouvoir illimité de déterminer ce que devrait être un service minimum dans ces secteurs et, par conséquent, les circonstances dans lesquelles les travailleurs concernés peuvent exercer leur droit de grève et dans quelle mesure. Si une grève a lieu, un employeur aura le pouvoir de réquisitionner des travailleurs et de publier des ordres de retour au travail. La loi supprimerait également d’importantes protections pour les travailleurs eux-mêmes, les exposant au risque de licenciement et de victimisation.

Il sera également demandé aux syndicats de prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que les travailleurs respectent l’avis de travail. Cela signifie que les syndicats devront prendre des mesures pour saper leurs propres actions, sans parler des secteurs comme celui du transport ferroviaire où la plupart des travailleurs comptent parmi leurs missions des éléments de sûreté critiques et où la fourniture des services repose sur une étroite collaboration au sein des équipes. Le fait de forcer les employés à choisir entre franchir les piquets de grève ou être licenciés augmentera les risques, car une main-d’œuvre qui dépend de la coopération pour travailler en toute sécurité pourrait se retrouver démoralisée et divisée.

Enfin, nous notons également les sérieuses inquiétudes formulées par la TUC concernant le caractère inapproprié des mécanismes compensatoires en place pour les travailleurs pénitentiaires et le déni d’accès aux syndicats par des entreprises de secteurs tels que celui de l’hôtellerie, qui sape le droit syndical inscrit dans la convention.

Nous exhortons le gouvernement à arrêter l’introduction de la nouvelle législation antisyndicats et à réviser sans délai et de façon approfondie sa loi avec l’appui technique de l’OIT, afin de s’assurer du respect entier du droit à la liberté syndicale et du droit syndical au titre de la convention. Comme je l’ai dit précédemment, le premier pays à avoir ratifié cette convention était le Royaume-Uni; un comportement exemplaire de sa part serait donc bienvenu.

Membres employeurs – Les membres employeurs soulignent l’importance pour les États de respecter la convention, qui, comme nous le savons, est l’une des dix conventions fondamentales.

Le Royaume-Uni, comme nous venons de l’entendre, a été le premier pays à la ratifier en 1949. Nous observons que, jusqu’à présent, la commission d’experts a fourni 21 observations depuis 1989. C’est aujourd’hui la dixième fois que la commission se penche sur l’application de la convention par le gouvernement du Royaume-Uni, le dernier examen ayant eu lieu en 2016. Depuis la dernière discussion de la commission, le gouvernement a connu plusieurs changements à sa tête, ce qui n’est pas toujours favorable à la stabilité systémique. Néanmoins, le Royaume-Uni a depuis longtemps mis en place des cadres adéquats qui permettent de gérer les questions couvertes par la convention. En ce qui concerne ce cas, il existe plusieurs problèmes techniques.

Dans son rapport de 2023, la commission d’experts a de nouveau demandé au gouvernement de revoir l’article 3 de la loi sur les syndicats avec les partenaires sociaux afin de garantir que l’exigence de l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs pour les scrutins de grève ne s’applique pas dans les secteurs de l’éducation et des transports. Nous notons que le gouvernement a fourni des informations écrites indiquant son intention de réviser la loi avec les partenaires sociaux à l’avenir concernant les seuils de participation aux scrutins. Nous engageons instamment le gouvernement à mener à bien ce travail sans plus attendre.

De la même manière, nous insistons auprès du gouvernement pour qu’il aboutisse à l’application des recommandations découlant de l’examen relatif au vote électronique mené en 2017. Bien que le gouvernement assure que des consultations ont été menées avec des experts et des syndicats au sujet des recommandations, peu d’avancées sont à constater par ailleurs. Le gouvernement a indiqué qu’il fournirait des détails lorsqu’il aura terminé d’examiner les recommandations. Ces renseignements devraient être transmis dès que possible.

L’année dernière, la commission d’experts a demandé au gouvernement de fournir des informations sur la pratique consistant à notifier à la police l’identité des militants, les détails de toute réclamation que pourrait susciter le traitement de cette information ou de son impact sur les grèves légales et des informations sur l’inscription sur des listes noires des personnes ayant participé à des piquets de grève légaux. Les membres employeurs prennent note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi sur les syndicats, y compris les dispositions relatives aux exigences en matière de piquets de grève, sera révisée à l’avenir, en tenant compte des commentaires de la commission d’experts. Les membres employeurs reprennent cette demande à leur compte et demandent au gouvernement de fournir des informations quant aux allégations de la TUC sur l’avancement de cette révision et d’indiquer si des restrictions supplémentaires sont prévues ou non.

Sur un plan plus général, permettez-moi de préciser ce qu’indique l’article 3 de la convention:

«Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action.

Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal».

Il s’agit de l’élément le plus important de la convention, et c’est lui qui sous-tend tous les droits qui en découlent. Cependant, comme pour ce qui concerne le reste des observations dans la mesure où elles touchent le droit de grève, nous vous rappelons que les employeurs et de nombreux gouvernements, y compris ceux qui siègent au Conseil d’administration, ont déclaré à de nombreuses reprises que le droit de grève n’est pas réglementé dans la convention et ne relève pas des obligations qui en découlent. Dans ce contexte, nous souhaitons simplement indiquer que le gouvernement n’est en réalité pas obligé de prendre les mesures requises par la commission d’experts qui ne sont pas appuyées par les dispositions des conventions qu’il a ratifiées. Cela étant dit, il n’y a rien de problématique à ce que le gouvernement révise ses propres politiques sur ces questions, mais tout travail de ce type devrait être mené par le biais du dialogue social avec les partenaires sociaux.

Membre employeur, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – Les employeurs britanniques prennent note des multiples problèmes qui ont été soulevés concernant ce cas, à la fois par la commission d’experts et par les membres travailleurs. Au contraire de nombreux cas entendus par la commission, il semble ici s’agir d’un effort pour encourager la commission à tirer des conclusions générales sur la pratique de la liberté syndicale au Royaume-Uni, en s’appuyant sur un large éventail d’observations plutôt que sur une plainte spécifique. Il ne s’agit pas d’une critique, mais cela complexifie le travail de la commission et soulève la perspective que le mécanisme de contrôle puisse être appliqué dans divers domaines où la situation peut être différente.

En gardant cette mise en garde à l’esprit, nous souhaitons formuler les observations suivantes – commençons par le plus évident. Les syndicats sont reconnus comme étant légaux au Royaume-Uni depuis plus de cent cinquante ans. Comme cela a déjà été remarqué, la ratification de la convention n’a pas posé de problème au Royaume-Uni. Le pays dispose d’un mouvement syndical solide et libre, ainsi que de cadres qui lui permettent de respecter les aspects couverts dans les articles de la convention.

Nous observons également que les syndicats gagnent en importance dans notre débat national sur le coût de la vie. Par conséquent, la position essentielle des employeurs du pays est qu’il n’existe pas de problème fondamental concernant l’application de la convention au Royaume-Uni. Nous estimons cependant que certains points particuliers du cas méritent d’être examinés, sur lesquels nous reviendrons plus tard. Avant cela, nous souhaitons rappeler les discussions qui ont eu lieu ces dernières années sur la question des observations formulées par la commission d’experts concernant le droit de grève dans le contexte de la convention. Il n’est pas nécessaire de les répéter en détail, aussi nous nous limiterons aux points suivants:

- Il n’y a toujours pas de consensus quant au fait que la convention inclut ou non le droit de grève. La position des membres employeurs à cet égard est bien connue, et nous souscrivons à celle que vient d’exprimer le vice-président employeur, en particulier en ce qui concerne les conclusions de cette commission.

- Nous soutenons le consensus entre les partenaires sociaux, tel qu’exprimé dans leur déclaration conjointe de février 2015, selon laquelle «[l]es mandants de l’Organisation internationale du Travail reconnaissent aux travailleurs et aux employeurs le droit de mener des actions collectives pour défendre leurs intérêts professionnels légitimes».

- La position de nombreuses personnes au sein du groupe gouvernemental est que le droit de grève doit être réglementé au niveau national. Nous sommes d’accord et nous notons que la réglementation nationale de ce droit au niveau au Royaume-Uni n’a pas empêché que l’on y enregistre l’année dernière le plus grand nombre de jours de grève de ces trente dernières années.

- Nous exprimons à nouveau notre préoccupation quant au fait que la commission d’experts continue de formuler des observations sur le droit de grève dans le cadre de la convention et demandons instamment à la commission d’experts de réfléchir aux tensions que ces observations continuent de créer, étant donné que cela a amené le Conseil d’administration à examiner un nouveau paragraphe 1 de l’article 37 de la Constitution de l’OIT concernant la procédure de renvoi pour trancher la question de façon définitive.

Le travail de la Commission de l’application des normes de la Conférence est le point culminant des mécanismes de contrôle de l’OIT. Nous sommes d’avis qu’il est extrêmement important que la commission d’experts, les partenaires sociaux et les gouvernements continuent d’affirmer ce rôle et de prendre des mesures afin qu’il ne soit pas remplacé par le renvoi devant la Cour internationale de Justice.

Nous attirons l’attention des membres de la commission sur les commentaires formulés par son vice-président employeur d’alors au paragraphe 20 du rapport général. Nous nous associons à ce point de vue et soulignons l’importance de ne pas créer de nouvelles obligations qui ne sont pas reflétées dans le texte des conventions. Nous considérons que les éléments de ce cas relatifs à l’existence de seuils de participation aux scrutins et au vote électronique en vue d’actions syndicales relèvent du droit de grève, et nous nous attendons à ce que cette commission ne parvienne à aucune conclusion sur ces questions qui soit conforme à la convention.

Mais je passe maintenant à des questions plus spécifiquement liées à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical telles que décrites dans la convention. Comme notre collègue travailleur du Royaume-Uni, nous convenons que la réglementation des syndicats et des organisations d’employeurs par les gouvernements doit être équilibrée. Nous notons avec intérêt les points qui ont été soulevés par les membres travailleurs au sujet de la surveillance des syndicats et du lien potentiel avec des lois plus récentes concernant les manifestations. Nous estimons qu’il serait bon que le gouvernement fournisse davantage d’informations sur ces questions – et qu’il fasse notamment rapport des résultats de toute révision en temps voulu.

De la même manière, un certain nombre de points soulevés dans les observations de la commission d’experts reflètent l’inquiétude que le gouvernement soit trop ambitieux en tentant de réglementer les associations – ici, de travailleurs, mais on pourrait en dire autant des organisations d’employeurs. Nous observons l’absence de progrès sur les décisions relatives au vote électronique pour les élections internes aux syndicats, ainsi que la préoccupation exprimée au sujet du champ des pouvoirs confiés à l’autorité chargée de l’enregistrement. Ces deux domaines pourraient bénéficier de discussions plus poussées avec les partenaires sociaux au niveau national, ainsi que de l’établissement de rapports soumis par le gouvernement aux organes de contrôle de l’OIT. Dans ces deux domaines, nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec la position de nos collègues travailleurs du Royaume-Uni, mais ils justifient pleinement des discussions avec les partenaires sociaux, qui n’ont pas eu lieu comme il se doit. Le gouvernement devrait corriger le tir à cet égard.

Il existe d’autres exemples de ce manque de consultation. Le vice-président travailleur en a mentionné un. Au cours de l’été dernier, le gouvernement a supprimé l’interdiction de recourir à des travailleurs intérimaires pour remplacer les travailleurs en grève sans consulter ni les syndicats ni les organisations d’employeurs des secteurs concernés. Cela a eu lieu en dépit de la loi nationale exigeant la tenue de consultations et fait désormais l’objet d’une révision judiciaire auprès d’un tribunal britannique. La décision à ce sujet est en attente.

Le vice-président travailleur a également mentionné d’autres problèmes qui ne figurent pas dans les observations de la commission d’experts. J’ai déjà fait référence à l’un d’entre eux qui pourrait être abordé, à savoir la question des travailleurs intérimaires et des grèves. L’autre problème majeur concerne la loi actuelle sur le service minimum. Nous faisons observer qu’il s’agit d’un projet de loi et que le processus parlementaire concernant le texte est encore en cours. Il serait inapproprié de prendre position à ce stade, y compris sur l’interaction de ce texte avec la convention, le cas échéant.

De façon générale, Monsieur le Président, nous restons d’avis que la convention telle qu’elle a été rédigée par les mandants de l’OIT est appliquée comme il se doit au Royaume-Uni. Il est légitime que sa mise en œuvre varie d’un pays à l’autre. En tant que membres employeurs britanniques, nous acceptons bien entendu que les membres travailleurs aient abordé certaines questions légitimes concernant la consultation avec les partenaires sociaux et nous estimons que la réglementation et le fonctionnement du système au Royaume-Uni méritent davantage de discussions au niveau national, ainsi que la soumission de rapports à la commission. Si nous ne partageons pas nécessairement le point de départ des travailleurs sur chacune des questions soulevées, il y a de la place pour une discussion sérieuse et pour que le gouvernement donne davantage d’informations aux organes de contrôle de l’OIT.

Membre travailleur, Royaume-Uni – Il est hélas manifeste que le gouvernement perçoit les syndicats comme un problème et non comme des partenaires. Cela n’est pas une fatalité, et pendant la pandémie le gouvernement a travaillé avec les organisations de travailleurs et d’employeurs pour créer un dispositif de mise en congé qui a empêché une catastrophe en matière de chômage. Mais, une fois cette période passée, le gouvernement est revenu à un langage hostile et au refus des consultations. Il introduit des lois oppressives, parmi les lois sur les syndicats les plus restrictives en Europe de l’Ouest, dans le but de fragiliser le droit fondamental à faire grève, il interfère dans l’indépendance des syndicats et ne fait rien pour promouvoir un climat propice à l’épanouissement du droit syndical. Mais, puisque nous siégeons au sein d’une commission tripartite de l’OIT, nous aimerions rappeler au gouvernement que nous sommes des partenaires sociaux, pas un problème social.

Les grèves avaient atteint un niveau historiquement bas lorsque la loi sur les syndicats de 2016 a été adoptée, et le Royaume-Uni se situait bien en dessous de la moyenne de l’OCDE en matière de nombre de jours de travail perdus pour cause de grève. Elle a été adoptée pour résoudre un problème qui n’existait pas. La promesse du gouvernement de réviser la loi sur les syndicats nous surprend, car les informations envoyées à la commission étaient les premières dont nous avions connaissance à cet égard. Cela arrive alors que le gouvernement essaie de faire passer une autre loi encore visant à restreindre le droit de grève des travailleurs britanniques: une autre loi qui n’a donné lieu à aucune consultation formelle avec les partenaires sociaux. Dans ce contexte, quel espoir pouvons-nous avoir qu’une quelconque révision sera menée de meilleure foi et au moyen d’un dialogue constructif avec les organisations de travailleurs et d’employeurs?

Depuis 2016, la commission d’experts demande avec insistance au gouvernement de dialoguer avec les partenaires sociaux pour supprimer les seuils de participation aux scrutins dans les transports et l’éducation, requis par la loi sur les syndicats, qui impose de disposer de l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des personnes votantes sur un lieu de travail pour qu’une grève soit légale. Aucune discussion de la sorte n’a eu lieu. À la place, les ministres ont laissé entendre qu’ils pourraient relever le seuil minimum de 40 pour cent à 50 pour cent.

Les orientations de l’OIT sur l’interprétation du droit de grève sont claires: celui-ci ne devrait pas être restreint pour les services non essentiels. Mais le gouvernement est désorienté par rapport aux orientations de l’OIT. L’année dernière, le secrétaire d’État chargé de l’économie a annoncé au Parlement que ses propositions de niveaux de service minimum étaient conformes aux règles de l’OIT. Mais les projets entrent en complet désaccord avec les décisions du Comité de la liberté syndicale sur les niveaux de service minimum, et les ministres font fi d’un environnement hautement restrictif au Royaume-Uni. Ils prévoient que les ministres déterminent exactement le niveau de service minimum, un accaparement centralisé du pouvoir qui va clairement à l’encontre de toutes les orientations du Comité de la liberté syndicale. Dans leur persévérance à ne pas s’adresser formellement aux syndicats, ils ont fait en sorte que leur nouvelle loi n’ait aucune chance d’être déclarée conforme par le Comité de la liberté syndicale, et nous attendons avec impatience de soumettre une plainte à cet égard dans un avenir proche. Si le gouvernement voyait les syndicats comme des partenaires et non comme des problèmes, il saurait que les travailleurs prennent déjà des mesures pour veiller à ce que l’intégrité physique de chacun soit protégée pendant une action syndicale. Ni les organisations de travailleurs ni les organisations d’employeurs n’ont été consultées comme il se doit en amont, comme l’a mentionné mon collègue. Le gouvernement a abruptement aboli l’interdiction de longue date d’embaucher des travailleurs intérimaires en remplacement des travailleurs en grève. Les syndicats et l’association d’employeurs du secteur du recrutement ont publié conjointement une déclaration publique condamnant la modification de la loi, estimant qu’elle était contre-productive et irréalisable et qu’elle faisait courir des risques aux travailleurs. Notre avis aurait dû être sollicité par le biais de consultations formelles avec les partenaires sociaux lorsque l’idée a été évoquée pour la première fois.

Les conflits du travail au Royaume-Uni ont lieu dans un contexte de crise du coût de la vie sans précédent ces dernières décennies, l’inflation s’élevant en moyenne à plus de 10 pour cent depuis mars 2022.

L’action syndicale a permis aux travailleurs dans l’ensemble de l’économie d’obtenir des augmentations salariales, qui les ont aidés à survivre à la crise. Au moyen de la négociation collective, les pompiers ont obtenu une augmentation de 7 pour cent. Les chauffeurs de camions-citernes ont obtenu une augmentation salariale de 13,5 pour cent. Les infirmiers obtiendront une hausse de 5 pour cent ainsi qu’un versement unique de plus de 1 500 livres sterling. Les travailleurs les moins bien payés d’une compagnie d’assurance ont obtenu une augmentation de 10 pour cent, plus que les travailleurs mieux payés, après que les membres ont convenu de donner priorité à ceux qui en avaient le plus besoin. Certaines de ces augmentations ont été obtenues au moyen de grèves. D’autres encore ont été réalisées grâce au simple fait qu’il est possible de faire grève. L’alternative à l’exercice de leur pouvoir par les travailleurs pour accroître leur part de richesse est le récent conseil prodigué par la Banque d’Angleterre, qui a conseillé aux travailleurs britanniques d’«accepter d’être plus pauvres».

Nous savons que le droit de grève des travailleurs est crucial pour que nous puissions refuser d’accepter d’être plus pauvres, alors que nous savons que des résultats records sont enregistrés dans notre pays. Pour en revenir à la loi sur le service minimum, dans sa tentative désespérée de limiter le pouvoir des travailleurs pour défendre ses propres intérêts, le gouvernement propose d’enfreindre grossièrement l’indépendance des syndicats. Pour combler les lacunes évidentes dans sa loi irréalisable – ce qui, selon la propre analyse du gouvernement, provoquera de nouvelles grèves –, la loi exige des syndicats qu’ils prennent des «mesures raisonnables» pour s’assurer que leurs membres vont travailler, même ceux ayant voté démocratiquement en faveur de l’action syndicale. S’ils ne le font pas, la grève deviendrait illégale, faisant peser sur le syndicat le risque d’amendes exorbitantes: le plafond des dommages a été augmenté l’an dernier à 1 million de livres sterling. Les protections légales seraient en outre retirées à toutes les personnes participant à la grève – qu’ils aient ou non reçu l’ordre de retourner travailler.

En 2016, la commission avait demandé au gouvernement de passer en revue les pouvoirs d’enquête accrus de l’autorité chargée de l’enregistrement – le régulateur des syndicats et des associations d’employeurs – pour s’assurer de leur conformité avec la convention. Bien que leur application ait été retardée de plusieurs années, aucune modification significative n’a été apportée. Et, une fois de plus, aucune consultation formelle avec les partenaires sociaux n’a eu lieu avant leur introduction surprise en 2021.

Nous dirions que le gouvernement tirait au canon sur des moineaux, mais peut-être dans ce cas tirait-il même au lance-missile sur des mouches. L’année dernière, seulement 30 plaintes ont été déposées à l’encontre de syndicats, dont seulement 4 ont été maintenues. C’est à cette situation que le gouvernement cherche à remédier en introduisant un processus qui privera les syndicats des financements de leurs membres à hauteur de plus de 1 million de livres sterling environ. Nous craignons que cela soit utilisé de façon délibérée pour coincer les syndicats dans des processus long et coûteux. Le fait de promettre, comme le gouvernement l’a fait dans les informations qu’il a fournies à la commission, qu’en cas d’abus à cet égard une révision judiciaire est possible – c’est-à-dire un processus long et coûteux – n’est peut-être pas aussi rassurant que le pense le gouvernement. La convention est très claire: nous avons le droit d’élire nos représentants sans ingérence. La loi stipule depuis 1989 que tous les secrétaires généraux, présidents et autres responsables de syndicats doivent être élus. Bien que nous devrions avoir le droit de rédiger nos propres constitutions, en tant qu’organisations démocratiques, cela ne nous pose pas de problème. Cependant, la loi va plus loin en énonçant la façon dont ces élections doivent avoir lieu, à savoir qu’elles doivent être effectuées par correspondance.

Le paysage de la participation démocratique a bien changé, trente-quatre ans après la rédaction de cette disposition. Selon le Bureau de statistique du Royaume-Uni, 92 pour cent de la population du pays utilisent l’Internet. En revanche, de nombreuses personnes n’ont pas recours aux services postaux au quotidien, et pour certaines cela est même difficile à de nombreux égards. Il est intéressant de souligner qu’en 2022 le Premier ministre du Royaume-Uni a été effectivement élu par un vote électronique des membres du Parti conservateur. Il est inacceptable d’assujettir les syndicats à des mécanismes de contrôle plus stricts que ceux auxquels le Premier ministre est soumis au moyen d’une interdiction archaïque de notre droit à élire nos représentants en toute liberté. Et pourtant, le gouvernement dit, à propos de l’examen réalisé en 2017 par Sir Ken Knight de toutes les formes de vote électronique, qu’il «est sur le point d’achever son examen des recommandations».

Cela serait plus encourageant s’il n’avait pas employé une formulation presque identique dans une lettre adressée à la Confédération des syndicats il y a quatorze mois. Étant donné qu’il dispose désormais des recommandations de Sir Ken Knight depuis six ans, nous demandons respectueusement au gouvernement de bien vouloir achever son examen avec davantage d’empressement.

Hélas, comme la commission d’experts l’a fait observer, le Royaume-Uni a de lourds antécédents de surveillance et d’établissement de listes noires de syndicalistes. Une enquête bienvenue sur la question des policiers-espions infiltrant les syndicats est en cours.

Ayant cela à l’esprit, nous espérions disposer de garanties législatives empêchant que de telles interférences se reproduisent. Mais, lorsque le gouvernement a présenté la loi de 2021 sur les sources de renseignement humaines secrètes (Covert Human Intelligence Sources (Criminal Conduct) Bill), il s’est opposé à un amendement qui excluait spécifiquement les syndicats de ses principales dispositions – à savoir que les agents infiltrés des services de sécurité peuvent être autorisés à commettre des infractions. C’est également dans cette perspective que nous sommes inquiets de ce qu’énonce la loi sur les syndicats, à savoir que les coordonnateurs des piquets de grève doivent transmettre leurs coordonnées à la police et que l’autorité chargée de l’enregistrement peut exiger des documents sensibles.

Le fait de considérer les syndicats comme un problème explique peut-être pourquoi le Royaume-Uni ne prend pas «toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical», comme énoncé dans la convention. Même si nous notons aussi l’affirmation du Comité de la liberté syndicale selon laquelle «les gouvernements doivent garantir le libre accès des dirigeants syndicaux aux lieux de travail, […] afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs pour les informer des avantages qui peuvent découler de leur adhésion au syndicat», dans la pratique, au Royaume-Uni, aucune garantie de ce type n’existe. La paranoïa au sujet des intentions des syndicats, encouragée peut-être par le discours immodéré du gouvernement, donne lieu à l’adoption de mesures extrêmes par certaines entreprises des secteurs de l’hôtellerie et de la vente en ligne lorsqu’elles savent que des syndicats tentent de parler aux travailleurs. Dans un cas étrange, une entreprise a refusé de laisser les véritables représentants syndicaux s’adresser à son personnel et a proposé d’employer des comédiens afin qu’ils se fassent passer pour des représentants syndicaux, en vue de tester l’intérêt des travailleurs pour les syndicats sans les y exposer véritablement.

Nous sommes frustrés d’avoir dû revenir auprès de la commission pour débattre de problèmes de longue date liés non seulement au droit de grève, mais aux principes fondamentaux de l’indépendance des partenaires sociaux.

Comme l’indiquent clairement la convention et les orientations qui l’accompagnent, le rôle d’un gouvernement est de créer les conditions nécessaires pour que les travailleurs et les employeurs constituent des organisations, y compris en promouvant les avantages qu’ils ont à le faire. Mais son rôle n’est en aucun cas de choisir la forme de ces organisations, et il ne peut pas chercher à les contrôler. Toutefois il peut et devrait engager avec elles un dialogue social formel et structuré, en particulier sur les questions liées aux conventions de l’OIT, notamment le cadre des relations professionnelles dans lequel nous fonctionnons.

Enfin, nous espérons que le gouvernement aura écouté attentivement nos arguments et accepte qu’il puisse peut-être mieux faire certaines choses s’il est prêt à travailler avec, plutôt que contre, ses partenaires sociaux, ainsi qu’à solliciter leurs conseils et ceux de l’OIT, pour rester dans les limites de ses engagements internationaux.

Membre travailleuse, Italie – La commission d’experts s’est dite préoccupée par le manque de clarté concernant l’application de niveaux de service minimum au titre de la loi sur le service minimum. Cette loi limiterait de façon sévère et inacceptable le droit fondamental des travailleurs à entreprendre une action syndicale en vue de défendre leur rémunération et leurs conditions de travail. Elle permettrait aux ministres d’imposer par la loi des niveaux de service minimum dans six secteurs.

Les travailleurs italiens estiment que la négociation notamment au niveau sectoriel et le partenariat social sont toujours les meilleurs moyens de résoudre un conflit. Dans le cadre des systèmes de relations professionnelles britanniques, le fait d’imposer des niveaux de service minimum aggraverait et prolongerait au contraire les conflits.

Le gouvernement a déclaré que la loi sur le service minimum alignerait la législation nationale sur celle des autres pays européens, ce que nous aimerions réfuter. Au contraire des travailleurs britanniques, les travailleurs italiens sont protégés par des conventions collectives sectorielles nationales, qui définissent des normes minimales relatives aux droits des travailleurs pour des secteurs entiers, couvrant plus de 90 pour cent de la main-d’œuvre dans le secteur public et le secteur privé. Ces accords sont sous-tendus par la liberté d’organiser des grèves sans restriction disproportionnée.

En réalité, en Italie la loi no 46 de 1990 propose une définition générale du concept de «service public essentiel», en mettant l’accent sur la liste des droits personnels qui devraient être garantis quoi qu’il arrive par le biais de la fourniture de services publics essentiels. Mais ce sont les partenaires sociaux, par le biais de conventions collectives, qui définissent la liste des services minima à maintenir pendant une action syndicale. En cas de désaccord, une commission nationale indépendante examine et évalue les infractions à la disposition concernée après avoir écouté les partenaires sociaux.

Comme cela est inscrit dans la convention et clairement décrit dans le recueil des cas examinés par le Comité de la liberté syndicale, «dans la détermination des services minima et du nombre de travailleurs qui en garantissent le maintien, il importe que participent non seulement les pouvoirs publics, mais aussi les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées».

Nous demandons donc instamment au gouvernement de révoquer la loi sur le service minimum et de créer un environnement dans lequel les partenaires sociaux peuvent discuter et négocier les termes de l’action syndicale dans un climat exempt d’ingérence et d’intimidation.

Membre travailleur, Espagne – Je m’exprime également au nom de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB). Le Royaume-Uni possède certaines des lois antisyndicales les plus strictes d’Europe occidentale. Les travailleurs et travailleuses britanniques ne peuvent donc pas exercer leur droit légitime de protester comme ils le souhaiteraient. Or, le gouvernement veut encore réduire ce droit et limiter la capacité d’action des représentants des travailleurs, c’est-à-dire les syndicats. C’est la raison pour laquelle la commission a jugé nécessaire de formuler de nombreuses demandes à l’exécutif britannique concernant sa loi sur les syndicats.

Il est honteux qu’il existe des listes noires, une pratique dont la commission a malheureusement déjà eu affaire en d’autres occasions: elles existent au Guatemala, en Colombie ou au Bélarus. De telles listes noires ont existé en Espagne pendant la dictature et ont contraint mon organisation à l’exil. Il s’agit de listes noires qui trahissent le préambule de la convention qui cite la Déclaration de Philadelphie, laquelle proclame que «la liberté d’expression et d’association est une condition indispensable d’un progrès soutenu».

Alors que nous sommes réunis à l’OIT – berceau du tripartisme, de la négociation et du consensus –, il est difficile de comprendre qu’un gouvernement légifère unilatéralement sur des questions clés relevant des relations professionnelles, dont les actions revendicatives, sans tenir compte des points de vue des parties concernées, en évitant le dialogue social qui permet pourtant d’aboutir à d’excellents résultats, surtout lorsqu’il s’agit d’une convention fondamentale aussi sacrée que celle sur la liberté syndicale et la protection de l’exercice de ce droit. Comme l’a très justement dit le Directeur général de l’OIT à propos du cas du Royaume-Uni dont il est question ici, le dialogue social est particulièrement important dans le contexte actuel de récession économique. Et pourtant c’est exactement la situation inverse qui est examinée aujourd’hui.

La forme change le contenu, et la manière de l’imposer exprime une volonté. Si tout à l’heure j’ai cité de mauvais exemples, permettez-moi d’aborder maintenant de bons exemples, comme la façon dont, en Espagne, nous sommes parvenus, grâce au dialogue social tripartite, à faire barrage à des législations pernicieuses telles que celles qui érigeaient en délit le droit de grève. Je voudrais revenir sur les paroles du Directeur général, M. Houngbo, et dire que, face l’enchaînement de crises que nous avons connu dans mon pays, non seulement nous avons survécu, mais nous avons progressé, en négociant, grâce à la volonté des mandants et en travaillant ensemble pour garantir le succès et la justice sociale.

La volonté de limiter le droit de grève et d’affaiblir les droits des personnes qui l’exercent met en péril l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni qui exige le respect de la liberté d’association. Cet accord oblige le gouvernement britannique à respecter ses obligations envers l’OIT et le Conseil de l’Europe. Leur non-respect aurait des conséquences très négatives pour les entreprises et l’emploi. Dans le cas qui nous occupe, faire le vide semble préférable aux avantages de la négociation.

Que ce cas, où il est question de la violation d’une convention fondamentale, serve à inciter le gouvernement britannique à rectifier sa position et à adopter l’approche de l’OIT en faveur du progrès, de la paix et de la justice sociale, une philosophie qu’il a lui-même décidé d’embrasser en ratifiant la convention il y a presque cent ans.

Membre employeur, États-Unis d’Amérique – J’aimerais commencer par remercier sincèrement les intervenants des commentaires oraux et écrits riches et variés qu’ils ont soumis au titre de ce cas. Je vais m’efforcer d’être bref et de formuler des remarques ciblées. Ce cas soulève la question maintes fois rebattue de savoir si le droit de grève est contenu dans le texte de la convention no 87 ou en découle. Nous souhaitons redire qu’en réalité le texte de la convention ne contient aucune règle concernant le droit de grève et ne le mentionne pas du tout. Nous souhaitons aussi faire remarquer ce fait que l’inclusion de formulations sur le droit de grève a été sérieusement envisagée par les rédacteurs de la convention, et également que ces mêmes rédacteurs ont pris la décision sans équivoque et réfléchie de laisser de côté toute mention du droit de grève dans le texte.

Comme l’indique le rapport concerné issu de la Conférence de 1948: «le projet de convention [no 87] ne porte que sur la liberté syndicale et non pas sur le droit de grève, problème qui sera examiné à propos de la question VIII (conciliation et arbitrage), inscrite à l’ordre du jour de la Conférence. Dans ces conditions, il nous a semblé préférable de ne pas faire figurer une disposition à cet effet dans le projet de convention sur la liberté syndicale». Le texte et les antécédents législatifs de la convention sont ainsi extrêmement clairs: la convention n’inclut pas, de façon délibérée, le droit de grève car, comme le groupe gouvernemental l’a indiqué dans sa prise de position de mars 2015, «[l]a portée et les conditions d’exercice de ce droit sont réglementées au niveau national».

Nous souscrivons à la position du groupe gouvernemental. Nous devons ainsi également rappeler notre désaccord avec le point de vue de la commission d’experts concernant la convention et le droit de grève. Les gouvernements nationaux peuvent et devraient déterminer légitimement leur propre approche du droit de grève, librement guidée par leurs besoins et priorités au niveau national, et ne pas être tenus de suivre les recommandations de la commission d’experts. Ce droit ne devrait pas être prescriptif, dans la mesure où les gouvernements devraient – conformément à leur autorité souveraine – élaborer une réglementation qui honore ce droit de la façon la mieux adaptée à leur contexte national, dans les limites de la loi et des pratiques existantes.

Membre travailleur, Canada – Je m’exprime aujourd’hui au nom du groupe des syndicats du Commonwealth, en plus des syndicats canadiens. La convention no 87 est d’une importance vitale pour garantir le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs à organiser et à gérer leurs affaires internes sans ingérence des pouvoirs publics. En dépit de ce qu’assure le gouvernement, nous restons préoccupés par le potentiel d’ingérence dans les affaires internes des syndicats que représente l’augmentation des pouvoirs d’enquête de l’autorité chargée de l’enregistrement.

Les pouvoirs d’enquête de l’autorité s’étendront désormais aux fonds politiques, aux fusions de syndicats, aux élections des instances dirigeantes de ces derniers et à la nomination ou la non-révocation d’une personne ayant été condamnée pour certains délits financiers. Nous notons que l’autorité peut enquêter sans qu’une demande ou une plainte officielle ait été déposée, y compris sur la base d’informations et de préoccupations rapportées par des tiers. Nous craignons que cela permette à des groupes motivés par une animosité d’ordre politique à l’encontre de syndicats ou de dirigeants syndicaux particuliers de harceler les syndicats et de les obliger à consacrer davantage d’énergie et de ressources à répondre aux plaintes, en particulier lors de conflits du travail légitimes. L’inspecteur désigné peut exiger tout document et toute information qu’il estime pouvoir être pertinent d’une quelconque manière concernant le respect d’une obligation par un syndicat.

Nous craignons également que la nouvelle taxe imposée aux syndicats pour couvrir les dépenses de l’autorité crée des incitations perverses qui favorisent l’ingérence dans les affaires internes des syndicats. Dans la mesure où la taxe est structurée pour couvrir les dépenses de l’autorité chargée de l’enregistrement, le niveau et le taux d’augmentation des ressources disponibles pour employer du personnel, payer leur rémunération et fournir des locaux, des équipements et d’autres moyens sont directement liés au nombre d’enquêtes entreprises. Le gouvernement permet aussi que des sanctions financières jusqu’à 20 000 livres sterling soient imposées sommairement en cas de manquement. Il n’existe pas de critères publiés correspondant au niveau spécifique des sanctions à imposer, ce niveau étant laissé à l’entière discrétion de l’autorité.

Ces modifications ont été mises en œuvre en avril 2022, sans avertissement et à la suite d’un dialogue minimal avec les partenaires sociaux. Nous appelons le gouvernement du Royaume-Uni à dialoguer sans attendre avec les partenaires sociaux afin de répondre à ces préoccupations et pour s’assurer qu’il remplit pleinement ses obligations au titre de la convention.

Membre travailleur, Finlande – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom des syndicats nordiques. Malheureusement, les questions examinées aujourd’hui n’ont rien de nouveau. Le cas abordé dans le rapport de la commission d’experts poursuit la triste litanie de la législation antisyndicale, des obstacles à une véritable négociation collective, de la réglementation excessive de l’action syndicale et même de l’hostilité des autorités à l’égard des syndicats – la même histoire qui se répète depuis des années.

De nombreux points soulevés par la commission d’experts méritent que l’on s’y intéresse pleinement. Par exemple, le gouvernement a récemment augmenté le montant maximum des amendes susceptibles d’être imposées aux syndicats en lien avec des grèves considérées comme illégales, d’une façon qui ne peut être décrite que comme excessive. Des amendes pouvant s’élever jusqu’à 1 million de livres sterling sont plus que capables de produire un effet d’intimidation et d’inhiber les activités syndicales légitimes.

Néanmoins, j’aimerais aborder ici un aspect essentiel de la liberté syndicale, à savoir la consultation des syndicats – ou, dans ce cas, l’absence d’une telle consultation.

Comme le Comité de la liberté syndicale l’a souligné de nombreuses fois, les États ne devraient pas entraver la liberté syndicale. Au cœur de ce droit se trouve le fait que les partenaires sociaux devraient pouvoir mener leurs activités en toute liberté. Ce que les États peuvent et devraient encourager, c’est le principe de consultation et de coopération entre les pouvoirs publics et les organisations d’employeurs comme de travailleurs. Les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives devraient être consultées de façon approfondie sur les questions d’intérêt mutuel, notamment tout ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre de lois sur des sujets qui les concernent.

C’est une chose à laquelle nous sommes très habitués dans les pays nordiques. Nous partageons l’expérience qu’une véritable confiance entre les partenaires sociaux et le gouvernement, assortie d’une atmosphère propice à la négociation collective, devrait être recherchée plutôt que découragée. La consultation réelle des partenaires sociaux et le respect entre toutes les parties ne sont pas une menace, mais une chance.

Nous sommes donc profondément inquiets des circonstances actuelles au Royaume-Uni. La loi sur le maintien de la législation européenne, qui a été adoptée sans processus de consultation en bonne et due forme, permet de supprimer des lois secondaires dérivées du droit européen avec une supervision ou une influence limitée de la part du Parlement, sans parler de consultations ou d’un dialogue direct quelconque avec les partenaires sociaux. Une part significative de la législation qu’il est désormais prévu de supprimer brutalement ou de réécrire aborde des questions qui touchent les syndicats: la consultation et la reconnaissance des syndicats en ce qui concerne les licenciements collectifs et les transferts d’entreprises, entre autres.

Ce qui nous préoccupe le plus, c’est le fait que, si de tels plans sont enclenchés sans tenir compte d’une consultation correcte avec les partenaires sociaux, des réformes excessives telles que celle-ci entraîneront des incompatibilités avec les conventions de l’OIT. Nous prions instamment le gouvernement d’agir avec la plus grande prudence et de veiller à ce que les droits fondamentaux des travailleurs soient toujours respectés.

Membre travailleur, États-Unis – Au Royaume-Uni, la loi exige des syndicats qu’ils organisent des votes clés, par exemple l’élection de leurs dirigeants et la décision d’entreprendre une action syndicale, exclusivement par correspondance. Comme indiqué dans le rapport de la commission d’experts, cette restriction est totalement contraire à l’article 3 de la convention, qui garantit le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action. Dans notre ère numérique actuelle, aucun argument raisonnable ne justifie le maintien de cette restriction désuète concernant les procédures de vote internes des syndicats. Le fait d’imposer le vote par correspondance limite aussi la participation des jeunes travailleurs ou des personnes qui s’absentent simplement de chez elles pour des périodes prolongées. Un examen de 2017 commandé par le gouvernement a recommandé la mise en place d’un programme pilote de vote électronique, mais le gouvernement n’a encore pris aucune mesure malgré les appels répétés de la commission d’experts.

J’aimerais également aborder le flux constant de commentaires antisyndicaux exprimés par des fonctionnaires de haut rang de plusieurs gouvernements du Royaume-Uni au cours des dernières années. En réponse à l’exercice par les syndicats de leur droit légal à faire grève, plusieurs ministres ont comparé publiquement les syndicats à des terroristes «prenant le pays en otage» ou à des bandits «corrompant» leurs membres pour qu’ils fassent grève. Monsieur le Président, ce genre de rhétoriques antisyndicales empoisonne le discours social et sape l’esprit de la convention.

Le gouvernement Sunak ferait bien de mettre un terme aux injures et aux attaques législatives et de se mettre à traiter les syndicats comme les partenaires sociaux essentiels qu’ils sont. Aux États-Unis, nous avons constaté concrètement les avantages d’un changement d’approche. L’administration Biden a créé un groupe de travail formel pour promouvoir l’organisation des travailleurs et la négociation collective dans l’ensemble du gouvernement fédéral et a nommé des syndicats au sein de plusieurs organes consultatifs, sur des sujets allant de la politique commerciale à l’intelligence artificielle. Le résultat a été indéniablement positif, entraînant une hausse des syndicats dans l’opinion et une meilleure volonté du secteur privé à s’engager dans un dialogue social et dans une négociation collective. Pour conclure, nous appelons le gouvernement du Royaume-Uni à se conformer aux recommandations formulées dans le rapport de la commission d’experts et à abandonner toute proposition législative qui saperait les droits fondamentaux des travailleurs inscrits dans la convention.

Membre travailleur, Colombie – Je m’exprime au nom du Mouvement syndical colombien et de la Confédération syndicale des Amériques. Nous souhaitons rappeler que la liberté syndicale est un droit fondamental dont l’objectif est la promotion et la défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs et des travailleuses.

Il résulte de ce droit fondamental que la grève est un droit et non un fait. Les États démocratiques, indépendamment de leur niveau de développement, reconnaissent que les conflits sont naturels au sein d’une société pluraliste. Il ne s’agit donc pas de réprimer ces conflits de manière autoritaire, mais plutôt mettre en place les mécanismes nécessaires pour les régler. En d’autres termes, ces États doivent garantir aux travailleurs et aux syndicats l’exercice effectif du droit de grève, sans crainte de sanctions d’aucune sorte.

Par conséquent, la liberté syndicale étant un droit fondamental reconnu par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, il n’est pas concevable que son exercice soit soumis à une série de contrôles et de limitations par la police, lesquels entravent son essor et tendent à susciter la peur des militants.

Concrètement, il est illégitime de soumettre les activités syndicales à une surveillance policière ou de prévoir la communication de l’identité des syndicalistes, pratique qui peut faciliter la mise en place de listes noires et permettre l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire absolu de la part de l’autorité publique.

D’autre part, la commission d’experts a formulé des commentaires à plusieurs reprises sur la nécessité de revoir l’article 3 de la loi sur les syndicats afin de modifier l’obligation imposant que 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs soutiennent un scrutin sur la déclaration de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports. De telles dispositions encouragent un interventionnisme excessif dans l’autonomie des organisations syndicales. Le gouvernement britannique devrait supprimer ces dispositions.

Membre travailleur, Zimbabwe – Nous sommes très préoccupés par les intentions du gouvernement d’apporter de façon unilatérale des modifications à ses lois sur la grève en introduisant des réglementations en matière de service minimum. Ces réglementations ont pour effet de limiter le pouvoir des travailleurs britanniques à mener effectivement une grève. La Confédération des syndicats a estimé que 1 travailleur sur 5 au Royaume-Uni verra son droit de grève limité. Selon la commission conjointe du Parlement britannique chargée des droits humains, la loi sur le service minimum en cas de grève limitera le droit de grève dans les services concernés, en exigeant des syndicats qu’ils prennent des mesures raisonnables pour s’assurer que les personnes identifiées dans un avis de travail émis par un employeur ne participent pas à une grève ou ne la poursuivent pas.

Les travailleurs identifiés dans un avis de travail et qui ignorent cet avis en faisant grève perdront leur protection automatique contre le licenciement dans le cadre de la participation à une action syndicale. La loi obligera également les syndicats à prendre ce qui est appelé des «mesures raisonnables» pour garantir que tous ses membres identifiés dans l’avis de travail ne participent pas à la grève. En l’absence de telles mesures, les syndicats pourraient recevoir une injonction à interrompre la grève ou devoir payer d’importants dommages. Les principes de l’OIT concernant les services minima nécessitent que ces services et le nombre minimum de travailleurs les fournissant soient définis non seulement avec les pouvoirs publics, mais aussi par les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. Cela permet un échange attentif de points de vue sur ce qui, dans une situation donnée, peut être considéré comme un niveau minimum de service strictement nécessaire. À cet égard, nous constatons la nette intention du gouvernement de continuer sur sa lancée malgré l’opposition des syndicats. Le gouvernement n’a que faire de ce que disent les syndicats, qui sont des partenaires clés dans l’économie britannique. J’exhorte le gouvernement à dialoguer avec ses partenaires sociaux afin de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve actuellement.

Membre travailleur, Philippines – Les travailleurs des Philippines plaident fermement en faveur de l’accès aux lieux de travail pour les représentants de syndicats au Royaume-Uni. Cet accès serait très profitable à nos travailleurs philippins à l’étranger, et notamment aux quelque 40 000 travailleurs de la santé présents dans le pays. Environ 200 000 Philippins vivent au Royaume-Uni, et il est crucial que nos travailleurs aient la possibilité d’adhérer à des syndicats. La convention, qui déclare que le gouvernement doit assurer le droit syndical, renforce l’importance d’offrir aux travailleurs et aux employeurs la capacité d’exercer ce droit. Malheureusement, au Royaume-Uni, cette liberté est entravée par l’absence d’un cadre permettant aux syndicats d’accéder aux lieux de travail, même aux fins de s’adresser aux travailleurs ou d’entreprendre l’organisation d’activités.

Sans protections adéquates, les employeurs hostiles aux syndicats peuvent facilement rejeter leurs efforts. Les représentants syndicaux se voient régulièrement refuser l’accès aux lieux de travail et ont même ordre de quitter les espaces publics aux environs de ces lieux lorsqu’ils tentent de distribuer des prospectus à la fin de la journée de travail. Les travailleurs s’exposent à des menaces par le simple fait d’accepter le prospectus d’un syndicat. Nous aimerions insister sur ce que le Comité de la liberté syndicale a mis en lumière, à savoir que les gouvernements devraient garantir l’accès des représentants syndicaux aux lieux de travail, en respectant bien entendu les droits de propriété et de la direction. Cet accès est crucial pour permettre aux syndicats de communiquer avec les travailleurs et pour les informer des avantages qu’ils pourraient avoir à rejoindre un syndicat. Cependant, au Royaume-Uni, les syndicats sont maintenus à distance et n’ont pas légalement le droit de dialoguer avec les travailleurs. Cette restriction a été illustrée de façon évidente quand une chaîne d’hôtels a appelé la police au sujet d’organisateurs qui distribuaient des informations sur leur syndicat à l’extérieur de son enceinte. De la même manière, un autre employeur a refusé l’accès à ses locaux et a promis d’envoyer un responsable pour interroger les employés sur leurs préoccupations si ces derniers demandaient à parler à un responsable syndical. Au sein du bâtiment, tout matériel syndical est interdit, et les travailleurs sont activement découragés de débattre au sujet des syndicats. La signalétique électronique dans l’ensemble des locaux est utilisée pour dissuader d’adhérer à un syndicat.

Membre travailleuse, Australie – Je m’exprime au nom du mouvement syndical australien et du Conseil syndical du Commonwealth concernant les pratiques de surveillance et d’établissement de listes noires de membres de syndicats au Royaume-Uni, qui constituent des violations monumentales de la convention. Le gouvernement a précédemment indiqué à la commission d’experts que l’exercice de pouvoirs d’investigation secrète au titre de la loi sur les pouvoirs d’investigation de 2016 et de la loi de 2000 portant réglementation des pouvoirs d’enquête fait l’objet de nombreuses protections strictes, ainsi que d’une surveillance solide et indépendante. Le gouvernement souligne qu’il ne serait par conséquent jamais nécessaire et proportionné de faire usage de pouvoirs d’investigation dans le seul but de faire ingérence dans des activités syndicales légitimes. Nous notons cependant la pratique de longue date de surveillance des syndicats et de syndicalistes au Royaume-Uni par les services de sécurité gouvernementaux et par la police, et nous constatons que les renseignements à ce sujet ont été transmis aux employeurs et utilisés pour établir des listes noires de travailleurs, certains se voyant licenciés ou refusés pour un emploi en raison de leurs activités syndicales.

À la suite de scandales impliquant la perquisition d’une association d’employeurs établissant des listes noires en 2009 et après que plusieurs espions ont été démasqués entre 2010 et 2014, le gouvernement a mis en place en 2015 l’institution dénommée Enquête sur les opérations policières secrètes, qui doit désormais rendre son rapport. La surveillance et l’établissement de listes noires de syndicats étaient suffisamment significatifs pour justifier la création par l’institution d’une catégorie spécifique pour enquêter sur la surveillance étatique secrète des syndicats, avec comme participants principaux le Syndicat des sapeurs-pompiers, le Syndicat national des mineurs, le syndicat Unite et les membres de la base, ainsi que le Blacklist Support Group. Il existe des preuves que la pratique de l’établissement de listes noires a toujours cours – il a par exemple été révélé en 2019 que les responsables d’un vaste projet ferroviaire bénéficiant de financements publics ont fait appel aux services d’une entreprise de sécurité afin de surveiller des syndicalistes qui faisaient campagne contre l’établissement de listes noires dans le secteur de la construction. C’est donc dans ce contexte que nous notons avec une vive inquiétude l’adoption récente par le gouvernement – en 2021 – de la loi sur les sources de renseignement humaines secrètes (Covert Human Intelligence Sources (Criminal Conduct) Act), qui autorise les services de police, de sécurité et des renseignements, ainsi que les forces armées, à infiltrer des organisations légales et autorise les personnes infiltrées à commettre des infractions pénales. Ces infractions sont autorisées: a) dans l’intérêt de la sécurité nationale; b) dans le but de prévenir et de détecter la criminalité ou d’empêcher des troubles; ou c) dans l’intérêt du bien-être économique du Royaume-Uni. Il est clair que ces motifs d’autorisation pourraient permettre la surveillance des syndicats et de leurs membres. Un amendement qui visait à exclure les syndicats du champ d’application de la loi a été mis en échec par 59 voix après que le gouvernement a refusé de lui donner son appui; le Parlement britannique a ainsi bien répudié cette limitation spécifique des pouvoirs de la police et des services de sécurité. Étant donné les preuves de la pratique généralisée de la surveillance d’organisations indépendantes de travailleurs au Royaume-Uni, entraînant l’établissement de listes noires de syndicalistes, nous nous disons vivement préoccupés du fait que les progrès revendiqués par le gouvernement en réponse aux observations formulées par la Commission d’experts en 2018 risquent de donner lieu à des abus à l’avenir.

Ni les syndicats ni les syndicalistes ne devraient faire l’objet d’une surveillance de l’État. Nous appelons le gouvernement à modifier immédiatement la loi afin d’en exclure explicitement les syndicats et de mettre immédiatement un terme à la pratique de surveillance des syndicats afin de respecter la convention. Nous appelons en outre le gouvernement à interdire la surveillance de syndicats et de syndicalistes par l’État et ses représentants au motif de leur participation à un syndicat ou à des activités syndicales, et à punir de sanctions pénales sévères les représentants de l’État qui se livrent à une telle pratique.

Représentante gouvernementale – J’aimerais remercier toutes les personnes qui se sont exprimées au cours de la session de ce jour et qui ont pris part à ce processus de façon constructive. Le Royaume-Uni remercie la commission d’experts et cette commission de leur examen; nous avons écouté avec attention tous les points de vue exprimés aujourd’hui et y donnerons suite avec nos collègues concernés dans l’ensemble du gouvernement. Le Royaume-Uni s’est engagé au titre de toutes les conventions de l’OIT qu’il a ratifiées, y compris la convention no 87, et nous avons depuis longtemps mis en place un cadre réglementaire qui protège cette convention fondamentale. Nous estimons que la loi sur les syndicats adopte une approche mesurée et proportionnée qui équilibre les droits des personnes entreprenant une action syndicale et ceux des personnes touchées par cette action. Elle vise à moderniser les relations professionnelles tout en favorisant une approche plus efficace et collaborative de la résolution des conflits du travail et en protégeant le maintien de services vitaux pour tous les membres de notre société.

Le Royaume-Uni a l’intention d’entamer prochainement la révision de la loi sur les syndicats, qui devrait être achevée à temps pour le prochain rapport soumis par le Royaume-Uni à l’OIT. La révision, qui concernera notamment les seuils de participation aux scrutins et les exigences en matière de piquets de grève, prendra en compte les points de vue des partenaires sociaux et les questions soulevées par la commission, dont les conclusions seront aussi prises en considération. Nous remercions les intervenants de leurs commentaires relatifs aux réformes de l’autorité chargée de l’enregistrement. Son rôle est essentiel pour veiller à ce que les syndicats et les associations d’employeurs respectent les plus hautes normes de gouvernance. L’autorité chargée de l’enregistrement est pleinement indépendante du gouvernement, et cela est explicitement précisé dans la réforme. Il existe des limites claires à la façon dont l’autorité chargée de l’enregistrement peut employer ses pouvoirs d’enquête. Elle est tenue d’agir raisonnablement et ne peut lancer d’enquêtes visant des syndicats sur un caprice. Elle ne peut lancer d’enquête que si elle soupçonne un syndicat de n’avoir pas respecté une obligation légale. Par ailleurs, l’autorité chargée de l’enregistrement ne peut demander à un syndicat de produire des documents que si elle a de bonnes raisons de le faire. Nos modifications ont renforcé les mesures de sauvegarde, en prévoyant notamment un contrôle judiciaire accru des décisions de l’autorité, comme nous l’avons détaillé dans notre réponse écrite soumise à la commission d’experts. Les réformes ont modernisé la réglementation sur les syndicats, l’harmonisant avec celle applicable à d’autres régulateurs. C’est important pour conserver la confiance des travailleurs, des employeurs et du grand public.

J’ai conscience que la commission d’experts n’a pas posé de question sur la loi sur le service minimum en cas de grève, mais j’ai noté qu’elle a été mentionnée par plusieurs délégués. Je voulais donc seulement réaffirmer la position principale du Royaume-Uni, à savoir que la capacité à faire grève est un élément important des relations professionnelles dans le pays, protégée comme il se doit par la loi; le gouvernement comprend qu’un paramètre de perturbation est inhérent à toute grève. Nous remercions les délégués et membres travailleurs et employeurs de leurs commentaires concernant l’abrogation de la réglementation 7 concernant les consultations avec les partenaires sociaux, et sur les réformes législatives plus larges liées aux manifestations. Nous les transmettrons aux départements concernés au sein du gouvernement. Pour conclure, le gouvernement est convaincu que la loi sur les syndicats est compatible avec ses obligations internationales contractées dans le cadre des Nations Unies, de l’OIT et de la Charte sociale européenne. La loi sur les syndicats ne vise pas à interdire l’action syndicale et, de fait, de l’empêche pas, mais elle veille à ce qu’elle bénéficie d’un niveau raisonnable de participation et d’appui démocratique. Le gouvernement ne doute pas que la loi sur les syndicats atteint un juste équilibre entre les droits des syndicats et leurs responsabilités envers le reste de la société, et modernise la loi sur les syndicats à l’avantage de tous. J’aimerais conclure en réaffirmant l’engagement du Royaume-Uni à améliorer constamment les normes du travail et en remerciant la commission et ses contributeurs pour le temps précieux consacré à ses travaux.

Membres employeurs – Nous prenons simplement note des commentaires du gouvernement concernant l’autorité chargée de l’enregistrement et les scrutins, et nous le prions instamment de poursuivre le travail qu’il a commencé. J’estime que, étant donné qu’aux yeux des employeurs le droit de grève en lui-même n’est pas réglementé par la convention, les principaux problèmes qui ont été soulevés sont de nature concrète. Mais, cela étant dit, il s’agit de questions pratiques et elles devraient recevoir l’attention requise. En gardant cela en tête, nous aimerions simplement recommander au gouvernement de faire rapport à la commission d’experts à temps pour sa prochaine session, en lui fournissant des informations sur l’application de la convention dans le droit et dans la pratique, ainsi que toutes les informations requises par la commission.

Membres travailleurs – Nous remercions la représentante du Royaume-Uni des informations fournies à notre commission et nous remercions également tous les intervenants de leurs contributions. Les atteintes à la liberté syndicale et au droit syndical au Royaume-Uni doivent être entendues dans le contexte d’un système dans lequel les syndicats sont déjà très fortement réglementés, du fait de plusieurs restrictions des libertés syndicales introduites au cours des quarante-cinq dernières années. La commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale ont également déjà procédé à un examen critique de nombreuses de ces restrictions au fil des années. Cet après-midi, nous avons abordé de façon approfondie l’incapacité des syndicats à recourir au vote électronique en vue de grèves ou même de l’élection de leurs dirigeants, tandis que d’autres organisations de la société civile – et même les partis politiques – ont le droit de s’en servir. Cela met en évidence un empiétement sur l’autonomie des syndicats pour définir leurs propres règles et décider de leurs propres activités.

Si nous nous penchons sur les restrictions du droit de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports, nous devons également rappeler d’autres limitations de ce droit dans la loi et dans la pratique. Par exemple, les actions collectives secondaires font toujours l’objet d’une interdiction générale au Royaume-Uni. L’impact de cette interdiction s’est fait sentir l’an dernier lorsqu’une importante compagnie de ferry a licencié sommairement 786 de ses employés pour les remplacer par des travailleurs intérimaires. Des licenciements organisés comme un guet-apens, sans consultation préalable avec les syndicats; et, puisque les licenciements ont été instantanés, les travailleurs ont été privés de la possibilité d’une action syndicale. Cela, assorti au fait qu’il est formellement interdit aux syndicats d’appeler d’autres travailleurs à mener une action de solidarité pour soutenir les personnes licenciées, a eu pour résultat que les matelots n’ont eu aucun recours, ni sur le plan juridique ni en matière d’action collective. La multitude de restrictions du droit de grève et d’actions sapant l’autonomie des syndicats et les libertés civiles des syndicalistes constitue de graves violations des articles 2 et 3 de la convention, associés à ses articles 7, 8 et 10 et au principe de liberté syndicale.

Notre groupe est toujours à la recherche de moyens constructifs de veiller à ce que les gouvernements respectent pleinement leurs obligations découlant des conventions qu’ils ont ratifiées. Les déclarations antisyndicales de ministres du gouvernement et le fait de ne pas entamer de consultations formelles sont des erreurs; le dialogue social est la solution. En effet, presque chaque observation de la commission d’experts dans ce cas a mis en relief le manque de consultation significative avec les partenaires sociaux. Cela doit changer de toute urgence. Nous sommes d’avis que le gouvernement devrait se prévaloir de l’assistance technique du BIT, en coopération et en consultation étroite avec les partenaires sociaux, afin d’aider à rendre sa législation existante et proposée conforme à la convention et de mettre en œuvre les recommandations de la commission d’experts et de notre commission. Le dialogue social est au cœur de la Constitution de l’OIT, et sa réalisation donne du sens à l’application de la convention. En conclusion, nous aimerions redire l’importance critique du droit fondamental de faire grève. Pour écarter tout doute, permettez-moi de dire, que pour le groupe des travailleurs, il ne peut y avoir de compromis quant à la reconnaissance inconditionnelle du droit de grève sur la base de la convention. Il s’agit d’un droit fondamental, qui est indispensable pour garantir l’application effective des droits et des libertés inscrits dans les normes internationales du travail.

Le Royaume-Uni étant un membre responsable de l’OIT et de la communauté internationale, il est d’une importance fondamentale qu’il respecte, promeuve et applique les orientations formulées par les organes de contrôle de l’Organisation dans le contexte de son dialogue avec les États membres sur l’application des conventions qu’ils ont ratifiées. Nous rappelons que la déclaration de 2015 du groupe gouvernemental indiquait clairement qu’«[il reconnaissait] que le droit de grève est lié à la liberté syndicale, qui est un principe et droit fondamental au travail de l’OIT. Il [reconnaissait] en outre expressément que, sans protection de ce droit de grève, la liberté syndicale et, en particulier, le droit d’organiser des activités pour promouvoir et protéger les intérêts des travailleurs ne [pouvaient] être pleinement garantis.» Nous exhortons le gouvernement à suivre les orientations données de longue date par les organes de contrôle, notamment la commission d’experts, en respectant le plein exercice par les travailleurs des droits protégés dans la convention, y compris en ce qui concerne le droit de grève. Nous prions instamment le gouvernement d’entamer un véritable dialogue social sur toutes les questions soulevées par la commission d’experts et d’y répondre conformément à la convention.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté le caractère central du dialogue social pour la liberté syndicale et par conséquent, pour l’application efficace de la convention.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie le gouvernement de fournir des informations aux partenaires sociaux, et de faciliter le dialogue entre et avec ces derniers, pour:

- faire rapport sur les résultats de l’Enquête sur les opérations policières secrètes de 2015 et concernant les allégations relatives à la surveillance policière des syndicats et des syndicalistes soumises par la Confédération des syndicats (TUC) en 2018;

- garantir que la législation actuelle et future soit conforme à la convention;

- limiter et définir les pouvoirs d’investigation de l’autorité chargée de l’enregistrement afin de garantir que ces pouvoirs n’interfèrent pas avec l’autonomie et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d’employeurs;

- faciliter le vote électronique (e-balloting); et

- renforcer les consultations avec les partenaires sociaux à propos de la législation qui les concerne.

La commission invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT et le prie de fournir des informations à la commission d’experts sur les progrès réalisés relatifs à toutes les questions susmentionnées d’ici au 1er septembre 2023.

Représentante gouvernementale – Permettez-moi tout d’abord d’affirmer à nouveau l’engagement du Royaume-Uni dans ce processus et dans le système de contrôle dans son ensemble. En tant que nation engagée en faveur du respect et de l’avancement des normes internationales du travail aux niveaux national et mondial, le Royaume-Uni attache une grande valeur au rôle de l’OIT. Nous remercions la commission de son examen attentif et approfondi de ce cas et des questions qui ont été soulevées. Nous prenons dûment note des conclusions de la commission et nous engageons à faire rapport à la commission d’experts en conséquence.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

 2016-United Kingdom-C087-Fr

Un représentant gouvernemental s’est félicité de l’opportunité d’informer la commission des révisions apportées au projet de loi sur les syndicats, entre le moment où il a été examiné par la commission d’experts et son adoption le 4 mai 2016. Le gouvernement est confiant que la loi sur les syndicats, qui a pour objectif de promouvoir une approche plus efficace et résolument axée sur la collaboration en vue de régler les conflits du travail, respecte les obligations internationales qui sont les siennes en matière de droits syndicaux. Le Conseil d’administration du BIT, le Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ont précédemment accepté l’approche législative du gouvernement, consistant à établir un juste équilibre entre les droits syndicaux et les intérêts légitimes de ceux qui sont concernés par les actions syndicales. Le gouvernement a maintenu cet équilibre dans les propositions qu’il a formulées en vue du respect de ses engagements en matière de réforme syndicale, lesquels ont reçu le soutien démocratique lors de la dernière élection générale. Par exemple, l’introduction de seuils appliqués aux votes révèle le fait que le droit de grève touche un vaste public, qui n’a pas son mot à dire dans le vote d’une grève. Compte tenu des conséquences néfastes étendues des grèves dans les services publics, la loi exige que les grèves dans «les services publics importants» reçoivent le soutien de 40 pour cent des votants, condition qui vient s’ajouter au taux de participation de 50 pour cent requis, afin de garantir la légitimité démocratique nécessaire et une nette majorité en faveur des grèves. Le seuil des 40 pour cent doit s’appliquer aux services extrêmement importants pour le public et l’utilisation initiale du terme «essentiel» n’a de lien avec aucune définition existante. Pour éviter toute confusion, on utilise désormais les termes «services publics importants». D’autres réformes de la loi comprennent notamment l’extension du préavis de grève de sept à quatorze jours, afin de prolonger le temps nécessaire requis pour préparer la grève. Cela étant dit, la durée de sept jours peut encore être négociée avec l’employeur. La loi prévoit aussi un mandat de six mois pour le vote d’une grève, mandat qui peut être étendu à neuf mois moyennant un accord, afin d’éviter que des grèves ne se tiennent alors que les mandats ont expiré. La loi requiert plus de clarté à propos des bulletins de vote sur les questions litigieuses, ainsi que sur le type d’actions de revendication collectives. Pour ce qui est des piquets de grève, après consultation au sein du Parlement, où des préoccupations ont été exprimées, le gouvernement n’a pas mené plus avant l’idée de publier des semaines à l’avance les plans de protestation. Au lieu d’introduire une nouvelle infraction pénale sur les piquets de grève, le gouvernement s’est attaché à moderniser le Recueil de directives pratiques relatif aux piquets de grève. Quant au vote électronique, il tient à s’assurer que ce vote autorise tous ceux qui ont le droit de voter à le faire; qu’il s’agit bien de votes secrets et sûrs; et que les risques d’intimidation ou de pratiques irrégulières sont réduits au minimum. A cette fin, la loi prévoit qu’une révision indépendante des votes par voie électronique soit effectuée dans les six mois qui suivent le vote. La loi sur les syndicats modernise la réglementation syndicale en ce qu’elle confie au responsable de la certification des pouvoirs actualisés, sur le modèle des autorités de même type. Elle instaure un prélèvement partiel de manière à partager avec les contribuables le coût que représente la réglementation des associations de syndicats et d’employeurs. Elle exige en outre que les employeurs du secteur public publient des informations sur le temps accordé aux représentants syndicaux pour effectuer leurs tâches, et que des retenues salariales pour les cotisations syndicales ne soient appliquées que lorsque le coût de ces actions n’est pas couvert par les finances publiques. Les mesures prescrites par la loi ont fait l’objet d’un vaste scrutin démocratique lors de l’examen du projet de loi, accompagné de trois consultations publiques de grande envergure avec les employeurs et des représentants du public. Le gouvernement étudie encore la réponse qu’il compte donner à la proposition consistant à lever l’interdiction d’employer des travailleurs intérimaires au cours d’une grève. Il fera part de sa position en temps voulu. Dans le cadre de consultations et d’un vaste examen des deux Chambres des communes, il a procédé à des révisions sur la base des idées qui ont été mises en avant. Par exemple, il a révisé des propositions consistant à faire passer de quatre à six mois la durée des mandats des scrutins de vote, et a autorisé leur extension à neuf mois, moyennant un accord. Il a aussi modifié sa proposition initiale qui consistait à interdire les cotisations syndicales dans le secteur public pour permettre aux syndicats d’accomplir leurs tâches sans que cela ne représente un coût pour les finances publiques. Une commission de la Chambre des lords a étudié scrupuleusement certains aspects spécifiques de fonds syndicaux destinés à des activités politiques. A la suite de cette enquête, la loi prescrit que le rejet par défaut ne s’applique qu’aux nouveaux membres syndicaux, ce qui a obtenu la faveur des partis politiques. En conclusion, le gouvernement est bien convaincu que les dispositions de la loi sur les syndicats sont raisonnables, proportionnelles et fondées sur une approche équilibrée, tout en étant conformes à ses obligations internationales. Elles n’ont pas pour but d’empêcher les grèves, mais plutôt de garantir qu’elles bénéficient d’un niveau de participation et de soutien raisonnable, au bénéfice de tous.

Les membres travailleurs ont fait valoir que le projet de loi sur les syndicats a été présenté par le gouvernement en juillet 2015 pour restreindre fortement le droit des travailleurs à engager une action collective, y compris les piquets de grève et les grèves. Une proposition d’amendement aux règlements de 2003 sur les agences de recrutement visant à autoriser le recours à des travailleurs temporaires en tant que briseurs de grève n’a fait qu’empirer la situation. En outre, le gouvernement est autorisé à s’ingérer dans les conventions collectives à caractère volontaire concernant les moyens dont disposent les syndicats – y compris le temps disponible pour s’occuper des questions concernant la santé et la sécurité, la représentation des membres, la consultation sur le chômage et les négociations sur le salaire et les conditions d’emploi. La loi octroie en outre à l’agent chargé de la certification des pouvoirs beaucoup plus étendus pour mener des enquêtes extrêmement inquisitrices sur les activités des syndicats à la demande des employeurs et autres groupes. Le gouvernement n’a pas réussi à donner un quelconque argument valable pour les réformes introduites. La législation en place réglemente déjà fortement l’action collective et un tel durcissement n’est pas nécessaire. Les réformes, qui font abstraction des obligations internationales au titre de la convention et autres instruments, ne feront que compromettre les relations entre les partenaires sociaux au lieu de les améliorer. La commission d’experts, après avoir examiné les projets de loi, a fait plusieurs observations concernant les nouvelles conditions en matière de scrutin pour mener une action revendicatrice dans certains secteurs, les restrictions aux pratiques de scrutin de grève et le recours à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. D’autres questions ont été adressées au gouvernement par le biais d’une demande directe, lequel doit fournir des informations supplémentaires. Concernant les seuils en matière de scrutin, le projet de loi propose un quorum de participation plus élevé pour une action revendicatrice légale. Dans tous les secteurs, une telle action n’est légale que si 50 pour cent des personnes habilitées à voter participent au scrutin, et si la majorité des votants y sont favorables. S’agissant de six secteurs considérés comme des «services publics importants» – à savoir: services de santé, éducation, services de lutte contre les incendies, services des transports, le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé, et la sécurité des frontières – un total de 40 pour cent des voix de l’ensemble des travailleurs est nécessaire. Ainsi, dans le cas d’une participation de 50 pour cent, 80 pour cent des votants devront être en faveur de l’action proposée. La commission d’experts a recommandé instamment au gouvernement de veiller à ce que les secteurs de l’éducation et des transports ne soient pas concernés par les nouvelles conditions de quorum dans la mesure où ce ne sont pas des services publics essentiels au sens strict du terme. En ce qui concerne les modes de scrutin, les syndicats doivent suivre des règles complexes en matière de préavis et organiser un vote par correspondance pour s’assurer du soutien à l’action proposée. Il leur est interdit d’utiliser tout autre moyen, par exemple le vote de la grève sur le lieu de travail ou par voie électronique. Le gouvernement a choisi des moyens permettant de supprimer les grèves plutôt que d’augmenter le taux de participation au vote d’une grève, pour autant qu’il fût préoccupé par le fait que les grèves n’étaient pas suffisamment soutenues par les travailleurs syndiqués. Après que la Chambre des lords eut voté, à une large majorité, des amendements imposant au gouvernement de faire réaliser un examen indépendant de l’utilisation du vote électronique et de publier une stratégie sur la mise en place du vote électronique, le gouvernement a déposé des amendements garantissant qu’il n’aurait pas l’obligation d’agir suite à cet examen. La mesure dans laquelle les partenaires sociaux participeront au processus d’examen demeure floue.

Le recours à des travailleurs intérimaires pour remplacer les travailleurs grévistes est interdit depuis 1973 et rien ne justifie la levée de cette interdiction ni maintenant ni à l’avenir. Autoriser la levée de cette interdiction ne servirait qu’à affaiblir les grèves et, en fin de compte, à empêcher les travailleurs d’exercer leur droit de se mettre en grève. Quant aux autres propositions, elles ne feraient qu’aggraver les relations du travail en rendant la résolution de conflits beaucoup plus difficile entre les parties concernées. Cela ferait naître de la rancœur parmi les travailleurs, rancœur qui perdurerait longtemps après la résolution du conflit, et mettrait en outre les travailleurs intérimaires dans une position difficile, voire intenable. Il convient de rappeler que de nombreuses agences d’emploi, y compris celles affiliées à la Confédération internationale des agences d’emploi privées (CIETT), ont convenu, avec les syndicats, de ne pas faire appel aux travailleurs intérimaires pour briser une grève, laissant ainsi de la place à des agences moins professionnelles et moins responsables qui fourniraient des briseurs de grève. Même les entreprises concernées seraient perdantes car les intérimaires ne seront pas formés; ils seront frustrés et beaucoup moins productifs. Dans certaines professions, le manque de formation adaptée entraînera probablement des risques pour la santé. L’OIT condamne sans ambiguïté l’utilisation de travailleurs remplaçants et condamne des pays tels que les Etats-Unis, le Chili et le Zimbabwe pour avoir autorisé le recrutement de travailleurs remplaçants. Le Comité de la liberté syndicale a, en particulier, indiqué que «l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme constitue une violation grave de la liberté syndicale». Le gouvernement n’a pas encore dit s’il mettrait en place de nouvelles réglementations levant l’interdiction du recours à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. Le projet de loi sur les syndicats prévoit également plusieurs restrictions aux piquets de grève, la possibilité de limiter les moyens dont disposent les syndicats, même lorsque des accords auraient été trouvés à l’issue de négociations volontaires entre les employeurs et les syndicats, et le renforcement des pouvoirs de l’agent chargé de la certification. La commission d’experts n’a pas fait figurer ces points dans une observation mais dans une demande directe dans laquelle elle demande un complément d’information. Dans ces domaines, des concessions importantes ont été faites au cours du processus législatif. Les diverses propositions, dans leur ensemble, constituent une attaque sans précédent contre le droit de mener une action revendicatrice. Elles représentent une violation flagrante des obligations du gouvernement au regard du droit international du travail, et de la jurisprudence des organes de contrôle de l’OIT depuis plusieurs décennies. En effet, en février 2015, le groupe gouvernemental, dont le gouvernement du Royaume-Uni, a formulé une déclaration unanime dans laquelle il reconnaît que «le droit de grève est lié à la liberté syndicale, qui est un principe fondamental et un droit fondamental au travail de l’OIT. Il reconnaît expressément que, sans protection de ce droit de grève, la liberté syndicale et, en particulier, le droit d’organiser des activités pour promouvoir et protéger les intérêts des travailleurs ne peuvent être pleinement garantis». Bien évidemment, le droit n’est pas absolu, et personne ne l’a jamais prétendu. Pour autant, le projet de loi sur les syndicats touche à l’essence même de ce droit, rendant difficile, pour ne pas dire impossible, de l’exercer légalement.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations qu’il a fournies et a pris note avec intérêt du processus de consultation concernant l’élaboration du projet de loi sur les syndicats. La commission d’experts a formulé, à 12 reprises depuis 1995, des observations sur l’application de cette convention fondamentale au Royaume-Uni. Son observation de 2013 a porté sur le droit des syndicats d’élaborer leurs règlements administratifs et de formuler leurs programmes d’action sans intervention de la part des autorités, en particulier lorsqu’ils ont l’intention d’exclure des individus au motif qu’ils appartiennent à un parti politique extrémiste dont les principes et les politiques déplaisent aux syndicats. La commission d’experts a également relevé qu’il est nécessaire d’assurer pleinement la protection du droit des travailleurs de recourir à l’action revendicative légitime et elle a notamment soulevé la question de la protection par rapport à la responsabilité civile. Cette observation n’a pas été discutée par la présente commission. La commission d’experts a pris note, dans sa dernière observation, du projet de loi sur les syndicats, qui a été déposé en juillet 2015, et des préoccupations exprimées par le Congrès des syndicats (TUC) en ce qui concerne les propositions législatives du gouvernement. Deux préoccupations essentielles en découlent pour les membres employeurs. Premièrement, tout indique que, lorsque la commission d’experts a formulé son observation, elle s’est appuyée sur un avant-projet de loi sur les syndicats qui faisait encore l’objet d’un dialogue social, un processus démocratique de discussion, de débat et d’examen. Ses commentaires sont donc prématurés et ils ne reflètent pas la situation actuelle, étant donné que l’avant-projet de loi a été révisé. Le fondement et la qualité de l’observation ne sont pas clairs et doivent être explicités. Deuxièmement, l’observation contient un certain nombre de commentaires sur des questions comme la mise en place de piquets de grève, les conditions en matière de scrutin de grève et de quorum, le recours à d’autres travailleurs pour remplacer les grévistes, soit des questions qui ont toutes trait à la réglementation des grèves. La position des membres employeurs selon laquelle la convention n’inclut pas le droit de grève est bien connue et il n’est pas nécessaire de la répéter. Il suffit de dire qu’il n’y a pas de consensus dans la présente commission sur cette question. Etant donné que les membres travailleurs se sont référés à la déclaration faite par le groupe gouvernemental en février 2015, mais pour ne citer que le paragraphe 4, il est utile de rappeler que le groupe gouvernemental a également indiqué, dans le paragraphe suivant de la même déclaration, «que le droit de grève, même s’il fait partie des principes et droit fondamentaux au travail de l’OIT, n’est pas un droit absolu», que sa «portée et les conditions de son exercice sont réglementées au niveau national» et que le «document présenté par le Bureau décrit les règlements complexes que les Etats ont adoptés pour encadrer ce droit». Les membres employeurs ont déclaré avoir entendu les explications que le gouvernement a fournies sur la complexité des difficultés qui se posent et sur l’équilibre qu’il convient de trouver entre droits concurrents au moment de considérer ces questions, et ils se sont réjouis à l’idée de poursuivre cette discussion.

La membre travailleuse du Royaume-Uni a souligné que la loi sur les syndicats imposait des restrictions importantes aux activités syndicales. La loi sur les syndicats confère des pouvoirs accrus à l’autorité d’enregistrement, lui permettant d’enquêter sur les activités des syndicats et d’avoir accès à leurs données confidentielles, y compris les noms et les adresses des syndicalistes. Du reste, la loi sur les syndicats entrave la liberté des organisations syndicales de décider de l’utilisation de leurs fonds et autorise le gouvernement à réduire la capacité des syndicats du secteur public de représenter leurs membres. Il est demandé aux syndicats de désigner des responsables de piquets de grève dont les coordonnées doivent être transmises à la police. Ces modifications exposent les organisations syndicales à un risque accru de recours juridiques et à de sanctions financières punitives. Des responsables politiques de tous les grands partis se sont publiquement opposés à la loi sur les syndicats, et des organisations à but non lucratif ont mis en garde contre une loi qui rend le droit de grève illusoire. Les gouvernements décentralisés écossais et gallois se sont tous les deux publiquement prononcés contre le projet. Concernant les seuils de vote élevés, la loi sur les syndicats prévoit une nouvelle prescription de 50 pour cent de participation. Le gouvernement estime que, en application de cette nouvelle règle, 45 pour cent des scrutins menés ces cinq dernières années n’auraient pas été valables. Le Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD), l’institution principale au Royaume-Uni en matière de ressources humaines, a estimé que ces seuils étaient «dépassés» et a fait remarquer que ces vingt dernières années, le nombre d’actions de grève menées lors de journées de travail a diminué de 90 pour cent. Pour certains services du secteur public qualifiés de «services publics importants», le gouvernement exige en outre que les syndicats obtiennent l’appui de 40 pour cent de tous les travailleurs autorisés à voter. Prises ensemble, ces deux conditions électorales impliquent une exigence de soutien de 80 pour cent lorsqu’un quorum de participation de 50 pour cent a été atteint. Cette loi permettra des restrictions de la liberté syndicale bien plus larges que celles autorisées par les normes de l’OIT. Elle aura un impact disproportionné sur les femmes puisque l’on estime que 73 pour cent des travailleurs de ces «services publics importants» sont des femmes. Le secrétaire d’Etat n’a pas justifié l’inclusion de l’éducation et des transports dans la liste des «services publics importants» par des raisons de sécurité publique, mais en invoquant les désagréments causés par les arrêts de travail dans ces domaines. Le ministre a également déclaré que les seuils instaurés permettent de s’assurer que des actions de grève ne sont menées que si elles obtiennent un «niveau raisonnable» de soutien. L’exigence d’une adhésion de 80 pour cent est considérée comme raisonnable dans aucun autre domaine et encore moins lorsqu’il s’agit d’exceptions à des droits démocratiques fondamentaux. Le processus pour mener des actions revendicatives était déjà long et fortement réglementé. La loi sur les syndicats ajoute non seulement des conditions de procédure complexes, y compris le doublement des préavis de grève et l’ajout de nombreuses informations complémentaires sur le bulletin de vote, mais elle établit également qu’un scrutin pour une action expire au bout de six mois, impliquant qu’il doit être répété si le différend n’est toujours pas résolu. Il convient par ailleurs de simplifier la procédure de vote par correspondance et de la moderniser pour permettre le vote électronique. Le gouvernement a également l’intention d’affaiblir toute future action en autorisant le remplacement des travailleurs grévistes par des travailleurs intérimaires. Ce remplacement des grévistes n’est pas souhaité par les agences d’emploi, car il va à l’encontre de l’esprit de la directive de l’Union européenne relative au travail intérimaire (2008/104/EC) et est contraire au Code de conduite européen pour ce secteur. Par ailleurs, cela constitue également une grave violation de la liberté syndicale et pourrait exacerber les différends entre employeurs et salariés. La membre travailleuse a conclu en soulignant que la loi sur les syndicats constitue une ingérence grave dans les droits des travailleurs du Royaume-Uni protégés par la convention et a demandé à la commission qu’elle exige l’abrogation de la loi et la tenue d’une discussion avec les partenaires sociaux sur la façon d’établir un cadre juridique approprié pour relever les défis du XXIe siècle.

Le membre employeur du Royaume-Uni a rappelé que, depuis l’adoption de la loi sur les syndicats en 1871, les syndicats ont existé longtemps avant la création de l’OIT et que le Royaume-Uni a ratifié sans difficulté la convention en 1949. Avant son adoption, le projet de loi sur les syndicats a fait l’objet d’un engagement tripartite particulièrement important, et le Parlement l’a discuté en détail. A la suite de l’élection du Parti conservateur, le nouveau gouvernement a annoncé un ensemble de mesures de réforme, comme il l’avait promis pendant la campagne électorale, qui comprend le projet de loi sur les syndicats et trois documents de consultation sur le recours aux travailleurs intérimaires, sur le quorum de travailleurs requis pour organiser une grève et sur les piquets de grève visant à intimider. A la suite de consultations, la Confédération de l’industrie britannique (CBI), qui est la principale organisation d’employeurs du Royaume-Uni, et le TUC, organisation qui réunit 52 syndicats, ont pu exprimer oralement leurs points de vue. Ensuite, le projet de loi a été examiné par la Chambre des Lords où tous les principaux partis politiques sont représentés et où siègent, entre autres, 16 anciens dirigeants syndicaux et 70 anciens syndicalistes. Par la suite, le gouvernement a pris en considération les résultats des consultations et a amendé le projet de loi pour: supprimer la disposition qui étendait aux travailleurs intérimaires le quorum de 40 pour cent nécessaire pour organiser une grève; appliquer ce seuil de 40 pour cent aux travailleurs syndiqués du secteur privé qui accomplissent des fonctions relevant d’un service public important; et exiger la tenue d’un scrutin en appliquant la règle du quorum de 40 pour cent lorsque la majorité de travailleurs qui y participent accomplissent des fonctions relevant d’un service public important. Le gouvernement a également conclu que la définition de l’OIT des services essentiels n’est pas définitive et a confirmé les six secteurs publics importants qui avaient été identifiés. Le processus législatif a suivi son cours et, plus tard, la CBI a fourni un document écrit, le rapport de la Chambre des Lords a été publié et plusieurs amendements qui avaient été proposés ont été adoptés. Le 4 mai 2016, le projet de loi a reçu la sanction royale et est devenu la loi de 2016 sur les syndicats. Le gouvernement doit encore élaborer les textes d’application pour certaines parties, y compris en ce qui concerne le recours aux travailleurs intérimaires, et doit réaliser des consultations sur d’autres parties de la loi. Par conséquent, l’examen parlementaire et public va se poursuivre et il semble peu probable que ce processus soit rapide. L’orateur a soutenu le consensus auquel sont parvenus les partenaires sociaux, tel qu’exprimé dans la Déclaration conjointe du groupe des travailleurs et du groupe des employeurs de février 2015. Aux termes de cette Déclaration, «les mandants de l’Organisation internationale du Travail reconnaissent aux travailleurs et aux employeurs le droit de mener des actions revendicatives pour défendre leurs intérêts professionnels légitimes». Il n’y a pas eu de consensus pour déclarer que la convention prévoit le droit de grève et ses modalités. Selon la position consensuelle du groupe gouvernemental adoptée en février 2015, «le droit de grève, même s’il fait partie des principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT, n’est pas un droit absolu. Sa portée et les conditions de son exercice sont réglementées au niveau national». La situation est problématique à plusieurs égards en ce qui concerne la convention, et la question du droit de grève n’a pas encore été tranchée, tant du point de vue juridique que politique. Il a été tenu compte des difficultés récentes, et des leçons ont été tirées des graves incidents survenus en 2012 et 2014. Dans son discours d’ouverture de la présente session de la Conférence, le Directeur général a souligné ce qui suit: «Dans ces conditions, assumer les responsabilités qui incombent à chacun d’entre nous pour permettre à l’OIT de s’acquitter de son mandat pour la justice sociale, implique que nous adaptions nos actions, nos comportements et nos décisions de manière que les opportunités indéniables du changement transformateur au travail puissent se concrétiser. C’est ainsi que toutes et tous – et non plus seulement quelques-uns – nous pourrons nous tourner vers l’avenir avec confiance, et non plus dans la crainte, et en ne visant pas simplement la promotion individuelle, mais en faisant véritablement œuvre commune.» Le Directeur général a également rappelé le rôle essentiel que joue la Commission de la Conférence pour trouver le moyen d’aller de l’avant malgré les divergences sous-jacentes d’opinions et a souligné l’importance d’un système normatif solide, pertinent et faisant autorité en vue d’une OIT efficace et influente. L’orateur a fait part de sa volonté de participer de manière constructive afin d’aider l’OIT à résoudre de manière durable et harmonieuse ces divergences. Une instance plus restreinte pourrait permettre de construire la compréhension nécessaire pour trouver des solutions. En conclusion, l’orateur a exprimé l’espoir que les conclusions sur ce cas suivront les orientations du Directeur général et respecteront le consensus tripartite.

Le membre gouvernemental de la Fédération de Russie a exprimé sa préoccupation au sujet de l’adoption d’une série de mesures visant à réformer les lois du travail qui pourraient avoir une incidence négative sur le droit des travailleurs à la liberté syndicale, droit garanti par la convention. Les mesures qui pourraient porter atteinte aux droits fondamentaux du travail doivent faire l’objet de discussions avec les partenaires sociaux et, lorsque nécessaire, l’OIT devrait être consultée afin d’évaluer si de telles mesures sont conformes aux normes internationales du travail.

Le membre employeur des Etats-Unis a souligné qu’il était prématuré pour la commission de discuter ce cas. Aux termes de la Constitution de l’OIT, la commission est chargée de contrôler si un Etat Membre applique sa législation nationale d’une manière conforme aux conventions qu’il a ratifiées. Dans ce cas, la législation qui a été examinée est un projet de loi qui n’a jamais été mis en œuvre. Lorsque la commission d’experts a formulé son commentaire, il s’agissait d’un projet de loi qui n’avait pas encore été soumis à l’une ou l’autre chambre du Parlement. Plutôt que de se pencher sur un projet de loi, la Commission de la Conférence ferait mieux de consacrer son temps si précieux à examiner des cas plus importants qui n’ont pas été inclus dans la liste. Il est peu probable que des gouvernements permettent à la commission d’experts de s’ingérer dans leurs processus législatifs internes. Pour conclure, l’orateur a contesté la décision de la commission d’experts de formuler une observation sur un projet de loi, en particulier sur un sujet aussi controversé que celui du droit de mener des actions revendicatives.

Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande, s’exprimant également au nom des membres travailleurs de l’Australie, du Canada, de Fidji, des Tonga et des Etats-Unis, a abordé la question du mode de scrutin pour les actions collectives en vigueur au Royaume-Uni. Un mandat de grève doit être sollicité par bulletin secret envoyé par la poste, et son prix semble atteindre les 200 000 livres sterling par scrutin, somme qui est supportée par le syndicat. La loi sur les syndicats a considérablement augmenté la fréquence imposée pour la tenue de scrutins. De plus, de nouveaux seuils minima ont été imposés tandis qu’a été ajoutée la possibilité pour les employeurs de demander une mesure d’injonction pour faire cesser une action de grève ou de faire appel à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. Les lois relatives aux actions collectives sont largement considérées comme étant parmi les plus restrictives d’Europe, le Royaume-Uni faisant figure de cas extrême même parmi les pays anglophones (c’est-à-dire l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis). La commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale ont clairement indiqué que les règles de procédure susceptibles d’édulcorer sensiblement le droit de grève pourraient constituer une violation de la convention. Au paragraphe 170 de l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, la commission d’experts déclare que, s’agissant du mandat donné par les adhérents en matière d’action collective, «… le mode de scrutin, le quorum et la majorité requis ne doivent pas être tels que l’exercice du droit de grève devienne en pratique très difficile, voire impossible». De même, au paragraphe 547 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale de 2006, le Comité de la liberté syndicale indique que «les conditions posées par la législation pour qu’une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu’elles constituent une limitation importante aux possibilités d’action des organisations syndicales.» Rappelant que les membres de la Chambre des Lords ont demandé une étude indépendante sur l’utilisation du vote électronique dans les scrutins de grève et que le gouvernement n’a toujours pas donné suite à cette demande, l’orateur a appelé le gouvernement à collaborer avec les partenaires sociaux pour permettre dès que possible le vote électronique et le vote sur le lieu de travail.

Le membre employeur de l’Argentine a réaffirmé la position des employeurs concernant le droit de grève et la convention. Chaque Etat dispose du droit légitime de légiférer sur le droit de grève en vue de permettre son exercice. Cependant, dans le cas du Royaume-Uni, la commission d’experts met en cause un projet de loi, adapté depuis, qui réglemente certains aspects du droit de grève, comme les questions relatives au scrutin, les restrictions aux pratiques des piquets de grève, le remplacement des travailleurs grévistes, etc. La commission d’experts examine des questions qui ne relèvent pas de sa compétence. Chaque Etat réglemente l’exercice du droit de grève qui n’est pas un droit absolu. Ce faisant, l’Etat doit également veiller à ce que l’exercice de ce droit soit compatible avec d’autres droits, comme par exemple le droit de propriété de l’employeur, la libre circulation et, fondamentalement, le droit des travailleurs qui veulent travailler, parfois plus nombreux que ceux qui veulent adopter des mesures par la force, et qui sont empêchés de le faire à cause des piquets de grève. L’orateur a conclu en indiquant qu’il n’est pas non plus possible de soutenir qu’il revient à l’employeur de financer les entités syndicales ou les piquets de grève.

Un observateur représentant la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s’est exprimé sur les articles 2 et 3 de la loi sur les syndicats, à savoir sur les nouvelles dispositions qui imposent un quorum de participation de 50 pour cent lors du vote d’une grève et l’appui de 40 pour cent de tous les travailleurs dans les «services publics importants». L’argument du rôle essentiel des transports dans l’économie sert de prétexte à la défense de la liberté de circulation des personnes et des marchandises aux dépends des droits des travailleurs du secteur des transports. Des mesures visant à réprimer les grèves dans le secteur des transports ont été prises dans le monde entier ces dernières années. Même si la loi sur les syndicats n’interdit pas purement et simplement les grèves dans ce secteur, exiger en outre un appui de 40 pour cent privera dans les faits les ouvriers du transport et tous les autres travailleurs des «services publics importants» de leur droit de grève car ils ne seront protégés par aucune garantie compensatoire. Cet impact négatif sera aggravé par les mécanismes juridiques existants dont disposent les employeurs pour obtenir des injonctions de mettre fin à toute action. Exiger cet appui dans les services publics importants implique que l’action revendicative n’est légale que si la moitié des syndiqués plus un participent au scrutin et que 80 pour cent des suffrages exprimés y sont favorables. La demande du TUC concernant le vote électronique doit être considérée à la lumière du contexte international. En Allemagne, où certains syndicats fixent volontairement des seuils en matière de scrutin dans leur règlement, le scrutin se déroule sur le lieu de travail et non par correspondance, permettant une plus grande participation. En Australie, où un système de scrutin très prescriptif est en place, il est possible d’autoriser un vote sur le lieu de travail et un vote électronique. La commission d’experts a clairement indiqué dans ses commentaires que ce nouveau seuil contreviendrait à l’article 3 de la convention. Les organes de contrôle de l’OIT ont considéré que le droit de grève ne peut être restreint dans le service public que pour des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou pour ceux qui exercent des services essentiels au sens strict du terme. Les professions du secteur des transports énumérées par le gouvernement, à savoir les services de bus locaux, les services ferroviaires de transport de passagers, les services de sécurité aérienne et les services de sécurité portuaire, ne peuvent pas être considérées comme relevant des services essentiels. Le droit de grève est un droit de l’homme protégé par la convention et constitutif du droit international coutumier. Pour finir, l’observateur a instamment prié le gouvernement d’accéder à la demande de la commission d’experts d’abandonner la condition plus sévère d’obtenir l’appui de 40 pour cent de tous les travailleurs dans les services d’éducation et des transports.

Le membre employeur de la France a déclaré que ce cas mérite l’attention de la commission. La commission d’experts, sur la base des observations du TUC, prie le gouvernement de réexaminer, conjointement avec les partenaires sociaux, le projet de loi en vue de sa modification. Or, depuis qu’il a été examiné, ce projet de loi a déjà subi de nombreux amendements. Cette commission a donc pour tâche difficile d’examiner un texte en évolution dans le cadre d’un processus normatif national. La convention encadre les règles portant sur l’exercice de la liberté syndicale et la protection du droit syndical en prévoyant deux limitations pour les autorités publiques. Aux termes de ces limitations, prévues aux articles 3, paragraphe 2, et 8, paragraphe 2, les autorités doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter la liberté des organisations de travailleurs et d’employeurs de s’organiser librement, et la législation nationale ne doit pas porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte à la liberté de créer des organisations de travailleurs et d’employeurs. Le projet de loi examiné ne vise aucune de ces limitations. Toutes les modalités auxquelles se réfère la commission d’experts n’intéressent pas cette commission puisque, comme il convient de le rappeler, les gouvernements sont les seuls compétents pour élaborer le régime des cas de suspension du contrat de travail en cas de conflit. En conclusion, il y a lieu de constater que la commission d’experts ne démontre pas qu’il y a violation de la convention, laquelle a seulement vocation à garantir la liberté de créer des organisations de travailleurs et d’employeurs.

La membre travailleuse de l’Italie a souligné que, outre les mesures contenues dans la loi sur les syndicats, le gouvernement a proposé d’autoriser le recrutement de travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes. Cette proposition enfreint la liberté d’expression des travailleurs et leurs droits d’organisation et de protestation. Cette proposition aura aussi des effets préjudiciables importants sur les agences de recrutement qui ont exprimé leur désaccord quant au remplacement des grévistes par des travailleurs intérimaires. En outre, cette proposition va aggraver les tensions entre les employeurs et les travailleurs et conduire les salariés à rechercher de nouvelles possibilités d’emploi, avec pour conséquences une baisse de la productivité et une augmentation des coûts liés au recrutement et à la formation. Le Comité de la liberté syndicale a estimé que l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel constitue une violation grave de la liberté syndicale. En 2015, le gouvernement de l’Italie et les syndicats ont fait une déclaration commune appelant à réaffirmer le droit de grève au sein de toutes les instances nationales et internationales liées à la protection des droits fondamentaux des personnes et des travailleurs. La déclaration est libellée comme suit: «[l]e Traité de Lisbonne reconnaît ce droit comme étant l’un des droits fondamentaux de l’Union européenne et définit une sorte de notion européenne commune de ce droit, en sus de la notion nationale, selon laquelle ce droit est un droit universel. La commission d’experts de l’OIT, qui est chargée d’analyser les rapports nationaux et de relever les infractions à la convention no 87 que tous les Etats membres de l’Union européenne ont signée, a œuvré dans le même sens. Ladite convention, ainsi que les sept autres conventions fondamentales, contribue à définir le niveau minimum de protection nécessaire à la garantie des droits reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.» Face à la criminalisation des grèves par le régime fasciste italien, le droit de grève a été reconnu comme un droit fondamental protégé par la Constitution italienne. Le droit de grève, en donnant la possibilité aux syndicats d’exercer des pressions économiques, garantit aussi la liberté syndicale. Pour terminer, l’oratrice a appelé le gouvernement à réexaminer sa proposition d’autoriser le recrutement de travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes et à entamer un dialogue avec les partenaires sociaux.

Le membre employeur du Danemark a indiqué que les modalités des actions collectives doivent prendre en compte différents éléments du marché du travail national. Les obligations relatives aux actions collectives ont été clairement décrites dans la déclaration du groupe gouvernemental de février 2015 qui doit servir de base au travail de la commission d’experts et de la Commission de la Conférence. Selon cette déclaration, la portée et les modalités d’exercice des actions collectives doivent être réglementées au niveau national. Il est par conséquent préoccupant de constater que les commentaires de la commission d’experts concernent presque exclusivement les modalités des actions collectives prévues dans un projet de loi. Soulignant que la commission d’experts a outrepassé son mandat, le membre employeur s’est abstenu de formuler d’autres observations au sujet de ces commentaires.

Le membre travailleur de l’Allemagne s’est déclaré très préoccupé par la situation de la liberté syndicale des travailleurs britanniques. Les atteintes à ces droits rappellent une période très sombre de l’histoire britannique dans le domaine de la politique sociale – l’ère Thatcher, pendant laquelle l’ensemble des droits des travailleurs ont été fortement limités. Les relations professionnelles ne sont encore pas remises de cette politique. Si la disposition concernant l’autorisation expresse de recourir à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes a été supprimée du projet de loi sous l’effet de fortes pressions, le fait de briser les grèves en ayant recours à des travailleurs intérimaires demeure une question importante pour le gouvernement. Toutefois, l’autorisation de recourir à des briseurs de grève a des conséquences qui ont une grande portée: d’une part, elle compromet ou rend impossible l’exercice du droit de grève des syndicats et, d’autre part, lorsqu’elle est associée à l’exigence d’un préavis de grève au moins deux semaines à l’avance, les entreprises disposent de temps pour engager des travailleurs intérimaires et rendre toute grève inutile. En outre, les travailleurs intérimaires sont en général mal rémunérés et subissent des conditions de travail déplorables. L’équilibre des pouvoirs sera ainsi modifié en faveur de l’employeur, et les travailleurs perdront tout pouvoir de négociation. Par conséquent, cela serait non seulement contraire à la convention no 87, mais aussi à la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Lors du processus de consultation relatif au projet de loi, des critiques ont été exprimées non seulement par des syndicats, mais également par des groupes de réflexion, des cabinets d’avocats et des agences de recrutement. Il a également été constaté que les employeurs britanniques disposent déjà de nombreux moyens pour remplacer les grévistes. En conclusion, l’orateur a indiqué que les mesures visant à casser les grèves doivent être interdites, comme cela a été fait avec succès au Royaume-Uni en 2003.

Le membre employeur de la Turquie, soulignant que le cas ne repose que sur les observations de la commission d’experts, a fait valoir que les questions qui entourent les modalités du droit de grève ne relèvent pas du champ d’application de la convention. Des conflits, tels que celui qui a eu lieu en 2012 et durant les années qui ont suivi, ont été réglés grâce aux efforts considérables déployés par les mandants tripartites. La commission d’experts doit tenir compte de l’accord auquel les mandants sont parvenus, même si celui-ci n’est pas définitif. Les questions soulevées par la commission d’experts, telles que les services essentiels, les scrutins de grève, les piquets de grève, concernent des restrictions très controversées apportées au droit de grève, qui ne trouvent pas de fondement juridique dans la convention et sont susceptibles d’engendrer de nouveaux conflits au sein du système de l’OIT. Qui plus est, les commentaires de la commission d’experts dans ce cas ont trait pour l’essentiel à un projet de loi qui n’a pas encore été mis en œuvre. Cette approche va à l’encontre de la raison d’être de la Commission de la Conférence et de sa mission fondamentale qui est de contrôler l’application effective des conventions et non d’examiner les projets de lois.

Le membre travailleur du Zimbabwe a exprimé sa vive préoccupation à propos des récents changements législatifs en matière de liberté syndicale au Royaume-Uni et il s’est dit choqué de voir que le gouvernement a commencé à adopter les mêmes stratégies que le gouvernement du Zimbabwe. Certaines dispositions de la loi sur les syndicats sont très semblables aux dispositions de la législation zimbabwéenne qui ont contribué aux violences de masse et à l’effondrement économique du pays. En 2008, le Conseil d’administration a décidé à une écrasante majorité l’institution d’une commission d’enquête chargée d’examiner la situation au Zimbabwe. La commission d’enquête a constaté que la liste des services essentiels (comprenant les services d’incendie et de santé ainsi que les transports) prive de manière excessive les travailleurs de leur droit de grève. Le Royaume-Uni a créé de nouveaux obstacles pour les travailleurs des services publics essentiels (dont la santé, l’enseignement, les pompiers, les transports et le nucléaire) dans l’exercice du droit de grève en imposant un seuil minimum de 40 pour cent de tous les travailleurs habilités à voter dans un scrutin de grève. En outre, la durée du préavis d’une action revendicative a été portée de sept à quatorze jours, comme c’est le cas au Zimbabwe, ce qui sape considérablement le droit des travailleurs de recourir à une telle action. En fait, la commission d’enquête a constaté que la procédure de dépôt du préavis de grève pose problème et a confirmé explicitement que le droit de grève est un corollaire indissociable du droit syndical protégé par la convention. Alors même que des dispositions similaires à celles récemment adoptées au Royaume Uni sont appliquées au Zimbabwe depuis un certain temps, cela n’a pas eu pour effet de créer des emplois ni conduit à la sécurité économique. Au contraire, le Zimbabwe a un des taux de chômage les plus élevés au monde. En conclusion, l’orateur s’est déclaré fermement convaincu que la promotion des droits fondamentaux et, avant tout, de la liberté syndicale, est la seule façon de créer des emplois décents et de partager la prospérité.

Le représentant gouvernemental a réaffirmé que l’approche suivie au cours du processus législatif d’adoption de la loi sur les syndicats visait à parvenir à un équilibre raisonnable, proportionné et prudent entre, d’une part, les droits des syndicats et de leurs membres et, d’autre part, les intérêts légitimes des autres personnes affectées par leur action. Les mesures prévues dans la loi ont fait l’objet d’un examen démocratique approfondi. En outre, il y a eu trois consultations publiques sur les sujets suivants: la portée du scrutin prévoyant la nécessité d’un appui de 40 pour cent pour organiser la grève dans les services publics importants; la question de savoir si le cadre juridique des piquets de grève devait être renforcé; et une proposition visant à abroger l’interdiction de recourir à des travailleurs intérimaires pendant des grèves (mesure qui n’était pas prévue dans la loi sur les syndicats). Le gouvernement a entendu les vues exprimées sur des mesures spécifiques pendant les consultations et pendant leur examen approfondi par les deux chambres du Parlement et a procédé à des révisions en tenant compte de tous les éléments présentés. Par exemple, le gouvernement a examiné des propositions concernant la durée des scrutins relatifs aux mandats de grève. Il a également modifié les propositions visant à interdire les cotisations retenues à la source (check-off) dans le secteur public. De fait, de manière exceptionnelle, un comité indépendant distinct a été institué pendant le processus d’adoption de la législation au Parlement pour examiner les propositions concernant le mécanisme de cotisation aux fonds politiques des syndicats. Le gouvernement a accepté la grande majorité des recommandations de ce comité, et l’exigence de choisir un fonds politique syndical ne s’applique désormais qu’aux nouveaux adhérents d’un syndicat. L’ensemble des partis politiques à fait bon accueil à cette mesure. Concernant les nouvelles facultés de l’autorité d’enregistrement, cette entité est indépendante du gouvernement et les syndicats peuvent contester ses décisions. En ce qui concerne le vote électronique, le gouvernement doit évaluer certaines questions et il fournira des informations à cet égard en temps voulu. Enfin, la loi sur les syndicats n’a reçu la sanction royale que le 4 mai 2016 et des dispositions essentielles n’ont pas encore été mises en œuvre, par exemple au moyen de textes d’application. Notant la grande diversité de vues des mandants de l’OIT concernant la question des actions collectives, le gouvernement reste persuadé que la loi sur les syndicats offre un juste équilibre entre, d’une part, les droits des syndicats et de leurs membres et, d’autre part, leurs responsabilités vis-à-vis du reste de la société au profit de tous et qu’il respecte pleinement ses obligations internationales.

Les membres travailleurs ont souligné que la discussion a démontré la détermination du gouvernement à adopter la législation. La loi sur les syndicats, qui n’a bénéficié de l’appui ni de la population ni des représentants élus de tous les partis, mettra le Royaume-Uni largement à la marge des systèmes de relations professionnelles existant en Europe. En outre, la loi va à l’encontre des observations et des conclusions solidement établies des organes de contrôle de l’OIT, qui bénéficient depuis des décennies d’un soutien tripartite. Le Royaume-Uni semble se rapprocher davantage des pays identifiés par les organes de contrôle de l’OIT comme des pays qui ne respectent pas la liberté syndicale. Avec la loi sur les syndicats, les travailleurs devront faire face à des restrictions plus fortes pour défendre des services décents, la sécurité au travail, leurs emplois ou leurs salaires. La législation semble répondre pleinement à des considérations idéologiques, sans tenir compte de ses conséquences sociales et économiques. De plus, les questions soulevées ne concernent pas uniquement le droit de grève. La loi accorde aussi à l’autorité d’enregistrement des pouvoirs largement étendus, l’autorisant à prendre part à des enquêtes très intrusives dans les activités des syndicats et à obtenir des registres de sa propre initiative, même en l’absence d’une plainte d’un membre syndical. L’autorité d’enregistrement aura ainsi une vision globale de l’organisation interne du syndicat, accès aux registres syndicaux confidentiels, y compris à la correspondance entre les syndicats et leurs membres, et accès aux registres d’adhésion, en particulier aux noms et adresses des membres. L’autorité d’enregistrement pourra aussi mener une enquête sur tous ces types d’informations au sein des organisations d’employeurs, voire même des entreprises – sous réserve qu’elles soient parties à une convention collective. Il s’agit d’un cas très grave qui, au même titre que de nombreux autres cas examinés, mérite d’être inclus dans la liste. Le gouvernement cherche tout simplement à éliminer par la loi le droit fondamental de liberté syndicale. De plus, ce cas a été inclus dans la liste en accord avec les membres employeurs. Pour conclure, le gouvernement devrait être instamment prié de prendre les mesures suivantes: 1) abroger immédiatement la loi sur les syndicats, et organiser une consultation complète et un dialogue avec les partenaires sociaux sur toute élaboration de la législation relative aux relations professionnelles; 2) modifier les textes d’application afin qu’ils soient pleinement conformes à la convention, en veillant en particulier à: i) retirer la proposition qui consiste à supprimer l’interdiction d’avoir recours aux travailleurs intérimaires durant les grèves; et ii) retirer toute référence aux secteurs des transports et de l’éducation dans les projets de règlements qui fixent un seuil de 40 pour cent pour les scrutins de grève; 3) en consultation avec les partenaires sociaux, élaborer et introduire une législation qui permette l’utilisation d’autres formes de scrutins que les votes par correspondance, notamment les bulletins électroniques et les bulletins sur le lieu de travail; 4) avec les partenaires sociaux, revoir les nouvelles restrictions relatives aux piquets de grève, aux libertés politiques des syndicats et au contrôle général intensifié des syndicats à travers les pouvoirs accrus accordés à l’autorité d’enregistrement, afin d’en assurer la conformité avec la convention; 5) s’abstenir de toute ingérence dans les conventions collectives qui ont été volontairement acceptées entre les employeurs et les syndicats; 6) s’abstenir de toute ingérence dans les activités syndicales et l’organisation interne des syndicats; et 7) présenter un rapport détaillé sur les progrès accomplis pour la commission d’experts.

Les membres employeurs ont accueilli favorablement la détermination affichée par le gouvernement à poursuivre son engagement et ses échanges constructifs avec les organisations d’employeurs et de travailleurs. Ils ont également salué les informations relatives à la consultation et au dialogue dans le cadre du processus de rédaction et à la proposition d’incorporer une clause d’adhésion pour le versement, par les membres des syndicats, de cotisations à des fonds politiques. Le gouvernement a aussi fait référence à la complexité des questions soulevées et à la nécessité de maintenir un équilibre entre des droits concurrents. Reconnaissant l’attitude positive du gouvernement, les membres employeurs ont demandé que soient fournies de plus amples informations sur le statut actuel de: 1) la proposition de supprimer les cotisations retenues à la source (check-off) de toutes les organisations du secteur public; 2) la proposition d’incorporer une clause d’adhésion avec une validité de temps limitée pour les cotisations des membres des syndicats aux fonds politiques; et 3) la proposition d’accroître les pouvoirs de l’autorité d’enregistrement, y compris des informations sur la façon dont cela pourrait limiter la capacité des organisations d’employeurs et de travailleurs à organiser leur programme conformément à leurs propres statuts. Enfin, il n’y a pas de consensus au sein de la commission au sujet des liens entre la convention et le droit de grève. De l’avis du groupe des employeurs, la question du droit de grève peut être réglementée au niveau national, comme l’a indiqué le groupe gouvernemental dans sa déclaration de février 2015. Par conséquent, il ne devrait pas être demandé au gouvernement de retirer la loi ni d’amender la réglementation régissant le droit de grève. Il convient de refléter cette position, qui diverge de l’avis exprimé par la commission d’experts, dans le compte rendu des travaux de la Commission de la Conférence.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.

La commission a pris note de l’indication fournie par le gouvernement suivant laquelle une législation d’application est toujours en discussion et elle a noté avec intérêt les commentaires du gouvernement relatifs à l’engagement des partenaires sociaux dans le processus en cours.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié le gouvernement de:

  • - respecter les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier sans autorisation préalable;
  • - définir les prérogatives de l’autorité d’enregistrement de telle sorte qu’elles ne soient pas en contradiction avec les dispositions de la convention no 87 et fournir des informations sur l’état d’avancement de la proposition consistant à accroître les prérogatives de cette autorité;
  • - fournir des informations au sujet de la clause d’adhésion avec validité limitée dans le temps pour les cotisations des adhérents aux fonds politiques, assortie d’obligations en matière de fourniture de rapports/de faire rapport; et
  • - faire rapport à la commission d’experts avant leur prochaine réunion de novembre 2016.

Le représentant gouvernemental a remercié la commission pour son examen minutieux et complet. Le gouvernement prend bonne note des conclusions et s’engage à faire rapport en conséquence.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2007, Publication : 96ème session CIT (2007)

Un représentant gouvernemental a déclaré que la commission d'experts soulève deux questions concernant l'application de la convention no 87 par le Royaume-Uni. La première concerne l'article 174 de la loi (codifiée) sur les syndicats et les relations de travail de 1992 (TULRA), qui limite la possibilité pour les syndicats d'exclure ou d'expulser une personne en raison de son appartenance à un parti politique.

L'article 174 a été sensiblement modifié par la loi de 2004 sur les relations de travail, qui a eu pour effet d'augmenter les possibilités pour les syndicats d'exclure ou d'expulser légalement des personnes en raison de leurs activités en tant que membres d'un parti politique. Toutefois, cette modification a maintenu la restriction concernant la possibilité pour un syndicat d'exclure ou d'expulser des personnes pour le simple fait d'être membres d'un parti politique. Cette distinction est importante car elle protège le droit fondamental d'une personne d'appartenir à un parti politique, tout en permettant aux syndicats d'interdire l'adhésion de ceux qui expriment activement des opinions politiques contraires à leurs objectifs et à leurs principes. La loi de 2004 a aussi modifié le régime d'indemnisation applicable à une personne arbitrairement exclue ou expulsée. L'indemnisation minimum (dont le montant est actuellement fixé à 6 600 livres sterling) n'est plus applicable à de nombreuses situations d'exclusion ou d'expulsion arbitraires sur le fondement de l'appartenance à un parti politique.

Ces modifications avaient comme objectif de répondre aux préoccupations des syndicats concernant les activités de partis politiques d'extrême droite et leur volonté d'infiltrer les syndicats. Elles ont été introduites à la suite de discussions approfondies avec le Congrès des syndicats (TUC). Bien que ces modifications n'aillent pas aussi loin que l'avait souhaité le TUC, elles ont été accueillies favorablement par tout le monde, l'opinion générale étant qu'elles aident considérablement les syndicats à faire face aux extrémistes politiques.

En apportant ces modifications à l'article 174, le gouvernement était particulièrement conscient de la nécessité de maintenir l'équilibre entre différents droits de la personne. D'une part, le droit pour les membres des syndicats de déterminer leurs propres règles d'adhésion et d'association et, d'autre part, le droit des personnes d'appartenir à des partis politiques légaux et de participer à des activités politiques sans être sanctionnées de ce fait. L'affiliation syndicale est importante au Royaume-Uni, et la perte du droit d'appartenir à un syndicat porte préjudice aux personnes désireuses d'exercer leurs droits démocratiques à travers la participation à des activités politiques.

Bien que le TUC évoque les activités de certains partis politiques extrémistes, la plupart des partis politiques du pays appartiennent aux courants traditionnels, et la loi doit s'appliquer de façon égale à tous les partis politiques légaux. Néanmoins, le gouvernement se demande si la législation actuelle a trouvé le juste milieu. En mai 2007, un document consultatif a été élaboré et été largement diffusé auprès de toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs, en leur demandant leur point de vue sur la question. La période de consultation prendra fin en août 2007.

Cette initiative a été provoquée par un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire ASLEF c. Royaume-Uni. Bien que la Cour ait reconnu que la législation du Royaume-Uni vise à protéger le droit des personnes à exercer sans entraves leurs libertés politiques, elle a jugé que certains aspects de l'article 174 violent l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme). Le gouvernement en a donc conclu que l'article 174 doit être modifié. Son document consultatif suggère deux manières d'entreprendre cette modification. L'une d'elles consiste à supprimer toute limitation légale concernant la possibilité pour les syndicats d'exclure ou d'expulser une personne en raison de son appartenance à un parti politique ou de ses activités politiques. Une fois que le gouvernement aura pris connaissance des réponses données à sa consultation, il saisira la première occasion pour modifier la loi.

L'orateur a déclaré que la consultation constitue une évolution majeure. La réponse rapide du gouvernement à l'arrêt de la Cour démontre le sérieux avec lequel il considère la question et l'importance qu'il accorde aux droits de l'homme. Le gouvernement tiendra la commission informée de toute évolution ultérieure en lui faisant rapport par la voie habituelle.

La deuxième question soulevée par la commission d'experts concerne l'article 224 de cette loi de 1992, qui rend effectivement illégal le fait, pour un syndicat, de mener des actions revendicatives secondaires. La commission d'experts est d'avis que les syndicats devraient être libres d'organiser des grèves de solidarité dans les cas où la grève initiale est organisée de façon licite. Cependant, son gouvernement est d'avis que la convention no 87 autorise les Etats Membres à établir des restrictions légales quant aux actions revendicatives. Pratiquement tous les Etats Membres ont promulgué des lois dans ce domaine, qui reflètent leurs particularités nationales et leurs traditions en matière de relations professionnelles. Ainsi, certains Etats Membres limitent la possibilité pour les syndicats de mener des actions revendicatives à la durée d'un accord collectif. Son pays n'impose pas de telles limitations, ses accords collectifs n'ayant pas force exécutoire.

Toutefois, au Royaume-Uni, il est illégal pour un syndicat d'organiser une action revendicative secondaire, sous quelque forme que ce soit, et son gouvernement estime qu'il existe de bonnes raisons à cela. Le Royaume-Uni a historiquement connu un système fortement décentralisé de relations professionnelles, avec des milliers d'accords collectifs différents. Son gouvernement est d'avis qu'un tel système a ses avantages. Cependant, sans un cadre légal approprié, il pourrait rapidement devenir anarchique et extrêmement inefficace. Presque tout au long de l'après-guerre, les actions secondaires étaient très répandues dans le pays, ce qui avait eu un impact très préjudiciable sur la richesse nationale. Ces actions avaient porté atteinte aux moyens d'existence des entreprises et à ceux de leurs employés.

Les actions secondaires sont particulièrement perturbatrices. Elles impliquent des employeurs et des employés qui n'ont rien à voir avec le conflit professionnel initial. Elles propagent partout les conflits professionnels. Au Royaume-Uni, il est logique de décourager fortement ce genre d'action revendicative. Cet objectif a été atteint en retirant aux syndicats responsables de ce genre d'action leur immunité en matière de responsabilité civile. Son gouvernement est d'avis que cette restriction est nécessaire au Royaume-Uni et qu'elle correspond à un juste équilibre. En général, les syndicats ont pleinement respecté la loi. Ils ont conservé une présence importante lors des négociations, et la menace du recours à des actions revendicatives primaires représente un atout majeur dans le pays. Ainsi, la grève constitue une arme puissante et efficace lorsqu'elle est utilisée de façon responsable.

Il n'existe pas d'interdiction légale faite individuellement aux travailleurs qui exercent des actions de solidarité. En effet, la loi interdit formellement aux tribunaux de contraindre les travailleurs à travailler. Toutefois, les protections habituelles contre le licenciement pour cause de grève ne s'appliquent pas en pareilles circonstances, ce qui décourage toute action revendicative non autorisée.

Son gouvernement est d'avis que la convention no 87 doit être appliquée avec flexibilité, de façon à prendre en compte les conditions et traditions nationales. La convention ne traite pas explicitement des actions revendicatives et n'interdit donc pas la réglementation de l'exercice du droit de grève. Il est bon pour la santé de l'économie du Royaume-Uni et la stabilité de son système complexe de relations professionnelles d'empêcher les grèves secondaires et de solidarité. Son gouvernement n'a par conséquent aucune intention de modifier la loi dans ce domaine.

Les membres travailleurs ont indiqué que, tout comme la Roumanie, le Royaume-Uni n'avait pu résister à la tentation de soumettre le droit de grève et la liberté de négociations à des règles strictes et détaillées. C'est pour cette raison d'ailleurs que tant cette commission que le Comité de la liberté syndicale ont fréquemment examiné l'incompatibilité de certaines dispositions de la législation ou certaines pratiques du Royaume-Uni avec les principes des conventions nos 87 et 98. A cet égard, il faut souligner la tendance actuelle à la déréglementation, tendance qui se vérifie dans presque tous les domaines, sauf celui des relations collectives où la règle semble être la surréglementation. Le présent cas concerne le droit des syndicats d'élaborer leurs statuts, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, tel que prévu par l'article 3 de la convention no 87. Cette disposition oblige également les autorités à s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.

L'un des éléments essentiels du droit de liberté syndicale est de définir librement les critères d'adhésion pour les nouveaux membres et d'être libre d'exclure d'un syndicat certains membres. Compte tenu de man uvres fréquentes de certains partis politiques de tendance extrême droite d'infiltrer les syndicats libres et démocratiques, en vue de corrompre les structures syndicales et l'action syndicale d'idéologies intolérables, ces deux aspects sont encore plus importants pour les organisations des travailleurs. Cette pratique est non seulement observée au Royaume-Uni, mais également dans d'autres pays européens. Il est donc très important que, pour se défendre contre les risques d'infiltration, les organisations de travailleurs doivent disposer d'outils et de garanties, lesquels pourront également servir devant les tribunaux. Des politiques nationales qui mettent en péril la possibilité pour ces organisations de se défendre devant les tribunaux sont inacceptables.

Et pourtant, au Royaume-Uni, la législation actuelle ne protège pas suffisamment l'Association des mécaniciens de locomotive et des pompiers contre les tentatives du Parti nationaliste britannique (BNP) d'infiltrer les syndicats. Au surplus, l'ASLEF, affiliée au TUC, a été obligée par les tribunaux d'annuler l'exclusion d'un militant du BNP, sur la base de la législation nationale, notamment la loi sur les relations du travail et les syndicats (TULRA). Il est très important de relever que le BNP a une idéologie purement néofasciste et raciste, et que l'ASLEF a procédé à l'expulsion d'un militant notoire de ce parti politique, après que des accusations selon lesquelles il harcelait et menaçait des gens qui distribuaient des pamphlets antinazis et des brochures anti-islamistes aient été formulées contre lui. Il est fort regrettable que l'ASLEF ait finalement été obligée de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour obtenir justice et se faire reconnaître le droit d'exclure de telles personnes. Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour européenne des droits de l'homme, invoquant notamment la convention no 87, a clairement dit que les syndicats sont libres de choisir leurs membres. La Cour indique notamment que le fait que des associations, formées par des personnes qui partagent des valeurs et des idéaux particuliers et qui poursuivent des objectifs communs, n'ont aucun contrôle sur l'adhésion de leurs membres va à l'encontre de l'efficacité de la liberté en question. Conformément à leurs règles, les syndicats doivent rester libres de décider des questions concernant l'adhésion ou l'expulsion de leurs membres. Les syndicats ne sont pas seulement des organes dévoués à l'aspect politiquement neutre du bien-être de leurs membres, mais ils sont souvent idéologiques et ont des vues très fortes sur les questions sociales et politiques.

Tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de l'interprétation de la convention no 87 par cette cour, le Royaume-Uni n'a pas d'autre choix que de modifier sa législation. C'est le souhait des syndicats britanniques, de tous les travailleurs présents aujourd'hui et de la commission d'experts. Il semble également que ce soit aussi l'intention du gouvernement car il admet que les modifications apportées à la législation en 2004 ne sont pas suffisantes. Bien qu'il ne revient pas à cette commission de discuter des détails de ces modifications, celles-ci devront être négociées avec les syndicats nationaux. Le plus important pour cette commission est d'insister auprès du gouvernement pour que, en consultation avec les partenaires sociaux du pays et l'aide, si nécessaire, du BIT, il mette, dans les plus brefs délais, sa législation en conformité avec l'esprit et la lettre de la convention no 87, ainsi qu'avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La lutte contre l'extrême droite, le racisme et la xénophobie nécessite aussi que les syndicats aient le droit de se protéger contre des idéologies qui font référence à des périodes des plus obscures du XXe siècle.

En outre, les membres travailleurs ont fait observer que, bien que la commission d'experts ne prenne pas en compte dans son observation le droit des syndicats de pouvoir prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres, il s'agit d'une question essentielle. En effet, il est important que, dans le cas où un membre refuse de respecter les décisions démocratiques de son organisation concernant des actions collectives, le syndicat puisse prendre les mesures nécessaires pour éviter des comportements individuels qui nuisent aux intérêts collectifs.

S'agissant du deuxième point abordé par la commission d'experts, à savoir le droit des travailleurs de pouvoir participer à des grèves qui les touchent, même si dans certains cas leur employeur direct n'est pas partie au conflit, et notamment la modification des articles 223 et 224 de la TULRA à cet effet, les membres travailleurs ont demandé que cette question soit intégrée dans les conclusions. De plus en plus, les syndicats sont confrontés à la situation où des travailleurs d'employeurs différents travaillent au même endroit. Le fait de priver les syndicats du droit de faire des actions conjointes sur la base d'intérêts communs ou de solidarité, même si l'action ne concerne pas un conflit avec leur employeur direct, va à l'encontre du droit de grève et de liberté syndicale. Sur ce dernier point, les membres travailleurs se sont dits très déçus de la position du gouvernement qui est en contradiction avec celle de la commission d'experts.

Les membres employeurs ont indiqué qu'il s'agit d'un cas très ancien dont la commission a débattu à de nombreuses reprises et qui porte sur deux points.

S'agissant de l'article 3 de la convention no 87 qui énonce le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs en dehors de toute intervention des autorités publiques, il faut rappeler que l'amendement de 2004 apporté à l'article 174 de la loi sur les relations du travail et les syndicats autorise ceux-ci à exclure ou expulser des personnes au motif d'avoir engagé des activités en tant que membre d'un parti politique mais n'autorise pas l'expulsion pour le simple fait d'être membre d'un parti, ce qui implique automatiquement une indemnisation du membre qui aurait été effectivement expulsé en raison de son affiliation à un parti politique. Les membres employeurs ont cité l'affaire ASLEF c. le Royaume-Uni dans laquelle la Cour européenne des droits de l'homme a récemment statué que le gouvernement contrevenait à l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme. Compte tenu de ces récents développements, il faut prendre en note les informations communiquées par le représentant gouvernemental et se féliciter du processus de consultation en cours avec les parties intéressées, qui constitue un événement majeur.

S'agissant de la protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou d'actions actions revendicatives secondaires, la question a été abordée à de nombreuses reprises depuis 1989 et a abouti chaque fois au même résultat. Aucun événement qui justifierait un changement n'a été enregistré depuis. En 1991, la commission d'experts a reconnu que la législation britannique offrait une protection non négligeable contre la responsabilité de droit commun aux personnes et aux organisations syndicales qui organisent ou participent à certaines formes d'action collective et qu'on ne pouvait imposer à ces travailleurs de poursuivre ou reprendre le travail. Quoi qu'il en soit, la commission d'experts n'a cessé de remettre en cause l'absence de protection en cas d'action de grève secondaire et a invité de manière répétée le gouvernement à adopter une loi qui permette aux travailleurs et à leurs syndicats d'entamer des actions collectives, telles que des protestations et des grèves de solidarité.

En réaction aux observations qui précèdent, le gouvernement a systématiquement opposé les arguments suivants. Premièrement, la loi britannique offre une protection contre la responsabilité civile qui pourrait être invoquée lorsqu'un syndicat ou une personne quelconque appelle des travailleurs à rompre leur contrat pour entamer ou poursuivre un litige commercial avec leur employeur, et elle donne à cet effet une définition très large du terme "litige commercial". Deuxièmement, les modifications apportées depuis 1979 à la loi relative à l'organisation de l'action collective n'ont d'aucune manière affecté la situation des travailleurs, qui conservent la possibilité d'entamer une action collective dans le cadre d'un conflit syndical avec leur employeur ou pour appuyer d'autres travailleurs ou tout autre objectif. Troisièmement, rien dans la convention no 87 n'impose une protection légale pour les grèves de solidarité. En conséquence, le gouvernement ne reconnaît pas la nécessité de légiférer davantage sur la protection contre la responsabilité civile pour des actions consistant à organiser ou appeler à une action collective, pour être en conformité avec la convention.

Dans d'autres rapports, le gouvernement a ajouté que le fait d'autoriser certaines formes de grève secondaire reviendrait à faire un pas en arrière en replongeant le pays dans les conflits des années soixante et soixante-dix, époque à laquelle des actions collectives touchaient fréquemment des employeurs et des travailleurs qui n'avaient aucun lien direct avec le conflit. Les membres employeurs ont indiqué qu'ils ne voyaient pas la nécessité de commenter une telle hypothèse parce que, selon eux, la situation actuelle ne contrevient pas à la convention no 87. C'est au gouvernement qu'il appartient de décider s'il veut ou non d'une protection contre la responsabilité civile dans le cas des grèves de solidarité et, tant qu'il ne l'aura pas fait, les employeurs prônent le maintien du statu quo.

La membre travailleuse du Royaume-Uni a d'abord expliqué en quoi consistent les restrictions légales à la liberté syndicale. L'article 174 de la loi (codifiée) sur les relations de travail oblige les syndicats à accepter en tant que membres des gens qui sont affiliés à des partis politiques d'extrême droite dont les options répugnent à la majorité de leurs adhérents. Les syndicats ne sont pas autorisés à les expulser à moins qu'ils aient personnellement adopté une conduite contraire à leurs règlements ou à leurs politiques. De plus, comme l'a signalé le gouvernement, tout progrès en la matière a été bloqué par une décision de la Cour européenne des droits de l'homme. A vrai dire, les propositions du gouvernement ne portent que sur des changements mineurs qui ne sont pas de nature à régler le problème et ne permettraient pas de garantir un respect total de la convention no 87.

L'article 3 de la convention prévoit que les syndicats ont le droit d'élaborer leurs statuts sans l'intervention des autorités publiques. La position que cherche à défendre le gouvernement est qu'un syndicat ne peut prendre de mesures disciplinaires à l'encontre d'un membre qui refuse de participer à une action collective décidée de manière démocratique par le syndicat. Il s'agit là d'une infraction grave à la convention no 87 dans la mesure où elle remet en cause le but premier de tout syndicat indépendant, à savoir la promotion et la protection des intérêts collectifs de ses membres. La défense de ces intérêts collectifs est organisée à la suite de décisions démocratiques auxquelles participent toutes les personnes concernées. Le fait qu'un syndicat ne soit pas en mesure de faire appliquer ces décisions par des mesures disciplinaires ou en expulsant ceux qui refusent de s'y soumettre constitue une attaque majeure remettant en cause sa capacité à fonctionner.

En dehors des syndicats, la loi britannique n'oblige aucune autre association à admettre dans ses rangs des personnes qui adhèrent à des positions en opposition totale avec celles de l'association et de ses membres. On peut citer l'exemple d'une association de protection des animaux hostile à la chasse qui avait décidé d'exclure tous ceux qui y étaient favorables. Cette association a été traînée en vain devant les tribunaux. Rien ne justifie de traiter les organisations syndicales différemment sur le plan juridique de toute autre organisation composée de membres.

La législation en vigueur a notamment pour effet, quoique involontairement, de fournir à l'extrême droite le moyen de s'attaquer aux syndicats. En janvier 2003, une revue d'extrême droite a exhorté ses lecteurs à infiltrer les syndicats dans le but précis de s'en faire expulser pour ensuite réclamer de confortables indemnités.

Le droit de grève est particulièrement encadré au Royaume-Uni. Il n'est pas autorisé à des travailleurs d'entamer des actions de soutien en faveur d'autres lorsqu'ils n'ont pas le même employeur, et les membres d'un même syndicat ne sont pas autorisés à appeler à des grèves de solidarité s'ils n'ont pas le même employeur. De même, des travailleurs concernés par un conflit et qui pourraient être affectés par son issue ne peuvent pas légalement être appelés à lancer une action de soutien. Ce fait a son importance, pas seulement dans le secteur privé, mais de plus en plus dans le secteur public aussi. De nombreuses fonctions de l'administration locale et nationale sont maintenant sous-traitées à des organismes privés ou du secteur des services.

Les grèves de solidarité ne constituent pas la seule entrave au droit syndical. Les syndicats doivent être en mesure de prouver qu'un litige est en rapport avec un élément d'une liste prédéfinie de matières contractuelles ou liées au lieu de travail. Une action collective décidée pour un motif ne figurant pas sur cette liste n'aura pas un caractère licite. En outre, les appels à la grève que peuvent lancer les syndicats sont réglementés par un ensemble de dispositions légales très complexes. Le syndicat doit d'abord notifier à l'employeur son intention d'organiser un scrutin et lui remettre un exemplaire du bulletin de vote qu'il distribuera. Après le scrutin, il doit informer l'employeur du résultat du vote et, enfin, sept jours au moins avant d'appeler ses adhérents à l'action, il doit indiquer à l'employeur quel type d'action il compte entreprendre. De plus, le syndicat doit communiquer à l'employeur des précisions quant au nombre et aux catégories de travailleurs et préciser quels lieux de travail seront concernés par le scrutin ou par son action. Au Royaume-Uni, l'arrêt de travail spontané n'est autorisé que si les travailleurs voient leur santé ou leur sécurité mises en danger. Les syndicats sont empêchés d'entamer des actions pour la défense des intérêts de leurs membres parce qu'il leur est difficile de satisfaire à des contraintes légales extrêmement techniques et complexes. Par conséquent, l'attention des personnes concernées par le différend est détournée de l'injustice et de la violation des droits qui le motivent au profit des détails des exigences légales sur la forme.

La commission d'experts a précédemment demandé au gouvernement de la tenir informée de tous faits nouveaux à propos du droit de mener des actions de solidarité. Le gouvernement n'a pas été en mesure de fournir ces informations parce qu'il a préféré ne rien faire. Le gouvernement a beaucoup trop traîné à honorer les engagements qu'il a contractés en adoptant la convention no 87. En conséquence, l'oratrice a exhorté la commission à inviter instamment le gouvernement à prendre d'urgence les mesures nécessaires pour garantir le respect de la convention.

Le membre employeur du Royaume-Uni a indiqué que, en ce qui concerne le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlement administratifs sans intervention de la part des autorités publiques, il faut saluer la décision du gouvernement d'entamer des consultations formelles au sujet de propositions visant à modifier l'article 174 de la loi sur les relations du travail et les syndicats (consolidée), à la lumière de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire ASLEF c. le Royaume-Uni. S'agissant du problème de la protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grève de solidarité ou autres actions revendicatives, il n'y a rien dans la convention no 87 qui exige qu'une protection spéciale doive être accordée en cas d'action en justice au sujet de l'organisation d'une action revendicative par des travailleurs qui ne sont pas en conflit avec leur propre employeur. Par conséquent, la position décrite par le représentant gouvernemental sur cette question doit être appuyée.

Le membre travailleur du Sénégal a indiqué que la commission d'experts souligne dans son rapport les manquements qui affectent toujours l'article 174 de la TULRA. Bien que modifiée en 2004, cette loi donne toujours la possibilité à quiconque de faire échec à des dispositions essentielles à la protection du droit syndical. En validant les tentatives d'infiltration du mouvement syndical par des partis politiques extrémistes, les dispositions de la loi incriminées permettent à tout individu de porter atteinte à l'autonomie du mouvement syndical. Ce faisant, la loi travestit la mission du mouvement syndical.

Le TUC dénonce le système d'indemnisation automatique des anciens membres exclus par les syndicats en raison de leur appartenance à un parti politique extrémiste. Ce système revient à imposer aux syndicats de s'incliner devant des personnes dont les pratiques semblent peu compatibles avec le militantisme syndical. Le TUC doit pouvoir se protéger contre l'extrémisme. Les statuts des syndicats sont leur constitution. Il ne peut y avoir d'arrangements dans ce domaine. La liberté d'un individu ne doit pas remettre en cause celle des organisations syndicales. Contraindre un syndicat à indemniser un membre exclu semble être le meilleur moyen d'encourager les agissements préjudiciables.

En ce qui concerne les articles 223 et 224 de la TULRA, l'orateur a estimé que leurs dispositions portent atteinte au principe de solidarité, qui constitue le socle du syndicalisme. C'est sur la possibilité pour les travailleurs de participer à des grèves de solidarité que reposent leurs véritables moyens de résistance. Les restrictions contenues dans ces articles sont contraires à la convention no 87 et au droit syndical. Le gouvernement doit donc prendre des mesures afin d'assurer que les garanties établies par la convention no 87 ne soient pas rendues inefficaces. Il en va de l'autorité des conventions. De vraies réformes doivent être engagées, car l'immobilisme n'est pas une solution pertinente. Enfin, l'orateur a appelé le gouvernement à restaurer un véritable dialogue avec le TUC.

La membre travailleuse des Etats-Unis a déclaré que les grèves de solidarité sont devenues un outil de plus en plus fréquent et important en raison de la mondialisation de l'économie et des délocalisations. Selon le Comité de la liberté syndicale, l'interdiction des grèves de solidarité est abusive, ces grèves devant être autorisées lorsque la grève initiale est licite.

La commission d'experts considère que les restrictions imposées par la loi consolidée sur les relations de travail et les syndicats violent les normes de l'OIT et demande régulièrement au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 223 et 224 de cette loi. Le gouvernement refuse cependant de le faire. Conformément à la législation, les grèves sont licites uniquement lorsqu'elles ont un lien avec le premier employeur, terme qui a une définition juridique étroite puisqu'il se réfère uniquement au lieu de travail et ne s'étend pas aux filiales d'une entreprise mère. Les restrictions ignorent les intérêts légitimes des travailleurs et poussent de nombreuses entreprises britanniques à diviser leur main-d' uvre artificiellement pour créer des entreprises tampon.

L'effet négatif des restrictions des grèves de solidarité sur la liberté syndicale au Royaume-Uni est très documenté. A titre d'exemple, on peut citer le cas de 670 membres du personnel de l'entreprise Gate Gourmet, entreprise de restauration aérienne, qui ont été licenciés pour avoir participer à une grève licite concernant l'emploi du personnel occasionnel. Près de 100 employés de compagnies aériennes ont entrepris une grève de deux jours en solidarité avec leurs collègues exerçant dans un secteur d'activité connexe, employés par une entreprise distincte mais avec lesquels ils partageaient le lieu de travail. L'entreprise a admis avoir établi un plan délibéré pour provoquer des actions revendicatives lui donnant ainsi une excuse pour licencier du personnel et le remplacer par de la main-d' uvre bon marché. Bien qu'elle prétende que ce plan ait été rejeté, les licenciements ont eu lieu et les syndicats n'ont pas pu négocier la réintégration de ces travailleurs.

Il est par conséquent clair que, au Royaume-Uni, la loi limite sévèrement la possibilité pour les travailleurs d'agir collectivement et d'exercer les droits protégés par la convention no 87.

Le représentant gouvernemental a remercié tous ceux qui ont participé au débat, en particulier ceux qui ont exprimé leur soutien aux efforts entrepris par le gouvernement en vue du futur amendement de l'article 174 de la loi (codifiée) de 1992 sur les relations de travail et les syndicats concernant la possibilité pour des organisations syndicales d'exclure ou expulser une personne au motif de son appartenance à un parti politique.

S'agissant de la question de la légalité de l'action revendicative secondaire, l'exemple de Gate Gourmet n'est pas caractéristique. Les licenciements pour fait de grève sont extrêmement rares et la situation du pays ne doit pas être jugée sur la foi d'un cas isolé. Compte tenu de la particularité de sa situation en matière de relations professionnelles, une multiplication des grèves de solidarité serait particulièrement préjudiciable pour le Royaume-Uni.

Son gouvernement répondra aux questions soulevées par la commission d'experts et par la Commission de la Conférence dans le prochain rapport qu'il doit présenter au titre de la convention.

Les membres employeurs ont indiqué que, en ce qui concerne le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlement administratifs sans intervention de la part des autorités publiques, il doit y avoir une reconnaissance claire et sans ambiguïté de la déclaration du représentant gouvernemental qui a indiqué que le processus de consultation était en cours et que le gouvernement avait l'intention de modifier la loi. La commission ne peut pas en demander davantage.

S'agissant des grèves de solidarité, tout en notant les commentaires qui ont été faits par les intervenants, les membres employeurs ont indiqué que ces arguments doivent être traités dans le cadre d'une structure juridique nationale dans laquelle un débat libre pourrait être engagé. Rien dans la convention no 87 n'exige une protection juridique de la grève de solidarité. En ce qui concerne la grève de solidarité dans l'affaire Gate Gourmet, il doit être mentionné que les tribunaux ont estimé que l'action revendicative était illégale.

Les membres travailleurs ont indiqué que quatre questions leur semblaient essentielles pour les conclusions de la commission sur ce cas. En premier lieu, la commission se doit de reconnaître que le droit de déterminer librement les critères d'adhésion de nouveaux membres à un syndicat et la possibilité d'exclure d'un syndicat des membres ou de prendre d'autres mesures disciplinaires envers les membres qui refusent de respecter les décisions prises de façon démocratique sont des éléments essentiels au droit des travailleurs de s'organiser, notamment pour protéger les syndicats contre l'infiltration par des membres d'associations dont les idées sont incompatibles avec les valeurs et le modèle social et démocratique défendu par le mouvement syndical.

En second lieu, les membres travailleurs ont noté que le gouvernement se dit prêt à modifier sa législation et qu'il admet que les modifications apportées en 2004 ne concernent pas pleinement des préoccupations en matière de liberté syndicale, et que des initiatives supplémentaires sont nécessaires. Il est essentiel que les éventuelles modifications qui seront apportées à la loi soient discutées avec les partenaires sociaux afin d'élaborer un cadre législatif qui soit pleinement en conformité avec la convention no 87 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, cela en étroite collaboration avec le BIT.

En troisième lieu, tout comme il l'a été souligné par les intervenants employeurs et travailleurs du Royaume-Uni, la législation en vigueur ne respecte pas le droit des syndicats de prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres. Les membres travailleurs ont demandé à ce que la commission d'experts, tout en tenant compte des informations supplémentaires que le gouvernement fournira, examine cette question de manière à garantir que la législation soit parfaitement en conformité avec la convention no 87.

Finalement, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de reconnaître le droit de participer à des grèves de solidarité. Cette reconnaissance implique nécessairement une modification des articles 223 et 224 de la TULRA qui doit être faite en collaboration avec les partenaires sociaux nationaux. S'adressant directement au gouvernement et aux employeurs, les membres travailleurs ont rappelé un principe sur lequel le Comité de la liberté syndicale a statué à plusieurs reprises et selon lequel le droit d'organiser des grèves de solidarité est un élément qui fait partie du droit de grève.

La commission a pris note des déclarations du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté que les commentaires de la commission d'experts concernaient diverses dispositions législatives ayant une incidence sur le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements et d'organiser leur activité sans intervention des autorités publiques.

La commission a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles des documents de consultation ont été publiés et largement diffusés auprès de tous les syndicats et de toutes les organisations d'employeurs du Royaume-Uni, suggérant des amendements possibles à l'article 174 de la loi sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), notamment l'abrogation de toutes les limitations réglementaires imparties aux syndicats concernant la faculté pour ceux-ci d'exclure certaines personnes de leurs rangs au motif de leur appartenance ou de leur activité politique. Le gouvernement a exprimé son intention de modifier la loi sur ce point sous les meilleurs délais.

La commission a pris note du jugement rendu récemment par la Cour européenne des droits de l'homme qui, faisant explicitement référence aux articles 3 et 5 de la convention no 87 de l'OIT, déclare que l'application de l'article 174 de la TULRA est contraire à l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme. La commission s'est réjoui que le gouvernement ait engagé un processus de consultation suggérant diverses approches possibles de modification de l'article 174, et a exprimé l'espoir que la TULRA serait modifiée dans un proche avenir de manière à assurer que les organisations de travailleurs puissent élaborer leurs statuts et leurs règlements sans intervention des autorités publiques.

La commission a en outre prié le gouvernement d'engager une large consultation avec les organisations nationales de travailleurs et d'employeurs concernées en vue de parvenir à un consensus sur les autres questions soulevées au cours de la discussion. Elle a demandé au gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur les progrès enregistrés au terme de cette consultation et sur les modifications de la législation proposées. La commission veut croire que la commission d'experts accordera une attention particulière à la discussion à laquelle ce cas a donné lieu.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1997, Publication : 85ème session CIT (1997)

Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Le gouvernement a honoré son engagement de rétablir le droit du personnel du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) de s'affilier à l'organisation syndicale de son choix, qui était dénié depuis 1984. Les conditions de service au GCHQ ont été modifiées, avec effet immédiat, afin de supprimer toute restriction à l'affiliation syndicale. Le personnel jouit maintenant de la liberté d'affiliation au syndicat de son choix. Des informations complètes concernant les changements intervenus seront communiquées en temps opportun au BIT.

Un représentant gouvernemental a rappelé que le ministre britannique du Travail et de l'Emploi avait déjà annoncé formellement le rétablissement des droits syndicaux au personnel du siège du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) dans son discours devant la session plénière de la Conférence. Le ministre a insisté sur le soutien total de son gouvernement à l'OIT, l'importance qu'il accorde à rétablir la réputation du Royaume-Uni en ce qui concerne le respect de ses obligations envers l'OIT et son attachement à l'application effective des conventions fondamentales du travail. En conséquence, l'orateur s'est félicité de pouvoir annoncer formellement à la présente commission la décision immédiate prise par son gouvernement d'accorder à nouveau la liberté syndicale au personnel du GCHQ. Cette décision est l'un des premiers actes pris par le nouveau gouvernement, après son élection le 1er mai 1997.

La rapidité avec laquelle le gouvernement a pris cette mesure démontre l'importance qu'il accorde au respect - par le Royaume-Uni - de la liberté syndicale et des droits syndicaux fondamentaux, car il estime que leur exercice est crucial pour un développement équilibré, humain, démocratique et pacifique. L'orateur a indiqué qu'il n'était pas en mesure de fournir une réponse détaillée à l'ensemble des autres questions soulevées par la commission d'experts dans son observation à propos du respect, par le gouvernement, des dispositions de la convention. Il est cependant en mesure de confirmer que son gouvernement s'est engagé à établir un juste équilibre entre les droits et responsabilités des employeurs et des travailleurs sur le lieu de travail. Le gouvernement a l'intention d'organiser, plus tard dans l'année, des consultations sur ses propositions pour un monde du travail plus équitable. Les organisations syndicales joueront bien entendu pleinement leur rôle dans ces consultations tripartites. Enfin, l'orateur a souhaité confirmer le fait que son gouvernement répondra en temps voulu à tous les commentaires de la commission d'experts formulés dans sa dernière observation.

Les membres travailleurs ont déclaré qu'un long et difficile débat sur l'application de la convention par le Royaume-Uni aurait été nécessaire sur la base de l'observation de la commission d'experts. Compte tenu toutefois de la déclaration du ministre du Travail et de l'Emploi en plénière et de celle du représentant gouvernemental au sein de la présente commission, il semble que des progrès puissent être enfin relevés. Il apparaît que la situation des travailleurs du GCHQ licenciés a été réglée. Il s'agit d'une grande victoire pour le système et les organes de contrôle. Il ne faut cependant pas perdre de vue le fait que le gouvernement doit encore prendre un certain nombre de mesures avant que sa législation ainsi que sa pratique soient totalement conformes aux exigences de la convention. Il existe néanmoins de réelles raisons d'espérer que ces mesures soient prises, d'autant que le nouveau gouvernement est prêt à s'engager dans des consultations concrètes et significatives avec le Congrès des syndicats (TUC) et la Confédération des industries britanniques (CBI). Les membres travailleurs se sont félicités de l'intention du gouvernement de présenter un livre blanc sur le rétablissement d'un monde du travail plus équitable. Les représentants des travailleurs du Royaume-Uni attendent avec impatience la tenue de consultations appropriées sur le livre blanc et la législation qui en résultera. Enfin, les membres travailleurs se sont félicités de la perspective d'une participation accrue du gouvernement aux travaux de l'OIT annoncée par le ministre dans sa déclaration et du fait qu'il entend veiller au respect des conventions fondamentales de l'OIT.

Les membres employeurs ont relevé que ce cas était bien connu de la présente commission pour y avoir été discuté très souvent. Les informations écrites présentées par le gouvernement montrent qu'il est, pour l'essentiel, résolu. La contribution des discussions de la commission à cette solution est difficile à évaluer, et les évolutions nationales ont sans doute eu une part plus décisive. Mais, plutôt que de se livrer à des considérations historiques, il suffit de constater avec satisfaction que la liberté syndicale est rétablie au GCHQ. Comme il arrive souvent dans les discussions de la présente commission, toute une série d'autres points relevés dans les commentaires de la commission d'experts sont peu abordés, sinon de façon générale et allusive. Les points 2 et 3 de l'observation de cette année soulèvent à cet égard des questions fondamentales mais, comme ni le représentant gouvernemental ni les membres travailleurs ne les ont abordés, les membres employeurs s'abstiendront de les évoquer, tout en se réservant la possibilité d'y revenir lors d'une prochaine session de la Conférence.

Le membre travailleur du Royaume-Uni s'est félicité de la déclaration du nouveau gouvernement travailliste mettant un terme à treize années d'injustice. Il a également tenu à exprimer la reconnaissance du TUC britannique - son propre syndicat, dont plus de 900 membres du GCHQ se sont vu interdire le droit de s'affilier à un syndicat, et notamment des 14 membres du personnel qui ont été licenciés parce qu'ils refusaient de quitter leur syndicat - à l'OIT et à tous les délégués de la présente commission pour avoir gardé vivant le cas du GCHQ. Il a également remercié les gouvernements et membres employeurs qui, pendant plus de treize années, ont apporté leur soutien et ont appelé à la résolution de ce cas. En outre, il a remercié les fonctionnaires britanniques qui ont présenté ce cas il y a treize ans - fonctionnaires qui, pour la plupart, étaient membres de la même organisation syndicale interdite au GCHQ en 1984. Il a surtout souhaité remercier les membres travailleurs de la présente commission pour leur soutien sans faille et total sur cette question.

Le membre gouvernemental de la Suisse a souhaité, en qualité de représentant de son gouvernement mais également à titre personnel, saluer avec grande satisfaction la déclaration du représentant gouvernemental. La discussion de ce cas pendant de longues années lui a en effet donné valeur de symbole pour l'application d'une norme fondamentale de l'Organisation. On ne peut donc que se réjouir des mesures effectives prises dans le cas du GCHQ et noter avec satisfaction les mesures que le gouvernement a prises ou qu'il entend prendre sur une base tripartite pour mettre pleinement en oeuvre la convention. Il convient aussi de noter avec espoir l'engagement et la bonne volonté du gouvernement pour répondre aux demandes de la commission d'experts sur les autres points qu'elle soulève. Il ne s'agit pas seulement là d'un cas de progrès, mais bien d'un cas résolu qui ne devrait plus figurer à l'avenir dans la liste des cas à discuter.

Le représentant gouvernemental a noté la satisfaction de la commission face au rétablissement des droits syndicaux du personnel du GCHQ.

Les membres travailleurs ont exprimé leur désaccord avec l'affirmation du membre gouvernemental de la Suisse selon laquelle le cas est résolu. Il reste, bien au contraire, de nombreuses mesures à prendre afin de mettre la législation et la pratique en conformité avec la convention. Ils ont exprimé l'espoir que ces mesures seraient prises prochainement.

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement. La commission a relevé avec satisfaction que le gouvernement avait rempli son engagement de restaurer le droit du personnel du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) de s'affilier à l'organisation syndicale de son choix, droit qui lui était dénié depuis 1984. La commission a décidé de mentionner ce cas de progrès dans la partie appropriée de son rapport général. La commission a exprimé l'espoir qu'en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs le gouvernement examinerait les autres points mentionnés dans le rapport de la commission d'experts.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1995, Publication : 82ème session CIT (1995)

Un représentant gouvernemental a rappelé les données essentielles de ce cas. Le Centre de communications du gouvernement (GCHQ) a pour fonction de rassembler et d'analyser des informations à des fins de renseignements et fait partie intégrante du système de renseignement du Royaume-Uni. Son statut a été modifié par la loi de 1994 sur les services de renseignement. Il fournit aux administrations gouvernementales et à l'état-major de l'armée des renseignements d'importance vitale et entretient des liens essentiels avec les services de renseignement de nombreux autres pays. La loi a clairement établi que les services de renseignement que fournit le GCHQ le sont "dans l'intérêt de la sécurité nationale et, en particulier, de la politique étrangère et de la politique de défense" du gouvernement. Dans la loi, l'expression "GCHQ" vise le Centre de communications du gouvernement ainsi que tout service ou toute section de service des forces armées dont le concours est requis pour l'assister dans ses fonctions. Ces fonctions sont remplies directement ou indirectement par l'armée dans de nombreux pays. C'est la nécessité de garantir la continuité du fonctionnement du GCHQ qui a amené le gouvernement à y restreindre la représentation du personnel à la suite des troubles qu'a entraînés la perte de 10 000 journées de travail entre 1979 et 1981 en raison d'actions revendicatives. Le gouvernement a la responsabilité primordiale d'assurer la sécurité nationale et ne peut permettre que le fonctionnement du GCHQ puisse être menacé par l'action revendicative.

Le premier problème majeur tient à ce qu'en Grande-Bretagne un accord entre un syndicat et un employeur n'a pas force exécutoire et que, par conséquent, une offre d'engagement de non-recours à la grève de la part d'un syndicat ne saurait garantir contre une interruption du service. En réalité, un projet de convention de non-interruption proposé par le Conseil des syndicats de la fonction publique (CCSQ) en 1984 a été rejeté par la suite par deux des principaux syndicats. Autoriser le personnel du GCHQ à s'affilier aux syndicats nationaux impliquerait un risque d'interruption.

Un deuxième problème important tient à une divergence d'appréciation entre le gouvernement du Royaume-Uni et la commission d'experts quant à l'exclusion du personnel du GCHQ du bénéfice des dispositions de la convention no 87 en vertu de son article 9. Ce personnel comprend des fonctionnaires relevant de l'autorité du ministre des Affaires étrangères, mais également des militaires sous l'autorité du ministre de la Défense. Imposer un statut militaire à ceux d'entre eux qui ont toujours été des civils et ne se considèrent pas comme des militaires reviendrait à leur imposer un changement de statut arbitraire et inacceptable. Il ne s'agit néanmoins que d'une différence de définition et non d'une véritable différence de fonction. La Cour européenne des droits de l'homme a conclu en 1985 que l'attitude du gouvernement à l'égard du GCHQ n'était pas une violation de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège la liberté d'association, dans la mesure où le GCHQ était une institution à caractère particulier dont l'objet est, dans une large mesure, analogue à celui des forces armées et de la police, pour autant que le personnel du GCHQ remplisse, en assurant la sécurité des communications officielles et militaires du gouvernement, des fonctions vitales de protection de la sécurité nationale. La commission d'experts a, en pratique, adopté un point de vue identique dans son étude d'ensemble de 1994 en exposant que les exceptions autorisées par la convention no 87 étaient justifiées "par les responsabilités des personnes concernées en matière de maintien de la sécurité externe et interne de l'Etat" (paragr. 55).

En outre, les dispositions de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, qui autorisent le gouvernement à déterminer l'étendue des droits à l'appartenance syndicale des agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel, s'appliquent au GCHQ. Il est insatisfaisant que la commission d'experts ait rejeté cet argument sans en indiquer les raisons.

Il ressort de ces éléments que la situation du personnel du GCHQ doit être considérée comme particulière et qu'il s'agit d'un cas spécial qui ne relève pas du champ d'application normal de la liberté syndicale.

Depuis la dernière discussion de ce cas par la commission en 1992, et suite aux assurances données par le gouvernement qu'il poursuivrait le dialogue avec les syndicats en vue de rechercher une solution acceptable, un ensemble de discussions détaillées et constructives se sont tenues entre le gouvernement, la direction de la fonction publique et les secrétaires généraux des syndicats de fonctionnaires. Une Fédération du personnel des communications du gouvernement (GCSF) s'est constituée et a été reconnue par la direction du GCHQ aux fins de négociations; plus de la moitié du personnel du GCHQ en fait partie. Dès 1985, la GCSF a été homologuée par le greffier responsable de l'homologation des syndicats et des associations d'employeurs, qui a reconnu qu'elle fonctionnait pour l'essentiel de la même manière que d'autres petits syndicats représentant les intérêts de leurs membres. Le gouvernement est disposé à permettre l'affiliation de la GCSF au CCSU, mais ce sont les syndicats de la fonction publique qui ne sont pas disposés à l'accepter. Les syndicats n'ont plus fait de propositions formelles depuis leur rencontre avec le Premier ministre en décembre 1993, mais des contacts informels sont maintenus sur la question.

Le gouvernement a ainsi clairement démontré sa volonté de parvenir à résoudre ce problème par la voie d'un véritable dialogue. Les propositions avancées par le Premier ministre ont traduit un changement important par rapport à la position qui était celle du gouvernement en 1984. Prenant note de la dernière observation de la commission d'experts, le gouvernement estime qu'il reste de nouvelles voies de progrès à explorer et il est, pour sa part, déterminé à examiner toute nouvelle proposition de règlement de cette question.

Contrairement à certains bruits dont la presse s'est fait l'écho, le gouvernement n'envisage pas de se retirer de l'OIT, et aucune menace n'existe à cet égard. L'examen de l'appartenance à l'OIT fait partie de l'évaluation qu'a entrepris le gouvernement de son appartenance à toutes les organisations internationales et des coûts qui en résultent.

Les membres travailleurs ont rappelé que seul le premier point de l'observation de la commission d'experts faisait l'objet de la discussion. L'ancienneté de ce cas et l'absence persistante de toute solution constituent une menace pour l'ensemble du système normatif. Dès l'origine, la position de la commission d'experts a été claire et sans ambiguïté: refuser au personnel du GCHQ le droit de s'affilier au syndicat de leur choix constitue une violation de la convention no 87. Le gouvernement persiste pourtant à refuser d'accepter les observations de la commission d'experts et insiste sur sa propre interprétation de la convention no 87. Sa référence à la convention no 151 n'est pas pertinente car celle-ci ne saurait supplanter la convention no 87. L'argument selon lequel le GCHQ devrait être considéré comme une institution militaire doit être écarté car, si le gouvernement reconnaît qu'il ne peut mettre son personnel en uniforme, c'est bien qu'il ne s'agit pas de militaires dans le cadre de la convention. La question du droit de grève doit être distinguée de celle du conflit de loyauté. Le gouvernement a indiqué que l'existence même du GCHQ n'avait été reconnue publiquement que récemment mais, pourtant, il doit aussi être dit publiquement que des syndicats ont existé dans cet organisme pendant une quarantaine d'années avant que le droit d'organisation ne soit supprimé dans ce secteur. En dépit du nombre d'heures de travail perdues lors des grèves, la continuité du fonctionnement a été assurée car les syndicalistes du GCHQ sont des citoyens dont la loyauté à l'égard de leur pays ne peut être mise en cause.

Lors de la discussion de ce cas en 1992, ce ne sont pas seulement les membres travailleurs, mais également les membres gouvernementaux et employeurs qui ont exhorté à l'instauration d'un dialogue entre le gouvernement et les syndicats. La commission avait alors exprimé "sa profonde préoccupation quant au refus persistant du gouvernement d'appliquer la convention aux travailleurs du GCHQ qui continuent de ne pas jouir du droit de s'affilier à l'organisation syndicale de leur choix". Trois ans après que la commission a "exprimé le très ferme espoir d'être en mesure de prendre note de progrès substantiels", cette discussion devrait indiquer quelle devrait être la nature des conclusions à adopter sur ce cas et comment les exprimer.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a complété la déclaration des membres travailleurs en apportant certaines précisions. En premier lieu, les accords entre syndicats et employeurs peuvent avoir force exécutoire en Grande-Bretagne dès lors que les parties en conviennent, et c'est la solution qu'a proposée le syndicat lors d'une rencontre avec le secrétaire du Cabinet. Ensuite, il n'est pas rare que des personnels civils et militaires travaillent ensemble: tel est le cas au ministère de la Défense où des milliers de civils travaillent avec des militaires et dirigent ou sont dirigés par des militaires.

Suite aux assurances qu'il avait prodiguées en 1992, le gouvernement indique que le dialogue avec les syndicats a repris et reste ouvert, et qu'il continue à rechercher par ce moyen une solution qui garantisse la sécurité du pays tout en étant acceptable pour les parties. Il est exact que les discussions avec le secrétaire du Cabinet et la rencontre avec le Premier ministre ont été marquées par la bonne foi. Le problème qui continue d'opposer les deux parties est celui du conflit de loyauté. Il convient de préciser les raisons pour lesquelles les travailleurs ont rejeté l'affiliation de la GCSF au CCSU. Tout d'abord, les travailleurs ont demandé si la GCSF serait libre de s'affilier au Congrès des syndicats (TUC). Il est apparu que la réponse serait négative en raison d'un éventuel conflit de loyauté, bien que le gouvernement ait été disposé à envisager de lever le veto opposé par le directeur du GCHQ. La GCSF n'était donc pas aussi indépendante qu'elle était censée l'être. En outre, cette solution n'aurait pas été conforme à la convention no 87 en l'absence de libre choix. Enfin, elle n'aurait été avantageuse pour personne, comme le CCSU n'était plus en mesure de négocier avec le gouvernement, sauf pour les questions de pension, parce que le gouvernement mettait fin à la négociation collective.

Lors de leur rencontre avec le Premier ministre, les travailleurs ont fait des propositions sur des points techniques concernant les travailleurs de la sécurité nationale qui pouvaient être acceptées par le gouvernement. Les travailleurs ont proposé d'envisager la conclusion d'accords de non-recours à la grève qui auraient force exécutoire, mais les ministres du gouvernement ont estimé qu'il y avait un conflit de loyauté à être membre d'un syndicat national en étant salarié du GCHQ. Aussi, malgré la volonté affichée par le gouvernement de poursuivre le dialogue, aucune proposition ne semble pouvoir être faite par les travailleurs pour surmonter ce conflit de loyauté.

La déclaration du ministre responsable selon laquelle, en cas d'adoption d'un paragraphe spécial, la position du Royaume-Uni à l'OIT serait mise en péril préoccupe gravement les travailleurs britanniques. A l'occasion de conversations récentes, des ministres ont dit que les paragraphes spéciaux étaient faits pour les dictatures militaires. Or, les mêmes règles doivent être appliquées à tous les pays quels que soient leur stade de développement, leur taille ou leur contribution au budget de l'OIT. La question est comment favoriser la jonction entre les parties quand le problème existe seulement dans la tête des ministres. Le gouvernement n'a pas de proposition et dit que c'est aux syndicats d'en avoir. Aussi doit-il y avoir une solution ou un paragraphe spécial: voilà onze ans que le gouvernement a soudainement pris une décision en violation de la convention no 87.

Les membres employeurs ont estimé qu'il n'était point besoin de revenir en détail sur l'historique bien connu d'un cas qui avait fait sa première apparition à l'ordre du jour des travaux de la commission au milieu des années quatre-vingt. De surcroît, ils ne sont pas directement intéressés par un problème auquel n'ont pas pris part les employeurs privés. Le cas se caractérise par une attitude peu commune des deux parties à rester sur leurs positions respectives.

Peu d'éléments nouveaux sont intervenus depuis la dernière discussion de ce cas. Des discussions et des négociations ont eu lieu, y compris au plus haut niveau, avec le Premier ministre, mais sans qu'il ait été possible de parvenir à un accord. La proposition gouvernementale d'une association du personnel indépendante a été rejetée, tandis que le gouvernement ne veut pas voir les agents du GCHQ s'affilier au Congrès des syndicats (TUC). Sans doute, le problème aurait-il été résolu si cet organisme avait été mis sous l'autorité du ministère de la Défense ou si les travailleurs avaient été directement placés sous statut militaire, comme c'est le cas pour ce genre d'activités dans certains pays. Mais, tel qu'il se présente actuellement, il ne peut l'être qu'en conciliant deux positions de principe, comme l'avait recommandé le Comité de la liberté syndicale: la volonté du gouvernement que le service au GCHQ ne puisse être interrompu et la détermination des travailleurs que la convention no 87 leur soit pleinement appliquée.

Le gouvernement a indiqué qu'il souhaitait la poursuite du dialogue, et il convient d'espérer qu'en y mettant suffisamment de bon sens et de bonne volonté il soit possible de parvenir à une solution satisfaisante. Quant à la crainte d'une soi-disant "menace" qui a été évoquée par le membre travailleur du Royaume-Uni et dont le représentant gouvernemental nous a déclaré qu'elle était sans fondement, elle n'a pas plus sa place dans les travaux de la présente commission que les perspectives électorales auxquelles il a été également fait allusion.

Le membre employeur de la Suède a souligné que la commission d'experts reconnaissait elle-même que les agents du GCHQ assumaient des fonctions identiques à celles qui sont confiées dans d'autres pays à l'institution militaire, et que l'exclusion des forces armées prévue par la convention no 87 leur aurait été pleinement applicable s'ils avaient été placés, par décision administrative, sous l'autorité du ministre de la Défense. L'ensemble du cas ne peut donc être envisagé que comme une question purement administrative; il n'a trait en rien aux droits de l'homme.

Il est regrettable que ce cas fasse figure, au Royaume-Uni comme au plan international, de préoccupation principale de l'OIT en matière de droits de l'homme et de droits syndicaux, compte tenu du nombre relativement faible de personnes concernées. Les attaques visant le gouvernement britannique depuis plus d'une décennie sont particulièrement malvenues, eu égard à presque un demi-siècle pratiquement silencieux de l'OIT sur les violations massives et systématiques des droits de l'homme et des droits syndicaux dans le bloc soviétique. Où sont les proportions? L'orateur trouve que c'est pour des raisons politiques contre un gouvernement en particulier ou certaines formes de politique que le groupe des travailleurs a donné au cas de telles proportions. Cette instrumentalisation de l'OIT à des fins qui lui sont étrangères doit être dénoncée.

Le membre travailleur des Etats-Unis a regretté qu'au bout de onze ans la seule nouveauté soit que le gouvernement fasse pression sur la présente commission en menaçant de se retirer de l'OIT si elle appliquait ses règles au Royaume-Uni. Il est sans précédent qu'un pays use ainsi de la menace financière et diplomatique pour s'attaquer à l'intégrité de la présente commission et, au-delà, de l'OIT elle-même. La loi doit être la même pour chacun, fût-il riche et puissant.

Le membre travailleur de l'Afrique du Sud a estimé que ce cas ne concernait pas le seul Royaume-Uni, mais soulevait une question de principe. En Afrique du Sud, le gouvernement a envisagé de priver les travailleurs des services de renseignements de leurs droits syndicaux. Il en a été empêché par les syndicats qui étaient déterminés, le cas échéant, à porter cette violation de la convention no 87 devant l'OIT.

Non seulement le gouvernement du Royaume-Uni ne se conforme pas aux recommandations de la commission d'experts mais, sachant qu'il se trouve dans son tort, il en vient à des pratiques intolérables de chantage. S'agissant d'autres pays, la présente commission a aujourd'hui même insisté pour que la convention no 87 soit pleinement respectée. Sans doute s'agit-il ici d'un cas particulier, mais les principes sont les mêmes et doivent être appliqués à l'identique. Contrairement au gouvernement du Royaume-Uni, les travailleurs du GCHQ ne demandent pas un traitement de faveur, et c'est le devoir de la présente commission que de s'en tenir avec constance et fermeté à ses principes.

Le membre travailleur de l'Allemagne a déploré qu'un pays fort d'une aussi ancienne tradition démocratique bafoue les recommandations de l'OIT. La situation des syndicats au Royaume-Uni pose sans doute moins de problèmes que dans d'autres pays hors d'Europe. Mais quel genre d'interprétation pourrait justifier pour autant d'appliquer un traitement spécial à ce cas sans ruiner les principes d'objectivité et d'universalité dans le contrôle de l'application des normes, sans donner l'impression que les paragraphes spéciaux ne visent que les pays en développement? Il est vrai que ces pays ne disposent pas des mêmes moyens d'influence et de pression.

Un paragraphe spécial avait déjà été envisagé par la commission à la fin des années quatre-vingt, mais les mises en garde de l'époque n'ont pas suffi puisque aucun résultat constructif n'a encore été enregistré. Il est inexact d'affirmer que les deux parties campent avec une égale obstination sur leurs positions: les syndicats ont démontré, pour leur part, qu'ils étaient prêts à tenir compte des exigences de sécurité. Il est également abusif de réduire le problème à une question purement administrative car c'est le principe même du droit d'organisation collective qui est en cause, et les employeurs seraient bien inspirés de s'interroger sur les conséquences que pourrait avoir sur leur propre droit d'organisation le fait de tolérer une telle restriction dans ce domaine. Cet ensemble de raisons devrait amener la commission à prendre sur ce cas une position très ferme.

Le membre travailleur du Canada a souhaité réagir en premier lieu à ce qui est apparu comme une forme de chantage, le gouvernement du Royaume-Uni menaçant de se retirer de l'OIT s'il devait être traité comme tout autre gouvernement. Se référant aux déclarations du représentant du gouvernement selon lesquelles aucune décision n'a été prise de se retirer de l'OIT et qu'une telle décision nécessiterait une évaluation soigneuse, l'orateur souligna qu'il était évident que le gouvernement devait faire attention à ses déclarations dans la presse. Ce ne sont pas les travailleurs mais bien le gouvernement qui fait une utilisation hautement médiatisée de cette affaire.

Par ailleurs, certains membres gouvernementaux se disent agacés d'avoir à revenir encore sur ce cas. Mais ce sont tous les membres de la présente commission qui ont de bonnes raisons d'être agacés par l'attitude d'un gouvernement qui refuse obstinément depuis onze ans de se conformer aux recommandations des organes compétents de l'OIT.

Aussi convient-il de ne pas faire de discrimination à l'encontre du gouvernement du Royaume-Uni. Après que toutes les procédures ont été utilisées pendant onze ans sans que le gouvernement se conforme à ces recommandations, il a bien mérité un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de l'Inde a résumé les principaux problèmes. Il indique qu'il est d'accord avec les déclarations faites par les membres travailleurs et que ce cas montre une pratique injuste et déraisonnable de la part du gouvernement qui viole les droits syndicaux. En outre, il allègue qu'un syndicat n'est acceptable au gouvernement que s'il est indépendant du TUC. Au cours des onze dernières années, le gouvernement a prétendument négocié, et ce délai dans la recherche de solutions constitue également un déni de justice. Le Royaume-Uni est riche et puissant; l'OIT doit donc prendre garde de ne pas appliquer un double standard ou un traitement spécial en faveur du Royaume-Uni qu'elle n'appliquerait pas également aux pays en développement. En effet, la présente commission demande toujours aux pays en développement de remédier immédiatement aux violations des conventions. Une inégalité de traitement en faveur du Royaume-Uni soulèverait la suspicion et détériorerait l'image de l'OIT. Par conséquent, le cas devrait être mentionné dans un paragraphe spécial, à moins que le gouvernement ne donne l'assurance qu'il résoudra ces problèmes dans un proche avenir, que le TUC peut revenir au GCHQ et que le statut initial concernant les travailleurs du GCHQ sera rétabli. L'argument voulant qu'un paragraphe spécial soit utilisé contre le gouvernement dans la prochaine campagne électorale est totalement inacceptable dans ce cas.

Le membre travailleur de la France a déclaré qu'au cours des dernières années le gouvernement avait fait peu d'actions crédibles et qu'il était contradictoire de donner un statut civil aux travailleurs du GCHQ si, comme il a été démontré, ils accomplissent des fonctions militaires. Le Royaume-Uni est un pays démocratique important qui fait partie de l'OCDE et du G7; néanmoins, il s'exclut fréquemment des politiques sociales de l'Union européenne et viole les droits syndicaux des travailleurs du GCHQ depuis les onze dernières années. De plus, le gouvernement a menacé de se retirer de l'OIT si la commission adoptait un paragraphe spécial. La commission ne doit pas céder à un tel chantage. Les déclarations du représentant gouvernemental donnent une mauvaise image du Royaume-Uni dans le monde. Si ce pays s'écarte de plus en plus des règles sociales de l'Union européenne et des règles sociales internationales, il se transformera en une zone franche sur le plan de la concurrence internationale, et se retrouvera dans une situation de concurrence déloyale. Promouvoir les droits sociaux au niveau international, tout en réduisant les droits syndicaux au Royaume-Uni, pays industrialisé faisant partie des pays les plus riches, constitue un paradoxe qui justifie que la commission reste ferme sur ses positions.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis a expliqué que, d'une part, il est impossible de nier que la liberté d'association, incluant les droits de former ou de s'affilier au syndicat de son choix, est un droit fondamental tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. D'autre part, ce cas particulier est d'une envergure extrêmement limitée, impliquant un nombre relativement faible de techniciens hautement qualifiés travaillant dans le domaine de la sécurité nationale, un secteur militaire par nature, et que le conflit potentiel de loyauté entre l'employeur et le syndicat est bien réel. A deux occasions précédentes, la présente commission a discuté de ce cas; son gouvernement a adjoint dans une forte recommandation tripartite que le gouvernement du Royaume-Uni engage un dialogue constructif et franc de telle sorte qu'une solution mutuellement satisfaisante, en conformité avec la convention, puisse être trouvée. L'oratrice regrette que le problème n'ait malheureusement pas encore été résolu. Elle espère que la commission enverra une fois de plus un message fort et clair au gouvernement et que ce message sera, une fois de plus, unanime. Un tel message est la meilleure façon pour l'OIT, dans ce cas, d'encourager un dialogue ouvert, durable et renforcé sur la question de la liberté d'association au GCHQ et que, une fois pour toutes, ce cas sera réglé.

Le membre travailleur de l'Argentine a exprimé sa préoccupation devant l'attitude du gouvernement concernant ce cas au cours des onze dernières années où il a réussi à ne pas faire l'objet d'un paragraphe spécial par le biais de promesses non tenues. Le comité de la liberté syndicale a demandé avec insistance que le gouvernement s'efforce de respecter les dispositions de la convention no 87. Depuis de nombreuses années, le gouvernement a défendu avec éloquence l'application universelle et sans exception des conventions de l'OIT. Dans ce cas, une violation des articles 2 et 4 de la convention continue d'empêcher un groupe de travailleurs qui n'a pas été exclu du champ d'application de la convention du droit de s'organiser, et des mesures ont été prises contre sa liberté d'association. De la même manière, en 1983, la plupart des membres du syndicat ont été licenciés. Il considère que le comité doit adopter un paragraphe spécial pour démontrer son impartialité, son indépendance et la nécessité d'appliquer les mêmes règles à tous les pays.

Le membre gouvernemental de l'Inde a déclaré que la liberté va de pair avec certaines obligations; l'application de certaines restrictions raisonnables sur les droits fondamentaux de la liberté est bien reconnue. Ce qui constitue une réserve raisonnable est une question de politique. Dans le cas particulier du GCHQ, les travailleurs ne se voient pas refuser un droit de représentation car il existe un mécanisme de plaintes dans le pays. Et les employés concernés accomplissent des tâches découlant nettement de l'exercice de la souveraineté de l'Etat, ce qui les différencie des autres. Pour ces motifs, les restrictions imposées par le gouvernement du Royaume-Uni sont raisonnables, et ce cas est une illustration de la nécessité de rendre l'interprétation des conventions de l'OIT plus flexible. Ce sont les fonctions réelles de ces employés qui doivent être prises en considération et non simplement leur rattachement à un ministère civil ou militaire. Les organes de contrôle de l'OIT doivent éviter une interprétation rigide et légaliste des articles 2 et 9 de la convention. La commission doit donc recommander que le dialogue se poursuive; cependant, un paragraphe spécial dans le cas du Royaume-Uni est non seulement inapproprié, mais injuste.

Le membre travailleur du Japon a fait remarquer que la commission d'experts avait régulièrement demandé que des mesures soient prises par le gouvernement dans cette affaire. Malheureusement, ces mesures n'ont pas été prises, cela conduisant à un double standard où le gouvernement impose sa propre interprétation de la convention. Si la commission cède à un gouvernement sous la pression, cela pourrait constituer un fâcheux précédent. Dans ce cas, ce sont les principes d'indépendance, d'objectivité et d'équité du système de contrôle de l'OIT qui sont en jeu.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne a présenté un résumé des problèmes et de la position de la commission d'experts et de la présente commission au cours des dernières années. Il a rappelé que la commission d'experts avait fait remarquer qu'il s'agissait d'un cas exceptionnel. Elle n'avait pas demandé directement que la législation ou la pratique au Royaume-Uni change, mais plutôt que les discussions reprennent pour en arriver à se conformer aux dispositions de la convention. Cependant, la situation ne s'est pas améliorée, et les parties auraient pu faire plus. La commission doit demander d'autres mesures, mais elle ne doit pas adopter un paragraphe spécial. L'adoption d'un paragraphe spécial requiert l'existence à la fois d'une violation continue et d'un certain degré de gravité. Bien qu'il y ait eu violation continue, celle-ci n'est clairement pas si grave en comparaison d'autres cas à l'égard desquels la commission a adopté un paragraphe spécial. Dans le présent cas impliquant 13 employés (il y a trois ans au moins) travaillant au GCHQ qui n'ont pas voulu tirer parti de trois options à leur disposition, et qui n'ont pas souffert physiquement ou économiquement, la seule question est de déterminer s'ils ont pleine liberté d'association plutôt que le droit de s'organiser. Il n'a jamais été allégué que ces employés avaient souffert de contraintes physiques ou même de préjudices financiers. Il a été mentionné à de nombreuses reprises qu'il n'y aurait aucune violation de la convention si le gouvernement du Royaume-Uni décidait seulement que ces employés étaient placés sous l'autorité du ministère de la Défense, indiquant que la question en jeu concerne plutôt la nature des fonctions accomplies. Il existe donc une grande différence en ce qui a trait à la gravité dans ce cas, ce qui rend difficile et impossible le soutien d'une proposition pour l'adoption d'un paragraphe spécial. Il y a danger que le paragraphe spécial perde de sa signification et de son importance s'il était adopté dans ce cas. Tout en reconnaissant que le gouvernement ne semblait pas disposé à prendre toutes les mesures nécessaires, l'orateur espère qu'il n'y aura pas de vote sur cette question et indique que, le cas échéant, il voterait contre un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de la Finlande, parlant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a déclaré que les tactiques dilatoires du gouvernement du Royaume-Uni mettent en cause l'efficacité des organes de contrôle de l'OIT. En s'opposant aux conclusions des organes de contrôle de l'OIT, le gouvernement du Royaume-Uni adopte une attitude contraire à la Constitution de l'OIT et aux règles fondamentales de son système de contrôle. Prenant en considération la durée de ce cas, des actions vigoureuses et un paragraphe spécial doivent être adoptés en vue d'assurer le respect de la convention no 87 dans un proche avenir.

Le membre gouvernemental du Canada a constaté que la possibilité pour les travailleurs du GCHQ de se joindre à d'autres organisations représente un risque qui est une source légitime de préoccupation pour le gouvernement, et que cela avait été reconnu par la commission d'experts dans ses observations. Il entre parfaitement dans le cadre de la convention no 87 d'interdire le droit de grève à des employés travaillant dans des domaines aussi sensibles liés à la sécurité. Dans d'autres pays, les fonctionnaires civils accomplissant des tâches similaires sont habituellement exclus du champ d'application de cette convention parce qu'ils font partie de l'armée ou du ministère de la Défense. Pour cette raison, un paragraphe spécial n'est certainement pas approprié dans ce cas, bien que la commission doive demander, une fois encore, au gouvernement de reprendre le dialogue. Elle a déclaré que ce cas n'est pas sérieux au point de mériter toute cette attention au vu des nombreux autres cas de violations beaucoup plus graves, mais a observé qu'il avait duré trop longtemps.

Le membre gouvernemental de l'Uruguay a constaté avec préoccupation que les efforts des parties, suite aux observations de la commission d'experts et de la présente commission, n'ont pas abouti à des résultats positifs après une si longue période. L'orateur a été surpris par les doutes émis par le gouvernement britannique, concernant la loyauté des syndicats de l'administration publique vis-à-vis de leur employeur, qui auraient dû être dissipés dès 1991 lorsque le membre travailleur du Royaume-Uni avait donné des assurances à cet égard. Une solution à ce problème pourrait être trouvée en faisant une nette distinction entre la possibilité de s'affilier librement à un syndicat et la question de limites éventuelles au droit de grève. L'orateur espère que la tradition démocratique de ce pays permettra d'éviter un vote à la présente commission et de résoudre ces problèmes au cours de la prochaine année. Néanmoins, le gouvernement du Royaume-Uni doit accepter un compromis définitif. Enfin, l'orateur a indiqué qu'il n'était pas bon que ce genre de discussions sur un tel problème se prolonge pendant tant d'années.

Le membre travailleur de la Turquie a déclaré que certains gouvernements des pays en développement, dans leurs critiques contre la présente commission, ont essayé de discréditer l'OIT en alléguant que celle-ci était une organisation dominée par les pays industrialisés. Ce cas est important pour réfuter de telles accusations. Il recommande donc instamment à la commission de résister à toute tentation pour appliquer un double standard et d'adopter un paragraphe spécial.

Le membre gouvernemental de l'Australie, après un résumé des problèmes et de la position de la commission d'experts et de la présente commission ces dernières années, a constaté que le cas du Royaume-Uni ne constitue que l'une des 59 observations de la commission d'experts sur la convention no 87, couvrant des pays de toutes les régions et à différents niveaux de développement. Cela illustre la rigueur du processus de contrôle de l'OIT pour la protection des droits fondamentaux des travailleurs. L'orateur conclut en déclarant qu'une approche positive doit être adoptée pour assurer la protection des travailleurs dans ce cas et faciliter l'accord des parties en cause.

Le membre gouvernemental de la France a indiqué qu'il s'agissait d'un cas délicat et important puisqu'il touche les principes de la liberté syndicale que tout gouvernement se doit de respecter, a fortiori s'il a ratifié la convention. Il estime que le Royaume-Uni doit être traité comme tous les autres Etats et qu'il faut éviter les débats passionnés. Les outils à la disposition de la présente commission vont de la conclusion nuancée plus ou moins pressante à l'adoption d'un paragraphe spécial. Selon une jurisprudence ancienne, et qui paraît sage, le paragraphe spécial s'applique à tous les Etats Membres, quels que soient leur situation géographique ou leur niveau de développement économique, pour autant que les circonstances présentent une double caractéristique: il faut constater un manquement grave, un refus répété ou une attitude de blocage de la part de l'Etat Membre, et qu'il s'agit de violations graves des droits de l'homme, telles que l'esclavage, les voies de fait, les arrestations ou assassinats de syndicalistes. Il considère que les deux conditions habituelles ne sont pas réunies dans le présent cas, et il est donc contre l'adoption d'un paragraphe spécial. Il se rallie à la position du membre gouvernemental de l'Inde favorisant le dialogue et la discussion entre les parties pour traiter un conflit sérieux, relativement grave, mais assez limité.

Le membre gouvernemental des Pays-Bas a suggéré que le gouvernement du Royaume-Uni pourrait accepter une mission-conseil de l'OIT afin de faciliter les négociations entre les parties concernées.

Le membre gouvernemental de l'Afrique du Sud soutient la proposition du gouvernement des Pays-Bas, compte tenu de la durée de ce cas et sur la base de sa propre expérience montrant comment des conflits très difficiles peuvent être résolus par une mission de contacts directs de l'OIT.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis a soutenu la proposition de demander au gouvernement du Royaume-Uni d'inviter une mission de consultation pour agir en médiateur et aider à la recherche d'une solution. Son gouvernement soutiendrait des conclusions de la présente commission dans cette direction.

Le membre gouvernemental de la Turquie a fait part de son objection à l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial.

Le membre gouvernemental des Emirats arabes unis, parlant au nom des membres gouvernementaux de l'Arabie saoudite, de l'Oman et du Koweït, appuie la recommandation de la commission d'experts, recommandant instamment au gouvernement de reprendre le dialogue avec les syndicats afin de rechercher une solution satisfaisante pour toutes les parties concernées. Afin d'en arriver à une solution, on doit tenir compte du fait qu'il s'agit d'un problème limité qui doit être considéré dans ses dimensions appropriées. Une nette distinction doit être faite entre le droit des syndicats de s'organiser et le droit de faire la grève. Le statut civil ou militaire des travailleurs concernés doit aussi être pris en considération. En outre, tous ces éléments doivent être examinés dans le contexte, la culture et la tradition du Royaume-Uni. La commission doit trouver une solution recommandant instamment aux parties de reprendre les discussions, mais ce cas n'exige pas un paragraphe spécial.

Le membre travailleur des Pays-Bas, se référant à la déclaration du membre gouvernemental de la France, a indiqué qu'il était inexact que le deuxième critère justifiant l'adoption d'un paragraphe spécial soit la gravité de la situation et le fait qu'il s'agit d'une question de droits de l'homme. Il a indiqué que d'autres types de violations peuvent aussi faire l'objet d'un paragraphe spécial, et que telle est la règle suivie par la commission, faute de quoi les paragraphes spéciaux ne pourraient être dirigés que contre des dictatures militaires.

Le représentant gouvernemental du Royaume-Uni s'est félicité du débat qu'il a suivi avec beaucoup d'intérêt, et il s'est montré d'accord avec le membre gouvernemental de la France sur le climat du débat qui avait été sobre et responsable. Beaucoup d'orateurs ont reconnu la complexité de la situation et la difficulté de trouver des solutions. Il a souligné qu'il n'était pas vrai, comme on l'a suggéré, que le Royaume-Uni avait décidé de se retirer de l'Organisation si un paragraphe spécial était adopté. La commission doit décider selon le bien-fondé du cas et non pas en fonction d'informations extravagantes de la presse. En ce qui concerne les circonstances de l'adoption de paragraphes spéciaux, il est essentiel que tous les pays soient traités également dans l'examen de la conformité aux conventions de l'OIT. Le gouvernement du Royaume-Uni ne veut pas être traité différemment des autres pays. Toutefois, les paragraphes spéciaux doivent être réservés aux cas graves. La question de la proportionnalité est importante ici et a été soulignée par plusieurs orateurs. La situation des travailleurs est très particulière et ceux-ci ont un droit légal d'appartenir à des syndicats dans la très grande majorité des lieux de travail au Royaume-Uni; s'ils étaient licenciés ou si leurs droits étaient violés, ils disposeraient alors de recours légaux. Le représentant gouvernemental a rejeté l'idée que les droits des travailleurs au Royaume-Uni sont bafoués. Il conclut en déclarant que la proposition d'envoyer une mission au Royaume-Uni, qui n'est pas de son ressort, si elle devait être adoptée, serait considérée par son gouvernement.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que certaines déclarations précédentes contenaient quelques erreurs. Le membre employeur de la Suède se trompe, car le transfert du personnel civil du GCHQ au ministère de la Défense ne changerait rien car, dans cette organisation, les syndicats existants sont ceux de la fonction publique. Par conséquent, le problème se poserait de la même façon, car cette catégorie de personnel continuerait à être privée de ses droits syndicaux. Il a ensuite souligné que son syndicat ainsi que tous les syndicats de la fonction publique au Royaume-Uni sont apolitiques et fiers de servir le gouvernement, quelle que soit sa politique.

L'orateur a tenu à préciser au représentant gouvernemental de l'Allemagne que ce n'était pas 13 mais 7 000 travailleurs qui s'étaient vus privés de leurs droits syndicaux au GCHQ en 1984. Il a ajouté que 14 personnes ont été licenciées.

Pour ce qui est de l'intervention de la représentante gouvernementale du Canada concernant la volonté du personnel du GCHQ de s'affilier à d'autres syndicats, il a tenu à préciser que depuis onze ans le personnel du GCHQ n'a pas eu le droit de s'affilier à des syndicats, mais uniquement de faire partie de l'association du personnel. Aucune garantie précédente n'a été violée par les syndicats. Deux syndicats de la fonction publique ont transgressé les accords en 1984, mais il a rappelé que c'était le gouvernement lui-même qui avait le premier répudié ces accords en 1984.

L'orateur a appuyé la proposition du membre travailleur des Pays-Bas d'un paragraphe spécial, même si, au fond, ce qu'il souhaite, c'est la restauration des droits garantis par la convention no 87 dont le GCHQ a été privé il y a onze ans. Il a renouvelé son offre d'entamer un dialogue réel avec le gouvernement, tout en faisant observer que le gouvernement n'a fait aucune proposition de dialogue sérieux. Il a fait observer que les personnes employées au GCHQ sont les seules qui n'ont pas le droit de recours judiciaire en cas de licenciement. Elles ont été contraintes d'accepter 1 000 Š en compensation de la perte de leurs droits.

Il a salué la proposition du représentant gouvernemental des Pays-Bas d'envoyer une mission d'enquête et de conciliation au Royaume-Uni si cela pouvait stimuler un dialogue fructueux.

Les membres travailleurs ont salué la suggestion du représentant gouvernemental des Pays-Bas, car une mission de l'OIT pourrait être utile dans ce cas. Cependant, ils regrettent que cette suggestion n'ait été faite que tard dans le débat. Ils croient qu'une telle mission pourrait changer le point de vue de son groupe sur le paragraphe spécial.

Les membres travailleurs ont constaté que, bien que ce cas ait été entouré d'une certaine aura dramatique, il est partie intégrante des cas qui défilent lentement devant la commission. Il présente cependant des caractéristiques importantes qui doivent être soulignées.

En fait, en tenant compte de la plupart des déclarations faites par les membres gouvernementaux, les travailleurs devraient menacer de quitter l'OIT plutôt que le Royaume-Uni, puisque certaines des déclarations faites dans ce cas ont été, au mieux, pernicieuses et, au pire, malfaisantes, et ont eu pour objet que les débats au sein de la commission oscillent entre tergiversation et fausse représentation. En fait, la question du paragraphe spécial a influencé l'entière teneur des débats.

Par leur déclaration, les membres employeurs ont tenté de minimiser la question qui paraissait plutôt embarrassante et devait disparaître. Ils ont cependant contribué significativement aux débats en ce qu'ils ont rappelé les deux points qui avaient été soulevés par le Comité de la liberté syndicale lorsqu'il a examiné le cas la première fois: premièrement, advenant le règlement de ce cas, il devrait y avoir un service ininterrompu au GCHQ et, deuxièmement, le droit de s'affilier au syndicat de leur choix devait être reconnu aux employés. En fait, c'est l'avis de la commission d'experts, entièrement partagé par les membres travailleurs qui ne peuvent être accusés d'avoir adopté une position extrémiste à cet égard. Ils croient cependant que l'abcès doit être crevé pour régler la situation. Les membres travailleurs ont rejeté, par la suite, les remarques insultantes et fausses faites par le membre employeur de la Suède à l'effet que les membres travailleurs sont demeurés silencieux lorsque des violations des droits de l'homme étaient perpétrées en Union soviétique et dans le bloc de l'Est.

En ce qui concerne le commentaire fait par le membre gouvernemental des Etats-Unis, insistant sur le nombre restreint de personnes au sein du GCHQ et sur le fait qu'ils étaient professionnels et techniciens, les membres travailleurs ont insisté sur le fait que de tels travailleurs bénéficient, autant que n'importe quel autre travailleur, de droits syndicaux et qu'ils ne devraient pas être mis de côté pour la simple raison que leur nombre est réduit.

Se référant aux interventions faites par les membres gouvernementaux de l'Allemagne et de la France, les membres travailleurs ont noté que les raisons fondamentales qui justifiaient un paragraphe spécial étaient des violations persistantes, le refus systématique du gouvernement de prendre en considération les avis de la commission d'experts ou les conclusions de la commission, ou les deux à la fois. Cependant, la pratique de la commission révèle que des paragraphes spéciaux ont été octroyés, pour des raisons variées, incluant des cas de nature purement technique qui n'impliquaient aucune allégation de mort, d'outrage ou de violation des droits humains. Il est important que la commission clarifie cette confusion qui a été utilisée pour justifier qu'il ne soit pas discuté de paragraphe spécial en ce qui concerne le GCHQ et qu'il n'y ait plus de discussion à cet égard, s'il n'était pas question de graves violations des droits humains.

Pour ce qui est de l'argumentation présentée par le membre gouvernemental du Canada, à l'effet qu'il n'y a aucune raison de se plaindre puisqu'il existe un syndicat au sein du GCHQ, les membres travailleurs ont indiqué que ce syndicat était en fait contrôlé et financé par le gouvernement, et était sous l'entière égide du directeur du GCHQ. Les membres travailleurs ont signalé que l'argumentation à l'effet que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, avait préséance sur la convention avait été délaissée depuis longtemps par la commission d'experts.

En ce qui concerne les déclarations d'autres membres gouvernementaux, la question de la nature militaire des activités, fortement débattue tout au long de la discussion, doit être relevée. En fait, l'un des membres gouvernementaux a même affirmé que, si le GCHQ avait été sous l'égide du ministère de la Défense, les travailleurs ne seraient pas couverts par la convention. Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que ce n'est pas le cas puisqu'ils ne sont pas des militaires. Ils ne portent pas d'uniformes, ils ne font pas de service militaire et ne reçoivent pas de salaire à cet égard. Cette confusion doit être mise de côté.

En ce qui concerne la question du paragraphe spécial proprement dit, les membres travailleurs ont indiqué qu'ils ne recherchent pas un paragraphe spécial en soi. Ils ne croient pas, à la lumière de la position prise par les représentants gouvernementaux du Royaume-Uni, qu'un paragraphe spécial changerait la situation. Cette question est devenue une sorte de jeu politique au sein des autorités gouvernantes au Royaume-Uni. Les membres travailleurs ne désirent pas être partie de ces manoeuvres politiques. Il ne s'agit pas d'une question politique pour les membres travailleurs. Ils recherchent une solution et, dans ce contexte, un paragraphe spécial, bien qu'il ne représente pas une solution, constitue, au mieux, un incitatif à l'action ou la frustration ultime de la commission. Bien qu'un paragraphe spécial soit plus que justifié dans ce cas, les membres travailleurs recherchent avant tout une solution. Ils ont donc appuyé la suggestion faite par le membre gouvernemental des Pays-Bas, corroborée par d'autres, à l'effet qu'une mission de conciliation pourrait conduire vers une solution. Dans ce contexte, les membres travailleurs ont insisté sur la nécessité que la conclusion soit acceptée presque unanimement par les membres de la commission, et qu'elle prie instamment le gouvernement du Royaume-Uni d'accepter la mission offerte. Il n'y a aucune humilité de sa part à accepter une telle offre, et le refus postérieur d'accepter la requête, ou le fait de ne pas prendre en compte les recommandations qui seront faites, sera considéré par tous les membres de la commission comme minant le travail normatif de la commission. Les membres travailleurs ont indiqué ne vouloir menacer personne ni imposer des délais, mais il est évident qu'un temps considérable s'est déjà écoulé. Ils ont exprimé l'espoir que la mission, si elle était acceptée, ait lieu aussi vite que possible et que des conclusions soient rendues en temps opportun, de façon à ce qu'une discussion ait lieu l'année prochaine au sein de cette commission. C'est donc sur cette base que les membres travailleurs ont accepté de formuler une conclusion sur ce cas cette année, qui pourrait ne pas être incluse dans un paragraphe spécial.

Le membre employeur de la Suède, se référant à l'interprétation faite par les membres travailleurs de sa déclaration antérieure, a déclaré ne pas avoir accusé ce groupe de ne pas avoir critiqué le bloc soviétique mais d'avoir plutôt parlé de l'importance disproportionnée donnée à ce cas.

Ses explications ont été acceptées par les membres travailleurs.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a répété les commentaires qu'il avait faits au cours de la séance précédente à l'effet qu'il rejetait les accusations selon lesquelles des raisons politiques justifiaient le fait de soulever la plainte relative au GCHQ par le TUC, à la demande du Conseil des syndicats des services publics, syndicats affiliés au GCHQ avant l'interdiction. Tous les syndicats faisant partie du Conseil des syndicats des services publics ne sont pas affiliés au Parti travailliste et sont fiers de demeurer apolitiques, de façon à ce que le service public du Royaume-Uni soit non partisan et qu'il serve de façon efficace tous les gouvernements de quelque origine politique que ce soit.

Les membres employeurs se sont abstenus de commenter ce qui avait été dit par chaque représentant parce que ceux-ci n'ont pas la possiblité de répondre à nouveau. Ils n'ont pas non plus pour habitude de faire des supputations sur le sens à donner à une intervention. Ils s'en tiennent à ce qui a été dit et veulent encore faire des remarques de fond sur deux sujets. La question de l'autorité des organes de contrôle a été soulevée, et un certain nombre de personnes ont exprimé leur préoccupation en disant que cette autorité était remise en question. Cette remarque n'est pas tout à fait appropriée, puisqu'elle ne tient pas compte de la différence entre la loi nationale et la manière dont cette loi est appliquée et le droit international. Le droit international est basé sur la volonté d'un Etat de devenir membre d'une organisation internationale, ce qui signifie que le respect des règles de cette organisation dépend de la volonté de cet Etat. Il n'y a pas de mesure de contrainte si ce n'est d'essayer de convaincre les Etats d'obéir aux règles. L'OIT a en revanche une méthode de contrôle du respect de ces conventions qui a fait ses preuves, et les longues heures de discussion sur ce cas en sont un excellent exemple.

Un deuxième point qui a joué un rôle important dans la discussion se rapporte à la question du traitement égal. Cela a été soulevé en de multiples occasions, notamment à propos du paragraphe spécial. Dans le cadre de la terminologie spécifique de l'OIT, le traitement égal signifie d'éviter de recourir à deux poids deux mesures. L'emphase qui a été mise sur ce point semble somme toute exagérée, puisque personne ne peut dire qu'il n'est pas en faveur d'un traitement égal. Cependant, le traitement égal ne saurait être mesuré en centimètres ou en étalons, des éléments divers et variés devant être pris en considération, incluant, entre autres, le laps de temps pendant lequel le cas a existé et a fait l'objet de discussion. Il existe, en fait, une série de cas qui ont été traités pendant une durée beaucoup plus longue que le cas du Royaume-Uni. Quelques cas ont une tradition qui remonte à plus de vingt ans. Dans beaucoup de cas, il n'y a pas eu de paragraphe spécial puisque ce qui était déterminant n'était pas la durée elle-même du cas, mais son contenu proprement dit. Les membres employeurs ont indiqué qu'ils croient que le cas du Royaume-Uni était un cas tout à fait spécifique et qu'il était atypique dans le cadre de la convention. Ses répercussions sont relativement limitées et ne mettent pas en cause la liberté syndicale pour l'ensemble de l'Etat, mais plutôt celle d'un petit groupe relevant du domaine para-militaire. Cependant, la commission doit trouver une solution pour ce cas, et les membres employeurs ont regretté que jusqu'à maintenant il n'y ait pas de solution pour le régler. Ils ont demandé que des efforts sérieux soient déployés de façon à trouver cette solution. Elle doit être trouvée par ceux qui sont parties au différend. Il faut qu'elle soit acceptée par eux et qu'ils soient en mesure de la mettre en application. Mais il pourrait être utile qu'une mission soit envoyée au Royaume-Uni pour apporter une assistance additionnelle à cet égard.

En ce qui concerne la question du paragraphe spécial, plusieurs déclarations théoriques ont été faites sur l'utilité et les dommages qui pourraient être entraînés par une telle mesure. Les membres employeurs n'ont pas à prendre position à cet égard, puisqu'un tel paragraphe spécial n'a pas été envisagé.

La commission a pris note des informations fournies oralement par le représentant gouvernemental ainsi que du vaste débat qui a eu lieu par la suite. Plusieurs références ont été faites, dans les discussions, au temps qui s'est écoulé depuis la première fois où la commission a été saisie de ce cas et aux opinions exprimées par la commission lors d'examens antérieurs.

La commission a regretté et a déploré profondément le fait que le gouvernement n'ait pas pris de mesure pour résoudre les problèmes sous-jacents au cas.

Dans ces circonstances, la commission a considéré la possibilité d'adopter un paragraphe spécial à propos de ce cas. Alors qu'un nombre significatif de membres de la commission étaient favorables à l'adoption d'un paragraphe spécial, la majorité était disposée à donner au gouvernement une dernière possibilité de régler ces questions.

A cet égard, la commission a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle la poursuite du dialogue était possible et souhaitable.

La commission a exprimé l'espoir qu'il sera possible, avec du bon sens et de la bonne volonté, de parvenir à une solution satisfaisante du cas dans un avenir proche. La commission a invité le gouvernement à recevoir une mission consultative de l'OIT pour faciliter ce processus.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1992, Publication : 79ème session CIT (1992)

Un représentant gouvernemental a commenté les observations de la commission d'experts concernant la complexité de la législation, indiquant qu'il traiterait des préoccupations générales soulevées dans le rapport, et que son gouvernement fournirait de plus amples informations sur des points spécifiques dans son prochain rapport sur cette convention. Il a déclaré que les modifications législatives adoptées durant les dernières années visaient à établir un équilibre entre les droits des syndicats et des employeurs, ainsi qu'entre les syndicats et leurs membres. Ces modifications ont fait l'objet de débats approfondis et sont donc le fruit du processus démocratique. La législation en question est en pleine conformité avec les dispositions de la convention. Il n'existe pas de textes réglementant la liberté des travailleurs de constituer leur propre syndicat ou d'adopter leurs propres statuts afin de choisir la façon de mener les affaires syndicales. De plus, la législation confère une protection particulière contre les poursuites judiciaires qui pourraient être intentées contre les syndicats qui appellent les travailleurs à rompre leur contrat de travail dans le cadre d'un différend du travail et n'empiète aucunement sur le droit des travailleurs de faire grève. Les amendements législatifs, qui ont reçu un large appui, visaient à protéger les droits des syndiqués dans la mesure où ils avaient pour objet de s'assurer que ceux-ci soient adéquatement consultés avant le déclenchement d'une grève. En ce qui concerne la complexité de sa législation, son gouvernement s'est efforcé de clarifier la situation en mettant à jour et en publiant une série de brochures, distribuées gratuitement, expliquant la manière dont la législation est applicable pour les employeurs, pour les travailleurs et pour les syndicats. De plus, son gouvernement a l'intention de réunir tous les textes législatifs en une seule loi; de nouvelles mesures ont été introduites à cet égard depuis les dernières élections générales. L'orateur a indiqué à la présente commission que son gouvernement fournirait des renseignements complets sur les progrès accomplis au sujet de cette législation.

Les membres travailleurs ont accueilli positivement l'annonce faite par le représentant gouvernemental d'une refonte prochaine des textes législatifs en matière du travail. Toutefois, ils ont souligné que, d'après les informations fournies par le Congrès des syndicats britanniques (TUC), la législation, dans son ensemble, est devenue non seulement trop complexe, mais également oppressive. Bien que les syndicats de certains pays estiment qu'ils ne peuvent fonctionner sans des lois détaillées les régissant, les syndicats britanniques sont d'un avis contraire. En fait, à eux seuls, le nombre des lois et leur complexité entraînent ce caractère oppressif. De plus, certaines de ces lois entravent considérablement les activités du mouvement syndical. La situation en est arrivée à un point où les délégués syndicaux de la base ne comprennent plus la législation et sont tentés de délaisser les activités syndicales, ce qui est une perte pour tout le mouvement. Certes, il y aura toujours des hommes et des femmes qui souhaiteront donner leur temps et même leur vie entière au mouvement syndical; nombreux sont ceux qui en différentes parties du monde sont morts pour le mouvement syndical. Cependant si les militants de base sont dissuadés d'exercer tout rôle actif au niveau local par crainte d'être en infraction avec la loi, cela risque de conduire à des pertes considérables pour le syndicalisme. En ce qui concerne la refonte de la législation en une seule loi, ils ont déclaré que, selon les informations disponibles, le gouvernement allait également adopter d'autres lois en matière syndicale. Etant donné que les syndicats ne peuvent demander au gouvernement d'introduire des modifications législatives en même temps qu'il procédera à une refonte de la loi, ils ont invité le gouvernement à ne pas aller immédiatement de l'avant et, en consultation avec le mouvement syndical, à examiner les dispositions qui pourraient être supprimées, non seulement en ce qui concerne les nouvelles lois, mais celles qui ont déjà été adoptées, de telle sorte que l'ensemble de la législation soit conforme à la convention. Cela permettra plus tard de procéder à un examen beaucoup plus approfondi de l'ensemble de la législation.

Les membres employeurs ont fait part d'un certain sentiment de malaise par rapport aux commentaires de la commission d'experts sur le volume ou la complexité de la législation. Ces derniers ont peut-être prononcé une condamnation trop rapide, par exemple en constatant une incompatibilité par rapport à la convention, puis en demandant un complément d'informations, pour décider ensuite s'il y a ou non infraction. En ce qui concerne plus précisément le volume et la complexité de la législation, les membres employeurs, soulignant qu'il n'existe pas de convention prescrivant que les lois nationales doivent toujours être simples, ont déclaré craindre que la commission d'experts se soit servie d'un critère subjectif. Dans un monde idéal, les lois seraient toujours simples et tout le monde pourrait y souscrire; malheureusement, la situation est beaucoup plus complexe, notamment pour des raisons historiques, et les lois ont naturellement tendance à se complexifier. Il semble que les experts aient conclu qu'une ou deux dispositions pourraient être interprétées de façon telle qu'il pourrait y avoir violation de la convention. Toutefois, pratiquement toutes les dispositions des lois nationales pourraient être interprétées ainsi: ce critère est tellement large qu'il ouvre la porte à toutes les interprétations abusives et, si l'on veut critiquer des dispositions, il est préférable d'être très concret. La critique faite par la commission d'experts au sujet de la complexité de la législation n'est pas un reproche valable contre un pays; il faut plutôt citer telle ou telle disposition qui est en infraction avec telle ou telle convention. C'est la seule approche rationnelle. En ce qui concerne les mesures de refonte législative prises par le gouvernement, cette commission devra attendre les textes pour procéder à un examen détaillé.

Le représentant gouvernemental a assuré la commission qu'il ferait part à son gouvernement des commentaires faits de part et d'autre. Il a convenu que cette question de la complexité de la législation doit être abordée en tenant compte des besoins des travailleurs et de leurs représentants syndicaux, et souligné que la plupart des lois sur le sujet date des vingt dernières années. Le gouvernement fournira dans son prochain rapport sur cette convention les renseignements supplémentaires demandés par la commission d'experts, ce qui permettra de revenir sur cette question l'année prochaine.

Le représentant gouvernemental, commentant la situation relative au Centre de communications du gouvernement (GCHQ), a rappelé que son gouvernement avait expliqué de façon détaillée, lors des précédentes discussions devant cette commission, les raisons pour lesquelles cette affaire ne devrait plus être examinée quant au fond. Il a rappelé les trois principaux arguments avancés par son gouvernement au sujet de cette affaire: 1) le personnel du GCHQ fait de la collecte de renseignements vitaux et exerce des activités de communication qui relèvent de la sécurité nationale du Royaume-Uni. Ils sont donc visés par les dispositions de la convention no 151 qui permet une exemption du droit syndical pour les fonctionnaires effectuant un travail de nature confidentielle; 2) cette affaire concerne un seul établissement. Toutefois, les établissements semblables dans d'autres Etats Membres de l'OIT ont généralement à leur emploi des militaires, qui sont donc exclus de la convention no 87; 3) bien que les employés du GCHQ ne puissent pas s'affilier aux syndicats nationaux, ils sont libres d'adhérer à un syndicat d'établissement, appelé la Fédération du personnel des communications du gouvernement (GCSF). Cette fédération, qui est enregistrée comme syndicat en vertu des dispositions juridiques applicables, regroupe plus de la moitié des employés du GCHQ et les représente, tant sur le plan individuel que collectif, lors de négociations sur les salaires, les conditions d'emploi et de nombreux autres sujets. Par conséquent, il est clair que les employés du GCHQ ont conservé le droit d'adhérer à un syndicat et d'être représentés par celui-ci.

L'année dernière, la Commission de la Conférence a conclu qu'en dépit de l'écart substantiel entre la position du gouvernement et celle des syndicats sur la représentation syndicale au GCHQ le gouvernement devrait reprendre le dialogue afin de trouver une solution pleinement compatible avec la convention.

Avant la Conférence de l'année dernière, il n'y avait eu aucune discussion sur ce sujet entre le gouvernement et les syndicats durant plus de six ans. Toutefois, suite aux conclusions adoptées par cette commission l'année dernière, un dialogue s'est engagé. Le Premier ministre a écrit le 25 juin 1991 au secrétaire général du Congrès des syndicats britaniques (TUC), exposant la position de gouvernement sur la question, mais offrant également aux syndicats la possibilité de discuter de la représentation syndicale au GCHQ avec le ministre de la Fonction publique durant l'une de leurs réunions régulières. Le Premier ministre a réitéré son offre par lettre du 20 décembre 1991. Cette information a été fournie à la commission d'experts à la fin de l'année 1991. Ces lettres ont amené une reprise du dialogue. Le 18 février 1992, une réunion spéciale fut tenue afin de discuter de la question du GCHQ avec le ministre de la Fonction publique et les secrétaires généraux de tous les syndicats de fonctionnaires. Cette réunion n'a pas débouché sur une entente quant à la façon de résoudre les différends substantiels subsistant entre les parties. Les questions en cause étaient effectivement complexes et très délicates en ce qu'elles concernaient la sécurité nationales. Toutefois, le gouvernement a clairement indiqué, lors de cette réunion et par la suite dans une lettre du 24 février 1992 au secrétaire général du Conseil des syndicats de fonctionnaires (CCSU) que, malgré ces différends, le gouvernement restait disposé à considérer toute nouvelle proposition des syndicats. Concluant qu'il subsistait entre les positions des deux parties une incompatibilité fondamentale qui ne pourrait être facilement comblée, le gouvernement a toutefois indiqué qu'il était disposé à examiner toute nouvelle proposition des syndicats garantissant qu'il n'y aurait aucune interruption dans les activités essentielles de sécurité. Le gouvernement a donc réagi au plus haut niveau aux conclusions de cette commission en 1991 au sujet du GCHQ, et le dialogue reste ouvert. Les membres travailleurs soutiendront peut-être que la réunion a seulement démontré qu'il n'y avait aucune possibilité d'arrangement acceptable au gouvernement, mais le représentant gouvernemental a rappelé que, en 1991, cette commission avait reconnu que les différends entre les deux parties ne pourraient être facilement résolus et que ni le gouvernement ni les syndicats ne pouvaient s'attendre à trouver une solution rapide ou facile. Les activités du GCHQ concernent des opérations essentielles pour la sécurité nationale, et le gouvernement doit être pleinement convaincu qu'elles ne seront aucunement interrompues. Il ne sera peut-être pas possible de combler l'écart substantiel entre le gouvernement et les syndicats de la fonction publique, mais son gouvernement est prêt à discuter toute proposition qui offrirait les garanties voulues. Ces propositions seront examinées complètement et équitablement. Les critiques formulées contre le Royaume-Uni lors de la Conférence de 1991 et contenues dans les derniers commentaires de la commission d'experts ont poussé le gouvernement à répondre. Il a examiné attentivement les commentaires des organes de contrôle. Il est disposé à poursuivre le dialogue afin de tenter d'aplanir le différend entre les deux parties et examinera toute suggestion constructive en ce sens. Il a invité cette commission à considérer que les mesures prises pour reprendre les discussions constituent un pas en avant, et à appuyer la poursuite du dialogue.

Un membre travailleur des Etats-Unis, s'exprimant au nom des membres travailleurs, s'est dit profondément désappointé de l'inaction du gouvernement, malgré le long débat qui a eu lieu l'année dernière sur cette affaire devant cette commission, et la conclusion unanime à laquelle elle était parvenue, invitant instamment le gouvernement à prendre des mesures correctives le plus rapidement possible. Les problèmes de fond ont déjà été exposés l'année dernière et il n'est pas besoin de les répéter. En 1991, cette commission a exprimé sa vive préoccupation face à l'absence de dialogue entre le gouvernement et les syndicats du GCHQ, concernant l'interdiction faite aux travailleurs d'adhérer au syndicat de leur choix. Cette commission avait exhorté le gouvernement à reconsidérer sa position et à reprendre rapidement le dialogue afin de trouver une solution pleinement compatible avec la convention. Elle avait demandé au gouvernement de faire rapport au Bureau en 1992 sur les progrès réels et substantiels réalisés. Malheureusement, on n'a pu noter aucun progrès. Selon le rapport de la commission d'experts, le gouvernement a réitéré sa conviction que les mesures prises à l'égard du GCHO étaient conformes à ses obligations aux termes des conventions de l'OIT. La commission d'experts a également noté qu'on ne lui avait fourni aucun élément nouveau pouvant l'amener à modifier ses observations antérieures sur le fond de ce problème, et a exhorté le gouvernement à reprendre dans un très proche avenir des discussions constructives susceptibles de déboucher, par la voie d'un réel dialogue, sur un compromis acceptable aux deux parties. La réunion entre le gouvernement et les représentants syndicaux n'était qu'un faux-semblant et ne constituait pas un véritable dialogue constructif qui pourrait amener un réexamen de la position du gouvernement ou un compromis acceptable aux deux parties, dans la direction indiquée par la commission d'experts et cette commission. Il est clair que le gouvernement n'avait aucunement l'intention d'examiner des arrangements ou des propositions comportant un droit de représentation par des syndicats libres. Il semble donc que le gouvernement souhaite être régi par des critères différents de ceux qui s'appliquent aux autres Etats Membres qui ont ratifié la convention. Il faut espérer que le représentant gouvernemental fera part à son gouvernement de la volonté des membres travailleurs d'observer un réel progrès dans cette affaire. L'attitude adoptée par le gouvernement, contrairement à la position éclairée et à l'engagement dont il a longtemps fait preuve au sein de l'OIT, constitue une atteinte inutile et inéquitable au système de contrôle de l'OIT et donne un mauvais exemple pour les pays en développement qui ont ratifié la convention.

Le membre travailleur du Royaume-Uni, s'exprimant également au nom des membres travailleurs, a déclaré qu'il lui est difficile de savoir en écoutant le représentant gouvernemental si le gouvernement a changé d'avis. En 1991, il y a eu unanimité sur ce cas au sein de la Commission de la Conférence pour considérer que le dialogue devrait être poursuivi. Le gouvernement a été invité à prendre des mesures en ce sens parce que la commission était en fait fatiguée d'avoir à traiter d'un cas dans lequel il n'y avait pas de progrès et qu'elle souhaitait continuer son travail dans bien d'autres parties du monde. Les membres travailleurs ont constaté que le ministre n'était pas venu présenter la position de son gouvernement devant cette commission et, bien qu'ils étaient certains que le représentant gouvernemental qui avait parlé s'était exprimé au nom de son ministre, ils ont estimé que cette question pouvait être considérée partiellement comme revêtant un caractère politique puisque tous les partis politiques, sauf celui qui a été élu au cours des dernières élections, avaient promis de rétablir la liberté syndicale au GCHQ. Les problèmes politiques du Royaume-Uni n'intéressent pas la présente commission mais la question a été soulevée d'un problème qui n'est pas d'ordre constitutionnel, étant donné qu'on pourrait dire que les autres partis politiques qui étaient prêts à rétablir les travailleurs du GCHQ dans leurs droits ne se préoccupaient pas de la sécurité nationale. C'est un cas déjà ancien qui a fait l'objet de nombreuses spéculations et de discussions de couloir. Cette affaire soulève de sérieux problèmes en ce qui concerne l'élaboration et le contrôle des normes par l'OIT. Si le gouvernement d'un pays bien connu et autrefois puissant semble entraver, remettre en cause, voire ignorer les points de vue de la commission d'experts et de cette commission, c'est l'ensemble du système de contrôle qui est menacé. Il semble s'agir d'un problème relativement mineur, mais si cette commission ne peut parvenir à ses fins dans une affaire mineure, dans un cas qui cependant concerne un principe essentiel, que pourra-t-elle faire dans certains des cas horribles qui lui sont soumis, où il est question d'escadrons de la mort et de disparitions de personnes? Le représentant du gouvernement n'a pas tenté de soutenir comme il l'a fait plusieurs fois avant que la situation des travailleurs du GCHQ n'était pas en contravention avec la convention. Il a indiqué cependant que ces travailleurs ont un syndicat. Ce "syndicat" n'a toutefois pas obtenu son certificat d'indépendance et n'a pas été accepté comme organisation syndicale véritable. La Haute Cour va bientôt rendre un jugement sur le point de savoir si ce syndicat est effectivement indépendant; si elle répond par la négative, le gouvernement devra alors cesser d'affirmer que c'est un syndicat indépendant; paradoxalement, si le tribunal décide que ce syndicat est indépendant, le gouvernement devra l'interdire. Quoi qu'il en soit, la commission d'experts et cette commission ont déjà déclaré l'année dernière et les années précédentes que la situation actuelle au GCHQ n'est pas compatible avec la convention, comme on peut le voir en regardant les conclusions sur ce cas. Par conséquent, cette commission a insisté en 1991 sur la nécessité pour le gouvernement de reprendre le dialogue avec les syndicats. Les membres travailleurs sont convenus que le gouvernement devait avoir l'assurance qu'il n'y aurait pas d'interruption des activités au GCHQ et que cette commission ne pouvait toutefois pas indiquer comment on peut y parvenir; ils ont toutefois insisté pour que cette question soit négociée avec le syndicat. Il est nécessaire d'examiner en détail la déclaration du représentant gouvernemental qui indique qu'un dialogue a eu lieu. Le dialogue dont le représentant gouvernemental a fait état s'est résumé à ce qui suit:

- une lettre du Premier ministre au TUC immédiatement après la Conférence de 1991, indiquant qu'il s'en tenait fermement à sa politique sur la représentation syndicale au GCHQ;

- une lettre du ministre de la Fonction publique aux syndicats de fonctionnaires indiquant que le gouvernement entendait maintenir l'interdiction de syndicats nationaux au GCHQ; lettre qui émanait de la personne désignée pour tenir ces discussions avec les syndicats;

- une nouvelle lettre du Premier ministre en décembre 1991 réitérant sa position antérieure;

- une réunion durant laquelle le ministre de la Fonction publique a affirmé la conviction du gouvernement qu'il respectait la convention et s'en tenait à sa position, c'est-à-dire que les arrangements au GCHQ étaient totalement satisfaisants. Le ministre de la Fonction publique a également indiqué qu'on n'avait présenté au gouvernement aucun arrangement qui pourrait à son avis résoudre la situation de façon satisfaisante pour les deux parties.

Les membres travailleurs se sont donc demandé s'il était utile de discuter de cette affaire si le gouvernement n'a pas l'intention de modifier sa position. Ils ont invité le représentant gouvernemental à indiquer si le gouvernement était réellement disposé à parvenir à une entente satisfaisante pour les deux parties, et donc à assurer cette commission qu'un dialogue réel aurait lieu en vue de négociations avec les syndicats.

Les membres employeurs ont rappelé qu'il s'agissait en l'occurrence du Centre de renseignements du gouvernement qui, pour des raisons de sécurité, ne peut souffrir aucune interruption; or au début des années quatre-vingt il y a eu des grèves, d'où l'alternative offerte aux employés, avec le résultat que les travailleurs du GCHQ n'ont plus maintenant la possibilité d'adhérer au syndicat de leur choix. Durant plusieurs années, il n'y a pratiquement pas eu de contacts entre le gouvernement et le syndicat, mais il y a eu récemment des conversations à un niveau élevé, et même une initiative du Premier ministre. Les conclusions de cette commission en 1991 n'ont été suivies que de très peu d'effets, mais il y a tout de même eu un premier contact et cela constitue en soi un progrès. La solution ne peut intervenir que sur le plan national mais cette commission peut jouer un rôle de catalyseur et avoir une influence positive. Certains nouveaux éléments peuvent être pris en compte: il y a eu des élections et un nouveau ministre du Travail a été nommé, ce qui pourrait créer un nouveau climat dans le pays; par ailleurs, un gouvernement plus fort peut faire davantage de concessions. Quoi qu'il en soit, comme il avait déjà été dit à l'unanimité l'an dernier, les discussions devraient reprendre et se poursuivre quant au fond et pas seulement dans la forme et, pour cela, deux éléments sont essentiels. D'une part, le gouvernement doit être assuré que le travail au GCHQ pourra se poursuivre sans interruption; d'autre part, les travailleurs doivent être libres d'adhérer au syndicat de leur choix. Les membres employeurs ont invité les deux parties à reprendre un dialogue constructif quant au fond pour tenter d'arriver à une solution.

Un membre gouvernemental de la Suisse a relevé que le représentant gouvernemental se disait disposé à poursuivre un dialogue constructif, et constaté qu'une certaine forme de dialogue avait été rétablie. Même s'il est qualifié par certains de dialogue suffisant et par d'autres de dialogue de sourds, il s'agit tout de même d'un progrès par rapport aux années précédentes. Comme l'ont relevé les membres employeurs et les travailleurs, il s'agit d'un cas de politique intérieure typique, magnifié par les circonstances. Cependant, cette situation découle des circonstances qui prévalaient au début des années quatre-vingt où le gouvernement était impliqué dans un conflit qui menaçait directement sa sécurité; or le climat tendu des relations internationales a changé et cette détente se traduit au sein de l'OIT. Cette commission doit donc faire preuve de sagesse mais aussi de détermination. La démocratie est un concept valable pour tous les pays, et la convention doit être appliquée de façon égale: il en va de l'universalité des normes et de l'efficacité du système de contrôle. Cette commission doit donc prendre des conclusions, très fermes si nécessaire, invitant le gouvernement, dont le rôle est très important au sein de l'OIT, à faire un effort particulier en faveur du dialogue. Les experts ont souligné dans leur rapport que les travailleurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix et que le droit à la syndicalisation ne préjuge pas celui du droit de grève; ils ont exhorté le gouvernement à reprendre dans un très proche avenir les discussions constructives susceptibles de déboucher, par la voie d'un réel dialogue, sur un compromis acceptable pour les deux parties. L'orateur a exhorté le gouvernement à respecter dans cet esprit les conclusions des experts.

Un membre travailleur du Pakistan a déclaré que les Etats Membres de l'OIT, qu'ils soient développés ou en développement, doivent tous respecter les principes fondamentaux de la Constitution de l'OIT et la Déclaration de Philadelphie; l'un des principes essentiels dans ce contexte est la convention no 87. Les principes universels s'appliquent dans tous les pays et il ne saurait exister aucune discrimination; les pays occidentaux qui se font les champions de la démocratie ont des responsabilités et des obligations particulières envers l'OIT parce qu'ils font partie des pays fondateurs de l'Organisation. Le Royaume-Uni a ratifié cette convention dès 1949 et, lorsque des Etats Membres ratifient une convention, ils s'engagent à respecter les obligations internationales et à mettre leur législation en conformité avec la convention. La commission d'experts a clairement indiqué qu'un changement s'imposait en ce qui concerne la situation au GCHQ et l'orateur a invité le gouvernement à reprendre et à accentuer un dialogue réel avec le syndicat afin que la convention soit respectée.

Un membre gouvernemental du Canada a rappelé que la convention établit un droit explicite et deux droits implicites. Le premier est le droit pour les organisations de travailleurs de constituer librement les organisations de leur choix. Quant aux deux autres, il s'agit du droit de négociation collective et du droit de grève, qui ne sont pas mentionnés explicitement dans la convention, mais découlent plutôt de la jurisprudence des organes de contrôle de l'OIT. Les travailleurs du GCHQ sont maintenant membres d'un syndicat qui a le droit de négocier collectivement; ils n'ont pas le droit de grève mais cela entre dans les exclusions acceptées en raison de la nature de leurs activités. Toutefois, ils ne peuvent s'affilier à un syndicat national, et le problème semble découler du fait que, dans le cadre du système britannique de relations professionnelles, le gouvernement ne peut obtenir aucune garantie réelle, qu'il n'y aurait pas de grève au GCHQ si les travailleurs en question sont membres d'un syndicat national, même s'ils ont pris un engagement oral de ne pas faire la grève. Cette commission n'a pas de réponse toute faite, mais il est encourageant de constater que le dialogue a repris alors qu'il était inexistant depuis plusieurs années. Ce n'était peut-être pas un dialogue très constructif jusqu'ici et il n'y a pas eu de résultats concrets, mais le dialogue est ouvert, ce qui est en soi encourageant. L'oratrice s'est associée aux membres employeurs pour exhorter le gouvernement à poursuivre le dialogue dans un esprit constructif, afin que les parties elles-mêmes puissent en venir à un accord satisfaisant.

Un membre travailleur de la Norvège, s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques (Danemark, Finlande, Suède, Irlande), a déclaré que le gouvernement du Royaume-Uni n'avait pas engagé avec les syndicats un dialogue réel qui aurait permis de régler ce cas. Les syndicats ont déclaré qu'ils étaient disposés à conclure un accord avec le gouvernement en ce qui concerne le recours à la grève: cette affaire pourrait donc se régler si le gouvernement respectait le droit des travailleurs de constituer un syndicat indépendant de leur choix. Si le gouvernement n'accepte pas ce compromis, cela constituerait une justification pour mentionner le gouvernement du Royaume-Uni dans un paragraphe spécial. Par ailleurs, il faut espérer que le gouvernement, en consultation avec le Département des normes internationales du travail, soumettra le plus tôt possible ce différend à la Cour internationale de justice, comme l'a déjà demandé le syndicat. Les membres travailleurs des pays nordiques estiment qu'ils doivent lancer un nouvel appel pour que soit discutée la possibilité de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial.

Un membre gouvernemental de l'Australie a rappelé que son gouvernement était déjà intervenu en 1991 pour exprimer la préoccupation de son gouvernement quant à l'absence de progrès dans ce cas qui, s'il met essentiellement en cause des questions d'ordre technique, soulève aussi un problème de principe fondamental: le droit des travailleurs de se syndiquer librement. Toutefois, ce problème ne sera jamais résolu de façon satisfaisante s'il n'est pas tenu compte des circonstances particulières prévalant au GCHQ. Le fait qu'il y ait des discussions, qui sont d'ailleurs toujours ouvertes, entre le gouvernement et les syndicats est encourageant, mais il semble que le dialogue n'ait pas été jusqu'ici particulièrement positif et constructif; par ailleurs, les discussions n'ont pas donné lieu à des propositions concrètes et spécifiques, bien que certaines propositions aient été faites dès 1984 par les syndicats au Comité sur l'emploi de la Chambre des communes. Ce cas ne sera jamais résolu sans une ferme détermination des deux parties et l'orateur a invité le gouvernement du Royaume-Uni à s'engager sans réserve dans un dialogue constructif, afin de résoudre ce cas.

Un membre travailleur de l'Espagne a souligné que le gouvernement du Royaume-Uni, dans la lettre envoyée au syndicat, avait déclaré qu'il ne voyait pas l'utilité des discussions: il n'y a donc pas eu de progrès mais plutôt un recul par rapport à 1991. Quant au fond de la question, le problème vient du fait que les travailleurs n'ont pas le droit de s'affilier au syndicat de leur choix. Le gouvernement avance pour justifier cette interdiction un argument fondé sur l'importance stratégique du GCHQ, mais cet argument n'est pas acceptable puisque seuls les travailleurs de centres n'ayant aucune importance auraient alors le droit de s'affilier au syndicat de leur choix. La liberté syndicale ne peut être subordonnée à l'importance de l'établissement dans lequel les travailleurs sont employés. Cela soulève indirectement la question de savoir qui décide de l'importance stratégique de tel ou tel établissement; si c'était le gouvernement, on lui laisserait ainsi le soin de décider quels travailleurs peuvent ou non s'affilier au syndicat de leur choix.

Un membre gouvernemental des Etats-Unis a rappelé que son gouvernement s'était rallié en 1991 au consensus prévalant dans cette commission pour inviter le gouvernement du Royaume-Uni à reprendre le dialogue avec les syndicats sur la question du GCHQ. Se félicitant de l'intérêt et de l'intention manifestés par le gouvernement dans la poursuite du dialogue, l'oratrice a toutefois dit regretter qu'il n'y ait pas eu plus de progrès, plus rapidement. Il faut espérer que le gouvernement non seulement poursuivra mais intensifiera le dialogue avec les syndicats dans le but de parvenir à une solution mutuellement satisfaisante, tenant compte des besoins particuliers du GCHQ. L'efficacité du mécanisme de contrôle dépend du dialogue; celui-ci n'implique pas une entente mais une volonté d'écouter l'autre partie et des efforts de bonne foi, par toutes les parties, pour créer un climat de dialogue réel et constructif. La présente commission ne peut trouver une solution à cette question à la place du gouvernement et des syndicats britanniques, mais il faut espérer que ses efforts inciteront les parties à trouver une solution.

Un membre travailleur de la Grèce a déclaré que, si le dialogue entamé au sein de la Conférence et de cette commission n'a pas de prolongements dans le pays intéressé, il s'agirait en fait d'un dialogue de sourds. Le Royaume-Uni est un des pays les plus industrialisés, avec une longue tradition démocratique et qui affirme respecter les droits et libertés syndicaux; cependant, il ne respecte pas la convention, une des conventions essentielles de l'OIT, sinon la convention fondamentale. Si ce pays développé et démocratique adopte une telle attitude, à quoi peut-on s'attendre des pays en développement qui sont confrontés à de graves difficultés économiques? Il faut donc attirer l'attention du gouvernement britannique sur cet aspect parce que son attitude porte un réel préjudice à l'OIT.

Un membre gouvernemental de l'Allemagne a fait état de son désaccord par rapport à certains commentaires de la commission d'experts. Premièrement, en ce qui concerne les relations entre les conventions nos 87 et 151, il n'y a aucun doute que la convention no 151 établit une norme spécifique qui se substitue à la convention no 87 ou la complémente; or l'attitude du Royaume-Uni dans cette affaire n'est manifestement pas en violation avec la convention no 151. Si les experts estiment qu'il y a eu violation de la convention no 87 en l'espèce, cela pourrait signifier que la Conférence, voici quatorze ans, a intentionnellement accepté la possibilité que surviennent des situations compatibles avec la nouvelle convention no 151, mais non avec la convention no 87, adoptée quelque trente ans auparavant et déjà ratifiée par un grand nombre de pays. Deuxièmement, l'orateur a exprimé ses réserves face à la rigidité de la commission d'experts, qui n'a pas tenu compte du fait que les services secrets, en Grande-Bretagne, relèvent du ministère de l'Intérieur et non de celui de la Défense. L'orateur a rappelé qu'il avait souscrit entièrement en 1991 à l'avis de la Commission de la Conférence pour exhorter le gouvernement britannique à reprendre le dialogue. Le représentant gouvernemental a bien indiqué qu'il y a eu dialogue, par la voie écrite et orale, mais cela doit être plus qu'un simple contact formel. Il doit y avoir en réalité une véritable reprise du dialogue quant au fond. La commission devrait peut-être également donner quelques indications quant aux discussions afin que la commission d'experts, quand elle se réunira au mois de mars 1993, puisse procéder à un examen de la correspondance échangée et du contenu des discussions. Sans aller jusqu'à suggérer que cette commission devrait donner les indications sur le contenu du dialogue, comme l'a fait le membre travailleur de la Norvège, l'orateur a déclaré que le dialogue devait se poursuivre et s'améliorer.

Un membre travailleur des Etats-Unis a demandé, au nom des membres travailleurs, au représentant du gouvernement si, en reprenant le dialogue, le gouvernement était disposé à reconsidérer l'interdiction faite aux travailleurs du GCHQ d'adhérer librement au syndicat de leur choix. C'est seulement si la réponse à cette question est affirmative qu'il s'agira d'un dialogue constructif et réel, qui permettra d'avancer vers une solution satisfaisante.

Le représentant gouvernemental a remercié tous les orateurs pour leur contribution et assuré cette commission qu'il avait soigneusement pris note de toutes les remarques faites. Il a rappelé, comme l'ont déjà fait plusieurs intervenants, qu'avant la réunion de cette commission, en 1991, aucune discussion n'avait eu lieu entre le gouvernement et les syndicats nationaux pendant plus de six ans. En 1991, la commission a essentiellement demandé un changement dans cette situation et le dialogue a maintenant repris. Il faut toutefois se souvenir que ce problème est extrêmement complexe et qu'il sera très difficile de trouver une solution protégeant adéquatement les intérêts de toutes les parties concernées. Son gouvernement souhaite néanmoins maintenir et développer un dialogue constructif avec les syndicats. La meilleure façon de progresser consiste à poursuivre le dialogue plutôt qu'à ressasser les différences passées. Il a assuré cette commission: 1) qu'il ferait immédiatement et personnellement rapport aux ministres sur les opinions exprimées et les conclusions tirées par cette commission; 2) que le dialogue repris avec les syndicats restait ouvert; 3) que son gouvernement poursuivrait le dialogue afin de trouver une solution qui, à la fois, préserverait les intérêts de la sécurité nationale et serait acceptable à l'ensemble des parties.

Les membres travailleurs ont souligné que cette commission était en droit de s'attendre que cette affaire trouve une solution quant aux commentaires des membres employeurs sur le fait qu'un nouveau gouvernement est au pouvoir, ils ont dit espérer que la nouvelle position de force de ce dernier lui permettrait de se monter généreux et de poursuivre un dialogue constructif. Ils sont convenus que le gouvernement doit avoir l'assurance qu'il n'y aura pas d'interruption du travail au GCHQ, mais ont souligné que les travailleurs doivent pour leur part avoir la garantie qu'ils ont le droit de s'affilier au syndicat de leur choix. Quant aux commentaires du membre gouvernemental du Canada concernant la difficulté de s'assurer qu'il n'y aurait pas de grève au GCHQ si les travailleurs étaient autorisés à adhérer à des syndicats nationaux, ils ont rappelé que les gouvernements ont la possibilité d'adopter des restrictions au droit de grève qui sont parfaitement compatibles avec la convention. Il devrait donc être possible de trouver une solution répondant aux préoccupations des deux parties, qui serait en conformité avec la convention. La fédération à laquelle les employés du GCHQ peuvent actuellement s'affilier n'est pas une véritable organisation syndicale et n'a pas été enregistrée en tant que syndicat indépendant. Les membres travailleurs ne cherchent pas à promouvoir les intérêts des syndicats à titre individuel, mais plutôt la liberté pour les travailleurs d'adhérer au syndicat de leur choix. Le gouvernement n'a présenté aucune proposition pratique pour résoudre ce problème devant la présente commission. De toute évidence, un dialogue n'est pas simplement une suite de monologues. Comme l'a indiqué le membre gouvernemental de l'Allemagne, le gouvernement doit faire la preuve qu'il est sérieusement déterminé à aboutir à des résultats. Un paragraphe spécial a été proposé et cette question semble avoir dominé les préoccupations des membres de cette commission. Toutefois, la question la plus importante n'est pas de savoir s'il convient d'adopter un paragraphe spécial, mais plutôt la façon d'assurer un syndicalisme libre au GCHQ. Les paragraphes spéciaux ne doivent pas seulement être utilisés pour les graves violations des droits de l'homme, mais également pour souligner de façon particulière les regrets face au refus d'un gouvernement de coopérer avec la commission d'experts et la présente commission, ce qui s'est produit en l'occurrence. Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils pouvaient renoncer à un paragraphe spécial s'ils recevaient l'assurance que le gouvernement avait l'intention de faire tous les efforts possibles pour maintenir un dialogue réel sur cette question, afin de parvenir à une solution acceptable à l'ensemble des parties. Les conclusions de la commission devraient être rédigées de façon très ferme dans ce sens et indiquer clairement que des progrès substantiels doivent être réalisés. Le représentant gouvernemental a donné l'impression dans sa dernière déclaration, en se référant à une solution "qui serait acceptable à l'ensemble des parties", de s'efforcer de satisfaire à la demande de la présente commission. S'il en est ainsi et si la commission dans son ensemble en est d'accord, il n'est pas nécessaire d'avoir un paragraphe spécial.

Les membres employeurs ont souligné le large consensus qui s'est dégagé dans cette commission quant à l'évaluation de la situation au GCHQ. Tous les intervenants ont souhaité que les discussions entamées se poursuivent de façon plus intensive et plus constructive, et qu'elles soient mieux ciblées. Toutefois, deux éléments essentiels doivent être présents pour trouver une solution satisfaisante aux deux parties: le gouvernement doit avoir la certitude que le travail ne sera pas interrompu, et les travailleurs devront être libres d'adhérer au syndicat de leur choix. Ce n'est pas la commission qui peut indiquer en détail aux parties la façon d'y parvenir, mais il faut se réjouir du fait que le ministre lui-même interviendra maintenant dans le dialogue, ce qui constitue une garantie supplémentaire de réussite.

La commission a pris note de la discussion générale sur la question de la nature et de la complexité de la législation, ainsi que des informations fournies par le gouvernement à cet égard. Elle a relevé que le gouvernement s'était engagé à fournir à la commission d'experts des renseignements complets sur les différents points soulevés par celle-ci. Elle a exprimé l'espoir d'être en mesure d'évaluer pleinement la situation lors de sa prochaine réunion. En ce qui concerne la question du GCHQ, la commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental ainsi que des discussions qui ont eu lieu. La commission a de nouveau été amenée à exprimer sa profonde préoccupation quant au refus persistant du gouvernement d'appliquer la convention aux travailleurs du GCHQ qui continuent de ne pas jouir du droit de s'affilier à l'organisation syndicale de leur choix. La commission a pris note des échanges de correspondance et de la réunion de haut niveau qui s'est récemment tenue avec les syndicats. Elle a toutefois regretté que ces initiatives n'aient pas encore abouti à un véritable dialogue et n'aient pas répondu jusqu'à présent aux souhaits exprimés par la commission l'année dernière. Prenant bonne note de l'intention déclarée du gouvernement de parvenir à une solution sur cette question qui satisfasse toutes les parties intéressées, elle a exprimé le ferme espoir que cette déclaration serait rapidement suivie par un dialogue substantiel, franc et constructif, mené de bonne foi, de façon qu'une solution pleinement conforme à la convention puisse être trouvée à ce problème qui a été soulevé par la commission d'experts et discuté par la Commission de la Conférence depuis de nombreuses années. La commission a exprimé le très ferme espoir d'être en mesure, dès l'année prochaine, de prendre note de progrès substantiels sur cette question. La commission a indiqué son intention d'examiner de nouveau ce cas lors de la prochaine session de la Conférence.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1991, Publication : 78ème session CIT (1991)

Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Dans son rapport de 1991, la commission d'experts a formulé des commentaires sur plusieurs aspects de l'application de l'ar ticle 3 de la convention s'attachant particulièrement aux lois sur l'emploi de 1980, 1982, 1988 et 1990, ainsi qu'à la loi de 1984 sur les syndicats. Les commentaires suivants constituent la réponse du gouvernement du Royaume-Uni aux points soulevés par les experts dans leur observation.

1. Sanctions disciplinaires injustifiées (article 3 de la loi de 1988 sur l'emploi)

Le gouvernement du Royaume-Uni estime que la législation doit prévoir des dispositions permettant de s'assurer que les syndiqués sont libres "de prendre leurs décisions en accord avec leur conscience, sans crainte de sanctions disciplinaires de la part de leur syndicat".

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) se félicite de l'avis exprimé par la commission d'experts, selon qui l'article 3(3)c) de la loi de 1988, aux termes duquel les syndicats ne peuvent imposer des sanctions disciplinaires à leurs membres qui soutiennent de bonne foi que leur syndicat a transgressé ses propres règles ou la législation nationale, n'est pas incompatible avec l'article 3 de la convention;

b) ne peut toutefois concilier les autres commentaires des experts sur l'article 3 de la loi avec le principe bien acccepté voulant que les syndicats ne jouissent pas d'une liberté absolue pour établir leurs statuts internes, qui doivent respecter les droits fondamentaux de l'homme et la législation nationale;

c) souligne que l'article 3 de la loi de 1988 n'impose aucune limitation quant aux dispositions ou aux interdictions pouvant être incluses dans les statuts internes d'un syndicat;

d) fait observer que les syndicats conservent la possibilité, s'ils le souhaitent, d'une part, d'adopter des statuts leur permettant d'imposer des sanctions disciplinaires aux membres qui refusent de participer à une action de revendication et, d'autre part, d'appliquer ces statuts, ce qui s'est effectivement passé en pratique à plusieurs reprises depuis l'adoption de la loi de 1988, lorsque des syndiqués se sont vu imposer des sanctions disciplinaires de cet ordre;

e) estime néanmoins qu'il s'agit d'un droit de l'homme fondamental pour tout syndiqué de pouvoir refuser de rompre son contrat d'emploi - même si son syndicat l'y invite et indépendamment des procédures qui ont pu être suivies par le syndicat avant de lancer ce mot d'ordre - et qu'un tel refus ne saurait être qualifié d'inapproprié;

f) maintient donc que la législation nationale devrait prévoir des recours pour les syndiqués victimes de sanctions ou de discrimination de la part de leur syndicat, soit parce qu'ils ont exercé ce droit de refus soit parce qu'ils ont encouragé d'autres employés à s'en prévaloir;

g) soutient que le fait d'autoriser un syndicat à imposer des sanctions disciplinaires à un syndiqué qui aurait décidé d'honorer ses engagements envers son employeur, sans lui offrir par ailleurs la possibilité d'un recours, reviendrait à permettre que la législation nationale ne garantisse pas les droits de l'homme fondamentaux du syndiqué en question: et, par conséquent,

h) ne voit aucun motif de considérer que l'article 3 de la loi de 1988 sur l'emploi est en fait incompatible avec aucune des garanties prévues par la convention.

2. Indemnisation des syndiqués et des représentants syndicaux

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) se félicite du fait que la commission d'experts reconnaît qu'aucune disposition de l'article 8 n'empêche un syndicat d'adopter des règles particulières en cette matière;

b) note que les experts suggèrent maintenant que l'article 8 de la loi de 1990 devrait être "modifié" et non plus "abrogé" comme ils l'avaient mentionné dans leur observation de 1989;

c) souligne que l'article 8 vise uniquement les amendes ou les autres sanctions pécuniaires imposées à une personne en raison d'une infraction pénale ou d'une condamnation pour outrage au tribunal, actes qui constituent manifestement une violation de la législation nationale;

d) souligne que lorsqu'un personne agit simplement comme "agent" passif d'un syndicat les sanctions seront vraisemblablement imposées au syndicat, mais que lorsqu'une sanction est infligée à la personne elle-même, cela implique qu'elle aura clairement été reconnue coupable d'un acte illégal et délibéré;

e) tenant compte notamment de l'article 8 l) de la convention, ne saurait accepter l'idée voulant que les dispositions déclarant illégaux l'utilisation des fonds ou des biens syndicaux pour indemniser ces personnes des conséquences de leurs actes illégaux ainsi que le droit connexe de recouvrement des sommes payées ou des biens remis constituent une violation des garanties prévues par la convention; et, par conséquent,

f) ne peut convenir qu'il soit nécessaire de modifier la législation comme le suggèrent les experts, puisque ces dispositions actuelles ne sont incompatibles avec aucune garantie prévue par la convention.

3. Immunités à l'égard de la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendication

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) ne relève dans l'observation des experts aucun argument supplémentaire démontrant la nécessité d'apporter quelques modifications à la loi actuelle pour garantir sa conformité avec les garanties prévues dans la convention;

b) souligne que la législation du Royaume-Uni: i) contient toujours des dispositions assurant une protection particulière contre la responsabilité civile qui serait autrement encourue lorsqu'un syndicat ou toute autre personne appelle les travailleurs à rompre des contrats de travail afin d'appuyer leurs revendications dans le cadre d'un différend collectif avec leur employeur; et ii) donne une définition très large de l'expression "différend du travail" à cette fin;

c) observe qu'aucune modification intervenue depuis 1979 dans la législation sur l'organisation des actions de revendication n'a nui aux travailleurs qui restent libres de s'engager dans ce genre d'actions, que ce soit dans le cadre d'un différend avec leur employeur, pour appuyer d'autres travailleurs, ou encore pour quelque autre objectif;

d) ne voit dans la convention aucune disposition permettant à la commission d'experts de conclure que cet instrument impose la nécessité d'une protection juridique pour les personnes qui appellent à une action de revendication ou qui l'organisent, en ce qui concerne les formes particulières d'actions de revendication mentionnées dans son rapport;

e) fournira tous les détails voulus sur la disposition de la loi de 1990, dans le cadre du prochain rapport dû aux termes de l'article 22 de la convention; et, par conséquent,

f) ne saurait accepter l'idée qu'il doit adopter d'autres mesures législatives dégageant la responsabilité civile des personnes qui appellent à des actions de revendication ou les organisent, au motif que ces amendements sont nécessaires pour assurer la conformité avec les garanties prévues par la convention.

4. Licenciements pour faits de grève et autres actions de revendication

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) souligne que la convention no 87 protège la liberté de constituer des organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que les droits de ces organisations, mais que les mesures touchant individuellement les travailleurs (y compris les licenciements ou les sanctions disciplinaires imposées par un employeur) sont visées expressément dans d'autres instruments, notamment la convention no 98, et considère que la législation concernant ces licenciements ou sanctions disciplinaires touchant des personnes à titre individuel n'est pas visée par la convention no 87;

b) regrette que, même si l'observation des experts mentionne certains arguments avancés par le gouvernement dans son rapport aux termes de l'article 22 et démontrant que les amendements législatifs suggérés antérieurement par les experts sont inutiles ou inappropriés, aucun de ces arguments n'est reproduit dans l'observation elle-même;

c) souhaite signaler que la législation et la pratique du Royaume-Uni comportent les dispositions suivantes:

i) les employeurs ont toujours eu le droit d'imposer des sanctions disciplinaires aux travailleurs qui décident de participer à des actions de revendication et notamment, par exemple, de leur refuser la rémunération à laquelle ils auraient eu droit s'ils avaient travaillé durant la période pendant laquelle cette action s'est déroulée; il ne semble exister dans la convention no 87 aucune disposition interdisant aux employeurs de réagir ainsi aux grèves et autres actions de revendication;

ii) la législation du Royaume-Uni n'a jamais comporté le principe soutenu par la commission d'experts, selon lequel il devrait être interdit aux employeurs de licencier des travailleurs ou de leur imposer des sanctions durant des actions de revendication; depuis l'adoption de la loi de 1971 sur les licenciements injustes, la législation a toujours prévu une exception pour les licenciements intervenant dans le cadre d'une action de revendication;

iii) la législation du Royaume-Uni n'autorise absolument pas à ordonner aux travailleurs de retourner ou de rester au travail, et ce quelles que soient les circonstances; cette liberté de déclencher des actions de revendications - qui par sa nature même doit rester une décision individuelle pour tout employé - prévaut indépendamment de la nature ou de l'ampleur des répercussions de cette action sur l'entreprise de l'employeur (que ce soit en termes absolus, ou en rapport avec l'objet du différend);

iv) en outre, lorsque les employés participent à une action de revendication officielle (c'est-à-dire organisée ou déclenchée par leur syndicat), un employé qui serait victime d'un licenciement discriminatoire tandis que d'autres employés ayant participé à l'action ne sont pas licenciés peut présenter une plainte de licenciement injustifié à un tribunal du travail; le même recours est ouvert si tous les employés sont licenciés mais que certains sont réembauchés dans un délai de trois mois, tandis que d'autres ne le sont pas;

v) par ailleurs, la législation du Royaume-Uni sur l'emploi assure une protection spéciale aux employés qui participent à une grève dans la mesure où elle préserve les droits liés à la "période d'emploi accumulée" ("qualifying period of employment") que l'employé peut avoir acquis avant la grève en question, ce qui protège ses droits futurs à de nombreux droits liés à l'emploi et découlant de la loi (par exemple, les indemnités de licenciement pour raisons économiques), même si l'employé a fait grève en violation des dispositions de son contrat d'emploi;

vi) bien que les conditions et modalités d'emploi des travailleurs puissent être établies dans des conventions collectives conclues entre employeurs et syndicats, les conventions collectives n'ont pas juridiquement une force contraignante au Royaume-Uni. Par conséquent, les employés peuvent librement décider de faire grève ou de prendre d'autres actions de revendication sans égard aux conséquences que cela risque d'avoir sur le plan des obligations contractuelles de leur syndicat;

vii) selon un principe fondamental établi de longue date dans le système juridique du Royaume-Uni, il n'est pas de la compétence des cours ou tribunaux de statuer sur le fond d'un différend du travail, et aucune convention internationale ratifiée par le Royaume-Uni ne contient de dispositons imposant des mesures différentes à cet égard; et, par conséquent,

d) n'estime absolument pas justifiée la suggestion de la commission d'experts, selon qui des amendements sont nécessaires pour que la législation du Royaume-Uni : i) soit compatible avec les garanties prévues par la convention no 87; ii) garantisse le respect des "principes de la liberté syndicale", dans la mesure où ces principes découlent des dispositions de la convention elle-même.

5. Complexité de la législation

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) confirme, comme il l'a indiqué dans son rapport 1988-1990 aux termes de l'article 22 qu'il est disposé à prendre des mesures de "codification" lorsque les ressources et le programme législatif le permettront;

b) attire l'attention sur la distinction pratique faite par le gouvernement dans son rapport 1989-1990 entre une "codification" (qui intégrerait dans une loi les dispositions qui se trouvent à l'heure actuelle dans plusieurs textes législatifs) et une mesure qui apporterait des modifications de fond à la législation actuelle;

c) réitère qu'aucune disposition de la législation générale du Royaume-Uni sur l'emploi n'est à son avis incompatible avec les garanties prévues dans les conventions qu'il a ratifiées; et, par conséquent,

d) rejette la suggestion de la commission d'experts voulant que le gouvernement devrait profiter de l'occasion de cette "codification" pour apporter des modifications de fond à la législation qui régit actuellement les relations professionnelles et les questions syndicales.

En outre un représentant gouvernemental du Royaume-Uni a rappelé que l'observation de la commission d'experts traite de deux questions séparées, l'une concernant le licenciement des travailleurs du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ), la seconde, un certain nombre d'observations relatives à l'article 3 de la convention en relation avec une série de lois sur l'emploi et sur les syndicats adoptées au cours des années quatre-vingt. Ce deuxième aspect de l'observation de la commission d'experts fait l'objet des informations écrites envoyées par le gouvernement. L'orateur a exprimé l'espoir que ces informations seront communiquées à la commission d'experts pour examen. Il a considéré qu'il était plus approprié de différer la discussion de ces questions et de se concentrer sur la question du GCHQ.

Bien que sous la responsabilité ministérielle du Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et du Commonwealth, le GCHQ ne fasse pas partie du Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth, il s'agit en fait d'un des services de sécurité et de renseignement du Royaume-Uni qui fait partie intégrale du système de défense et de sécurité national. Ce service apporte un concours opérationnel vital aux forces armées du Royaume-Uni et à celle de ses alliés, y compris une surveillance constante de toutes les formes d'activités armées hostiles. Entre 1979 et 1981, le GCHQ a subi de graves interruptions d'activités suite à des mouvements de grève impliquant une perte de 10000 jours de travail. Ces interruptions n'étaient liées à aucune réclamation spécifique au GCHQ, mais les employés en question étaient utilisés dans le cadre d'une campagne plus large dans le contexte des négociations nationales dans la fonction publique. En conséquence et après un examen long et attentif de toutes les implications, y compris de ses obligations internationales aux termes des conventions de l'OIT, le gouvernement a modifié, en 1984, les termes et conditions des employés du GCHQ en supprimant la liberté de ces travailleurs d'appartenir à un autre syndicat qu'à celui relevant de cet établissement. L'action du gouvernement avait uniquement pour but d'assurer la poursuite sans discontinuité des activités de sécurité au GCHQ, estimant inacceptable, ce dont plusieurs autres gouvernements conviennent certainement, qu'un service secret du pays puisse pâtir d'un mouvement de grève national. A la suite de la décision du gouvernement, une majorité écrasante des travailleurs du GCHQ, soit 98 pour cent, a accepté les nouvelles conditions de service. La plupart des autres travailleurs ont été transférés, sur leur demande, dans d'autres fonctions au sein de l'administration où ils ont pu conserver leur affiliation syndicale ou ils ont pu donner leur démission en bénéficiant de la généreuse compensation prévue en cas de licenciement. A la fin de 1988, il n'y avait plus que 13 travailleurs qui n'acceptaient ni les nouvelles conditions de service ni de nouveaux postes dans la fonction publique. Tous ces travailleurs ont reçu soit des indemnités de licenciement complètes, soit une compensation généreuse ex gratia.

La connaissance de divers aspects du système de relations professionnelles britannique est nécessaire pour comprendre les raisons des mesures prises par le gouvernement. En premier lieu, le système de relations professionnelles a un caractère volontaire auquel sont attachés les syndicats, les employeurs et le gouvernement. Deuxièmement, tous les accords collectifs sont conclus volontairement et ne sont pas légalement obligatoires; l'exécution des obligations qui en découlent ne peut être obtenue en justice et il n'y a pas de sanctions en cas de violation. Dans ce cadre de libertés et d'accords collectifs n'ayant pas force obligatoire, tant les travailleurs du secteur public que ceux du secteur privé sont libres de s'organiser collectivement et de faire grève. Il n'y a que trois exceptions à cette situation générale concernant le secteur public: premièrement, les forces armées qui n'ont ni le droit de s'organiser ni le droit de faire grève; deuxièmement, la police qui a le droit de s'organiser, mais qui n'a pas le droit de grève; enfin, pour certaines catégories très limitées de fonctionnaires, la loi sur la protection de l'emploi de 1975 telle qu'amendée en 1978 qui contient des dispositions permettant au gouvernement d'exclure certains travailleurs de son champ d'application aux fins de préserver la sécurité nationale. Ces dispositions n'ont été appliquées qu'aux services de renseignement et constituent la base légale prise par le gouvernement dans le cas du GCHQ en 1984. Sous cette réserve, tous les fonctionnaires, quels que soient leurs rangs ou leurs fonctions ont le même droit de s'organiser et de faire grève que les travailleurs de l'industrie privée.

Le représentant gouvernemental a indiqué que les mesures adoptées par le gouvernement dans le cas du GCHQ l'ont été sur une base unique et exceptionnelle de manière à préserver spécifiquement tant le cadre volontaire du système des relations professionnelles que le droit de s'organiser et de faire grève dont jouissent tous les autres fonctionnaires. Il a souligné que dans le cadre du système volontaire des relations professionnelles un accord de paix du travail, conclu volontairement, ne saurait garantir de manière absolue la continuation ininterrompue des activités qui est vitale pour la sécurité nationale du Royaume-Uni et nombre de ses alliés. C'est la raison pour laquelle il a estimé qu'envisager l'éventualité d'une négociation d'un accord de paix du travail en tant que solution aux problèmes ne ferait que soulever des espoirs qui ne pourraient être couronnés de succès dans le cadre du système des relations professionnelles du Royaume-Uni, car tout accord conclu pourrait valablement et à n'importe quel moment être révoqué par les syndicats.

Bien que le gouvernement ait imposé comme condition d'emploi que les travailleurs du GCHQ ne puissent pas appartenir aux syndicats nationaux, ces travailleurs ont la liberté de s'affilier à la Fédération du personnel des communications gouvernementales (GCSF) qui est le syndicat d'entreprise. Le GCSF regroupe 50 pour cent des employés travaillant au GCHQ, ce qui correspond au pourcentage que les syndicats nationaux détenaient à l'époque dans cet établissement. A l'exception du droit de grève, le GCSF fonctionne comme un syndicat normal représentant les travailleurs du GCHQ pour toutes les questions pertinentes, y compris les négociations relatives aux salaires, aux conditions d'emploi ainsi qu'aux questions concernant le milieu de travail. Il figure sur la "liste" légale des syndicats tenue par le greffier - une entité nationale indépendante, légalement constituée. Celui-ci a déclaré que le GCSF a demandé au greffier de lui délivrer un certificat d'indépendance. Sur le refus de celui-ci, le syndicat a fait appel de cette décision. Quelle que soit l'issue de ce recours, elle ne saurait d'aucune manière priver le GCSF de son caractère de syndicat figurant sur la "liste" légale, ni de son droit de gérer ses activités habituelles ni celui de représenter ses membres. Le fait que le GCSF ne détienne pas de certificat d'indépendance ne saurait, dans la pratique, le désavantager, étant donné que la direction du GCHQ a accordé au GCSF des droits qui sont au moins équivalents à presque tous les droits d'un syndicat détenant un certificat d'indépendance en vertu de la loi.

Le représentant gouvernemental a rappelé que si le cas avait été traité dans le cadre de la convention no 151, il aurait été classé dès le début, car l'article premier, paragraphe 2, de cette convention laisse à la législation nationale le soin de déterminer la mesure dans laquelle les garanties qu'elle prévoit s'appliqueront aux agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel. Or c'est justement ce qu'a fait le gouvernement du Royaume-Uni dans le cas du GCHQ. Quant à la convention no 87, elle exclut de ses dispositions les forces armées; de l'avis du gouvernement les fonctions inhérentes à la sécurité nationale qui sont accomplies au GCHQ relèvent de l'esprit de cette exemption. Il a été également attiré l'attention sur le fait que la Commission européenne des droits de l'homme avait examiné ce cas et qu'elle avait estimé que, bien qu'il y ait eu une immixtion d'une autorité publique dans les droits des travailleurs de constituer des syndicats et de s'y affilier, cette interférence était justifiée puisque le GCHQ est une institution spéciale qui, en accomplissant des fonctions essentielles en matière de protection de la sécurité nationale, a des objectifs proches de ceux de la police et des forces armées.

En résumé, le représentant gouvernemental a déclaré qu'un bon nombre de personnes, tant au sein de cette commission que dans d'autres cercles, ont reconnu que la question qui est en jeu consistait dans un problème technique de définitions et d'interprétation et ne constituait donc pas un cas impliquant des questions fondamentales inhérentes aux droits de l'homme. S'il y a eu violation, elle est donc de nature hautement technique et elle n'a pas de caractère fondamental pour les raisons suivantes: 1) Le GCHQ fait partie des services de sécurité nationale; aux termes de la convention no 151, il n'y aurait pas eu de violation; dans de nombreux autres pays, les mêmes activités auraient été accomplies dans le cadre de l'appareil militaire; elles auraient été également exclues de la convention no 87. 2) Sur l'ensemble des travailleurs concernés, 13 seulement n'ont finalement pas accepté les nouvelles conditions de service ou l'offre d'un autre emploi; ils ont reçu une compensation financière avantageuse. 3) D'autres organismes internationaux concernés par les droits fondamentaux de l'homme ont adopté des conclusions en faveur du gouvernement du Royaume-Uni. 4) Enfin, les travailleurs du GCHQ ont, dans la pratique, accès à un véritable syndicat d'entreprise qui est effectivement très actif.

Le représentant gouvernemental s'est félicité de ce que dans sa dernière observation la commission d'experts ait reconnu l'existence d'un certain nombre de ces questions et il s'est réjouit du contenu positif du dialogue avec les experts. La commission d'experts a reconnu que les travailleurs du GCHQ relèvent de la catégorie de travailleurs pour lesquels il est admissible de limiter le droit de grève. La commission a également reconnu que le syndicat d'entreprise, auquel 50 pour cent des travailleurs appartiennent, était traité par la direction de la même manière que s'il était un syndicat à part entière. Enfin, elle a reconnu que le gouvernement n'est pas opposé au principe d'une affiliation syndicale de ces travailleurs, maisqu'il continue d'avoir des objections à l'affiliation à certains syndicats. Tout en déclarant que les appréciations de la commission d'experts sont correctes, l'orateur a rappelé pourquoi, étant donné le caractère volontaire des relations professionnelles, les intérêts de la sécurité nationale au GCHQ exigeaient le maintien de la situation. Il a néanmoins déclaré que son gouvernement continuerait à examiner attentivement les commentaires de la commission d'experts et ceux de la présente commission et il a donné l'assurance qu'il ferait pleinement rapport sur les opinions exprimées au sein de cette commission. Il a exprimé la conviction que son gouvernement continuerait à rester à l'écoute et à examiner attentivement les idées exprimées en ce domaine en raison notamment de l'importance que les organes de contrôle de l'OIT, y compris les membres de cette commission, attachent à la question. En conclusion, le représentant gouvernemental a exprimé l'espoir que sur la base des explications qu'il a données, la commission serait à même d'engager une discussion équilibrée et bien documentée sur ce cas, en gardant le sens des proportions quant aux questions qu'il implique.

Le porte-parole des membres travailleurs a confirmé l'accord de son groupe pour limiter la discussion au cas des travailleurs du GCHQ. Il a estimé toutefois que les autres points mentionnés dans l'observation de la commission d'experts et sur lesquels le gouvernement a fourni certaines informations écrites doivent pouvoir être discutés l'année prochaine. Il a estimé souhaitable de le mentionner dans les conclusions de la commission. Dans tous les cas, le gouvernement devrait être invité à fournir un rapport à temps pour pouvoir être discuté l'an prochain.

Le membre travailleur des Etats-Unis, s'ecprimant au nom du groupe des travailleurs, a rappelé qu'en 1990 la commission avait décidé à une faible majorité de ne pas mentionner l'application de la convention no 87 par le Royaume-Uni dans un paragraphe spécial de son rapport, bien que la commission d'experts ait conclu que 13 travailleurs du centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) avaient été licenciés parce qu'ils avaient refusé de renoncer à leur affiliation au syndicat de leur choix ce qui constitue une violation de l'article 2 de la convention et, bien que dans ses conclusions la présente commission ait constaté que "le gouvernement ne considère pas utile de négocier avec les associations de travailleurs..." et ait exprimé "le ferme espoir que le gouvernement reconsidérera sa position...". Lors de la session plénière d'adoption du rapport de la commission de l'application des normes il avait indiqué que les efforts des travailleurs, en vue de l'adoption d'un paragraphe spécial, n'avaient pas abouti parce que les membres employeurs et certains membres gouvernementaux n'avaient pas bien apprécié ce qui était réellement en jeu, à savoir de ne pas fermer la porte à de nouvelles négociations avec les syndicats. Là est et demeure, à son avis, le coeur du problème.

Après avoir souligné qu'il n'entendait pas aujourd'hui demander un paragraphe spécial, il a exprimé sa préoccupation quant à la position inflexible du gouvernement britannique de refuser de discuter avec les syndicats. Il s'agit là d'une question clé qui, si elle n'est pas résolue, empêche toute action. Ainsi que l'a relevé la commission d'experts, le TUC a informé le Premier ministre que les syndicats étaient disposés à adopter une approche positive en ce qui concerne la question du GCHQ si les discussions étaient rouvertes, comme l'avaient suggéré les experts et la présente commission. Le Premier ministre n'a pas répondu à cette proposition et le gouvernement continue à déclarer qu'il demeure convaincu de leur absence d'utilité. Le refus du Royaume-Uni de reprendre les discussions avec les syndicats menace les principes fermement établis auxquels cette commission adhère depuis de nombreuses années. C'est le seul cas depuis vingt-cinq ans où un gouvernement a refusé d'entamer le dialogue avec ses partenaires priviliégiés, en dépit de la convention no 87 et des exigences de la convention no 144, qui du reste a également été ratifiée par le Royaume-Uni. Les membres travailleur a toutefois cru percevoir une certaine note d'encouragement en écoutant l'intervention du représentant gouvernemental lorsque celui-ci a assuré que son gouvernement continuerait à examiner très attentivement les observations de la commission d'experts et de la présente commission.

Dans son rapport de 1989, cette commission, après bien des années d'un difficile dialogue, a pu s'exprimer d'une seule voix pour souligner l'importance fondamentale des principes suivis de manière constante par la commission d'experts en ce qui concerne non seulement le maintien de l'indépendance du système de contrôle mais également l'universalité des normes et la nécessité de les appliquer avec objectivité et impartialité. Elle a également reconnu tout aussi unanimement que la fidèle adhésion à ces principes vaut également pour ses propres travaux. Il s'ensuit nécessairement que l'égalité dans l'application et l'impartialité doivent s'étendre à tous les pays, quels que soient leur taille, leur puissance, leur situation géographique, et leur pouvoir de persuasion politique: le même étalon de mesure doit leur être appliqué. A de nombreuses occasions on a insisté au sein de cette commission, spécialement pendant les années de lutte avec les pays de l'Est, sur le fait que la commission ne pouvait pas avoir deux visages, l'un pour l'Est et l'autre pour l'Ouest. Pourrait-il en être différemment pour les pays en développement et pour un pays occidental hautement industrialisé? Pourrait-on tolérer, dans cette commission où l'on a toujours prôné d'une manière unanime les principes d'impartialité et d'objectivité, une déviation aussi fondamentale de ces principes dans un cas particulier? Cette commission a toujours été reconnue comme la conscience de l'OIT. Même si ses conclusions ont parfois été rigoureuses à l'égard des gouvernements, une justice égale a toujours été dispensée. On ne saurait se départir, dans un cas individuel, du sentiment que les normes doivent être appliquées impartialement en cas de violation, sans que, de l'avis des travailleurs, la commission ne souffre d'une grave perte de crédibilité.

Depuis qu'il suit les discussions à ce sujet, l'orateur a toujours été étonné et désolé de l'attitude inflexible du gouvernement en ce qui concerne l'éventualité de nouvelles discussions sur le cas des travailleurs du GCHQ avec les partenaires sociaux. D'après l'observation de la commission d'experts, c'est la troisième fois que, malgré ses encouragements répétés et ceux de la présente commission, le gouvernement a indiqué qu'il ne voyait pas d'utilité à rouvrir le dialogue. Cette position inexorable du gouvernement soulève des préoccupations sérieuses au sein de la commission quant aux motifs qu'il poursuit. Le gouvernement devrait savoir qu'aussi longtemps que des hommes libres se réunissent et engagent un dialogue, tout peut arriver ainsi que l'attestent les progrès qui ont été réalisés grâce aux efforts de la commission d'experts et de cette commission au cours des ans dans le cas des gouvernements recontrant des problèmes d'application de conventions ratifiées apparemment insurmontables. Même si une solution aux problèmes des travailleurs du GCHQ peut sembler aux yeux du gouvernement relever du miracle, un tel miracle avec l'assistance des syndicats britanniques peut avoir lieu, comme cela a été le cas, au cours des trois dernières années, de l'évolution incroyable et imprévisible des pays de l'Europe centrale et orientale vers la liberté et la démocratie. En conclusion, l'orateur a demandé instamment au gouvernement de na pas refuser la dernière offre des syndicats britanniques de reprendre les discussions. Cette offre d'adopter une approche constructive et positive dans la conduite de nouvelles négociations montre clairement qu'ils ne sont pas insensibles à l'importance des activités du GCHQ. Il convient de ne pas faire l'erreur de sous-estimer la contribution d'un partenaire essentiel du tripartisme.

Le membre travailleur du Royaume-Uni, s'exprimant également au nom du groupe des travailleurs, a déclaré qu'il ne demanderait pas qu'un paragraphe spécial sur ce cas soit inclus dans le rapport de la commission car lels membres travailleurs estiment qu'une telle demande conduirait à une discussion technique stérile sur la procédure du paragraphe spécial au lieu de susciter un véritable débat sur le cas lui-même. Il a écouté avec intérêt les informations communiquées par le représentant gouvernemental et il a rappelé que le cas dont est saisie la présente commission concerne essentiellement le licenciement d'un certain nombre de syndicalistes qui ont refusé de renoncer à leur droit, consacré par la convention, de s'affilier au syndicat de leur choix. Tout en rappelant que ce cas particulier a été considéré par certains comme faisant l'objet d'une attention exagérée, il a souligné que les principes qui en sont à la base sont fondamentaux pour les travaux de la présente commission et pour ceux des organes de contrôle de l'OIT. Le maintien du refus d'un gouvernement de reconnaître le bien-fondé des commentaires de la commission d'experts et des conclusions de cette commission, ainsi que de prendre les mesures pour y donner suite, doit être considéré, de manière universelle, comme une offense pour les travaux de la commission. C'est la raison pour laquelle ce cas revêt un intérêt particulier. Tant qu'aucune solution ne sera trouvée et qu'un nouveau dialogue susceptible de conduire au progrès ne sera pas noué, il en résultera une menace pour l'ensemble du système de contrôle. Ce cas soulève de manière fondamentale la question grave de savoir si cette commission applique une double norme, suivant qu'il s'agit de pays en développement ne disposant par d'une fonction publique hautement sophistiquée ou de pays hautement industrialisés dont les ressources et l'influence sont telles qu'ils peuvent tenter de faire fi des vues de la commission d'experts et des conclusions de la présente commission. Il ne doit y avoir, au sein de la présente commission, ni exception ni traitement de faveur pour ces derniers, car ce serait miner l'autorité et la crédibilité de la commission.

Le membre travailleur a convenu que l'application de la convention no 87 pose des problèmes. Elle soulève des questions relatives au pluralisme, au droit de grève et à ses limitations légitimes. Elle soulève également la question de savoir qui est considéré comme fonctionnaire ainsi que des questions de définition des catégories de travailleurs pouvant être exclus de son application. Si l'orateur a un profond respect pour les lois, en particulier pour celles qui sont incorporées dans les conventions sur les droits de l'homme, il se méfie par contre de ceux qui s'efforcent de prouver que la loi a plusieurs visages en fonction des diverses occasions. Les droits de l'homme sont indivisibles et doivent s'appliquer de manière identique à tous les pays, riches ou pauvres, en développement ou industrialisés.

Contrairement à ce qu'a laissé entendre le représentant gouvernemental, les interruptions de travail qui ont eu lieu dans la fonction publique entre 1979 et 1981 concernaient des questions afectant tant les travailleurs du GCHQ que ceux de la fonction publique dans son ensemble, puisque le gouvernement avait supprimé un mécanisme de négociation des salaires applicable au GCHQ comme à la fonction publique qui avait fonctionné efficacement pendant vingt-cinq ans. En réponse aux allégations selon lesquelles la sécurité nationale avait été mise en danger par ces grèves, le membre travailleur a rappelé que les syndicats avaient veillé à ce qu'un service minimum soit mis en place comme c'est le cas généralement le week-end. Prétendre que la sécurité du pays était en jeu était donc dépourvu de sens.

Après avoir reconnu que la description du système de relations professionnelles donnée par le représentant gouvernemental était exacte, le membre travailleur a souligné que ce cadre avait été graduellement détruit par le présent gouvernement. Il a insisté sur le fait qu'à de nombreuses occasions les travailleurs ont clairement montré qu'ils étaient prêts à faire quelque chose d'exceptionnel dans le cas du GCHQ. Compte tenu du problème tel que présenté par la commission d'experts, le mouvement syndical britannique est prêt à discuter d'une solution qui serait unique et qui consisterait dans un accord de paix du travail, avec arbitrage, qui ne serait applicable que pour cet établissement afin de se conformer aux vues de la commission d'experts selon lesquelles il est admissible de limiter le droit de grève des travailleurs dont les fonctions ont trait à des questions de sécurité. Tel est le prix que le mouvement syndical est prêt à payer afin de continuer à résoudre le problème.

En ce qui concerne la Fédération du personnel des communications gouvernementales (GCSF) qui fonctionne dans le centre de Cheltenham, le membre travailleur a rappelé que le greffier a refusé de lui décerner un certificat d'indépendance. Le GCSF est effectivement un syndicat d'entreprise et le fait que des travailleurs soient autorisés à s'affilier à une telle organisation ne signifie pas qu'ils peuvent s'affilier au syndicat de leur choix. Or c'est cette liberté même qui est en jeu, comme dans le cas des Etats connaissant le système d'un parti unique et où il n'existe qu'un seul syndicat. S'agissant de conclusions de la Commission européenne des droits de l'homme, l'orateur a souligné qu'elles ne sauraient l'emporter sur les conclusions de la commission d'experts que seule la Cour internationale de justice peut contester.

Le sens des travaux de la commission se caractérise par son esprit de dialogue. A cet égard, le Royaume-Uni a ratifié la convention no 144 sur les consultations tripartites relatives aux activités de l'OIT. Pour leur part, les syndicats britanniques se sont, au cours des douze derniers mois, efforcés d'éviter que ce cas fasse l'objet d'un sujet de conflit à la Conférence de cette année. Au cours du mois de mai dernier, après des approches oficieuses, le secrétaire général du TUC a écrit au Premier ministre pour tenter de le persuader de reprendre les discussions avec les syndicats de la fonction publique, conformément aux conclusions de la commission d'experts. Malheureusement, aucune réponse positive n'a été reçue. A ce stade, les syndicats demandent uniquement l'ouverture de discussions avec le gouvernement britannique pour voir si une solution dans les lignes suggérées par la commission d'experts est possible. Ils ne demandent pas que des garanties leur soient données; tout ce qu'ils veulent, c'est de pouvoir discuter. Nul ne saurait considérer cette demande comme déraisonnable. C'est pourquoi le membre travailleur du Royaume Uni a lancé un appel a la présente commission pour qu'elle invite le gouvernement à reprendre le dialogue avec les syndicats. Refuser une demande aussi simple remettrait en cause tout le principe du dialogue qui est à la base du processus de contrôle. La réponse du gouvernement devrait pouvoir être examinée par la commission d'experts et faire l'objet de la présente discussion l'année prochaine.

Les membres employeurs se sont déclarés d'accord pour limiter la discussion au seul cas des travailleurs du GCHQ. Ils ont estimé en conséquence, que les conclusions ne devraient pas mentionner que les autres points seront examinés par la commission l'année prochaine, comme l'ont demandé les membres travailleurs. S'agissant des travailleurs du GCHQ, c'est la cinquième fois que l'on discute de la question depuis 1985. Les faits sont clairs, il n'y a rien de nouveau. Ce cas n'est pas typique de la convention no 87 dans la mesure où les activités exécutées au GCHQ sont trèps proches des fonctions accomplies par les forces armées. Si le personnel de ce centre avait été transféré dans le secteur militaire, tout aurait été résolu. Tel n'est toutefois pas le cas. Les mesures prises par le gouvernement ont été adoptées à la suite de grèves et d'interruption de travail au GCHQ. Le gouvernement a exigé que les travailleurs quittent leur syndicat. Tous l'ont fait à l'exception de 13 travailleurs. Les discussions ultérieures concernant la conclusion éventuelle d'un nouvel arrangement impliquant le renoncement au droit de grève ont échoué. Il y a eu des hésitations de part et d'autre. La nature des accords collectifs, et en particulier leur caractère non contraignant, a également joué un rôle. La question se pose également de savoir si l'organisation nouvellement créée au sein du centre, qui comporte 50 pour cent des travailleurs du GCHQ n'ont plus, depuis un certain temps, la possibilité de constituer ou de s'affilier au syndicat de leur choix; c'est là le point crucial. Du point de vue juridique, la situation est claire et elle est telle que décrite par le membre travailleur du Royaume-Uni. Comme par le passé, les membres employeurs s'opposeront fermement à l'application de doubles normes. Le présent cas est toutefois très différent de ceux des Etats anciennement communistes où, selon leur Constitution, il n'était pas possible de constituer des syndicats libres en dehors du syndicat inféodé au Parti unique. Dans le cas des travailleurs du GCHQ, les difficultés sont l'ordre pratique et les nombreux facteurs qui ont une incidence sont particuliers au Royaume-Uni. En premier lieu, le gouvernement et les syndicats n'ont pas beaucoup de sympathie mutuelle. Chacun campe sur ses positions, de sorte qu'il y a absence totale de dialogue, c'est bien là que se pose le problème. C'est pourquoi il conviendrait de donner, aujourd'hui, une nouvelle impulsion pour modifier la situation et pour que les parties prennent à nouveau contact en vue de discuter de la question. Il s'agit d'une question limitée qui ne menace pas l'exercice du droit syndical dans l'ensemble du territoire du Royaume-Uni. Seuls les travailleurs du GCHQ sont impliqués. Mais même s'il n'y a eu que 13 travailleurs qui ont désiré faire usage de leur droit de choisir librement le syndicat auquel il souhaite appartenir, c'est le devoir de la commission de se préoccuper de garantir cette liberté de choix. Les travailleurs doivent avoir le droit de s'affilier librement au syndicat de leur choix quel que soit le nombre de personnes concernées. C'est pourquoi, comme les membres travailleurs, les membres employeurs ont souhaité que le gouvernement soit prié de reprendre le dialogue. Il se sont également attachés à ce que les syndicats garantissent de manière efficace que les activités du GCHQ ne soient pas perturbées par des interruptions de travail. Ils n'ont pas d'indication précise à donner sur la manière dont devra être réglé le problème dans la pratique, les arrangements devant être pris au Royaume-Uni entre les parties concernées. En conclusion, les membres employeurs ont exprimé l'espoir que le gouvernement s'efforcera de reprendre le dialogue avec les syndicats, qu'il fournira des informations pour examen par la commission d'experts à sa prochaine session, et que l'année prochaine cette commission pourra noter des progrès substantiels tels que la reprise du dialogue, voire même l'adoption d'une solution.

Un membre travailleur de la Suède, s'exprimant également au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Finlande et de la Norvège, a déclaré que la liberté de choix dans la constitution ou l'affiliation à des organisations telle que consacrée par la convention no 87 est l'un des fondements de la liberté syndicale. La commission d'experts aussi bien que la présente commission ont déclaré que le droit d'appartenir à l'organisation de leur choix ne doit pas être dénié aux travailleurs du GCHQ. Les organes de contrôle de l'OIT ont maintes fois pressé le gouvernement britannique de reprendre les discussions avec les syndicats du service public en vue d'arriver à une résolution satisfaisante du problème. Les syndicats ont idiqué leur volonté d'entamer des discussions constructives avec le gouvernement. Ce dernier a cependant refusé d'accepter les conclusions de la commission d'experts et a même refusé de rencontrer le syndicat. Ils ont regretté que le gouvernement du Royaume-Uni n'ait ni accepté les opinions exprimées par la commission d'experts, ni eu recours à la procédure prévue pour obtenir une interprétation définitive de la convention. En outre, ils ont manifesté leur inquiétude de ce que le gouvernement n'ait pas opté pour la reprise des discussions avec les syndicats concernés. Malgré les différentes opinions politiques des partis concernés, le principe des discussions ou de la négociation avec les partenaires sociaux est respecté dans la plupart des pays développés. Ce cas ne pourrait être résolu par des débats sans fin dans les instances internationales. La solution du problème ne peut être trouvée que dans des discussions entre le gouvernement et les organisations syndicales intéressées. Ils ont exprimé l'espoir que le dialogue sera rouvert et que le cas figurera l'année prochaine parmi les cas de progrès mentionnés dans le rapport de la commission d'experts.

Un membre travailleur de la Pologne a regretté que la présente commission ait à nouveau à traiter du problème de l'application de la convention no 87 par le Royaume-Uni. Il s'est inquiété du fait que la plupart des incompatibilités entre la législation britannique et la convention, telles qu'identifiées par la commission d'experts, demeurent. En outre, il a regretté la nature persistante et continue de ces incohérences. Les problèmes ont été débattus depuis de longues années par les organes de contrôle de l'OIT mais jusqu'à présent la situation n'a pas connu de progrès substantiels. Il s'est déclaré d'accord avec l'appel de la commission d'experts pour la reprise du dialogue entre les partenaires sociaux intéressés. Cette invitation à ouvrir le dialogue doit également être étendue de manière à couvrir tous les problèmes que pose la relation tripartite au Royaume-Uni. Le gouvernement britannique doit également avoir recours au mécanisme de la consultation tripartite dans l'intérêt d'une démarche sociale fondée sur le consensus, conformément aux exigences de la convention no 144 ratifiée par le Royaume-Uni. Le cas du GCHQ montre le manque de volonté d'une partie du gouvernement de reconnaître le droit pour les travailleurs du GCHQ de s'associer et de négocier collectivement. Le manque de clarté dans la législation britannique concernant les droits syndicaux constitue également un problème de la commission d'experts. Les commentaires portent également sur la complexité de la législation sur l'emploi au Royaume-Uni. Selon les experts, la diversité des textes législatifs concernés crée un obstacle sérieux à l'interprétation adéquate de l'application des normes internationales du travail dans le droit interne. Le gouvernement a annexé à son rapport un certain nombre de manuels sur la législation pour démontrer que la loi est, en réalité, relativement complexe pour ceux pour lesquels elle s'applique le plus directement. Néanmoins, même les juristes qualifiés ne peuvent en fait interpréter cette mosaïque complexe de réglementations. Dans les décisions de la Cour d'appel et de la Chambre des lords, jouant le rôle de cours suprêmes dans le cas de Merkur Island Shipping Corp. contre Laughton, la législation sur l'emploi en vigueur a été critiquée pour son manque de clarté et avait été considérée comme étant en violation des principes généraux de la règle de droit. Ces deux juridictions ont estimé que, dans le domaine des relations professionnelles, la loi devrait être exprimée en termes aisément compréhensibles par ceux qui sont chargés de l'appliquer même au niveau des travailleurs. L'absence de clarté a encouragé ceux qui ont voulu violer la règle de droit. L'orateur a donc demandé que le gouvernement soit instamment prié d'adopter une approche plus consultative avec les partenaires sociaux dans le but de mettre la législation et la pratique britanniques en conformité avec les normes sur la liberté syndicale.

Un membre gouvernemental des Pays-Bas a indiqué que son gouvernement considère que le cas du GCHQ, plus qu'une simple question technique, porte atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs. Si son gouvernement a voté il y a deux ans contre l'adoption d'un paragraphe spécial, ce n'est pas parce qu'il pensait que le cas n'étant pas important, mais plutôt par respect du système de contrôle de l'OIT et par ce qu'il estime que certaines sanctions doivent être réservées à des entorses extrêmement graves aux droits de l'homme. Son gouvernement considère toujours qu'il s'agissait d'un problème important et il espère qu'il sera résolu dans le cadre du système de contrôle de l'OIT. Observant que les membres travailleurs ne souhaitent pas demander l'adoption d'un paragraphe spécial, il a recommandé de demander instamment au gouvernement du Royaume-Uni de considérer avec attention les débats qui ont eu lieu au sein de la présente commission dans un esprit constructif et de consensus.

Un membre travailleur de la Colombie a déclaré avoir suivi avec attention la discussion sur le cas présent. Il a refusé qu'il puisse y avoir deux poids et deux mesures. Chaque cas a ses caractéristiques et il est clair que la violation totale ou partielle d'une convention est une question qui a des conséquences politiques et qu'on ne peut accepter, en aucune circonstance, que la violation d'une convention dans un pays en développement ou dans un pays qui est dépendant sur le plan économique soit considérée comme un manquement grave, alors que la violation d'une convention dans un pays économiquement développé serait seulement un simple problème technique. Il serait dangereux de tomber dans des discriminations qui pourraient entamer la crédibilité des travaux de la commission.

Un membre travailleur du Sri Lanka a déclaré que le Royaume Uni est réputé pour être un bastion de la démocratie. En tant que fondateur du Commonwealth, il est considéré comme un modèle à suivre par les membres du Commonwealth et leurs peuples. Le Sri Lanka, comme les autres nations du Commonwealth, a été inspiré et influencé par les traditions et pratiques démocratiques britanniques, et a modelé ses institutions et ses pratiques sur l'exemple britannique. Il faut donc regretter que le déni de la liberté syndicale aux travailleurs du Royaume-Uni n'ait pas contribué à perpétrer cette image. Le Royaume-Uni a ratifié l'une des plus importantes conventions de l'OIT et se trouve actuellement en flagrante violation de l'un de ces principes: le droit fondamental des travailleurs de choisir librement leur propre organisation. Le représentant gouvernemental du Royaume-Uni ne semble même pas disposé à ouvrir un dialogue avec les partenaires sociaux en vue de résoudre la question. L'argument du gouvernement, selon lequel le GCHQ est un établissement de nature sensible où par conséquent, les grèves seront au détriment de son propre fonctionnement, ne seront pas valable puisque les syndicats sont disposés à débattre des possibilités d'un "accord de paix du travail". Il a conclu en demandant aux gouvernements d'entamer un dialogue constructif avec les syndicats, sans aucune condition préalable mais avec pour seul objectif la résolution de la situation.

Le membre gouvernemental de l'Australie s'est félicité des contributions constructives des travailleurs, des employeurs et des gouvernements. Il a relevé que le cas du GCHQ reflète les circonstances spéciales d'une matière complexe et sensible. Ce cas se rapporte aux intérêts de sécurité du gouvernement britannique, mais il soulève également la question importante du droit des travailleurs de s'organiser et de s'associer librement. Son gouvernement a estimé, comme cela a été mentionné lors des débats de la commission de l'application des normes en 1989, que les circonstances dans le cas du GCHQ pourraient constituer un manquement à la convention no 87. Il a appuyé les conclusions et les suggestions de la commission d'experts visant à la résolution de ce cas. La commission d'experts l'a examiné pour la première fois en 1985 et depuis lors il n'y a pas de progrès substantiels. Son gouvernement regrette que le gouvernement du Royaume-Uni n'ait engagé aucune action spécifique en vue de la résolution des problèmes soulevés par la commission d'experts. Il a cependant pris note des dispositions du gouvernement à adopter à l'avenir une approche plus constructive. Néanmoins, l'approche actuelle est pour le moins extrêmement décevante et ne pourrait que mettre en cause l'efficacité du système de contrôle de l'OIT. La commission d'experts a réitéré dans ce cas sa position selon laquelle le droit de grève pourrait être limité dans les cas où les travailleurs concernés assument des fonctions relevant des questions de sécurité, mais elle a ajouté que le droit d'appartenir à une organisation de leur choix ne doit pas être dénié à ces travailleurs. Il conviendrait que le gouvernement du Royaume-Uni consulte le congrès des syndicats britanniques et les organisations syndicales intéressées de manière à reconsidérer le statut des travailleurs du GCHQ. Cela fait déjà six ans que le gouvernement a entrepris des discussions formelles avec les syndicats concernant ce problème. Selon la commission d'experts, le congrès des syndicats britanniques et les syndicats concernés ont indiqué qu'ils étaient disposés à négocier de manière constructive avec le gouvernement sur la situation du GCHQ, ouvrant ainsi une perspective réelle à la résolution de ce cas. L'orateur a suggéré que le gouvernement du Royaume-Uni soit instamment prié de prendre des mesures positives pour garantir un règlement du cas conforme aux dispositions de la convention no87 et reflétant le conclusions de la commission d'experts.

Un membre travailleur du Pays-Bas, tout en regrettant la mauvaise volonté dont fait preuve le gouvernement britannique pour entamer un dialogue avec les syndicats, s'est associé aux orateurs précédents. Il a noté par ailleurs que les travailleurs du GCHQ sont autorisés à s'affilier à la Fédération des employés des communications gouvernementales (GCSF) qui, selon le gouvernement même, ne peut être vraiment considérée comme une organisation syndicale. Ainsi le gouvernement semble soutenir que les travailleurs du GCHQ n'ont pas le droit de s'affilier à une organisation syndicale. Parallèlement, le gouvernement se réfère à l'article 9 de la convention concernant l'exception des "forces armées". L'orateur s'est rallié aux conclusions de la commission d'experts selon lesquelles le gouvernement n'est pas opposé au principe de l'affiliation syndicale de ces travailleurs, mais qu'il continue à avoir des objections à l'affiliation à certains syndicats. Il a manifesté sa profonde inquiétude de ce que, si la présente commission se contente de la paralysie actuelle de la situation, cela pourrait être perçu par d'autres gouvernements comme une invitation à adopter une attitude semblable à celle du gouvernement du Royaume-Uni. Pour ce qui est de la déclaration des membres employeurs sur la question des deux poids et deux mesures, il a rappelé que le débat sur ce point avait concerné la situation dans les pays d'Europe de l'Est et dans plusieurs pays en développement, et que chaque pays doit être jugé suivant son contexte économique, culturel, social et politique. Ce cas met en jeu des principes fondamentaux et pas simplement une question technique. Le gouvernement n'a accepté ni les conclusions de la commission d'experts ni celles de la présente commission. Il s'agit là d'un cas typique traité dans le para graphe 12 du rapport de la commission d'experts. La seule approche honorable dans un cas de cette envergure où il y a une divergence d'opinions est que le gouvernement s'adresse à la Cour internationale de Justice pour obtenir un avis définitif. La déclaration du gouvernement, selon laquelle des conclusions adoptées dans un autre forum international vont dans le sens de sa position, semble être une raison supplémentaire pour avoir recours à la Cour internationale de Justice en vue d'obtenir un avis définitif. L'orateur conclut en recommandant que le gouvernement soit pressé à reprendre le dialogue avec les syndicats.

Un membre travailleur de la Tunisie a rappelé que la démocratie, bien connue au Royaume-Uni, se définit aussi par la concertation, la consultation, le dialogue. Cependant, depuis longtemps le gouvernement refuse le dialogue avec les syndicats, tout en persistant sur sa position et le maintien de sa décision de licenciement abusif et arbitraire de 13 employés de la GCHQ. Ainsi, l'orateur a estimé ne pas comprendre que le gouvernement puisse prôner et défendre le principe de la liberté, de la démocratie et de la justice sociale auprès des pays en développement, ou encore défendre les principes de l'OIT auxquels il est à la fois attaché et garant. L'orateur a conclu en manifestant son soutien aux intervenants qui ont demandé que les conclusions de ce cas soient mentionnées dans un paragraphe spécial.

Un membre gouvernemental de la Norvège, s'exprimant également au nom des cinq gouvernements nordiques, a déclaré que, malgré les problèmes techniques en présence, le cas concerne aussi le droit de s'affilier au syndicat de son choix qui est fondamentalement un droit de l'homme. L'oratrice a indiqué que son pays a une solide tradition du respect du droit de s'affilier à un syndicat, y compris pour les forces armées et la police. Elle a admis que le droit de recourir à la grève ou à d'autres moyens de pression est dans son pays restreint pour les membres des forces armées et de la police. Ce genre de distinction pourrait peut-être être fait par le Royaume-Uni. Tout en regrettant l'absence de discussion entre le gouvernement du Royaume-Uni et les organisations syndicales depuis 1989, elle a exhorté instamment le gouvernement à prendre l'initiative d'ouvrir dès que possible des contacts en vue de tendre à la résolution du conflit. Tout en manifestant sa compréhension pour le problème des deux poids et deux mesures dans le cas présent, elle a exprimé l'espoir qu'il sera possible de résoudre ce cas par une conclusion de consensus. Elle a invité le gouvernement à considérer sérieusement les débats qui ont eu lieu au sein de la présente commission de même que les conclusions à tirer dans l'optique d'une solution constructive à un problème qui a occupé la commission pendant tant d'années.

Un membre travailleur de l'Espagne a estimé que la commission se trouve pratiquement au moment le plus important de l'analyse du cas. La commission d'experts a relevé que les travailleurs concernés ne peuvent pas être considérés comme des membres des forces armées. En partant de cette affirmation, on ne peut leur dénier le droit d'appartenir au syndicat de leur choix mais le gouvernement exige que ces derniers soient affiliés à un seul syndicat désigné qui n'est pas nécessairement le syndicat de leur choix. Il faut se poser la question de savoir pourquoi le gouvernement a choisi un syndicat qui diffère de celui qui a la préférence des travailleurs. Il doit y avoir d'autres raisons qui ne sont pas purement formelles, parce que dans le cas présent la forme est une manière de jeter de l'ombre sur le fond. L'orateur a déclaré qu'à son avis la raison profonde pour laquelle ces travailleurs ne sont pas autorisés à s'affilier au syndicat de leur choix et doivent adhérer à la Fédération des employés des communications gouvernementales (GCSF), est précisément que cette dernière n'est pas une organisation syndicale indépendante et qu'elle ne peut pas faire grève. En l'occurrence l'appel à la grève avait suscité toute l'affaire. L'orateur a souligné qu'une autre raison de l'importance du cas réside dans le fait qu'il s'agit du gouvernement du Royaume-Uni, un pays industrialisé et membre de la CEE (Communauté économique européenne). Au début des travaux de la commission, tous les membres avaient rendu hommage à ses qualités d'objectivité, mais quand il s'agit d'analyser la situation d'un pays développé, l'ensemble des travaux de la commission est remis en question. Ceci pourrait avoir l'effet de jeter un doute sur les mécanismes de contrôle.

Un membre gouvernemental du Panama a déclaré que ce cas avait deux facettes importantes: un aspect de forme représenté par les débats de la commission et un aspect de fond concernant la violation de la convention no87 par le Royaume-Uni. Il s'est montré préoccupé par la manière dont les représentants des travailleurs et des employeurs britanniques ont insisté pour que le cas ne soit pas mentionné dans un paragraphe spécial, en dépit du fait que le gouvernement n'a accompli aucun progrès depuis six ans, et que, en 1989, on ait eu à soumettre au vote une proposition allant dans ce sens. L'orateur a attiré l'attention de la commission sur le fait que le Panama qui est un petit pays en pleine transition démocratique et qui a fait d'énormes efforts pour présenter des rapports sur ces conventions ratifiées pour satisfaire aux demandes de la commission, a fait l'objet d'un paragraphe spécial pour avoir seulement observé que la commission d'experts essaie d'imposer ses propres interprétations de termes qui ne sont pas bien définis dans les conventions et d'en exiger l'application pour avoir omis de se plier à certaines règles en matière de liberté syndicale. L'orateur a souligné que le Royaume-Uni, qui est un des pays fondateurs de l'OIT et qui est hautement développé, devrait résoudre la question dans les délais les plus brefs possibles au moyen d'un dialogue constructif, et non pas par une attitude intransigeante. Il a indiqué à nouveau qu'il estimait que la procédure suivie dans ce cas n'était pas cohérente, puisque depuis la dernière demande d'insertion d'un paragraphe spécial formulée en 1989, il n'y a eu aucune évolution favorable.

Un membre travailleur du Venezuela a déclaré que lors des débats antérieurs, la commission avait adopté une attitude précise vis-à-vis des pays violant les normes et les dispositions de l'OIT. Il s'est interrogé si dans le cas présent la commission allait apporter son soutien à la commission d'experts qui étudie ce cas depuis 1985. Les experts demandent le respect de la liberté syndicale pour un certain nombre de travailleurs. A propos de paragraphe spécial dans ce cas, l'orateur s'est demandé si les paragraphes spéciaux ne valent que pour les pays d'Afrique, d'Amérique latine ou d'Asie; s'il en est ainsi, est-ce équitable d'avoir une attitude différenciée? L'orateur a relevé que depuis 1985 le débat est en cours sur le cas présent concernant 13 travailleurs licenciés et le refus du gouvernement d'entamer un dialogue afin de parvenir à un accord sur la question. Au sein de la commission, le représentant gouvernemental du Royaume-Uni a fermé la porte au dialogue. Il a souhaité qu'on parvienne à un accord, sans quoi on pourrait penser que la commission observe une attitude différente lorsqu'il s'agit de pays fondateur, de pays industrialisés et d'autres pays. Il a souligné que la même règle doit être appliquée à tous les pays avec une ligne de conduite soutenue. Il a exprimé sa solidarité avec tous les travailleurs du Royaume-Uni dans leur droit de s'associer et de recourir à la grève.

Un membre travailleur de l'Ouganda a déclaré que l'argument du gouvernement selon lequel la présence d'un syndicat aurait porté atteinte à la sécurité du pays est mal fondé car, au contraire, la sécurité dans tout pays dépend du respect des droits syndicaux. Il déclare qu'il n'y aurait jamais eu de problème si le gouvernement, dans le cadre de ce conflit, avait mené une discussion avec les syndicats de son pays et il a recommandé par conséquent que celui-ci reconsidère sa position et entame un dialogue avec les partenaires sociaux concernés.

Un membre gouvernemental des Emirats arabes unis s'exprimant au nom des gouvernements de Bahreïn, d'Arabie saoudite, du Koweït et du Qatar, a déclaré avoir pris acte de l'ancienneté du cas qui remonte en fait à 1985. Il a pris note également des circonstances particulières du cas qui porte sur le statut du travailleur du GCHQ, de même que sur des préoccupations et les doutes exprimés au niveau du gouvernement du Royaume-Uni, à savoir que ce dernier redoute que les syndicats ne s'estiment pas engagés par un accord de non-recours à la grève. C'est la raison pour laquelle le gouvernement est convaincu qu'il n'est pas en mesure de poursuivre les négociations en cas de conflit à l'avenir. Nénamoins le gouvernement a confirmé que les travailleurs du GCHQ ont le droit de s'affilier au GCSF et que 50 pour cent d'entre eu sont déjà affiliés à cette fédération. En dépit des problèmes qui se posent et auxquels les syndicats ont fait référence, le gouvernement a indiqué que le syndicat dispose de pouvoirs au moins équivalents à ceux des autres syndicats. Les deux parties devraient pouvoir surmonter et corriger les difficultés. Dans son rapport, la commission d'experts fait clairement référence au fait que les travailleurs opérant dans des domaines qui relèvent de la sécurité nationale peuvent se voir dénier le droit de grève mais doivent jouir du droit de s'affilier à un syndicat de leur propre choix. Ceci devrait permettre de trouver une formule qui garantisse le non-recours à la grève en raison de la nature du travail accompli au sein du GCHQ tout en permettant aux travailleurs de ce centre de s'affilier au syndicat de leur propre choix, conformément aux dispositions de la convention ratifiée par le gouvernement. En conséquence, dans le même contexte que les déclarations faites par les membres gouvernementaux des Pays-Bas et de l'Australie, et compte tenu du fait que la commission d'experts a déclaré que le gouvernement ne s'opposait pas à celà, l'orateur a estimé qu'il y a là une marge de négociation pour parvenir à un accord garantissant les intérêts des parties. C'est la raison pour laquelle il a exprimé l'espoir d'un accord permettant la résolution du cas. Il a espéré également, comme l'a souligné le représentant gouvernemental du Royaume-Uni, que le dialogue pourra à la lumière des thèses des membres travailleurs et des membres employeurs se poursuivre au sein de la commission d'experts et de la présente commission. L'orateur s'est déclaré heureux de constater que le cas en question ne fera pas l'objet d'un paragraphe spécial, mais que le problème doit être résolu par la voie du dialogue.

Un membre travailleur du Pakistan a souligné la tradition démocratique du Royaume-Uni. Il a expliqué cependant que la commission a toujours su maintenir une universalité dans les critères d'application des normes, notamment celles relatives à la liberté syndicale et il ne peut y avoir de différenciation dans l'application de ces principes suivant qu'on est en présence d'un pays développé ou d'un pays moins développé. Les mécanismes de contrôle de l'Organisation ont toujours été observés, de même ces observations doivent être respectées de tous. Il a observé que depuis un demi-siècle les fonctionnaires publics du Royaume-Uni ont le droit de s'affilier aux organisations syndicales de leur choix, ainsi que le droit de négocier collectivement depuis les vingt dernières années. Le cas présent pose le problème de l'obligation imposée à certains fonctionnaires de s'affilier à un syndicat qui n'est pas le syndicat de leur choix, ce qui est en violation de l'article 2 de la convention. Il a également relevé que la commission d'experts a critiqué la complexité de la législation du travail britannique, en particulier en ce qui concerne la loi sur l'emploi de 1990 qui semble réduire le cadre des moyens de protection que le Comité de la liberté syndicale a déjà jugés inadéquats car contraires à la liberté syndicale. Un autre aspect soulevé par les experts se rapporte clairement au fait que les travailleurs du GCHQ, ne pouvant être considérés comme membres des forces armées en application de l'article 9 de la convention, doivent avoir le droit de s'affilier aux organisations syndicales de leur choix. Les experts ont manifesté leur préoccupation du fait que le cas n'a pas connu de progrès durant ces dernières années malgré l'attitude positive observée par le Congrès des syndicats britanniques quant à la poursuite du dialogue. Pourtant, le dialogue ne s'est pas produit. L'orateur a déclaré que le Royaume-Uni - en tant que Membre fondateur de l'Organisation, pays d'importance industrielle, et membre permanent du Conseil d'administration - devait montrer l'exemple en mettant sa législation et sa pratique en pleine conformité avec la convention. Il a souligné que plusieurs membres gouvernementaux ainsi que les membres travailleurs, les membres employeurs, de même que plusieurs experts en droit international ont prié instamment le gouvernement de reprendre le dialogue. L'orateur a lui aussi lancé un appel au gouvernement pour qu'il ouvre le dialogue avec une attitude constructive.

Un membre travailleur de l'Allemagne, en se référant à la déclaration du représentant gouvernemental concernant la spécificité du système de la common law et du système des relations professionnelles dans son pays, a rappelé que par le passé la commission de l'application des normes a connu des débats controversés du même genre où des représentants gouvernementaux avaient défendu leur position en se fondant sur la spécificité de la situation prévalant dans leur pays. Néanmoins l'orateur a estimé que le gouvernement du Royaume-Uni est responsable de la mise en conformité de sa législation et de sa pratique avec la convention. Dans le cas contraire, la seule option sera de demander un avis consultant à la Cour internationale de justice de La Haye pour obtenir un jugement final.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis a déclaré que, lors des discussions antérieures sur ce cas, la commission s'était divisée sur la manière de le résoudre, ce qui avait eu pour conséquence une perte de poids moral des conclusions de la commission. L'oratrice a relevé le caractère particulier de ce cas et la préoccupation spécifique et impérieuse de sécurité nationale qui exige que GCHQ fonctionne en permanence. Toutefois, elle a souligné qu'aucun problème ne pourrait être résolu sans discussion. Elle a indiqué que le dialogue n'implique pas de parvenir à un accord, ainsi que la commission d'experts l'a reconnu en demandant au gouvernement de reprendre les discussions en vue de déterminer s'il serait possible d'aboutir à des arrangements satisfaisants. Le dialogue n'est pas à sens unique et ne signifie pas non plus nécessairement une solution rapide. Néanmoins, a-t-elle souligné, l'entreprise est digne qu'on lui consacre des efforts. La force et l'autorité morale de cette commission tiennent au fait qu'elle fonctionne sur la base du dialogue et du consensus. L'oratrice a pris acte de l'engagement de tous les membres de cette commission de faire en sorte que l'efficacité du système de l'OIT ne soit pas amoindrie. Elle a exprimé l'espoir, comme en vérité elle y est encouragée, qu'il soit possible de parvenir à une solution de consensus dans le cas du GCHQ.

Les membres employeurs ont observé qu'après une longue et intense discussion sur ce cas, il existait un accord manifeste au sein de la présente commission sur un point crucial: la nécessité de la reprise du dialogue entre le gouvernement et le syndicat. L'absence de divergences d'opinion à cet égard distingue de façon remarquable cette discussion d'autres discussions antérieures sur le même cas. Aussi les membres employeurs ont-ils demandé au représentant gouvernemental du Royaume-Uni de transmettre ce message à son gouvernement dans l'espoir de voir des résultats par la suite. Remarquant que plusieurs orateurs se sont prononcés sur d'autres questions relatives à l'application de la convention par le Royaume-Uni qui ne faisaient pas l'objet du présent débat, les membres employeurs ont précisé qu'ils avaient leur propre position et réservaient le droit de l'exposer au moment opportun. En fait, sur plusieurs aspects, leur point de vue est sensiblement différent de celui qu'exprime la commission d'experts, et ceci ne concerne pas seulement le droit de grève.

Les membres travailleurs se sont réjouis de la forme et de la substance de la discussion. Il est clair que le cas du GCHQ n'est pas seulement d'ordre technique et qu'il pose un problème de principe: la liberté des travailleurs de s'organiser dans un syndicat de leur choix. Les membres travailleurs ont déjà expliqué pourquoi ils ne demanderaient pas l'adoption d'un paragraphe spécial cette année. Selon eux, il ne s'agit pas d'utiliser deux poids, deux mesures: il s'agit plutôt de "mettre le paquet" pour parvenir à un consensus réel sur le problème le plus urgent, c'est-à-dire le manque de dialogue, et la nécessité d'y remédier et de chercher une solution en concertation avec les organisations syndicales. Les membres travailleurs ont obtenu un soutien large et unanime sur ce point, et ils ont remercié tous les orateurs, notamment les membres gouvernementaux qui ont pris part à la discussion. Si les membres travailleurs avaient demandé, comme en 1989, l'inclusion d'un paragraphe spécial, la discussion eût été toute autre, tant sur la nature du problème que sur le sens du paragraphe spécial. Dans le même esprit constructif que celui dont a fait preuve le Congrès des syndicats britanniques (TUC), les membres travailleurs ont souhaité mettre l'accent sur les pas qui devraient être faits afin de rouvrir le dialogue, notamment en tenant compte du fait que le gouvernement a ratifié les conventions nos 87 et 144. Ils ont pris acte de la déclaration du représentant gouvernemental et de la volonté exprimée par son gouvernement d'examiner les opinions de la commission d'experts et celles exprimées par la présente commission, notamment quant à la nécessité de reprendre le dialogue. Aussi cette commission devrait-elle adopter des conclusions fermes en ce qui concerne les regrets exprimés et l'appel formel lancé au gouvernement de reconsidérer sa position, et de rétablir dans les plus brefs délais un dialogue avec les organisations syndicales. Les membres travailleurs ont exprimé l'espoir que, d'ici à quelques mois, il serait possible de constater un progrès réel et substantiel.

Le représentant gouvernemental a dit son grand intérêt pour la discussion et pour les points soulevés par les membres gouvernementaux, employeurs et travailleurs. Certains orateurs ont suggéré que savoir s'il s'agissait dans ce cas d'un problème de fond ou d'un problème technique dépendait de la question du droit des travailleurs de faire partie de l'organisation syndicale de leur choix. Il s'agit d'un problème technique, précisément parce que les conventions de l'OIT applicables autorisent l'exclusion de ce droit de certaines catégories de travailleurs. L'orateur s'est félicité, cependant, de ce que de nombreux intervenants aient souligné que ce cas ne relevait pas d'un problème portant d'une façon générale sur la liberté syndicale au Royaume-Uni, notamment dans le secteur public, et qu'il n'existait aucun doute quant au droit général d'organisation et de grève dans la fonction publique britannique. Se rapportant aux propos des membres travailleurs sur le fait que les syndicats du GCHQ, en faisant grève au début des années 1980, ne faisaient pas courir des risques au pays, l'orateur a précisé que ce n'était pas ce qu'il voulait dire mais, dans le monde de plus en plus technologiquement sophistiqué du renseignement, son gouvernement avait estimé que tout risque de paralysie de l'organisme central de renseignement n'était pas tolérable. Certains membres travailleurs ont soutenu que la présente commission devrait critiquer de manière équitable tous les pays, et non réserver ses critiques aux seuls pays en développement. L'universalité des normes de l'OIT est certainement essentielle, mais elle ne signifie pas la distribution des critiques par un système de rotation régional. Cette commission doit plutôt réserver ses condamnations les plus fermes pour les cas où les dommages sont les plus graves, quel que soit l'endroit où ils ont lieu. La contravention à la convention - s'il en est une - est de caractère purement technique: personne n'a été assassiné, torturé, ou emprisonné sans procès, et il n'existe aucune restriction générale à la liberté syndicale ou au droit de grève dans le secteur public. Les limitations apportées à ces libertés ne concernent que les travailleurs du renseignement qui, dans la plupart des autres pays, font l'objet d'une définition telle que la convention ne leur est pas applicable. Le fait de suggérer que l'établissement d'un parallèle entre ce cas et d'autres cas vise justement à adopter une attitude de deux poids deux mesures et à porter atteinte à l'universalité des normes. Quant aux déclarations relevant de l'absence apparente de dialogue entre le gouvernement et les syndicats, le représentant gouvernemental a expliqué qu'en réalité, son gouvernement a mené des négociations répétées avec les syndicats nationaux quand il a décidé de changer les conditions d'emploi au GCHQ. A cette époque, les syndicats nationaux avaient insisté pour qu'un accord de non-recours à la grève comporte des garanties adéquates. Toutefois, leurs propositions étaient d'une portée limitée en laissant à des négociations ultérieures la détermination de larges domaines mais par la suite il y a eu des désaccords de la partie syndicale à l'égard des propositions gouvernementales. Son gouvernement reconnaît que les syndicats ont indiqué en plusieurs occasions (y compris par les lettres récentes mentionnées par les membres travailleurs) qu'ils changeront leur position concernant l'accord de non-grève. Etant donné le caractère sensible de cette question dans le contexte intérieur, les opinions fortement exprimées des deux côtés et l'impérieuse nécessité d'assurer le fonctionnement régulier du GCHQ, son gouvernement n'a pas souhaité faire de geste purement cosmétique qui risquerait de donner lieu à des interprétations excessives ou à des espérances qui par la suite n'auraient pas pu être satisfaites. Le représentant gouvernemental a néanmoins souligné que son gouvernement serait tenu pleinement informé de tous les points évoqués au sein de la présente commission, et qu'il tiendrait dûment compte dans sa réponse aux lettres susmentionnées, qui il en est sûr sera apportée en temps voulu, suite au simple accusé de réception qui a déjà été adressé. Son gouvernement continuera à porter une grande attention aux commentaires de la commission d'experts.

La commission a pris note des informations écrites fournies par le gouvernement ainsi que celles fournies oralement par le représentant gouvernemental au sujet de la situation au GCHQ et des discussions qui se sont déroulées en son sein. La commission a exprimé sa profonde préoccupation devant l'absence de dialogue entre le gouvernement et les organisations syndicales et devant le manque de progrès depuis son dernier examen en relation avec les questions soulevées sous cette convention pour ce qui concerne les travailleurs du GCHQ qui continuent de ne pas pouvoir s'affilier aux syndicat de leur choix. La commision regrette de devoir, une fois de plus, demander au gouvernement de reconsidérer à brève échéance sa position en reprenant le dialogue avec les syndicats afin de trouver une solution à la situation des travailleurs en question en pleine conformité avec la convention. La commission a exprimé également le ferme espoir que la commission d'experts sera en mesure de constater dès l'année prochaine sur la base d'un nouveau rapport du gouvernement, les progrès réels et substantiels en ce qui concerne la mise en conformité de la pratique avec les exigences de la convention ratifiée depuis de nombreuses années.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1989, Publication : 76ème session CIT (1989)

Un représentant gouvernemental a rappelé qu'en tant que membre fondateur de l'OIT, son pays continuait à apporter son soutien aux objectifs et aux activités de l'Organisation. Il a ensuite souligné que les travailleurs du service public jouissent dans son pays d'une plus grande liberté d'organisation, de négociation et de grève que les agents de la fonction de la plupart des autres pays et qu'à cet égard ils bénéficient du même traitement que les travailleurs des autres secteurs économiques. Par contre, certains cas portés à l'attention de la présente commission ont montré que le droit d'association était parfois totalement ou partiellement refusé aux agents de la fonction publique.

Son gouvernement apprécie la qualité du travail accompli par la commission d'experts qui assume la tâche complexe et difficile d'examiner l'état d'application des conventions à la lumière des législations nationales, en tenant compte des multiples facteurs socio-économiques et structures institutionnelles propres à chaque pays. La commission d'experts est une éminente autorité en droit dont les avis sont respectés. Toutefois, dans certaines situations complexes, les opinions divergent, même entre les experts et au sein d'organisations démocratiques et sensées - parmi lesquelles l'OIT occupe sans nul doute une position de phare: son gouvernement comprend pourquoi la commission est parvenue à ces conclusions, mais pense qu'il est possible d'interpréter les choses différemment.

Les mesures prises par son gouvernement à l'égard du personnel du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) n'ont été dictées que par le souci de la sécurité nationale. Bien que cet organisme ne fasse pas partie du Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth, il s'agit en fait d'un des services hautement confidentiels de sécurité du système de défense et de sécurité du Royaume-Uni. Ce service apporte un concours de première importance aux forces armées britanniques et alliées, y compris une surveillance constante de toutes les formes d'activité armée hostile. L'orateur a déclaré que son gouvernement déplorait que la commission d'experts ait rejeté l'argument selon lequel la dérogation prévue à l'article 9 de la convention no 87 pour les forces armées s'appliquait aux employés du GCHQ. Les fonctions accomplies par le personnel de ce service sont très comparables à celles qu'assument les forces armées et son gouvernement comprend mal que cette dérogation ne s'applique pas au GCHQ. En conséquence, cette situation s'apparente fortement aux cas limites que la convention no 151 est censée clarifier. Le GCHQ doit fonctionner sans interruption si l'on veut satisfaire aux exigences de la sécurité nationale. Or d'importantes interruptions d'activité ont été causées par des mouvements de grève, et 10000 journées de travail ont été perdues entre 1979 et 1981. Son gouvernement a pris des mesures dictées par la ferme conviction qu'il était inadmissible qu'un service secret du pays puisse pâtir d'un mouvement de grève national.

En élaborant ses conventions, l'OIT a tenu compte de la spécificité des situations relatives à la sécurité et à la défense nationales; la convention no 151 contient une clause dérogatoire particulière pour ceux qui assument des fonctions de service secret ou confidentiel. Lorsqu'il a entrepris son action à l'encontre du GCHQ, le gouvernement était convaincu de s'en tenir à la lettre et à l'esprit de ces instruments. Le texte de la convention no 87 peut et doit être examiné conjointement avec celui des conventions no 98 et no 151. Son gouvernement a cru comprendre que ce sont les débats qu'a suscités l'application de la convention no 87 à la fonction publique qui ont conduit à l'adoption de la convention no 151 - instrument qui porte précisément sur ce sujet - laquelle reprenait dans l'ensemble les dispositions de la convention no 87. Il lui semble que le préambule de la convention no 151 indique qu'elle a été adoptée pour faire suite aux deux conventions précitées. Les conventions nos 87 et 151 sont intimement liées en ceci que le pouvoir conféré par l'article 12) de renoncer à appliquer les garanties prévues par cette convention serait sans utilité ni effet pratique si le même pouvoir ne s'appliquait pas aux dispositions comparables de la première convention. Ce qui signifie qu'il appartient aux gouvernements de fixer par le moyen de lois et de règlements nationaux la mesure dans laquelle la protection prévue par la convention s'applique aux travailleurs de la fonction publique assumant des fonctions hautement confidentielles: c'est précisément ce que le gouvernement a fait.

L'orateur a souligné que la commission d'experts dans son observation a noté que les moyens de contrôle de l'OIT ont toujours adopté un point de vue contraire à la position du gouvernement britannique. L'orateur a précisé cependant que cette même commission d'experts a reconnu dans le passé (dans son rapport de 1985) que l'interprétation du Comité de la liberté syndicale ne constituait pas forcément la seule interprétation acceptable et définitive de ces instruments. La commission d'experts était donc sur le point de reconnaître les difficultés que soulevait l'interprétation de la corrélation entre ces deux conventions. Par ailleurs, la Cour d'appel britannique, après avoir examiné de près cette question, a conclu que ces conventions devaient être considérées ensemble et que l'article 12 de la convention no 151 avait préséance sur la convention no 87. Le gouvernement du Royaume-Uni n'estime donc pas que les mesures prises à l'encontre du personnel du GCHQ constituent une violation de la convention no 87.

Son gouvernement a pris note du regret exprimé par la commission d'experts que 13 employés du GCHQ aient été licenciés pour avoir refusé de quitter le syndicat de leur choix et déploré vivement que de telles mesures aient été nécessaires bien qu'elles n'aient pas été prises à la légère. L'orateur a rappelé dans quel contexte ont eu lieu ces licenciements qui s'inscrivent dans la ligne de l'évolution de la situation au sein du GCHQ depuis la dernière réunion de la présente commission, en 1988. Depuis l'annonce faite, le 25 janvier 1984, des modifications qui allaient être apportées aux conditions d'emploi du personnel du GCHQ, toute latitude a été laissée aux petits groupes d'employés qui sont restés affiliés à un syndicat national d'accepter les nouvelles conditions d'emploi ou, lorsque cela était possible, d'être réaffectés vers un autre emploi du service public. La très grande majorité des employés du GCHQ (98 pour cent) a accepté ces nouvelles conditions. Presque tous les autres ont soit été mutés de leur propre gré à d'autres postes du service public qui leur permettaient de rester affiliés à leur syndicat ou soit donné leur démission, bénéficiant de la généreuse compensation prévue en cas de licenciement. Le 15 juillet 1988, le gouvernement a adressé une lettre aux 18 autres employés qui avaient refusé de quitter leur syndicat national ou s'étaient affiliés à une autre organisation après avoir accepté de se conformer aux nouvelles conditions de service pour leur demander s'ils étaient toujours membres d'un syndicat national et pour leur rappeler que, si tel était le cas, ils étaient en infraction vis-à-vis des conditions d'emploi prescrites. Le 29 septembre 1988, le gouvernement a annoncé qu'il était disposé à trouver d'autres emplois aux quelques employés réfractaires, et à mettre un terme à la relation de travail de ceux qui se refusaient à prendre une décision en leur offrant une compensation de salaire - c'est-à-dire ceux qui avaient refusé de quitter leur syndicat ou d'être mutés - lesquels n'avaient guère de chances de trouver un autre emploi, mais aussi qu'il allait prendre des sanctions à l'encontre de ceux qui s'étaient réaffiliés - c'est-à-dire ceux qui après avoir accepté les nouvelles conditions d'emploi s'étaient immédiatement réaffiliés - si ces derniers refusaient de mettre délibérément fin à leur emploi au GCHQ et de recevoir la compensation. A cette époque, le gouvernement était toujours disposé à permettre à ceux qui acceptaient ces nouvelles conditions de conserver leur emploi au GCHQ, et même souhaitait vivement qu'il en soit ainsi. A la fin du mois d'octobre 1988, le personnel du GCHQ comptait encore 17 syndicalistes, dont 10 avaient refusé de quitter leur organisation et 7 s'étaient réaffiliés. Sur ces 17 employés, 3 ont été mutés à d'autres emplois du service public, un "réaffilié" a accepté une retraite anticipée, et les 13 restants ont été licenciés. De ces 13 licenciés, les 7 qui avaient refusé de quitter leur organisation ont reçu une généreuse compensation, quant aux 6 autres qui s'étaient réaffiliés, ils ont reçu, dans un geste de bonne volonté, six mois de salaire au lieu du préavis de licenciement. Le personnel du GCHQ ne compte plus aujourd'hui de membres de syndicats nationaux mais une organisation du personnel a été créée qui jouit de nombreux droits accordés à une organisation syndicale, à l'exception du droit de grève. Plus de la moitié des employés du GCHQ en font partie.

Le gouvernement du Royaume-Uni prend acte du voeu formulé par la commission d'experts qu'il entame de nouvelles négociations avec les syndicats nationaux intéressés. En réalité, des discussions ont eu lieu après que le gouvernement eut fait connaître le 25 janvier 1984 les nouvelles conditions d'emploi, au cours desquelles les syndicats se sont déclarés tous prêts à considérer qu'un accord de "non-interruption du service" fournirait les garanties appropriées. Ces propositions de caractère limité, qui repoussaient à des négociations ultérieures l'identification des questions sur lesquelles porterait cet accord, ont été étudiées avec le plus grand soin par le gouvernement, qui s'est vu contraint de les rejeter, car elles ne constituaient pas une garantie suffisante que des pressions conflictuelles ne risquent de soulever des difficultés à l'avenir. Cette conclusion a trouvé sa confirmation dans le fait que le projet d'accord présenté par le Conseil des syndicats du service public avait été peu après dénoncé par deux grands syndicats au cours de leur assemblée annuelle de 1984. Les syndicats ont officiellement rejeté toute négociation destinée à préparer le terrain en vue de conclure un accord de renoncement à la grève au GCHQ. Le gouvernement reconnaît que les syndicats ont immédiatement précisé qu'ils pouvaient revenir sur leur position à ce sujet, mais cette éventualité elle-même a fortifié le gouvernement dans sa position. Il est dans l'intérêt du pays de veiller à l'avenir au fonctionnement ininterrompu du GCHQ, et, de toute évidence, cette continuité ne peut être assurée si les accords conclus par les syndicats des employés peuvent être dénoncés à tout moment à la suite d'un changement de cap dans l'action syndicale. Le gouvernement est également conscient qu'au Royaume-Uni très rares sont les syndicats qui sont disposés à signer des accords de renoncement à la grève, et qu'un syndicat qui choisirait délibérément de souscrire à un accord aux termes duquel l'arbitrage et non la grève mettrait fin à tous les conflits risquerait de se trouver dans une position difficile par rapport à l'ensemble du mouvement syndical. Ainsi, le Syndicat de l'électricité, de l'électronique, des télécommunications et de la plomberie (EETPU) a été exclu du Congrès des syndicats britanniques (TUC) en septembre 1988 pour avoir conclu avec deux entreprises privées un accord "isolé" de renoncement à la grève. Le gouvernement estime donc qu'en ce qui concerne le cas particulier du GCHQ et les intérêts de défense nationale qu'il sert, entamer de nouvelles négociations avec les syndicats en cause ne servirait à rien.

Si, de l'avis du gouvernement, les traditions et les valeurs du mouvement syndical britannique s'opposent à ce que ce soient à nouveau les syndicats nationaux qui représentent les intérêts du personnel de cet établissement de défense, les mesures qu'il a prises ne concernent que le GCHQ et ne constituent en aucune manière une attaque contre les syndicats ou, plus largement encore, contre l'organisation ou la représentation syndicale collective. Un autre moyen de satisfaire les voeux de la commission d'experts aurait été de soumettre les postes du GCHQ à l'autorité des forces armées; si les travailleurs assumant des tâches comparables au sein du même établissement avaient été reclassés de cette manière, la situation n'aurait posé aucun problème au regard de la convention: cela aurait été sans doute une solution de facilité mais, de l'avis de son gouvernement, une telle solution ne pouvait être envisagée ni en principe ni en pratique. En principe, les employés du GCHQ sont des fonctionnaires liés par les contrats d'emploi de la fonction publique; les affecter différemment aurait porté atteinte à leurs statuts et à leurs droits fondamentaux et ils s'y seraient certainement, et à juste titre, opposés avec énergie. Il s'ensuit que si un tel changement devait survenir, il prendrait beaucoup de temps. Quoi qu'il en soit, les employés du GCHQ se distinguent par des qualifications très particulières et très rares et un tel changement poserait des problèmes pratiques pour ainsi dire insurmontables. Le gouvernement en a donc déduit que des raisons de principe et de pratique rendaient un tel changement impossible.

En conclusion, le gouvernement a insisté sur le fait que les mesures prises à l'encontre du GCHQ ne constituaient par une atteinte à la liberté d'association ou à la liberté syndicale mais relevaient du seul souci de garantir les intérêts de la défense nationale. Depuis le moment où, en 1984, il a annoncé cette action, le gouvernement a tout fait pour donner satisfaction à la petite minorité des employés qui avait refusé de souscrire aux nouvelles conditions d'emploi. Le résultat n'est certes pas parfait, en l'occurrence il témoigne de la volonté du gouvernement de mettre en oeuvre tous les moyens raisonnables et possibles pour rester fidèle à l'esprit et à la lettre des conventions de l'OIT. Pour que les conventions puissent produire leur effet, leur interprétation ne doit pas être trop restrictive mais offrir des solutions appropriées, raisonnables et réalistes.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré qu'il s'agissait d'un cas grave qui mettait en jeu un des principes fortement enraciné. Il avait espéré une amorce de progrès ou au moins un geste de conciliation, mais il semble que le gouvernement ne se soit jamais départi de sa position et répété les mêmes arguments chaque fois que ce cas est porté devant la présente commission ou le Comité de la liberté syndicale.

Il a écouté les arguments qui ont été avancés bien que ceux-ci ne soient pas nouveaux. Premièrement, en ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle les fonctionnaires en général jouiraient au Royaume-Uni d'une plus grande liberté d'organisation et de négociation que ceux de la plupart des pays, l'orateur a répondu que les droits garantis aux agents de la fonction publique en général au Royaume-Uni sont ceux prévus dans les conventions que le gouvernement avait adoptées: ni plus ni moins. Si le gouvernement du Royaume-Uni est meilleur que celui des autres pays, c'est parce que ces pays violent les conventions concernées et en particulier le droit d'organisation. En refusant aux employés du GCHQ l'exercice de ce droit, le gouvernement s'aligne sur ces pays.

Deuxièmement, concernant la corrélation entre les conventions nos 87, 98 et 151, la commission d'experts a déjà répondu aux arguments du gouvernement. La convention no 151 n'a pas préséance sur les importants articles de la convention no 87. Chaque fois que le gouvernement a eu recours à ces arguments, la commission d'experts les a rejetés.

Troisièmement, répondant à la déclaration du gouvernement, selon laquelle les employés du GCHQ devraient en raison de la nature de leur travail être traités de même manière que les membres de la police et des forces armées, l'orateur a concédé qu'ils exercent des fonctions très particulières mais souligne qu'à juste titre cet argument a été rejeté par la commission d'experts; tous ces travailleurs sont affiliés à des syndicats nationaux depuis 30 à 40 ans; ils étaient alors, comme ils le sont toujours, des fonctionnaires. Le représentant gouvernemental a souligné lui-même qu'il n'était pas possible de les enrôler comme membres des forces armées puisqu'ils n'en font pas partie et ne peuvent être considérés comme tels.

Quatrièmement, quant à dire que les syndicats de la fonction publique n'accepteraient pas de renoncer au droit de grève parce que. lorsque cette proposition avait été avancée à une certaine époque, elle avait été rejetée par deux syndicats à l'assemblée de leurs congrès suivants, l'orateur a souligné qu'il y avait une grande différence entre la recherche d'une solution dans un congrès sur un cas hypothétique et une proposition réelle d'accord contraignant; un tel accord n'a jamais été soumis aux sessions des congrès syndicaux, étant donné qu'aucune offre de cette nature n'a jamais été faite par le gouvernement aux syndicats concernés. De fait, il y a à peine un ou deux mois, des discussions ont eu lieu au sein des syndicats du service public qui se sont déclarés disposés à négocier un véritable accord qui prévoirait des recommandations positives de ne pas interrompre le travail du GCHQ. Le gouvernement britannique devrait donc satisfaire la demande de la commission d'experts et chercher à négocier un tel accord de non-recours à la grève; si le mouvement syndical britannique refuse de négocier ou de conclure un accord. cela donnera au gouvernement un argument qu'il pourra présenter en toute confiance à la commission. On n'a pas demandé au gouvernement britannique de faire quelque chose d'inhabituel, seulement d'entamer des négociations.

Cinquièmement, en ce qui concerne la générosité du gouvernement dans la compensation faite aux travailleurs du GCHQ qui avaient été licenciés ou transférés obligatoirement. on ne saurait trop souligner qu'aucun prix ne peut compenser pour un déni à la liberté syndicale et au droit d'organisation. Le gouvernement a déjà montré sa soi-disante générosité lorsqu'il a offert au personnel du GCHQ 1000 livres à chacun d'eux pour qu'ils quittent leur syndicat. Les principes posés par la convention no 87 ne sont pas à vendre et ne peuvent être achetés à aucun prix.

Sixièmement, à propos des 10 000 journées de travail perdues, l'orateur a précisé qu'il ne s'agissait pas de 10 000 jours de travail perdus pour le GCHQ. Il ne peut pas révéler le nombre d'employés qui ont cessé leur travail au GCHQ, car il s'agit d'une information secrète qu'il n'est pas disposé à révéler, mais plusieurs milliers d'heures ont été perdues chaque semaine lorsqu'une large proportion du personnel est retourné à la maison le week-end. Ceci remet la prétention du gouvernement à sa juste place. Quoi qu'il en soit, l'enjeu pourrait prendre la forme de cette intéressante question: puisque les mouvements de grève ont eu lieu en 1979 et 1981, et que le gouvernement a attendu 1984 pour réagir, était-il à ce point urgent, pour la sécurité du pays, d'intervenir quand on avait laissé s'écouler un temps aussi long?

Enfin, lorsque le gouvernement invoque les jugements prononcés par les tribunaux britanniques et les Cours européennes, il est vrai que le gouvernement peut avoir eu gain de cause sur des points de détail technique, mais en l'occurrence la Constitution de l'OIT prévoit qu'un seul tribunal a qualité pour interpréter les conventions: la Cour internationale de Justice. Le représentant gouvernemental semble prétendre, d'une manière quelque peu perverse, qu'étant donné que la possibilité existe de porter les conclusions de la commission d'experts devant la Cour, leur ambiguïté doit donc exister. Le gouvernement du Royaume-Uni a mis en doute l'opinion de la commission d'experts: c'est donc lui qui crée l'ambiguïté Il faut rappeler, à ce propos, que la commission d'experts a invité le gouvernement, s'il désirait contester son interprétation, de le faire devant la Cour internationale de Justice. Le gouvernement britannique ne l'a pas fait et, de l'avis de l'orateur, n'est pas près de le faire car ses conseillers juridiques lui ont déjà laissé prévoir la réponse qu'il obtiendrait.

On observera que la commission d'experts a, dans ses observations finales, interpellé le gouvernement dans les termes les plus vifs ce qu'elle demande, c'est en fait des négociations. La présente commission ne peut recommencer chaque année à discuter du même problème et, de ce fait, est en droit d'obtenir une réponse à la simple question de savoir si oui ou non le gouvernement entamera des négociations avec les syndicats comme la commission d'experts le lui a recommandé? La réponse peut tenir en un mot. La commission n'a plus qu'à attendre la réponse du gouvernement pour former son jugement.

Les membres travailleurs ont tenu à faire observer que toutes les informations pertinentes sur ce cas avaient déjà été apportées à la présente commission. dans ses rapports de 1987 et 1988, par le Comité de la liberté syndicale, par la commission d'experts - ces trois organes s'étant tous trois prononcés sur cette question - et finalement par le représentant gouvernemental du Royaume-Uni dans sa présente déclaration. Il n'ont par conséquent rien à ajouter sur le fond. Bien qu'il ait été décidé, d'un commun accord, de borner la discussion à la première partie des observations de la commission d'experts concernant le Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ), les membres travailleurs observent avec préoccupation, à la lumière, des observations de la commission d'experts et des débats qui ont eu lieu ces dernières années, qu'il ne s'agit pas là d'un cas isolé, mais qu'il s'inscrit dans le cadre d'une série de mesures injustifiées prises à l'encontre des syndicats pour entraver leur activité normale, et notamment la négociation collective. Les arguments invoqués par le représentant gouvernemental sont en contradiction avec les observations de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale au sujet de la restructuration systématique de la législation des relations de travail. Ce cas ne relève pas seulement de la convention no 151 mais aussi de la convention no 87 et soulève le problème de la liberté d'association et de négociation collective des fonctionnaires. La convention no 151 a pour but de compléter et de clarifier la convention no 87, et non de la remplacer. La liberté d'association et de négociation collective des fonctionnaires pose encore de graves difficultés dans ce pays.

Quant à la prétendue nécessité de prendre des mesures à 1,encontre du GCHQ, ils s'étonnent, à l'instar du membre travailleur du Royaume-Uni, que le gouvernement ait attendu 1984 pour changer le statut de ces fonctionnaires, alors que les événements sur lesquels on se base se sont produits en 1979 et 1981. Il est préoccupant que le gouvernement ait pris des mesures aussi graves que de procéder à des licenciements pendant que la procédure devant les organes de contrôle de l'OIT était en cours.

Sans pour autant faire usage de la possibilité d'un recours à la Cour internationale de Justice, le gouvernement refuse de négocier et de tenir compte des commentaires des organes de contrôle de l'OIT. Il est inquiétant qu'une sorte d'association interne des employés du GCHQ ait pu voir le jour alors que l'existence d'un syndicat normal est contestée Faut-il en déduire que ce type d'association met moins en danger la sécurité nationale qu'un syndicat traditionnel? Le patriotisme des fonctionnaires disparaît-il lorsqu'ils s'organisent?

Les membres travailleurs constatent avec regret que le gouvernement reste sur ses positions et se refuse à négocier: il s'agit donc d'un cas très sérieux. Ils veulent espérer que l'on ne soit pas parvenu à un point de non-retour.

Les membres employeurs ont rappelé que ce cas avait déjà été examiné par la présente commission à deux reprises - la première fois en 1985 - et que le gouvernement et les membres travailleurs restaient sur des positions antagonistes. Les membres employeurs déclarent qu'ils n'ont pourtant pas l'intention de s'ériger en arbitres. L'affaire concerne un Centre de communications dont les employés assument des fonctions comparables aux membres des forces armées et le gouvernement n'est pas disposé à tolérer des grèves qui pourraient avoir de graves répercussions; position qui semble justifiée. Les discussions et les négociations paritaires n'ont pas eu d'effet et le renoncement à tout affiliation syndicale proposée par le gouvernement a été refusé par 17 employés, dont 13 ont été réaffectés ou licenciés. Il s'agit là d'un cas très spécial qui ne met pas en cause l'économie du Royaume-Uni, que ce soit dans son ensemble ou même dans ses parties. C'est un cas bien spécifique qui ne saurait se reproduire en d'autres circonstances, car sa complexité provient aussi de la difficulté qu'il y a à faire la distinction entre les fonctionnaires et les membres des forces armées. Cette difficulté a des prolongements juridiques.

Lorsque, en 1985, la commission d'experts s'est pour la première fois penchée sur ce cas, elle a observé, dans son rapport, que la question débordait le cadre de la convention no 87 et que la situation était très complexe. C'était la relation entre les conventions nos 87 et 151 qui était en cause, et la commission d'experts a estimé alors qu'elle n'était pas en mesure de prendre une décision. Entre-temps, les experts ont modifié leur position. L'allusion faite à la Cour internationale de Justice à cette époque était légitime, puisque, selon la Constitution, elle est seule habilitée à trancher sur un problème d'interprétation. La question est de savoir qui doit porter l'affaire devant la Cour internationale de Justice. Est-ce qu'un gouvernement peut simplement s'adresser par lettre à la Cour internationale de Justice? Ce serait beaucoup trop simple.

Le fait que ce problème n'ait pu encore être résolu et qu'aucune solution ne soit en vue s'explique par les relations difficiles entre le gouvernement et les syndicats au Royaume-Uni. Ce cas devrait être replacé dans le contexte de la partie de l'observation de la commission d'experts qui ne sera pas discutée cette année.

Avant même que ne paraisse le rapport de la commission d'experts, les membres employeurs ont entendu les syndicats se plaindre du gouvernement en alléguant qu'il s'immisçait constamment dans les négociations collectives et qu'il violait les droits syndicaux. Les points qui sont évoqués actuellement peuvent être contestés, et devront être réexaminés par la commission 1,année prochaine. Les membres employeurs espèrent que la commission d'experts se penchera à nouveau sur ces questions d'ici là.

Ces relations difficiles entre les syndicats et le gouvernement entravent la recherche d'une solution. La question de savoir si ce centre de communications pourrait être rattaché aux forces armées est une question très difficile à trancher car elle relève de la législation nationale, mais théoriquement ce serait une solution envisageable. Quant à la question de savoir si cette solution est la meilleure, les membres employeurs ne sauraient se prononcer.

Quoi qu'il en soit, eu égard à la divergence des points de vue, il faudrait préciser dans les conclusions que ce n'est pas la liberté d'association dans ce pays qui est mise en cause, mais la situation des travailleurs d'un secteur particulier qui pose de grandes difficultés. Cette question ne concerne en rien l'économie nationale dans son ensemble, ni ses liens avec la liberté syndicale. Il faut admettre que pendant un certain temps des positions sont parfois inconciliables, surtout quand il s'agit d'un secteur aussi particulier. Les membres employeurs ont rappelé que certains cas - trop nombreux - avaient parfois été discutés pendant 20 ans sans solution ni progrès. Le cas dont la commission est saisie est un cas assez récent qui a été discuté à trois reprises pendant un laps de temps relativement court. A l'heure actuelle aucune solution ne semble être en vue, et il faut en prendre acte tout en le déplorant.

Le membre travailleur de la Suède parlant au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Finlande, de la Norvège et de la Suède a déclaré qu'un des principes fondamentaux de l'OIT était d'avoir un système de contrôle efficace, mais que ce contrôle perdait toute utilité si les Etats Membres ne respectaient pas l'avis exprimé par les organes de contrôle. La commission d'experts et la présente commission pensent examiner avec objectivité, indépendance et impartialité les cas qui leur sont soumis. Jusqu'à présent, leur opinion avait force exécutoire pour les Etats Membres, la Cour internationale de Justice étant là pour trancher en dernier ressort. Si ce principe n'est plus respecté, c'est toute l'action de l'OIT qui est sapée. En général, toutefois, l'interprétation des organes de contrôle n'est pas mise en cause car les Etats Membres le plus souvent se rangent à leur avis, comme le montre le fait que, depuis la fondation de l'OIT, seul un cas ait été porté devant la Cour internationale de Justice. Dans le cas présent, en dépit des injonctions unanimes des organes de contrôle, treize employés du GCHQ ont été licenciés pour avoir refusé de quitter le syndicat de leur choix. Le droit de s'affilier à un syndicat ou de participer à ses activités est un droit fondamental de l'homme. Il est donc de la plus haute importance qu'un des membres les plus en vue de l'OIT ne passe pas outre aux observations de ces deux commissions en faisant appel à la Cour internationale de Justice pour trancher. Tout pas en avant sur cette voie risquerait de mettre en difficulté les organes de contrôle et de porter atteinte à la procédure tout entière. L'orateur invite donc instamment le gouvernement à reprendre les négociations avec les syndicats en vue de trouver une solution qui satisfasse aux exigences de la convention car, sinon, il leur restera plus qu'une solution: faire appel à la Cour internationale de Justice.

Le membre travailleur de la Pologne a déclaré que son organisation se réjouissait de l'occasion qui lui était offerte de prendre à nouveau la parole au BIT après une absence de huit ans et a exprimé sa satisfaction de voir qu'elle n'avait pas été oubliée. L'orateur a souligné que les employés du GCHQ étaient des syndicalistes de longue date, et dans plusieurs cas depuis 40 ans; pendant toutes ces années, leur affiliation n'avait jamais soulevé de difficulté et leur loyauté n'a pas été mise en doute. Bien que les organes de contrôle de l'OIT en soient arrivés aux mêmes conclusions et que les syndicats aient fait preuve de beaucoup de souplesse et de bonne volonté en vue de conclure un accord, tout semblait prouver que le gouvernement avait malheureusement repoussé toute possibilité d'accord négocié. La crédibilité de l'OIT de laquelle le syndicat "Solidarité" a eu si souvent à se féliciter, risque d'être compromise si les organes de contrôle ne parviennent pas à adopter une stratégie cohérente. Après tant d'années de discussions sur ce cas, devant la présente commission, il est nécessaire, dans l'intérêt de la crédibilité de cette commission, d'insister sur la gravité de ce cas pour les travailleurs du Royaume-Uni et du monde entier. Le cas du GCHQ met en cause un principe fondamental: la liberté d'association et la dignité de l'homme.

Le membre employeur de la Suède a déclaré à propos des observations de la commission d'experts qu'il ne mettait pas en doute son impartialité ou son indépendance, mais sa qualité pour juger de ce cas. La commission d'experts, à son avis, semble avoir oublié les principes de base qui régissent l'interprétation des traités entre Etats, si l'on observe dans les rapports de ces dernières années le nombre croissant de cas où son interprétation est allée trop loin: l'orateur la met donc en garde contre cette tendance. Revenant au cas présent, il a exprimé l'espoir que la commission reconsidérerait sa position à ce sujet. A son avis, le Centre gouvernemental de communications de Cheltenham (GCHQ) devrait être assimilé aux forces armées ou à la police, et seule la Cour internationale de Justice a qualité pour décider de l'interprétation à donner aux conventions; or il n'y a que deux voies possibles: ou bien la Conférence ou la majorité du Conseil d'administration peuvent demander un avis à la Cour internationale de Justice, ou bien un gouvernement autre que celui du Royaume-Uni, ou un délégué travailleur, peut déposer une plainte constitutionnelle. Le Conseil d'administration peut alors établir une commission d'enquête dont les conclusions peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour internationale de Justice. Cette procédure existe déjà depuis cinq ans et n'a jamais été utilisée. En conséquence, la commission devrait cesser d'examiner ce cas, laissant le soin aux travailleurs, s'ils le désirent, de déposer une plainte constitutionnelle, ce qui pourrait entraîner la saisine de la Cour internationale de Justice.

Le membre travailleur de la République fédérale d'Allemagne a déclaré que le plus inquiétant dans les propos du représentant gouvernemental était qu'il puisse penser que les syndiqués puissent constituer une menace pour la sécurité du pays ou pourraient le devenir. On retrouve là l'ostracisme de la fin du siècle dernier à l'égard du mouvement syndical tout entier. Les membres du GCHQ défendent leurs propres intérêts économiques et sociaux et doivent, au même titre que tous les autres salariés, avoir le droit de s'associer librement et de négocier collectivement. Le gouvernement n'a pas tenu compte des observations, des commentaires, des suggestions et des demandes des organes de contrôle de l'OIT. Il s'agit d'un cas grave qui sape l'autorité des procédures de contrôle. Pour qu'un dialogue soit fructueux, il ne faut pas que l'un parle et que l'autre n'écoute pas. La présente commission ne peut accepter que des pays ignorent purement et simplement ses conclusions, car cela remettrait en question son autorité.

Le membre travailleur des Pays-Bas s'est déclaré profondément préoccupé des conséquences que pourrait avoir ce cas sur le système de contrôle de l'OIT, notamment à la lumière des dernières observations des membres employeurs. A ses yeux, la phrase essentielle de la déclaration gouvernementale est la suivante: "Nous comprenons que la commission d'experts ait pu aboutir à de telles conclusions, mais nous voyons les choses différemment et cela devrait être notre droit." En 1978, il y a déjà eu, au sein de la présente commission, une discussion entre les représentants gouvernementaux du Royaume-Uni et de l'URSS sur le même sujet. Au représentant gouvernemental de l'URSS qui défendait alors le point de vue du gouvernement britannique d'aujourd'hui, son adversaire rétorquait que, si la commission acceptait cette position. c'était toute la procédure de contrôle de l'OIT qui en pâtirait. Lorsque, par le passé, les divergences de vues ont persisté pendant vingt ans, la commission a toujours réagi en exprimant ses préoccupations dans un paragraphe spécial. La question essentielle est ici de savoir si la présente commission fait siennes les observations de la commission d'experts sur ce cas, qui reprennent celles qui avaient été exposées dans les différents rapports de ces dernières années. Au cours des deux dernières années, la présente commission a, dans l'ensemble, toujours partagé les vues de la commission d'experts. Cela pose donc le problème suivant: la commission d'experts a-t-elle modifié son interprétation sur cette convention, notamment en ce qui concerne le cas présent? Ce n'est pas le cas.

Le membre travailleur des Etats-Unis, commentant les propos du représentant gouvernemental selon lesquels il ne servirait à rien de réentamer des négociations avec les syndicats intéressés,a déclaré que cette affirmation le préoccupait beaucoup, car cela revenait à fermer la porte à toute possibilité de résoudre le problème par la consultation, bien que les syndicats soient disposés à réenvisager la possibilité d'accéder aux voeux du gouvernement en signant un accord de renoncement à la grève. Les difficultés juridiques que soulève ce cas sont telles que le seul arbitre habilité en fin de compte à trancher est la Cour internationale de Justice. Son intention n'est pas de contester l'argument du gouvernement selon lequel les tribunaux britanniques auraient statué qu'il devait y avoir amalgame des conventions nos 151 et 87; il émet cependant de sérieux doutes sur le fait que les tribunaux britanniques aient indiqué par la même occasion qu'il n'y avait pas d'autres recours possibles pour parvenir à une solution ou à un compromis sur une éventuelle clause de renoncement à la grève dans un accord entre le gouvernement et les syndicats. A aucun moment, le représentant gouvernemental n'a fait état d'un quelconque abandon de la procédure normale de négociation, réexamen et renégociation si cela est nécessaire, utilisée pour résoudre un problème grave; au contraire, le gouvernement britannique semble rester sur ses positions, fidèle aux principes fondamentaux qu'il a toujours défendus. En conséquence, la présente commission ne peut qu'être préoccupée par un refus aussi catégorique de reprendre les négociations alors que le syndicat s'est déclaré disposé à négocier la question même qui est à l'origine des préoccupations du gouvernement dans ce cas particulier.

Le membre employeur des Etats-Unis, répondant à la déclaration du membre travailleur des Pays-Bas, a déclaré qu'à son avis on mettait trop de hâte à se prononcer sur un cas, en fait, récent. Le problème, à son avis, relevait davantage de la forme que du fond, étant donné que, semble-t-il, les employés du GCHQ assumaient des fonctions essentiellement militaires. Si, eu égard à leurs fonctions, on les avait classés dans la catégorie des "militaires", aucun problème ne se serait sans doute posé; le fait qu'on ne les ait pas définis comme tels semble changer la face du problème pour la commission d'experts. L'orateur a également déclaré qu'on se trouvait en face d'un double problème. D'abord, comme l'ont souligné les membres employeurs, on pouvait se poser la question de savoir si, à la lumière des observations formulées par la commission d'experts en 1985, l'opinion de la commission d'experts avait évolué et changé. Deuxièmement, comme l'a relevé le membre employeur de la Suède, on peut se demander si, oui ou non, la commission d'experts a poussé trop loin son interprétation de cette convention particulière ou l'a mal interprétée. Ces problèmes n'ont rien de commun avec les débats qui ont eu lieu à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre vingt, lesquels portaient en fait sur le degré d'application des instruments et cherchaient à déterminer si l'on pouvait tolérer les différences d'application, compte tenu de l'approche essentiellement différente de certains gouvernements sur des questions politiques, sociales et économiques.

Le membre travailleur des Pays-Bas, répondant à l'orateur précédent, est revenu sur deux points. Il souhaite d'abord apporter quelque éclaircissement sur ce qu'il a dit précédemment: si la présente commission s'est rangée pendant un certain nombre d'années à l'avis de la commission d'experts, on ne peut expliquer le désaccord d'aujourd'hui que parce que la commission d'experts aurait modifié son interprétation. Deuxièmement, il a expliqué les critiques qu'il avait formulées lors de son intervention sur le cas néerlandais. Ces critiques portaient sur le fait que les syndicats néerlandais avaient demandé pendant plusieurs années à la commission d'experts de leur donner son interprétation, laquelle s'était fait attendre pendant plusieurs années.

Le représentant gouvernemental du Royaume-Uni s'est engagé à communiquer toutes ces observations à son gouvernement. Il a complété sa précédente déclaration en expliquant qu'étant donné que le Royaume-Uni a un système fonde sur la Common law et non sur le droit civil, qu'en réalité et en pratique, premièrement les fonctionnaires du Royaume-Uni jouissaient d'une plus grande liberté d'association que ceux de la plupart des autres pays. Deuxièmement, il ne s'agissait pas ici de la liberté d'association en général mais d'un cas très particulier, à savoir un établissement qui joue un rôle de première importance dans la défense nationale. Troisièmement, les représentants des syndicats suggèrent aujourd'hui pour la première fois depuis quatre ans la possibilité d'un accord de renonciation à la grève, l'orateur pense que le gouvernement n'en a pas entendu parler. Quatrièmement, il n'a jamais été dans l'intention du gouvernement britannique de mettre en doute la loyauté des employés du GCHQ ou celle des syndicats. Quoi qu'il en soit, les syndicats nationaux se sont servis du cas des employés du GCHQ pour faire pression sur le gouvernement lors des négociations nationales dans la fonction publique. Leur action est peut-être légitime, mais elle nuit à la crédibilité des syndicats en ce qui concerne le cas particulier et la situation unique de cet établissement: cela est inquiétant et fâcheux. L'orateur a encore souligné que ce n'était pas la liberté d'association dans son ensemble qui était mise en cause mais le cas exceptionnel d'un établissement qui assumait des fonctions très spécifiques; l'action entamée par le gouvernement n'avait rien d'antisyndical, mais était dictée uniquement par le souci de préserver les intérêts de la sécurité nationale. Lors de la dernière réunion du Conseil d'administration. le nouveau membre travailleur du Comité de la liberté syndicale a souligné qu'il était important de distinguer entre ce qu'il appelait des "idioties de la bureaucratie" et des violations monstrueuses des droits de l'homme". Le gouvernement n'estime pas qu'il y a eu violation de la convention no 87, mais si la présente commission devait en juger autrement, l'orateur exprime l'espoir que sa faute soit mise en compte de l'incurie bureaucratique Les membres travailleurs ayant évoqué certaines conclusions particulières, l'orateur exprime le souhait que la présente commission les examinera avec le plus grand soin et la plus grande clarté avant de les faire siennes. Tirer des conclusions de ce genre sur des questions qui ne relèvent pas des droits fondamentaux de l'homme amoindrirait la portée des sanctions que peut infliger l'OIT. La présente commission doit se garder des doubles normes et veiller à préserver l'universalité des normes de l'OIT.

Les membres travailleurs ont proposé que les conclusions soient consignées dans un paragraphe spécial du rapport général de la commission car, bien qu'il s'agisse d'un cas important qui avait déjà été discuté à plusieurs reprises, le gouvernement n'avait pas entamé de négociations avec les organisations syndicales intéressées et la situation n'avait pas progressé.

Les membres employeurs soulignent que la commission n'a pas discuté des questions législatives et que celles-ci ne devraient donc pas être mentionnées dans les conclusions; s'il en est fait mention, l'opinion dissidente des employeurs devra également être évoqués. La proposition de consigner des conclusions dans un paragraphe spécial est inacceptable: il s'agit d'une question juridique complexe, que seule la Cour internationale de Justice est habilitée à trancher en dernier ressort; il faut également savoir qui prendra l'initiative d'un appel à la Cour. Par conséquent, la situation n'est pas aussi claire que certains intervenants l'ont parfois affirmé. Il ne s'agit pas d'un cas typique. Heureusement, l'existence et la portée de la liberté syndicale dans ce pays ne sont pas en jeu; il s'agit simplement d'un cas individuel et marginal qui mérite qu'on s'en occupe en tant que tel et qui est aujourd'hui discuté pour la troisième fois. A de nombreuses reprises, un débat s'est poursuivi pendant plus de vingt ans sur une question de monopole syndical prévu par la législation qui privait tous ces travailleurs de la liberté syndicale. Il se pose donc un problème d'égalité de traitement et de ce fait un paragraphe spécial ne peut être accepté dans le présent cas.

Les membres travailleurs ont demandé qu'un vote nominal ait lieu pour décider si le cas devait faire l'objet d'un paragraphe spécial.

Le membre gouvernemental de la Tchécoslovaquie, parlant au nom d'un certain nombre de pays socialistes, a déclaré qu'il ne souhaitait pas résoudre le problème par le vote. Néanmoins, s'il devait y avoir vote, la complexité des problèmes soulevés réclamerait que l'on prévoie un temps de réflexion; il demandait en conséquence que le vote soit repoussé à plus tard, en formulant l'espoir que les membres travailleurs et les membres employeurs seraient parvenus entre-temps à s'entendre.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis s'est demandé s'il convenait d'aller aussi loin dans ce cas. Il a estimé qu'il ne s'agissait pas ici de savoir si le Royaume-Uni était un pays développé ou en développement et que s'il y avait eu violation notoire de la liberté syndicale, cela méritait évidemment un paragraphe spécial. Ce cas était vraiment très spécial. Il craignait qu'un vote à ce sujet ne pût affecter la bonne volonté et le consensus qui étaient si importants pour le travail de la commission.

Le membre gouvernemental de la France a demandé que, si l'on devait voter, il soit donné aux membres la possibilité de fournir des explications de vote.

Après la proclamation des résultats du vote, certains membres gouvernementaux ont fourni une explication de vote.

Un membre gouvernemental de la Suède, s'exprimant au nom des cinq pays nordiques, a déclaré que les gouvernements de ces pays souscrivent aux conclusions adoptées sur ce cas par la présente commission, mais ils ont voté contre un paragraphe spécial parce qu'ils souhaitent conserver leur signification particulière aux paragraphes spéciaux qui, selon eux, devraient continuer à être réservés aux cas les plus graves.

Un membre gouvernemental de la République fédérale d'Allemagne a expliqué le "non" de son gouvernement en notant que le vote ne portait pas sur le fait de savoir si le Royaume-Uni a violé ou non la convention: le vote portait plutôt sur les principes fondamentaux régissant les travaux de la présente commission, à savoir le dialogue et le consensus. Procéder à un vote est contraire au consensus et ne contribue pas à élargir le dialogue, qui est recherché dans ce cas en particulier par les membres travailleurs.

Un membre gouvernemental du Portugal a déclaré qu'il a voté contre à cause des doutes qui entourent l'interprétation de la situation. Son gouvernement pense que ce cas devrait faire l'objet d'une analyse juridique approfondie; la présente commission ne devrait pas prendre une décision qui, de par sa nature exceptionnelle, devrait être considérée comme finale. En outre, dans d'autres cas où il existait des doutes sur l'interprétation d'une situation, des décisions autres que celle proposée dans ce cas ont été prises; cela empêchait de mentionner le cas du Royaume-Uni dans un paragraphe spécial du rapport.

Un membre gouvernemental de l'Australie a indiqué qu'il n'était pas en faveur de l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial pour les raisons suivantes: la présente commission recherche traditionnellement le consensus. L'approche adoptée dans le présent cas est préoccupante. Son gouvernement a pris note avec intérêt de la discussion et des circonstances particulières et uniques qui entourent ce cas. Il estime qu'il pourrait y avoir infraction à la convention sur le plan technique. Le gouvernement du Royaume-Uni n'a fait aucune démarche pour traiter les questions soulevées par la commission d'experts et n'éprouve apparemment pas le besoin d'en entreprendre. Le gouvernement australien appuie les conclusions de la commission d'experts. Il encourage le gouvernement du Royaume-Uni à entreprendre de nouvelles négociations avec les syndicats en cause afin de chercher à résoudre la question en conformité avec ses obligations au titre de la convention. Cependant, les paragraphes spéciaux n'ont été utilisés dans le passé que dans les cas de violation flagrante des droits de l'homme, circonstances qui ne s'appliquent pas à ce cas. Au stade actuel, un paragraphe spécial constituerait une réponse disproportionnée.

Les membres travailleurs ont déclaré ne pas regretter le résultat du vote en dépit de la tristesse que leur cause le fait de ne pas avoir pu parvenir à un consensus avec le groupe des employeurs, comme c'est le cas normalement. Ils ont souhaité clarifier la signification des paragraphes spéciaux qui ne contiennent pas de jugement. Ces paragraphes ont pour but uniquement d'attirer l'attention sur les problèmes importants qui doivent être soulignés et d'inviter les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travailleurs à s'efforcer de surmonter les difficultés. Ils se sont référé à la conviction du groupe des travailleurs dans l'indépendance, l'impartialité et de l'objectivité de la commission d'experts et à la grande importance qu'ils attachent au Comité de la liberté syndicale. Ils ont déclaré que les normes et le système de contrôle existent tant pour les pays industrialisés que pour les pays en développement; bien que dans les pays industrialisés les problèmes n'aient pas la même dimension que dans les pays pauvres, dès lors qu'il existe des difficultés sérieuses, particulièrement en relation avec les normes fondamentales, telles que la liberté syndicale, les membres travailleurs considèrent que l'attention doit être attirée également sur ces problèmes. Ils ont expliqué qu'ils ont proposé un paragraphe spécial: premièrement, parce qu'ils croient que toutes les possibilités de dialogue et de conciliation à l'intérieur du pays n'ont pas été épuisées; deuxièmement, parce que 13 travailleurs ont été licenciés pendant qu'était en cours une procédure devant le Comité de la liberté syndicale à cause de la fidélité de ces travailleurs à leur organisation syndicale; et troisièmement. pour insister et pour inviter le gouvernement du Royaume-Uni à ne pas fermer la porte et à s'ouvrir à la négociation. Ils se sont déclarés surpris de la faible différence dans le résultat du vote et satisfaits de la solidarité totale du groupe des travailleurs, solidarité qu'ils considèrent d'une importance historique.

Un membre gouvernemental de l'Equateur a expliqué qu'il avait voté avec regret en faveur de l'inscription du Royaume-Uni, dans un paragraphe spécial avec l'espoir que cela inciterait d'autres pays à réfléchir à la tendance qui consiste à singulariser les situations de petits pays, situations qui sont parfois le résultat de pressions politiques extérieures. Il s'est déclaré satisfait qu'un vote démocratique, en relation avec le cas de Royaume-Uni, ait montré que les principes d'équité ne sont pas toujours violés.

Un membre gouvernemental des Etats-Unis d'Amérique a déclaré qu'il était lamentable que la situation se soit à ce point polarisée. Son gouvernement se demande si cette question méritait d'être soumise à un vote. L'oratrice a exprimé l'espoir que la présente commission pourra désormais travailler, de manière positive et constructive, sur la base de la bonne volonté et du consensus. Son gouvernement a voté contre un paragraphe spécial parce que son usage devrait être réservé à des violations persistantes et graves des conventions ratifiées. Le cas du Royaume-Uni ne répond pas à ces critères. Son gouvernement croit fermement en l'application universelle et uniforme des normes de l'OIT sans considération de l'orientation politique et du niveau de développement économique. A son avis, ce vote ne portait pas sur le fait qu'il y aurait ou non des normes différentes, selon les cas, mais en faveur ou contre l'abaissement des normes que la présente commission applique pour décider si un cas doit ou non être mentionné dans un paragraphe spécial. Elle a déclaré que son gouvernement n'était pas disposé à modifier le critère servant à déterminer si un cas doit ou non être inscrit dans un paragraphe spécial. Elle considère qu'un autre cas discuté récemment devant la présente commission ne méritait pas non plus de paragraphe spécial, étant donné que le gouvernement en question avait pris des mesures en vue d'une meilleure application d'une convention ratifiée.

Le membre gouvernemental de la France a déclaré avoir voté "non" pour des raisons tenant essentiellement à la "jurisprudence" de la présente commission. Les pratiques très anciennes de travail de la commission permettent d'avoir une position constante et objective, que les pays soient grands ou petits, industrialisés ou en voie de développement. Conformément à la tradition, le paragraphe spécial doit être appliqué quand un pays présente une double caractéristique: d'abord que le cas ait été examiné depuis longtemps sans progrès et ensuite que le cas présente une très grande gravité largement liée à la violation des droits de l'homme. Il faut remettre chaque examen d'un paragraphe spécial en perspective, c'est-à-dire relativiser et comparer. Il ne semble pas que le cas du Royaume-Uni présentait la double caractéristique d'un paragraphe spécial. L'orateur a exprimé l'espoir qu'on en revienne au consensus, qui est la règle normale de fonctionnement de la présente commission.

Un membre gouvernemental de l'Uruguay, en expliquant son vote en faveur d'un paragraphe spécial. a déclaré qu'il s'est basé sur les faits objectifs décrits dans l'observation de la commission d'experts qui a indiqué que les travailleurs ont été licenciés alors que le Comité de la liberté syndicale était en train d'examiner le cas. En ce sens, son vote constitue un appui au système de contrôle de l'OIT. Il a indiqué que les mêmes critères devraient être appliqués à d'autres cas similaires ou même plus graves examinés par la présente commission.

Un membre gouvernemental des Pays-Bas a déclaré que son gouvernement avait voté "non" parce qu'il considère que la présente commission devrait suivre la procédure habituelle de prises de décisions par consensus.

Un membre gouvernemental de la Tchécoslovaquie, expliquant les raisons pour lesquelles il s'est abstenu pendant le vote, s'est référé à l'avis exprimé antérieurement par son gouvernement, selon lequel de telles questions devraient être décidées par consensus et non par un vote. En outre, son gouvernement est d'avis que des sanctions ne devraient être appliquées qu'en cas de violations graves et répétées des conventions et lorsqu'il y a consensus pour les appliquer. Son gouvernement n'a pas été pleinement convaincu par les arguments avancés et il s'est demandé s'il s'agissait d'une véritable question de principe ou s'il s'agissait plutôt d'une question de désaccord entre le gouvernement du Royaume-Uni et la commission d'experts au sujet de l'interprétation d'une question spécifique couverte par la convention no 87.

Un membre gouvernemental de Bulgarie a expliqué que sa délégation s'est abstenue lors du vote en se fondant sur l'opinion de son gouvernement selon laquelle seul le dialogue devrait être encouragé au sein de la présente commission où les décisions ne devraient être obtenues que par le consensus. Un vote n'est pas un dialogue. Quel que soit son résultat, il ne sert pas la cause de la coopération. L'orateur a souligné qu'on devrait se concentrer sur le dialogue si l'on veut obtenir de meilleurs résultats.

Un membre gouvernemental de la Turquie a souhaité expliquer pourquoi son gouvernement a voté contre. Il a rappelé le mandat de la présente commission, qu'il ne faudrait pas outrepasser; selon lui le maintien d'un équilibre entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, incombe à d'autres organes des Nations Unies qui ont des responsabilités à cet égard. Bien que son gouvernement ait un grand respect pour la commission d'experts et pour son rapport, il ne prend pas ses conclusions comme paroles ayant force de loi. La présente commission est censée se sentir libre d'évaluer pleinement tous les aspects du rapport sans préjuger nullement d'aucune considération sur un pays déterminé.

Un membre gouvernemental du Royaume-Uni a déclare que son gouvernement a voté "non" parce qu'il considère que la demande d'un paragraphe spécial dans ce cas est disproportionnée et qu'elle mine la valeur des sanctions de l'OIT. Cela n'est pas une question Nord-Sud. Il s'agit des règles régissant les pratiques de la présente commission. Les membres travailleurs avaient néanmoins demandé un vote dont l'issue a été soumise au processus démocratique. Les résultats du vote sont maintenant devant la commission. L'orateur a remercié la commission pour sa décision. qui marque un retour au sens des proportions. Son gouvernement a exprimé l'espoir que les membres travailleurs prendront bonne note du résultat.

Le président de la commission a proposé les conclusions suivantes."La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental ainsi que des discussions détaillées qui ont eu lieu au sein de la commission. La commission a exprimé sa préoccupation quant à la situation commentée par la commission d'experts qui constate, dans son rapport, que contrairement à la convention, les travailleurs du GCHQ continuent à ne pas jouir du droit syndical. Elle a tenu à rappeler à cet égard les conclusions du Comité de la liberté syndicale concernant le cas du GCHQ. La commission a noté avec regret le fait que le gouvernement a licencié des travailleurs du GCHQ et ce pendant la procédure en cours devant le Comité de la liberté syndicale et qu'il ne considère pas utile de négocier avec les associations de travailleurs au sujet du droit syndical de ceux-ci. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement reconsidérera sa position, à travers le dialogue avec les syndicats, afin de trouver des solutions à la situation législative et de ce fait qui soient en pleine conformité avec la convention. La commission a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement demandé par la commission d'experts contiendra des informations sur une évolution décisive de la situation conforme à la convention. La commission a demandé, par ailleurs, au gouvernement d'accorder une grande attention aux commentaires de la commission d'experts relatifs à la loi de 1988 sur l'emploi et de fournir des informations sur les mesures qu'il entend prendre pour donner satisfaction à ces commentaires.

Les membres travailleurs ont proposé que les conclusions soient consignées dans un paragraphe spécial du rapport général de la commission car, bien qu'il s'agisse d'un cas important qui avait déjà été discuté à plusieurs reprises, le gouvernement n'avait pas entamé de négociations avec les organisations syndicales intéressées et la situation n'avait pas progressé.

Les membres employeurs soulignent que la commission n'a pas discuté des questions législatives et que celles-ci ne devraient donc pas être mentionnées dans les conclusions; s'il en est fait mention, l'opinion dissidente des employeurs devra également être évoqués. La proposition de consigner des conclusions dans un paragraphe spécial est inacceptable: il s'agit d'une question juridique complexe, que seule la Cour internationale de Justice est habilitée à trancher en dernier ressort; il faut également savoir qui prendra l'initiative d'un appel à la Cour. Par conséquent, la situation n'est pas aussi claire que certains intervenants l'ont parfois affirmé. Il ne s'agit pas d'un cas typique. Heureusement, l'existence et la portée de la liberté syndicale dans ce pays ne sont pas en jeu; il s'agit simplement d'un cas individuel et marginal qui mérite qu'on s'en occupe en tant que tel et qui est aujourd'hui discuté pour la troisième fois. A de nombreuses reprises, un débat s'est poursuivi pendant plus de vingt ans sur une question de monopole syndical prévu par la législation qui privait tous ces travailleurs de la liberté syndicale. Il se pose donc un problème d'égalité de traitement et de ce fait un paragraphe spécial ne peut être accepté dans le présent cas.

Les membres travailleurs ont demandé qu'un vote nominal ait lieu pour décider si le cas devait faire l'objet d'un paragraphe spécial.

Le membre gouvernemental de la Tchécoslovaquie, parlant au nom d'un certain nombre de pays socialistes, a déclaré qu'il ne souhaitait pas résoudre le problème par le vote. Néanmoins, s'il devait y avoir vote, la complexité des problèmes soulevés réclamerait que l'on prévoie un temps de réflexion; il demandait en conséquence que le vote soit repoussé à plus tard, en formulant l'espoir que les membres travailleurs et les membres employeurs seraient parvenus entre-temps à s'entendre.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis s'est demandé s'il convenait d'aller aussi loin dans ce cas. Il a estimé qu'il ne s'agissait pas ici de savoir si le Royaume-Uni était un pays développé ou en développement et que s'il y avait eu violation notoire de la liberté syndicale, cela méritait évidemment un paragraphe spécial. Ce cas était vraiment très spécial. Il craignait qu'un vote à ce sujet ne pût affecter la bonne volonté et le consensus qui étaient si importants pour le travail de la commission.

Le membre gouvernemental de la France a demandé que, si l'on devait voter, il soit donné aux membres la possibilité de fournir des explications de vote.

La commission a adopté les conclusions proposées par le président en ce qui concerne la question du GCHQ et elle a décidé qu'un vote nominal aurait lieu plus tard pour décider de l'opportunité de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial, à moins qu'entre temps les membres travailleurs et les membres employeurs n'aient pu parvenir à un accord sur cette question.

Lors d'une séance ultérieure, la commission a procédé à un vote par appel nominal, à la demande du groupe des travailleurs, portant sur la demande de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.

Le résultat du vote a été le suivant: 56845 voix contre, 60398 voix pour avec 9555 abstentions.

En conséquence, la commission a décidé de ne pas mentionner ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.

Après la proclamation des résultats du vote, certains membres gouvernementaux ont fourni une explication de vote.

Un membre gouvernemental de la Suède, s'exprimant au nom des cinq pays nordiques, a déclaré que les gouvernements de ces pays souscrivent aux conclusions adoptées sur ce cas par la présente commission, mais ils ont voté contre un paragraphe spécial parce qu'ils souhaitent conserver leur signification particulière aux paragraphes spéciaux qui, selon eux, devraient continuer à être réservés aux cas les plus graves.

Un membre gouvernemental de la République fédérale d'Allemagne a expliqué le "non" de son gouvernement en notant que le vote ne portait pas sur le fait de savoir si le Royaume-Uni a violé ou non la convention: le vote portait plutôt sur les principes fondamentaux régissant les travaux de la présente commission, à savoir le dialogue et le consensus. Procéder à un vote est contraire au consensus et ne contribue pas à élargir le dialogue, qui est recherché dans ce cas en particulier par les membres travailleurs.

Un membre gouvernemental du Portugal a déclaré qu'il a voté contre à cause des doutes qui entourent l'interprétation de la situation. Son gouvernement pense que ce cas devrait faire l'objet d'une analyse juridique approfondie; la présente commission ne devrait pas prendre une décision qui, de par sa nature exceptionnelle, devrait être considérée comme finale. En outre, dans d'autres cas où il existait des doutes sur l'interprétation d'une situation, des décisions autres que celle proposée dans ce cas ont été prises; cela empêchait de mentionner le cas du Royaume-Uni dans un paragraphe spécial du rapport.

Un membre gouvernemental de l'Australie a indiqué qu'il n'était pas en faveur de l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial pour les raisons suivantes: la présente commission recherche traditionnellement le consensus. L'approche adoptée dans le présent cas est préoccupante. Son gouvernement a pris note avec intérêt de la discussion et des circonstances particulières et uniques qui entourent ce cas. Il estime qu'il pourrait y avoir infraction à la convention sur le plan technique. Le gouvernement du Royaume-Uni n'a fait aucune démarche pour traiter les questions soulevées par la commission d'experts et n'éprouve apparemment pas le besoin d'en entreprendre. Le gouvernement australien appuie les conclusions de la commission d'experts. Il encourage le gouvernement du Royaume-Uni à entreprendre de nouvelles négociations avec les syndicats en cause afin de chercher à résoudre la question en conformité avec ses obligations au titre de la convention. Cependant, les paragraphes spéciaux n'ont été utilisés dans le passé que dans les cas de violation flagrante des droits de l'homme, circonstances qui ne s'appliquent pas à ce cas. Au stade actuel, un paragraphe spécial constituerait une réponse disproportionnée.

Les membres travailleurs ont déclaré ne pas regretter le résultat du vote en dépit de la tristesse que leur cause le fait de ne pas avoir pu parvenir à un consensus avec le groupe des employeurs, comme c'est le cas normalement. Ils ont souhaité clarifier la signification des paragraphes spéciaux qui ne contiennent pas de jugement. Ces paragraphes ont pour but uniquement d'attirer l'attention sur les problèmes importants qui doivent être soulignés et d'inviter les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travailleurs à s'efforcer de surmonter les difficultés. Ils se sont référé à la conviction du groupe des travailleurs dans l'indépendance, l'impartialité et de l'objectivité de la commission d'experts et à la grande importance qu'ils attachent au Comité de la liberté syndicale. Ils ont déclaré que les normes et le système de contrôle existent tant pour les pays industrialisés que pour les pays en développement; bien que dans les pays industrialisés les problèmes n'aient pas la même dimension que dans les pays pauvres, dès lors qu'il existe des difficultés sérieuses, particulièrement en relation avec les normes fondamentales, telles que la liberté syndicale, les membres travailleurs considèrent que l'attention doit être attirée également sur ces problèmes. Ils ont expliqué qu'ils ont proposé un paragraphe spécial: premièrement, parce qu'ils croient que toutes les possibilités de dialogue et de conciliation à l'intérieur du pays n'ont pas été épuisées; deuxièmement, parce que 13 travailleurs ont été licenciés pendant qu'était en cours une procédure devant le Comité de la liberté syndicale à cause de la fidélité de ces travailleurs à leur organisation syndicale; et troisièmement. pour insister et pour inviter le gouvernement du Royaume-Uni à ne pas fermer la porte et à s'ouvrir à la négociation. Ils se sont déclarés surpris de la faible différence dans le résultat du vote et satisfaits de la solidarité totale du groupe des travailleurs, solidarité qu'ils considèrent d'une importance historique.

Un membre gouvernemental de l'Equateur a expliqué qu'il avait voté avec regret en faveur de l'inscription du Royaume-Uni, dans un paragraphe spécial avec l'espoir que cela inciterait d'autres pays à réfléchir à la tendance qui consiste à singulariser les situations de petits pays, situations qui sont parfois le résultat de pressions politiques extérieures. Il s'est déclaré satisfait qu'un vote démocratique, en relation avec le cas de Royaume-Uni, ait montré que les principes d'équité ne sont pas toujours violés.

Un membre gouvernemental des Etats-Unis d'Amérique a déclaré qu'il était lamentable que la situation se soit à ce point polarisée. Son gouvernement se demande si cette question méritait d'être soumise à un vote. L'oratrice a exprimé l'espoir que la présente commission pourra désormais travailler, de manière positive et constructive, sur la base de la bonne volonté et du consensus. Son gouvernement a voté contre un paragraphe spécial parce que son usage devrait être réservé à des violations persistantes et graves des conventions ratifiées. Le cas du Royaume-Uni ne répond pas à ces critères. Son gouvernement croit fermement en l'application universelle et uniforme des normes de l'OIT sans considération de l'orientation politique et du niveau de développement économique. A son avis, ce vote ne portait pas sur le fait qu'il y aurait ou non des normes différentes, selon les cas, mais en faveur ou contre l'abaissement des normes que la présente commission applique pour décider si un cas doit ou non être mentionné dans un paragraphe spécial. Elle a déclaré que son gouvernement n'était pas disposé à modifier le critère servant à déterminer si un cas doit ou non être inscrit dans un paragraphe spécial. Elle considère qu'un autre cas discuté récemment devant la présente commission ne méritait pas non plus de paragraphe spécial, étant donné que le gouvernement en question avait pris des mesures en vue d'une meilleure application d'une convention ratifiée.

Le membre gouvernemental de la France a déclaré avoir voté "non" pour des raisons tenant essentiellement à la "jurisprudence" de la présente commission. Les pratiques très anciennes de travail de la commission permettent d'avoir une position constante et objective, que les pays soient grands ou petits, industrialisés ou en voie de développement. Conformément à la tradition, le paragraphe spécial doit être appliqué quand un pays présente une double caractéristique: d'abord que le cas ait été examiné depuis longtemps sans progrès et ensuite que le cas présente une très grande gravité largement liée à la violation des droits de l'homme. Il faut remettre chaque examen d'un paragraphe spécial en perspective, c'est-à-dire relativiser et comparer. Il ne semble pas que le cas du Royaume-Uni présentait la double caractéristique d'un paragraphe spécial. L'orateur a exprimé l'espoir qu'on en revienne au consensus, qui est la règle normale de fonctionnement de la présente commission.

Un membre gouvernemental de l'Uruguay, en expliquant son vote en faveur d'un paragraphe spécial. a déclaré qu'il s'est basé sur les faits objectifs décrits dans l'observation de la commission d'experts qui a indiqué que les travailleurs ont été licenciés alors que le Comité de la liberté syndicale était en train d'examiner le cas. En ce sens, son vote constitue un appui au système de contrôle de l'OIT. Il a indiqué que les mêmes critères devraient être appliqués à d'autres cas similaires ou même plus graves examinés par la présente commission.

Un membre gouvernemental des Pays-Bas a déclaré que son gouvernement avait voté "non" parce qu'il considère que la présente commission devrait suivre la procédure habituelle de prises de décisions par consensus.

Un membre gouvernemental de la Tchécoslovaquie, expliquant les raisons pour lesquelles il s'est abstenu pendant le vote, s'est référé à l'avis exprimé antérieurement par son gouvernement, selon lequel de telles questions devraient être décidées par consensus et non par un vote. En outre, son gouvernement est d'avis que des sanctions ne devraient être appliquées qu'en cas de violations graves et répétées des conventions et lorsqu'il y a consensus pour les appliquer. Son gouvernement n'a pas été pleinement convaincu par les arguments avancés et il s'est demandé s'il s'agissait d'une véritable question de principe ou s'il s'agissait plutôt d'une question de désaccord entre le gouvernement du Royaume-Uni et la commission d'experts au sujet de l'interprétation d'une question spécifique couverte par la convention no 87.

Un membre gouvernemental de Bulgarie a expliqué que sa délégation s'est abstenue lors du vote en se fondant sur l'opinion de son gouvernement selon laquelle seul le dialogue devrait être encouragé au sein de la présente commission où les décisions ne devraient être obtenues que par le consensus. Un vote n'est pas un dialogue. Quel que soit son résultat, il ne sert pas la cause de la coopération. L'orateur a souligné qu'on devrait se concentrer sur le dialogue si l'on veut obtenir de meilleurs résultats.

Un membre gouvernemental de la Turquie a souhaité expliquer pourquoi son gouvernement a voté contre. Il a rappelé le mandat de la présente commission, qu'il ne faudrait pas outrepasser; selon lui le maintien d'un équilibre entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, incombe à d'autres organes des Nations Unies qui ont des responsabilités à cet égard. Bien que son gouvernement ait un grand respect pour la commission d'experts et pour son rapport, il ne prend pas ses conclusions comme paroles ayant force de loi. La présente commission est censée se sentir libre d'évaluer pleinement tous les aspects du rapport sans préjuger nullement d'aucune considération sur un pays déterminé.

Un membre gouvernemental du Royaume-Uni a déclare que son gouvernement a voté "non" parce qu'il considère que la demande d'un paragraphe spécial dans ce cas est disproportionnée et qu'elle mine la valeur des sanctions de l'OIT. Cela n'est pas une question Nord-Sud. Il s'agit des règles régissant les pratiques de la présente commission. Les membres travailleurs avaient néanmoins demandé un vote dont l'issue a été soumise au processus démocratique. Les résultats du vote sont maintenant devant la commission. L'orateur a remercié la commission pour sa décision. qui marque un retour au sens des proportions. Son gouvernement a exprimé l'espoir que les membres travailleurs prendront bonne note du résultat.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1988, Publication : 75ème session CIT (1988)

Un représentant gouvernemental a rappelé que ce cas est la conséquence des mesures prises par le gouvernement en 1984 à l'égard du personnel de l'établissement gouvernemental connu sous le nom de Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ). Le GCHQ est un des organes de sécurité et de renseignements dont dépend la sécurité nationale du Royaume-Uni. Les membres du personnel sont tous des civils membres de la fonction publique, et ne sont pas astreints à la discipline militaire. Il est dans l'intérêt de la sécurité nationale que le fonctionnement et les activités du GCHQ soient assurés à tout moment sans interruption ni interférence. Le travail de chaque membre du personnel est d'une importance vitale pour l'efficacité opérationnelle du GCHQ dans son ensemble. La politique des gouvernements qui se sont succédé a été d'encourager l'affiliation du personnel du GCHQ à des syndicats nationaux, de reconnaître ces syndicats et de négocier avec eux. Toutefois, entre 1979 et 1981, des actions revendicatives ont eu lieu au GCHQ à plusieurs reprises et ont coûté 10000 journées de travail. La plupart de ces interruptions résultaient de différends entre le gouvernement et les syndicats nationaux sur les salaires et les conditions de service applicables, de manière générale, aux fonctionnaires. Ces perturbations à la GCHQ étaient coordonnées et encouragées par les syndicats nationaux. Lorsqu'il y avait menace de grève, le GCHQ essayait de dissuader le personnel, par des discussions informelles, de participer à des actions qui affecteraient de manière négative la conduite des opérations. En 1981, les syndicats nationaux ont refusé de collaborer. Le gouvernement était persuadé que de telles perturbations pouvaient réellement porter atteinte à la sécurité nationale, et il a donc décidé que les conditions de service du personnel du GCHQ seraient alignées sur celles du personnel qui accomplit des tâches de sécurité et de renseignements. En janvier 1984, le Premier ministre a donné des directives en application de l'article 4 du décret gouvernemental sur la fonction publique de 1982, prévoyant que les fonctionnaires employés par le GCHQ ne pouvaient adhérer à un syndicat autre qu'une association du personnel du service. Différents droits cou; verts par la législation de protection de l'emploi ont été retirés et le personnel avait le choix entre rester au GCHQ en respectant les nouvelles conditions, ou demander une mutation à d'autres postes appropriés. Cette décision a été prise après un examen long et attentif de tous les aspects, y compris les obligations découlant des conventions de l'OIT et après avoir conclu qu'il n'y avait pas de contravention à ces conventions. Lors des discussions qui ont eu lieu avec les syndicats nationaux, après la décision gouvernementale, ceux-ci ont proposé un accord. Toutefois, le gouvernement a rejeté ces propositions car elles n'étaient pas à même de garantir, qu'aucune difficulté ne surviendrait à l'avenir. Le représentant gouvernemental a en outre rappelé que ces mesures ont été examinées par les tribunaux du Royaume-Uni à trois niveaux distincts et que la décision du gouvernement a été maintenue. La Commission européenne des droits de l'homme a conclu qu'il n'y avait pas de contravention de l'article 11 de la Convention des droits de l'homme. En 1985, le gouvernement a expliqué à la commission de la Conférence de manière détaillée les raisons pour lesquelles ces mesures ne constituaient pas une contravention à la convention no 87. La position du gouvernement se base sur le fait que lorsqu'un gouvernement a ratifié deux conventions internationales du travail portant sur la même question, il convient d'examiner les dispositions des deux conventions au moment de décider si le gouvernement respecte ou non ses obligations. Dans le cas présent, les deux conventions pertinentes sont la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique. Selon l'article 1 (2) de la convention no 151, les garanties concernant la protection du droit d'association appliqué à certains agents de haut niveau ou à des agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel seront fixées par les lois et les règlements nationaux. Il est donc clair que la protection offerte en vertu de l'article 4 de la même convention contre les mesures de discrimination antisyndicale doit être également déterminée par les gouvernements lorsqu'il s'agit d'agents dont les travaux sont de nature confidentielle. Le Royaume-Uni exerce son droit établi en vertu de lois nationales d'émettre des règlements applicables au personne du GCHQ, dans l'intérêt de la sécurité nationale; il a exercé ce droit en respectant la loi. En réponse à la demande de la commission d'experts, le gouvernement a fourni des renseignements régulièrement sur l'évolution de la situation, mais il n'y a eu aucun changement récent en ce qui concerne ce cas.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a rappelé que la présente commission est saisie de ce cas depuis fort longtemps. Il a souligné que toute violation de la convention no 87 constitue une violation grave pour tous les travailleurs du monde. Cette question est particulièrement sérieuse car si un tel problème ne peut être résolu dans un pays avancé économiquement et qui est un des berceaux historiques du syndicalisme dans le monde, quel espoir peut-il y avoir pour les travailleurs des pays moins développés à régime dictatorial et militaire ou qui vivent sous la loi martiale. Il souligne la difficulté de poursuivre un dialogue au sein de la présente commission avec un gouvernement qui écoute mais qui n'a aucunement l'intention de se soumettre aux demandes formulées par la commission d'experts et par le Comité de la liberté syndicale. Il est d'avis que le gouvernement parle comme s'il avait le droit de son côté et que, année après année, la commission d'experts et la commission de la Conférence ont eu tout à fait tort. L'on ne peut prêcher les droits de l'homme pour le reste du monde sans accepter pour le Royaume-Uni les mêmes droits de l'homme incorporés dans la convention no 87. En ce qui concerne l'historique de ce cas, il a rappelé qu'un groupe de fonctionnaires engagés, il est vrai, pour effectuer un travail de nature confidentielle au GCHQ était affilié pendant plus d'un quart de siècle à des syndicats reconnus nationalement. Ils n'ont constaté aucun conflit d'intérêts entre leur travail et leur affiliation aux syndicats, et les syndicats n'ont en aucune peine à négocier en leur nom. En effet, les dirigeants syndicaux ont pu obtenir l'autorisation d'examiner une partie du travail afin de s'assurer que l'on attribuait un grade et un salaire adéquats aux postes et que les membres du personnel jouissaient pleinement de leurs droits syndicaux. Quand ils ont été reconnus pour la première fois le gouvernement n'a jamais suggéré à ce moment-là qu'ils devraient accepter une clause antigrève. Les grèves qui ont eu lieu ont résulté du retrait unilatéral de la part du gouvernement d'un accord salarial datant de 25 ans; cette mesure a provoqué toute une série de grèves d'une journée dans la plupart des départements administratifs, ainsi qu'un avertissement de la part du personnel du GCHQ quant à leur participation à cette action. Quelques années après ces événements, le gouvernement a retiré aux syndicats nationaux le droit d'organiser les travailleurs au sein du GCHQ. En même temps, le gouvernement a offert 1000 livres sterling aux fonctionnaires qui renonceraient à leurs droits syndicaux. Si les fonctionnaires décidaient de maintenir leur adhésion aux syndicats, ils étaient menacés de renvoi ou de mutation dans une autre région du pays où leur qualification spécifique ne serait plus utilisée. Les fonctionnaires qui ont maintenu leur adhésion aux syndicats se sont vu retirer des droits et ont subi une discrimination. L'association du personnel de la compagnie, ou maisons, qui a été créée n'avait pas le droit d'avoir des contacts avec un autre syndicat ou un autre centre national. Tous sont d'avis que la convention no 87 est la pierre angulaire des activités normatives. Dans ce cas, il y a violation délibérée et consciente de la convention. Le problème de la relation entre ce cas et la convention no 151 a en fait été examiné par la commission d'experts qui a rejeté l'argument du gouvernement. L'on ne peut en aucun cas dire que la convention no 151 annule la convention no 87 qui s'applique aux fonctionnaires du GCHQ, car l'article 9 ne prévoit d'exception que pour les forces armées et la police. Dans son 235e rapport, le Comité de la liberté syndicale a déclaré dans ses recommandations que des mesures devraient être prises par le gouvernement en vue de poursuivre les négociations avec les syndicats des fonctionnaires concernés, dans l'optique de restaurer à ces travailleurs les droits d'association qui leur sont garantis par la convention no 87. Cette demande est une demande simple qui exige une réponse simple que la commission n'a pas encore reçue. L'orateur a donc prié le représentant gouvernemental de déclarer si son gouvernement lui a conféré l'autorité de décider d'engager des discussions de toute urgence. S'il n'a pas reçu une telle autorisation, l'orateur a été d'avis que le gouvernement du Royaume-Uni n'avais aucunement l'intention de respecter ses engagements en vertu de la convention no 87 et qu'ainsi ce gouvernement refuse une demande formulée par le Comité de la liberté syndicale et par la commission d'experts. Un paragraphe spécial a été appliqué à des cas semblables et si le représentant gouvernemental ne peut fournir d'autres assurances, il y a lieu d'envisager une telle mesure; dans le cas contraire, l'on pourrait accuser la présente commission de discrimination.

Les membres employeurs ont noté qu'il est difficile de suivre tous les détails et les positions prises tout au long de ce différend qui oppose le gouvernement aux travailleurs du Royaume-Uni. Il est souhaité que les deux parties trouvent une solution interne à ce problème car les employeurs ne peuvent apporter leur contribution. Le gouvernement a déclaré que le GCHQ fait partie de la sécurité militaire et que c'est la raison pour laquelle la convention no 87 ne s'applique pas. En ce qui concerne la relation entre les conventions no 87 et 151, la commission d'experts a déjà formulé des observations à ce sujet. Il était précédemment apparu qu'une solution avait été trouvée, mais cela s'était avéré inexact. La commission d'experts a demandé au gouvernement de la tenir informée de toute évolution et ils déclarent ne pas douter que le gouvernement le fera. Toutefois, aucun élément de fait nouveau n'a été constaté dans ce cas difficile.

Les membres travailleurs ont ajouté que tous les arguments présentés par le représentant gouvernemental ont déjà été présentés à la commission d'experts qui a expressément conclu que la convention no 87 accorde le droit d'association et ne fait aucune exception, sauf pour les membres des forces armées et de la police. Aucune exception n'est prévue pour des employés qui accomplissent un travail de nature confidentielle, quelle que soit l'importance de leur tâche. En ce qui concerne la relation entre la convention no 151 et la convention no 87, la commission d'experts a conclu que cette dernière garantit à tous les travailleurs, y compris à tous les fonctionnaires, le droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier. Les exceptions prévues ne sont donc pas applicables au cas présent. Par ailleurs, la commission d'experts s'associe à la décision approuvée par le Conseil d'administration au sujet du cas no 1261 du Comité de la liberté syndicale. La commission d'experts a fait référence à la recommandation sur ce cas et l'a faite sienne, appelant toutes les parties à entamer des négociations avec les syndicats représentant les fonctionnaires concernés.

Le représentant gouvernemental a déclaré que son pays a toujours eu - et il espère qu'il aura toujours - une confiance totale en l'intégrité du système de contrôle de l'OIT et qu'il a toujours essayé d'y participer pleinement. Mais tout système est composé d'individus qui sont des êtres humains et, sur ce point particulier, il estime que la commission d'experts a tort. Son gouvernement respecte leur opinion mais son point de vue est diffèrent de celui de la commission d'experts. Le Royaume-Uni ne peut accepter que la convention no 87 puisse ou doive être examinée séparément des conventions nos 98 et 151. Il est parfaitement clair lorsque l'on examine le préambule de la convention no 151 que celle-ci a été adoptée en tenant compte des deux précédentes conventions. La convention no 87 ne devrait pas continuer à être applicable aux fonctionnaires publics quand elle serait incompatible avec le but de la convention no 151 qui est plus spécifique. L'article 1 (2) de la convention no 151 signifie qu'il appartient aux gouvernements de déterminer dans quelle mesure les garanties fournies par la convention sont applicables aux fonctionnaires qui accomplissent des travaux de nature hautement confidentielle. La Cour d'appel du Royaume-Uni a statué spécifiquement que l'article 1 (2) de la convention no 151 prime la convention no 87. Cette décision va à l'encontre de décisions prises précédemment par le Comité de la liberté syndicale. La commission d'experts a noté ailleurs que, lors d'un examen de ces questions, l'interprétation de ces conventions suscite des difficultés et que la Cour internationale de Justice pourrait, de manière plus appropriée, être appelée à fournir un avis. La commission d'experts reconnaît donc que l'interprétation des conventions par le Comité de la liberté syndicale n'est pas la seule possible et qu'elle n'est pas nécessairement définitive. Dans son rapport de 1985, la commission d'experts a fait référence spécifiquement aux recommandations du Comité de la liberté syndicale. Le représentant gouvernemental note que la commission d'experts a fait sien le point de vue selon lequel, s'il y avait eu des négociations appropriées avec les syndicats, le gouvernement aurait pu atteindre son but déclaré, à savoir d'assurer la continuité des opérations du GCHQ dans un climat favorable à des relations professionnelles harmonieuses et sans que l'on puisse douter de la conformité des mesures du gouvernement avec les conventions de l'OIT. Le rapport de la commission d'experts a attiré l'attention sur les limitations qui peuvent être, en conformité avec les principes de l'OIT, apportées aux droits des agents publics de s'organiser ainsi qu'aux moyens d'action dont ils disposent. Le gouvernement prend note de cette proposition utile et constructive émanant de la commission d'experts. Il a examiné sérieusement la possibilité d'arriver à une solution du problème posé au GCHQ par le biais de nouvelles négociations et il a décidé qu'elles ne seraient d'aucune utilité. Cette position a été renforcée après le refus par les syndicats de conclure un accord antigrève. Le représentant gouvernemental a conclu en déclarant qu'une attention particulière avait été accordée aux observations du Comité de la liberté syndicale et du rapport présenté en 1988 par la commission d'experts mais que son gouvernement maintenait fermement et avec regret que d'autres négociations avec les syndicats seraient inutiles.

Le membre travailleur de l'Argentine a noté que ce problème a déjà fait l'objet d'une discussion approfondie par l'organe jouissant de la plus haute considération dans l'Organisation, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration. La situation a été analysée et le comité est parvenu à des conclusions qui ont fait l'objet d'un suivi par la commission d'experts. Ce cas concerne un gouvernement qui, après avoir négocié collectivement pendant de nombreuses années, a décidé un jour de changer tout le système et d'empêcher les membres du personnel de jouir de leurs droits syndicaux. Le représentant gouvernemental du Royaume-Uni a clairement indiqué que son gouvernement n'est pas prêt d'accepter une conclusion autre que sa propre interprétation. Les travailleurs au Royaume-Uni bénéficient de la protection garantie par la convention no 87. La convention no 151 est destinée à protéger le droit d'association des agents publics qui ne sont pas couverts par la convention no 87. Le gouvernement du Royaume-Uni essaie d'appliquer une clause restrictive contenue dans la convention no 151 aux droits acquis par les travailleurs en vertu de la convention no 87. Il a déploré la position prise par les membres employeurs, à savoir qu'une solution devrait être trouvée à ce problème au niveau interne et qu'ils n'étaient pas en mesure d'y apporter une contribution. Si cette position était prise à chaque fois que la question des fonctionnaires était soulevée, le système de contrôle tripartite de l'OIT ne pourrait plus fonctionner.

Les membres travailleurs ont noté que le représentant gouvernemental avait déclaré que son gouvernement était en net désaccord avec la commission d'experts en ce qui concerne ce cas. Il n'existe donc aucun autre recours que de souligner l'importance de ce cas qui présente de grandes difficultés dans un paragraphe spécial du rapport.

Le membre travailleur de l'Autriche a rappelé, en tant que membre du Comité de la liberté syndicale, que ce comité, avec l'appui du Conseil d'administration, avait demandé au gouvernement depuis trois ans d'entamer des négociations avec les syndicats sur les problèmes du GCHQ et de la convention no 87. Dès le départ, le gouvernement avait douté de l'applicabilité de la convention no 87 par rapport à la convention no 151, et le Comité de la liberté syndicale avait demandé à la commission d'experts de jeter plus de lumière sur cette question; le rapport de la commission d'experts présente ce problème très clairement. La présente commission ne peut poursuivre le dialogue ou s'attendre à des progrès sur ce cas lorsque le représentant gouvernemental déclare que les avis du Comité de la liberté syndicale et de la commission d'experts sont erronés. Il convient d'appliquer la procédure du paragraphe spécial à ce cas.

Le membre travailleur de l'Espagne a constaté qu'aucune solution nationale devrait être en contradiction avec les normes exprimées clairement dans la convention. La convention no 87 accorde aux fonctionnaires le droit de créer et de s'affilier à des syndicats. Dans le cas qui préoccupe la commission, une interprétation plutôt douteuse en relation avec un critère tout aussi douteux, tel que la sécurité nationale, est appliquée au niveau national, comme cela se fait dans les pays privés de démocratie. Le Comité de la liberté syndicale a déclaré clairement que les agents de la fonction publique ont le droit de jouir de la liberté syndicale même si certaines restrictions en ce qui concerne le droit de grève peuvent exister. Même s'il veut limiter le droit de grève, le gouvernement ne peut supprimer la liberté syndicale comme l'a fait le gouvernement du Royaume-Uni. La convention no 87 interdit expressément ce type d'ingérence et les conclusions de la présente commission devraient être soit que le représentant gouvernemental devrait accepter des négociations, comme cela a été proposé par le membre travailleur du Royaume-Uni, soit que la commission adopte un paragraphe spécial.

Les membres employeurs ont déclaré s'abstenir sur la proposition d'inclure ces conclusions dans un paragraphe spécial. Ils ont déclaré que leur opinion diverge de celle des membres travailleurs en ce qui concerne cette proposition et que parfois d'aussi petites divergences ont une incidence sur la procédure à suivre, comme la commission le verra peut-être l'année prochaine.

Les membres travailleurs ont regretté vivement la décision des membres employeurs de s'abstenir. Le fait de ne pas mentionner ce cas dans un paragraphe spécial risquait de donner l'impression fâcheuse de deux normes applicables, l'une pour les pays moins développés et l'autre pour les pays européens riches. Ils ne voyaient aucun intérêt à ce que la commission vote sur leur proposition.

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental ainsi que des discussions détaillées qui ont eu lieu au sein de la présente commission. La commission a noté avec préoccupation que, malgré la longue période de temps qui s'est écoulée, aucune mesure n'a été prise pour appliquer pleinement le droit à la liberté syndicale des travailleurs, sans distinction aucune comme prévu par la convention. La commission a exprimé le ferme espoir que des discussions seront engagées très rapidement entre le gouvernement et les syndicats concernés afin de trouver des solutions à la situation législative et de fait qui existe. La commission a voulu croire que le prochain rapport du gouvernement à la commission d'experts contiendra des informations sur une évolution positive de la situation.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1987, Publication : 73ème session CIT (1987)

Un représentant gouvernemental a rappelé que lorsque la position du personnel du Centre gouvernemental des communications (GCHQ) a été discutée par la commission en 1985, le représentant gouvernemental a exposé en détail les raisons pour lesquelles le gouvernement estimait que les mesures prises en ce qui concerne le GCHQ étaient conformes à ses obligations au titre des conventions nos 87 et 151, lesquelles ont un rapport étroit. Depuis cette discussion, les questions évoquées à propos de ce cas ont été examinées périodiquement par le Comité de la liberté syndicale. Le représentant gouvernemental souhaite attirer l'attention de la commission sur certains faits très importants qui n'ont pas été mentionnés par la commission d'experts et qui ont résulté d'une action entamée par une organisation représentant des affiliés du Congrès des syndicats (TUC), lequel est à l'origine des plaintes élevées devant le Comité de la liberté syndicale et des observations soumises à la commission d'experts.

En 1985, cette organisation, le Conseil des syndicats de la fonction publique et certains plaignants individuels, actuellement ou anciennement employés au GCHQ, ont porté plainte devant la Commission européenne des droits de l'homme, affirmant que les mesures prises par le gouvernement en ce qui concerne le GCHQ étaient incompatibles avec ses obligations en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit notamment la liberté d'association. A l'issue de son examen, la commission a conclu en janvier 1986 que la plainte n'était pas recevable. Cette décision, toutefois, n'a pas mis un terme à l'affaire, étant donné que la commission est également saisie d'une plainte déposée au nom de deux membres individuels du personnel du GCHQ, qui porte sur les mêmes points. Le gouvernement sera en mesure de répondre aux observations qui lui ont été adressées par la commission d'experts lorsque la Commission européenne des droits de l'homme aura statué sur la plainte et il espère pouvoir fournir cette réponse à temps pour la session du Comité de la liberté syndicale, qui aura lieu en novembre prochain.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré qu'étant donné que la question examinée fait également l'objet d'une procédure engagée ailleurs, il pourrait être utile qu'à un moment donné, le BIT fournisse des avis sur la façon dont cette question pourrait continuer à être traitée. Pour le mouvement syndical britannique cependant, il est clair que, quoi qu'il arrive ailleurs, ce cas doit continuer à être examiné par la commission d'experts et par la Commission de la Conférence. Les faits les plus saillants se sont produits lors des grèves nationales de 1981, quand le personnel du GCHQ s'est joint à la grève pendant un jour ou deux en signe de solidarité. La sécurité du pays n'a pas été compromise et il n'y a pas eu de réels dommages. En représailles, deux ou trois ans plus tard, ils ont été privés du droit de choisir leur propre syndicat. On leur a offert 1000 livres sterling pour renoncer à leurs droits, l'alternative étant le renvoi ou le transfert obligatoire dans une autre partie du pays. En fait, Certains avaient déjà été licenciés ou mis en retraite anticipée, et d'autres avaient été soumis à de nombreuses vexations. La majorité du personnel s'est en fait laissé acheter. Il n'y a pas eu de violence certes, mais ce n'est pas une raison pour que la commission ne relève pas la violation de la convention.

Certains employés ont eu le courage de rester affiliés au syndicat et d'autres sont même devenus membres, précisément parce que les rapports de la commission d'experts et les discussions à la Conférence leur avaient donné du courage. Pour cette raison, les observations de la commission sur le rapport de la commission d'experts doivent noter que le gouvernement continue à ne pas respecter les dispositions de la convention. Le dialogue entre le Syndicat de la fonction publique et le gouvernement, recommandé par la commission d'experts, n'a toujours pas été engagé. Il est donc très important de noter qu'il y a eu violation de la convention et que cette violation continue. Quelle que soit la décision de la Commission européenne des droits de l'homme, la commission d'experts en sera vraisemblablement informée et il serait peut sage de s'en remettre à elle pour cette question. La commission d'experts pourrait ensuite faire rapport à la Commission de la Conférence en 1988. Il est toutefois important de préciser qu'il n'est pas question de laisser ce cas tomber dans l'oubli.

Les membres employeurs ont déclaré que dans le cas considéré il était très difficile sur le plan légal de faire une différence entre la convention no 87 et la convention no 151. D'après la convention no 151, un gouvernement peut fixer les conditions dans lesquelles s'exerce le droit d'association des employés qui ont des fonctions de caractère confidentiel. Le cas considéré entre peut-être dans cette catégorie, bien que cela ait été contesté. Le rapport de la commission d'experts indique que, dans la pratique, il y a parfois eu des négociations et un certain degré d'accord. Toutefois, tous les problèmes n'ont pas encore été réglés et les syndicats veulent une décision définitive. La décision qui sera prise au sujet de la plainte dont se trouve saisie la Commission européenne des droits de l'homme devrait avoir de l'importance pour ce cas. Il s'agit d'une situation extrêmement compliquée et la commission d'experts devra l'examiner à nouveau à la lumière de renseignements complémentaires.

Les membres travailleurs ont indiqué qu'ils n'étaient pas d'accord pour que l'examen de ce cas soit renvoyé à l'année suivante. La commission d'experts a exprimé l'espoir que des mesures seront prises, comme elle l'a suggéré, pour que le gouvernement et les syndicats de la fonction publique intéressés engagent des négociations en vue de parvenir à un accord permettant de respecter pleinement les obligations découlant de la convention. La Commission de la Conférence doit noter avec regret qu'aucune Mesure de ce genre n'a encore été prise par le gouvernement. Si l'examen de ce cas est repoussé jusqu'à l'année suivante, la commission d'experts devra à nouveau faire les mêmes commentaires. Il faut espérer que le gouvernement et les syndicats examineront ensemble la manière de répondre à la demande faite par la commission d'experts. Quoi qu'il en soit, une distinction doit être faite entre la liberté d'association et le droit de grève.

Le représentant gouvernemental a noté que la Commission européenne des droits de l'homme statuerait prochainement sur la plainte dont elle a été saisie. Il s'est déclaré persuadé que le gouvernement présentera un rapport complet au Comité de la liberté syndicale à sa session de novembre.

La commission a pris note des informations et des explications fournies par le représentant gouvernemental. Elle a demandé une fois encore au gouvernement d'examiner avec la plus grande attention les commentaires faits par la commission d'experts et de faire de nouveaux efforts pour trouver des solutions aux problèmes rencontrés dans l'application de la convention, en consultations avec les partenaires sociaux. La commission a en outre demandé au gouvernement de répondre aux commentaires en suspens du TUC et de signaler tous progrès réalisés à cet égard.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats (TUC), reçues le 8 septembre et le 20 octobre 2023, qui traitent principalement des questions soulevées dans son observation. La commission note toutefois que ni la TUC ni le gouvernement ne traitent spécifiquement des questions soulevées dans sa précédente demande directe. Étant donné que les questions soulevées dans son observation sont susceptibles d’avoir un impact sur les questions exposées ci-dessous, la commission rappelle son commentaire précédent et prie le gouvernement de répondre de manière complète dans son prochain rapport.
Article 3 de la convention. Retour des travailleurs à leur poste à la suite d’une action revendicative légale. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement de revoir la loi sur les syndicats de 2016, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, afin de renforcer la protection dont bénéficient les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et légalement organisée. La commission prend note de l’indication de la TUC selon laquelle il n’a pas été consulté sur la question alors qu’il est l’organisation la plus représentative. La TUC réitère sa préoccupation quant au fait que la protection des membres de syndicats qui ont recours à une action revendicative légale ne s’étend que sur 12 semaines, sans garantie de réintégration et sans interdiction d’embaucher des travailleurs de remplacement. La TUC ajoute qu’en juillet 2022, le gouvernement a mis fin à l’interdiction de fournir des travailleurs par l’intermédiaire d’agences d’emploi en tant que remplaçants temporaires ou permanents de travailleurs en grève, un changement auquel les partenaires sociaux se sont opposés. La commission note avec regret que le gouvernement réitère sa position antérieure selon laquelle les mesures existantes pour protéger les travailleurs en grève sont suffisantes. Le gouvernement explique qu’un système juridique équilibré ne peut pas garantir que les travailleurs en grève ne soient en aucun cas licenciés pour avoir mené une action revendicative, étant donné qu’une action syndicale prolongée menace l’existence des entreprises et les moyens de subsistance des employés non-grévistes. La commission rappelle une fois encore que le fait de rendre le retour au travail tributaire de certains délais et du consentement de l’employeur constitue un obstacle à l’exercice effectif du droit de grève, qui est un moyen essentiel pour les travailleurs de promouvoir et défendre leurs intérêts. La commission prie donc instamment le gouvernement de revoir la législation en question, en pleine consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, en vue de renforcer la protection offerte aux travailleurs qui organisent une action revendicative officielle et légalement organisée, et de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Règles de procédure à respecter pour les actions collectives. La commission avait précédemment prié le gouvernement de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, les articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats relatifs aux délais et à la durée des actions revendicatives. La TUC réaffirme que la loi altère la capacité des syndicats à mener une action revendicative efficace, étant donné que les syndicats sont tenus de donner un préavis de sept jours en plus de la période de préavis avant d’organiser un scrutin par voie postale, alors que la validité du scrutin pour l’action revendicative expire au bout de six mois, quelle que soit l’issue du conflit. La commission prend note des indications de la TUC concernant les exigences procédurales supplémentaires suivantes proposées par le ministre: que les bulletins de vote spécifient à la fois la raison de l’action revendicative et la forme d’action à entreprendre; que les employeurs aient le droit de répondre aux questions citées sur le bulletin de vote avant l’annonce des dates de la grève; que des bulletins de vote distincts soient établis pour chaque épisode unique et continu de grève; qu’une période de réflexion soit établie après chaque grève, d’une durée pouvant aller jusqu’à 60 jours; et que la période minimale de préavis pour l’action revendicative soit portée de deux à quatre semaines. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle la révision sera effectuée ultérieurement, en consultation avec les partenaires sociaux, la commission observe avec regret que le gouvernement ne fournit aucun calendrier précis pour cette révision. Rappelant que les travailleurs et leurs organisations devraient pouvoir appeler à la grève pour une période indéfinie s’ils le souhaitent, la commission prie instamment le gouvernement de procéder sans plus tarder à la révision des articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations sur l’évolution de la situation à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note des observations formulées par le Congrès des syndicats (TUC), reçues le 8 septembre et le 20 octobre 2023, qui font référence aux questions examinées ci-dessous par la commission.

Suivi des conclusions de la Commission de l ’ application des normes (111 e   session de la Conférence internationale du Travail, juin 2023)

La commission prend note de la discussion sur l’application de la convention qui s’est tenue au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2023. Dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a noté le caractère central du dialogue social pour la liberté syndicale et par conséquent, pour l’application efficace de la convention. Tenant compte de la discussion sur le cas, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement de fournir des informations et de faciliter le dialogue entre et avec les partenaires sociaux en vue de: i) faire rapport sur les résultats de l’Enquête de 2015 sur les opérations policières secrètes et des allégations de 2018 du TUC concernant la surveillance des syndicats et des syndicalistes; ii) garantir que la législation actuelle et future soit conforme à la convention; iii) limiter et définir les pouvoirs d’investigation de l’autorité chargée de l’enregistrement afin de garantir que ces pouvoirs n’interfèrent pas avec l’autonomie et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d’employeurs; iv) faciliter le vote électronique; et v) renforcer les consultations avec les partenaires sociaux à propos de la législation qui les concerne. La Commission de la Conférence a invité le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau et l’a prié de fournir des informations sur les progrès réalisés à toutes les questions susmentionnées au plus tard le 1er septembre 2023.
La commission note également que le Comité de la liberté syndicale lui a renvoyé les aspects législatifs du cas no 3432 (404e rapport du Comité, octobre-novembre 2023, paragraphes 610-651). La commission prend bonne note des recommandations du Comité de la liberté syndicale et espère que, comme demandé, le gouvernement fournira des informations sur les mesures visant à traiter les questions soulevées dans ce cas et sur les résultats obtenus avec son prochain rapport.
Résultats provisoires de l’enquête sur la police sous couverture de 2015. La commission rappelle que son commentaire précédent concernait les allégations relatives à la surveillance policière des syndicats et des syndicalistes soumises par le TUC en 2018 et la réponse du gouvernement relative à l’Enquête sur les opérations policières secrètes (la Undercover Policing Inquiry, UCPI) établie en 2015. La commission note la plus récente indication du gouvernement selon laquelle le rapport intérimaire de la UCPI, qui traite de questions historiques, a été publié le 29 juin. La commission s’attend à ce qu’un rapport final et d’éventuelles recommandations soient publiés dans un avenir très proche et prie le gouvernement fournir des informations à cet égard.
Article 3 de la convention.Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes.Vote électronique. La commission rappelle qu’elle prie depuis plusieurs années le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour faciliter le vote électronique (e-balloting) pour les scrutins d’action syndicale, y compris en ce qui concerne les projets pilotes de vote électronique recommandés dans l’examen mené en 2017. La commission regrette de constater que le gouvernement n’a fourni aucune information sur les progrès réalisés à cet égard, tandis que le TUC indique qu’il est toujours interdit aux syndicats d’utiliser le vote électronique pour les scrutins réglementaires comme ceux portant sur les positions dirigeantes des syndicats ou sur les actions syndicales, et donne un exemple où cela a posé un problème en raison d’un seuil de participation de 50 pour cent manqué de peu lors d’un scrutin sur l’action syndicale alors que le vote coïncidait avec des perturbations des services postaux. À l’instar de la Commission de la Conférence, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre des mesures pour faciliter le vote électronique sans délai supplémentaire et de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard dans son prochain rapport.
Législation sur le service minimum. La commission prend note de la discussion détaillée au sein de la Commission de la Conférence en ce qui concerne le projet de loi sur le service minimum. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le projet de loi a été adopté par le Parlement et a reçu la sanction royale (Strikes (Minimum Service Levels) Act 2023, ci-après la loi sur les grèves). Le gouvernement explique que, pour le reste de l’année, il se concentrera sur la finalisation des règlements fixant les détails des niveaux de service minimum dans un certain nombre de domaines prioritaires, tout en cherchant à garantir que la mise en œuvre de la législation est conforme à toutes ses obligations internationales. Le gouvernement ajoute qu’il s’engagera pleinement avec les partenaires sociaux, les syndicats et les groupes d’employeurs britanniques lors de toute révision de la loi sur les syndicats afin de s’assurer qu’elle tient compte de tous les éléments de preuve qu’ils souhaitent porter à son attention. La commission prend toutefois note des avis très détaillés du TUC concernant cette législation qui, selon le TUC, exige des niveaux de service minimum inacceptables en plus des lois anti-grève hautement restrictives déjà en place. À cet égard, le TUC fait référence au fait que la liste des secteurs dans lesquels un service minimum peut être imposé est en grande partie la même que celle créée en vertu de la loi sur les syndicats de 2016, qui a déjà fait l’objet de commentaires de la part de la commission. En outre, la loi sur les grèves de 2023 définit le secteur de l’éducation de manière encore plus détaillée. Le TUC allègue que la loi: i) accorde un large pouvoir au secrétaire d’État pour déterminer la portée de ces services sans aucune orientation du Parlement; ii) autorise les employeurs à émettre des avis de travail (work notices) à un syndicat en relation avec une grève lorsque les règlements sur le service minimum s’appliquent et; iii) impose aux syndicats l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que les membres du syndicat qui sont identifiés dans un avis de travail respectent ses conditions, le tout d’une manière contraire à la convention. La commission note que certains des services énoncés dans la loi peuvent être considérés comme des services essentiels au sens strict du terme, pour lesquels l’action syndicale peut être limitée, voire interdite. La commission rappelle toutefois que les «services d’éducation» et les «services de transport», également inclus dans la liste, ont fait l’objet de préoccupations qu’elle a exprimées dans une précédente observation (2019) dans le cadre des restrictions imposées aux bulletins de grève dans la loi sur les syndicats de 2016.
La commission observe que le secrétaire d’État est en train de rédiger les règlements relatifs à l’adoption de la loi sur les grèves. Selon le TUC, les consultations menées par le gouvernement sur l’introduction de niveaux de service minimum dans les services d’ambulance, les services d’incendie, le transport ferroviaire de passagers et la sécurité aux frontières étaient extrêmement peu détaillées, ne donnant aucune indication sur la manière dont le niveau de service minimum envisagé serait structuré ou appliqué et sur le niveau probable de personnel requis. En ce qui concerne les avis de travail à émettre par l’employeur, le TUC affirme que s’il existe une obligation de consulter le syndicat sur le nombre de personnes à identifier et le travail à spécifier dans l’avis de travail, il n’y a aucune obligation de trouver un accord avec le syndicat sur les niveaux de service minimum, ou d’introduire un avis de travail seulement après qu’un accord a été obtenu. Un projet de guide non réglementaire pour les employeurs, les syndicats et les travailleurs, publié par le gouvernement le 24 août 2023, indique clairement que l’employeur n’a pas besoin de se mettre d’accord avec le syndicat sur le nombre de travailleurs et le travail dans le cadre de l’avis de travail dans le cadre de cette consultation. Cela est d’autant plus préoccupant que la loi retire expressément la protection juridique contre le licenciement abusif en cas de non-respect de l’ordre de travail et prévoit que le syndicat doit prendre «des mesures raisonnables pour s’assurer que tous les membres du syndicat identifiés dans l’ordre de travail se conforment à l’ordre». Enfin, le TUC allègue que le gouvernement a publié son document de consultation sur un projet de code réglementaire relatif aux «mesures raisonnables» exigées du syndicat lorsqu’un ordre de travail a été émis, outrepassant ainsi la législation. Le TUC affirme que le document de consultation cherche à imposer une série d’exigences supplémentaires aux syndicats, ce qui pourrait avoir des conséquences totalement disproportionnées telles qu’une injonction pour l’ensemble de la grève, des dommages-intérêts importants, la perte de la protection contre le licenciement abusif pour tous les travailleurs participants et une éventuelle responsabilité juridique pour le syndicat.
La commission prend note de ces développements avec une profonde préoccupation. Elle est particulièrement préoccupée par l’application potentiellement étendue d’une série de nouvelles restrictions imposées aux travailleurs et à leurs organisations lorsqu’ils envisagent des actions syndicales dans les secteurs des transports et de l’éducation, et par les conséquences considérables qui en découlent pour eux. Tout en rappelant que, dans ses commentaires précédents, elle avait indiqué qu’il pourrait être recouru à des services minimaux négociés pour les transports et l’éducation, selon le cas, la commission doit néanmoins rappeler qu’un service minimum doit répondre à au moins deux exigences: i) il doit s’agir effectivement et exclusivement d’un service minimum, c’est-à-dire limité aux opérations strictement nécessaires pour que la satisfaction des besoins de base de la population ou des exigences minima du service soit assurée, tout en maintenant l’efficacité des moyens de pression; et ii) étant donné que ce système limite l’un des moyens de pression essentiels dont disposent les travailleurs pour défendre leurs intérêts, leurs organisations devraient pouvoir, si elles le souhaitent, participer à la définition de ce service tout comme les employeurs et les pouvoirs publics. Par ailleurs, tout désaccord sur les services minima devrait être résolu non pas par les autorités gouvernementales mais par un organisme paritaire ou indépendant ayant la confiance des parties (Étude d’ensemble sur les conventions fondamentales 2012, paragr. 137 et 138). La commission observe que, dans son état actuel, la loi sur les grèves ne garantit aucun de ces éléments. La commission s’attend à ce que, lors de l’élaboration de ses règlements et autres orientations, y compris les codes de pratique, le gouvernement veille à ce que tout service minimum imposé à l’action syndicale dans les secteurs des transports et de l’éducation soit effectivement minimum, garantisse la participation des partenaires sociaux à sa détermination et, lorsqu’aucun accord n’est conclu, et soit déterminé par un organe indépendant qui a la confiance des parties. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur tout fait nouveau visant à garantir que la législation est pleinement conforme à la convention et sur les mesures prises pour garantir que les partenaires sociaux soient pleinement consultés tout au long du processus.
Exigence relative au scrutin de grève. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié instamment le gouvernement de revoir sans plus tarder avec les partenaires sociaux l’article 3 de la loi sur les syndicats de 2016 afin de garantir que l’exigence de l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs pour un scrutin de grève ne s’appliquaient pas aux secteurs de l’éducation et des transports. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il a l’intention de s’engager pleinement avec les partenaires sociaux, les syndicats et les groupes d’employeurs du Royaume-Uni lors de toute révision de la loi sur les syndicats. En ce qui concerne le caractère central du dialogue social mentionné par la Commission de l’application des normes, le gouvernement déclare que, bien qu’il y ait déjà des réunions régulières, au niveau ministériel et officiel, avec les syndicats et les organismes représentant les employeurs, il admet qu’il pourrait être utile de les structurer davantage et de veiller à ce qu’il y ait davantage d’occasions de discussions véritablement tripartites. Le gouvernement déclare qu’il discutera des approches possibles avec ses partenaires sociaux au cours des prochains mois en vue d’informer la Commission de la Conférence l’année prochaine sur la manière dont il répond au retour d’information dans ce domaine. La commission veut croire que ces discussions permettront d’améliorer les consultations avec les partenaires sociaux, notamment en ce qui concerne l’article 3 de la loi sur les syndicats. Notant que les secteurs de l’éducation et des transports sont désormais limités à la fois par les exigences de cet article et par celles qui doivent être réglementées en ce qui concerne les services minima, la commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs ne soit plus requis pour un scrutin de grève dans ces services.
Listes noires. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié au gouvernement de fournir des informations sur la pratique consistant à notifier à la police l’identité des militants ou à inscrire sur des listes noires les personnes participant à des piquets de grève légaux. Tout en notant que le gouvernement réitère ses informations précédentes à cet égard, la commission exprime sa préoccupation quant aux allégations supplémentaires concernant l’impact potentiel de la loi sur les grèves qui affaiblit encore la protection contre les listes noires. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur la pratique consistant à notifier à la police l’identité des militants; les détails de toute plainte concernant le traitement de cette information ou son impact sur l’action syndicale légale ou le piquet de grève légal, y compris toute plainte déposée à cet égard, ainsi que tout plan visant à améliorer la protection.
Le rôle de l’autorité chargée de l’enregistrement. La commission avait en outre prié le gouvernement d’examiner l’impact des articles 16 à 20 de la loi sur les syndicats avec les partenaires sociaux afin de s’assurer que l’élargissement du rôle de l’autorité chargée de l’enregistrement n’interfère pas avec les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs au titre de l’article 3 de la convention. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il s’engage à réexaminer la loi sur les syndicats de 2016 et la législation secondaire associée, et elle examinera cette question plus en détail dans le cadre de ce réexamen. La commission rappelle les préoccupations du TUC selon lesquelles les modifications des pouvoirs du responsable de la certification mises en œuvre en 2022 accordent à ce dernier un pouvoir discrétionnaire excessif alors que le seuil d’exercice de ces pouvoirs est extrêmement bas. En outre, la portée de ces pouvoirs est incertaine et des sanctions financières indûment élevées peuvent être imposées en cas d’infraction à la loi. Bien que le TUC informe que le responsable de la certification a déclaré qu’il n’avait trouvé aucune raison d’utiliser ces nouveaux pouvoirs au cours de l’année écoulée, le TUC maintient qu’ils restent une menace pour les droits syndicaux. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de fournir une réponse détaillée aux observations du TUC et de fournir des informations sur l’utilisation par l’autorité chargée de l’enregistrement de ses nouveaux pouvoirs d’enquête et sur les sanctions financières imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.
[ Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024 . ]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

La commission prend note des observations formulées par la Confédération des syndicats (TUC), reçues le 31 août 2022, qui, outre qu’elles portent sur les questions examinées par la commission dans le présent commentaire, comportent des allégations: de licenciements ou de menaces de licenciement de travailleurs engagés dans une action revendicative légale et de refus d’accès aux syndicats par des entreprises du secteur hôtelier; de manque de clarté concernant l’application des niveaux de service minimum dans la pratique; et d’inadéquation des mécanismes compensatoires en vigueur pour le personnel pénitentiaire. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires à cet égard.
Article 3 de la convention. Retour des travailleurs à leur poste à la suite d’une action revendicative légale. Dans son précédent commentaire, la commission a prié le gouvernement de revoir la loi sur les syndicats de 2016, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, afin de renforcer la protection dont bénéficient les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et légalement organisée. La commission note l’indication de la TUC selon laquelle elle n’a pas été consultée sur la question alors qu’elle est l’organisation la plus représentative. La TUC réitère sa préoccupation quant au fait que la protection des membres de syndicats qui ont recours à une action revendicative légale ne s’étend que sur 12 semaines, sans garantie de réintégration et sans interdiction d’embaucher des travailleurs de remplacement. La TUC ajoute qu’en juillet 2022, le gouvernement a mis fin à l’interdiction de la fourniture de travailleurs par des agences de placement en tant que travailleurs de remplacement temporaires ou permanents de travailleurs en grève, un changement auquel les partenaires sociaux se sont opposés. La commission note avec regret que le gouvernement réitère sa position antérieure selon laquelle les mesures existantes pour protéger les travailleurs en grève sont suffisantes. Le gouvernement explique qu’un système juridique équilibré ne peut pas garantir que les travailleurs en grève ne soient en aucun cas licenciés pour avoir mené une action revendicative, étant donné que les grèves prolongées menacent l’existence des entreprises et les moyens de subsistance des employés non-grévistes. La commission rappelle une fois encore que le fait de rendre le retour au travail tributaire de certains délais et du consentement de l’employeur constitue un obstacle à l’exercice effectif du droit de grève, qui est un moyen essentiel pour les travailleurs de promouvoir et défendre leurs intérêts. La commission prie donc instamment le gouvernement de revoir la législation en question, en pleine consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, en vue de renforcer la protection dont bénéficient les travailleurs qui engagent une action revendicative officielle et légalement organisée, et de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Règles de procédure à respecter pour les actions collectives. La commission a précédemment demandé au gouvernement de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, les articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats relatifs aux délais et à la durée des actions revendicatives. La commission note que, selon la TUC, aucune consultation n’a eu lieu à cet égard. La TUC réaffirme que la loi altère la capacité des syndicats à mener une action revendicative efficace, puisqu’en plus de la période de préavis les syndicats sont tenus de donner un préavis de sept jours avant d’organiser un scrutin par voie postale, alors que la validité du scrutin pour l’action revendicative expire au bout de six mois, quelle que soit l’issue du conflit. La commission prend note des indications de la TUC concernant les exigences procédurales supplémentaires suivantes proposées par le ministre: que les bulletins de vote spécifient à la fois la raison de l’action revendicative et la forme d’action à entreprendre; que les employeurs aient le droit de répondre aux questions citées sur le bulletin de vote avant l’annonce des dates de la grève; que des bulletins de vote distincts soient établis pour chaque épisode unique et continu de grève; qu’une période de réflexion soit établie après chaque grève, d’une durée pouvant aller jusqu’à 60 jours; et que la période minimale de préavis pour l’action revendicative soit portée de deux à quatre semaines. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle la révision sera effectuée à un moment donné dans l’avenir, en consultation avec les partenaires sociaux, la commission observe avec regret que le gouvernement ne fournit aucun calendrier précis pour cette révision. Rappelant que les travailleurs et leurs organisations devraient pouvoir appeler à la grève pour une période indéfinie s’ils le souhaitent, la commission prie instamment le gouvernement de procéder sans plus tarder à la révision des articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations sur l’évolution de la situation à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

La commission prend note des observations formulées par la Confédération des syndicats (TUC), reçues le 31 août 2022, qui font référence aux questions examinées ci-dessous par la commission.
La commission a précédemment prié le gouvernement de commenter les allégations relatives à la surveillance policière des syndicats et des syndicalistes soumises par la TUC en 2018. Elle note les indications du gouvernement selon lesquelles l’exercice des pouvoirs d’investigation secrète en vertu de la loi de 2016 sur les pouvoirs d’investigation (IPA) et de la loi de 2000 sur la réglementation des pouvoirs d’investigation (RIPA) est soumis à de nombreuses garanties rigoureuses et à une solide supervision indépendante, et n’a lieu que s’il est nécessaire pour des motifs légaux spécifiques, proportionné au résultat recherché et que les informations requises ne peuvent pas être raisonnablement obtenues par des moyens moins intrusifs. Le gouvernement souligne qu’il ne serait donc jamais nécessaire et proportionné d’utiliser les pouvoirs d’investigation dans le seul but d’interférer avec une activité syndicale légitime. Il ajoute que la RIPA accorde aux victimes de l’exercice abusif de pouvoirs d’investigation secrète un recours devant le tribunal des pouvoirs d’investigation (IPT) pour obtenir réparation. Le gouvernement déclare en outre qu’il existe un commissaire aux pouvoirs d’investigation qui exerce un contrôle indépendant sur les pouvoirs d’investigation et a pour mandat de vérifier, d’inspecter et de signaler l’utilisation de ces pouvoirs par les autorités. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle une institution dénommée Enquête sur les opérations policières secrètes (UndercoverPolicingInquiry) a été créée en 2015 pour enquêter et faire rapport sur les opérations policières sous couverture menées en Angleterre et au Pays de Galles depuis 1968 et sur leurs effets sur les individus en particulier et le public en général. Un certain nombre de syndicats et de membres de syndicats ont obtenu le statut de participant principal à l’Enquête. La commission s’attend à ce que l’enquête soit conclue dans un avenir très proche et prie le gouvernement de fournir des informations sur les conclusions auxquelles il sera parvenu en ce qui concerne les allégations susmentionnées.
Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes. Dans son précédent commentaire, la commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour faciliter le vote électronique (eballoting) pour les scrutins organisés pour la tenue d’une grève. La commission note les indications de la TUC et du gouvernement selon lesquelles l’examen du vote électronique mené en 2017 a débouché sur certaines recommandations, notamment des projets pilotes de vote électronique dans des domaines non législatifs dans un premier temps. Selon le gouvernement, des consultations en table ronde sur les recommandations ont été organisées à la fois avec des experts et avec les syndicats. Le gouvernement indique que des détails seront fournis après la finalisation de son examen des recommandations. La commission espère que ce travail sera achevé sans plus tarder et que le gouvernement fournira des informations à ce sujet dans son prochain rapport.
La commission a aussi prié précédemment le gouvernement de revoir l’article 3 de la loi de 2016 sur les syndicats en concertation avec les partenaires sociaux afin de s’assurer que l’exigence d’un appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs pour un scrutin sur la déclaration d’une grève ne s’applique pas aux secteurs de l’éducation et des transports. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle la loi, y compris les seuils pour les scrutins, sera réexaminée avec les partenaires sociaux à l’avenir. La TUC indique que l’exigence du seuil de 40 pour cent aux deux secteurs susmentionnés entraîne dans les faits une exigence d’appui de 80 pour cent des voix si seulement 50 pour cent des membres votent, et constitue un obstacle important à l’exercice par les membres du syndicat de leur droit de grève. La commission prie instamment le gouvernement de revoir sans plus tarder avec les partenaires sociaux l’article 3 de la loi sur les syndicats afin de garantir que l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs n’est pas requis pour un scrutin de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports.
Dans son précédent commentaire, la commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur la pratique consistant à notifier à la police: l’identité des militants; les détails de toute réclamation que pourraient susciter le traitement de cette information ou son impact sur les grèves légales; et des informations sur l’inscription sur des listes noires des personnes ayant participé à des piquets de grève légaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi sur les syndicats, y compris les dispositions relatives aux exigences en matière de piquets de grève, sera révisée à l’avenir, et le gouvernement prendra en considération les commentaires de la commission. Le gouvernement indique qu’il ne dispose pas d’informations sur l’inscription sur une liste noire de personnes ayant participé à des piquets de grève légaux, mais ajoute que des plaintes contre l’inscription sur une liste noire peuvent être déposées devant le tribunal du travail dans les trois mois suivant la commission de l’infraction, ou plus tard à la discrétion du tribunal. Le gouvernement ajoute que l’utilisation des données personnelles est protégée par la loi de 2018 sur la protection des données, les infractions à cette loi faisant l’objet d’enquêtes de la part de l’Office du commissaire à l’information. La commission prend note de l’allégation de la TUC selon laquelle des restrictions supplémentaires sont prévues. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur l’application de cette notification à la police dans la pratique, y compris sur toute plainte déposée en rapport avec les informations traitées ou leurs effets sur les activités syndicales légales, et toute information sur l’inscription sur une liste noire de personnes participant à des piquets de grève légaux. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les restrictions supplémentaires prévues, le cas échéant.
La commission a en outre précédemment prié le gouvernement d’examiner en concertation avec les partenaires sociaux les effets des articles 16 à 20 de la loi sur les syndicats afin d’assurer que l’extension des pouvoirs conférés à l’autorité chargée de l’enregistrement n’interfère pas avec les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs que leur confère l’article 3 de la convention. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle les réformes relatives à l’autorité chargée de l’enregistrement ont été mises en œuvre en avril 2022, après concertation avec les partenaires sociaux en juin et juillet 2021, en plus des consultations de 2017 sur la taxe. Le gouvernement indique qu’aucune consultation n’était nécessaire en ce qui concerne les nouveaux pouvoirs proposés pour l’autorité chargée de l’enregistrement, puisque ceux-ci étaient stipulés dans la loi sur les syndicats. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle la nouvelle législation alignerait les pouvoirs de l’autorité chargée de l’enregistrement sur ceux d’autres organismes de réglementation et donnerait confiance à la fois aux membres des syndicats et au grand public, la commission prend note de l’indication de la TUC selon laquelle les modifications rendraient les syndicats vulnérables à l’ingérence de nonmembres, y compris des employeurs ou des groupes militants hostiles, en particulier pendant les conflits du travail légitimes. La TUC ajoute que la consultation de 2017 était une consultation générale invitant le grand public à contribuer et non un examen spécifique avec les partenaires sociaux. La commission prend note des préoccupations de la TUC selon lesquelles les modifications entravent et gênent les syndicats dans leurs fonctions essentielles, car elles accordent à l’autorité chargée de l’enregistrement une discrétion indue dans l’exercice de ses pouvoirs alors que le seuil d’exercice des pouvoirs est extrêmement bas et que leur portée est incertaine. Les modifications confèrent à l’autorité chargée de l’enregistrement le pouvoir d’agir sur la base de la plainte d’un tiers, ce qui, selon la TUC, pourrait créer un risque d’ingérence dans le fonctionnement des syndicats, et d’exiger des documents contenant des informations sensibles qui sont protégées par les lois sur la protection des données. La TUC indique en outre que les modifications permettent d’imposer des sanctions financières indûment élevées en cas d’infraction à la loi, et qu’aucun plafond n’est fixé à la taxe nouvellement instaurée qui oblige les syndicats à couvrir la majorité des coûts de l’autorité chargée de l’enregistrement. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires sur les observations de la TUC, ainsi que des informations détaillées sur la réforme mise en œuvre en ce qui concerne les nouveaux pouvoirs d’enquête de l’autorité chargée de l’enregistrement, les sanctions financières qui peuvent être imposées, le montant de toutes les sanctions qui ont été imposées depuis avril 2022, et le plafond du prélèvement instauré.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Article 3 de la convention. Assurance, pour les travailleurs, de pouvoir retourner à leur poste après une action revendicative légale. Dans ses commentaires précédents, la commission avait rappelé que les travailleurs qui ont participé à une grève légale doivent être assurés de pouvoir retourner à leur poste à la fin de leur action revendicative et avait prié le gouvernement de fournir des informations sur toute évolution de la révision de la législation, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs intéressées, de manière à renforcer la protection qui doit être assurée aux travailleurs lorsque ceux-ci participent une action revendicative officielle et légalement organisée. La commission note que le gouvernement indique que les mesures en place offrent la protection nécessaire aux travailleurs renvoyés pour avoir pris part à des actions revendicatives légales. Le gouvernement affirme que les membres des syndicats qui participent à de telles actions sont protégés contre tout licenciement pendant les douze premières semaines et qu’en pratique aucune action revendicative ne dure plus de douze semaines au Royaume-Uni. Il indique également que, indépendamment de la durée de l’action revendicative, un employeur ne peut pas renvoyer un travailleur pour sa participation à une action revendicative avant d’avoir épuisé toutes les procédures de résolution de conflit disponibles. Il explique que, au Royaume-Uni, lorsqu’une personne est injustement licenciée, le tribunal du travail peut ordonner qu’elle soit réintégrée ou réembauchée et, en cas de refus de l’employeur, le tribunal du travail peut accorder des indemnités plus élevées à la personne concernée. La commission prend note de la déclaration du Congrès des syndicats (TUC) selon laquelle cette question continue de soulever des préoccupations, et en particulier, du fait qu’une protection n’est prévue que pendant les douze premières semaines d’un conflit, sans garantie que les travailleurs impliqués dans le conflit seront réintégrés, puisqu’il n’est pas interdit aux employeurs d’embaucher des travailleurs de remplacement permanents. De plus, le TUC allègue qu’aucune mesure n’a été prise pour améliorer la sécurité des personnes participant à une grève légale et que, au contraire, la situation a empiré avec l’adoption de la loi sur les syndicats de 2016 qui a introduit de nouvelles obligations de préavis, de seuils lors des scrutins et de délais qui réduisent considérablement la portée des actions revendicatives légales en faisant courir un risque de licenciement encore plus grand aux travailleurs. La commission rappelle que le fait de rendre le retour au travail tributaire de certains délais et du consentement de l’employeur constitue un obstacle à l’exercice effectif du droit de grève, qui est un moyen essentiel pour les travailleurs de promouvoir et défendre leurs intérêts. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de réexaminer la législation, en pleine consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, en vue de renforcer la protection dont disposent les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et légalement organisée, et de lui fournir des informations sur toute mesure prise à cet égard.
Règles de procédure à respecter pour les actions revendicatives. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté avec préoccupation que la brièveté de la validité du scrutin, conjuguée aux règles particulièrement contraignantes de préavis, dans le contexte actuel d’opérations de vote par voie postale, est de nature à altérer la capacité des organisations de travailleurs de mener leurs activités sans ingérence. En conséquence, elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les progrès enregistrés vers l’organisation de votes électroniques et de revoir l’articulation des articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats relatifs aux délais et à la durée des actions revendicatives. La commission note avec préoccupation que le gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à la révision des articles 8 et 9 de la loi, convaincu que les mesures en place relatives au préavis de quatorze jours aux employeurs en cas d’action revendicative sont raisonnables, proportionnées et fondées sur une approche équilibrée. Le gouvernement affirme qu’il a déjà étendu la période de préavis de sept à quatorze jours pour donner aux employeurs et aux syndicats davantage de temps pour négocier une solution au conflit et ainsi éviter une action revendicative. En outre, le gouvernement affirme qu’un préavis de quatorze jours accorde du temps à l’employeur et au public pour se préparer à une grève si elle s’avère inévitable, permettant ainsi à certains employeurs de trouver des solutions pour continuer de fournir leurs services au public. Quant à l’article 9, le gouvernement affirme que l’objectif est de s’assurer que les employeurs ne sont plus victimes de menaces de grève dont le vote initial a eu lieu des années auparavant et d’encourager la résolution des conflits plus tôt et, si possible, par le dialogue plutôt que par la tenue d’une action revendicative. La commission note que le TUC exprime à nouveau sa préoccupation concernant le préavis de grève de quatorze jours que fixe la loi et fait référence aux conclusions du Comité européen des droits sociaux qui a estimé que les prescriptions relatives au préavis sont excessives. La commission rappelle que le préavis de quatorze jours avant de pouvoir mener une action revendicative directe s’ajoute au préavis de sept jours afférent à la tenue d’un scrutin, ainsi qu’aux délais pris par le scrutin lui-même, lequel reste à ce jour un scrutin s’effectuant par voie postale. Elle rappelle également les préoccupations exprimées par le TUC à propos du fait que désormais la validité du scrutin expirera au bout de six mois, sans considération de ce que le conflit a été résolu ou non, et que, pour poursuivre l’action revendicative directe, il faudra procéder à nouveau à un scrutin. De l’avis du TUC, la continuation d’une action revendicative directe sera rendue plus difficile avec les règles de préavis mentionnées plus haut, règles qui, en conjuguant leurs effets à ceux d’un scrutin par voie postale, pourraient générer des délais allant jusqu’à quarante-deux jours, tant et si bien que le processus de scrutin devrait être renouvelé très peu de temps après l’achèvement du précédent. La commission réitère son point de vue que les travailleurs et leurs organisations devraient pouvoir déclarer une grève pour une durée indéterminée s’ils le souhaitent (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 146). La commission prie donc à nouveau le gouvernement de revoir les articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats en consultation avec les partenaires sociaux et de fournir des informations sur toute évolution de la situation à cet égard.
La commission avait prié le gouvernement de poursuivre son dialogue avec les partenaires sociaux à propos de la nouvelle obligation imposée aux membres d’un syndicat d’exprimer formellement leur souhait de cotiser aux fonds syndicaux qui sont à destination politique à la suite de la modification de l’article 84 de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (consolidation) qui prévoit qu’à partir du 1er mars 2018 les membres syndicaux ne peuvent cotiser à un fonds à destination politique à moins de l’avoir formellement indiqué, une exigence qui ne s’applique qu’aux nouveaux membres, ce consentement étant implicite pour les membres existants à moins qu’ils ne décident d’annuler leur cotisation aux fonds syndicaux à destination politique. La commission prend bonne note de l’indication du gouvernement selon laquelle la modification entend favoriser une plus grande transparence et offrir le choix aux membres syndicaux. La commission accueille favorablement l’affirmation du gouvernement qu’il maintiendra un dialogue régulier avec les partenaires sociaux sur des questions politiques.

Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

La commission prend note des observations du Congrès des syndicats (TUC), reçues les 31 août et 4 septembre 2018, ainsi que des commentaires du gouvernement en réponse à ces observations, en lien avec les points soulevés ci dessous par la commission. La commission note avec préoccupation les allégations du TUC selon lesquelles des syndicats et des militants syndicaux feraient l’objet d’une surveillance de la part de la police, auxquelles le gouvernement n’a pas fourni de réponse, et prie donc le gouvernement de fournir ses commentaires à ce propos.
Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées pour permettre l’organisation d’un scrutin par voie électronique dans le cadre des nouvelles prescriptions établies par la loi sur les syndicats de 2016. La commission note que le TUC et le gouvernement indiquent que ce dernier a commissionné une étude qui a été publiée en 2017 et dont les principales recommandations sont les suivantes: i) l’unique façon de gagner la confiance du public à l’égard du vote électronique lors de scrutins organisés pour la tenue d’une grève serait qu’il soit considéré comme aussi sûr et fiable que la méthode actuelle par voie postale, et en particulier il devrait répondre à la norme requise par l’article 54 de la loi sur les droits dans l’emploi de 2004, à savoir veiller à ce que toutes les personnes qui ont le droit de voter en aient la possibilité; ii) dans un premier temps, il est nécessaire de tester le vote électronique pour des scrutins ne portant pas sur des questions statutaires, ce qui pourrait offrir une base sur laquelle le secrétaire d’Etat pourrait fonder sa décision en la matière; iii) le vote électronique devrait être introduit pour une série de scrutins non statutaires organisés en Angleterre, en Ecosse et au Pays de Galles notamment pour évaluer l’application et l’efficacité des procédures de vérification des électeurs; et iv) les fournisseurs de tout système employé pour tester le vote électronique doivent pouvoir démontrer qu’ils sont capables de résister à une cyberattaque ou à un piratage informatique de la part de tout individu souhaitant perturber le scrutin. Tout en notant l’allégation du TUC selon laquelle jusqu’à présent le gouvernement n’a pas publié de réponses à ces recommandations, la commission note que le gouvernement indique que, avant d’y répondre, il doit, conformément à l’article 4 (4) de la loi sur les syndicats, consulter les organisations concernées, y compris des professionnels d’associations d’experts, et leur demander leurs avis et recommandations. Le gouvernement évalue actuellement les meilleures façons d’obtenir ces avis qui lui permettront de prendre une décision éclairée et transparente à propos des risques associés au vote électronique et donc de déterminer si un tel système doit être déployé. La commission prie le gouvernement de fournir des informations actualisées et détaillées sur tous faits nouveaux à cet égard.
La commission avait précédemment prié le gouvernement de revoir l’article 3 de la loi sur les syndicats en concertation avec les partenaires sociaux concernés et de prendre les mesures nécessaires pour parvenir à ce que le seuil de 40 pour cent des voix de l’ensemble des travailleurs requis pour faire grève dans les services publics importants ne s’applique pas à l’éducation et aux transports. La commission note que le TUC s’inquiète de l’application du seuil de 40 pour cent dans les quatre autres secteurs où il est prévu. La commission rappelle qu’elle avait précédemment considéré que plusieurs des services énumérés à l’article 3 relèvent des services essentiels au sens strict du terme ou concernent les agents publics qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, pour lesquels les restrictions en matière d’actions collectives sont autorisées. La commission avait néanmoins noté qu’une restriction dans les services éducatifs, en particulier, affecterait tout le secteur de l’enseignement primaire et secondaire, et qu’une restriction dans tous les services de transport serait également susceptible d’avoir un effet considérable et une portée excessive; la commission considère qu’une telle restriction peut potentiellement porter gravement atteinte au droit de ces travailleurs et de leurs organisations d’organiser leurs activités pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels sans aucune ingérence. La commission note également que le TUC indique que le gouvernement n’a fait aucune tentative sérieuse pour modifier l’article 3 de la loi. La commission note avec regret que le gouvernement réitère sa position sur la nécessité de conserver le seuil de 40 pour cent dans l’éducation et les transports. Le gouvernement signale que, le vote tel que prévu dans la loi sur les syndicats n’étant pas entré en vigueur avant le 1er mars 2017, il est de toute façon encore bien trop tôt pour qu’il envisage le moindre amendement à son égard. La commission rappelle ses précédents commentaires notant qu’une exigence d’un appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs entraîne dans les faits une exigence de soutien de 80 pour cent lorsqu’un quorum de participation de 50 pour cent a été atteint. La commission prie à nouveau le gouvernement de revoir l’article 3 de la loi sur les syndicats en concertation avec les partenaires sociaux concernés et de prendre les mesures nécessaires afin que ce seuil de 40 pour cent des voix de tous les travailleurs requis pour déclarer une grève ne s’applique pas dans l’éducation ni dans les services de transport.
Dans son précédent commentaire, la commission avait pris note des observations du TUC selon lesquelles les conditions supplémentaires s’appliquant aux piquets de grève soulèvent un certain nombre d’inquiétudes: l’obligation d’aviser la police de l’identité et des coordonnées des militants fait encourir à ceux-ci le risque de se retrouver sur des listes noires; le syndicat se retrouve automatiquement responsable de tout problème; et les exigences ainsi posées sont discriminatoires en ce qu’elles affectent uniquement les piquets de grève organisés par des syndicats, mais non ceux qui sont organisés par d’autres groupes. En conséquence, la commission avait prié le gouvernement ainsi que le TUC de fournir des informations sur les effets de l’application de cette règle de notification dans la pratique, y compris toute réclamation que pourraient susciter le traitement de ces informations ou l’impact de ce système sur les grèves légales, ainsi que toute information sur l’inscription de travailleurs ayant participé à des piquets de grève licites sur des listes noires. La commission note que le gouvernement indique que, lorsque les coordonnées des personnes organisant un piquet de grève sont transmises à la police, des précautions sont prises dans la façon dont l’information est traitée, et la confidentialité des coordonnées personnelles est protégée par la loi sur les droits de l’homme de 1998 et la loi sur la protection des données de 2018, qui sont conformes à la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, le gouvernement affirme que des plaintes relatives au traitement des données peuvent être déposées auprès de la Commission indépendante d’examen des plaintes contre la police si la police a fait un mauvais usage des données, ou auprès du commissaire à l’information qui s’occupe des plaintes ayant trait aux questions relatives à la protection des données. Tout en prenant dûment note de cette information, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur le recours à cette notification en pratique, y compris toute plainte qui aurait pu être formulée en lien avec l’utilisation de cette information, ou son impact sur les actions de grèves licites, ainsi que toute information sur l’inclusion des personnes impliquées dans des piquets de grèves licites dans des listes noires.
Dans son commentaire précédent, la commission avait exprimé sa préoccupation face au fait que la loi sur les syndicats semble étendre considérablement les pouvoirs conférés à l’autorité chargée de l’enregistrement pour enquêter et pour user des voies d’exécution légales, y compris dans des circonstances où cela ne lui aura nullement été demandé, et avait prié le gouvernement de réexaminer les effets du rôle étendu de l’autorité chargée de l’enregistrement prévu aux articles 16 à 20 de la loi en concertation avec les partenaires sociaux concernés, afin d’assurer que les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent exercer effectivement les droits qui leur sont conférés d’organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leurs programmes d’action sans ingérence des autorités publiques. La commission note que le gouvernement réitère qu’aucune des modifications apportées au rôle de l’autorité chargée de l’enregistrement n’a d’incidence sur la liberté syndicale et le droit syndical des travailleurs ni sur leur droit de créer un syndicat et d’y adhérer, mais qu’elle améliore en réalité la transparence dans l’intérêt des militants syndicaux et du public en général. La commission prend toutefois note de l’allégation du TUC selon laquelle aucune mesure n’a été prise pour répondre à la demande de la commission de revoir les pouvoirs de l’autorité chargée de l’enregistrement en concertation avec les partenaires sociaux. La commission invite à nouveau le gouvernement à réexaminer les effets des articles 16 à 20 de la loi sur les syndicats en concertation avec les partenaires sociaux concernés, afin d’assurer que les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent exercer effectivement les droits qui leur sont conférés d’organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leurs programmes d’action sans ingérence des autorités publiques. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur l’issue de ces consultations.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Article 3 de la convention. Assurance, pour les travailleurs, de pouvoir retourner à leur poste après une action revendicative légale. Dans ses commentaires précédents, la commission avait rappelé que les travailleurs qui ont participé à une grève légale doivent être assurés de pouvoir retourner à leur poste lorsque leur action revendicative a pris fin et elle avait prié le gouvernement de revoir la législation, en pleine consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs intéressées, de manière à renforcer la protection qui doit être assurée aux travailleurs lorsque ceux-ci participent ouvertement à des actions revendicatives légales. La commission note en outre que le gouvernement a déclaré devant la Commission de l’application des normes de la Conférence, à propos d’une proposition d’abrogation de l’interdiction d’embaucher des travailleurs par l’intermédiaire d’une agence pendant une action de grève, qu’il était encore en train de réfléchir à sa réponse. La commission prie à nouveau le gouvernement de la tenir informée de toute évolution sur ce plan, de même que de toute mesure qui tendrait à renforcer la protection devant être assurée aux travailleurs et à garantir à ceux-ci de retrouver leur poste de travail après une action revendicative.
Règles de procédure à respecter pour les actions revendicatives. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note des préoccupations exprimées par le Congrès des syndicats (TUC) à propos des règles supplémentaires de préavis inscrites dans le projet de loi sur les syndicats (art. 7), et elle avait prié le gouvernement de fournir ses commentaires à ce sujet. La commission note que le TUC exprime à nouveau ses préoccupations à propos d’un préavis de grève de quatorze jours que prévoirait la loi et qu’il se réfère à ce propos aux conclusions publiées depuis plusieurs années par la Commission européenne sur les droits sociaux, laquelle estime que de telles exigences en matière de préavis sont excessives. La commission note que ce préavis de quatorze jours avant de pouvoir mener une action revendicative directe s’ajoute au préavis de sept jours afférent à la tenue d’un scrutin, ainsi qu’aux délais pris par le scrutin lui-même, lequel reste à ce jour un scrutin s’effectuant par voie postale. La commission note que le gouvernement déclare qu’il ne reconnaît pas que de telles conditions seraient excessives et qu’il ne souscrit pas non plus à l’interprétation, à ses yeux trop étendue, qui a été faite par le Comité européen des droits sociaux.
La commission prend note, en outre, des préoccupations exprimées par le TUC à propos du fait que désormais la validité du scrutin expirera au bout de six mois, sans considération de ce que le conflit a été résolu ou non, et que, pour poursuivre l’action revendicative directe, il faudra procéder à nouveau à un scrutin. De l’avis du TUC, la continuation d’une action revendicative directe sera rendue plus difficile avec les règles de préavis mentionnées plus haut, règles qui, en conjuguant leurs effets à ceux d’un scrutin par voie postale, pourraient générer des délais allant jusqu’à quarante-deux jours, tant et si bien que le processus de scrutin devrait être renouvelé très peu de temps après l’achèvement du précédent. La commission rappelle à cet égard sa position exposée dans l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective (paragr. 146), position selon laquelle les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir, s’ils le souhaitent, appeler à la grève pour une période non définie. La commission craint que la brièveté de la validité du vote, conjuguée aux règles particulièrement contraignantes de préavis, dans le contexte actuel d’opérations de vote s’effectuant par voie postale, soit de nature à altérer la capacité des organisations de travailleurs de mener leur activité sans intervention des autorités publiques. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès enregistrés sur le plan de l’autorisation de procéder à un scrutin par des moyens informatiques et elle le prie également de revoir l’articulation des articles 8 et 9 de la loi à la lumière des préoccupations exprimées ci-dessus.
S’agissant des nouvelles prescriptions concernant la déclaration des dépenses à destination politique, la commission note que le TUC se déclare préoccupé par le fait que les syndicats seront désormais placés sous la supervision de deux organismes publics, alors qu’il n’existe aucune contrainte équivalente à l’égard des sociétés privées ou encore des acteurs de la société civile. Le gouvernement, pour sa part, explique que les dispositions de la loi assurent une plus grande transparence aux membres de tout syndicat qui fournit un soutien financier à un parti ou à une personne, leur permettant désormais de prendre en connaissance de cause leurs décisions touchant à leur adhésion. Le TUC estime, pour sa part, que le motif de la transparence n’est pas un motif légitime puisque les donateurs sont d’ores et déjà tenus de déclarer leurs apports auprès de la Commission électorale, ce qui est une garantie de transparence pour le public, et que les nouvelles obligations instaurées par la loi ne se limitent pas à rendre ces informations accessibles aux membres du syndicat.
S’agissant de l’instauration, au rebours de l’usage établi jusque-là, d’une règle faisant obligation aux membres d’un syndicat d’exprimer formellement leur souhait de cotiser inclusivement aux fonds syndicaux qui sont à destination politique, la commission prend note des informations communiquées par le TUC, qui rappelle qu’il existe déjà un certain nombre de règles de sauvegarde en ce qui concerne les fonds syndicaux à destination politique, notamment une règle qui consiste à faire voter les adhérents (par voie postale) tous les dix ans sur leur volonté de continuer à soutenir des finalités politiques. La commission note que le gouvernement déclare que la loi a été modifiée de manière à ce que la règle susmentionnée ne s’applique qu’à l’égard des nouveaux membres d’un syndicat et que les fonds syndicaux à destination politique comptabilisés avant la fin de la période de transition (au moins douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi) ne seront pas affectés par les nouvelles dispositions. La commission prend note, en outre, des préoccupations exprimées par le TUC devant le fait que les membres pourront toujours choisir à tout moment de ne plus cotiser inclusivement aux fonds syndicaux qui sont à destination politique et que les syndicats seront tenus de rappeler chaque année à leurs membres qu’ils ont le droit de le faire.

Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

La commission prend note des observations du Congrès des syndicats (TUC) reçues le 1er septembre 2016 et des observations du gouvernement à ce sujet, ainsi que de nouvelles observations du TUC reçues le 26 octobre 2016. Elle prend note, en outre, des observations à caractère général de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) reçues le 1er septembre 2016.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 105e session, mai-juin 2016)

La commission prend note des discussions ayant eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence (ci-après la Commission de la Conférence), en juin 2016, sur l’application de cette convention au Royaume-Uni. Elle observe que la Commission de la Conférence a elle-même pris note des indications du gouvernement selon lesquelles la législation d’application pertinente était toujours en discussion et que les partenaires sociaux étaient associés à ce processus. Elle note que la Commission de la Conférence a appelé le gouvernement à respecter le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs de constituer des organisations de leur choix et celui de s’affilier à de telles organisations sans autorisation préalable, et de définir les pouvoirs de l’autorité chargée de l’enregistrement de telle sorte que ceux-ci ne soient pas en contradiction avec les dispositions de la convention.
La commission note d’une manière générale que, selon les déclarations faites par le gouvernement à la Commission de la Conférence ainsi que dans son rapport, celui-ci se dit confiant que les dispositions de la loi sur les syndicats nouvellement adoptée sont non seulement justifiées et proportionnées, mais également entièrement conformes aux obligations internationales du Royaume-Uni en matière de droits syndicaux. A son avis, la loi tend à un juste équilibre entre les droits des individus de s’engager dans une action revendicative et les droits de ceux qui sont affectés par cette même action, et elle modernisera les relations sociales tout en favorisant une approche collaborative plus efficace pour résoudre les conflits sociaux.
Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle que, dans ses commentaires précédents, elle avait prié le gouvernement de revoir le projet de loi sur les syndicats en concertation avec les partenaires sociaux concernés, en vue d’en modifier le texte pour parvenir à ce que le seuil de 40 pour cent des voix de l’ensemble des travailleurs requis pour faire grève dans les services publics importants (art. 3 du projet de loi) ne soit pas applicable dans l’éducation et dans les transports. Elle note que le TUC soulève à nouveau cet aspect et déclare en outre qu’il n’est pas équitablement tenu compte des avis de la commission en ce qui concerne le quorum de 50 pour cent. Sur ce dernier aspect, la commission ne partage pas les appréciations du TUC concernant une législation nationale qui se référerait également à un quorum de 50 pour cent. De plus, elle estime important de souligner qu’il n’existe pas de règle absolument stricte et précise en ce qui concerne la fixation d’un quorum raisonnable. Se référant à cet égard à son étude d’ensemble de 1994, en matière de droit de grève, les conditions posées dans les diverses législations varient à l’infini, et leur compatibilité avec la convention peut également dépendre d’éléments factuels, tels le fractionnement ou l’éloignement géographique des centres de travail ou encore la structure de négociation collective (par entreprise ou par industrie), autant de facteurs qui supposent un examen de chaque cas d’espèce (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 170).
La commission prend note en outre des préoccupations exprimées par le TUC selon lesquelles le quorum instauré par la loi sur les syndicats intervient dans le contexte de procédures de scrutin si obsolètes qu’elles tendaient à faire baisser les niveaux de participation. Le gouvernement fait observer que la loi sur les syndicats lui prescrit de faire procéder à une évaluation du système de vote électronique dans les six mois qui suivront l’approbation de la loi par la Reine, et que la désignation de la personne devant présider pour cette évaluation a été annoncée le 3 novembre 2016. La commission veut croire que cette évaluation produira ses résultats dans un proche avenir et elle prie le gouvernement de donner des informations sur les progrès accomplis et sur les mesures prises afin de faciliter le vote électronique dans le contexte des nouvelles règles établies par la loi sur les syndicats.
S’agissant du seuil de 40 pour cent, le gouvernement avait déclaré devant la Commission de la Conférence que, en raison des conséquences négatives particulièrement étendues des actions de grève dans les services publics, un tel seuil est important pour assurer la légitimité démocratique nécessaire ainsi qu’un soutien majoritaire net dans les services qui revêtent une importance considérable pour le public. La commission rappelle néanmoins que dans ses précédents commentaires elle a souligné que l’exigence d’un appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs entraîne dans les faits une exigence de soutien de 80 pour cent lorsqu’un quorum de participation de 50 pour cent a été atteint. Compte tenu des préoccupations exprimées ci-dessus quant aux difficultés qui se posent à propos du système de scrutin actuel et vu l’importance qui s’attache à garantir le droit des organisations de travailleurs d’organiser librement leur activité, la commission prie à nouveau le gouvernement de revoir l’article 3 de la loi sur les syndicats en concertation avec les partenaires sociaux concernés et de prendre les mesures nécessaires afin que ce seuil plus contraignant de 40 pour cent des voix de tous les travailleurs concernés, qui est requis pour déclarer une grève, ne s’applique pas dans l’enseignement ni dans les services de transport.
Sur la question des piquets de grève, la commission prend note des observations du TUC selon lesquelles les conditions supplémentaires s’appliquant aux piquets de grève soulèvent un certain nombre d’inquiétudes: l’obligation d’aviser la police de l’identité et des coordonnées des militants fait encourir à ceux-ci le risque de se retrouver sur des «listes noires»; le syndicat se retrouve automatiquement responsable de tout problème; les exigences ainsi posées sont discriminatoires en ce qu’elles affectent uniquement les piquets de grève organisés par des syndicats mais non ceux qui sont organisés par d’autres groupes. Le gouvernement fait observer que, s’il reconnaît que des piquets de grève pacifique sont une action légitime et légale, il est regrettable que dans la pratique les piquets de grève donnent lieu à des intimidations. Il assure toutefois que la police est liée par les dispositions de la loi sur les droits de l’homme et de la loi sur la protection des données individuelles lorsqu’il s’agit pour elle de noter les coordonnées des personnes organisant un piquet de grève. La commission prie le gouvernement ainsi que le TUC de fournir des informations sur les effets de l’application de cette règle de notification dans la pratique, y compris toute réclamation que pourraient susciter le maniement de ces informations ou l’impact de ce système sur les actions revendicatives légales, ainsi que toute information sur les travailleurs figurant sur des listes noires pour avoir participé à des piquets de grève licites.
S’agissant du rôle élargi de l’autorité chargée de l’enregistrement, selon ce qui est prévu aux articles 16 à 20 de la loi sur les syndicats, la commission note que le TUC exprime les préoccupations suivantes: rien ne garantit que l’autorité d’enregistrement sera authentiquement indépendante; les nouveaux pouvoirs dont elle est investie exposeront les syndicats au risque de tracasseries incessantes; les nouvelles responsabilités qui lui sont conférées en matière d’enquête, de prise de décisions et de contrôle de l’application violent des principes légaux élémentaires; un nouveau droit sera perçu pour couvrir les coûts afférents à cet administrateur. Le gouvernement déclare que les pouvoirs conférés par la loi à l’administrateur de l’enregistrement sont comparables à ceux de bien d’autres autorités réglementaires, dont le coût est également couvert par un droit perçu auprès des organisations à l’égard desquelles elles exercent leur contrôle. Le gouvernement considère qu’un tel contrôle est proportionné et parfaitement compatible avec la convention. Enfin, le gouvernement ajoute que l’administrateur de l’enregistrement a toujours exercé ses fonctions en toute indépendance et continuera de le faire, comme le prévoit l’article 16 de la loi. Il ajoute que, exception faite de ses pouvoirs d’investigation dans les affaires financières d’un syndicat ou le registre des membres, l’administrateur de l’enregistrement n’a pas, d’une manière générale, le pouvoir d’enquêter dans les affaires internes d’un syndicat, excepté lorsqu’une plainte a été déposée par un membre d’un syndicat alléguant des manquements à certaines règles syndicales ou à certaines obligations légales. Cette loi a pour effet, entre autres, de réactualiser les pouvoirs d’investigation de l’administrateur de l’enregistrement en ce qui concerne les fonds politiques, les fusions de syndicats et les élections des instances dirigeantes de ceux-ci, et elle a introduit un nouveau régime de sanctions pécuniaires. Le montant exact de telles sanctions sera fixé par voie de réglementation, à propos de quoi le gouvernement consultera les syndicats avant que le Parlement n’examine lui-même la question. Il en sera de même à propos de cette taxe destinée à couvrir les coûts afférents à l’administrateur de l’enregistrement, coûts qui resteront en partie à la charge de la collectivité publique. Enfin, le gouvernement indique que cette loi garantit que les nouveaux pouvoirs seront utilisés de manière proportionnelle et appropriée, les syndicats ayant toujours la possibilité d’exprimer leur avis avant que toute décision soit prise, et ils conservent le droit d’attaquer ces décisions. La commission se déclare préoccupée par le fait que, de fait, cette loi étend considérablement les pouvoirs conférés à l’administrateur de l’enregistrement pour enquêter et pour user des voies d’exécution légales, y compris dans des circonstances où cela ne lui aura nullement été demandé. La commission invite le gouvernement à réexaminer l’impact de ces dispositions en concertation avec les partenaires sociaux concernés afin d’assurer que les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent exercer effectivement les droits qui leur sont conférés d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action sans intervention des autorités publiques.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Article 3 de la convention. Droit des travailleurs ayant participé à des actions collectives légales de réintégrer leur emploi. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait rappelé que les travailleurs qui organisent une grève légale devraient être en mesure de réintégrer leurs emplois à la fin de la grève et avait prié le gouvernement de revoir la législation, en pleine consultation avec les organisations concernées de travailleurs et d’employeurs, en vue de renforcer la protection dont disposent les travailleurs qui organisent des grèves officielles et légales. En référence à son observation, la commission prend note des préoccupations supplémentaires soulevées par le Congrès des syndicats (TUC) à ce propos en ce qui concerne les récentes propositions visant à autoriser le remplacement des grévistes, ce qui, selon le TUC, risquerait de permettre aux employeurs de prolonger indéfiniment les différends et de fragiliser les grévistes. La commission prie à nouveau le gouvernement de revoir cette question, en collaboration avec les partenaires sociaux concernés, compte tenu des récentes propositions susmentionnées, en vue de renforcer la protection dont disposent les travailleurs et de fournir des informations sur les mesures prises à ce propos.
Prescriptions en matière de préavis d’action collective. Dans ses commentaires antérieurs, la commission, tout en prenant note des observations formulées par le TUC, selon lesquelles les prescriptions en matière de préavis nécessaire pour qu’une grève bénéficie de la protection de la loi étaient excessivement lourdes, avait pris note avec intérêt de plusieurs décisions de justice communiquées par le gouvernement qui semblent apporter des précisions par rapport à ces préoccupations. La commission constate que le TUC, dans ses dernières observations, soulève des préoccupations au sujet de prescriptions supplémentaires en matière de préavis, prévues dans le projet de loi sur les syndicats (article 7) et prie le gouvernement de fournir ses commentaires à ce sujet.

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

La commission prend note des commentaires du gouvernement au sujet des observations de 2013 du Syndicat du service public (Unison) et du Syndicat Unite the Union. Elle prend également note des observations du Congrès des syndicats (TUC) reçues le 1er septembre et le 25 novembre 2015 qui soulèvent des préoccupations au sujet de plusieurs propositions de loi présentées par le gouvernement en juillet 2015 et prie le gouvernement de fournir ses commentaires à cet égard. La commission prend note des observations à caractère général de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) reçues le 1er septembre 2015.
Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle ses commentaires antérieurs dans lesquels elle avait prié le gouvernement d’examiner avec les partenaires sociaux les questions soulevées par les différentes organisations de travailleurs dans le pays concernant l’exercice et la réglementation des actions collectives. La commission constate que, tandis qu’un examen indépendant a été mené pour analyser plusieurs allégations au sujet de recours à des manœuvres abusives dans des conflits collectifs et de l’efficacité du cadre juridique en vigueur pour empêcher les mesures inappropriées ou d’intimidation dans le cadre de ces conflits au travail, il n’était pas prévu que cet examen porte sur les différentes questions qui avaient été soulevées par les organisations de travailleurs dans le pays au cours des dernières années. Le rapport Carr qui a résulté de cet examen limité a été publié en octobre 2014 et a servi de base à plusieurs propositions de réformes qui ont été intégrées dans le projet de loi sur les syndicats soumis au Parlement le 15 juillet 2015.
La commission constate que le TUC soulève plusieurs préoccupations au sujet des nouvelles propositions du gouvernement qui, selon lui, porteraient atteinte aux droits des organisations de travailleurs de mener leurs activités sans ingérence. Le TUC se réfère en particulier aux nouvelles conditions proposées en matière de scrutin de grève et à des procédures plus lourdes, à des restrictions aux pratiques des piquets de grève et à des pouvoirs de contrôle accrus, à des conditions de procédure pour l’utilisation des réseaux sociaux, au recours à des travailleurs intérimaires pour remplacer les grévistes, à des restrictions aux libertés politiques des syndicats et à un contrôle général plus important des syndicats à cause des pouvoirs accrus de l’autorité d’enregistrement.
La commission note que, à la suite de l’introduction de ces propositions, le gouvernement a mené une vaste consultation relative aux propositions controversées d’imposer des conditions supplémentaires aux piquets de grève. La commission accueille favorablement la décision du gouvernement de ne pas donner suite à certaines de ces propositions, notamment celles relatives au préavis de deux semaines concernant les réseaux sociaux et au rapport annuel en matière d’actions collectives. La réponse du gouvernement de novembre 2015 à la consultation destinée à traiter la question des mesures d’intimidation à l’égard des travailleurs non grévistes propose de modifier le projet de loi afin de préciser la portée limitée de la disposition relative aux piquets de grève (art. 9) et met plutôt l’accent sur le renforcement du Code de bonnes pratiques relatif aux piquets de grève pour établir clairement les droits et responsabilités des parties et pour collaborer avec la police, le Service consultatif de conciliation et d’arbitrage (ACAS) et les autres parties prenantes pour que les directives fixées reflètent pleinement les mesures pratiques nécessaires pour veiller à ce que les piquets de grève restent pacifiques.
En ce qui concerne les conditions du scrutin soulevées par le TUC, la commission constate que deux prescriptions supplémentaires concernant les scrutins de grève ont été proposées. L’article 2 du projet de loi introduit une nouvelle condition d’un quorum de 50 pour cent de participation à atteindre dans les scrutins de grève. A cet égard, la commission rappelle son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 147, que, tout en ayant toujours déclaré qu’un quorum devrait être fixé à un niveau raisonnable, elle a estimé qu’un quorum de 50 pour cent se situe en effet dans les limites du raisonnable. La seconde prescription à laquelle se réfère le TUC porte sur des conditions plus sévères imposées dans les services publics importants visant à obtenir l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs (art. 3 du projet de loi), ce qui entraîne une exigence de soutien de 80 pour cent lorsqu’un quorum de participation de 50 pour cent a été atteint. La commission note que les catégories suivantes ont été considérées comme faisant partie des services publics importants: les services de santé, l’éducation qui concerne les enfants de moins de 17 ans, les services contre les incendies, les services de transport, le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs et du carburant et la sécurité des frontières. Bien que la commission ait en général estimé qu’une condition d’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs en vue d’organiser une grève constituerait un obstacle au droit des organisations de travailleurs de mener leurs activités sans ingérence, elle constate aussi que plusieurs des services énumérés à l’article 3 relèvent des services essentiels au sens strict du terme ou concernent les agents publics qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, pour lesquels les restrictions en matière d’actions collectives sont autorisées. La commission doit cependant exprimer sa préoccupation au sujet du fait que cette restriction pourrait porter sur le secteur de l’enseignement primaire et secondaire dans son ensemble, ainsi que sur tous les services de transport, et estime qu’une telle restriction est susceptible de porter gravement atteinte au droit de ces travailleurs et de leurs organisations d’organiser leurs activités pour favoriser et défendre leurs intérêts professionnels sans aucune ingérence. La commission rappelle à cet égard qu’il peut être fait recours à des services minima négociés pour ces secteurs, le cas échéant. La commission prie le gouvernement de réexaminer cette question conjointement avec les partenaires sociaux concernés en vue de modifier le projet de loi susmentionné et de veiller à ce que la condition plus sévère d’obtenir l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs ne s’applique pas aux services d’éducation et de transport.
En outre, la commission note, d’après les préoccupations du TUC, que ces changements coïncident avec un contexte de sévérité accrue des conditions de procédures en matière de scrutin, concernant notamment le fait que le scrutin doit se dérouler uniquement par vote par correspondance et que le bulletin secret sur le lieu de travail et le vote électronique ne sont pas autorisés. La commission constate également qu’Unison a soulevé des préoccupations similaires et que, dans un cas mentionné par cette organisation, l’employeur a mis en cause la confidentialité du vote par correspondance. La commission invite le gouvernement à réexaminer, en collaboration avec les partenaires sociaux concernés, la méthode de vote en vue d’assurer sa modernisation, en tenant compte des droits et intérêts de toutes les parties concernées.
Par ailleurs, la commission prend note des préoccupations soulevées par le TUC en relation avec la proposition d’abroger dans le règlement de 2003 relatif au fonctionnement des agences pour l’emploi et des agences de travail intérimaire l’interdiction de remplacer les grévistes par des travailleurs intérimaires. La commission prie le gouvernement de revoir cette proposition en collaboration avec les partenaires sociaux concernés, en prenant en considération le fait que le recours au remplacement des grévistes devrait se limiter aux actions collectives dans les services essentiels.
Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires au sujet des autres questions soulevées par le TUC et, en particulier, en ce qui concerne: i) la proposition de supprimer les cotisations retenues à la source (check-off) de toutes les organisations du secteur public; ii) la proposition d’incorporer une clause d’adhésion (au lieu d’une clause d’exemption) avec une validité de temps limitée pour les cotisations des membres des syndicats aux fonds politiques, accompagnée d’obligations détaillées en matière de fourniture de rapport; iii) les dispositions restantes sur les piquets de grève; et iv) la proposition d’accroître les pouvoirs de l’autorité d’enregistrement.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2016.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission prend note des commentaires formulés par la centrale Unite the Union, dans des communications datées des 2 août et 11 octobre 2013, ainsi que par le Syndicat de la fonction publique (Unison), dans une communication du 13 juin 2013, concernant l’application de la convention. La commission prend note également des observations communiquées par le gouvernement à ce sujet en date du 13 novembre 2013.
La commission examinera les questions soulevées dans ces communications à sa session de novembre-décembre 2014 et invite le gouvernement à fournir un rapport détaillé l’année prochaine.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Article 3 de la convention. Réintégration des travailleurs ayant participé à une grève légale. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait rappelé que les travailleurs qui recourent à une grève légale devraient être en mesure de réintégrer leur emploi une fois la grève terminée. Le fait de rendre le retour au travail tributaire de certains délais et du consentement de l’employeur constitue, de l’avis de la commission, un obstacle à l’exercice effectif de ce droit, qui représente un moyen essentiel pour les travailleurs de promouvoir et défendre leurs intérêts. La commission avait en conséquence prié le gouvernement d’indiquer toutes mesures prises ou envisagées pour renforcer la protection dont disposent les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et organisée légalement. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il ne considère pas que la protection contre le licenciement de salariés participant à des actions officielles constitue une limitation arbitraire. Le gouvernement déclare qu’il est important de prendre en considération l’interaction entre les éléments des protections existantes. Pour ce qui est de douze semaines, le licenciement pour cause d’action du travail organisée de manière officielle et légale est automatiquement injuste. Parallèlement, quelle que soit la durée considérée, un employeur ne peut licencier équitablement un travailleur pour avoir participé à une action collective si cet employeur n’a pas pris des mesures raisonnables afin d’apporter une solution au litige qui l’oppose au syndicat. Enfin, tous ces travailleurs se trouvant dans ce cas bénéficient d’une protection plus large contre le licenciement abusif, c’est-à-dire qu’ils peuvent porter la question de leur licenciement devant un tribunal du travail qui peut ordonner leur réintégration ou leur accorder une indemnisation financière. Le gouvernement est convaincu que l’interaction entre ces dispositions implique qu’il se conforme aux dispositions de la convention et il reste convaincu qu’il n’est pas approprié d’empêcher, en aucune circonstance, un employeur de licencier des travailleurs qui ont eu recours à une action revendicative. La commission prie à nouveau le gouvernement de réexaminer la législation en consultant pleinement les organisations concernées de travailleurs et d’employeurs, en vue de renforcer la protection dont disposent les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et organisée légalement et de lui fournir des informations sur toute mesure prise à cet égard.
Prescriptions en matière de préavis de grève. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC) selon lesquels les prescriptions en matière d’avis, nécessaires pour qu’une grève bénéficie de la protection de la loi, étaient excessivement lourdes. La commission avait prié le gouvernement de continuer à fournir des informations sur tout fait nouveau survenu à ce propos ainsi que tous rapports ou statistiques pertinents sur l’application pratique et les effets dans la pratique de ces prescriptions. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cas RMT c. Serco et Aslef c. London Midland [2011] EWCA 226, la cour d’appel a cassé les injonctions qu’avaient obtenues Serco et «London Midland Railway» contre les deux principaux syndicats nationaux du transport, RMT et ASLEF. Dans les deux cas, ces injonctions avaient été obtenues en invoquant les infractions commises par ces syndicats contre les procédures de notification et de scrutin obligatoire. Ce cas est le dernier d’une série qui consistait à évaluer la portée des obligations techniques des syndicats qui sont tenus de veiller à ce qu’un processus de scrutin équitable soit respecté. S’agissant de la décision qu’il a rendue dans l’affaire RMT c. Serco, la cour d’appel a apporté des précisions essentielles qui font que, à l’avenir, il sera probablement plus difficile à des employeurs d’obtenir des injonctions visant à empêcher une grève pour cause de non-respect des prescriptions en matière de notification et d’organisation d’un scrutin. Une décision de cour d’appel fait autorité sur toutes les juridictions inférieures. Par la suite, dans l’affaire Balfour Beatty c. Unite [2012] EWHC 267 [QB], la cour a débouté Balfour Beatty en invoquant la jurisprudence Serco et la nécessité de trouver un juste équilibre entre la recherche de la légitimité démocratique et le fait d’imposer des exigences irréalistes aux syndicats et à leurs responsables. La commission note que, bien qu’il se félicite vivement de ces deux décisions, le TUC considère qu’elle ne répond pas complètement aux problèmes qui se posent en application de la législation sur lesquels il a attiré l’attention et que la législation continue à imposer des exigences intolérables aux organisations syndicales. La commission prend note avec intérêt de ces éléments nouveaux et prie le gouvernement de faire connaître ses commentaires à propos des préoccupations dont le TUC fait état.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Commentaires des organisations de travailleurs et d’employeurs. La commission prend note des commentaires du gouvernement au sujet de la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 24 août 2010 ainsi que des commentaires détaillés et des informations fournies par le Congrès des syndicats (TUC) dans une communication en date du 30 août 2012 qui soulève de nouvelles questions concernant une récente jurisprudence, ainsi que plusieurs questions relatives à l’application de la convention dans la législation et la pratique qui font l’objet des commentaires de la commission depuis de nombreuses années. En outre, la commission prend note des commentaires de la CSI en date du 4 août 2011. La commission prie le gouvernement de répondre à ces commentaires dans son prochain rapport.
Article 3 de la convention. Droit des travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs sans intervention de la part des autorités publiques. Les commentaires antérieurs de la commission portaient sur la nécessité d’assurer le droit des syndicats d’élaborer leurs règlements administratifs et de formuler leurs programmes d’action sans intervention de la part des autorités, en particulier lorsqu’ils ont l’intention d’exclure des individus au motif qu’ils appartiennent à un parti politique extrémiste dont les principes et les politiques déplaisent aux syndicats. Suite à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rendu dans l’affaire Associated Society of Locomotive Engineers and Firemen (ASLEF) c. Royaume-Uni (27 mai 2007), l’article 174 de la loi (codifiée) sur les syndicats et les relations de travail, 1992 (TULRA) a été modifié. Le gouvernement estime que cette modification a étendu de manière significative le champ d’action des syndicats en matière d’exclusion des individus au motif de leur affiliation à un parti politique.
La commission avait également pris note des commentaires détaillés formulés par le TUC qui émettait des réserves au sujet des modifications proposées aussi bien au regard de ce qu’il considère comme un degré important d’incertitude concernant leur signification que de la complexité excessive de la nouvelle législation. La commission avait pris dûment note des observations détaillées formulées par le gouvernement dans son rapport précédent en réponse à ces préoccupations. Le gouvernement avait indiqué qu’il tentait de réaliser un équilibre entre des droits de l’homme concurrents, à savoir la liberté de croyance et la liberté syndicale à l’occasion de l’élaboration de ces modifications. Il avait donc prévu des garanties pour assurer la présence des éléments essentiels en matière de justice naturelle, de procédure judiciaire équitable et de transparence, à savoir que: a) l’affiliation au parti politique concerné est contraire aux statuts ou aux objectifs du syndicat; b) le syndicat a pris la décision d’exclusion conformément à ses statuts; et c) le syndicat a suivi dans sa décision des procédures équitables, en veillant à ce que l’intéressé ne perde pas ses moyens de subsistance et ne se retrouve pas dans une situation de difficultés exceptionnelles du fait d’une telle exclusion. En ce qui concerne ce dernier point, le gouvernement avait indiqué que, du fait que l’affiliation syndicale obligatoire est de toute manière illégale dans le pays, la perte de l’affiliation syndicale ne peut en aucun cas entraîner une situation de difficulté extrême. Pour ce qui est de l’allégation du TUC selon laquelle la complexité de la nouvelle législation est de nature à entraîner des procès injustifiés et abusifs, le gouvernement avait indiqué qu’il n’existe aucune preuve que les litiges aient été induits par les modifications qui sont entrées en vigueur en avril 2009. Le gouvernement avait ajouté à ce propos qu’une indemnité compensatoire pour exclusion illégale ne s’appliquerait que lorsque le syndicat a refusé d’admettre ou de réadmettre l’individu et que l’affiliation au parti politique concerné n’est pas contraire aux statuts ou aux objectifs du syndicat, alors que, de l’avis du gouvernement, les statuts ou les objectifs des syndicats britanniques spécifient souvent que l’affiliation à certains partis politiques, ou certains comportements ou des comportements xénophobes ou racistes associés à de tels partis, est incompatible avec l’affiliation syndicale. Le gouvernement avait conclu que ces modifications ne portent pas atteinte à la convention et sont nécessaires dans une société démocratique pour assurer la protection des droits et de la liberté d’autrui. La commission avait prié le gouvernement de répondre aux nouvelles préoccupations exprimées par le TUC. Le gouvernement indique à ce propos que: 1) il était conscient des points soulevés par le TUC lorsqu’il a apporté les modifications à l’article 174; et 2) il estime que la disposition est conforme à la convention no 87 et il est convaincu qu’elle ne représente pas une ingérence indue dans les règlements internes des affaires syndicales. La commission note que le gouvernement réitère l’argument exprimé dans ses rapports pour 2006-2008 et 2008-2010 sur le fait que ces questions sont complexes et que la loi doit respecter tous les droits concurrents qui sont mis en jeu. La commission note que le TUC réitère les arguments qu’il a présentés dans sa communication précédente. La commission prie le gouvernement et le TUC de fournir toute information disponible sur l’application pratique des modifications apportées à l’article 174 de la loi (codifiée) sur les syndicats et les relations de travail (TULRA).
Protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grève ou autres actions revendicatives (art. 223 et 224 de la loi TULRA). Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté que, selon le TUC, compte tenu de la nature décentralisée du système des relations du travail, il est important pour les travailleurs de pouvoir s’engager dans une action revendicative contre les employeurs qui sont plus aptes à saper l’action syndicale au moyen de structures d’entreprise complexes, ou en recourant au transfert du travail ou à l’essaimage. La commission avait en général souligné la nécessité de protéger le droit des travailleurs d’engager une action revendicative en relation avec des questions qui les concernent, même si, dans certains cas, l’employeur direct peut ne pas être partie au différend, et de participer à des grèves de solidarité à condition que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle: 1) sa position reste la même que celle présentée dans le rapport pour 2006-2008, vu que les circonstances n’ont pas changé et qu’il n’a donc pas l’intention de modifier la loi dans ce domaine; et 2) cette question fait partie d’une affaire portée devant la CEDH par l’Union nationale des travailleurs du transport, du transport ferroviaire et maritime (RMT), et la cour n’a pas encore rendu de décision à ce propos. La commission rappelle la préoccupation qu’elle avait soulevée précédemment sur le fait que la mondialisation de l’économie et la délocalisation des centres de travail peuvent avoir un impact grave sur le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités de manière à défendre de façon effective les intérêts de leurs membres, dans le cas où une action revendicative légale est définie de manière trop restrictive. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie à nouveau le gouvernement de réviser les articles 223 et 224 de la TULRA, en consultant pleinement les partenaires sociaux, et de fournir dans son prochain rapport de nouvelles informations sur l’issue de ces consultations.
En outre, la commission rappelle qu’elle a souligné à plusieurs reprises la nécessité d’assurer pleinement la protection des droits des travailleurs de recourir dans la pratique à l’action revendicative légitime et estime que des garanties et une protection adéquates par rapport à la responsabilité civile sont nécessaires pour assurer le respect de ce droit fondamental. Elle avait également soulevé cette question lors de l’examen des commentaires formulés par l’Association des pilotes de ligne britanniques (BALPA), la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) et la Centrale Unite the Union. La commission note, d’après l’indication du gouvernement dans son dernier rapport, que la TULRA fournit une limite aux dommages et intérêts auxquels peuvent être exposés les syndicats lorsqu’ils entraînent les travailleurs dans une action revendicative. Le gouvernement estime que, bien que la Cour de justice européenne ait rendu une décision au sujet de l’interaction entre la législation européenne et la législation interne des Etats Membres, et bien que cette décision ait un effet direct sur le Royaume-Uni, il n’existe pas de jurisprudence sur la question de savoir si la mise en œuvre des droits européens a pour effet d’empêcher l’application des limites prévues dans la TULRA. En outre, le gouvernement indique que, suite aux préoccupations exprimées au sujet de la jurisprudence Viking et Laval, la Commission européenne a publié un projet de règlement du Conseil «Monti II» qui est actuellement négocié au sein du Conseil et du Parlement européens. La commission note que le gouvernement attend l’issue de ce processus. Elle note que les procédures de retrait du règlement proposé «Monti II» ont été entamées le 12 septembre 2012.
La commission estime qu’un examen complet des questions en collaboration avec les partenaires sociaux pour déterminer les mesures à prendre pour traiter les préoccupations soulevées devrait assurer à ce droit fondamental l’attention importante qu’il mérite au niveau national et prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations sur l’issue des discussions à ce sujet.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Article 3 de la convention. La demande directe antérieure de la commission portait sur des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC) selon lesquels les représentants syndicaux ne bénéficient pas d’un droit général d’accès aux lieux de travail et que, en particulier, un syndicat n’a pas un droit d’accès pour s’entretenir avec un travailleur qu’il accompagne dans une procédure disciplinaire ou de réclamation; en effet, l’employeur peut refuser au syndicat le droit d’accès au lieu de travail même dans ces circonstances.

Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté, d’après les informations fournies par le gouvernement, que: le Recueil de règles pratiques concernant le congé aux fins de l’accomplissement des obligations et activités syndicales, établi par le Service consultatif de conciliation et d’arbitrage (Acas), est en cours de révision; le gouvernement reconnaît par ailleurs que les responsables syndicaux à plein temps ne bénéficient que de peu de droits pour pénétrer dans les locaux des employeurs et que de telles questions sont généralement déterminées par accord entre un employeur et un syndicat. La commission prend dûment note de l’indication figurant dans le dernier rapport du gouvernement, selon laquelle le Recueil de règles pratiques concernant le congé aux fins de l’accomplissement des obligations et activités syndicales fournit des conseils au sujet de ces droits et qu’une version révisée de ce recueil est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Par ailleurs, l’accès prioritaire est encouragé par les lignes directrices établies par l’Acas sur les mesures disciplinaires et les différends au travail. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations dans ses prochains rapports en ce qui concerne l’accès au lieu de travail.

Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté, d’après l’indication du TUC, que, aux termes de l’article 223 de la loi sur les syndicats et les relations de travail (TULRA), les différends visant à assurer la réintégration des travailleurs qui avaient été licenciés pour avoir participé à une grève sauvage ne bénéficient pas de la protection de la loi, et que ce manque de protection s’applique quel que soit le motif de la grève sauvage. La commission note, d’après l’indication du gouvernement dans son dernier rapport, que celui-ci estime qu’il est important de veiller à ce que la grève sauvage ne provoque pas de perturbation économique de grande envergure, et qu’il n’est donc pas prévu de modifier cet article. La commission réitère que l’action revendicative organisée de manière légale pour soutenir des travailleurs licenciés pour avoir pris part à une grève sauvage devrait être considérée comme légitime et que, dans ce cas, le maintien de la relation d’emploi doit être protégé. La commission prie donc le gouvernement d’indiquer toutes mesures prises ou envisagées pour modifier l’article 223 de la loi TULRA en vue de garantir la protection d’une action revendicative officielle organisée en conformité avec la loi, même si elle est destinée à assurer la réintégration des travailleurs licenciés pour avoir pris part à une grève sauvage.

Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend note également des commentaires et des informations détaillés fournis par le Congrès des syndicats (TUC), dans une communication datée du 28 octobre 2010, dans laquelle il soulève un certain nombre de questions sur l’application de la convention dans la législation et la pratique qui font l’objet des commentaires de la commission depuis de nombreuses années. La commission prie le gouvernement de transmettre ses observations à cet égard dans son prochain rapport.

Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs sans intervention de la part des autorités publiques. Les commentaires antérieurs de la commission portaient sur la nécessité d’assurer le droit des syndicats d’élaborer leurs règlements administratifs et de formuler leurs programmes sans intervention de la part des autorités, et en particulier lorsqu’ils ont l’intention d’exclure des individus au motif qu’ils appartiennent à un parti politique extrémiste dont les principes et les politiques déplaisent au syndicat. A la suite de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rendu dans l’affaire Associated Society of Locomotive Engineers and Firemen (ASLEF) c. Royaume-Uni (27 mai 2007), lequel a conclu que l’article 174 de la loi (codifiée) sur les syndicats et les relations de travail, 1992 (TULRA), porte atteinte à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté syndicale, en ce sens qu’il n’établit pas un équilibre adéquat entre les droits individuels des membres et ceux du syndicat concerné, le gouvernement avait informé la commission que les modifications pertinentes prévues dans le projet de loi sur l’emploi avaient été soumises au Parlement.

La commission avait également noté les commentaires détaillés formulés par le TUC qui émet des réserves au sujet des modifications proposées aussi bien au regard de ce qu’il considère comme un degré important d’incertitude concernant leur signification que de la complexité excessive de la nouvelle législation. La commission prend dûment note des observations détaillées formulées par le gouvernement dans son dernier rapport en réponse à ces préoccupations. Le gouvernement indique en particulier que l’article 19 de la loi de 2008 sur l’emploi a modifié l’article 174 de la loi de 1992 et a étendu de manière significative le champ d’action des syndicats en matière d’exclusion des individus au motif de leur affiliation à un parti politique. Le gouvernement déclare qu’il a tenté de réaliser un équilibre entre des droits humains concurrents, à savoir la liberté de croyance et la liberté syndicale, à l’occasion de l’élaboration de ces modifications. Il a donc prévu des garanties pour assurer la présence des éléments essentiels en matière d’équité, de conformité à la loi et de transparence, à savoir que: a) l’affiliation aux partis politiques concernés est contraire aux statuts ou aux objectifs du syndicat; b) le syndicat a pris la décision d’exclusion conformément à ses statuts; et c) le syndicat a suivi dans sa décision des procédures équitables, en veillant à ce que l’intéressé ne perde pas ses moyens de subsistance et ne se retrouve pas dans une situation de difficulté exceptionnelle du fait d’une telle exclusion. En ce qui concerne ce dernier point, le gouvernement indique que, du fait que l’affiliation syndicale obligatoire est de toute manière illégale dans le pays, la perte de l’affiliation syndicale ne peut en aucun cas entraîner une situation de difficulté extrême. Pour ce qui est de l’allégation du TUC selon laquelle la complexité de la nouvelle législation est de nature à entraîner des procès injustifiés et abusifs, le gouvernement indique qu’il n’existe aucune preuve que les litiges aient été induits par les modifications qui sont entrées en vigueur en avril 2009. Le gouvernement ajoute à ce propos qu’une indemnité compensatoire pour exclusion illégale ne s’appliquerait que lorsque le syndicat a refusé d’admettre ou de réadmettre l’individu et que l’affiliation au parti politique concerné n’est pas contraire aux statuts ou aux objectifs du syndicat alors que, de l’avis du gouvernement, les statuts ou les objectifs des syndicats britanniques spécifient souvent que l’affiliation à certains partis politiques, ou certains comportements ou des comportements xénophobes ou racistes associés à de tels partis, sont incompatibles avec l’affiliation syndicale. Le gouvernement conclut que ces modifications ne portent pas atteinte à la convention et sont nécessaires dans une société démocratique pour assurer la protection des droits et de la liberté d’autrui.

La commission prie le gouvernement de répondre aux nouvelles préoccupations exprimées par le TUC dans ses derniers commentaires et de communiquer toute information disponible sur l’application pratique des modifications apportées à l’article 174 de la loi TULRA.

Protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grève ou autres actions revendicatives (art. 223 et 224 de la loi TULRA). Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté, selon le TUC, que la nature décentralisée du système des relations du travail fait qu’il est plus important pour les travailleurs de pouvoir s’engager dans une action revendicative contre des employeurs, qui sont plus aptes à saper l’action syndicale au moyen de structures d’entreprise complexes, ou en recourant au transfert du travail ou à l’essaimage. La commission a en général souligné la nécessité de protéger le droit des travailleurs d’engager une action revendicative en relation avec des questions qui les touchent même si, dans certains cas, l’employeur direct peut ne pas être partie au différend, et de participer à des grèves de solidarité à condition que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale. La commission prend note du fait que le gouvernement réitère qu’il n’envisage pas du tout de modifier la loi dans ce domaine. La commission souligne que la mondialisation de l’économie et la délocalisation des centres de travail peuvent avoir un impact grave sur le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités de manière à défendre de façon effective les intérêts de leurs membres, dans le cas où une action revendicative légale est définie de manière trop restrictive. La commission rappelle donc que les travailleurs devraient pouvoir participer à des grèves de solidarité, à condition que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale, et mener des actions revendicatives en relation avec les questions sociales et économiques qui les touchent et demande au gouvernement de réexaminer les articles 223 et 224 de la loi TULRA, en consultant pleinement les partenaires sociaux, et de transmettre dans son prochain rapport de plus en plus d’informations sur le progrès réalisé pour assurer le respect de ce principe.

La commission rappelle de nouveau qu’elle avait constaté avec beaucoup de préoccupation, sur la base des commentaires de l’Association des pilotes de ligne britanniques (BALPA), de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) et de la Centrale Unite the Union, des restrictions pratiques à l’exercice effectif du droit de grève par les travailleurs de la BALPA dans le cas en question. La commission avait observé que la menace omniprésente d’une action en dommages-intérêts comportant le risque de mener le syndicat dans une situation d’insolvabilité, éventualité aujourd’hui fort plausible, compte tenu de la jurisprudence Viking et Laval de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), crée une situation dans laquelle l’exercice des droits établis par la convention devient impossible. Tout en notant, d’après la déclaration du gouvernement, que l’impact des jugements de la CJCE est limité, la commission estime que de telles affaires risquent de devenir plus fréquentes dans le contexte actuel de la mondialisation, particulièrement dans certains secteurs d’emploi, tels que les transports aériens, et considère que la doctrine qui s’articule autour de ces jugements de la CJCE est de nature à avoir un effet restrictif important sur l’exercice du droit de grève dans la pratique, d’une manière contraire à la convention.

Dans son dernier rapport, le gouvernement souligne que, même si un différend syndical au Royaume-Uni a une dimension internationale, il n’est pas du tout évident que l’action revendicative en question risque de ne pas répondre aux prescriptions en matière de légitimité et de proportionnalité établies dans la jurisprudence de la CJCE. En tout état de cause, le gouvernement indique que, dans la mesure où des tests de proportionnalité peuvent s’appliquer à une action revendicative au Royaume-Uni, de tels tests découlent des traités de l’Union européenne, auxquels le gouvernement est tenu de donner effet. Le gouvernement estime donc que la modification de la loi TULRA ne devrait avoir aucun impact sur les tests de proportionnalité établis dans ces jugements. Pour ce qui est de la menace de dommages-intérêts illimités, le gouvernement estime qu’il n’a pas été prouvé que ces jugements de la CJCE auraient l’effet d’annuler les limites des dommages-intérêts en cas d’action revendicative illégale établies dans la loi TULRA, mais, même s’ils avaient un tel effet, le gouvernement maintient qu’il ne peut changer cet impact par une action unilatérale de sa part. Le gouvernement conclut que l’effet des jugements de la CJCE sur les actions revendicatives au Royaume-Uni n’a pas été établi, étant donné qu’aucune décision n’a été rendue par les tribunaux du Royaume-Uni dans ce domaine et que, en tout état de cause, tout effet serait probablement limité à une petite minorité de différends qui ont la dimension internationale requise. Pour ces raisons, le gouvernement considère qu’il n’est pas nécessaire de réviser la loi TULRA ou de prendre d’autres mesures nationales.

La commission rappelle qu’elle avait exprimé sa profonde préoccupation au sujet des circonstances qui ont entouré l’action revendicative proposée de la BALPA, contre laquelle les tribunaux ont ordonné une injonction en se basant sur la jurisprudence de Viking et Laval et, lorsque la compagnie a menacé, dans le cas où la grève aurait été effectivement déclenchée, de réclamer des dommages-intérêts d’un montant estimé à 100 millions de livres par jour. La commission rappelle à ce propos qu’elle souligne depuis plusieurs années la nécessité d’assurer pleinement la protection du droit des travailleurs d’exercer dans la pratique une action revendicative légitime et estime que les sauvegardes et protections adéquates en matière de responsabilité civile sont nécessaires pour assurer le respect de ce droit fondamental, qui est un corollaire intrinsèque du droit d’organisation. Tout en prenant dûment note des observations du gouvernement en relation avec ses obligations aux termes de la législation de l’Union européenne, la commission estime que la protection des actions revendicatives dans le pays, dans le contexte d’un impact hypothétique des jugements de la CJCE auquel se réfère le gouvernement (lequel a donné lieu à une insécurité juridique importante dans l’affaire BALPA), pourrait en effet être favorisée en limitant de manière effective les actions en dommages-intérêts de manière à ce que les syndicats ne soient pas confrontés aux menaces de faillite pour le seul fait d’avoir mené une action revendicative. La commission estime qu’un examen complet des problèmes en question avec les partenaires sociaux en vue de déterminer une action possible destinée à traiter les préoccupations soulevées aiderait à démontrer l’importance d’assurer le respect de ce droit fondamental. La commission demande en conséquence à nouveau au gouvernement de réexaminer la loi TULRA, en consultant pleinement les organisations concernées de travailleurs et d’employeurs, en vue de veiller à ce que la protection du droit des travailleurs d’exercer dans la pratique une action revendicative légitime soit pleinement effective, et d’indiquer toutes autres mesures prises à ce propos.

Réintégration des travailleurs ayant participé à une grève légale. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait rappelé que, pour que le droit de grève soit effectivement garanti, les travailleurs qui recourent à une grève légale devraient être en mesure de réintégrer leur emploi une fois la grève terminée. Le fait de rendre le retour au travail tributaire de certains délais et du consentement de l’employeur constitue, de l’avis de la commission, un obstacle à l’exercice effectif de ce droit, qui représente un moyen essentiel pour les travailleurs de promouvoir et défendre leurs intérêts. La commission avait en conséquence demandé au gouvernement d’indiquer toute mesure prise ou envisagée pour renforcer la protection dont disposent les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et organisée légalement.

La commission note que le gouvernement réitère que les personnes qui participent à une action revendicative organisée de manière légale sont protégées contre le licenciement dans le cas où la durée de la grève est inférieure à douze semaines. Le fait de licencier un travailleur pour participation à une grève au cours de cette période est considéré automatiquement comme injuste. Toutes les grèves au Royaume-Uni durent en principe moins de douze semaines et cette protection s’étend en conséquence en principe à tous les travailleurs qui participent à des grèves officielles et organisées de manière légale. Par ailleurs, et quelle que soit la durée de la grève, un employeur ne peut licencier un travailleur pour sa participation à une action revendicative si cet employeur n’a pas pris les mesures raisonnables en matière de procédure pour résoudre le différend avec le syndicat (par exemple procédures agréées de résolution des différends). Le gouvernement affirme cependant qu’il n’est pas approprié de soutenir l’avis selon lequel un employeur ne doit, dans aucune circonstance, licencier des travailleurs qui ont eu recours à une action revendicative. De toute manière, le licenciement de grévistes est très rare au Royaume-Uni.

La commission rappelle l’importance qu’il attache au maintien des relations d’emploi en tant que conséquence légale normale de la reconnaissance du droit de grève (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 139). Bien que des dispositions qui permettent aux employeurs de licencier les travailleurs au cours d’une grève, ou à l’occasion de celle-ci, au motif que l’action revendicative est illégitime ou illégale puissent être conformes aux dispositions de la convention, la commission estime que le fait de restreindre le droit de maintenir la relation d’emploi aux actions revendicatives dont la durée est inférieure à douze semaines place une limite arbitraire par rapport à la protection effective du droit de grève, et ce de manière contraire à la convention. La commission demande en conséquence au gouvernement de réexaminer la loi TULRA, en consultant pleinement les organisations concernées de travailleurs et d’employeurs, en vue de renforcer la protection dont disposent les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et organisée légalement, et de lui fournir des informations sur toute mesure prise à cet égard.

Prescriptions en matière d’avis de grève. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des commentaires formulés par le TUC selon lesquels les prescriptions en matière d’avis, nécessaires pour qu’une grève bénéficie de la protection de la loi, étaient excessivement lourdes. La commission note, d’après le rapport du gouvernement, que celui-ci a engagé des discussions avec le TUC au sujet de ces questions au cours de la période soumise au rapport mais qu’il n’a été parvenu à aucun accord sur la question. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les développements à ce propos, ainsi que tous rapports ou statistiques pertinents sur l’application pratique et les effets pratiques des prescriptions susmentionnées.

La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

La commission prend note des observations de l’Association des pilotes de ligne britanniques (BALPA) en date du 22 octobre 2008, appuyées par la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) et la centrale Unite the Union, ainsi que de la réponse du gouvernement. Elle note en particulier que la BALPA se réfère à deux décisions récentes de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE): International Transport Workers’Federation and the Finnish Seaman’s Union c. Viking Line ABP (Viking) et Laval un Partneri c. Svenska Byggnadsarbetareforbundet (Laval), dans lesquelles la Cour a considéré que le droit de grève est sujet, en droit syndical européen, à des restrictions lorsque ses effets peuvent affecter de manière disproportionnée la liberté d’établissement d’un employeur ou sa liberté de fournir des services. La BALPA argue que ces jugements ont une incidence négative sur ses droits syndicaux tels que prévus par la convention.

La BALPA explique en particulier qu’elle a décidé de déclencher une grève suite à la décision de l’employeur, British Airways (BA), de constituer une société filiale dans d’autres Etats de l’Union européenne. Bien que des efforts aient été déployés en vue de négocier sur cette question, en particulier sur l’impact que cette décision aurait sur les conditions d’emploi, toutes les tentatives se sont révélées infructueuses, et les membres de la BALPA ont donc voté à une forte majorité en faveur de la grève. Cependant, la grève a été de fait entravée par la décision de BA de solliciter une injonction, en se basant sur l’argument que la grève serait illégale en vertu de la jurisprudence créée par les affaires Viking et Laval. En outre, BA avait menacé, dans le cas où la grève aurait été effectivement déclenchée, de réclamer des dommages et intérêts d’un montant estimé à 100 millions de livres par jour. Devant cette situation, la BALPA n’a pas persisté dans la voie de la grève, faisant valoir qu’elle risquait de se retrouver dans une situation d’insolvabilité dans le cas où il lui serait exigé de tels dommages-intérêts. La BALPA se déclare particulièrement inquiète de la perspective de voir l’application de la jurisprudence Viking et Laval par les tribunaux britanniques se traduire par des injonctions contre des actions de revendication (et par le licenciement de travailleurs) dans le cas où les tribunaux détermineraient que la grève a, pour l’employeur, un impact sans commune mesure avec les avantages à en attendre de la part des travailleurs.

La commission note que le gouvernement indique dans sa réponse que la démarche de la BALPA est mal conçue et se trompe de cible, car tout effet négatif que la jurisprudence Viking et Laval pourrait avoir ne serait qu’une conséquence du droit de l’Union européenne, que le Royaume-Uni est tenu d’appliquer, et non d’une quelconque action unilatérale du Royaume-Uni lui-même. Le gouvernement affirme en outre que l’initiative de la BALPA est prématurée, car on ne saurait déterminer avec certitude quelle incidence aurait la jurisprudence Viking et Laval sur l’application de la législation syndicale au Royaume-Uni, si tant est qu’une telle incidence existe. Il ajoute que cette jurisprudence n’aura vraisemblablement pas beaucoup d’effet sur les droits des syndicats puisqu’elle ne concerne que les cas dans lesquels la liberté d’établissement et la liberté de mouvement des services d’un Etat à l’autre sont en jeu. En plus, l’impact des principes qui se dégagent de cette jurisprudence peut différer considérablement, en fonction des faits dans chaque cas. Il n’y a pas eu par la suite d’affaire analogue devant la CJCE, et il n’y a pas eu non plus de décision des tribunaux du Royaume-Uni abordant la question de la mesure dans laquelle les nouveaux principes pourraient constituer une restriction supplémentaire à la liberté des syndicats d’organiser leurs actions revendicatives au Royaume-Uni. Enfin, le gouvernement indique qu’il n’est pas évident que la limite prévue actuellement en matière de dommages et intérêts se trouverait contournée ou éludée dans une action en justice s’appuyant sur la jurisprudence Viking, étant donné que cette limite se trouve solidement ancrée dans la protection des libertés syndicales, protection qui ne manquerait pas d’être prise en considération dans le cas où cette limite serait contestée devant les tribunaux comme contraire au droit de l’Union européenne.

De manière liminaire, la commission tient à rappeler de façon générale ses précédents commentaires, dans lesquels elle a pris note des limitations affectant l’action revendicative au Royaume-Uni, notamment le principe selon lequel il y a, vu sous l’angle de la common law, rupture de contrat lorsque des travailleurs participent à une action revendicative, et les membres d’un syndicat ne sont protégés des conséquences au regard du droit (le licenciement) que lorsque le syndicat n’est pas susceptible de poursuites, c’est-à-dire lorsqu’il s’avère que la grève se trouve dans la continuité d’un conflit du travail, ce qui n’inclut pas «l’action secondaire» ou la grève de solidarité (art. 224 de la loi (de consolidation) de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TULRA)). A cet égard, la commission a demandé au gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées en vue de modifier la TULRA de manière à élargir le champ de la protection prévue pour les travailleurs qui s’engagent officiellement et légalement dans une action revendicative.

S’agissant de la question posée par la BALPA, la commission tient à établir clairement que sa tâche n’est pas de juger le bien-fondé des attendus de la CJCE dans les affaires Viking et Laval, en tant que ces attendus proposent une interprétation du droit de l’Union européenne à partir de droits distincts et variés découlant du Traité européen, mais plutôt d’examiner si l’impact de ces décisions au niveau national est tel qu’il en résulte un déni des droits syndicaux des travailleurs au regard de la convention no 87.

La commission observe que, en élaborant sa position par rapport aux restrictions au droit de grève qui sont admissibles, elle n’a jamais inclus la nécessité d’évaluer la proportionnalité des intérêts en ayant à l’esprit une notion de liberté d’établissement ou de liberté de fournir des services. La commission a seulement suggéré que, dans certains cas, la notion d’un service minimum négocié peut être envisagée, en vue d’éviter un préjudice qui serait irréversible ou hors de toute proportion à l’égard des tiers, et, si un accord n’est pas possible, que la question soit soumise à un organe indépendant (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 160). La commission estime qu’il n’y a aucune raison de revoir sa position sur ce point.

La commission observe avec une grande préoccupation, dans cette affaire, les limites pratiques à l’exercice effectif du droit de grève pour les travailleurs affiliés à la BALPA. La commission est d’avis que la menace omniprésente d’une action en dommages-intérêts comportant le risque de mener le syndicat dans une situation d’insolvabilité, éventualité aujourd’hui fort plausible, compte tenu de la jurisprudence Viking et Laval, crée une situation dans laquelle l’exercice des droits établis par la convention devient impossible. Tout en prenant dûment note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il serait prématuré à ce stade de présumer de l’impact que cette jurisprudence aurait sur le jugement que le tribunal aurait rendu dans cette affaire, étant donné que la BALPA s’est désistée, la commission estime au contraire qu’il y avait une réelle menace contre l’existence du syndicat, et que la demande d’injonction et les délais qui s’en seraient suivis nécessairement auraient, selon toute vraisemblance, rendu l’action elle-même sans pertinence et dénuée de sens. Enfin, la commission note que le gouvernement déclare que l’impact des jugements de la CJCE est limité puisque ces jugements ne concernent que des affaires dans lesquelles ce qui est en jeu, c’est la liberté d’établissement et la liberté de mouvement des services d’un Etat Membre à un autre, alors que, dans leur immense majorité, les conflits du travail au Royaume-Uni n’ont qu’une portée purement nationale et ne soulèvent pas de questions transfrontières. La commission observe à cet égard que, dans le contexte actuel de la mondialisation, de telles affaires risquent de devenir plus courantes, notamment dans certains secteurs d’emploi, comme celui des transports aériens, tant est si bien qu’une atteinte à la possibilité des travailleurs de ces secteurs de négocier réellement avec leurs employeurs sur les questions affectant leurs conditions d’emploi pourrait assurément se révéler dévastatrice. Ainsi, la commission considère que la doctrine utilisée dans ces jugements de la CJCE est susceptible d’avoir un effet restrictif quant à l’exercice du droit de grève dans la pratique, d’une manière qui est contraire à la convention.

A la lumière des observations qu’elle formule depuis de nombreuses années quant à la nécessité d’assurer une plus grande protection du droit des travailleurs de recourir, dans la pratique, à une action revendicative légitime et, compte tenu des nouveaux défis auxquels cette protection se trouve confrontée, comme examiné ci-dessus, la commission demande au gouvernement de réviser la TULRA en envisageant les mesures appropriées de protection de la faculté des travailleurs et de leurs organisations de recourir à l’action revendicative, et d’indiquer les mesures prises à cet égard.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Article 2 de la convention. La demande directe antérieure de la commission portait sur des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC), selon lesquels les représentants syndicaux ne bénéficient pas d’un droit général d’accès aux lieux de travail et qu’il s’agit là d’une question particulièrement préoccupante dans le secteur de la navigation marchande. Le TUC avait déclaré que les responsables syndicaux ne disposent pas de ce droit d’accès pour organiser leurs activités et informer les travailleurs des avantages de la syndicalisation sur les lieux de travail où les syndicats sont reconnus mais plutôt de facilités limitées pour leur permettre d’exercer les activités relatives aux droits de consultation par rapport aux licenciements collectifs pour des motifs économiques et aux mutations dans les entreprises.

La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement au sujet du système applicable au Royaume-Uni lequel est très décentralisé. Elle note que, à la suite de l’examen mené avec la participation du syndicat en 2006 et 2007, le recueil de règles pratiques concernant le congé aux fins de l’accomplissement des obligations et activités syndicales, établi par le Service consultatif de conciliation et d’arbitrage (Acas) est en cours de révision. Le gouvernement reconnaît par ailleurs que les responsables syndicaux à plein temps ne bénéficient que de peu de droits pour pénétrer dans les locaux des employeurs et que de telles questions sont généralement déterminées par accord entre un employeur et un syndicat. Il existe une disposition qui fixe les droits en matière d’accès des responsables syndicaux dans le cadre de la procédure légale de reconnaissance introduite par la loi de 1999 sur les relations d’emploi l’ordonnance de 1999 sur les relations d’emploi (Irlande du Nord). Aux termes de cette procédure, une demande de reconnaissance d’un syndicat peut être décidée par voie de vote et le syndicat peut envoyer des responsables dans les locaux de l’employeur avant le vote pour expliquer la demande de reconnaissance aux travailleurs concernés. De tels droits s’appliquent aussi dans la marine marchande, sous réserve que les navires et les gens de mer concernés relèvent de la juridiction territoriale du Royaume-Uni.

La commission note, selon les derniers commentaires du TUC, qu’un syndicat n’a pas un droit d’accès pour s’entretenir avec un travailleur qu’il accompagne dans une procédure disciplinaire ou de réclamation; en effet, l’employeur peut refuser au syndicat le droit d’accès au lieu de travail même dans ces circonstances, en organisant l’audience à l’extérieur de celui-ci. Des droits limités en matière d’accès ne sont accordés que dans le cadre réglementé de la reconnaissance des votes conformément à la procédure légale de reconnaissance mais, même dans ce cas, l’employeur ne peut être tenu en définitive d’autoriser l’accès de ses locaux, tellement sont puissants les droits de propriété reconnus dans la législation britannique du travail.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article 3 de la convention les syndicats devraient avoir le droit d’organiser leur gestion et leurs activités en toute liberté en vue de défendre tous les intérêts professionnels de leurs membres, dans le respect de la légalité. Cela comprend en particulier le droit d’avoir accès aux lieux de travail et d’accomplir toute activité relative à la défense des droits des membres (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 128). En conséquence, la commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport toutes mesures prises ou envisagées pour renforcer la possibilité pour les syndicats d’avoir accès aux lieux de travail, en particulier dans le cadre des procédures disciplinaires et de réclamations.

Article 3. Dans sa demande directe antérieure, la commission avait noté, d’après l’indication du TUC, qu’aux termes de l’article 223 de la loi sur les syndicats et les relations de travail (TULRA) les différends visant à assurer la réintégration des travailleurs qui avaient été licenciés pour avoir participé à une grève non officielle ne bénéficient pas de la protection de la loi, et que ce manque de protection s’applique quel que soit le motif de la grève non officielle. La commission note, d’après la déclaration du gouvernement, que les grèves non officielles sont en général très perturbatrices et que le cadre légal vise à dissuader les travailleurs d’y recourir. En conséquence, aucune protection contre le licenciement n’est prévue à l’égard des travailleurs qui se livrent à une grève non officielle conformément aux articles 237 de la TULRA et 143 de l’ordonnance de 1996 sur les droits en matière d’emploi (Irlande du Nord). De même, les syndicats ne bénéficient pas de protection s’ils organisent une grève visant à assurer la réintégration de tous individus licenciés pour ces motifs (art. 223 de la TULRA et 116 de l’ordonnance de 1996 susvisée). La commission rappelle que les organisations de travailleurs devraient être en mesure de recourir à des moyens légitimes pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux et que les restrictions au droit de grève ne sont acceptables que dans certaines circonstances limitées (les services essentiels au sens strict du terme et dans le cas des agents de l’administration publique exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat). En conséquence, la commission prie le gouvernement d’indiquer toutes mesures prises ou envisagées pour modifier l’article 223 de la TULRA en vue d’assurer la protection en cas de grève officielle, dans la mesure où celle-ci est organisée en conformité avec la loi, même si elle vise à assurer la réintégration de travailleurs licenciés pour avoir participé à une grève ne bénéficiant pas de la protection de la loi.

Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Article 3 de la convention.Droit des organisations de travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs sans intervention de la part des autorités publiques. Les commentaires antérieurs de la commission portaient sur la nécessité d’assurer plus pleinement le droit des syndicats d’élaborer leurs règlements administratifs et de formuler leurs programmes sans intervention de la part des autorités, et en particulier lorsqu’ils ont l’intention d’exclure des individus au motif qu’ils appartiennent à un parti politique extrémiste dont les principes et les politiques déplaisent au syndicat. La commission accueille favorablement l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme rendu dans l’affaire Associated Society of Locomotive Engineers and Firemen (ASLEF) c. Royaume-Uni (27 mai 2007) qui se réfère aux articles 3 et 5 de la convention et a conclu que l’article 174 de la loi (codifiée) sur les syndicats et les relations de travail, 1992, (TULRA) porte atteinte à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté syndicale et qu’il n’établit pas un équilibre adéquat entre les droits individuels des membres et ceux du syndicat concerné.

La commission note, d’après le rapport du gouvernement, que conformément à l’arrêt susmentionné celui-ci a pris des mesures de toute urgence pour modifier les dispositions pertinentes de la TULRA en consultation avec les partenaires sociaux. Le gouvernement a soumis au parlement des propositions de lois en vue de modifier l’article 174 et les dispositions pertinentes prévues à l’article 176 concernant les recours; ces propositions figurent actuellement dans la clause 19 du projet de loi sur l’emploi soumis à la Chambre des Lords le 6 décembre 2007. Celle-ci a achevé l’examen du projet de loi susmentionné, lequel a été présenté à la Chambre des communes le 3 juin 2008. Le gouvernement s’attend à ce que le projet de loi en question obtienne l’assentiment royal en automne 2008.

En ce qui concerne les modifications principales, la commission note, selon le gouvernement, que la clause 18 du projet de loi sur l’emploi prévoit de plus grandes possibilités pour les syndicats d’exclure une personne au motif qu’elle appartient à un parti politique, ainsi que des mesures de sauvegarde visant à assurer que l’exclusion pour ces motifs n’est légale que dans les cas où l’affiliation au parti politique en question est contraire à une règle ou un objectif du syndicat, et que le syndicat a suivi des procédures équitables lors de la prise de décisions d’exclusion. En ce qui concerne en particulier l’Irlande du Nord, le gouvernement indique que des consultations publiques ont été lancées en juin 2008 sur des propositions visant à modifier des dispositions similaires à celles de la TULRA (art. 38 de l’ordonnance de 1995 sur les syndicats et les relations du travail (Irlande du Nord)). La consultation devait avoir lieu jusqu’au 30 septembre 2008, et toutes modifications législatives seront intégrées à un projet de loi sur l’emploi qui sera soumis en 2009 à l’Assemblée nord-irlandaise.

La commission prend note des commentaires détaillés sur le rapport du gouvernement formulés par le Congrès des syndicats (TUC) dans une communication datée du 1er septembre 2008, ainsi que des observations présentées par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication en date du 29 août 2008. La commission note que, bien que le TUC se félicite de la soumission du projet de loi sur l’emploi au parlement, il émet des réserves au sujet du détail introduit dans la clause 18 qui a été très fortement modifiée dans la Chambre des Lords. Le TUC estime que, si la clause 18 est adoptée dans sa forme actuelle, un syndicat ne serait légalement en mesure d’expulser un individu au motif qu’il appartient à un parti politique que si une telle expulsion se fait conformément aux règles ou aux objectifs du syndicat, mais dans ce dernier cas seulement si l’objectif est accessible à l’intéressé; même si la décision est prise conformément aux règles ou aux objectifs du syndicat, elle n’en serait pas moins illégale si certaines obligations procédurales n’étaient pas au préalable respectées et si les déclarations de l’intéressé n’étaient pas examinées de manière équitable; le TUC estime que ces dispositions sont inutiles et disproportionnées étant donné qu’il existe déjà une protection dans la common law à l’égard des personnes qui sont expulsées d’un syndicat non habilité à le faire, à laquelle ces modifications viennent s’ajouter; le TUC affirme par ailleurs que même si de telles obligations de fond et de procédures étaient réunies, il serait quand même illégal d’exclure un individu si une telle exclusion était susceptible de faire perdre à l’intéressé ses moyens de subsistance et le mettait dans «une situation de difficulté exceptionnelle»; cette dernière expression n’est pas définie, et il est difficile d’anticiper sa signification vu qu’il existe déjà une protection légale contre la discrimination ou le licenciement pour cause de non-affiliation à un syndicat. Lorsque le syndicat ne se conforme pas à ces règles, il est passible du paiement de dommages et intérêts à l’intéressé (actuellement un minimum 6 900 livres sterling). Enfin, le TUC soutient que la complexité de la nouvelle législation est de nature à entraîner des procès injustifiés et abusifs. Il ajoute que l’article 174 de la TULRA devrait être abrogé dans son ensemble afin de rétablir les droits des syndicats à la liberté syndicale.

La commission prie le gouvernement de répondre aux préoccupations exprimées par le TUC, et d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour assurer que les modifications apportées à l’article 174 de la TULRA garantissent pleinement le droit des syndicats d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs sans ingérence de la part des autorités publiques.

Protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou autres actions revendicatives (art. 223 et 224 de la TULRA). Les commentaires antérieurs de la commission portaient sur la nécessité de protéger le droit des travailleurs de recourir à une action revendicative en relation avec des questions qui les touchent même si, dans certains cas, l’employeur direct n’est pas partie au conflit, et de participer à des grèves de solidarité, à condition que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale. La commission note, d’après l’indication du gouvernement, que celui-ci n’envisage pas de modifier la loi dans ce domaine, étant donné qu’il estime qu’il est primordial, dans le cadre de son système de relations du travail décentralisé, de continuer à considérer comme illégal le fait pour un syndicat d’organiser toute forme d’action revendicative secondaire. La commission note, selon le TUC, que la nature décentralisée du système des relations du travail fait qu’il est plus important pour les travailleurs de pouvoir s’engager dans une action revendicative contre des employeurs qui sont plus aptes à saper l’action syndicale au moyen de structures d’entreprise complexes, ou en recourant au transfert du travail ou à l’essaimage. La commission rappelle à nouveau à ce propos que les travailleurs devraient pouvoir participer à des grèves de solidarité, à condition que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale, et mener des actions revendicatives en relation avec les questions sociales et économiques qui les touchent, même si leur employeur direct n’est pas partie au différend. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport toutes mesures envisagées pour modifier les articles 223 et 224 de la TULRA, conformément à ce principe.

Réintégration des travailleurs ayant participé à une grève légale. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté, d’après l’indication du TUC, que la loi de 2004 sur les relations d’emploi (ERA) porte modification de la TULRA (en ajoutant le paragraphe 7B à l’article 283A) de manière à considérer comme illégal le fait pour l’employeur de licencier un travailleur au motif d’avoir pris part à une grève légale au cours des douze premières semaines de la grève. La commission note, d’après le rapport du gouvernement, que la protection contre le licenciement des travailleurs qui rompent leurs contrats de travail dans le cadre d’une grève officielle et organisée légalement est actuellement plus importante qu’à tout autre moment dans l’histoire du pays, grâce aux nouvelles protections introduites dans les lois de 1999 et 2004 sur les relations d’emploi et les ordonnances de 1999 et 2004 sur les relations d’emploi (Irlande du Nord). Les nouvelles protections prennent deux formes: premièrement, il est illégal de licencier une personne au motif de sa participation à une grève, lorsque celle-ci a lieu au cours d’une période de douze semaines (couvrant la grande majorité des actions de revendication officielles); deuxièmement, un licenciement est abusif si l’employeur s’est abstenu de prendre toutes mesures raisonnables de procédure afin de résoudre le différend avec le syndicat; cette condition s’applique aux actions revendicatives officielles et organisées légalement au-delà de la période de douze semaines. Le gouvernement ajoute qu’il n’est pas d’avis que l’employeur ne doive en aucun cas licencier les travailleurs lorsque ces derniers recourent à une action revendicative.

La commission note, cependant, que dans ses derniers commentaires le TUC énumère plusieurs lacunes dans la protection des travailleurs en grève au Royaume-Uni: i) d’après la common law, le fait pour un travailleur de prendre part à une grève continue à représenter une rupture de contrat, et la législation récente fournit simplement une protection contre les conséquences de la position de la common law dans certaines circonstances au lieu de modifier cette position; ii) les syndicalistes ne sont protégés contre les conséquences de la common law (licenciement) que si le syndicat est protégé contre la responsabilité, c’est-à-dire lorsque les grèves sont menées pour prévenir ou soutenir «un conflit de travail» qui, comme précédemment indiqué par la commission d’experts, autorise une action revendicative dans des circonstances bien limitées (voir ci-dessus); iii) même dans le cas où une protection contre le licenciement existe effectivement, elle n’est pas illimitée mais s’applique seulement au cours des douze premières semaines du différend, et toute prolongation est conditionnelle et non garantie; iv) même lorsque la protection est applicable et qu’un travailleur est licencié abusivement, celui-ci n’a pas le droit de réintégrer son travail si son employeur s’y oppose.

La commission est d’avis que, pour que le droit de grève soit effectivement garanti, les travailleurs qui recourent à une grève légale devraient être en mesure de réintégrer leur emploi une fois la grève terminée. Le fait de rendre le retour au travail tributaire de certains délais et du consentement de l’employeur constitue, de l’avis de la commission, un obstacle à l’exercice effectif de ce droit, qui représente un moyen essentiel pour les travailleurs de promouvoir et défendre leurs intérêts. En conséquence, la commission prie le gouvernement d’indiquer toutes mesures prises ou envisagées pour modifier la TULRA en vue de renforcer la protection dont disposent les travailleurs qui ont recours à une action revendicative officielle et organisée légalement.

Prescriptions en matière d’avis de grève. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait pris note des commentaires formulés par le TUC selon lesquels les prescriptions en matière d’avis, nécessaires pour qu’une grève bénéficie de la protection de la loi, étaient excessivement lourdes. La commission note, selon le gouvernement, que plusieurs mesures ont déjà été prises pour simplifier les articles 226-235 de la TULRA et 104-109 de l’ordonnance de 1995; par ailleurs, et dans le cadre d’un plan publié en décembre 2006 pour simplifier les dispositions de la loi sur l’emploi, le gouvernement invite explicitement les syndicats à formuler des propositions visant à simplifier davantage la loi sur les syndicats. Depuis lors, le gouvernement a organisé des discussions avec le TUC pour examiner ses propositions visant à simplifier les dispositions de la loi sur les votes et les avis de grève. Ces discussions sont en cours. La commission note que, dans ses derniers commentaires, le TUC signale qu’aucun progrès n’a été enregistré sur la voie de cette réforme. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport tout progrès réalisé à cet égard.

La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

La commission prend note du rapport du gouvernement et des commentaires soumis pas la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et le Congrès des syndicats (TUC) dans des communications datées respectivement du 10 août et 30 août 2006.

Article 2 de la convention. La commission note, d’après l’indication du TUC, que les représentants syndicaux ne bénéficient pas d’un droit général d’accès aux lieux de travail et qu’il s’agit là d’une question particulièrement préoccupante dans le secteur de la navigation marchande. Le TUC déclare que, sur les lieux de travail où les syndicats sont reconnus, la loi exige que les employeurs fournissent aux représentants des syndicats des facilités limitées pour leur permettre d’exercer les activités relatives aux droits de consultation par rapport aux licenciements collectifs pour des motifs économiques et aux mutations dans les entreprises; cependant, ces dispositions n’établissent pas le droit général des représentants syndicaux d’accéder aux lieux de travail, d’entreprendre les activités syndicales et d’informer les travailleurs des avantages d’une affiliation syndicale. La commission rappelle à ce propos que la liberté syndicale implique, pour les organisations de travailleurs et d’employeurs, le droit d’organiser en toute liberté leurs activités et de formuler les programmes d’action visant à défendre tous les intérêts professionnels de leurs membres dans le respect de la légalité. Cela comprend en particulier le droit de tenir des réunions syndicales, le droit des dirigeants syndicaux d’avoir accès aux lieux de travail et de communiquer avec les membres de la direction, certaines activités politiques des organisations ainsi que le droit de grève et, plus généralement, toute activité relative à la défense des droits des membres (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 128). La commission demande au gouvernement de fournir une réponse au sujet de la préoccupation exprimée par le TUC relative à cette question et d’indiquer l’effet que la question de l’accès peut avoir sur le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, notamment à l’égard des travailleurs du secteur de la navigation marchande.

Article 3. 1. La commission note, d’après l’indication du TUC, que la loi de 2004 sur les relations de travail (ERA) porte modification de la loi de 1992 sur les relations de travail et les syndicats (TULRA), en prévoyant qu’il est illégal pour un employeur de licencier un travailleur au motif de sa participation à une grève légale au cours des 12 semaines qui suivent la grève. Le TUC maintient que cette disposition ne protège pas de manière adéquate le droit de grève des syndicats et cite le cas de Friction Dynamics dans lequel l’employeur avait attendu l’expiration de la période légale pour envoyer sans tarder des lettres de licenciement aux travailleurs qui avaient participé à la grève. La commission prie le gouvernement de répondre aux commentaires du TUC concernant cette question.

2. Le TUC déclare que, pour qu’une grève bénéficie de la protection de la loi, les syndicats doivent engager une procédure complexe comportant non seulement le vote du recours à la grève, mais également la soumission d’un avis à l’employeur comportant des informations détaillées – en cas de non-soumission de ces informations à l’employeur, celui-ci peut obtenir une injonction et faire ainsi obstacle à la grève pour une question de procédure. Le TUC indique que les précisions qui doivent être soumises à l’employeur comportent: un avis de l’intention du syndicat d’organiser un vote, un exemplaire d’un bulletin de vote, un avis sur les résultats du vote, les listes des catégories de travailleurs et de lieux de travail touchés ou concernés par la grève, et un préavis de sept jours au moins de l’intention de recourir à la grève. Le TUC maintient que ces conditions en matière d’avis, même si elles ont été simplifiées par l’ERA, demeurent lourdes de manière injustifiée. La commission prie le gouvernement de répondre aux préoccupations du TUC concernant cette question.

3. La commission note, d’après l’indication du TUC, que, aux termes de l’article 223 de la TULRA, les différends visant à assurer la réintégration des travailleurs qui avaient été licenciés pour avoir participé à une grève non officielle ne bénéficient pas de la protection de la loi, et que ce manque de protection s’applique quel que soit le motif de la grève non officielle. La commission prie le gouvernement de répondre aux commentaires du TUC concernant cette question.

Observation (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

La commission prend note du rapport du gouvernement et des commentaires soumis par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et leu Congrès des syndicats (TUC) dans des communications datées respectivement du 10 août et du 31 août 2006. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations à leur sujet.

Article 3 de la convention.Droit des organisations de travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs sans intervention de la part des autorités publiques. La commission note, d’après les commentaires du TUC, que, bien que l’article 174 de la loi sur les relations du travail et les syndicats (TULRA) ait été modifié par la loi de 2004 sur les relations de travail (ERA) de manière à permettre aux syndicats d’exclure des individus au motif «d’avoir engagé des activités en tant que membres d’un parti politique», cette modification ne traite pas pleinement des préoccupations en matière de liberté syndicale étant donné qu’il est toujours considéré comme illégal le fait d’exclure un individu au motif qu’il appartient à un parti politique extrémiste dont les principes et les politiques déplaisent au syndicat. Le TUC indique, par ailleurs, qu’un individu exclu totalement à cause de son appartenance à un parti politique extrémiste a droit automatiquement à une indemnisation minimum, qu’il ait ou non subi une perte quelconque. Le TUC indique à ce propos que les organisations d’extrême droite ont encouragé leurs membres à s’infiltrer dans les syndicats et donne l’exemple du cas où l’expulsion d’une telle personne a donné lieu à une ordonnance obligatoire d’indemnisation de la part d’un tribunal du travail à l’encontre du syndicat. La commission rappelle que, dans ses commentaires antérieurs, elle avait demandé au gouvernement de la tenir informée des développements destinés à assurer de manière plus complète le droit des syndicats d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs et de formuler leurs programmes d’action sans intervention de la part des autorités publiques. Compte tenu des graves préoccupations exprimées par le TUC, la commission prie le gouvernement de considérer l’adoption de mesures urgentes en vue de modifier l’article 174 de la TULRA de manière à donner un effet plus complet à ce droit des syndicats et de l’informer des mesures adoptées avec son prochain rapport. La commission demande également au gouvernement de répondre à la préoccupation exprimée par le TUC au sujet de l’obligation d’assurer une indemnisation pour chaque cas d’exclusion sans tenir compte du fait qu’une perte quelconque ait été ou non subie.

Protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou autres actions revendicatives (art. 223 et 224 de la TURLA). La commission avait précédemment demandé au gouvernement de la tenir informée de tous faits nouveaux à propos du droit des travailleurs de mener des actions revendicatives portant sur des questions qui les touchent, même si dans certains cas leur employeur direct n’est pas partie au conflit, et de participer à des grèves de solidarité, à condition que la grève de base qu’ils soutiennent soit elle-même licite. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle aucun nouveau développement n’est intervenu sur cette question. La commission rappelle à nouveau à ce propos que les travailleurs devraient pouvoir participer à des grèves de solidarité, à condition que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même licite, et mener des actions revendicatives à propos de questions qui les touchent, même si dans certains cas leur employeur direct n’est pas parti au différend, et demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 223 et 224, conformément à ce principe.

La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement et de l’adoption de la loi de 2004 sur les relations du travail.

1. Définition du conflit de travail (art. 244 de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail). La commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées pour remédier aux situations dans lesquelles, en raison de la définition restrictive des conflits du travail, les travailleurs perdent dans la pratique la protection de la common law contre la violation de leur contrat de travail et ne peuvent donc pas recourir à un moyen essentiel pour défendre leurs intérêts. La commission note que le gouvernement indique qu’il n’y a pas de faits nouveaux à signaler à cet égard et qu’il a examiné les commentaires des syndicats sur cette question dans le cadre de la révision de la loi de 1999 sur les relations du travail. Dans ce cadre, les syndicats ont conclu que la loi opère de façon appropriée. La commission rappelle de nouveau que le droit de grève est pour les syndicats un moyen essentiel de défendre leurs intérêts. Elle demande au gouvernement de la tenir informée dans ses prochains rapports de tous faits nouveaux à cet égard.

2. Révision de la loi de 1999 sur les relations du travail. La commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée sur l’état d’avancement et sur les résultats de la révision de la loi de 1992 sur les relations du travail, y compris sur les questions qu’elle avait soulevées dans ses commentaires précédents à la lecture des observations formulées par des organisations de travailleurs comme UNISON à propos des préavis de vote et de grève, et en particulier de l’interprétation des modifications apportées à l’article 226A(2)(c) de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail, ainsi que des questions soulevées dans ses observations précédentes. La commission observe que la révision en question a débouché sur la loi de 2004 sur les relations du travail. Elle prend note avec intérêt des éléments suivants:

a)  Période de protection des travailleurs qui mènent une action revendicative licite. Conformément aux articles 26 à 28 de la loi de 2004 sur les relations du travail, cette période a été allongée en ajoutant le nombre de jours pendant lesquels l’employeur impose un lock-out aux travailleurs à la période de protection de base (12 semaines), et en définissant plus clairement les conditions procédurales que l’employeur doit remplir.

b)  Incitations à devenir ou non membre d’un syndicat. L’article 29 de la loi de 2004 sur les relations du travail prévoit un nouvel article 145A qui donne aux travailleurs le droit qu’une offre, dont le seul objectif est de les dissuader d’être ou de chercher à devenir membre d’un syndicat, de prendre part à des activités syndicales ou de recourir aux services du syndicat, ne puisse leur être faite.

c)  Moyens de vote à des scrutins ou élections. Les articles 52 à 54 de la loi de 2004 sur les relations du travail précisent les méthodes qui permettent aux syndicats d’organiser des scrutins et des élections.

3. Article 59 de la loi de 1995 sur la marine marchande. La commission prend note des éclaircissements que le gouvernement a fournis dans son rapport.

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement, y compris de la récente adoption de la loi de 2004 sur les relations du travail qui résulte de la révision de la loi de 1999 sur le même sujet.

1. Sanctions disciplinaires injustifiées (art. 64 à 67 de la loi (codifiée) sur les syndicats et les relations du travail de 1992 (TULRA)). Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée de tous faits nouveaux à propos des articles 64 à 67 de la TULRA, articles qui interdisent aux syndicats de prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres qui ont refusé de participer à des grèves ou à d’autres actions revendicatives licites, ou qui ont cherchéà convaincre d’autres membres de refuser de le faire. La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement: la révision de la loi de 1999 sur les relations du travail a débouché sur l’adoption de la loi de 2004 sur les relations du travail. Elle a permis de modifier l’article 67 en transférant aux tribunaux du travail la responsabilité qu’avait le tribunal d’appel du travail de prononcer certains types de sentences de compensation. Pendant la période à l’examen, 17 plaintes ont été soumises aux tribunaux du travail au titre de l’article 66.

La commission rappelle également qu’elle avait demandé au gouvernement de la tenir informée de tous faits nouveaux à propos de l’article 174 de la loi de 1992 susmentionnée qui limitait considérablement les cas dans lesquels les syndicats peuvent exclure ou expulser des membres. La commission note avec intérêt qu’en vertu de l’article 33 de la loi de 2004 sur les relations du travail l’article 174 de la TULRA a été modifié pour permettre aux syndicats d’exclure ou d’expulser, complètement ou non, les personnes qui ont déployé des activités, à titre individuel, en tant que membres d’un parti politique.

Rappelant de nouveau que les syndicats devraient avoir le droit d’établir leur règlement intérieur sans ingérence de la part des pouvoirs publics et de déterminer ainsi s’il devrait ou non être possible de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de leurs membres qui refusent de se conformer aux décisions démocratiques de recourir à une grève licite, la commission demande au gouvernement de la tenir informée dans ses prochains rapports de toute décision à propos des articles 64 à 67 de la TULRA qui visera à garantir pleinement les droits des syndicats d’élaborer leurs statuts et de formuler leurs programmes d’action sans l’intervention des autorités publiques.

2. Immunités par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou autres actions revendicatives (art. 223 et 224 de la loi de 1992). Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée dans ses prochains rapports de touts faits nouveaux à propos du droit des travailleurs de mener des actions revendicatives portant sur des questions qui les touchent même si, dans certains cas, leur employeur direct n’est pas partie au conflit, et de participer à des grèves de solidarité, à condition que la grève de base qu’ils soutiennent soit elle-même licite. La commission note, à la lecture des rapports du gouvernement, qu’il n’y a pas de faits nouveaux à propos des dispositions de la législation du Royaume-Uni sur les grèves de solidarité, et que l’application des principes de loyauté et de partenariat au travail s’est traduite par des relations harmonieuses et a permis d’éviter les conflits. La commission note aussi que le gouvernement estime que les restrictions aux grèves secondaires et de solidarité traduisent l’expérience et les besoins du Royaume-Uni, et que la législation du Royaume-Uni en matière de grève donne assez de latitude aux syndicats pour protéger les intérêts de leurs membres. La commission rappelle de nouveau que les travailleurs devraient pouvoir participer à des grèves de solidaritéà condition que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même licite, et mener des actions revendicatives à propos de questions qui les touchent même si, dans certains cas, leur employeur direct n’est pas partie au conflit. La commission demande au gouvernement de la tenir informée, dans ses prochains rapports, sur tous faits nouveaux à cet égard.

La commission soulève plusieurs points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission prend note des informations fournies dans le rapport du gouvernement, des commentaires formulés par UNISON en novembre 2000 et de la réponse à leur sujet.

1. Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’établir leurs statuts et règlements intérieurs sans intervention de la part des autorités publiques. La commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient l’article 174 de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), dans sa teneur modifiée de 1993, qui limite considérablement les cas dans lesquels les syndicats peuvent exclure ou expulser des membres. Le gouvernement déclare qu’il n’y a aucun nouveau développement à signaler et que le nombre de plaintes à ce propos est resté au même niveau. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tous nouveaux développements concernant cet article et de fournir notamment des informations sur toutes plaintes présentées devant le Tribunal du travail en vertu de cet article.

2. Droits individuels par rapport à une grève illégale (article 235A de la TULRA de 1992). La commission note que la première (et, pour l’instant, la seule) action de ce genre a été intentée par des parents, au nom de leur enfant, au sujet d’une grève menée par des enseignants. Les enseignants avaient recouru à la grève à cause d’une directive du maître principal selon laquelle, l’enfant, que les enseignants considéraient comme un élément perturbateur, devrait suivre les cours dans une classe normale. Les parents ont perdu le procès, le tribunal ayant conclu que la grève était légale. La commission prend note de cette information.

3. Article 59 de la loi de 1995 sur la marine marchande (grève à bord d’un navire solidement amarré). Le gouvernement indique que des consultations ont été menées avec les parties intéressées afin de trouver des solutions possibles et qu’il reste nécessaire d’avoir des dispositions visant à prévenir les grèves qui pourraient provoquer de sérieux dommages aux navires, ou des blessures graves aux personnes ou la perte de vies humaines; le gouvernement propose d’amender l’article 59 de manière à limiter son application aux grèves qui provoquent ou pourraient provoquer la perte d’un navire ou de sérieux dommages aux navires, ou des blessures graves aux personnes ou la perte de vies humaines. La commission prend note de ces informations et prie le gouvernement de fournir, avec son prochain rapport, le texte de la disposition de modification.

4. Définition du conflit de travail (article 244 de la loi de 1992). La commission prend note des observations du gouvernement en réponse aux commentaires de UNISON en rapport avec l’affaire UCLH, lorsque les tribunaux nationaux ont confirmé une injonction interdisant une grève proposée au motif qu’elle n’était pas destinée à«prévenir ou appuyer un conflit de travail», une opinion qui a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme. Tout en notant les circonstances particulières de l’affaire (dans le contexte de la sous-traitance de services hospitaliers à un consortium privé, le syndicat a voulu recourir à la grève pour obtenir la garantie que les termes d’emploi de ses membres seraient transférés au nouvel employeur), la commission note qu’en raison de la définition restrictive des conflits du travail les travailleurs perdent, dans la pratique, la protection du droit coutumier contre la violation de leur contrat d’emploi dans de telles situations et sont donc empêchés d’utiliser un moyen essentiel pour la défense de leurs intérêts. La commission prie le gouvernement de la tenir informée, dans ses prochains rapports, des mesures prises ou envisagées pour remédier à cette situation.

5. Révision de la loi de 1999 sur les relations d’emploi. La commission note qu’une révision approfondie de la loi sur les relations d’emploi (ERA) a été entamée en juillet 2002, pour examiner l’application de la loi dans sa totalité, dans le cadre de consultations complètes avec les syndicats, les employeurs et les autres parties intéressées, et sur la base de l’évaluation de l’application de ses dispositions dans la pratique et de leur interprétation par les tribunaux. La commission prie le gouvernement de la tenir informée, dans son prochain rapport, du progrès réalisé dans la révision en question et des résultats de celle-ci, notamment au sujet des questions qui avaient été soulevées dans ses précédents commentaires sur la base des commentaires formulés par les organisations de travailleurs (par exemple, les commentaires d’UNISON concernant les préavis de vote et de grève, et en particulier l’interprétation des modifications apportées à l’article 226A(2)(c) de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), ainsi que des questions soulevées dans ses précédentes observations.

Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission prend note des informations fournies dans le rapport du gouvernement et de la réponse du gouvernement aux commentaires du Congrès des syndicats (TUC) et d’UNISON de novembre 2000. En outre, elle note les récents commentaires du TUC de novembre 2002 sur l’application de la convention et prie le gouvernement de communiquer ses observations à cet égard.

La commission note que des parties de la loi de 1999 sur les relations d’emploi (ERA) sont entrées en vigueur comme prévu, à savoir: l’institution d’une procédure réglementaire pour la reconnaissance des syndicats (juin 2000); la simplification de la loi sur les votes et préavis de grève; et le droit des travailleurs d’être accompagnés d’un représentant à l’audition en cas de conflit (septembre 2000). La commission prend également note de la version modifiée du Recueil de directives pratiques sur les votes en matière de grève et les préavis de grève aux employeurs.

1. Sanctions disciplinaires injustifiées (art. 64-67 de la loi (de consolidation) sur les syndicats et les relations de travail de 1992 (TULRA)). La commission rappelle que ses précédents commentaires en la matière concernaient les dispositions qui interdisent aux syndicats de prendre des mesures disciplinaires contre ceux de leurs membres qui ont refusé de participer à des grèves ou à d’autres actions revendicatives légales ou qui ont cherchéà convaincre d’autres de refuser de le faire.

Le gouvernement indique que seulement 49 plaintes ont été présentées à ce sujet au cours de la période soumise au rapport, malgré l’augmentation du nombre de jours de grève, ce qui confirme que les syndicats se sont adaptés à la loi et ne sont plus empêchés par elle de recourir à la grève. En ce qui concerne les commentaires du TUC relatifs à ce sujet, le gouvernement maintient que les articles susvisés prévoient une protection nécessaire aux travailleurs dans leur relation avec leurs syndicats et ne représentent pas une ingérence indue dans les affaires internes des syndicats, et qu’il est nécessaire de réconcilier les libertés des individus avec celles des syndicats.

La commission prend note de ces informations. Elle rappelle que les syndicats devraient avoir le droit d’établir leur règlement intérieur sans ingérence de la part des pouvoirs publics et de déterminer ainsi s’il devrait ou non être possible de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de ceux de leurs membres qui refusent de se conformer aux décisions démocratiques de recourir à une grève légale. Elle prie le gouvernement de continuer à l’informer, dans ses prochains rapports, de tous nouveaux développements à ce propos.

2. Immunités par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou autres actions revendicatives (art. 223 et 224 de la loi de TULRA). La commission rappelle que ses précédents commentaires se rapportaient à l’absence d’immunités par rapport à la responsabilité civile dans le cadre des grèves de solidarité. Elle avait noté que les travailleurs devraient pouvoir participer à des grèves de solidarité pourvu que la grève de base qu’ils soutiennent soit elle-même légale, et avait souligné que ce principe revêt une importance particulière à la lumière des commentaires formulés antérieurement par le TUC, lequel signalait que les employeurs parent couramment aux effets adverses des conflits en transférant les tâches à des employeurs qui leur sont associés et que certaines sociétés avaient restructuré leurs activités de telle sorte que les actions revendicatives primaires deviennent des actions revendicatives de soutien.

Le gouvernement déclare que le TUC, tout en admettant que les employeurs reprennent souvent les négociations avec les syndicats une fois que le vote a fourni la preuve que leurs membres soutiendraient la grève, prétend que cela n’est pas pertinent pour la question de la grève de solidarité. Le gouvernement considère qu’une telle situation est importante pour vérifier si la loi est bien équilibrée. Sinon, les employeurs auraient ignoré les résultats d’un vote, sachant que la menace d’une grève n’aurait que peu d’effet sur leurs organisations. La loi ne désavantage donc pas les syndicats dans leurs négociations avec les employeurs. De telles restrictions sont nécessaires dans un système décentralisé de relations professionnelles, car elles permettent d’éviter les perturbations de la vie professionnelle provoquées par les grèves secondaires et de solidarité, lesquelles étaient autrefois courantes au Royaume-Uni.

Tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement, la commission se doit de rappeler à nouveau que les travailleurs devraient pouvoir participer à des grèves portant sur des questions qui les touchent même si, comme dans certains cas, leur employeur direct n’est pas partie au conflit, et qu’ils devraient également être libres de participer à des grèves de solidarité pourvu que la grève de base qu’ils soutiennent soit elle-même légale. Elle prie le gouvernement de continuer à la tenir informée, dans ses prochains rapports, de tous nouveaux développements à cet égard.

La commission soulève un certain nombre d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

1. Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’établir leurs statuts et règlements intérieurs sans intervention de la part des autorités publiques. La commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient l’article 174 de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), dans sa teneur modifiée de 1993, qui limite considérablement les cas dans lesquels les syndicats peuvent exclure ou expulser des membres. La commission note que, dans son plus récent rapport, le gouvernement déclare que rien ne prouve que ces dispositions gênent de manière appréciable les syndicats dans l’exercice de leurs fonctions, ni qu’elles ont provoqué des conflits entre les syndicats. Le gouvernement ajoute que le TUC a élaboré de nouvelles règles tendant à remplacer les arrangements de Bridlington dans le but de prévoir un mode de règlement des conflits entre les organisations qui lui sont affiliées et de tenir compte de la nouvelle procédure obligatoire de reconnaissance, qui oblige les syndicats à coopérer lorsqu’ils cherchent conjointement à obtenir cet avantage. En conséquence, le gouvernement estime qu’il ne serait pas justifié d’affaiblir les libertés que cette disposition assure aux individus au seul motif qu’elle constituerait un obstacle pour les syndicats dans la gestion des conflits intersyndicaux. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout nouveau développement concernant cet article et de fournir dans son prochain rapport des informations sur toute plainte dont les tribunaux du travail auraient été saisis sur le fondement de l’article 174(5).

2. Se référant à son observation, la commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient la possibilité pour les tiers, en vertu de l’article 235A de la TULRA de 1992, d’intenter une action en vue de faire interdire une grève illégale. La commission note que, dans son plus récent rapport, le gouvernement indique que nul n’a intenté une telle action devant les tribunaux depuis que cette disposition a été adoptée en 1993. La commission prie le gouvernement de continuer à la tenir informée de tout nouveau développement à cet égard.

3. La commission prend note des questions soulevées au titre de la convention no105, à propos de l’article 59 de la loi de 1995 sur la marine marchande, article qui prévoit qu’un marin, qui conspire avec d’autres du même bord tandis que le navire est en mer ou même lorsqu’il se trouve à l’amarre en un mouillage sûr, pour désobéir à des ordres légitimes, négliger une tâche qui doit être accomplie ou faire obstacle à la poursuite d’un voyage ou à la navigation du navire, est passible d’une amende, d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans, ou des deux peines. La commission rappelle à cet égard que le droit de grève ne devrait être restreint ou interdit que dans les services essentiels au sens strict du terme et en cas de crise nationale particulièrement grave. Tout en admettant que les fonctions assurées par les marins peuvent être considérées comme un service essentiel lorsque le navire est en mer, la commission n’estime pas qu’il en soit de même lorsque le navire se trouve à l’amarre en un mouillage sûr. En conséquence, elle rappelle que les sanctions pour fait de grève ne devraient être possibles que lorsque les interdictions correspondantes sont conformes aux principes de la liberté syndicale et, de plus, que des mesures d’emprisonnement doivent être justifiées par la gravité des infractions commises. Notant que, selon le rapport présenté par le gouvernement au titre de la convention no 105, des négociations sont actuellement en cours en vue d’engager aussi rapidement que possible la procédure d’abrogation de sorte que cet article ne s’applique plus qu’en cas de mutinerie et non en cas de grève, la commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout nouveau développement à cet égard pour ce qui se rapporte à la présente convention.

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des observations du Trades Union Congress (TUC) et du Syndicat UNISON (représentant essentiellement des travailleurs du secteur public). Elle invite le gouvernement à communiquer sa réponse à ces observations dans ses prochains rapports au titre de la présente convention et de la convention no 98.

En premier lieu, la commission prend note avec intérêt de l’adoption en 1999 de la loi sur les relations en matière d’emploi (ERA), qui modifiera un certain nombre de dispositions de la loi (consolidée) de 1992 sur les syndicats et les relations du travail à propos desquelles elle formule des commentaires depuis un certain nombre d’années. Plus particulièrement, elle prend note avec satisfaction de l’abolition de l’institution du Commissaire aux droits des membres des syndicats (CRTUM) et de celle du Commissaire à la protection contre l’action revendicative illégale (CPAUIA) par effet de l’article 28 de l’ERA, entré en vigueur le 25 octobre 1999. La commission note en outre que, selon l’article 4 et le titre 3 de cette loi de 1999, un préavis de scrutin n’a désormais plus pour objet que de fournir des informations destinées à aider l’employeur à faire ses prévisions et porter des informations à l’attention de ceux de ses salariés qui sont concernés, et il est expressément prévu que les syndicats ne sont pas tenus de désigner nommément les salariés concernés lorsqu’ils émettent un préavis de scrutin. De plus, il ressort du rapport du gouvernement qu’un code de pratique révisé sur les scrutins en matière d’action revendicative et sur les préavis aux employeurs a été publié pour consultation en avril 2000 à l’effet de rendre compte de ces changements, et que ce code révisé ainsi que les parties pertinentes de la loi de 1999 devaient entrer en vigueur le 18 septembre 2000. La commission prie le gouvernement de confirmer dans son prochain rapport l’entrée en vigueur de ces dispositions et de communiquer copie du code de pratique révisé.

Par ailleurs, la commission prie le gouvernement de répondre dès que possible aux observations de l’UNISON concernant ces amendements et de communiquer toute information disponible à propos de l’interprétation qui en est donnée à l’article 126A(2)(c).

La commission note cependant qu’un certain nombre d’autres points soulevés dans ses précédents commentaires n’ont toujours pas été abordés.

1. Sanctions disciplinaires injustifiées (art. 64-67). La commission rappelle que ses précédents commentaires en la matière concernaient les dispositions de la loi 1992 qui interdisent aux syndicats de prendre des mesures disciplinaires contre ceux de leurs membres qui ont refusé de participer à des grèves ou à d’autres actions revendicatives licites ou qui ont cherchéà convaincre d’autres de refuser de le faire. Dans son plus récent rapport, le gouvernement maintient que cet article apporte à chaque travailleur des protections qui lui sont nécessaires dans ses relations avec un syndicat et que les limitations des libertés syndicales qui en résultent sont justifiées. Il ajoute qu’il n’a pas instauré pour autant un système de contrôle ou d’approbation préalable des actes constitutifs ou des règlements intérieurs des syndicats par une autorité publique.

La commission prend dûment note de ces informations. Elle rappelle à nouveau que les syndicats doivent avoir le droit d’établir leurs règles et de formuler leurs programmes sans que les autorités publiques n’interviennent d’une manière qui restreindrait les libertés syndicales ou en interdirait l’exercice et, en conséquence, de déterminer eux-mêmes s’il doit leur être possible de prendre des sanctions disciplinaires à l’égard des membres refusant de se conformer à des décisions démocratiques de recours à une action revendicative directe légale. Elle prie le gouvernement de continuer à la tenir informée de tout nouveau développement relatif à ces dispositions et, en particulier, de signaler dans son prochain rapport toute plainte présentée en vertu de l’article 66 et tout verdict rendu en vertu de l’article 67. Elle le prie en outre de faire parvenir dès que possible sa réponse aux observations du TUC concernant ces dispositions.

2. Immunités par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou autres actions revendicatives (art. 224). La commission rappelle que ses précédents commentaires se rapportaient à l’absence d’immunité par rapport à la responsabilité civile dans le cadre des grèves de solidarité. Elle note que le gouvernement indique qu’aucun changement n’est intervenu dans ce domaine. Elle rappelle à nouveau que les travailleurs devraient pouvoir participer à des actions revendicatives portant sur des questions qui les touchent même si, comme dans certains cas, leur employeur direct n’est pas partie au conflit. Ce principe revêt une importance particulière à la lumière de commentaires formulés antérieurement par le TUC, lequel signalait que les employeurs parent couramment aux effets adverses des conflits en transférant les tâches à des employeurs qui leur sont associés et que certaines sociétés avaient restructuré leurs activités de telle sorte que les actions revendicatives primaires deviennent des actions revendicatives de soutien. La commission rappelle que les travailleurs doivent être libres de participer à des grèves de solidarité pourvu que la grève de base qu’ils soutiennent soit elle-même légale. Elle prie le gouvernement de faire parvenir dès que possible sa réponse aux questions soulevées par le TUC et par UNISON à cet égard.

La commission soulève un certain nombre d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

1. Les précédents commentaires de la commission se rapportaient à l'article 174 de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), amendée par la loi de 1993 sur la réforme syndicale et les droits en matière d'emploi, qui restreint très sévèrement les cas dans lesquels les syndicats peuvent exclure ou expulser des membres. La commission note que le gouvernement maintient la position qu'il a adoptée dans ses précédents rapports et qu'il ajoute que rien ne prouve que ces dispositions constituent des obstacles importants à l'exercice par les syndicats de leurs fonctions, ni qu'elles ont provoqué des conflits entre syndicats.

La commission doit à nouveau relever que, bien que l'article 174 de la TULRA, tel qu'amendé, visait, selon le gouvernement, à garantir aux individus une plus grande liberté pour adhérer au syndicat de leur choix, il est susceptible d'avoir un impact important sur le droit des membres de syndicats de déterminer le fonctionnement de leur organisation, conformément aux objectifs de celle-ci. Dans les commentaires qu'il avait présentés en 1996 sur ces mesures, le TUC avait indiqué que ces restrictions avaient été adoptées afin de contrecarrer ses Principes de Bridlington qui avaient été adoptés démocratiquement par le Congrès afin d'assurer des relations organisées entre les affiliés et le développement de modalités constructives de négociation collective. Selon le TUC, ces principes facilitaient les transferts ordonnés de membres entre syndicats et constituaient une méthode claire de résolution des conflits entre ces derniers. La commission prie le gouvernement de répondre à ces commentaires et d'envisager la possibilité de restreindre le champ d'application de cet article, en vue de garantir une plus grande liberté aux organisations de travailleurs d'établir leurs propres règles en ce qui concerne l'adhésion, conformément à leur objectif qui est de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs.

2. La commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient la possibilité pour les tiers, en vertu de l'article 235A de la TULRA de 1992, d'intenter une action afin de faire interdire une grève illégale. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que, même s'il n'a pas l'intention d'abroger cet article, il a proposé la suppression du Commissaire pour la protection contre les actions revendicatives illégales (CPAUIA), afin que les fonds publics ne soient plus utilisés au bénéfice d'une personne qui introduirait une demande d'injonction en vue de mettre fin à une action revendicative privant, ou menaçant de priver, cette personne de biens ou services. La commission prend note également de la déclaration du gouvernement selon laquelle nul n'a introduit de telles demandes devant un tribunal depuis que la disposition en question a été adoptée en 1993, et qu'il n'est par conséquent pas prouvé que l'existence de ce droit constitue un obstacle à l'exercice par les syndicats de leurs activités légales.

La commission prie le gouvernement de la tenir informée des progrès accomplis à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement. Elle note également la déclaration du gouvernement devant la commission de l'application des normes de la Conférence en 1997, ainsi que le débat qui a eu lieu dans ce cadre.

1. Licenciement de travailleurs du GCHQ. Se référant à ses précédents commentaires sur la nécessité de restaurer les droits syndicaux des travailleurs du Centre de communications du gouvernement, sis à Cheltenham (GCHQ), la commission note avec satisfaction l'indication dans le rapport du gouvernement que l'une des premières actions du nouveau gouvernement après sa mise en place en mai 1997 a été d'accorder de nouveau aux employés du GCHQ le droit de s'affilier au syndicat de leur choix. Elle note également que le directeur du GCHQ, le président du GCSF et les secrétaires généraux des syndicats de la fonction publique ont conclu un accord contraignant aux termes duquel le Groupe de communications du gouvernement du PCS est reconnu pour les questions de consultation et de négociation dans les matières relevant exclusivement du GCHQ. Les autres syndicats de la fonction publique sont reconnus pour les questions touchant la fonction publique dans son ensemble et pour représenter des membres individuels. En vertu de la convention collective, les syndicats ont accepté de s'abstenir de mener des actions revendicatives qui perturberaient les activités du GCHQ. Si un litige ne peut être résolu, les syndicats ont également le droit de recourir unilatéralement à l'arbitrage, la décision arbitrale étant obligatoire. Enfin, le gouvernement a indiqué que le ministre des Affaires étrangères a révoqué le certificat contenant les dernières restrictions en matière d'accès aux tribunaux du travail, et que le premier des anciens employés, qui avaient été licenciés pour appartenance continue à un syndicat, a réintégré le GCHQ le 9 septembre 1997.

2. Questions liées à la loi (de consolidation) de 1992 sur les syndicats et les relations de travail et à d'autres textes connexes. La commission note avec intérêt les informations contenues dans le rapport du gouvernement, selon lesquelles des consultations ont eu lieu avec les partenaires sociaux en vue de déterminer les modifications qu'il était nécessaire d'apporter à la loi sur l'emploi. Ces consultations ont conduit à l'adoption d'un Livre blanc sur l'équité au travail. Elle note également la déclaration du gouvernement selon laquelle les propositions de lois correspondantes seront déposées dès que possible.

La commission note également avec intérêt les explications du gouvernement selon lesquelles il reconnaît que la loi et le code de conduite sur les scrutins et les préavis en matière d'actions revendicatives sont trop compliqués et trop rigides, et que le non-respect de ces exigences complexes peut avoir pour conséquence des injonctions empêchant les syndicats d'exécuter l'action revendicative envisagée. Elle se félicite des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles il a annoncé des projets pour la simplification de la loi et du code de conduite et a invité les parties intéressées, y compris les syndicats et les organisations d'employeurs, à faire connaître leur point de vue sur la manière dont cela devrait être fait. Selon le gouvernement, ces propositions devraient conduire à une réglementation plus claire et meilleure dans ce domaine et éviteraient aux syndicats de faire l'objet de poursuites judiciaires pour cause de violations techniques de la loi. En outre, se référant à ses précédents commentaires sur l'article 226A de la loi de 1992 en ce qui concerne les votes sur le déclenchement d'une grève, la commission note avec intérêt la déclaration d'intention du gouvernement d'amender la loi sur les scrutins et les préavis en matière d'actions revendicatives, en vue de spécifier que le préavis adressé par le syndicat à l'employeur doit certes indiquer aussi précisément qu'il est raisonnablement praticable de le faire le groupe ou la catégorie d'employés concernés, mais que les noms ne doivent pas nécessairement faire l'objet d'une communication. Elle prie le gouvernement de la tenir informée des progrès réalisés à cet égard.

a) Sanctions disciplinaires injustifiées (art. 64-67). La commission rappelle que ses précédents commentaires en la matière concernaient ces dispositions de la loi de 1992 qui interdisaient aux syndicats de prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres ayant refusé de participer à des grèves ou à d'autres actions revendicatives licites, ou qui avaient cherché à convaincre d'autres syndiqués de refuser de participer à une telle action.

Dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu'il appuie vigoureusement le principe selon lequel les travailleurs devraient être libres d'adhérer au syndicat de leur choix, étant donné que les syndicats rendent d'importants services à leurs membres. Selon le gouvernement, il en découle qu'il faut maintenir un équilibre entre le droit des syndicats de prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres, voire de les exclure, et le droit individuel de devenir membre d'un syndicat et de le rester. Le gouvernement ajoute qu'en droit britannique, les travailleurs individuels violent presque toujours leur contrat de travail lorsqu'ils participent à une action revendicative, que celle-ci soit officielle et légale ou non. Ces travailleurs peuvent donc faire individuellement l'objet de poursuites judiciaires en dommages-intérêts de la part de leur employeur. En revanche, les syndicats ne peuvent être poursuivis en dommages-intérêts si l'action revendicative qu'ils organisent est légale. Dans ces circonstances, le gouvernement estime que les individus devraient être libres de décider de participer ou non à une action revendicative légale, étant donné que c'est leur responsabilité et non celle du syndicat qui peut être engagée.

Cependant, la commission doit à nouveau rappeler que l'article 3 de la convention régit le droit des syndicats notamment d'élaborer leurs statuts et leurs règlements administratifs, ainsi que d'organiser leurs activités et d'élaborer leurs programmes sans ingérence des autorités. Le libre choix d'adhérer à un syndicat peut à l'évidence se fonder sur un examen attentif des dispositions des statuts et des règlements administratifs. En outre, la commission rappelle que l'interdiction des mesures disciplinaires entraîne de lourdes sanctions pécuniaires. La commission estime que les syndicats doivent avoir le droit de déterminer s'il doit leur être possible de prendre des sanctions disciplinaires à l'encontre de membres qui refusent de se plier aux décisions prises démocratiquement de mener une action revendicative licite, et que les sanctions pécuniaires prévues par la loi en la matière constituent une ingérence dans le droit des organisations de travailleurs d'élaborer librement leurs statuts et règlements. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de s'abstenir de toute ingérence de ce type. En ce qui concerne l'argument du gouvernement relatif à la responsabilité des travailleurs individuels, la commission rappelle l'importance qu'elle attache au maintien de la relation de travail comme conséquence normale de la reconnaissance du droit de grève.

b) Immunités par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou autre action revendicative (art. 224). La commission rappelle que ses précédents commentaires se rapportaient à l'absence d'immunité par rapport à la responsabilité civile pour les grèves de solidarité. Elle a souligné à cet égard que les travailleurs devraient être en mesure d'exercer une action revendicative sur des questions qui les touchent même si, dans certains cas, leur employeur direct n'est pas partie au conflit.

La commission note que le gouvernement réitère ses commentaires antérieurs concernant les actions de soutien et ajoute que l'autorisation de certaines formes d'actions de soutien constituerait un pas en arrière et poserait le risque que le Royaume-Uni connaisse à nouveau les situations de conflit des années soixante et soixante-dix, lorsque les actions revendicatives impliquaient fréquemment des employeurs et des travailleurs qui n'étaient pas directement concernés par un conflit.

La commission note également les commentaires faits le 7 novembre 1996 par le Congrès des syndicats (TUC), selon lesquels les employeurs ont habituellement recours à cette tactique d'éviter les effets négatifs d'un litige en transférant du travail à des employeurs associés, et les sociétés ont restructuré leurs activités afin de transformer les actions revendicatives primaires en actions revendicatives de soutien. Tout en indiquant qu'il n'existe pas d'informations officielles permettant de mesurer l'étendue de ce phénomène, le gouvernement estime que le fait pour les employeurs d'atténuer les conséquences financières négatives d'une grève est en pleine conformité avec la législation nationale et avec la convention.

La commission doit constater qu'au-delà des effets que ces dispositions peuvent avoir sur les actions de soutien il semble que l'absence de protection vis-à-vis de la responsabilité civile peut même avoir un effet négatif sur les actions revendicatives primaires. Dans ces circonstances, la commission ne peut que répéter sa position, à savoir que les travailleurs devraient être en mesure de participer à des grèves de solidarité pourvu que la grève de base qu'ils soutiennent soit elle-même légale, et prie le gouvernement d'indiquer les développements intervenus à cet égard.

3. Licenciements pour action revendicative. Dans son précédent commentaire, la commission avait attiré l'attention du gouvernement sur le paragraphe 139 de son étude d'ensemble de 1994, où elle relevait que les sanctions ou les mesures de réparation étaient souvent insuffisantes lorsque des mesures prises par l'employeur (sanction disciplinaire, mutation, rétrogradation, licenciement) visaient en particulier des grévistes, et que ce phénomène posait un problème particulièrement grave en ce qui concernait le licenciement lorsque les travailleurs pouvaient uniquement obtenir des dommages-intérêts et non leur réintégration. La commission a indiqué qu'une protection réellement efficace devrait exister à cet égard dans la législation, faute de quoi le droit de grève risquait d'être vidé de tout contenu.

La commission note avec intérêt les indications du gouvernement selon lesquelles il a l'intention d'accorder dans certaines circonstances aux personnes qui ont été licenciées pour avoir participé à une action revendicative légale et officielle le droit de saisir un tribunal pour licenciement injustifié, même lorsque tous les travailleurs ont été licenciés. La commission a l'intention d'examiner dans le cadre de la convention no 98 les progrès réalisés par rapport aux propositions du gouvernement à cet égard.

La commission adresse en outre une demande directe au gouvernement sur certains points.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

1. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport, en réponse à ses commentaires concernant les restrictions imposées aux syndicats par l'article 174 de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), telle que modifiée par la loi de 1993 relative à la réforme des syndicats et aux droits du travail. Constatant que le gouvernement se borne à reprendre les termes de ses précédents rapports, la commission rappelle une fois de plus que, si l'article 174 de la TULRA, tel que modifié, est conçu, selon le gouvernement, pour offrir à chacun une plus grande liberté de s'affilier aux syndicats de son choix, ce même article peut avoir une grave incidence sur le droit, pour les membres des syndicats, de définir les caractéristiques de leur organisation conformément à leurs objectifs. La commission prie donc à nouveau le gouvernement d'envisager de réduire le champ de cet article de sorte que les organisations de travailleurs puissent déterminer plus librement leur composition en fonction de leurs objectifs de préservation et de défense des intérêts des travailleurs, dans la mesure où les droits fondamentaux de chaque travailleur n'en subissent pas d'atteinte.

2. La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement à propos du droit, pour les tiers, d'intenter des actions en réparation du préjudice subi lorsqu'un syndicat exerce ou risque d'exercer une action revendicative. Le gouvernement souligne, en particulier, que l'article 235A de la loi de 1992 ne vise que l'action revendicative illégale. Le TUC, quant à lui, déclare depuis un certain nombre d'années que la législation en vigueur accroît le risque qu'une action revendicative soit déclarée illégale sur la base d'erreurs de procédure mineures portant sur des clauses de détail. En outre, la commission note qu'en vertu de l'article 235A l'action en réparation du préjudice subi peut être exercée alors que l'action revendicative n'a pas encore eu lieu, mais qu'il est vraisemblable qu'un syndicat ou une personne va entreprendre une action revendicative illégale. Elle prie donc une fois de plus le gouvernement d'étudier la possibilité d'abroger cet article de la loi dans la mesure où il limite indûment l'exercice légitime du droit de grève en exposant toute action de grève à la menace de l'injonction envisagée par cet article.

3. Dans ses précédents commentaires, la commission indiquait que l'article 226A de la loi de 1992, interprété comme signifiant que toutes les personnes ayant le droit de vote dans le cadre d'un vote sur une grève doivent être nommément désignées, risque de faire de l'obligation de procéder à un vote une difficulté déraisonnable pour les syndicats et de rendre l'action revendicative vulnérable en toute circonstance. Dans son plus récent rapport, le gouvernement déclare que le but de cet article est de permettre à l'employeur de circonscrire les effectifs qui risquent d'être touchés par un vote afin de pouvoir s'adresser directement à eux et de prendre des mesures propres à réduire autant que possible le préjudice éventuel de l'action revendicative pour l'entreprise, la clientèle et le public. Le gouvernement ajoute que, même si le cas se présente rarement, il peut se trouver que la désignation nominale des salariés soit le seul moyen pratique de savoir à qui s'adresse un appel à une action revendicative. La commission estime qu'une telle obligation fait peser une influence injustifiée sur le droit des organisations de travailleurs d'organiser librement leur activité, notamment lorsque le gouvernement déclare qu'une telle disposition est précisément conçue pour permettre à l'employeur de s'adresser directement aux travailleurs concernés. De plus, elle note que les commentaires formulés par le TUC le 7 novembre 1996 soulèvent un certain nombre de préoccupations graves découlant de l'application de cet article. Elle prie donc le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur ces questions.

Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport ainsi que des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC) dans sa communication datée du 7 novembre 1996 et des observations partielles du gouvernement à cet égard.

1. Licenciement de travailleurs du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ). Dans ses précédents commentaires, la commission rappelait que le personnel du Centre de communications du gouvernement, sis à Cheltenham (GCHQ), devrait avoir le droit de constituer des organisations de son choix et de s'y affilier, conformément à l'article 2 de la convention, et priait le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur toute évolution en la matière. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que les pourparlers avec les syndicats nationaux et la Fédération du personnel du Centre gouvernemental des communications (GCSF) se sont poursuivis, pour tenter de dégager une autre solution qui, d'une part, satisferait aux objectifs du gouvernement quant à la sécurité nationale et, d'autre part, accorderait au personnel du GCHQ les avantages de l'appartenance à un syndicat indépendant.

Le gouvernement rappelle que le GCSF est reconnu officiellement comme syndicat depuis 1985 par le Greffe des syndicats. Néanmoins, certains aspects des conditions aux termes desquels cette fédération devait être approuvée par le directeur du GCHQ lui ont rendu difficile l'obtention d'un "certificat d'indépendance". En réponse aux représentations faites par le GCSF, le gouvernement a étudié les modifications nécessaires pour aider cette fédération à obtenir le certificat d'indépendance sans que les intérêts de la sécurité nationale ne soient remis en cause. Le 20 décembre 1995, le gouvernement a apporté certains changements aux conditions de service du personnel du GCHQ en supprimant le pouvoir du directeur de cet établissement d'approuver ou d'interdire l'appartenance à une association du personnel. Les membres du personnel du GCHQ ne peuvent néanmoins appartenir qu'à un syndicat dont les membres du bureau et les représentants élus ou désignés sont eux-mêmes des employés du GCHQ. De plus, toute forme de grève leur est interdite.

Le gouvernement indique que le GCSF a demandé un certificat d'indépendance le 19 janvier 1996. Selon lui, les changements apportés en décembre 1995 ont pour effet que le personnel peut désormais constituer d'autres associations du personnel s'il le désire, à la seule condition qu'une telle association ne compte que des membres du personnel du GCHQ. D'autres changements concernant les arrangements en faveur du personnel du GCHQ ont été apportés le 23 juillet 1996. Antérieurement, le personnel des services de sécurité et de contre-espionnage faisait l'objet d'une interdiction générale d'accès aux tribunaux du travail, interdiction qui a été levée. Désormais, la décision relative à la saisine d'un tribunal du travail sera accordée au cas par cas, et dans la mesure où les impératifs de la sécurité nationale pourront être respectés dans le cadre des précautions à maintenir en matière de recours disponibles.

Le gouvernement conclut que les changements apportés constituent non seulement une réponse positive à une initiative du GCSF, mais aussi une démonstration sans équivoque de sa volonté d'étudier les propositions constructives concernant le GCHQ.

La commission prend note de ces informations avec intérêt. Elle constate toutefois qu'en novembre 1996 le Greffe des syndicats a refusé de délivrer le certificat d'indépendance au GCSF, malgré les changements apportés au cours de l'année écoulée. Ce certificat a été refusé pour les raisons suivantes: les membres du bureau de la fédération doivent être des salariés du centre, ce qui donne à la direction des pouvoirs de discipline; cette fédération ne peut s'affilier à une autre organisation ni recruter ailleurs; cette fédération doit satisfaire aux conditions de service du GCHQ; elle est financée à 80 pour cent par la direction; le personnel a un accès limité aux tribunaux du travail et a l'interdiction de faire grève. Le gouvernement a néanmoins indiqué que le GCSF a l'intention de faire appel de cette décision.

La commission note que, en vertu de l'article 5 de la loi (de consolidation) de 1992 sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), un "syndicat indépendant" est un syndicat qui n'est ni sous la domination ou le contrôle d'un employeur, groupe ou association d'employeurs, ni susceptible d'ingérences de la part d'un tel employeur, d'un tel groupe d'employeurs ou d'une telle association d'employeurs (du fait d'un soutien financier ou matériel ou de tout autre moyen, quel qu'il soit) axées sur une telle mainmise. Elle observe en outre qu'un certificat d'indépendance est nécessaire à un syndicat et à ses membres pour bénéficier de certaines mesures de protection prévues par cet instrument. Par exemple, les articles ci-après ne s'appliquent qu'à des syndicats indépendants: paragraphe 146 (toutes sanctions à l'exclusion du licenciement); paragraphe 152 (protection contre le licenciement); paragraphe 168 (temps libre pour l'exercice de fonctions syndicales); paragraphe 170 (temps libre pour l'exercice d'activités syndicales); et paragraphe 181 (mise à disposition d'informations aux fins de la négociation collective).

Tout en se félicitant des récentes mesures prises par le gouvernement pour permettre au personnel du GCHQ de constituer, s'il le désire, une association du personnel différente, à la seule condition qu'une telle association ne soit constituée que de membres du personnel du GCHQ, la commission a le regret de constater que les raisons données pour le refus du certificat d'indépendance au GCSF, seule et unique association du personnel actuellement constituée au GCHQ, notamment en ce qui concerne le financement et la restriction de l'accès aux tribunaux du travail, permettent de croire que le GCSF n'est pas en mesure d'organiser librement sa gestion et son activité, ce qui est contraire à l'article 3 de la convention. Elle observe en outre que l'absence d'un statut indépendant exclurait le GCSF des effets de nombreuses dispositions de la législation qui tendent à garantir que les syndicats puissent organiser leurs activités sans ingérence. La commission prie donc le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées pour garantir que les organisations de travailleurs du GCHQ puissent librement organiser leur gestion et leurs activités.

2. Sanctions disciplinaires injustifiées (art. 64-67 de la loi de consolidation de 1992 sur les syndicats et les relations du travail). La commission rappelle que ses précédents commentaires à ce sujet portaient sur les dispositions de la loi de 1992 susmentionnée qui interdisent aux syndicats de prendre des mesures de discipline contre leurs membres qui refusent de participer à des grèves ou autres actions revendicatives licites, ou qui cherchent à convaincre d'autres syndiqués de refuser de participer à une telle action.

Dans son plus récent rapport, le gouvernement déclare que la législation en question assure simplement une protection élémentaire contre les traitements arbitraires ou discriminatoires, à l'instar d'autres instruments antidiscriminatoires et des restrictions au licenciement à l'initiative de l'employeur. Il se borne à reprendre les termes de ses précédents rapports quant à la nécessité d'assurer une certaine protection aux membres des syndicats exerçant leur droit civil de respecter les termes de leur contrat de travail et de ne pas participer à une action revendicative.

La commission doit néanmoins souligner une fois de plus que, en vertu de l'article 3 de la convention, les organisations de travailleurs, lorsqu'elles élaborent leurs statuts et règlements administratifs, doivent avoir le droit de déterminer (sans que ne pèse la menace de lourdes peines pécuniaires en cas d'appplication de tels règlements) s'il doit leur être possible de prendre des sanctions disciplinaires, y compris de recourir à l'expulsion ou à l'amende, à l'encontre de membres qui refusent de se plier aux décisions prises démocratiquement de mener une action revendicative licite ou qui cherchent à convaincre leurs camarades de refuser de participer à une telle action. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de s'abstenir de toute ingérence qui limiterait le droit des organisations de travailleurs d'élaborer librement leurs statuts et règlements.

3. Immunités par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou autre action revendicative (art. 224 de la loi de 1992). La commission constate que le gouvernement maintient qu'à son avis aucune disposition de la convention n'impose que la loi accorde une protection spéciale contre les poursuites visant l'organisation d'actions revendicatives chez des travailleurs qui ne sont pas en conflit avec leur propre employeur. Il ajoute n'avoir pas connaissance d'un risque d'abus qui découlerait d'une interdiction générale des grèves de solidarité. La commission note que, en vertu de l'article 224 de la loi, il y a action de soutien d'un conflit du travail lorsqu'une personne menace de rompre les termes de son contrat de travail ou en incite une autre à faire de même et que l'employeur désigné par ce contrat de travail n'est pas l'employeur partie au conflit. Elle tient à souligner à cet égard que les travailleurs doivent être en mesure d'exercer une action revendicative sur des questions qui les touchent même si, dans certains cas, leur employeur direct n'est pas partie au conflit. Ce peut être le cas, par exemple, lorsque l'organisation structurelle des entreprises en sociétés mères, filiales ou sociétés sous-traitantes conduit à une situation où les intérêts des travailleurs peuvent ne pas nécessairement aboutir avec leur employeur direct mais où le recours à une action revendicative peut aboutir à la satisfaction de revendications légitimes. A cet égard, la commission rappelle sa position, selon laquelle les travailleurs doivent pouvoir participer à des grèves de solidarité pour autant que la grève initiale qu'ils soutiennent soit elle-même légale. Elle espère que le gouvernement fournira dans son prochain rapport des informations sur les commentaires formulés par le TUC à ce sujet.

4. Licenciements pour action revendicative. Dans ses précédents commentaires, la commission appelait l'attention du gouvernement sur le paragraphe 139 de son étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, où elle relevait que les sanctions ou les mesures de réparation sont souvent insuffisantes lorsque des mesures prises par l'employeur (sanction disciplinaire, mutation, rétrogradation, licenciement) visent en particulier des grévistes, et que ce phénomène pose un problème particulièrement grave en ce qui concerne le licenciement lorsque les travailleurs peuvent uniquement obtenir des dommages-intérêts et non leur réintégration. De l'avis de la commission, une protection réellement efficace devrait exister à cet égard dans la législation, faute de quoi le droit de grève risque d'être vidé de tout contenu. La commission ajoutait qu'elle attend non seulement le rapport détaillé du gouvernement au titre de la convention no 98 mais encore sa réponse aux commentaires formulés en la matière par le TUC au titre de la convention no 87, afin d'évaluer pleinement l'incidence de la législation et de la pratique au regard de ces conventions.

La commission note que, dans son plus récent rapport, le gouvernement se borne à faire référence à son rapport au titre de la convention no 98 sans répondre aux commentaires formulés antérieurement par le TUC à propos de la convention no 87. Elle prie donc le gouvernement de fournir dans son prochain rapport au titre de cette convention des informations répondant aux commentaires du TUC concernant l'interprétation par le tribunal du travail de l'article 238 de la TULRA dans l'affaire Arrowsmith printing company, de Bristol.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

1. Faisant suite à son observation, la commission note les commentaires formulés, dans sa communication en date du 24 décembre 1993, par le Congrès des syndicats britanniques (TUC) qui estime que l'article 14 de la loi de 1993 relative à la réforme des syndicats et aux droits du travail enfreint la convention en obligeant les syndicats, qu'ils le veuillent ou non, à admettre dans leurs rangs des individus ou des groupes. L'article 14 dispose qu'un syndicat ne peut refuser ou expulser des membres que: s'ils ne satisfont plus à l'une des conditions d'affiliation exigibles en vertu des règlements du syndicat (cette "condition exigible" se limitant à: a) un emploi dans une activité, une industrie ou une profession déterminée; b) une description de la profession (y compris le grade, le niveau ou la catégorie de l'emploi); c) l'existence de qualifications ou d'expérience professionnelle dans une activité, une industrie ou une profession déterminée); si le syndicat ne traite qu'avec un employeur ou un groupe d'employeurs et que le membre intéressé travaille dans un autre lieu; et si l'exclusion ou l'expulsion est entièrement due à la conduite du membre. De l'avis du TUC, la notion de conduite n'inclut pas l'appartenance à un autre syndicat et n'autorise pas non plus l'application de règlements excluant les membres d'organisations politiques racistes ou totalitaires. Un travailleur qui estime que ses droits ont été bafoués par suite d'une expulsion ou d'une exclusion peut obtenir jusqu'à 17 500 livres du syndicat si la justice lui donne droit.

Le gouvernement déclare que l'article 14 a simplement pour but de permettre l'affiliation d'individus qui pourraient se voir refuser l'entrée d'un syndicat pour des motifs qui sont visiblement sans rapport avec cette affiliation - l'appartenance à un parti politique spécifique, notamment. Il estime que cette ingérence minime dans l'aptitude des syndicats à imposer des règles d'affiliation est entièrement justifiée lorsqu'il s'agit d'améliorer de façon significative la protection contre une discrimination abusive que la législation nationale accorde aux individus.

La commission a déjà fait remarquer que le droit des organisations d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs doit être subordonné au nécessaire respect des droits fondamentaux de l'homme et de la législation nationale, et qu'exiger, par conséquent, que les règlements des syndicats n'établissent pas de discrimination fondée sur la race ou le sexe à l'encontre de leurs membres, ou de membres potentiels, ne serait pas, par conséquent, incompatible avec les exigences de la convention; mais il lui semble que l'article 14 de la loi de 1993 impose à ces règlements des limites qui vont au-delà de ces considérations fondamentales et ne laisse aux membres des syndicats qu'une faible latitude pour décider de la composition de leurs organisations en fonction de leurs objectifs. La commission prie le gouvernement d'examiner la possibilité de ramener les restrictions qui pèsent sur les syndicats en vertu de l'article 14 à la seule garantie que des individus ne seront pas exclus ou expulsés d'un syndicat en application de règlements établissant une discrimination entre les personnes en violation de leurs droits fondamentaux. Elle invite également le gouvernement, ainsi que le TUC, à communiquer les textes de toutes décisions de justice liées à l'application de cette disposition.

2. Le TUC a également indiqué que l'article 22 de la loi de 1993 restreint les possibilités d'actions de revendication légitimes en permettant à tout individu privé, ou susceptible d'être privé, de la jouissance d'un bien ou d'un service du fait d'une action de revendication illicite, de porter plainte devant les tribunaux pour grève. Le TUC estime que ces individus risquent de demander l'adoption d'ordonnances provisoires à l'effet d'empêcher une grève et que le test de la balance des inconvénients normalement effectué par les tribunaux britanniques s'avère invariablement défavorable aux syndicats.

Dans sa réponse, le gouvernement déclare que cette disposition ne restreint en rien la protection légale accordée par la loi à l'organisation d'actions de revendication, mais crée simplement un nouveau droit individuel en sorte que toute personne privée de la jouissance de biens ou de services du fait d'une action de revendication illicite dispose d'une voie de recours. S'agissant de l'ordonnance provisoire, le gouvernement explique qu'il convient d'éviter qu'une telle décision ne soit prise au terme de l'instance, après plusieurs mois au cours desquels de telles actions potentiellement illicites pourraient se poursuivre. Le gouvernement signale également que le recours au traditionnel test de la balance des inconvénients ne signifie pas que la procédure débouche invariablement sur l'adoption d'une ordonnance défavorable au syndicat et donne un exemple récent dans lequel les tribunaux ont refusé d'accorder une telle ordonnance provisoire.

Tout en notant les explications du gouvernement au sujet de la création de ce nouveau droit individuel, la commission estime que ce "droit du tiers", dont l'exercice peut aboutir à l'adoption d'injonctions à l'encontre des grèves, constitue un nouvel obstacle à l'exercice du droit de grève en exposant l'action de revendication des syndicats au feu constant d'un nombre infini de tiers potentiellement lésés, et prie le gouvernement d'examiner la possibilité d'abroger l'article 22 de la loi de 1993.

3. La commission note que l'article 18 de la loi de 1993 impose maintenant au syndicat, dans le cadre de l'information précédant un vote de grève, de fournir à l'employeur une description des salariés dont le syndicat a des raisons de croire qu'ils seront habilités à participer au scrutin, ce qui permet aux employeurs d'exercer des pressions sur ces salariés pour qu'ils n'entament pas d'action de revendication. Si cette nouvelle disposition est interprétée comme imposant aux syndicats de désigner nommément les individus en question, elle risque de rendre l'exigence d'un scrutin excessivement difficile à satisfaire pour les syndicats et la plus petite erreur pourrait signifier que l'action de revendication en cause soit privée de la protection accordée en vertu des immunités légales. Le gouvernement est par conséquent prié d'indiquer, dans son prochain rapport, si les conditions posées à l'article 18 peuvent être remplies en décrivant simplement le groupe ou la catégorie de salariés qui doivent participer au scrutin ou si les individus doivent être désignés nommément.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 83ème session CIT (1996)

Faisant suite à son observation antérieure, la commission prend note de la discussion approfondie qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1995 sur la question du droit d'association des travailleurs du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ).

La commission relève en particulier que la Commission de la Conférence a exprimé l'espoir qu'il sera possible avec du bon sens et de la bonne volonté de parvenir à une solution satisfaisante du cas dans un avenir proche et qu'elle a invité le gouvernement à recevoir une mission consultative de l'OIT pour faciliter ce processus.

Dans ce contexte, la commission prend note d'une communication du gouvernement dans laquelle celui-ci réaffirme qu'il a engagé des négociations avec les syndicats de la fonction publique depuis plusieurs années dans un véritable effort pour trouver une solution qui à la fois sauvegarderait la sécurité nationale et répondrait aux préoccupations des syndicats. Le gouvernement souligne que des propositions spécifiques ont déjà été explorées et qu'il est prêt à continuer de les discuter ainsi que toute autre proposition que les syndicats voudraient avancer. Pour le gouvernement, il n'apparaît pas immédiatement avec clarté quelle contribution pratique une mission consultative de l'OIT pourrait apporter. Néanmoins, le gouvernement se déclare prêt à ce que des fonctionnaires prennent contact avec le BIT à cet égard.

La commission prend note également d'une communication du Congrès des syndicats alléguant l'absence d'ouverture du gouvernement pour trouver une solution conforme à la convention no 87 et pour donner suite à la discussion du cas au sein de la Commission de la Conférence, ainsi que de la réponse du gouvernement qui nie ces affirmations et réaffirme qu'il est prêt à continuer les discussions.

La commission exprime le très ferme espoir que des discussions approfondies entre le gouvernement et les syndicats concernés permettront de résoudre la question du droit d'association des travailleurs du GCHQ d'une manière qui satisfasse les parties et qui soit conforme à l'article 2 de la convention. La commission est persuadée qu'une mission consultative de l'OIT pourrait apporter une contribution utile à la solution de cette question.

Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur l'évolution de la situation au sujet du GCHQ ainsi que sur les autres points qui faisaient l'objet de son observation antérieure: sanctions disciplinaires injustifiées, immunités contre la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendication, licenciements pour faits de grève, réglementation détaillée du fonctionnement interne des organisations de travailleurs.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport ainsi que des commentaires formulés par le Congrès des syndicats britanniques (TUC), dans une communication en date du 10 janvier 1995, qui ont été adressés au gouvernement pour observations.

1. Licenciement de travailleurs au GCHQ. Dans son précédent commentaire, la commission avait pris note de la reprise du dialogue entre le gouvernement et les syndicats en ce qui concerne le droit d'association des travailleurs du GCHQ et exprimé le ferme espoir que ces discussions déboucheraient sur une issue positive satisfaisante pour les deux parties. D'après les informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport, il semble que les dernières discussions sur ce thème aient eu lieu au cours d'une réunion entre le Premier ministre et les syndicats en décembre 1993. De l'avis du gouvernement et du TUC, elles n'auraient malheureusement abouti à aucun accord. Au cours de cette rencontre, le gouvernement a signalé sa volonté de permettre à la Fédération du personnel du Centre gouvernemental des communications (GCSF) (l'organisation de travailleurs acceptée par le gouvernement au GCHQ) de s'affilier au Conseil des syndicats de la fonction publique (CCSU), ce qui permettrait au personnel du GCHQ d'être représenté dans les discussions entre le gouvernement et les syndicats de la fonction publique sur des questions touchant la fonction publique en général. Le gouvernement a également indiqué, au cours de cette réunion, qu'il n'avait pas écarté la possibilité que, dans le cadre de cette proposition, l'obligation faite au GCSF d'obtenir l'approbation du directeur du GCHQ soit levée. Le TUC a, pour sa part, indiqué que tout accord qui n'envisagerait pas la possibilité pour le personnel du GCHQ de s'affilier à un syndicat indépendant ne serait pas satisfaisant.

La commission note également, d'après les indications du gouvernement, que celui-ci ne saurait toutefois accepter une proposition permettant au personnel du GCHQ de rallier l'un des syndicats nationaux de la fonction publique car cela risquerait de créer une fois encore pour ce personnel un dilemme entre loyauté à l'employeur et loyauté au syndicat, risque qui persisterait même si les syndicats s'engageaient à ne pas lancer d'ordre de grève en direction du personnel du GCHQ, dans la mesure où un tel engagement pourrait par la suite être renié, comme cela a été le cas par le passé. Le TUC a indiqué, de son côté, qu'au cours de la réunion avec le Premier ministre il avait rappelé les assurances données auparavant, et a signalé, en outre, les modifications apportées à la législation qui imposent l'organisation d'un scrutin avant le déclenchement d'une action de revendication. A ce propos, la commission rappelle ses commentaires antérieurs selon lesquels les travailleurs dont les fonctions ont un lien avec les questions de sécurité entrent dans la catégorie des personnels pour lesquels le droit de recourir à la grève peut être dénié aux termes de la loi. Toutefois, le droit de grève au personnel du GCHQ et le droit de se syndiquer sont deux questions distinctes.

En ce qui concerne les indications fournies par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles la loi sur les services de renseignements (ISA) de 1994 donne un fondement légal au GCHQ ainsi qu'au service de renseignements et les fonctions du GCHQ sont, dans beaucoup d'autres pays, assumées soit directement, soit indirectement par l'armée, même si les effectifs se composent parfois de personnels civil et militaire, la commission prend note de la disposition de ladite loi qui prévoit que le GCHQ demeure sous l'autorité du ministre compétent. Alors que les exemples fournis par le gouvernement concernant d'autres pays décrivent des situations dans lesquelles les organisations intéressées sont soit dirigées par l'armée, soit placées sous l'autorité du Département de la défense ou de son équivalent, il ne semble pas, à la lecture de ladite loi, que tel soit le cas du GCHQ. La commission estime donc que le personnel du GCHQ ne peut être considéré comme faisant partie des forces armées aux fins d'exclusion des dispositions de la convention selon ce que prévoit l'article 9.

Enfin, en ce qui concerne les arguments avancés une fois encore par le gouvernement au sujet de la corrélation entre les conventions nos 87 et 151, la commission rappelle ses précédents commentaires à cet égard et estime que les points soulevés par le gouvernement ne nécessitent pas un plus ample examen de la question.

Vu les considérations précédentes et notant que le gouvernement s'en tient à sa proposition, selon laquelle le personnel du GCHQ ne peut être représenté que par le GCSF, la commission rappelle que ces travailleurs devraient jouir du droit de constituer les organisations de leur choix et de celui de s'affilier à ces organisations, conformément à l'article 2 de la convention. En outre, constatant qu'aucun dialogue direct n'a, semble-t-il, récemment été engagé sur ces questions, elle prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour reprendre les discussions avec les syndicats en vue d'aboutir à une solution satisfaisante pour toutes les parties intéressées.

2. Sanctions disciplinaires injustifiées (art. 64-67 de la loi de consolidation de 1992 sur les syndicats et les relations de travail). La commission rappelle que ses précédents commentaires dans cette affaire concernaient les dispositions susmentionnées de la loi de 1992 empêchant les syndicats de prendre des sanctions contre leurs membres qui refusent de participer à des grèves ou autres actions de revendication licites, ou qui cherchent à convaincre d'autres syndiqués de refuser de participer à une telle action. La commission a noté que, bien que du point de vue technique ces articles n'imposent aucune limitation directe ou explicite à la teneur des statuts et règlements d'un syndicat, les organisations syndicales s'exposeraient à de lourdes peines pécuniaires si elles adoptaient des mesures disciplinaires à l'encontre de l'un de leurs membres dans un pareil cas. La commission a estimé que ces dispositions privaient les syndicats du droit d'exprimer leur insatisfaction à l'égard des membres qui refusent de suivre ou cherchent à renverser les décisions prises démocratiquement par les autres membres du syndicat de mener une grève ou d'autres actions de revendication licites, et a prié le gouvernement de modifier ces dispositions en tenant compte de ce facteur.

Dans son dernier rapport, le gouvernement déclare que l'impact des sanctions disciplinaires infligées par les syndicats à leurs membres pourrait être beaucoup plus grave que les conséquences qu'aurait le simple fait d'"exprimer son insatisfaction", dans la mesure où de telles sanctions étaient conçues pour convaincre les membres en général que, de leur propre choix, ils ne devaient pas respecter les termes de leur contrat de travail lorsque leur syndicat leur demandait de ne pas le faire, et que cette attitude ne saurait être tolérée par la loi; il n'existe aucune preuve que les dispositions pertinentes ont, dans la pratique, causé un préjudice au "fonctionnement normal des syndicats"; la législation se contente d'interdire certaines formes spécifiques de sanctions disciplinaires qu'elle juge injustifiées. Le gouvernement en conclut qu'il n'est pas nécessaire de modifier les articles 64-67 de la loi de 1992.

La commission insiste néanmoins sur le fait que le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, garanti par l'article 3 de la convention, comprend le droit (exempt de toute menace de lourdes peines pécuniaires en cas d'application de ces règlements) des syndicats de déterminer, lors de l'élaboration de leurs statuts et règlements, s'il leur est possible d'appliquer des mesures disciplinaires aux membres qui refusent de se soumettre aux décisions prises démocratiquement de mener une action de revendication licite ou cherchent à convaincre leurs camarades de refuser de participer à une telle action. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour s'abstenir de toute ingérence qui limiterait le droit des organisations de travailleurs d'élaborer librement leurs statuts et règlements.

3. Immunités contre la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendication (art. 223 et 224 de la loi de 1992). La commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient les dispositions susmentionnées levant l'immunité qui pouvait antérieurement être invoquée dans le cas, notamment: a) de certaines formes d'"action secondaire" (c'est-à-dire une action conduite par des travailleurs n'étant pas en conflit avec leur propre employeur); et b) d'actions de revendication exercées pour soutenir des salariés licenciés pour avoir participé à une action de revendication "non officielle". Dans son rapport, le gouvernement maintient qu'aucune disposition de la convention n'impose que la loi accorde une protection spéciale contre les poursuites visant l'organisation d'actions de revendication parmi les travailleurs qui ne sont pas en conflit avec leur propre employeur. Il indique qu'aucune jurisprudence pertinente n'a été signalée et conclut qu'il n'est pas nécessaire de modifier ces dispositions.

La commission appelle l'attention du gouvernement sur le paragraphe 168 de son Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994 où elle relève qu'une interdiction générale des grèves de solidarité risquerait d'être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir exercer de telles actions pour autant que la grève initiale qu'ils soutiennent soit elle-même légale. La levée de l'immunité exposerait ce type d'action directe à des recours en responsabilité civile et constituerait, par conséquent, un obstacle sérieux au droit des travailleurs d'organiser des grèves de solidarité. La commission estime, en outre, que les actions de revendication en faveur d'un travailleur licencié pour avoir participé à une action de revendication "non officielle" sont à classer dans la catégorie des grèves de protestation dont l'exercice ne devrait pas être abusivement limité par l'introduction d'un nombre illimité d'instances en matière de responsabilité. Notant que le gouvernement, comme le TUC, indique que les décisions de justice ne constituent que l'un des moyens d'évaluer la répercussion dans la pratique d'un texte législatif particulier (et supposant donc implicitement que la législation peut, dans tous les cas, avoir des répercussions sur la décision d'un syndicat d'entamer l'action de revendication en question), la commission prie le gouvernement d'envisager de modifier ces dispositions aux fins d'accorder une protection adéquate au droit des organisations de travailleurs de participer à ces formes légitimes d'action de revendication.

4. Licenciements pour faits de grève et autres actions de revendication. Dans son précédent commentaire, la commission, en raison de la demande du gouvernement et du fait que certains aspects soulevés dans ce cadre pouvaient relever d'autres instruments, avait indiqué qu'elle étudierait cette question lorsqu'elle examinerait le prochain rapport du gouvernement sur l'application de la convention no 98. Entre-temps, elle avait prié le gouvernement et le TUC de lui communiquer des précisions sur la situation en droit et en fait à cet égard. La commission note à nouveau, d'après le rapport du gouvernement, qu'il considère que les questions de licenciements et autres mesures préjudiciables prises par un employeur à l'encontre de travailleurs qui ont participé à des grèves ne relèvent pas de la protection de la convention no 87. Le gouvernement transmet également une liste de décisions de justice pertinentes et il estime à nouveau qu'il n'est pas nécessaire qu'il présente de commentaire sur cette question dans le cadre du présent rapport. La commission prend note également des informations détaillées fournies par le TUC dans sa communication du 10 janvier 1995 concernant l'incidence de ces licenciements sur l'application de la convention no 87. A cet égard, la commission attire l'attention du gouvernement sur le paragraphe 139 de son étude d'ensemble de 1994 où elle a relevé que les sanctions ou les mesures de réparation sont souvent insuffisantes lorsque les grévistes sont particulièrement visés par des mesures prises par l'employeur (mesure disciplinaire, mutation, rétrogradation, licenciements) et que cela pose un problème particulièrement grave en ce qui concerne le licenciement lorsque les travailleurs peuvent uniquement obtenir des dommages et intérêts et non leur réintégration. De l'avis de la commission, une protection réellement efficace devrait exister à cet égard dans la législation, faute de quoi le droit de grève risque d'être vidé de tout contenu. La commission attend le rapport détaillé du gouvernement sous la convention no 98 ainsi que sa réponse aux commentaires du TUC sous la convention no 87 à cet égard afin d'examiner de manière complète l'incidence de la loi et la pratique en ce qui concerne ces conventions.

5. Réglementation détaillée du fonctionnement interne des organisations de travailleurs. La commission constate que, depuis son dernier examen approfondi de l'application de la convention, le gouvernement a adopté une réglementation encore plus détaillée en ce qui concerne le fonctionnement interne des organisations de travailleurs. Elle a pris bonne note de la nécessité, invoquée par le gouvernement dans son rapport, de réglementer ces différentes questions. Elle a également noté les commentaires formulés par le TUC à propos d'un certain nombre de dispositions de la loi de 1993 qui, selon lui, constituent une ingérence dans les droits qui lui sont reconnus en vertu de l'article 3 de la convention. La commission estime que certaines des dispositions citées par le TUC ne constituent pas, d'un point de vue technique, une violation de la convention (notamment l'article 15 de la loi de 1993 relatif aux modalités de prélèvement automatique des cotisations syndicales ou l'extension prévue à l'article 16 de la notion de "sanction disciplinaire injustifiée" visant à inclure les cas où les membres d'un syndicat ne souscrivent pas aux accords de prélèvement des cotisations ou les dénoncent, quittent un syndicat et deviennent, ou entendent devenir, membres d'un autre syndicat, travaillent avec des personnes non syndiquées ou pour le compte d'un employeur qui emploie des personnes non syndiquées); toutefois, la commission relève qu'une réglementation minutieuse des plus petits détails du fonctionnement interne des organisations de travailleurs risque d'atteindre un point où, du fait même de sa précision, de sa complexité et de son ampleur, l'effet cumulatif de cette réglementation constitue une ingérence dans les droits reconnus à ces organisations en vertu de l'article 3 de la convention.

A cet égard, la commission souhaite attirer l'attention du gouvernement sur le paragraphe 135 de son étude d'ensemble de 1994 qui précise que les dispositions législatives régissant de façon détaillée le fonctionnement interne des organisations de travailleurs et d'employeurs présentent des risques graves d'ingérence des autorités publiques. Lorsque de telles dispositions sont jugées nécessaires par les autorités publiques, elles devraient se borner à établir un cadre global, en laissant la plus large autonomie possible aux organisations dans leur fonctionnement et leur gestion.

6. La commission adresse au gouvernement une demande directe dans laquelle elle aborde un certain nombre d'autres points.

Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

Dans ses précédents commentaires, la commission avait, entre autres, noté avec intérêt la reprise du dialogue sur la question du droit de se syndiquer des employés du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ). Elle avait exprimé le ferme espoir que ce dialogue permettrait une issue positive satisfaisante pour les deux parties.

Dans une communication du 23 décembre 1993, le Congrès des syndicats britanniques (TUC) a présenté des commentaires sur cette question, indiquant notamment que, selon lui, le gouvernement maintenait son refus de se conformer aux exigences de la convention et aux recommandations des organes de contrôle.

Dans une réponse datée du 8 février 1994, reçue au BIT alors même que la commission avait débuté ses travaux, le gouvernement indique que de nouveaux contacts et des discussions ont eu lieu avec les syndicats sur la question depuis que le gouvernement a soumis son dernier rapport à la commission en février 1993 et que ceci constitue une preuve manifeste de la volonté du gouvernement de s'efforcer de réaliser des progrès dans cette difficile question. Le gouvernement ajoute qu'il fournira un rapport détaillé sur les faits nouveaux intervenus depuis février 1993, y compris une réponse détaillée aux points soulevés dans la lettre du TUC, dans son prochain rapport à la commission sur l'application de la convention.

La commission prend note des commentaires présentés par le TUC et de la réponse du gouvernement. Elle examinera cette question quant au fond à sa prochaine session à la lumière du prochain rapport du gouvernement ainsi que les autres points soulevés dans son observation précédente.

Observation (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

La commission prend note du rapport et des renseignements complémentaires communiqués par le gouvernement. Elle note également que de larges discussions ont eu lieu en 1992, au sein de la Commission de la Conférence, essentiellement au sujet de la situation au Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ). Elle prend également note des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC) dans plusieurs communications en 1992.

1. Licenciement de travailleurs au GCHQ

Dans sa précédente observation, la commission avait prié instamment le gouvernement de reprendre rapidement des discussions constructives susceptibles de déboucher, par la voie d'un réel dialogue, sur un compromis acceptable pour les deux parties sur cette question, qui a été examinée pour la première fois en 1985. A sa session de 1992, la Commission de la Conférence, tout en déplorant que certaines initiatives n'aient toujours pas abouti à un dialogue authentique, a pris bonne note de l'intention, exprimée par le gouvernement, de parvenir à une solution de ce problème; elle a exprimé le ferme espoir que cette déclaration serait rapidement suivie d'un dialogue substantiel, franc et constructif, mené de bonne foi, en vue de dégager une solution pleinement conforme à la convention.

La commission note qu'après la Conférence, lors d'un échange de lettres entre le TUC et le gouvernement, ce dernier a rappelé qu'il continuait d'attacher une importance fondamentale à la préservation de la sécurité et de la continuité des activités essentielles au GCHQ, et ne pouvait envisager dans la composition ou la représentation syndicale au sein de cet organisme aucune modification risquant de perturber son fonctionnement ou d'entraîner des conflits de loyauté pour le personnel. Tout en déclarant que rien ne garantissait qu'une solution acceptable aux deux parties pourrait être trouvée, le gouvernement a indiqué qu'il était disposé à étudier soigneusement toute proposition compatible avec sa position fondamentale. A cet égard, la commission a noté avec intérêt que, d'après le gouvernement, des réunions de haut niveau s'étaient tenues sur ce sujet en octobre 1992 et janvier 1993 entre le gouvernement et les syndicats, et que d'autres rencontres devraient normalement suivre.

La commission a noté également que la Fédération du personnel du centre gouvernemental des communications (GCSF), organisation de travailleurs acceptée par le gouvernement au GCHQ, s'est pourvue devant le Tribunal d'appel du travail (EAT) contre la décision de l'agent d'accréditation de ne pas lui accorder un certificat d'indépendance. L'EAT a débouté le GCSF dans sa décision du 10 décembre 1992.

La commission note avec intérêt une reprise du dialogue dans cette affaire et espère vivement qu'il permettra une issue positive, satisfaisante pour les deux parties. Elle invite le gouvernement à le tenir informé de l'évolution de la situation dans son prochain rapport.

2. Sanctions disciplinaires injustifiées (articles 64-67 de la loi de 1992)

La commission rappelle que ses précédents commentaires dans cette affaire concernaient les dispositions (article 3 de la loi de 1988) empêchant les syndicats de prendre des sanctions contre leurs membres qui refusent de participer à des grèves ou autres actions de revendication licites, ou qui cherchent à convaincre d'autres syndiqués de refuser de participer à une telle action. Dans sa précédente observation, la commission avait prié les parties de fournir des précisions sur la portée exacte de ces dispositions et sur leur application dans la pratique.

Dans son rapport, le gouvernement:

- confirme que les articles 64 à 67 de la loi de 1992 n'imposent aucune limitation sur le contenu des règlements d'un syndicat;

- déclare que les syndicats restent libres d'adopter les règlements de leur choix, sous réserve du respect des droits fondamentaux de l'homme et de la législation du pays, et qu'il considère donc normal que la législation comporte des dispositions empêchant qu'une personne soit exposée à des pressions ou à des sanctions excessives parce qu'elle a refusé d'agir en marge de la loi et contre ses convictions en rompant un contrat de travail auquel elle est partie;

- précise qu'à sa connaissance, depuis l'adoption de la loi de 1988, les tribunaux du travail ont été saisis de plus de 240 affaires concernant des syndicalistes qui alléguaient avoir été victimes de sanctions de ce genre (plaintes déclarées recevables dans 130 cas);

- cite des exemples de décisions judiciaires concernant certaines mesures disciplinaires prises à l'encontre de syndicalistes par leur syndicat pour avoir passé outre un piquet de grève.

Dans sa communication du 24 décembre 1992, le TUC déclare que les syndicats restent libres d'adopter leurs règlements quant aux sanctions disciplinaires à l'encontre des briseurs de grève, mais qu'ils ne peuvent pas légalement les faire observer. Le TUC donne également des exemples sur la façon dont la législation est appliquée dans la pratique.

La commission convient avec le gouvernement que, d'un point de vue technique, les articles 64 à 67 n'imposent aucune limitation directe ou explicite à la teneur des règlements d'un syndicat. Toutefois, l'article 66(1) autorise tout membre d'un syndicat à saisir un tribunal du travail au motif qu'il a subi une "sanction disciplinaire injustifiée" au sens de l'article 65(1), lequel vise notamment les mesures disciplinaires prises par un syndicat contre un syndiqué qui a traversé un piquet de grève tenu par des membres du même syndicat. Les décisions de justice expressément mentionnées par le gouvernement et le TUC montrent que, si les syndicats sont "libres" d'adopter les règlements de leur choix à cet égard, ils s'exposent à de lourdes peines pécuniaires s'ils les appliquent.

La commission estime que les dispositions en question privent les syndicats du droit d'exprimer leur insatisfaction à l'égard des membres qui refusent de suivre ou cherchent à renverser les décisions prises démocratiquement par les membres du syndicat de mener une grève ou d'autres actions de revendication licites. La commission prie le gouvernement de prendre sérieusement en considération le préjudice qui pourrait en résulter pour le fonctionnement normal des organisations de travailleurs dans le cadre du système de relations professionnelles en place. Elle l'invite à envisager de modifier les dispositions en cause, de façon à permettre aux syndicats d'exprimer réellement leur insatisfaction envers les membres qui refusent de suivre ou cherchent à renverser les décisions prises démocratiquement de mener une grève ou d'autres actions de revendication licites.

3. Indemnisation des syndicalistes et dirigeants syndicaux (article 15 de la loi de 1992)La commission rappelle que ses précédents commentaires à ce sujet concernaient les dispositions (article 8 de la loi de 1988) qui rendent illégale l'utilisation du patrimoine d'un syndicat pour dédommager une personne condamnée à une peine pécuniaire pour outrage à magistrat, et qui prévoient également la récupération par le syndicat de toute somme injustement versée au titre d'un tel dédommagement. Dans ses précédentes observations, la commission priait les parties de lui communiquer des informations sur l'application pratique de ces dispositions, notamment le texte de décisions judiciaires ou quasi judiciaires rendues dans ces domaines.

Dans son rapport le gouvernement:

- réaffirme que, lorsqu'une personne n'est que "l'agent" passif d'un syndicat, toute sanction pour acte délictuel est normalement infligée au syndicat mais que, lorsque cette sanction est infligée à une personne, cette décision implique que l'intéressé aura été jugé sans équivoque coupable d'un acte illégal délibéré;

- déclare que le libellé de la loi (qui mentionne explicitement l'utilisation des fonds d'un syndicat pour régler, en lieu et place d'une personne, une peine pécuniaire infligée pour "une infraction ou un délit d'outrage à magistrat") implique que ces dispositions ne sont applicables qu'au dédommagement d'une peine pécuniaire pour acte criminel ou délit d'outrage à magistrat;

- déclare qu'il n'existe pas à sa connaissance: 1) de décision aux termes de laquelle un tribunal aurait infligé une peine pécuniaire à une personne dans de telles circonstances; 2) de procédure judiciaire engagée par des syndiqués en vertu de l'article 15(3) de la loi de 1992 pour obtenir la possibilité de récupérer le montant d'un dédommagement illicite, au nom et aux dépens d'un syndicat.

Dans sa communication du 24 décembre 1992, le TUC déclare qu'il n'a pas connaissance d'affaires se rapportant à la disposition susmentionnée.

La commission prend dûment note de toutes les informations communiquées. Bien qu'il subsiste une incertitude quant à la signification et aux conséquences exactes de la distinction faite par le gouvernement entre les "agents passifs" et les personnes agissant à titre individuel, la commission note que, à ce jour, les tribunaux n'ont rendu aucune décision qui aurait confirmé les préoccupations qu'elle a exprimées antérieurement, à savoir que l'article 15 puisse, en pratique, être appliqué d'une manière contraire à la convention. La commission invite le gouvernement, dans ses futurs rapports, ainsi que le TUC, dans ses futures observations, à la tenir informée de l'application pratique de cette disposition.

4. Immunités contre la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendication (articles 223 et 224 de la loi de 1992)

La commission rappelle que ses précédentes observations à ce sujet concernaient les dispositions (article 4 et article 9(2) et (3) de la loi de 1990) levant l'immunité (ou, plus précisément, la "protection") qui pouvait antérieurement être invoquée dans le cas, notamment: a) de certaines formes "d'action secondaire" (c'est-à-dire d'une action conduite par des travailleurs n'étant pas en conflit avec leur propre employeur); b) d'actions de revendications exercées pour soutenir des salariés licenciés pour avoir participé à une action de revendication "non officielle". La commission avait formulé des commentaires à ce sujet en 1989 et 1991, et elle avait demandé au gouvernement en 1992 de lui fournir toutes précisions sur l'objectif et les effets de ces dispositions.

Renvoyant à ses précédentes réponses, le gouvernement souligne dans son rapport qu'aucune disposition de la convention ne permet selon lui de conclure que le fait d'organiser de telles actions ou d'y inciter devrait bénéficier d'une protection juridique.

La commission a examiné soigneusement la réponse élaborée du gouvernement, ainsi que les documents produits à l'appui de ses commentaires (destinés aux syndicats, aux employeurs et aux intéressés) expliquant en termes simples la situation juridique avant et après les modifications susmentionnées de la législation, ainsi que leurs implications. Désormais, il n'existe pas d'immunité pour l'organisation d'une action de revendication "secondaire" (appelée parfois action de "soutien" ou de "solidarité"), sauf s'il s'agit d'incitations exercées par des piquets de grève pacifiques. L'immunité a également été supprimée en cas d'actions de revendication organisées pour soutenir des salariés licenciés dans le cadre d'une action de revendication "non officielle".

La commission renvoie à l'analyse détaillée qu'elle avait faite en 1989 dans ses observations sur cette question, ainsi qu'à ses observations ultérieures, où avaient été décrites en détail les positions juridiques du gouvernement et du TUC. Pour pouvoir prendre une décision en pleine connaissance de cause, elle prie ces derniers de lui communiquer des renseignements sur l'application pratique des articles 223 et 224 de la loi de 1992 et, en particulier, de lui communiquer le texte de décisions judiciaires ou quasi judiciaires mettant en jeu l'application de ces dispositions.

5. Licenciements pour faits de grève et autres actions de revendication

En raison de la demande du gouvernement et du fait que certains aspects soulevés dans ce cadre peuvent relever d'autres instruments, la commission étudiera cette question lorsqu'elle examinera le prochain rapport du gouvernement sur l'application de la convention no 98. Elle prie le gouvernement et le TUC de lui communiquer entre-temps des précisions sur la situation en droit et en fait à cet égard, en lui communiquant notamment le texte de décisions judiciaires ou quasi judiciaires mettant en jeu l'application des dispositions pertinentes.

6. Complexité de la législation

Dans ses précédentes observations, la commission a exprimé sa préoccupation devant le volume et la complexité des modifications législatives intervenues depuis 1980 en relation avec les domaines couverts par la convention, préoccupation qui a été réaffirmée par les membres travailleurs lors de la Conférence de 1992.

La commission note avec intérêt que, conformément aux assurances données par le gouvernement lors de la Conférence de 1992, la loi de 1992 sur les syndicats et les relations professionnelles (codification) a été adoptée et est entrée en vigueur en octobre 1992. Ce document a le mérite de rassembler en un seul texte les principales dispositions en la matière. La commission espère que cette mesure, ainsi que les brochures gratuites publiées par le gouvernement, expliquant cette législation et son application aux employeurs, aux travailleurs et aux syndicats, contribueront à une meilleure compréhension de la législation par toutes les parties concernées.

Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend également note de la discussion approfondie qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1991 sur la question du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ), ainsi que des commentaires du Congrès des syndicats (TUC) et du Conseil des syndicats de la fonction publique (CCSU) dans plusieurs communications datées de 1991 et de 1992, respectivement.

I. Licenciement de travailleurs du GCHQ

Dans sa communication du 10 janvier 1992 à laquelle est joint un échange de correspondance entre lui-même, le CCSU et le gouvernement, le TUC déclare qu'à la suite du débat à la Commission de la Conférence en 1991, il a écrit au Premier ministre afin de proposer des discussions sur cette question, à la lumière des recommandations de la commission d'experts et de la Commission de la Conférence. Le TUC avait alors mentionné que les syndicats étaient disposés à accepter des arrangements répondant aux exigences du gouvernement, et avait également évoqué la possibilité d'un renvoi à la Cour internationale de justice (CIJ), devant laquelle le gouvernement peut se pourvoir aux termes de la Constitution de l'OIT. Selon le TUC, le CCSU entend soulever la question des travailleurs du GCHQ à la première occasion lors des rencontres régulières avec le ministre de la Fonction publique, mais n'entretient pas d'illusions sur une issue positive, étant donné l'attitude du gouvernement qui a déclaré mal voir en quoi de telles discussions pourraient être utiles.

Dans son rapport, le gouvernement reprend essentiellement les arguments exposés à la Commission de la Conférence en 1991, et invite la commission d'experts à réexaminer la situation au vu des éléments suivants:

- le GCHQ fait partie des services de sécurité nationale et de renseignement;

- aucun problème d'interprétation ne se poserait dans le cadre de la convention no 151;

- dans de nombreux autres pays, les mêmes activités relèveraient entièrement des forces armées et échapperaient totalement au champ d'application de la convention no 87;

- de tous les employés concernés, seulement 13 ont finalement refusé les conditions d'emploi modifiées ou un autre emploi, et ils ont reçu un généreux dédommagement;

- d'autres organismes internationaux chargés de l'observance des droits fondamentaux de l'homme ont statué en faveur du gouvernement à cet égard;

- les travailleurs du GCHQ ont le droit de s'affilier à une organisation syndicale efficace et d'ailleurs active, et la majorité d'entre eux s'en sont prévalus.

Tout en répétant que les syndicats concernés peuvent soulever cette question lors des réunions régulières avec le ministre de la Fonction publique - ce qu'ils n'ont pas fait jusqu'ici, selon lui - le gouvernement réitère sa conviction que les mesures qu'il a prises en ce qui concerne le GCHQ sont conformes à ses obligations aux termes des conventions de l'OIT.

Ayant attentivement examiné le rapport du gouvernement et les commentaires des syndicats, la commission doit constater qu'on ne lui a présenté aucun élément nouveau susceptible de l'amener à modifier son observation antérieure quant au fond de cette question. La commission note par ailleurs qu'il s'est clairement dégagé au sein de la Commission de la conférence une quasi-unanimité sur la nécessité d'une reprise du dialogue. Depuis lors, tout en indiquant que les syndicats pourraient soulever la question durant les réunions régulières avec le ministre de la Fonction publique, le gouvernement a signifié à deux reprises au TUC (lettres des 25 juin et 20 décembre 1991) qu'il voyait mal l'utilité de telles discussions, ce qui explique sans doute pourquoi le problème n'a apparemment pas été évoqué durant ces réunions régulières.

La commission déplore de n'avoir pu constater aucun progrès tangible sur cette question, ni même une reprise des discussions, malgré le très large consensus qui s'est dégagé au sein des organes de contrôle.

Elle rappelle que les seules exclusions prévues par la convention concernent les forces armées et la police, que les travailleurs ont le droit de constituer les organisations de leur choix et que le droit à la syndicalisation ne préjuge pas celui du droit de grève.

En conséquence, la commission exhorte le gouvernement à reprendre dans un très proche avenir des discussions constructives susceptibles de déboucher, par la voie d'un réel dialogue, sur un compromis acceptable aux deux parties.

II. Article 3 de la Convention

Généralités

Dans son observation de 1991, la commission avait formulé un certain nombre de commentaires au sujet des lois de 1980, 1982 et de 1988 sur l'emploi et la loi de 1984 sur les syndicats. Ces commentaires concernaient les questions suivantes:

- sanctions disciplinaires injustifiées (art. 3 de la loi de 1988);

- indemnisation des membres et représentants des syndicats (art. 8 de la loi de 1988);

- immunités contre la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendication;

- licenciements pour faits de grève et autres actions de revendication;

- complexité de la législation.

La commission prend note des observations élaborées communiquées par le gouvernement sur ces sujet, tant à la Commission de la Conférence que dans son rapport. Elle note également les commentaires formulés par le TUC dans sa communication du 22 janvier 1992 au sujet de la loi sur l'emploi de 1990.

1. Sanctions disciplinaires injustifiées (art. 3 de la loi de 1988)

Dans son observation précédente, la commission avait conclu que les dispositions de l'article 3 qui privent les syndicats du droit de sanctionner leurs membres qui refusent de participer à des grèves légales et autres moyens de pression, ou qui tentent de persuader d'autres membres de refuser de participer à de tels mouvements, constituaient un empiétement sur les garanties prévues à l'article 3 de la convention. Tout en reconnaissant que les droits garantis par l'article 3 doivent s'exercer dans les respect des droits fondamentaux de l'homme, la commission estimait incompatible avec la convention une disposition interdisant aux membres d'un syndicat d'adopter librement des règles prévoyant l'imposition de sanctions disciplinaires aux syndiqués qui refusent de suivre ou tentent de renverser les décisions démocratiquement prises par les membres du syndicat de déclencher une grève ou d'exercer d'autres actions de revendication légitimes. Elle avait donc demandé au gouvernement de réviser sa législation de façon à laisser aux syndicats et à leurs membres la faculté d'adopter et d'appliquer de telles règles s'ils le souhaitent.

Le gouvernement a déclaré à la Commission de la Conférence que la législation doit prévoir des dispositions permettant de s'assurer que les syndiqués sont libres "de prendre leurs décisions en accord avec leur conscience, sans crainte de sanctions disciplinaires de la part de leur syndicat". En outre, dans son rapport, le gouvernement:

a) déclare qu'il ne peut concilier les commentaires de la commission d'experts sur l'article 3 de la loi avec le principe bien accepté voulant que les syndicats ne jouissent pas d'une liberté absolue pour établir leurs règles internes, qui doivent respecter les droits fondamentaux de l'homme et la législation nationale;

b) souligne que l'article 3 de la loi de 1988 n'impose aucune limitation quant aux dispositions ou aux interdictions pouvant être incluses dans les règles internes d'un syndicat;

c) fait observer que les syndicats conservent la possibilité, s'ils le souhaitent, d'une part, d'adopter des règles leur permettant d'imposer des sanctions disciplinaires aux membres qui refusent de participer à une action de revendication et, d'autre part, d'appliquer ces règles, ce qui s'est effectivement passé en pratique à plusieurs reprises depuis l'adoption de la loi de 1988, lorsque des syndiqués se sont vu imposer des sanctions disciplinaires de cet ordre.

d) estime néanmoins qu'il s'agit d'un droit de l'homme fondamental pour tout syndiqué de pouvoir refuser de rompre son contrat d'emploi - même si son syndicat l'y invite et indépendamment des procédures qui ont pu être suivies par le syndicat avant de lancer ce mot d'ordre - et qu'un tel refus ne saurait être qualifié d'inapproprié;

e) maintient donc que la législation nationale devrait prévoir des recours pour les syndiqués victimes de sanctions ou de discrimination de la part de leur syndicat, soit parce qu'ils exercé ce droit de refus soit parce qu'ils ont encouragé d'autres employés à s'en prévaloir;

f) soutien que le fait d'autoriser un syndicat à imposer des sanctions disciplinaires à un syndiqué qui aurait décidé d'honorer ses engagements envers son employeur sans lui offrir par ailleurs la possibilité d'un recours, reviendrait à permettre que la législation nationale ne garantisse pas les droit de l'homme fondamentaux du syndiqué en question.

Par conséquent, le gouvernement ne voit aucun motif de considérer que l'article 3 de la loi de 1988 sur l'emploi est en fait incompatible avec les garanties prévues par la convention.

La commission note que, selon le gouvernement, l'article 3 de la loi de 1988 n'impose aucune limitation quant aux dispositions ou interdictions pouvant être incluses dans les règles internes des syndicats, et que ceux-ci conservent notamment la possibilité d'adopter et d'appliquer des règles leur permettant d'imposer des sanctions disciplinaires à leurs membres qui refusent de participer à une grève, ce qui se serait effectivement passé depuis l'adoption de la loi.

Afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, la commission prie les parties de lui communiquer des précisions sur la portée concrète de cette disposition et, notamment, sur la possibilité que conserveraient les syndicats d'adopter et d'appliquer des règles leur permettant d'imposer des sanctions disciplinaires à leurs membres qui refusent de participer à une grève. Elle invite également les parties à lui fournir des exemples de la façon dont cette disposition est appliquée dans la pratique.

2. Indemnisation des membres et des représentants des syndicats

L'article 8 de la loi de 1988 dispose qu'un syndicat ne peut utiliser ses fonds pour indemniser une personne à l'égard de toute sanction qui pourrait lui être imposée en raison d'une infraction ou d'un outrage au tribunal. Dans son observation de 1991, tout en reconnaissant que l'article 8 ne déclare pas expressément que les syndicats ne peuvent pas adopter de règle à cet effet, la commission avait conclu qu'il avait le même effet puisque tout versement fait conformément avec une telle règle peut être recouvré, conformément aux paragraphes 2 et 3 de l'article 8. En conséquence, la commission avait exprimé l'avis que la législation devait être modifiée de manière à permettre l'adoption et l'application de règles permettant l'indemnisation des membres ou des dirigeants des syndicats en ce qui concerne les responsabilités juridiques qu'ils peuvent qu'ils peuvent encourir au nom du syndicat.

Dans son rapport, le gouvernement:

a) souligne que l'article 8 vise uniquement les amendes au les autres sanctions pécuniaires imposées à une personne en raison d'un infraction pénale ou dune condamnation pour outrage au tribunal, actes qui constituent manifestement une violation de la législation nationale.

b) souligne que, lorsqu'une personne agit simplement comme "agent" passif d'un syndicat, les sanctions seront vraisemblablement imposées au syndicat, mais lorsqu'une sanction est infligée à la personne elle-même, cela implique qu'elle aura clairement été reconnue coupable d'un acte illégal et délibéré;

c) tenant compte notamment de l'article 8 1) de la convention, ne saurait accepter l'idée voulant que les dispositions déclarant illégale l'utilisation des fonds ou des biens syndicaux pour indemniser ces personnes des conséquences de leurs actes illégaux ainsi que le droit connexe de recouvrement des sommes payées ou des biens remis constituent une violation des garanties prévues par la convention.

En conséquence, le gouvernement ne peut convenir qu'il soit nécessaire de modifier la législation comme le suggère la commission d'experts, puisque ces dispositions actuelles ne sont incompatibles avec aucune garantie prévue par la convention.

La commission note que, selon le gouvernement, ces dispositions visent des cas limités, c'est-à-dire ceux où une personne est condamnée, en justice, à une amende ou à une autre sanction pécuniaire pour un acte illégal et délibéré constituant manifestement une violation de la législation nationale (infraction pénale, outrage à magistrat); dans les autres cas, les sanctions seraient vraisemblablement imposées aux syndicats.

La commission considère que l'indemnisation des membres ou des dirigeants de syndicats devrait être possible pour les responsabilités juridiques qu'ils encourent au nom du syndicat.

Afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, la commission prie les parties de lui fournir des renseignements sur l'application de ces dispositions dans la pratiques, notamment en lui communiquant le texte des décisions quasi judiciaires ou judiciaires rendues en ces matières.

3. Immunités contre la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendications

Dans son observation de 1991, tout en reconnaissant que la législation britannique accorde une assez large protection contre la responsabilité en common law pour les personnes et les syndicats qui organisent ou participent à certaines formes d'actions de revendication et que les travailleurs ne peuvent pas se voir intimer l'ordre de reprendre leur travail ou de rester au travail, la commission avait indiqué que certaines modifications législatives introduites depuis 1980 ont eu pour effet de retirer la protection légale pour diverses formes d'actions de revendication qui, à son avis, ne devraient pas faire encourir de responsabilité juridique. Elle avait donc répété sa demande pour que le gouvernement adopte une législation permettant aux travailleurs et à leurs syndicats de s'engager dans une action de revendication, dans les circonstances qui ont été examinées en détail dans l'observation formulée par la commission en 1989.

Dans son rapport, le gouvernement:

a) souligne que la législation du Royaume-Uni: 1) contient toujours des dispositions assurant une protection particulière contre la responsabilité civile qui serait autrement encourue lorsqu'un syndicat ou toute autre personne appelle les travailleurs à rompre des contrats de travail afin d'appuyer leurs revendications dans le cadre d'un différend collectif avec leur employeur; et ii) donne une définition très large de l'expression "différend du travail" à cette fin;

b) observer qu'aucune modification intervenue depuis 1979 dans la législation sur l'organisation des actions de revendication n'a nui aux travailleurs qui restent libres de s'engager dans ce genre d'actions, que ce soit dans le cadre d'un différend avec leur employeur, pour appuyer d'autres travailleurs, ou encore pour quelque autre motif;

c) ne voit dans la convention aucune disposition permettant à la commission d'experts de conclure que cet instrument impose la nécessité d'une protection juridique pour les personnes qui appellent à une action de revendication ou qui l'organisent, en ce qui concerne les formes particulières d'actions de revendication mentionnées dans son rapport.

Par conséquent, le gouvernement ne peut accepter l'opinion de la commission selon laquelle il conviendrait d'adopter d'autres mesures législatives dégageant la responsabilité civile des personnes qui appellent à des actions de revendication ou les organisent, au motif que ces amendements seraient nécessaires pour assurer la conformité avec les garanties prévues par la convention.

La commission doit constater qu'on ne lui a pas présenté de nouveaux arguments susceptibles de modifier ses commentaires antérieurs et reste d'avis que certaines modifications législatives introduites depuis 1980 ont eu pour effet d'amoindrir ou de retirer la protection légale contre la responsabilité pour diverses formes de grève et d'actions de revendication qui ne devraient pas faire encourir de responsabilité juridique. Elle renvoie notamment aux rapports de 1989 et de 1991, et invite de nouveau le gouvernement à modifier sa législation afin de permettre aux travailleurs et à leurs organisations de mener les actions de revendication en question, sans risquer d'engager leur responsabilité civile en common law.

Dans sa communication du 22 janvier 1992, le TUC, par ailleurs, soutient que l'article 4 de la loi de 1990 sur l'emploi abolit l'immunité contre la responsabilité civile découlant de toute action de solidarité; seuls bénéficieraient d'une immunité les travailleurs faisant du piquetage pacifique sur leur propre lieu de travail.

Le gouvernement n'ayant pas fourni de réponse sur ce point qui avait déjà été soulevé dans l'observation de 1991, la commission l'invite de nouveau à lui donner dans son prochain rapport des renseignements complets sur la partie et l'effet de cette disposition.

4. Licenciement pour faits de grève et autres actions de revendication

Dans son observation de 1991, la commission avait demandé de nouveau au gouvernement d'adopter des mesures législatives de protection contre le licenciement et les autres formes de traitement discriminatoire, de manière à mettre la législation et la pratique en conformité avec les exigences de la convention. De plus, faisant siennes les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1540, elle avait invité le gouvernement à modifier l'article 62 A de ce loi (codification) sur la protection de l'emploi (inséré par l'article 9 de la loi de 1990.

Dans sa communication du 22 janvier 1992, le TUC souligne que l'article 62A permet aux employeurs de licencier sélectivement les personnes prenant part à une action non autorisée, ainsi une personne licenciée durant une action non autorisée, même si elle n'y a pas participé, ne pourrait présenter de recours contre un licenciement abusif. Par ailleurs, l'article 6 de la loi de 1990 sur l'emploi (qui modifie l'article 15 de la loi de 1982 sur l'emploi) élargit la notion d'action autorisée ainsi que la responsabilité civile des syndicats, dont la responsabilité peut maintenant être engagée, même pour des actions de leurs membres sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle.

Le gouvernement souligne que le convention no 87 protège la liberté de constituer des organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que les droits de ces organisations, mais que les mesures touchant individuellement les travailleurs (y compris les licenciements ou les sanctions disciplinaires imposées par un employeur) sont visées expressément dans d'autres instruments, notamment la convention no 98; il considère que la législation concernant ces licenciements ou sanctions disciplinaires touchant des personnes à titre individuel n'est pas visée par la convention no 87.

Répondant toutefois quant au fond, le gouvernement donne les précisions suivantes sur la législation et la pratique:

a) les employeurs ont toujours eu le droit d'imposer des sanctions disciplinaires aux travailleurs qui décident de participer à des actions de revendication et notamment, par exemple, de leur refuser la rémunération à laquelle ils auraient eu droit s'ils avaient travaillé durant la période pendant laquelle cette action s'est déroulée; il ne semble exister dans la convention no 87 aucune disposition interdisant aux employeurs de réagir ainsi aux grèves et autres actions de revendication;

b) la législation du Royaume-Uni n'a jamais comporté le principe soutenu par la commission d'experts, selon lequel il devrait être interdit aux employeurs de licencier des travailleurs ou de leur imposer des sanctions durant des actions de revendication; depuis l'adoption de la loi de 1971 sur les licenciements injustes, la législation a a toujours prévu une exception pour les licenciements intervenant dans le cadre d'une action de revendication;

c) la législation du Royaume-Uni n'autorise absolument pas à ordonner aux travailleurs de retourner ou de rester au travail, et ce quelles que soient les circonstances; cette liberté de déclencher des actions de revendications - qui par sa nature même doit rester une décision individuelle pour tout employé - prévaut indépendamment de la nature ou de l'ampleur des répercussions de cette action sur l'entreprise de l'employeur (que ce soit en termes absolus, ou en rapport avec l'objet du différend);

d) en outre, lorsque les employés participent à une action de revendication officielle (c'est-à-dire organisée ou déclenchée par leur syndicat), un employé qui serait victime d'un licenciement discriminatoire tandis que d'autres employés ayant participé à l'action ne sont pas licenciés peut présenter une plainte en licenciement injustifié devant un tribunal du travail; le même recours est ouvert si tous les employés sont licenciés mais que certains sont réembauchés dans un délai de trois mois, tandis que d'autres ne le sont pas;

e) par ailleurs, la législation du Royaume-Uni sur l'emploi assure une protection spéciale aux employés qui participent à une grève dans la mesure où elle préserve les droits liés à la "période d'emploi accumulée" ("Qualified period of employment") que l'employé peut avoir acquis avant la grève en question, ce qui lui permet par la suite de se prévaloir de nombreux droits liés à l'emploi et découlant de la loi (par exemple les indemnités de licenciement pour raisons économiques), même si l'employé a fait grève en violation des dispositions de son contrat d'emploi;

f) bien que les conditions et modalités d'emploi des travailleurs puissent être établies dans des conventions collectives conclues entre employeurs et syndicats, les conventions collectives n'ont pas juridiquement une force contraignante au Royaume-Uni. Par conséquent, les employés peuvent librement décider de faire grève ou d'engager d'autres actions de revendication sans égard aux conséquences que cela risque d'avoir sur leur syndicat en ce qui concerne ses obligations contractuelles;

g) selon un principe fondamentale établi de longue date dans le régime juridique du Royaume-Uni, les cours ou tribunaux ne sont jamais appelés à statuer sur le fond d'un différend du travail; et aucune convention internationale ratifiée par le Royaume-Uni ne contient de dispositions imposant des mesures différentes à cet égard.

Par conséquent, le gouvernement ne peut pas accepter l'opinion de la commission selon laquelle des amendements seraient nécessaires pour que la législation du Royaume-Uni: i) soit compatible avec les garanties prévues par la convention no 87; ii) garantisse le respect des "principes de la liberté syndicale", dans la mesure où ces principes découlent des dispositions de la convention elle-même.

La commission doit constater à cet égard également qu'au élément nouveau n'a été présenté et, compte tenu de l'importance fondamentale de cette question, demeure convaincue que la conformité avec la convention exige que les travailleurs jouissent d'une protection réelle et effective contre le licenciement ou toute autre mesure disciplinaire prise en raison de leur participation, réelle ou proposée, à des grèves ou à d'autres formes d'action de revendication. Elle invite de nouveau le gouvernement à modifier sa législation en ce sens. Elle réitère par ailleurs sa recommandation de modification de l'article 62A de la loi de 1990 sur l'emploi.

5. Complexité de la législation

Dans ses précédentes observation, la commission avait exprimé sa préoccupation au sujet du nombre et de la complexité des modifications apportées à la législation depuis 1980 en relation avec les sujets couvents par la convention, et elle avait suggéré qu'il serait opportun de réexaminer le fond et la forme de la législation.

Le gouvernement confirme dans son rapport qu'il est disposé à prendre des mesures de codification lorsque les ressources et le programme législatif le permettront. Rappelant la distinction entre une codification et une mesure qui apporterait des modifications de fond à la loi actuelle, le gouvernement réitère sa conviction qu'aucune disposition de la législation générale du Royaume-Uni sur l'emploi n'est à son avis incompatible avec les garanties prévues dans les conventions de l'OIT qu'il a ratifiés. Par conséquent, il rejette la suggestion de la commission d'experts voulant que le gouvernement profite de l'occasion de cette "codification" pour apporter des modifications de fond à la législation qui régit actuellement les relations professionnelles et les questions syndicales.

La commission note que le gouvernement est disposé à prendre des mesures de codification de la législation concernant les relations professionnelles lorsque les ressources et le programme législatif le permettront; elle invite le gouvernement à la tenir informée dans ses prochains rapports des mesures prises ou envisagées dans ce sens.

La commission renvoie à ses commentaires ci-dessus en ce qui concerne les dispositions de fond posant problème par rapport à la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

1. La commission note le rapport du gouvernement. Elle note également: i) la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1989; ii) les commentaires du Congrès des syndicats (TUC) dans plusieurs communications datées de 1989 et de 1990; iii) les commentaires supplémentaires du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1261 (275e rapport du comité, novembre 1990, paragr. 11); iv) les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1540 (277e rapport du comité, février-mars 1991, paragr. 47 à 98).

2. Licenciement de travailleurs du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ).

Dans ses communications du 21 décembre 1989 et du 14 juin 1990, le TUC déclare qu'à la suite de la discussion à la Commission de la Conférence en 1989, il a écrit au Premier ministre en indiquant que les syndicats adopteraient une attitude constructive dans les négociations sur l'affaire du GCHQ, de façon que le gouvernement puisse honorer ses engagements au titre de la convention no 87 et, en même temps, satisfaire ses exigences concernant le maintien des services au GCHQ. Selon le TUC, le Premier ministre n'a pas répondu à la proposition de reprise des discussions, comme l'avaient suggéré la commission d'experts et la Commission de la Conférence.

Dans son rapport, le gouvernement répète que les dispositions de la convention no 87 doivent être interprétées en tenant compte de la convention no 151 et que le travail exécuté par le personnel civil au GCHQ est dans "l'esprit de l'exemption des forces armées" prévue à l'article 9 de la convention no 87.

En ce qui concerne la suggestion de la commission invitant le gouvernement à reprendre les négociations avec les syndicats intéressés, le gouvernement n'est pas toujours convaincu de leur utilité. Il souligne que les discussions ont eu lieu immédiatement après l'annonce faite par le gouvernement en janvier 1984, selon laquelle les travailleurs du GCHQ n'avaient plus le droit d'être membres de syndicats nationaux. Au cours de ces discussions, les syndicats avaient insisté pour qu'un "accord de paix du travail" suffirait à garantir la continuité du service au GCHQ. Ces propositions avaient été considérées avec beaucoup d'attention par le gouvernement, mais elles avaient dû être rejetées car elles ne donnaient pas de garanties suffisantes que des pressions contradictoires ne provoqueraient pas de difficulté à l'avenir. Cette conclusion s'est trouvée confirmée a posteriori, le projet d'accord soumis par le Conseil des syndicats de la fonction publique ayant été rejeté par deux des principaux syndicats intéressés parce qu'ils n'étaient pas disposés à envisager la conclusion d'un "accord de paix du travail" au GCHQ. Le gouvernement reconnaît que les syndicats ont ensuite indiqué qu'ils pourraient réviser leur position sur ce point. Selon le gouvernement, cette éventualité elle-même confirme sa position quant à l'inutilité d'une reprise des discussions sur cette question.

Le gouvernement souligne par ailleurs que les employés du GCHQ ont le droit de s'affilier à la Fédération des employés des communications gouvernementales (GCSF) et que plus de 50 pour cent d'entre eux l'ont fait. Dans ses communications du 21 décembre 1989 et du 14 juin 1990, le TUC relève que le greffier (qui est un fonctionnaire indépendant responsable de certaines questions administratives relatives aux syndicats et aux associations d'employeurs) avait refusé de délivrer au GCSF un certificat d'indépendance. Selon le TUC, cette décision souligne le fait que les employés du GCHQ n'ont même pas le droit fondamental d'appartenir à un syndicat indépendant.

Selon le gouvernement, cette décision qui fait présentement l'objet d'un recours ne signifie pas que le GCSF n'est pas un "syndicat". Au contraire, il est inscrit sur une "liste" légale de syndicats, mais le syndicat et ses membres ne jouissent pas de certains droits légaux en ce qui concerne des questions telles que la santé et la sécurité du travail, la consultation préalable au licenciement, etc. Toutefois, au dire du gouvernement, la direction du GCHQ étend en pratique au GCSF des droits qui sont "au moins équivalents" à presque tous ces droits découlant de la loi.

La commission ne peut qu'exprimer son regret devant le manque apparent de progrès dans cette affaire qui lui a été initialement soumise en 1985. Elle reste d'avis que, aux termes de la législation actuellement en vigueur, les travailleurs du GCHQ ne peuvent pas être considérés comme des membres des "forces armées" aux fins de l'application de l'article 9 de la convention. La commission note que les tentatives faites en 1984 pour obtenir un accord de paix du travail n'ont pas abouti. Rappelant que les travailleurs dont les fonctions ont trait à des questions de sécurité relèvent de la catégorie de ceux pour lesquels il est admissible de limiter le droit de grève, la commission considère néanmoins que ces travailleurs ne devraient pas se voir dénier le droit d'appartenir aux organisations de leur choix, comme le garantit l'article 2 de la convention.

La commission note que plus de 50 pour cent des travailleurs du GCHQ ont choisi de s'affilier à une organisation qui possède certaines, mais non la totalité, des caractéristiques d'un syndicat aux termes du droit britannique, et qui est traitée par la direction de la même manière que si elle était un syndicat à part entière. Le fait que les travailleurs du GCHQ ont le droit de s'affilier à cette organisation, mais pas à une autre, semble indiquer que le gouvernement n'est pas opposé au principe d'une affiliation syndicale de ces travailleurs, mais qu'il continue à avoir des objections à l'affiliation à certains syndicats.

Rappelant qu'il s'est maintenant écoulé plus de six ans depuis les derniers entretiens officiels entre le gouvernement et les syndicats sur ce sujet, et notant que le TUC s'est déclaré disposé à adopter une approche positive face à une reprise des négociations, la commission estime que le moment est opportun pour une reprise du dialogue et invite une nouvelle fois instamment le gouvernement à reconsidérer sa position sur la reprise des discussions avec les syndicats du service public, en vue de déterminer s'il pourrait être possible de parvenir à des arrangements satisfaisants assurant en permanence le maintien d'un niveau de service approprié au GCHQ.

3. Article 3 de la convention

a) Généralités

Dans son observation de 1989, la commission avait relevé un certain nombre d'incompatibilités entre les lois de 1980, de 1982 et de 1988 sur l'emploi et la loi de 1984 sur les syndicats, d'une part, et les exigences de la convention, d'autre part. Ces incompatibilités se rapportaient: i) au concept de "licenciement injuste", tel qu'il est défini à l'article 3 de la loi de 1988; ii) à l'article 8 de la loi de 1988 concernant l'indemnisation des membres et des dirigeants des syndicats; iii) à l'érosion de la protection de la loi contre la responsabilité civile pour l'action directe; iv) aux licenciements et mesures disciplinaires liés à la participation aux grèves et autres moyens de pression. La commission avait également observé: a) que certaines dispositions considérées comme compatibles avec la convention - notamment celles qui se rapportent au Commissaire pour les droits des membres des syndicats - pourraient être appliquées d'une manière qui ne serait pas conforme avec la lettre ou l'esprit de la convention; b) le volume et la complexité des changements de la législation intervenus depuis 1980.

La commission prend note des observations communiquées par le gouvernement sur ces sujets.

b) "Sanctions disciplinaires injustifiées" et article 3 de la loi de 1988

La commission avait estimé que l'article 3(3)(c) de la loi de 1988, aux termes duquel les syndicats ne peuvent imposer des sanctions disciplinaires à leurs membres qui, de bonne foi, soutiennent que leur syndicat a transgressé ses propres règles ou la loi du pays, n'était pas incompatible avec l'article 3 de la convention. En revanche, la commission avait conclu que les dispositions de l'article 3 qui privent les syndicats du droit de sanctionner leurs membres qui refusent de participer à des grèves légales et autres moyens de pression, ou qui tentent de persuader d'autres membres de refuser de participer à de tels mouvements, constituaient un empiètement sur les garanties prévues à l'article 3.

Dans son rapport, le gouvernement déclare difficilement comprendre pourquoi la commission considère l'article 3(3) c) comme étant compatible avec la convention, mais non les dispositions se rapportant aux grèves et autres moyens de pression. De l'avis du gouvernement, l'objet de l'article 3 est de faire en sorte que les syndicats respectent les opinions de leurs membres, les laissent libres de former leur propre opinion et d'agir selon leur conscience, sans crainte de se voir imposer des mesures disciplinaires par leur syndicat.

La commission note les observations du gouvernement en ce qui concerne cette question. Elle demeure toutefois d'avis que les dispositions de l'article 3 interdisant aux syndicats de prendre des sanctions disciplinaires contre leurs membres qui refusent de prendre part à des moyens de pression légaux restreignent la capacité des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et leurs règlements, comme le leur garantit l'article 3 de la convention. La commission considère qu'il devrait appartenir aux membres des organisations eux-mêmes de décider du contenu des statuts de ces organisations. La commission reconnaît que les droits garantis par l'article 3 doivent s'exercer dans le respect des droits fondamentaux de l'homme, tel le droit de ne pas être soumis à un traitement discriminatoire fondé sur la race ou le sexe. Toutefois, la commission estime incompatible avec la convention une disposition interdisant aux membres d'un syndicat d'adopter librement des règles prévoyant l'imposition de sanctions disciplinaires aux syndiqués qui refusent de suivre ou tentent de renverser les décisions démocratiquement prises par les membres du syndicat de déclencher une grève ou d'exercer d'autres actions de revendication légitimes.

La commission demande donc au gouvernement de réviser sa législation de façon à laisser aux syndicats et à leurs membres la faculté d'adopter et d'appliquer de telles règles s'ils le souhaitent.c) Indemnisation des membres et représentants des syndicats

L'article 8 de la loi de 1988 dispose qu'un syndicat ne peut utiliser ses fonds pour indemniser une personne à l'égard de toute sanction qui pourrait lui être imposée en raison d'une infraction ou d'un outrage au tribunal; il prévoit également que le syndicat peut recouvrer toute somme versée par erreur au titre d'une telle indemnité. Dans son observation de 1989, la commission avait conclu que cette disposition ne paraissait pas compatible avec l'article 3 de la convention.

Dans son rapport, le gouvernement exprime son opposition de principe à ce qu'un syndicat puisse utiliser impunément ses fonds pour indemniser une personne qui s'est vu imposer une sanction par un tribunal pour une infraction pénale ou pour outrage à la cour. Il déclare également que l'article 8 n'entraîne aucune ingérence des autorités publiques dans la capacité des syndicats d'élaborer leurs statuts et leurs règlements et d'organiser leur administration et leurs activités comme elles le jugent bon.

La commission reconnaît que l'article 8 ne déclare pas expressément que les syndicats ne peuvent pas adopter de règlement à cet effet, mais il paraît avoir le même effet puisque tout versement fait conformément avec un tel règlement peut être recouvré, conformément aux paragraphes 2 et 3 de l'article 8. En conséquence, la commission considère que la législation devrait être modifiée de manière à permettre l'adoption et l'application de règlements permettant l'indemnisation des membres ou des dirigeants des syndicats en ce qui concerne les responsabilités juridiques qu'ils peuvent encourir au nom du syndicat.

d) Immunités à l'égard de la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendication

Dans son observation de 1989, la commission avait relevé que les modifications apportées depuis 1980 ont eu pour effet de supprimer la protection contre la responsabilité de common law découlant de certaines formes d'actions de revendication pour lesquelles elle considérait qu'une telle protection devrait être accordée. En particulier, i) il est désormais virtuellement impossible aux travailleurs et aux syndicats de participer légalement à toute forme de boycott ou d'action de solidarité contre des parties qui ne sont pas directement impliquées dans un conflit donné; ii) la protection ne s'applique plus aux situations dans lesquelles les actions des syndicats et de leurs membres ont des motifs à la fois professionnels, sociaux et politiques; iii) la définition de l'expression "différend du travail" est telle qu'il est impossible aux travailleurs et aux syndicats de prendre part à des actions de revendication efficaces dans les cas où l'employeur "véritable" avec qui le différend existe se réfugie derrière une ou plusieurs filiales qui sont techniquement "l'employeur" des travailleurs concernés, mais qui n'ont pas le pouvoir de prendre une décision susceptible de conduire à un règlement effectif du conflit; iv) la possibilité des travailleurs de s'engager dans une action directe au Royaume-Uni pour soutenir des travailleurs en dehors de ce pays, ou pour protester contre la politique sociale ou raciale d'un gouvernement avec lequel le Royaume-Uni a des liens commerciaux ou économiques, est très limitée. En conséquence, la commission avait demandé au gouvernement d'apporter des modifications permettant aux travailleurs d'exercer des actions de revendication contre leur employeur "véritable", et protégeant adéquatement le droit d'exercer d'autres formes légitimes d'actions de revendication, telles que les grèves de protestation et de solidarité.

Dans son rapport, le gouvernement déclare que l'observation de la commission ne tient pas suffisament compte des différences dans le droit britannique entre la situation des personnes qui participent à une action de revendication et celle des personnes qui appellent à une telle action ou l'organisent. Il souligne, par exemple, que l'article 16 de la loi de 1974 sur les syndicats et les relations professionnelles interdit absolument aux tribunaux d'ordonner aux travailleurs de se remettre au travail ou de se présenter au travail, alors que d'autres dispositions accordent une protection juridique à ceux qui organisent une action de revendication au soutien d'un différend du travail, ou qui appellent les travailleurs d'un employeur autre que celui qui est directement impliqué dans le différend à ne pas franchir des piquets organisés dans le respect de la loi. Le gouvernement considère que les modifications de la législation en vigueur jugées nécessaires par la commission pour assurer leur conformité avec la convention sont loin d'être clairement définies.

La commission reconnaît que la législation britannique accorde une assez large protection contre la responsabilité en common law pour les personnes et les syndicats qui organisent ou participent à certaines formes d'actions de revendication et que les travailleurs ne peuvent pas se voir intimer l'ordre de reprendre leur travail ou de rester au travail. Toutefois, elle reste d'avis que certaines modifications législatives introduites depuis 1980 ont eu pour effet de retirer la protection légale pour diverses formes d'actions de revendication qui, à son avis, ne devraient pas faire encourir de responsabilité juridique. Elle doit, par conséquent, répéter sa demande pour que le gouvernement adopte une législation, à la suite de consultations avec le Bureau si besoin est, permettant aux travailleurs et à leurs syndicats de s'engager dans une action de revendication dans les circonstances qui ont été examinées en détail dans l'observation formulée par la commission en 1989 et qui sont résumées ci-dessus.

Dans des communications du 19 janvier et du 21 décembre 1990, le TUC déclare que la loi de 1990 sur l'emploi n'est pas en conformité avec la convention, étant donné qu'elle restreint encore la gamme de situations dans lesquelles les travailleurs peuvent légalement recourir à une action de solidarité. Le gouvernement déclare que, cette mesure ayant été promulguée en dehors de la période visée par son rapport, il ne serait pas approprié de répondre pour l'instant aux points particuliers qui y ont trait. La commission demande au gouvernement de bien vouloir lui donner, dans son prochain rapport, des détails complets quant à l'objet et à l'effet de cette mesure.

e) Licenciements pour faits de grève et autres actions de revendication

Dans son observation de 1989, la commission avait demandé au gouvernement d'adopter des mesures législatives de protection contre le licenciement et les autres formes de traitement discriminatoire, de manière à mettre la législation et la pratique en conformité avec les exigences de la convention. La commission note que le Comité de la liberté syndicale est parvenu à la même conclusion dans le cas no 1540.

Dans son rapport, le gouvernement indique un certain nombre de caractéristiques de la législation et de la pratique britanniques en matière de relations professionnelles qui, à son avis, rendent inutile ou inappropriée l'adoption de mesures législatives telles que celles demandées par la commission dans son observation précédente.

Tout en notant les vues exprimées par le gouvernement dans son rapport et dans ses observations au Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1540, la commission demeure convaincue que la conformité avec la convention exige que les travailleurs jouissent d'une protection effective de la loi contre le licenciement ou toute autre mesure disciplinaire prise en raison de leur participation, réelle ou proposée, à des grèves ou à d'autres formes d'actions de revendication.

En ce qui concerne les effets de la loi de 1990 sur l'emploi dans ce contexte, la commission note que, dans ses conclusions sur le cas no 1540, le Comité de la liberté syndicale a estimé que l'article 62A de la loi (codification) sur la protection de l'emploi (qui y a été inséré par l'article 9 de la loi de 1990) "semble réduire la portée de la protection que le comité a considérée comme étant insuffisante au regard des principes de la liberté syndicale" et a invité le gouvernement à apporter des modifications appropriées à l'article 62A pour le mettre en conformité avec ces principes (277e rapport, paragr. 96). La commission fait siennes les conclusions du Comité de la liberté syndicale à cet égard.

f) Complexité de la législation

Dans son observation de 1989, la commission avait exprimé sa préoccupation au sujet du nombre et de la complexité des modifications apportées à la législation depuis 1980 en relation avec les sujets couverts par la convention, et elle avait suggéré qu'il serait opportun de réexaminer le fond et la forme de la législation. La commission note que, depuis cette époque, les lois de 1989 et de 1990 sur l'emploi ont apporté de nouveaux changements dans ce domaine.

Dans son rapport, le gouvernement considère que la commission sous-estime les avantages, dans la situation britannique, d'utiliser le cadre de la common law, et les difficultés que pourrait provoquer une tentative d'adopter une optique différente de celle qui a constamment été adoptée pendant ces années pour appliquer les garanties inscrites dans la convention. Le gouvernement joint en annexe à son rapport un certain nombre d'exemples de brochures explicatives gratuites qui expliquent la législation pertinente telle qu'elle s'applique aux employeurs, aux travailleurs et aux syndicats, afin de montrer que la loi est en fait facilement compréhensible par ceux qu'elle affecte le plus directement. Il indique aussi qu'il envisage la possibilité de codifier la législation, ce qui permettrait de rassembler en une seule loi toutes les dispositions se rapportant aux relations professionnelles et aux syndicats qui se trouvent actuellement dans plusieurs textes différents. Il déclare qu'il serait disposé à présenter les textes nécessaires lorsque les ressources et le calendrier législatif le permettront, mais il souligne qu'une telle mesure n'apporterait pas de changement de fond à la loi pertinente.

La commission note avec intérêt que le gouvernement est disposé à envisager l'introduction d'une codification lorsqu'il en aura le temps et les moyens. La commission est consciente que ces mesures n'apportent normalement pas de changement de fond à la législation, mais elle considère néanmoins que le gouvernement devrait profiter de l'occasion de cette codification pour mettre sa législation et sa pratique en pleine conformité avec les exigences de la convention, et elle le prie de bien vouloir communiquer, dans son prochain rapport, toute mesure prise à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 1990, publiée 77ème session CIT (1990)

La commission prend note des commentaires sur l'application de la convention, présentés par le Congrès des syndicats (TUC) le 21 décembre 1989 et le 19 janvier 1990. Ces commentaires concernent: 1) les droits syndicaux au Centre gouvernemental des communications (GCHQ); 2) l'allégation selon laquelle le gouvernement refuse d'adopter des mesures pour étendre la protection de la loi en cas de poursuites en responsabilité selon la common law et pour réduire la complexité actuelle de la législation relative aux actions de protestation; 3) les nouvelles incertitudes créées à la suite de décisions de justice prononcées à l'occasion d'un projet de grève des dockers en mai-juillet 1989; 4) des projets de modifications législatives relatives aux mouvements de solidarité et aux licenciements de grévistes.

Les communications du TUC ont été transmises au gouvernement pour commentaires. La commission les examinera, à la lumière des observations du gouvernement, à sa prochaine session.

Observation (CEACR) - adoptée 1989, publiée 76ème session CIT (1989)

1. La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement et des observations du Congrès des syndicats britanniques (TUC) dans sa lettre du 13 janvier 1989. La commission prend également note des renseignements fournis par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1988 et des débats à ce sujet, ainsi que des commentaires du Comité de la liberté syndicale concernant le cas no 1261 (259e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration en novembre 1988, paragr. 14).

2. Licenciement de travailleurs du GCHQ. La commission observe avec regret que 13 employés du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) viennent d'être licenciés parce qu'ils refusaient de renoncer à leur affiliation au syndicat de leur choix. La commission note que le gouvernement reste d'avis que la convention no 87 ne peut être examinée indépendamment des conventions nos 98 et 151, et que l' article 1, paragraphe 2, de cette dernière prévaut sur la convention no 87. La commission doit de nouveau rappeler au gouvernement que les organes de contrôle du BIT ont toujours adopté un point de vue contraire, et ont déclaré que l'article 2 de la convention no 87 garantit à tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte, y compris aux fonctionnaires, le droit de constituer librement des organisations de leur choix et de s'y affilier.

La commission observe également que le gouvernement considère que les fonctions confiées au personnel du GCHQ sont souvent identiques à celles qu'exercent les membres des forces armées travaillant dans le même domaine. Pour étayer cette assertion, le gouvernement s'appuie sur la décision de la Commission européenne des droits de l'homme dans le cas no 11603/85. Le gouvernement semble suggérer par là que l'exemption visant les "forces armées" à l'article 9 de la convention s'applique aux civils travaillant au GCHQ. La commission doit souligner à cet égard qu'elle a toujours estimé que les forces armées et la police constituent les seules catégories de travailleurs qui peuvent être exclus des garanties prévues par la convention (étude d'ensemble, paragr. 89). Dans ce contexte, seuls les travailleurs qui, aux termes de la législation ou de la réglementation nationale, sont considérés comme faisant partie des forces armées ou de la police peuvent être visés par l'exemption, ce qui ne semble pas être le cas des employés civils du GCHQ.

La commission observe avec regret que le gouvernement n'estime pas utile de reprendre les négociations avec les syndicats concernés. La commission reste persuadée que de telles négociations constituent le moyen le plus approprié de régler ce problème d'une manière compatible avec les exigences de la convention.

Au vu des commentaires qui précèdent, la commission ne peut que: 1) demander instamment au gouvernement de réexaminer sa position sur l'utilité de la reprise des négociations; et 2) réitérer que les travailleurs du GCHQ doivent avoir le droit de s'affilier à l'organisation de leur choix, conformément à l'article 2 de la convention.

3. Article 3 de la convention. a) Généralités. La commission note que la loi de 1988 sur l'emploi a reçu la sanction royale le 26 mai 1988. Il s'agissait donc de la quatrième loi importante en matière de relations professionnelles adoptée depuis 1980, les autres étant les lois de 1980 et de 1982 sur l'emploi et la loi de 1984 concernant les syndicats.

Cela indique clairement que le gouvernement a entrepris une restructuration systématique de la législation des relations professionnelles au Royaume-Uni. Les première et deuxième mesures de ce programme législatif concernaient essentiellement la réglementation de certaines formes de grève et d'autres moyens de pression (et, en particulier, les piquets de grève et les "actions de solidarité") ainsi que les dispositions relatives à la sécurité syndicale. Les lois de 1984 et de 1988, quant à elles, traitaient plus directement des règlements et pratiques internes des syndicats.

La commission admet sans réserve que la révision de la législation concernant les relations professionnelles est à la fois légitime et nécessaire si l'on veut faire en sorte que le système de relations professionnelles fonctionne de façon équitable et efficace et qu'il reflète bien les besoins socio-économiques du moment. Par conséquent, un gouvernement ne saurait être critiqué pour la seule raison qu'il tente de modifier le statu quo au moyen d'amendements législatifs. Toutefois, lorsque ces modifications portent préjudice à la position des organisations d'employeurs et de travailleurs, la commission se doit de les analyser attentivement pour s'assurer qu'elles ne soient pas incompatibles avec les garanties prévues par la convention.

Etant donné la nature et l'ampleur des modifications législatives intervenues au cours de ces dernières années, la commission estime opportun d'analyser maintenant l'effet global des lois de 1980, 1982, 1984 et 1988 et d'examiner si elles sont compatibles avec les exigences de la convention, notamment en son article 3.

En procédant à cet examen, la commission a tenu compte de la plainte présentée au Comité de la liberté syndicale par le Congrès des syndicats britanniques (avec l'appui de la Confédération internationale des syndicats libres), et par le Syndicat national des mineurs et l'Organisation internationale des mineurs. Cette plainte (cas no 1439) a été formulée dans des communications datées des 22 février, 14 septembre, 2 novembre et 20 décembre 1988. La commission a également pris note de la réponse du gouvernement énoncée dans des lettres datées du 23 mars 1988 et du 16 janvier 1989. La commission relève également qu'à sa réunion de février-mars 1989 le Comité de la liberté syndicale a décidé d'ajourner l'examen du cas no 1439 jusqu'à ce que cette commission ait pu examiner la législation applicable (262e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 9).

b) Effet global de la législation. La commission estime qu'il n'existe pas d'incompatibilité entre l'article 3 et les dispositions de la législation mises en cause par les plaintes relatives au cas no 1439 concernant: i) l'élection des représentants syndicaux; ii) la destitution des syndics; iii) le droit d'accès des syndiqués aux registres comptables des syndicats; iv) les dépenses de nature politique effectuées par les syndicats; v) l'exclusion ou l'expulsion des rangs d'un syndicat, dans les cas où un accord d'atelier syndical est en vigueur; vi) la possibilité pour les syndiqués d'intenter les poursuites judiciaires contre leur syndicat, s'ils ont un grief à formuler contre celui-ci; vii) les votes devant être tenus pour les grèves et autres moyens de pression; et viii) le rôle, tel qu'il est actuellement défini, du Commissaire aux droits des syndiqués.

Toutefois, la commission estime que plusieurs autres aspects de la législation ne sont pas en conformité avec les exigences de la convention, à savoir: le concept de "sanction disciplinaire injustifiée" énoncé à l'article 3 de la loi de 1988; l'article 8 de la loi de 1988 qui traite de l'indemnisation des syndiqués et des dirigeants syndicaux; l'érosion de la protection législative contre la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions assimilées et enfin les licenciements de travailleurs pour fait de grève et autres actions assimilées.

La commission s'inquiète également du fait que certaines dispositions qu'elle ne juge pas incompatibles avec la convention - notamment celles qui ont trait au Commissaire aux droits des syndiqués - pourraient être appliquées d'une façon incompatible avec la lettre ou l'esprit de la convention. Elle demande donc au gouvernement de fournir, dans ses prochains rapports, des informations sur l'application pratique de ces dispositions.

c) Le concept de "sanction disciplinaire injustifiée" à l'article 3 de la loi de 1988. La commission note que l'article 3 1) de la loi de 1988 dispose que tous les membres et ex-membres d'un syndicat ont le droit de ne pas se voir imposer de "sanction disciplinaire injustifiée" par le syndicat en question. L'expression "sanction disciplinaire" dans ce contexte comprend: l'expulsion du syndicat, ou d'une division ou d'une section de celui-ci; l'imposition d'une amende; la privation ou le refus des avantages, services ou prestations par ailleurs offerts aux employés en raison de leur affiliation syndicale; ou le fait de subir "quelque autre préjudice" (art. 3 5)).

L'article 3 3) énonce les motifs permettant de conclure qu'une mesure disciplinaire est "injustifiée". Il s'agit principalement des sanctions disciplinaires imposées aux travailleurs parce qu'ils: refusent de participer à une grève ou à d'autres actions semblables; encouragent ou aident une autre personne à refuser de participer à de telles actions; et se plaignent qu'un syndicat ou un représentant syndical a commis un acte illégal ou se propose de le faire.

La commission rappelle que l'un des droits fondamentaux garantis par l'article 3 de la convention est le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, sans aucune ingérence susceptible de restreindre ce droit ou d'en entraver l'exercice légitime. Il est évident que des dispositions interdisant aux syndicats de donner effet à leurs règlements adoptés démocratiquement sont a priori incompatibles avec ce droit. L'article 3 de la loi de 1988 a manifestement cet effet et, pour cette raison, n'est pas compatible avec l'article 3 de la convention.

Néanmoins, la commission estime que le droit des organisations d'élaborer leurs statuts et leurs règlements doit s'exercer dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et de la législation nationale (tout en tenant compte du fait que l'article 8 2) de la convention précise que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention). Cela signifie qu'une législation ne serait pas incompatible avec la convention si elle disposait que les règlements du syndicat ne doivent pas contenir de clauses discriminatoires contre les membres ou des membres potentiels, en raison de la race ou du sexe. Les mêmes commentaires s'appliquent en ce qui concerne les dispositions (tel l'article 3 3) c) de la loi de 1988) prévoyant que les syndicats ne peuvent imposer de sanctions disciplinaires aux membres qui, de bonne foi, prétendent que leur syndicat a transgressé ses propres règlements ou la législation nationale. Toutefois, la commission estime également que la nature et la portée des empiètements législatifs sur l'autonomie syndicale doivent se limiter strictement à ce qui est absolument nécessaire pour atteindre ces objectifs - faute de quoi les droits garantis par l'article 3 n'auraient aucun effet en pratique. Par conséquent, les membres des syndicats devraient avoir le droit, lorsqu'ils élaborent leurs statuts et leurs règlements, de déterminer s'il est possible d'imposer des sanctions disciplinaires à ceux de leurs membres qui refusent de participer aux grèves et aux autres types d'actions légales, ou qui tentent de persuader des travailleurs syndiqués de refuser d'y participer, pour que les garanties établies à l'article 3 soient respectées. L'article 3 de la loi devrait être modifié de façon à tenir compte de ce point de vue.

d) Indemnisation des membres et représentants des syndicats. La commission note que l'article 8 de la loi de 1988 dispose qu'un syndicat ne peut utiliser ses fonds pour indemniser une personne à l'égard de toute sanction qui pourrait lui être imposée en raison d'une infraction ou d'un outrage au tribunal. Cette interdiction s'applique même si les statuts d'un syndicat contiennent une disposition permettant expressément une telle indemnisation et lorsque l'infraction ou l'outrage au tribunal ont été commis sur les instructions expresses du syndicat lui-même.

La commission a toujours estimé que les dispositions législatives destinées à garantir une saine administration et une gestion honnête et efficace des fonds et biens syndicaux ne sont pas incompatibles avec la convention (Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1983, paragr. 182 et 183). Toutefois, ces dispositions ne devraient pas avoir pour effet de priver les syndicats du droit d'élaborer leurs statuts ou leurs règlements et d'organiser leur administration et leurs activités sans ingérence des autorités publiques, pas plus qu'elles ne devraient nier aux syndicats le droit d'utiliser leurs fonds à leur gré, pour les fins normales et légitimes du syndicat. Or l'article 8 de la loi de 1988 semble avoir ces deux effets. En ce sens, il n'est pas compatible avec les garanties prévues à l'article 3 et devrait être abrogé.

e) "Immunités" à l'égard de la responsabilité civile découlant des grèves et autres moyens de pression. La commission a toujours considéré que le droit de grève est l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et qu'il est garanti par les articles 3, 8 et 10 de la convention (étude d'ensemble, paragr. 200). Elle estime également que les restrictions imposées quant aux objectifs de la grève et aux méthodes utilisées devraient être suffisamment raisonnables pour ne pas aboutir en pratique à une limitation excessive de l'exercice du droit de grève (étude d'ensemble, paragr. 226. Voir également les paragraphes 218 à 220).

La commission relève qu'en common law pratiquement toutes les formes de grève ou d'autres moyens de pression sont considérés comme des actions illégales sur le plan civil. Cela signifie que les travailleurs et les syndicats qui prennent part à de telles actions s'exposent à des poursuites en dommages-intérêts du fait des employeurs (ou d'autres parties) qui en subissent un préjudice et (ce qui est le plus important sur le plan pratique) qu'ils peuvent se voir interdire la commission de ces actes "illicites" au moyen d'injonctions (provisoires ou permanentes). De l'avis de la commission, le fait que des parties puissent exercer sans aucune restriction de tels recours nie aux travailleurs le droit de faire grève ou d'exercer d'autres moyens de pression afin de protéger et de promouvoir leur intérêts économiques et sociaux.

Par conséquent, il est de la plus haute importance que les travailleurs et leurs syndicats puissent bénéficier d'une certaine protection contre les incidences de la responsabilité civile. Cet impératif est consacré dans la législation depuis 1906, sous la forme d'une série "d'immunités" (ou, ce qui serait plus exact, de "protections") contre les poursuites en responsabilité quasi délictuelle, accordées aux syndicats, à leurs membres et à leurs administrateurs. Ces "immunités" sont contenues actuellement dans la loi de 1974 sur les syndicats et les relations professionnelles.

Or, la portée de ces protections a été réduite à plusieurs égards depuis 1980. La commission observe par exemple que l'article 15 de la loi de 1974 a été modifié de façon à limiter le droit de placer des piquets de grève, qui ne peut être exercé que sur le lieu d'emploi d'un travailleur ou, dans le cas d'un représentant syndical, que sur le lieu de travail des travailleurs syndiqués concernés; par ailleurs, l'article 17 de la loi de 1980 abolit la protection à l'égard des "actions secondaires", expression désignant les actions syndicales visant un employeur qui n'est pas directement partie à un conflit de travail. En outre, la définition de l'expression "conflit de travail" à l'article 29 de la loi de 1974 a été restreinte de façon à désigner seulement les conflits entre les travailleurs et leur employeur propre, plutôt que les conflits "entre les employeurs et les travailleurs" ou "entre travailleurs", comme c'était le cas auparavant.

L'effet combiné de ces dispositions, semble-t-il, est qu'il est pratiquement impossible aux travailleurs et aux syndicats de participer légalement à quelque forme de boycott ou d'action de "solidarité" contre des parties qui ne sont pas directement concernées par un différend. La commission ne s'est jamais prononcée sur le recours au boycott en tant que modalité du droit de grève. Toutefois, elle est d'avis que, lorsqu'un boycott a directement trait aux intérêts économiques et sociaux des travailleurs concernés par le différend principal, par l'action secondaire, ou les deux, et si le différend principal et l'action secondaire ne sont pas eux-mêmes illégaux, pareil boycott devrait alors être assimilé à un exercice légitime du droit de grève. Cette assertion est manifestement compatible avec l'approche adoptée par la commission à l'égard des "grèves de solidarité":

Il semble qu'on ait recours de plus en plus fréquemment à ce type de mouvement (c'est-à-dire les grèves de solidarité) en raison de la structure ou de la concentration des entreprises ou de la localisation des centres de travail dans les différentes régions du monde. La commission estime à ce propos qu'une interdiction générale des grèves de solidarité risquerait d'être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir avoir recours à de tels mouvements pour autant que la grève initiale qu'ils soutiennent soit elle-même légale (étude d'ensemble, paragr. 217).

D'autres modifications apportées à la définition de l'expression "conflit de travail" dans la loi de 1974 semblent également restreindre de façon excessive l'exercice du droit de grève: i) la définition actuelle exige que le conflit de travail concerne "complètement ou principalement" un ou plusieurs des points mentionnés dans la définition; auparavant, il suffisait qu'il existe un "lien" entre le conflit et les points précisés. Cette modification semble abolir la protection à l'égard des conflits où les syndicats et leurs membres ont des motifs "mixtes" (par exemple, lorsqu'ils poursuivent à la fois des objectifs "professionnels", "politiques" ou "sociaux"). La commission estime également que les syndicats auront souvent les plus grandes difficultés à déterminer à l'avance si une conduite donnée présenterait ou non le lien nécessaire pour bénéficier de la protection; ii) le fait que la définition fasse maintenant uniquement allusion aux différends entre les travailleurs et "leur" employeur pourrait empêcher les syndicats d'exercer des moyens de pression efficaces dans les cas où le "véritable" employeur avec qui ils sont en conflit peut se réfugier derrière une ou plusieurs filiales qui sont techniquement "l'employeur" des travailleurs concernés, mais n'ont pas le pouvoir de prendre les décisions susceptibles de conduire à un règlement satisfaisant du conflit; et iii) la protection pour les différends relatifs aux situations survenant à l'extérieur du Royaume-Uni ne s'applique maintenant que si les personnes qui exercent au Royaume-Uni des moyens de pression au sujet d'un conflit de travail concernant des problèmes survenant hors du Royaume-Uni, risquent d'être touchées, en ce qui concerne un ou plusieurs sujets donnant lieu à la protection, par l'issue du conflit. Cela signifie que les travailleurs n'auraient aucune protection à l'égard des grèves ou autres moyens de pression exercés en vue de protéger ou d'améliorer les conditions d'emploi de travailleurs en poste hors du Royaume-Uni, ou pour manifester leur désapprobation à l'égard des politiques sociales ou raciales d'un gouvernement avec lequel le Royaume-Uni entretient des liens commerciaux ou économiques. La commission a toujours considéré que les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale. Toutefois, elle estime également que les organisations syndicales devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue d'exercer une critique à l'égard de la politique économique et sociale des gouvernements (étude d'ensemble, paragr. 216). La définition révisée de l'expression "conflit de travail" semble nier ce droit aux travailleurs.

La commission estime que les modifications législatives adoptées en ce domaine depuis 1980 ont pour effet global d'abolir la protection reconnue à l'égard des grèves et des autres moyens de pression dans des situations où ces moyens devraient être ouverts aux travailleurs et aux syndicats, afin qu'ils puissent protéger et promouvoir adéquatement leurs intérêts économiques et sociaux, et organiser leurs activités (étude d'ensemble, paragr. 200 et 226). En conséquence, la commission demande au gouvernement de modifier sa législation afin de permettre aux travailleurs de faire grève ou d'exercer d'autres moyens de pression contre leur "véritable" employeur et afin de protéger, de manière appropriée, leur droit d'engager des actions légitimes telles que des grèves de protestation ou de solidarité, comme le garantissent les articles 3, 8 et 10 de la convention.

f) Licenciements pour faits de grève et autres moyens de pression. La commission estime qu'il est incompatible avec le droit de grève, tel que garanti par les articles 3, 8 et 10 de la convention, de permettre à un employeur de refuser de réintégrer une partie ou l'ensemble de ses employés à la fin d'une grève, d'un lock-out ou d'autres actions semblables, sans que ces employés n'aient le droit de saisir une cour ou un tribunal indépendant, afin qu'il statue sur le caractère équitable ou non du licenciement. Le Comité de la liberté syndicale a d'ailleurs adopté une approche semblable (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1989, paragr. 442, 444, 445, 555 et 572).

La commission observe, à cet égard, qu'en common law, les grèves et la plupart des autres formes d'actions assimilées constituent une rupture du contrat de travail individuel, de telle sorte que l'employeur peut légalement considérer que la relation d'emploi a pris fin sans autre forme de procès. Cela ne se produit que rarement en pratique, mais ce n'est pas exclu, et la commission sait qu'il est survenu, durant les dernières années, plusieurs cas où des employeurs ont invoqué le fait que leurs employés étaient en grève pour licencier tout leur personnel et recruter de nouveaux employés.

La commission observe également qu'un lock-out entraînerait également la rupture des contrats d'emploi des travailleurs concernés. Toutefois, la common law ne leur offre aucun moyen d'obtenir la réintégration dans leurs fonctions, aussi arbitraire ou déraisonnable qu'ait pu être le comportement de l'employeur. Par ailleurs, en common law, des travailleurs placés dans une telle situation ne pourraient obtenir, dans la quasi-totalité des cas, que des dommages-intérêts symboliques.

Il est donc clair que la common law n'accorde pas aux travailleurs licenciés pour fait de grève, lock-out ou autre action assimilée le droit de présenter une plainte contre ledit licenciement à un tribunal ou à une autre autorité indépendante des parties. La même remarque vaut en ce qui concerne les dispositions législatives concernant les licenciements injustes - exception faite de la protection restreinte reconnue aux employés victimes d'un "licenciement discriminatoire" au sens de l'article 62 de la loi de 1978 (codification) sur la protection de l'emploi (modifié par l'article 9 de la loi de 1982). La commission est d'avis que cette dernière disposition n'assure pas aux travailleurs une protection adéquate aux fins de la convention: i) parce qu'elle permet encore à un employeur de licencier tout son personnel, même s'il a déclaré un lock-out ou provoqué une grève par son attitude parfaitement déraisonnable; et ii) parce qu'un employeur peut réembaucher des employés sur une base discriminatoire, à condition de laisser écouler un délai de trois mois entre le licenciement des travailleurs "victimes" de ses tactiques et la réembauche.

La commission demande donc au gouvernement d'adopter des mesures législatives de protection contre les licenciements, discriminatoires ou non, et les autres formes de traitement discriminatoire - tels le transfert, la rétrogradation ou le retrait des droits acquis - imposées pour fait de grève et actions assimilées, afin de donner effet aux principes mentionnés ci-dessus.

g) Complexité de la législation. Enfin, la commission s'estime tenue d'exprimer sa préoccupation à l'égard du nombre et de la complexité des modifications législatives adoptées depuis 1980, ce qui l'amène à conclure qu'il serait opportun de réexaminer le fond et la forme de la législation. La commission est confortée dans son opinion par quatre considérations, à savoir:

i) bien que la plus grande part des mesures législatives examinées ne soit pas incompatible avec les exigences de la convention, il peut arriver un moment où l'effet cumulatif d'interventions législatives qui, prises indépendamment, sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale, peut néanmoins constituer, en raison de leur complexité et de leur portée, un empiétement sur les droits garantis par la convention;

ii) ces réformes parcellaires, souvent adoptées pour atteindre des objectifs assez restreints, ont entraîné une incertitude dans certains domaines du droit, ce qui pourrait donner lieu à des violations non intentionnelles de la convention et entraver l'exercice des grèves et autres moyens de pression légaux;

iii) la flexibilité inhérente à la common law multiplie encore ces difficultés, puisque la situation juridique et l'impact qu'auront sur elle les dispositions législatives, ne seront pas clarifiés tant qu'un tribunal n'aura pas statué;

iv) la prévention d'abus de pouvoir de la part des syndicats était l'un des principaux objectifs de nombreuses modifications adoptées récemment qui visaient également à conférer une meilleure protection aux "droits" individuels. Il semble que la législation reflète une moindre préoccupation pour les "droits" des syndicats. La commission estime qu'il serait souhaitable d'exprimer ces droits plus positivement.

La commission veut croire que le gouvernement accueillera favorablement ces commentaires et lui demande d'indiquer dans son prochain rapport s'il a pris ou envisagé de prendre des mesures afin de codifier, clarifier et simplifier sa législation en matière de relations professionnelles.

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