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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2002, Publication : 90ème session CIT (2002)

Un représentant gouvernemental a indiqué que la question posée a trait à la conformité du travail pénitentiaire aux dispositions de la convention. Lors de l'élaboration de la convention en 1929-30, les rédacteurs ont tenu compte de deux éléments importants. A cette époque, le travail pénitentiaire était généralement perçu comme faisant partie de la condamnation et devait ainsi s'effectuer dans des conditions difficiles. Un autre élément important pour l'OIT était que les employeurs ne devaient pas utiliser du travail pénitentiaire de manière à bénéficier d'un avantage inique, par exemple, le travail pénitentiaire ne pouvait constituer un moyen de pression pour imposer de moins bonnes conditions de travail aux autres travailleurs. Il a été tenu compte de ces deux points de vue fondamentaux, qui prévalaient à l'époque, dans l'élaboration de la convention no 29. Aujourd'hui, la question de la réinsertion des prisonniers par le biais du travail prévaut dans la plupart des pays, car les prisonniers doivent se réinsérer dans la société et dans le monde du travail. Une conclusion possible à tirer à la lumière de la convention serait qu'il faut considérer de manière égale les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées et les travailleurs en liberté, dans la mesure où la réinsertion dans le monde du travail n'est possible que lorsque les prisonniers travaillent pour le compte d'un employeur privé. L'Etat n'est pas un bon employeur dans le secteur de la production. Le rôle des employeurs privés doit être d'aider les prisonniers à se réinsérer. Deux possibilités distinctes s'offrent aux prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées. La première consiste en une relation d'emploi libre à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire. Dans ce cas, le prisonnier est au bénéfice d'un contrat de travail normal et est soumis aux mêmes dispositions législatives que les travailleurs en liberté. La commission d'experts l'a considérée comme un cas de progrès. La deuxième possibilité consiste en un travail pénitentiaire pour le compte d'une entreprise privée dans l'enceinte des prisons d'Etat, ce qui fait l'objet de critiques de la commission d'experts. Le travail au sein des prisons d'Etat est indispensable car tous les prisonniers ne peuvent être envoyés dans des entreprises privées hors des prisons, en particulier lorsque la condamnation a été prononcée peu de temps avant. Les prisonniers ne peuvent avoir accès à l'emploi que lorsque l'Etat adopte des mesures qui encouragent les entreprises à transférer leurs moyens de production à l'intérieur des prisons. L'idée selon laquelle la main-d'œuvre pénitentiaire est aussi rentable que la main-d'œuvre libre ne correspond pas à la réalité, en raison notamment des faibles qualifications professionnelles des prisonniers. L'employeur n'est pas en mesure de choisir son personnel en fonction de la qualification professionnelle requise pour la production. Une autre raison en est la rotation dans les prisons. Les prisonniers qui travaillent restent avec l'entreprise établie à l'intérieur de la prison jusqu'à leur libération. Ces facteurs ne contribuent pas à créer des conditions favorables à la production. En conséquence, il revient à l'Etat de créer des conditions encourageantes pour les entreprises privées.

Se référant au rapport de la commission d'experts, le représentant gouvernemental a insisté sur le fait que l'observation de la commission ne porte que sur la pratique allemande du travail pénitentiaire pour des entreprises au sein des prisons. La commission d'experts s'est fondée sur le rapport du gouvernement pour l'année 2000 qui ne reflète plus la situation qui prévaut dans le pays. Le gouvernement a présenté tardivement son rapport pour l'année 2000 et la commission d'experts, n'ayant pu l'examiner à sa session de 2000, l'a examiné à sa session de 2001. Entre-temps, une nouvelle loi traitant de la question soulevée par la commission d'experts a été promulguée et est entrée en vigueur au 1er janvier 2001. Le représentant gouvernemental a suggéré que, dans le cas où la commission d'experts n'est pas en mesure d'examiner un rapport du gouvernement et en reporte l'examen à sa prochaine session, le Bureau pourrait envoyer une communication au gouvernement l'invitant à transmettre des informations supplémentaires sur tous changements intervenus. Cela pourrait contribuer à éviter l'examen d'informations dépassées.

Les changements législatifs introduits en 2001 étaient basés sur une décision de la Cour constitutionnelle de 1998 qui, tenant compte des commentaires de la commission d'experts, a demandé des informations supplémentaires. S'agissant de la loi sur l'exécution des condamnations, telle qu'amendée, le taux de rémunération des prisonniers a été augmenté de 5 à 9 pour cent de la rémunération moyenne des travailleurs couverts par un régime de pension. En matière de calcul, la référence est le niveau de rémunération au cours des deux dernières années. Les prisonniers reçoivent désormais un salaire approximatif de 400 DM par mois alors qu'il était auparavant de 220 DM. La loi prévoit également une journée de congé après une période de travail de deux mois consécutifs. Le prisonnier a le choix de prendre son congé en tant que jour non ouvré au sein de la prison, congé supplémentaire hors de la prison - mais seulement pour les prisonniers qui ont droit de passer des vacances hors de prison pour motif de bonne conduite - ou d'accumuler les jours de congés pour réduire la période d'emprisonnement. Eu égard aux modifications législatives introduites en 2001, le représentant gouvernemental attend avec impatience les commentaires de la commission d'experts qui seront essentiels avant toute future modification. L'adoption de nouvelles modifications prendra cependant du temps à cause du système fédéral du pays.

Les membres employeurs ont voulu, avant d'intervenir sur le cas présent, commenter les aspects procéduraux soulevés à l'intervention précédente. De nombreux rapports ont été soumis par les gouvernements au mois d'octobre, plaçant ainsi les experts dans l'impossibilité de les traiter en temps opportun. Dans d'autres cas, les experts ont parfois pris en compte des informations provenant d'autres sources, sans analyse adéquate. Il est difficile de dire à quel moment précis les experts ont été dans l'impossibilité de traiter l'information. Les membres employeurs ont proposé les solutions suivantes: d'une part, les experts pourraient transmettre aux gouvernements des directives précises concernant le délai de soumission des rapports et, d'autre part, on pourrait être tenu d'assurer plus de transparence et de logique dans l'examen de l'information provenant d'autres sources dans le traitement des rapports gouvernementaux.

C'est la première fois que ce cas est discuté devant la commission, bien qu'il ait fait l'objet, à 11 reprises depuis 1991, d'observations de la commission d'experts. Il concerne la situation de prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées sous le contrôle permanent des autorités publiques. Les experts ont distingué deux types de situation: "un emploi à l'extérieur dans le cadre d'une relation d'emploi libre" et "un travail obligatoire dans un atelier géré par une entreprise privée". Il est important de noter que dans ces deux situations le travail est, en tout temps, effectué sous le contrôle de l'Etat. Ainsi, cette distinction est trompeuse car il y a en fait peu de différence en pratique entre ces deux situations. Dans le premier cas, les experts ont estimé que cette pratique n'entre pas dans le champ d'application de la convention no 29 car les prisonniers sont en mesure de sortir de la prison pour bonne conduite ou s'ils ont effectué la majeure partie de leur peine sans avoir commis de nouveau crime sérieux. Dans ce cas, les prisonniers ne représentent pas une menace pour la société. Le second cas a trait à des circonstances plus difficiles dans lesquelles les prisonniers ne peuvent pas sortir et, dans ce cas, les membres employeurs soutiennent que l'observation de la commission d'experts est trop stricte. L'Etat peut légitimement limiter ses activités à ses compétences régaliennes mais, en même temps, la société a intérêt à ce que les prisonniers accomplissent un travail utile dans un but de réhabilitation. Le secteur privé fournit un cadre approprié pour atteindre ce but et, bien que les experts le reconnaissent dans le premier cas, ils ne le reconnaissent pas dans le second. En Allemagne, un prisonnier demeure sous le contrôle de l'Etat en tout temps. Dans un Etat moderne, il y a clairement une différence entre les objectifs de réhabilitation du travail pénitentiaire et les conditions qui prévalaient en 1930. Le travail pénitentiaire permet aux travailleurs d'être occupés de façon constructive. La question du consentement des prisonniers est, selon eux, une question purement théorique car, en pratique, tous les prisonniers donnent leur consentement. Dans le cadre d'une prison sous contrôle public, les employeurs acceptent avec difficulté qu'un individu ayant commis un crime contre la société bénéficie des mêmes conditions qu'un individu non coupable. Concernant les conditions d'emploi, les employeurs privés sont contraints d'accepter les prisonniers disponibles sans tenir compte de leurs qualifications et de leur productivité; ces contraintes doivent être compensées par le niveau d'assurance sociale et des salaires.

Au regard des nombreux changements intervenus dans le monde depuis 1930, les membres employeurs trouvent qu'il est difficile de comprendre pourquoi les experts ne reconnaissent pas les changements survenus dans les pratiques carcérales et la réhabilitation pénitentiaire, particulièrement dans un pays développé et démocratique où il existe un contrôle gouvernemental constant, et pourquoi ils n'appréhendent pas cela dans l'optique de la convention. Les pratiques actuelles sont différentes de celles que la Commission de la Conférence envisageait en 1930, lorsque la convention no 29 a été adoptée; aujourd'hui, l'approche n'est plus de se servir du travail pénitentiaire comme d'un moyen de sanction; dès lors la vue historique statique des experts mine la base du travail de cette commission.

Les membres travailleurs ont déclaré que la privatisation des prisons et du travail dans les prisons ont fait, ces dernières années, l'objet de discussions approfondies de cette commission. Cette pratique est en croissance rapide dans un grand nombre de pays développés, en particulier en France, en Autriche, en Australie, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Allemagne, mais constitue également un problème profond dans un grand nombre de pays en développement. La discussion portera avant tout sur la question des prisonniers détenus dans des établissements pénitentiaires publics exécutant un travail pour des entreprises privées. Le gouvernement a, à cet égard, fourni des informations écrites complétées par la déclaration faite devant la commission, portant sur les deux thèmes suivants: a) l'emploi à l'extérieur dans le cadre d'une relation d'emploi libre; et b) le travail obligatoire dans un atelier géré par une entreprise privée. En ce qui concerne le premier thème, le gouvernement a indiqué que les autorités pénitentiaires sont dans l'obligation de promouvoir des relations d'emploi libre; une telle relation ne pouvant être conclue qu'à la demande du prisonnier; le prisonnier bénéficie d'un contrat de travail normal et est soumis aux mêmes dispositions législatives que les travailleurs et les apprentis libres, perçoit un salaire fixé par une convention collective et bénéficie de la sécurité sociale, y compris des assurances retraite, santé, accident et chômage. Une contribution aux frais de détention ne pouvant excéder 660 DM peut alors être prélevée, ce qui semble assez raisonnable. La situation en Allemagne démontre que les mesures compatibles avec la convention no 29 concernant l'emploi à l'extérieur des prisons peuvent, de fait, être mises en œuvre, si tant est que la volonté politique à cette fin existe. Les membres travailleurs félicitent à cet égard le gouvernement allemand.

Les experts ont toutefois souligné que les conditions d'une relation d'emploi libre n'étaient pas remplies dans le cas du second type de travail dans des services pénitentiaires en Allemagne - le travail obligatoire dans un atelier géré par une entreprise privée. Les experts rappellent à la commission que la pratique actuelle correspond exactement à la description faite dans le mémoire du BIT de 1931 du "système de l'entreprise spéciale", dans le cadre duquel le travail des prisonniers est concédé à des entreprises privées. Le fait que les prisonniers demeurent en tout temps sous l'autorité et le contrôle de l'administration de la prison n'empêche pas le fait qu'ils sont "concédés" à une entreprise privée, pratique désignée à l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 2 de la convention comme étant incompatible avec cet instrument fondamental des droits de la personne humaine. Depuis de nombreuses années, les experts identifient deux conditions supplémentaires afin de surmonter les problèmes liés à la concession et au placement d'un prisonnier condamné par un tribunal à des personnes privées, entreprises ou associations. Le prisonnier doit, en premier lieu, consentir librement à son travail, et, en second lieu, les conditions de travail devraient se rapprocher de celles d'une relation de travail libre.

Les membres travailleurs ont écouté attentivement les commentaires des membres employeurs au cours des discussions relatives à la Côte d'Ivoire. La position des membres employeurs est que les gouvernements sont en droit de demander que les prisonniers travaillent, mais qu'étant donné la privatisation croissante de la production les gouvernements sont de plus en plus dans l'impossibilité de fournir un travail sérieux. Ainsi, seuls des accords de coopération entre l'Etat et le secteur privé peuvent, selon eux, fournir un tel travail. Les membres travailleurs ne s'opposent pas au droit des gouvernements de forcer les prisonniers à travailler, tant qu'un tel travail respecte les conditions prévues par la convention no 29. Ils ont souvent souligné devant cette commission l'importance de la réadaptation des prisonniers afin qu'ils puissent se réinsérer dans la société comme des citoyens productifs et disposant d'un savoir-faire assurant leur entrée sur le marché du travail, une fois leur dette à la société payée. Ils ont toutefois rappelé à la commission que la convention no 29 n'est pas une convention relative à la réadaptation des prisonniers mais un instrument fondamental des droits de l'homme. Ses auteurs ont reconnu la vulnérabilité des prisonniers en tant que main-d'œuvre captive et ont conçu une convention établissant un cadre permettant de s'assurer que le travail obligatoire dans les prisons avait pour objectif la réadaptation et non l'exploitation. Comme les experts le déclarent, les prisonniers n'ont pas besoin d'être protégés contre leur propre volonté d'accepter un travail, mais plutôt contre l'exploitation de leur privation de liberté. Les membres employeurs paraissent avides de prendre avantage du potentiel pour l'exploitation tout en étant indifférents au besoin de protection. Ils adoptent une attitude selon laquelle le secteur privé constitue la clé de la réadaptation, raison pour laquelle l'Etat devrait s'écarter et lui laisser le champ libre. Les membres employeurs pourraient eux-mêmes reconnaître que la poursuite du profit par les entreprises employant des prisonniers a pris le pas sur le désir altruiste de réadapter des prisonniers. Dans ce contexte, il est important de fixer des conditions afin de s'assurer que la nature du travail exécuté par les prisonniers employés par des entreprises privées a pour objet leur réadaptation et non leur exploitation. Cela constitue l'un des objectifs de la convention no 29 qui prévoit la possibilité pour le secteur privé d'employer des prisonniers sans les exploiter.

En ce qui concerne la question du "libre consentement" relative à la situation existant en Allemagne, les experts ont noté qu'en vertu de l'article 41 (3) de la loi sur l'exécution des peines, adoptée en 1976, l'emploi dans un atelier géré par une entreprise privée est subordonné au consentement du prisonnier, consentement que celui-ci peut retirer par la suite, moyennant un préavis de six semaines si aucun autre prisonnier ne peut le remplacer plus tôt. Cela semble raisonnable. Cette disposition de la loi a toutefois été suspendue avant même d'être entrée en vigueur et demeure depuis lettre morte. Les membres travailleurs demandent au représentant du gouvernement de fournir à la commission des informations à jour sur le statut de cette suspension et sur les possibilités qu'elle soit levée. En ce qui concerne les "conditions proches de celles d'une relation de travail libre", les experts ont commenté les deux points suivants: l'absence de prestations de sécurité sociale quelles qu'elles soient pour les prisonniers travaillant dans des ateliers privés et le niveau des salaires perçus par les prisonniers. Le représentant du gouvernement a fourni aujourd'hui de nouvelles informations sur ces questions. En ce qui concerne, tout d'abord, l'absence de prestations de sécurité sociale, les membres travailleurs se sont enquis du fait de savoir si la nouvelle législation étendait désormais la couverture sociale aux prisonniers travaillant dans des ateliers privés. Les experts ont indiqué que l'assurance maladie et l'assurance vieillesse auraient pu être étendues à de tels prisonniers. Tout en se félicitant de ce pas partiel, ils se sont interrogés sur la question de savoir pourquoi la pleine couverture de la sécurité sociale disponible en Allemagne n'avait pas été étendue à ces prisonniers. Ils demandent au représentant du gouvernement d'expliquer la raison pour laquelle les prestations de sécurité sociale, y compris le régime national des pensions et celui de l'assurance santé, leur ont été refusées et quels étaient les projets pouvant exister afin d'y donner accès dans le futur aux prisonniers. En ce qui concerne les salaires versés aux prisonniers travaillant dans des ateliers privés, les experts notent que la législation de 1976 établit un niveau de salaire initial représentant seulement 5 pour cent du salaire moyen versé à des travailleurs exécutant des travaux comparables, mais prévoyant que celui-ci pourra croître régulièrement à partir de 1980. Cela ne s'est jamais produit. La législation est en vigueur depuis vingt-cinq ans, mais le niveau des salaires est demeuré à seulement 5 pour cent. Les experts ont rappelé à cette commission au paragraphe 8 que la Cour fédérale constitutionnelle a jugé, le 1er juillet 1998, ce niveau de rémunération des prisonniers comme étant incompatible avec le principe de réadaptation et requis du pouvoir législatif d'établir de nouvelles règles conformes à la Constitution allemande. En d'autres termes, le niveau de rémunération est si inadéquat qu'il ne constitue pas une incitation suffisante au travail volontaire des prisonniers. La commission est maintenant informée de ce qu'à la suite de cet arrêt de la Cour le taux de rémunération est récemment passé à 9 pour cent. Du point de vue des membres travailleurs, passer de 5 à 9 pour cent n'est guère suffisant et ne permet certainement pas de rapprocher significativement le pays de l'acquittement de ses obligations découlant de la convention no 29. Le représentant du gouvernement a également évoqué un nouveau concept contenu dans la nouvelle législation dont l'effet devrait être apprécié en liaison avec le système de rémunération. Les prisonniers sont désormais en mesure de réduire leur séjour en prison en travaillant dans des ateliers privés. Un prisonnier peut ainsi réduire son séjour en prison de six jours par année travaillée. Un prisonnier ayant ainsi travaillé dans un atelier privé pendant dix ans aurait la possibilité de réduire sa peine de soixante jours. Les membres travailleurs ont là encore une grande difficulté à voir dans cette mesure un grand pas en avant. Ce nouveau concept soulève également la question de la coercition telle qu'elle a été discutée par le passé.

Pour conclure, les experts notent avec préoccupation que "45 ans après la ratification de cette convention fondamentale en matière de droits de la personne humaine, les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées en Allemagne se divisent en deux catégories, certains bénéficiant de tous les avantages d'une relation de travail libre tandis que les autres sont concédés à des entreprise qui exploitent leur travail sans leur consentement et dans des conditions qui n'ont rien à voir avec celles du marché du travail libre." Les experts expriment l'espoir que le gouvernement prendra enfin les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en conformité avec l'article 1, paragraphe 1, lu conjointement avec l'article 2, paragraphe 1 et 2 c), de la convention. Même si les membres travailleurs acceptent le fait que quelques pas positifs ont récemment été effectués en ce qui concerne le travail obligatoire dans des ateliers gérés par des entreprises privées, ils considèrent que ces mesures sont insuffisantes et constituent seulement des mesures très préliminaires en vue de rapprocher l'Allemagne de la mise en œuvre de la totalité de ses obligations découlant de la convention. Ils ont espéré que le gouvernement allemand reconnaîtrait l'autorité de la commission d'experts en ce qui concerne cet aspect de la convention comme il l'a fait en ce qui concerne l'emploi à l'extérieur dans le cadre d'une relation d'emploi libre.

Le membre travailleur de l'Allemagne s'est félicité du fait que la commission d'experts s'intéresse aux conditions de travail des prisonniers dans les pays industrialisés. S'il est vrai que les formes de travail pénitentiaire ont évolué à travers le temps, les problèmes de base perdurent. La condamnation par une cour de justice ne devrait en aucun cas aboutir à la perte par le prisonnier de tous ses droits au travail, ni conduire à une compétition injuste. Malgré une critique ancienne, le précédent gouvernement allemand n'a pas respecté les engagements auxquels il avait initialement souscrit; c'est pourquoi la Cour fédérale constitutionnelle a dû se charger de ce problème en 1998. La Confédération des syndicats allemands (DGB) s'est référée, dans sa présentation à la Cour, à la convention no 29 et à la pratique de la commission d'experts. Le Bureau était représenté lors des débats oraux et le jugement rendu fait expressément référence à la convention no 29. La Cour fédérale constitutionnelle a récemment déclaré que la loi promulguée, suite à son jugement de 1998, est conforme à la Constitution. La Cour a cependant souligné que le gouvernement est tenu de vérifier périodiquement si l'évolution des conditions requiert de nouvelles augmentations de la rémunération du travail pénitentiaire; c'est à présent à la commission d'experts d'examiner la nouvelle législation. Même si elle constitue un pas dans la bonne direction, elle ne répond pas à l'ensemble des problèmes existants. Il est particulièrement nécessaire d'augmenter le niveau de rémunération dans la mesure où le niveau actuel de 9 pour cent du salaire moyen n'est pas suffisant pour permettre aux prisonniers d'assumer leurs responsabilités familiales et de rembourser leurs dettes. La proposition d'augmenter la rémunération du travail pénitentiaire à 15 pour cent du salaire moyen a été rejetée par les Länder qui sont responsables des affaires pénitentiaires. En outre, la couverture sociale des prisonniers par la sécurité sociale demeure insuffisante surtout en ce qui concerne les régimes de pension. Enfin, le membre travailleur de l'Allemagne a déclaré que la dignité humaine et la resocialisation nécessitent la création de perspectives positives à travers un travail librement choisi. La réinsertion est la meilleure protection contre de possibles récidives, et contre une dépendance à vie de l'assistance publique et la meilleure protection pour les victimes potentielles. L'orateur a appelé le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de satisfaire pleinement aux exigences de la convention.

Le membre travailleur du Royaume-Uni s'est associé aux déclarations des membres travailleurs et du membre travailleur de l'Allemagne.

Le membre travailleur de la France a souligné que ce cas était examiné pour la première fois par cette commission. La décision de la Cour constitutionnelle est la bienvenue mais le gouvernement aurait pu tenir compte plus tôt des commentaires que la commission d'experts formule depuis plus de quarante-cinq ans. Le doublement du montant des salaires des prisonniers, les jours de réduction de peine ou de repos accordés constituent un progrès, certes limité, pour les prisonniers et l'amélioration de leur quotidien. Même si le travail dans les prisons génère une productivité inférieure à celle du travail "libre", le rémunérer à 9 pour cent du salaire minimum n'est pas équitable, compte tenu notamment du fait que ce salaire peut servir à indemniser les victimes. Il est en revanche impossible d'estimer le prix d'une journée de réduction de peine; en effet, la liberté n'a pas de prix. La couverture sociale en matière de santé et de pensions de vieillesse constitue en fait un salaire différé dont les prisonniers ne bénéficient pas. De même, à leur sortie de prison, les prisonniers ne sont pas affiliés au système de sécurité sociale, ce qui nuit à leur réinsertion, constitue une source de précarisation supplémentaire et peut favoriser des actes de récidive. La prison ne doit pas être une vengeance sociale mais un moyen de réinsertion, si les prisonniers le désirent. Le travail doit donc conserver à leurs yeux une réelle "valeur". Les niveaux de formation, de qualification et d'instruction des prisonniers sont sensiblement inférieurs à la moyenne. C'est pourquoi des efforts devraient être déployés dans ce domaine afin de faciliter leur réinsertion et d'accompagner leur sortie. Cette question n'est pas prévue dans la convention, mais relève d'une vision moderne et humaniste des peines carcérales et de leur application pratique. En conclusion, le travail de certains prisonniers en Allemagne reste obligatoire, ce qui, compte tenu de sa faible rémunération, apparaît davantage comme une peine complémentaire que comme une mesure de réinsertion. Ce cas devra être réexaminé à la lumière des commentaires de la commission d'experts relatifs à la nouvelle législation.

Le représentant gouvernemental a expliqué, en réponse à une question des membres travailleurs sur le régime de sécurité sociale applicable aux prisonniers qui travaillent, que ces derniers sont couverts par l'assurance chômage et accident, mais que les soins médicaux sont généralement assurés par le service médical de la prison et couverts par l'assurance santé dans certaines conditions. Il a cependant admis que le régime de retraite n'est pas accessible. En regrettant qu'aucune statistique ne soit disponible sur le nombre des prisonniers travaillant dans le cadre d'une relation d'emploi libre à l'extérieur de la prison, il a indiqué que le recours à ce système d'emploi est de plus en plus fréquent. La Cour constitutionnelle a obligé le gouvernement à revoir périodiquement le taux de rémunération des prisonniers qui travaillent. Les points de vue exprimés par la commission d'experts et la Commission de la Conférence auront, à cet égard, un impact décisif.

Les membres travailleurs se sont limités aux points qu'ils souhaitaient voir inclus dans les conclusions. Tout d'abord, en ce qui concerne la question de l'emploi à l'extérieur dans le cadre d'une relation d'emploi libre, la situation tant en droit qu'en pratique semble être en totale conformité avec la convention. Ensuite, la commission devra accueillir favorablement la nouvelle législation augmentant le salaire versé aux prisonniers qui travaillent dans les ateliers gérés par une entreprise privée dans la mesure où cela constitue un premier pas pour rendre la loi plus conforme avec cet aspect de la convention. Enfin, la commission devra demander au gouvernement d'inclure, dans son prochain rapport, toutes les informations pertinentes en ce qui concerne la nouvelle législation et tout autre point soulevé par la commission d'experts, tel que l'extension des branches du système de sécurité sociale aux prisonniers travaillant dans des ateliers gérés par une entreprise privée.

Les membres employeurs ont observé que le problème devant la commission ne résidait pas dans les termes de la convention no 29 mais dans l'interprétation de ces termes. La commission est témoin d'une défaillance de la part de la commission d'experts dans sa manière de voir évoluer le monde. Comme le représentant du gouvernement l'a souligné, le travail en prison à l'heure actuelle n'est plus le même que dans les années trente. Le travail effectué en prison vise à développer les compétences qui seront utiles au prisonnier à sa sortie de prison. Il est déloyal de la part des travailleurs d'avancer que les employeurs préfèrent le travail pénitentiaire; en fait, comme indiqué par le représentant gouvernemental, des incitations sont nécessaires pour motiver les employeurs à fournir ces emplois. L'idée selon laquelle les personnes ayant commis des crimes contre la société ont le droit de bénéficier des mêmes conditions d'emploi que les autres travailleurs ne reflète pas la réalité, en particulier dans des situations, comme dans le cas présent, où il y a un fort taux de rotation de la main-d'œuvre, une productivité faible et un risque pour les installations et le matériel de production. Cette commission pourrait conclure que le gouvernement doit continuer à progresser pas à pas comme cela a été indiqué et qu'il y a une différence flagrante de vues entre cette commission et l'approche statique des experts à l'égard du travail pénitentiaire dans une société moderne développée et démocratique où un tel travail a lieu sous le contrôle du gouvernement.

Le membre travailleur de la France a suggéré qu'il soit demandé au gouvernement de fournir des statistiques sur la pratique dans les différents Länder.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et du débat qui a suivi sur la question du travail obligatoire des prisonniers pour des entreprises privées au sein des prisons de l'Etat. La commission a pris note des commentaires de la commission d'experts depuis de nombreuses années sur la question des prisonniers travaillant en établissement dans le cadre de concessions à des entreprises, sans qu'ils puissent donner leur consentement à ce travail et dans des conditions qui ne sauraient être comparées avec celles du marché de travail libre. La commission a également noté qu'en ce qui concerne l'emploi à l'extérieur les prisonniers bénéficient des avantages d'une relation de travail libre. La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental sur la question du consentement des prisonniers et sur la loi adoptée en décembre 2000 qui prévoit que le taux de rémunération du travail de ces prisonniers, fixé à 5 pour cent du salaire moyen des travailleurs libres, serait augmenté à 9 pour cent. La commission a manifesté le désir de revoir cette question après examen par la commission d'experts de la loi mentionnée; elle a exprimé l'espoir que de nouveaux progrès puissent être constatés dans un proche avenir, dans la perspective des objectifs de réhabilitation réaffirmés par le gouvernement allemand. Plus généralement, la commission a débattu des questions d'ensemble portant sur la protection des prisonniers contre l'exploitation de leur travail et de la pertinence de cette situation par rapport à la protection prévue par la convention. Les objectifs de réinsertion de plus en plus mis en avant ne sont pas incompatibles, bien au contraire, avec la convention no 29.

Le membre travailleur de la France a suggéré qu'il soit demandé au gouvernement de fournir des statistiques sur la pratique dans les différents Länder.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission salue la ratification par l’Allemagne du protocole de 2014 à la convention sur le travail forcé, 1930, et prend dûment note du premier rapport du gouvernement ainsi que des informations fournies en réponse à ses commentaires précédents au titre de la convention.
Article 1 de la convention et article 1, paragraphes 1 et 2, du protocole. Politique nationale et action systématique. Mise en œuvre et évaluation. La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales (BMAS) élabore un plan d’action national (PAN) contre l’exploitation au travail et le travail forcé. La commission note également que, en septembre 2023, le ministère fédéral de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse (BMFSFJ) a diffusé un document pour discussion qui contient des propositions aux fins d’un PAN de lutte contre la traite des êtres humains, afin de recueillir les contributions des partenaires sociaux et de groupes de la société civile. Selon le BMFSFJ, les deux PAN porteront sur des domaines d’action différents mais se veulent complémentaires. Alors que le PAN contre l’exploitation au travail et le travail forcé visera principalement à améliorer la prévention du travail forcé sur le marché du travail, le PAN contre la traite des personnes se concentrera sur le renforcement des poursuites pénales et de la protection des victimes de toutes les formes d’exploitation, y compris l’exploitation sexuelle (BMFSFJ, communiqué de presse, 9 septembre 2023).
La commission note également l’adoption en 2017, par le groupe de travail Gouvernement fédéral-Länder sur la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, d’une stratégie commune de lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation au travail. Cette stratégie commune repose sur six objectifs: 1) étendre la prévention; 2) sensibiliser davantage les autorités et améliorer l’identification des personnes affectées; 3) développer les structures consultatives et de soutien; 4) renforcer l’application de la loi; 5) améliorer les données; et 6) sensibiliser le public. La mise en œuvre de la stratégie sera suivie par l’unité de service contre l’exploitation au travail, le travail forcé et la traite des êtres humains, qui relève du BMAS.
La commission salue l’approche globale suivie par le gouvernement pour lutter contre toutes les formes de travail forcé, et prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises dans le cadre du Plan d’action national de lutte contre l’exploitation au travail et du Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes, en indiquant comment est coordonnée la mise en œuvre des deux plans d’action. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations au sujet des activités déployées par le groupe de travail Gouvernement fédéral-Länder sur la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, dans le cadre de sa stratégie conjointe de 2017. Prière de fournir des informations concises sur tout suivi effectué par le groupe de travail, y compris sur les conclusions et recommandations formulées.
Article 2 du protocole. Prévention. Alinéas b) et e). éducation et information des employeurs. Appui à la diligence raisonnable. La commission note que l’unité de service contre l’exploitation au travail, le travail forcé et la traite des êtres humains du BMAS a formulé des directives sur les analyses de risque au sujet des secteurs de l’économie qui présentent un risque plus élevé de travail forcé et de conditions de travail abusives, notamment les secteurs de la logistique et de la production de viande.
La commission note avec intérêt que la loi sur la diligence raisonnable des entreprises dans la chaîne d’approvisionnement, entrée en vigueur en janvier 2023, prévoit des obligations de diligence raisonnable pour les entreprises afin de prévenir les risques de travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement, en ce qui concerne les fournisseurs directs et indirects, et de faire face à ces risques. Ces obligations comprennent la mise en place d’un système de gestion des risques, une analyse régulière des risques, l’adoption de mesures correctives et la création de mécanismes de plainte. La loi s’applique à toutes les entreprises dont l’administration centrale, le principal lieu d’activités, le siège administratif ou le siège social se trouvent en Allemagne, et qui occupent au moins 1 000 personnes. Les entreprises couvertes par la loi doivent élaborer un rapport annuel sur la réalisation de leurs obligations de diligence raisonnable, et le rendre public. Le contrôle de l’application de la loi incombe au ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement. La commission salue ces mesures et encourage le gouvernement à continuer d’appuyer le secteur privé pour prévenir les risques de travail forcé et y répondre. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités menées par le ministère de la Coopération économique et du Développement pour contrôler l’application de la loi sur la diligence raisonnable des entreprises dans la chaîne d’approvisionnement, et pour aider les entreprises à s’acquitter de leurs obligations de diligence raisonnable. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer toute évaluation réalisée à cet égard.
Alinéa c) et d). Protection des travailleurs migrants contre les pratiques abusives et frauduleuses. Inspection du travail. La commission note que la loi de 2016 sur le travail intérimaire prévoit l’obligation de garantir aux travailleurs intérimaires les mêmes conditions de travail de base, notamment la rémunération, applicables à un travailleur comparable de l’entreprise utilisatrice (article 8 (1)). En vertu de l’article 15 (1) de la loi, quiconque agit pour le compte d’une agence de travail temporaire et place chez un tiers un ressortissant étranger qui n’a ni permis de séjour ni autorisation de travailler est passible d’une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement ou d’une amende. Le gouvernement indique que, depuis janvier 2022, les agences de placement privées sont tenues, en vertu de l’article 299 du livre III du Code social, d’informer les salariés recrutés à l’étranger sur les conditions de leur emploi en Allemagne (durée de la relation de travail, tâches spécifiques, temps de travail, congés, etc.). De plus, dans le cadre du programme « Intégration équitable », qui relève de la responsabilité du BMAS, tous les ressortissants étrangers peuvent recevoir des informations sur les droits au travail en Allemagne, y compris sur les permis de travail.
S’agissant des inspections, la commission note que, conformément à l’article 23 (3) de la loi sur l’application des mesures de sécurité et de santé au travail, qui vise à améliorer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs au travail, lorsqu’une inspection établit que l’employeur a recruté des étrangers sans permis ou n’a pas payé les cotisations de sécurité sociale, l’autorité compétente doit signaler la situation aux autorités de justice pénale pour qu’elles mènent une enquête plus approfondie sur d’éventuels cas de travail forcé. Le gouvernement ajoute qu’en application de la loi adoptée en 2020 qui vise à améliorer l’application de la santé et de la sécurité au travail, les autorités compétentes devront effectuer à partir de 2026 un nombre minimum d’inspections par année civile (article 1 (2) (b)), ce qui pourrait avoir pour effet d’accroître le nombre de cas de travail forcé détectés.
La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour protéger les travailleurs migrants contre les pratiques abusives et frauduleuses et à fournir des informations à cet égard. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur les inspections effectuées et sur les cas s’apparentant à du travail forcé qui ont été identifiés et signalés par les inspecteurs du travail aux autorités de justice pénale.
Article 3 du protocole. Identification et protection des victimes. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle l’Office fédéral de police criminelle (Bundeskriminalamt – BKA) gère un site Internet d’information qui présente des lignes directrices et des outils pour enquêter sur les cas de traite des personnes et d’exploitation au travail, et permet d’échanger des informations avec les Länder et le réseau d’ONG de lutte contre la traite des personnes (KOK) afin de mieux identifier les victimes. Selon le rapport de 2022 du BKA sur la traite des personnes et l’exploitation, les 346 procédures d’enquête sur la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée ont permis d’identifier 476 victimes en tout (453 femmes et 16 hommes). La plupart d’entre elles étaient des ressortissants allemands, puis des ressortissants bulgares, roumains et chinois. La même année, 1 019 victimes d’exploitation au travail, en particulier par le travail forcé et la traite des personnes, ont été identifiées dans les 346 procédures d’enquête, soit une augmentation de 593,2 pour cent par rapport aux victimes identifiées en 2021, qui étaient 147. Les secteurs économiques les plus touchés sont l’industrie de la viande (301 victimes), le secteur logistique (226 victimes) et la construction (48 victimes).
En ce qui concerne la protection des victimes, l’unité de service contre l’exploitation au travail, le travail forcé et la traite des personnes aide les victimes en fonction de leurs besoins spécifiques. Cette aide peut comprendre un hébergement, des prestations sociales, des soins médicaux, un soutien psychosocial et des conseils juridiques sur les règles relatives au séjour et les droits au travail. En outre, le BMAS et la Confédération allemande des syndicats (DGB) ont signé un accord-cadre destiné à dispenser une formation sur la protection des victimes et à sensibiliser davantage dans la pratique aux besoins des victimes du travail forcé.
La commission note en outre qu’en vertu de la loi fédérale sur les conditions de séjour, les victimes d’une infraction à la loi qui ne possèdent pas de permis de séjour allemand bénéficient d’une période de réflexion de trois mois, pendant laquelle elles ne peuvent pas être expulsées du pays, pour décider si elles souhaitent témoigner dans un procès pénal (article 59 (7)). De plus, l’article 25 (4a) de la loi prévoit un permis de séjour temporaire spécial pour les victimes de la traite des personnes et du travail forcé: si le ministère public ou le tribunal pénal estime que la présence du ressortissant étranger est utile dans le cadre de la procédure pénale relative aux infractions pénales susmentionnées; si le ressortissant étranger a rompu tout contact avec les personnes accusées d’avoir commis l’infraction; et si le ressortissant étranger a manifesté sa volonté de témoigner dans la procédure relative à l’infraction. Au terme de la procédure pénale, le permis de séjour peut être prolongé pour des raisons humanitaires ou d’intérêt public.
La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations statistiques actualisées sur le nombre de victimes du travail forcé, y compris de la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail et d’exploitation sexuelle, qui ont été identifiées (si possible ventilées par genre, pays d’origine et secteur économique). La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre de victimes qui ont demandé un permis de séjour temporaire au titre de l’article 25 (4a) de la loi fédérale sur les conditions de séjour, en indiquant s’il y a eu des cas dans lesquels les demandes ont été refusées ainsi que les motifs des refus. Prière de fournir des informations sur la protection des victimes qui refusent de collaborer aux enquêtes.
Article 4, paragraphe 1, du protocole. Accès à des mécanismes de recours et de réparation efficaces, tels que l’indemnisation. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle toute victime de travail forcé peut engager une procédure pénale contre l’auteur de l’infraction et bénéficier de l’aide d’un avocat (article 406f du Code de procédure pénale). Dans le cadre de cette procédure, la victime peut demander une indemnisation à l’auteur de l’infraction. La commission prend bonne note du fait qu’en vertu de l’article 1 de la loi sur l’indemnisation des victimes d’infractions violentes, telle que modifiée en 2021, les victimes de travail forcé peuvent demander une indemnisation à l’État au motif des dommages sanitaires ou économiques qui ont résulté du travail forcé. Selon les informations fournies en 2023 par le gouvernement allemand au Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l’Europe, les victimes étrangères peuvent également déposer, depuis l’étranger, une demande d’indemnisation en vertu de la loi, sans conditions supplémentaires. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de victimes qui ont reçu une indemnisation au titre de l’article 1 de la loi sur l’indemnisation des victimes, et sur le nombre de victimes qui ont reçu une indemnisation de l’auteur de l’infraction. À cet égard, la commission prie également le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour aider les victimes du travail forcé, sur les différentes possibilités existantes pour obtenir une indemnisation, et sur toute difficulté rencontrée par les victimes ou par l’administration de la justice à cet égard.
Article 25 de la convention et article 1, paragraphe 3, du protocole. Poursuites et application de sanctions dissuasives. La commission rappelle que le Code pénal interdit le travail forcé sous ses différentes formes et prévoit des peines d’emprisonnement pour les auteurs des infractions suivantes: traite des personnes (article 232); prostitution forcée (article 232(a)); travail forcé (article 232(b)); exploitation au travail (article 233); exploitation comportant la privation de liberté (article 233(a)).
1. Traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée. La commission prend bonne note du rapport annuel de 2022 sur la traite des personnes et l’exploitation publié par le BKA, qui contient des informations statistiques détaillées sur l’application des dispositions susmentionnées du Code pénal. Selon le rapport, en 2022, un total de 346 procédures d’enquête sur des cas d’exploitation sexuelle (notamment la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle, la prostitution forcée et l’exploitation comportant la privation de liberté) ont été closes, soit une augmentation de 18,9 pour cent par rapport à 2021. À la suite de ces enquêtes, 488 suspects ont été arrêtés, soit une hausse de 24,8 pour cent par rapport à 2021. Le rapport du BKA souligne également que l’exploitation sexuelle est passée de la forme classique de la prostitution dans les bars, les maisons closes et la rue à la prostitution à domicile ou dans un hôtel. Des femmes originaires d’Europe de l’Est, de Chine, de Thaïlande et du Viêt Nam figurent parmi les victimes les plus nombreuses de l’exploitation sexuelle. La commission prie le gouvernement de continuer à veiller à ce que les cas de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée (articles 232 et 232(a) du Code pénal) fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites appropriées, et de communiquer des données statistiques à cet égard, en indiquant combien de procédures d’enquête ont conduit à des condamnations.
2. Travail forcé et exploitation au travail. La commission note l’adoption en 2019 de la loi sur la lutte contre le travail illégal et la fraude aux prestations sociales. Cette loi confère des pouvoirs supplémentaires au Bureau du con–trôle financier du travail non déclaré (Finanzkontrolle Schwarzarbeit - FKS) de l’Administration des douanes pour effectuer de manière autonome des inspections et des enquêtes sur des situations de travail non déclaré. Le gouvernement indique à cet égard que, en vertu de cette législation, l’administration des douanes pourra examiner toutes les conditions d’emploi afin de vérifier si les travailleurs sont occupés dans des conditions qui sont très éloignées de celles des travailleurs qui occupent le même emploi ou un emploi équivalent. Selon les informations fournies en 2023 par le gouvernement au GRETA, le gouvernement prévoit de créer 3 500 postes supplémentaires au FKS pour assurer l’application effective de cette loi.
La commission note à la lecture du rapport de 2022 du BKA que, depuis la participation du FKS à l’identification de cas de travail non déclaré, on observe une hausse progressive des procédures d’enquête conclues sur des cas de travail forcé et d’exploitation au travail (21 procédures en 2018 contre 34 en 2022). Il ressort également du 14e rapport, pour la période 2017-2020, du gouvernement fédéral allemand sur l’impact de la loi relative à la lutte contre le travail illégal, soumis au Parlement allemand, que le nombre d’enquêtes ouvertes et le nombre de procédures menées à terme en ce qui concerne la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail restent encore faibles. Selon le rapport, l’une des raisons de cette tendance est que les normes appliquées en vertu de la jurisprudence pour les éléments constitutifs de cette infraction sont très exigeantes et posent des difficultés considérables pour les enquêtes. De plus, des enquêtes ont été interrompues en raison de la réticence des victimes à témoigner. La commission prie le gouvernement de continuer à renforcer les capacités des organes chargés de l’application de la loi, en particulier l’inspection du travail, à détecter, enquêter et poursuivre les cas d’exploitation au travail qui s’apparentent au travail forcé, et de communiquer des informations sur les mesures prises pour surmonter les difficultés auxquels ces autorités sont confrontées. La commission prie aussi le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations liées aux infractions de traite des personnes (article 232), de travail forcé (article 232(b)) et d’exploitation au travail (article 233).

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note des observations de la Confédération des associations des employeurs d’Allemagne (BDA), reçues le 22 septembre 2022.
Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire obligatoire pour des entités privées. La commission a précédemment noté que le travail obligatoire de prisonniers condamnés est prévu dans les règlements d’exécution des sanctions pénales des États (Länder) de Bade-Wurtemberg, Bavière, Berlin, Brême, Hambourg, Hesse, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe. Elle a également noté que dans ces Länder (à l’exception de Hambourg), les détenus peuvent être affectés à des travaux dans des ateliers gérés par des entreprises privées, sous la supervision de l’autorité pénale. À l’exception de Brême, les règlements d’États sur les prisons ne prévoient pas spécifiquement l’obligation d’obtenir le consentement libre, formel et éclairé des détenus pour travailler pour des entreprises privées. À cet égard, la commission a prié le gouvernement de veiller à ce que, tant en droit que dans la pratique, le travail effectué par des détenus pour le compte d’entreprises privées soit fondé sur leur consentement libre, formel et éclairé et soumis à des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre.
La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur la situation du travail pénitentiaire dans les différents Länder, qui comprennent des données statistiques actualisées. Elle note que, d’une manière générale, les règlements pénitentiaires des Länder régissent le temps de travail, les congés, la sécurité et la santé au travail, ainsi que la rémunération des détenus qui effectuent un travail. En ce qui concerne le travail de détenus pour des entités privées, le gouvernement indique que la législation ne confère pas aux entreprises privées le pouvoir exclusif de diriger les détenus, et que la surveillance des détenus et toutes les décisions concernant leur traitement doivent rester du ressort du personnel pénitentiaire. Le gouvernement ajoute que, dans les accords contractuels avec des entités privées, l’administration pénitentiaire doit veiller à ce que les détenus ne soient pas entièrement intégrés dans les activités de l’entreprise privée. Toutefois, la commission observe que le gouvernement n’indique pas comment il est garanti que le consentement libre et éclairé des détenus est formellement obtenu en tant que condition de leur travail pour des entreprises privées dans les Länder suivants: BadeWurtemberg, Bavière, Berlin, Hesse, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe. La commission note également qu’en 2021 le nombre de détenus travaillant pour des entreprises privées dans ces Länder était de: 1 489 (Bade-Wurtemberg); 1 722 (Bavière); 511 (Hesse); 24 (Mecklembourg-Poméranie occidentale); 1 094 (Basse-Saxe); 1 255 (Rhénanie-du-Nord-Westphalie); 122 (Saxe-Anhalt); et 36 ( Schleswig-Holstein). En Thuringe, 477 prisonniers ont été affectés à des travaux pour des entreprises municipales ou des entités privées.
La commission prend note d’un arrêt de la Cour constitutionnelle allemande rendu le 20 juin 2023 dans lequel la Cour a estimé que la rémunération fixée pour les détenus en Bavière et en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (qui équivalait à neuf pour cent du salaire moyen de l’ensemble des affiliés à l’assurance retraite allemande au cours de l’année civile précédente) était contraire au principe constitutionnel de réinsertion sociale, qui exige que le travail au sein du système pénitentiaire soit reconnu à sa juste valeur. La Cour a estimé que le niveau de rémunération dans ces deux Länder ne correspondait pas à l’objectif du travail pénitentiaire, qui est de montrer toute l’importance d’un emploi rémunéré dans la société. Tout en reconnaissant que, lors de la fixation de la rémunération des détenus, il convient de tenir compte des coûts de leur détention, la Cour a estimé qu’il fallait verser aux détenus une rémunération d’un montant approprié qui leur donne un avantage tangible sur les détenus qui ne travaillent pas. La Cour a donc décidé que le pouvoir législatif de ces deux Länder devait s’efforcer de mettre en place un cadre juridique garantissant qu’une faible rémunération ne soit pas perçue comme faisant partie de la peine à accomplir.
La commission note en outre que, dans ses observations, la BDA indique que le travail obligatoire des détenus est imposé en tant que moyen de réinsertion sociale, et que les autorités pénitentiaires demeurent responsables des détenus et ne peuvent pas transférer leur garde à des entités privées. La BDA ajoute que, dans la pratique, les détenus ne peuvent pas raisonnablement être employés par l’État, de sorte que leur emploi dans le secteur privé devrait être autorisé aux conditions suivantes: i) les autorités publiques spécifient les conditions de l’emploi et interviennent en cas d’infraction, et ii) les conditions de travail ne doivent pas être abusives, même si elles ne peuvent pas atteindre le niveau des conditions d’un emploi normal.
La commission rappelle une nouvelle fois qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la convention, le travail obligatoire des personnes condamnées n’est pas considéré comme du travail forcé lorsque: 1) il est effectué sous la surveillance et le contrôle d’une autorité publique; et 2) les détenus ne sont pas engagés par des particuliers, des sociétés ou des associations privées ou mis à leur disposition (cela ne se limite pas au travail effectué à l’extérieur des établissements pénitentiaires, mais s’applique également aux ateliers qui peuvent être gérés par des entreprises privées à l’intérieur des locaux de la prison). Si l’une de ces deux conditions n’est pas respectée, la situation relève alors du champ d’application de la convention. Dans le même temps, la commission a considéré que le travail des détenus pour des entreprises privées pouvait être considéré comme compatible avec la convention lorsque: i) les détenus concernés se proposent volontairement, en donnant leur consentement libre, formel (par écrit) et éclairé, pour travailler pour des entreprises privées; et ii) lorsque les conditions de travail des détenus se rapprochent de celles d’une relation de travail libre.
Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, tant en droit que dans la pratique, le travail de détenus pour des entreprises privées (dans le Bade-Wurtemberg, la Bavière, Berlin, la Hesse, le Mecklembourg-Poméranie occidentale, la Basse-Saxe, la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Saxe-Anhalt, le Schleswig-Holstein et la Thuringe), y compris dans l’enceinte de la prison, est effectué volontairement sur la base du consentement libre, formel et éclairé des détenus concernés, et dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations sur l’impact de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 20 juin 2023 en Bavière et en Rhénanie-du-Nord-Westphalie en ce qui concerne la rémunération des détenus qui travaillent pour des entités privées. La commission le prie en outre de fournir des informations sur l’impact de l’arrêt dans les autres Länder.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Cadre législatif et contrôle de l’application des lois. La commission a précédemment noté les informations fournies par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles la législation pénale est en cours de réforme dans le pays afin de poursuivre plus efficacement les auteurs de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle ou d’exploitation au travail. Dans ce cadre, l’accent allait être mis davantage sur la prévention et sur la protection des victimes. A cette fin, un groupe de travail du gouvernement fédéral et des Länder a été établi pour examiner toutes les questions pertinentes, avec la participation des partenaires sociaux. La commission a noté à cet égard que les articles 232 et 233 du Code pénal incriminent la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle pour l’un, à des fins d’exploitation au travail pour l’autre. La commission a observé que, conformément au rapport national de 2014 sur la situation de la traite des personnes, publié par l’Office fédéral de la police criminelle (BKA), le nombre de cas de traite des personnes avait diminué. Le rapport s’est référé aux difficultés auxquelles se heurtent les forces de l’ordre pour identifier les victimes et ouvrir les enquêtes appropriées, ainsi que les difficultés pour mettre en œuvre l’article 233 du Code pénal (traite à des fins d’exploitation au travail).
La commission note les informations fournies par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles, le 15 octobre 2016, la loi visant l’application de la directive 2011/36/EU du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 sur la prévention et la lutte contre la traite des personnes et la protection de ses victimes est entrée en vigueur. Cette loi révise certaines dispositions du Code pénal et contient une restructuration conceptuelle des articles 232, 233 et 233a, concernant de nouvelles formes d’exploitation, telles que la mendicité forcée et la participation forcée à des activités illicites, ainsi que des actes favorisant la traite des personnes. Conformément au rapport national de 2017 sur la situation de la traite des personnes, publié par le BKA, la police a mené au cours de l’année concernée des enquêtes sur 327 cas de traite des personnes, impliquant 523 suspects, tandis qu’en 2016 le nombre d’enquêtes était de 363, impliquant 524 suspects. Pour ce qui est de la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, 11 cas ont fait l’objet d’enquêtes en 2017, impliquant 27 suspects. De plus, deux cas de mendicité forcée ont également fait l’objet d’enquêtes, qui impliquaient 2 suspects. D’après la réponse que le gouvernement a fournie en 2018 au questionnaire destiné au deuxième tour de l’évaluation de l’application de la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (appelée ci-après «la réponse de 2018 au GRETA»), la commission note qu’en 2016, sur 90 procès, un total de 60 personnes ont été accusées de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle au titre de l’article 232 du Code pénal. Des condamnations à des peines de prison ont été prononcées dans 51 cas, et pour 32 d’entre eux, l’exécution de ces peines a été suspendue. En 2016, sur les 19 procès qui se sont déroulés, 12 personnes ont été accusées de traite des personnes à des fins d’exploitation au travail en vertu de l’article 233 du Code pénal. Des peines d’emprisonnement ont été prononcées dans trois cas, mais elles ont toutes été suspendues. La commission note que, dans ses observations finales de 2018, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) s’est déclaré préoccupé par «les faibles taux de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans les affaires de traite» (CEDAW/C/DEU/CO/7-8, paragr. 29). Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’intensifier ses efforts afin de veiller à ce que des enquêtes et des poursuites soient menées à l’encontre de toutes personnes se livrant à la traite de personnes à des fins d’exploitation aussi bien sexuelle qu’au travail, et que des sanctions adéquates soient imposées à leurs auteurs. A cet égard, elle prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour renforcer la capacité des autorités chargées du contrôle de l’application de la loi, y compris l’inspection du travail. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application dans la pratique des dispositions pertinentes du Code pénal, notamment le nombre d’enquêtes et de poursuites qui ont été menées, de même que les sanctions spécifiques qui ont été imposées.
2. Identification et protection des victimes. La commission a précédemment noté que la législation nationale prévoit la possibilité d’accorder un délai de réflexion et un permis de résidence renouvelable d’au moins six mois aux victimes qui participent en tant que témoins à la procédure judiciaire.
La commission note que, selon le rapport national de 2017 sur la situation de la traite des personnes, 489 victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle ont été identifiées en 2017; ce nombre était de 488 en 2016. De plus, 180 victimes de traite à des fins d’exploitation au travail et 2 victimes de mendicité forcée ont été identifiées en 2017. Le gouvernement indique que, afin de pouvoir fournir des informations actualisées et une assistance pour détecter et identifier les victimes de traite, l’Office fédéral de la police criminelle utilise un portail d’information mis à la disposition des forces de police, aux niveaux aussi bien national que régional. En outre, les Länder mettent actuellement au point des mécanismes et des indicateurs spéciaux pour identifier les victimes de traite, qui seront à la disposition des forces de police, lesquelles recevront également la formation appropriée. Quant aux victimes, elles reçoivent conseils et soutien, y compris un logement sécurisé, par des centres de conseil financés par les Länder. Ces centres ont conclu avec la police des accords de coopération dans la plupart des Länder et offrent une assistance de plus en plus grande aux victimes de la traite à des fins d’exploitation au travail. La protection des victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle est également assurée dans le cadre de l’application de la loi sur la protection des prostituées. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts en matière d’identification des victimes de la traite à des fins d’exploitation à la fois sexuelle et au travail, et de s’assurer que ces victimes bénéficient d’une protection et d’une assistance appropriées. Elle le prie également de fournir des informations sur les mesures prises et les résultats obtenus à cet égard, y compris sur le nombre de victimes qui ont été identifiées et qui ont bénéficié d’une protection.
3. Stratégie nationale et cadre stratégique de lutte contre la traite des personnes. La commission a noté précédemment, à la lecture des informations disponibles sur le site Internet du ministère du Travail et des Affaires sociales, que, selon les prévisions, une stratégie globale de lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation au travail serait élaborée d’ici à la fin de 2016.
La commission note l’information du gouvernement selon laquelle le projet de stratégie de lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation au travail a été présenté lors d’une conférence regroupant des spécialistes, laquelle s’est tenue à la Fondation Friedrich Ebert le 10 octobre 2016. A la suite de cette conférence, un réseau mondial de points d’intervention pour la lutte contre la traite à des fins d’exploitation au travail a été établi. Il doit servir de pierre angulaire à la stratégie de lutte contre la traite. La commission note aussi, d’après la réponse faite par le gouvernement au GRETA, qu’aucun plan d’action national de lutte contre la traite n’a été adopté. Le gouvernement indique cependant qu’il continue à prendre des mesures pour améliorer la coopération interinstitutions dans le cadre du groupe de travail mixte gouvernement fédéral-Länder sur la traite des personnes et que chaque Land dispose de ses propres structures de coordination et de son propre plan stratégique de lutte contre la traite des êtres humains. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer le cadre global destiné à prévenir, réprimer et supprimer la traite des personnes tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, et de garantir une meilleure coordination parmi les parties prenantes compétentes. Elle prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur tous résultats obtenus à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1 et 2 c), de la convention. Travail obligatoire des détenus dans des ateliers sous gestion privée. Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures appropriées pour rendre la législation et la pratique conformes à la convention et ainsi s’assurer que le consentement libre et éclairé au travail des détenus dans des ateliers administrés par des entreprises privées dans l’enceinte des établissements pénitentiaires publics est formellement exigé, et que les conditions de travail de ces détenus se rapprochent de celles d’une relation de travail libre. La commission a noté que, en vertu de l’article 41(3) de la loi du 13 mars 1976 sur l’exécution des sentences, pour pouvoir être employé dans un atelier géré par une entreprise privée, le détenu doit donner son consentement. Néanmoins, l’exigence du consentement prévue à l’article 41(3) a été suspendue par effet de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire du 22 décembre 1981 et est restée lettre morte depuis lors.
La commission a également noté que, depuis 2006, la législation sur l’exécution des sanctions pénales relève de la compétence des Etats fédérés (Länder). Parmi les 13 Länder qui ont adopté leur propre législation à cet égard, 4 ont adopté des lois sur l’exécution des sanctions pénales qui ne prévoient plus l’obligation pour les détenus de travailler (Brandebourg, Rhénanie-Palatinat, Sarre et Saxe). L’obligation générale pour les détenus de travailler reste en vigueur dans 12 Länder (que ce soit en vertu de la loi fédérale sur les prisons ou des lois récemment adoptées sur l’exécution des sanctions pénales). En outre, le gouvernement a indiqué que, sauf pour 3 Länder, il reste possible d’affecter des détenus à un travail dans des ateliers administrés par des entreprises privées. Selon les statistiques fournies pour 2013, 62,5 pour cent du nombre total moyen des détenus étaient occupés ou suivaient une formation, et 21,36 pour cent de ces détenus travaillaient dans des ateliers gérés par une entreprise. Le gouvernement a indiqué également qu’il a été jusqu’à maintenant impossible de proposer un emploi à tous les détenus qui le souhaitaient. La commission a également pris note des observations soumises par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Confédération des associations allemandes d’employeurs (BDA), selon lesquelles il continue d’y avoir une pénurie d’emplois dans les prisons, si bien que les autorités pénitentiaires accueillent favorablement les emplois que proposent des entreprises privées. Les détenus ne sont pas forcés de travailler étant donné qu’il y a moins de possibilités d’emploi que de détenus souhaitant travailler.
La commission note l’information communiquée par le gouvernement dans son rapport, selon laquelle l’ensemble des 16 Länder ont adopté leur propre réglementation statutaire concernant l’exécution des sanctions pénales, y compris le travail exécuté par les prisonniers dans le cadre de l’exécution de leur peine. A l’exception des 4 Länder dont la commission a fait état dans ses précédents commentaires, la réglementation se rapportant aux autres Länder prévoit l’obligation générale pour les détenus condamnés de travailler. De plus, la loi de tous les Länder, à l’exception de Hambourg, autorise l’affectation des détenus à un travail dans des ateliers administrés par des entreprises privées à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire. Le gouvernement insiste sur le fait que le personnel des entreprises privées a le droit de donner des instructions relatives au travail, mais la surveillance des détenus et toutes les décisions ayant trait au traitement de ces derniers continuent de relever de la responsabilité de l’autorité chargée de l’exécution des peines. Le gouvernement réaffirme que le travail affecté aux détenus à la suite d’une décision de justice est essentiel à leur intégration et s’inscrit dans les plans de réinsertion sociale. Le gouvernement indique également que les détenus peuvent s’engager dans une «relation de travail libre», dans le cadre de laquelle des conditions de travail appropriées, y compris en termes de rémunération, sont assurées. Cette relation de travail peut se poursuivre après la libération des détenus concernés.
La commission note également les informations détaillées concernant chaque Land, que le gouvernement a fournies à cet égard. A Brême, le devoir de travailler existe seulement si une procédure diagnostique visant à déterminer le plan d’exécution de peine d’un prisonnier l’a jugé nécessaire, compte tenu d’autres mesures de réadaptation et de réinsertion sociales. De plus, lorsqu’une recommandation de travail est formulée à la suite d’une procédure diagnostique, le détenu concerné devra faire une demande de travail, en indiquant deux choix de lieux de travail. La commission note toutefois que les détenus peuvent être affectés à un travail dans des ateliers gérés par une entreprise privée sans qu’ils aient donné leur accord, et ce conformément à la réglementation statutaire des autres Länder, qui sont Bade-Wurtemberg, Bavière, Berlin, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe. En 2017, un certain nombre de détenus travaillaient dans des ateliers gérés par des entreprises (ce chiffre allant de 5,5 pour cent en Mecklembourg Poméranie-Occidentale à 37,27 pour cent en Basse-Saxe), tandis que d’autres détenus se sont vu offrir la possibilité de travailler dans le cadre d’une relation de travail libre ou d’un travail indépendant (ce chiffre allant de 0,66 pour cent en Bavière à 8,92 pour cent à Bade-Wurtemberg). La commission note en outre qu’à Hambourg, même s’il n’existe pas d’ateliers administrés par une entreprise privée à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, 14,84 pour cent des détenus travaillent à l’extérieur. La commission observe qu’il ne ressort pas clairement que les entreprises privées participent à ce type d’organisation du travail à l’extérieur de la prison. En outre, elle note que les détenus qui travaillent sont payés entre 9,87 et 16,44 euros par jour et que les règlements concernant la santé et la sécurité au travail leur sont applicables, conformément aux informations fournies par certains Länder, tels que Berlin et Hesse.
La commission considère que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la convention, le travail obligatoire effectué par les personnes condamnées est exclu du champ d’application de la convention, à condition que «ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques» et que l’individu concerné «ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées». Les deux conditions revêtent la même importance et s’appliquent de manière cumulative: le fait que le prisonnier demeure en permanence sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques ne dispense pas le gouvernement de satisfaire à la deuxième condition, à savoir que l’individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Si l’une quelconque des deux conditions n’est pas respectée, le travail obligatoire exigé des personnes condamnées dans ces circonstances est interdit, conformément à l’article 1, paragraphe 1, de la convention. La commission rappelle une nouvelle fois qu’elle a déjà estimé que le travail des détenus pour des entreprises privées peut être considéré comme compatible avec l’interdiction expresse de la convention. C’est le cas, par exemple, du travail exécuté par des détenus dans le cadre d’une «relation de travail libre», comme indiqué par le gouvernement. Dans ces circonstances, les détenus concernés acceptent volontairement, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, en donnant leur consentement libre, formel et éclairé de travailler pour des entreprises privées. De plus, l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail est exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, y compris en termes de niveau de rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), de sécurité sociale et de sécurité et santé au travail (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 278, 279 et 291). Tout en notant que certains détenus peuvent se voir offrir des possibilités de travailler dans le cadre d’une relation de travail libre, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que, tant en droit que dans la pratique, les détenus ne peuvent être affectés à un travail dans des ateliers administrés par une entreprise privée à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison qu’avec leur consentement libre, formel et éclairé, et que ce consentement est attesté par des conditions d’emploi se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. La commission prie également le gouvernement de continuer à communiquer des informations sur le nombre de détenus travaillant dans des ateliers administrés par des entreprises à l’intérieur ou à l’extérieur de prisons, et sur ceux qui travaillent dans le cadre d’une relation de travail libre ou à leur compte. Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le niveau des rémunérations versées à ces détenus et sur leurs conditions d’emploi.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Cadre législatif et institutionnel, et application des lois. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles, afin de poursuivre plus efficacement les auteurs de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle ou d’exploitation au travail, la législation pénale est en cours de réforme dans le pays. Dans ce cadre, l’accent est davantage mis sur la prévention et sur la protection des victimes. A cette fin, un groupe de travail du gouvernement fédéral et des Länder a été établi pour examiner toutes les questions pertinentes, avec la participation des partenaires sociaux. La commission note à cet égard que les articles 232 et 233 du Code pénal incriminent la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation au travail, respectivement. Le Code pénal prévoit également la confiscation de biens si l’auteur de l’infraction agit à des fins commerciales ou s’il est membre d’une bande dont le but est de commettre ce type d’infraction (articles 233b et 73d). La législation envisage également la possibilité d’accorder un délai de réflexion et un permis de résidence renouvelable d’au moins six mois aux victimes qui participent en tant que témoins à la procédure judiciaire. La commission note que, selon le Rapport national de 2014 sur la situation de la traite des personnes, publié par l’Office fédéral de la police criminelle (BKA), le nombre de cas de traite des personnes a diminué. Le rapport souligne les difficultés auxquelles se heurtent les forces de l’ordre pour identifier les victimes et ouvrir les enquêtes appropriées, ainsi que les difficultés pour mettre en œuvre l’article 233 du Code pénal (traite à des fins d’exploitation au travail).
La commission encourage le gouvernement de continuer à renforcer le cadre législatif et lui demande de fournir des informations sur la nouvelle législation adoptée. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre d’enquêtes effectuées sur des cas de traite à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation au travail, sur le nombre de poursuites entamées et sur les sanctions imposées aux auteurs. Prière d’indiquer les mesures prises pour renforcer la capacité des organes chargés de faire appliquer la loi, y compris de l’inspection du travail, pour veiller à ce que les victimes soient identifiées et dûment protégées, et à ce que les auteurs soient sanctionnés. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour aider les victimes à faire valoir leurs droits devant les autorités nationales compétentes et à obtenir les prestations liées à leur emploi (salaires dûs, protection sociale, etc.) ainsi que réparation pour les dommages subis.
2. Stratégie nationale pour lutter contre la traite des personnes. La commission note à la lecture des informations disponibles sur le site Internet du ministère du Travail et des Affaires sociales qu’une stratégie globale de lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail devrait être élaborée d’ici à la fin de 2016. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour lutter contre la traite des personnes et exprime l’espoir que la stratégie nationale sera bientôt adoptée afin de renforcer encore le cadre général visant à prévenir, réprimer et éliminer la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation au travail, et d’assurer une meilleure coordination entre les acteurs compétents. Prière de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

La commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Confédération des associations allemandes d’employeurs (BDA) reçues le 27 août 2013, ainsi que du rapport du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail obligatoire de détenus dans des ateliers sous gestion privée. Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures appropriées pour rendre la législation et la pratique conformes à la convention en veillant à ce qu’il soit exigé formellement des détenus leur consentement libre et éclairé au travail dans des ateliers administrés par des entreprises privées dans l’enceinte des établissements pénitentiaires, et à ce que les conditions de travail de ces détenus se rapprochent de celles d’une relation de travail libre. La commission avait noté que, en vertu de l’article 41(3) de la loi du 13 mars 1976 sur l’exécution des sentences, pour pouvoir être employé dans un atelier géré par une entreprise privée, le détenu doit donner son consentement. Néanmoins, l’exigence du consentement prévue à l’article 41(3) a été suspendue par effet de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire du 22 décembre 1981 et est restée lettre morte depuis lors. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté également que, depuis 2006, la législation sur l’exécution des sanctions pénales relève de la compétence des Etats fédéraux (Länder). La commission avait salué le projet de loi sur le système d’exécution des sanctions pénales soumis par dix Länder en vertu duquel un travail peut être affecté à un détenu à sa demande ou avec son consentement.
La commission note, à la lecture des informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport, que 13 Länder ont adopté leur propre législation. Parmi ces 13 Länder, quatre ont adopté des lois sur l’exécution des sanctions pénales qui ne prévoient plus l’obligation pour les détenus de travailler (Brandebourg, Rhénanie-Palatinat, Sarre et Saxe). L’obligation générale pour les détenus de travailler reste en vigueur dans 12 Länder (que ce soit en vertu de la loi fédérale sur les prisons ou des lois récemment adoptées sur l’exécution des sanctions pénales). En outre, le gouvernement indique que, à l’exception de trois Länder, il reste possible d’affecter des détenus à un travail dans des ateliers administrés par des entreprises privées. Le personnel des entreprises privées a le droit de donner des instructions concernant le travail, mais la supervision des détenus et toutes les décisions ayant trait au traitement des détenus continuent de relever de la responsabilité de l’autorité chargée de l’exécution des peines. Le gouvernement réaffirme que le travail affecté aux détenus à la suite d’une décision de justice est essentiel pour l’insertion des détenus et s’inscrit dans les plans de réinsertion sociale. La commission note que, selon les statistiques fournies pour 2013, 62,5 pour cent du nombre total moyen des détenus étaient occupés ou suivaient une formation, et 21,36 pour cent de ces détenus travaillaient dans des ateliers gérés par une entreprise. Le gouvernement indique également qu’il a, jusqu’à maintenant, été impossible de proposer un emploi à tous les détenus qui le souhaitaient.
La commission prend également note des observations soumises en 2013 par l’OIE et la BDA, selon lesquelles il continue d’y avoir une pénurie d’emplois dans les prisons, si bien que les autorités pénitentiaires accueillent favorablement les emplois que proposent des entreprises privées. Les détenus ne sont pas forcés à travailler étant donné qu’il y a moins de possibilités d’emploi que de détenus souhaitant travailler. L’OIE et la BDA soulignent que l’emploi de détenus dans le secteur privé est compatible avec la convention. Des modalités permettant aux détenus de travailler pour le secteur privé doivent être trouvées afin qu’ils ne soient pas privés de possibilités de réinsertion professionnelle après leur libération.
La commission rappelle qu’elle a déjà estimé que le travail des détenus pour des entreprises privées peut être considéré comme compatible avec l’interdiction expresse de la convention. Pour cela, des garanties nécessaires doivent exister pour que les intéressés acceptent volontairement de travailler, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, en donnant formellement leur consentement libre et éclairé à tout travail réalisé au profit d’entreprises privées. Dans ce cas, le travail des détenus pour des entreprises privées ne relèverait pas de la convention, puisqu’il n’impliquerait pas de contrainte. La commission a estimé que, dans le contexte carcéral, l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, notamment en ce qui concerne le niveau de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), l’étendue de la sécurité sociale et l’application de la réglementation en matière de sécurité et santé au travail (voir étude d’ensemble de 2007 intitulée Eradiquer le travail forcé, paragr. 60). A cet égard, la commission renvoie à ses commentaires précédents sur le faible niveau de la rémunération des détenus dans des ateliers administrés par des entreprises privées.
La commission salue l’adoption dans les Länder du Brandebourg, de la Rhénanie-Palatinat, de la Sarre et de la Saxe de lois sur l’exécution des sanctions pénales en vertu desquelles un travail ne peut pas être affecté à un détenu dans des ateliers privés sans son consentement. La commission note que, dans les 12 autres Länder, le cadre législatif – les lois sur l’exécution des sanctions pénales récemment adoptées par des Etats fédéraux ou, en leur absence, la loi fédérale sur les prisons – prévoit l’obligation générale de travail pour les détenus, et, par conséquent, des détenus peuvent être affectés à un travail dans des ateliers administrés par une entreprise privée sans leur consentement formel. La commission note à cet égard que la proportion moyenne nationale de détenus travaillant dans des ateliers administrés par une entreprise s’accroît progressivement (12,57 pour cent en 2008; 14,94 pour cent en 2010; et 21,36 pour cent en 2013). Considérant que, comme l’a déclaré le gouvernement, d’une part, les détenus peuvent tirer un avantage de l’accomplissement d’un travail, en particulier dans la perspective de leur réinsertion et que, d’autre part, la demande de main-d’œuvre dépasse l’offre de main-d’œuvre, il ne devrait pas être difficile dans la pratique d’obtenir le consentement formel de détenus pour travailler dans des ateliers administrés par des entreprises privées. Par conséquent, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que, tant en droit que dans la pratique, les détenus ne peuvent être affectés à un travail dans des ateliers administrés par une entreprise privée à l’intérieur de la prison qu’avec leur consentement libre, formel et éclairé, et que ce consentement est attesté par des conditions d’emploi se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. La commission veut croire que le gouvernement sera en mesure de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard, et le prie de continuer à communiquer des informations sur le nombre de détenus travaillant dans des ateliers administrés par des entreprises à l’intérieur de prisons, sur le niveau des rémunérations versées à ces détenus, et sur leurs conditions d’emploi.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail des détenus au profit d’entreprises privées. Dans les commentaires qu’elle formule depuis de nombreuses années, la commission s’est référée à la situation des détenus qui, dans le pays, sont obligés, en droit et dans la pratique, de travailler sans leur consentement dans des ateliers administrés par des entreprises privées à l’intérieur des établissements pénitentiaires, dans des conditions qui ne sont pas comparables à celles du marché du travail libre. La commission a rappelé que le travail des détenus pour des entreprises privées peut être considéré comme compatible avec l’interdiction expresse de la convention uniquement s’il existe des garanties nécessaires pour que les intéressés acceptent volontairement de travailler, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, en donnant formellement leur consentement libre et éclairé à tout travail réalisé au profit d’entreprises privées. Dans ce cas, le travail des détenus pour des entités privées ne relèverait pas de la convention, puisqu’il n’impliquerait pas de contrainte. De plus, la commission a estimé que, dans le contexte carcéral, l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, notamment en matière de rémunération, de sécurité sociale et de sécurité et santé au travail. A cet égard, la commission a précédemment noté que l’exigence du consentement formel du détenu au travail dans un atelier géré par une entreprise privée, prévue à l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des sentences, a été suspendue par effet de la deuxième loi du 22 décembre 1981, visant à améliorer la structure budgétaire. La commission a par conséquent demandé au gouvernement de prendre des mesures pour qu’il soit exigé formellement des détenus un consentement libre et éclairé au travail effectué dans des ateliers administrés par des entreprises privées dans l’enceinte des établissements pénitentiaires.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’en septembre 2011 dix Etats fédéraux (Länder) (Brandebourg, Berlin, Brême, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Rhénanie-Palatinat, Schleswig-Holstein, Sarre, Saxe et Thuringe) ont présenté un modèle commun de projet de loi sur le système d’exécution des sanctions pénales, et ce modèle ne prévoit pas l’obligation de travailler des détenus. La commission accueille favorablement cette initiative et note que l’article 22(1) du modèle de projet de loi sur les systèmes d’exécution des sanctions pénales prévoit qu’un travail peut être affecté à un détenu à sa demande ou avec son consentement. La commission note toutefois la déclaration du gouvernement selon laquelle on ne sait pas encore dans quelle mesure cet aspect particulier du modèle de projet de loi sera suivi par le législateur dans les différents Länder. La commission note également l’indication du gouvernement selon laquelle, en 2010, 60,19 pour cent des détenus étaient employés et 14,94 pour cent l’étaient par des entreprises privées (ce pourcentage allant de moins de 1 pour cent à 22,6 pour cent selon le Land). Le gouvernement déclare que l’emploi des détenus contribue à leur réinsertion sociale et que les détenus ont besoin de la rémunération qui leur est octroyée pour payer leurs frais d’entretien, régler leurs dettes et acheter des articles pour leur usage personnel. De plus, la commission note que le gouvernement réaffirme qu’il continue d’y avoir une pénurie d’emplois dans les prisons et que les autorités pénitentiaires accueillent par conséquent favorablement les emplois proposés par des entreprises privées. Prenant bonne note de l’information fournie par le gouvernement, et se référant aux paragraphes 278 et 279 de son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales concernant les droits au travail, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour encourager l’adoption du modèle de projet de loi sur l’exécution des sanctions pénales dans les dix Länder concernés, et s’assurer que le travail des détenus dans des ateliers gérés par des entreprises privées ne peut être réalisé qu’avec leur consentement formel, libre et éclairé, et que ce consentement doit être obtenu sans aucune menace de sanction et authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Elle prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur tout fait nouveau à cet égard, et de transmettre une copie de projet de la législation pertinente adoptée par chaque Land sur la base de ce modèle de projet de loi. De plus, la commission exprime l’espoir que des mesures semblables seront bientôt prises dans les six Länder restants pour octroyer aux détenus qui travaillent pour des entreprises privées dans un établissement pénitentiaire un statut juridique et des conditions d’emploi qui soient en conformité avec la convention. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées en la matière.

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail des détenus au profit d’entreprises privées. Dans les commentaires qu’elle formule depuis de nombreuses années sur la législation et la pratique en Allemagne, la commission s’est référée à la situation des détenus obligés de travailler, sans leur consentement, dans des ateliers administrés par des entreprises privées à l’intérieur des établissements pénitentiaires, dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre. A de nombreuses reprises (voir notamment le paragraphe 109 et la note de bas de page 272 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé), la commission a souligné que la pratique de l’Allemagne en la matière correspond exactement à la description du «système de l’entreprise spéciale», dans lequel le travail des détenus est concédé à des entrepreneurs privés. Si les détenus restent à tout moment sous l’autorité et le contrôle de l’administration pénitentiaire, ils n’en sont pas moins «concédés» à une entreprise privée – pratique qui, en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, est incompatible avec cet instrument fondamental sur les droits de l’homme.
Renvoyant également aux explications qui figurent aux paragraphes 59, 60 et 114 à 120 de l’étude d’ensemble susmentionnée, la commission a rappelé que le travail de détenus pour des entreprises privées peut être considéré comme compatible avec l’interdiction expresse de la convention uniquement s’il existe des garanties nécessaires pour que les intéressés acceptent volontairement un emploi sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, en donnant formellement leur consentement libre et éclairé à tout travail réalisé au profit d’entreprises privées. Dans ce cas, le travail de détenus pour des entités privées ne relèverait pas de la convention, puisqu’il n’implique aucune contrainte. La commission a estimé que, dans le contexte carcéral, l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, notamment en matière de rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), de sécurité sociale, et de sécurité et santé au travail.
A cet égard, la commission a précédemment noté avec regret que l’exigence du consentement formel du détenu au travail dans un atelier géré par une entreprise privée, prévue à l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des sentences, était restée lettre morte, puisque l’entrée en vigueur de celle-ci avait été suspendue par effet de la deuxième loi du 22 décembre 1981 visant à améliorer la structure budgétaire. La commission note avec regret que, d’après le dernier rapport du gouvernement, aucune mesure n’a été prise pour que cette disposition entre en vigueur, et que les Länder ne sont pas prêts à élaborer une législation sur l’obligation d’obtenir le consentement des détenus concernés. Ni le gouvernement fédéral ni les Länder n’ont pris de mesures pour que les détenus participent aux régimes d’assurance-maladie et de pension de vieillesse, dans la mesure où la situation budgétaire des Länder n’a pas changé. Or la proportion de détenus qui travaillent pour des entreprises privées en Allemagne reste importante: le gouvernement indique que, sur l’ensemble du territoire fédéral, 12,57 pour cent en moyenne de l’ensemble des détenus travaillaient pour des entreprises privées en 2008 même si, pour les Länder, cette proportion varie de 3 à 19 pour cent. Le gouvernement déclare à nouveau qu’il existe une pénurie d’emplois dans les prisons, et que les autorités pénitentiaires s’efforcent en conséquence d’obtenir davantage d’emplois de la part des entreprises privées afin de faire baisser le niveau de chômage dans les établissements pénitentiaires.
Tout en prenant note de ces indications, la commission exprime à nouveau sa préoccupation devant le nombre important de détenus qui, en Allemagne, sont concédés à des entreprises privées qui utilisent leur travail sans avoir obtenu leur consentement, et dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre, ce qui constitue une violation de cette convention fondamentale sur les droits de l’homme. Tout en notant que, dans ses rapports, le gouvernement a indiqué à maintes reprises que la Cour constitutionnelle fédérale avait estimé que le travail obligatoire des détenus pour des entreprises privées était compatible avec la loi fondamentale, la commission souligne à nouveau, comme elle l’a expliqué plus haut, que la situation n’est conforme à la convention ni en droit ni en pratique.
Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, au niveau fédéral comme au niveau des Länder, afin que soit exigé formellement des prisonniers un consentement libre et éclairé au travail effectué dans des ateliers administrés par des entreprises privées dans l’enceinte des prisons, de telle sorte que ce consentement ne soit pas donné sous la menace d’une peine quelconque et qu’il soit authentifié par des conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre. A cet égard, la commission exprime le ferme espoir que la disposition prévoyant le consentement des détenus pour travailler dans des ateliers privés, figurant à l’article 41(3) de la loi de 1976 susmentionnée, sera enfin appliquée, de même que les dispositions concernant la participation des détenus au régime de pension de vieillesse prévues aux articles 191 et suivants de la même loi, et que le gouvernement sera bientôt en mesure d’indiquer des progrès réalisés à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail de détenus au profit d’entreprises privées. Dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années au sujet de la législation et de la pratique en Allemagne, la commission s’est référée à la situation de détenus travaillant au profit d’entreprises privées. Elle avait noté en particulier que, parmi ces détenus, on distingue deux catégories: a) ceux qui travaillent sur la base d’une relation d’emploi libre hors de l’institution pénitentiaire; b) ceux qui sont tenus de travailler, sans leur consentement, dans des ateliers gérés par des entreprises privées à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, et ce dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre. La commission avait souligné que cette dernière situation est incompatible avec l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, qui interdit expressément que les détenus soient concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Elle avait aussi noté avec regret que la condition du consentement formel du prisonnier avant d’être employé dans un atelier géré par une entreprise privée, prévue à l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des sentences, est restée lettre morte puisque l’entrée en vigueur de celle-ci a été suspendue par effet de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire du 22 décembre 1981.

La commission note que, d’après l’indication du gouvernement dans ses rapports reçus en 2006 et 2008, lorsque le travail est effectué au profit de compagnies privées dans les prisons, seul le matériel de travail est amené dans la prison par les compagnies considérées alors qu’il appartient au seul personnel pénitentiaire de surveiller les détenus concernés. La commission rappelle à ce propos que le travail ou le service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si deux conditions sont réunies: à savoir que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques, et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Le fait que les détenus demeurent en permanence sous l’autorité et le contrôle de l’administration pénitentiaire n’enlève rien au fait qu’ils sont «concédés» à une entreprise privée, pratique désignée à l’article 2, paragraphe 2 c), comme étant incompatible avec cet instrument fondamental des droits de l’homme.

Se référant aux explications présentées aux paragraphes 59-60 et 114-120 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, la commission souligne à nouveau que le travail de détenus pour des compagnies privées ne peut être considéré comme compatible avec l’interdiction explicite de la convention que si les garanties nécessaires existent pour s’assurer que les prisonniers acceptent de travailler volontairement, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, comme l’exige l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Dans ces circonstances, le travail des prisonniers pour des entreprises privées ne relève pas du champ d’application de la convention, dans la mesure où aucune contrainte n’est exercée. La commission a considéré que, compte tenu du caractère captif de cette main-d’œuvre, le consentement formel des détenus à travailler pour le compte d’entreprises privées, à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons, est nécessaire. De plus, dans la mesure où ce consentement est exprimé dans un contexte de privation de liberté et sans véritable alternative, certains facteurs sont nécessaires pour authentifier l’expression d’un consentement libre et éclairé. La commission rappelle que l’indicateur le plus fiable du caractère volontaire du travail est que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, tant sur le plan de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles) que sur celui de la sécurité sociale et de la sécurité et santé au travail. Par ailleurs, pour déterminer si le consentement est donné de manière libre et éclairée, d’autres facteurs peuvent également être pris en considération comme des éléments objectifs et des avantages quantifiables dont le prisonnier bénéficie en réalisant le travail (ces avantages peuvent comprendre l’acquisition de nouvelles compétences que le prisonnier pourra utiliser une fois libéré; la possibilité de continuer le travail du même type après sa libération; ou la possibilité de travailler en groupe dans un environnement contrôlé permettant au prisonnier de développer sa capacité de travailler en équipe).

La commission note avec regret que le gouvernement déclare dans ses rapports reçus en 2006 et 2008, que, compte tenu de la situation économique générale en Allemagne, le gouvernement fédéral n’a pas encore pris de mesures pour appliquer la disposition relative au consentement des prisonniers pour travailler dans des ateliers privés, comme prévu à l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des sentences, ni toute autre mesure pour relever la rémunération des prisonniers ou inclure ces derniers dans le régime des pensions.

La commission note, d’après l’indication du gouvernement dans son dernier rapport, qu’à l’échelle de l’ensemble du territoire fédéral une moyenne de 11,61 pour cent des détenus ont travaillé pour des entreprises privées en 2006, les chiffres s’échelonnant dans les Länder entre 2 et 20 pour cent. Le gouvernement indique que la situation du travail dans les prisons se caractérise par une pénurie d’emplois et que les autorités pénitentiaires s’efforcent en conséquence d’augmenter la présence des compagnies privées dans les prisons afin de réduire le nombre de prisonniers sans activité. Pour ce qui est des salaires touchés par les prisonniers qui travaillent dans des ateliers privés, la commission avait précédemment noté le point de vue du gouvernement selon lequel le niveau actuel de rémunération des détenus est toujours insuffisant et que, en dépit d’une décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 24 mars 2002, qui actuellement empêche toute initiative visant à relever les rémunérations des détenus, le gouvernement reste résolu à faire prévaloir son point de vue et maintient un contrôle étroit sur la situation budgétaire des Länder. Le gouvernement avait également exprimé son intention de poursuivre ses efforts en vue d’étendre aux prisonniers l’application du régime public des pensions. En ce qui concerne les conditions de travail des prisonniers au profit d’entreprises privées, la commission avait noté, d’après les rapports du gouvernement, que la durée de leur travail correspondait en règle générale à la semaine de travail en vigueur dans le secteur public et que les dispositions légales relatives à la sécurité et à la santé ainsi qu’à la prévention des accidents étaient pleinement appliquées.

Tout en prenant dûment note de ces informations, la commission réitère sa préoccupation au sujet du fait que, plus de cinquante ans après la ratification de cette convention fondamentale touchant aux droits de l’homme, il y a toujours en Allemagne une proportion importante de détenus travaillant au profit d’entreprises privées et qui se trouvent concédés, sans leur consentement, à ceux qui utilisent leur travail, et ce dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre. Tout en notant que le gouvernement réitère dans son dernier rapport que la Cour constitutionnelle fédérale a décidé que le travail obligatoire des prisonniers au profit de compagnies privées est compatible avec la loi fondamentale, la commission souligne à nouveau, comme expliqué ci-dessus, que la situation tant en droit qu’en pratique n’est toujours pas conforme à la convention.

Notant que le gouvernement considère dans ses rapports que le travail réalisé par les prisonniers au profit de compagnies privées devrait se rapprocher le plus possible des conditions normales de travail – de manière à faciliter la réinsertion des prisonniers dans la vie active –, la commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront enfin prises tant au niveau fédéral qu’au niveau des Länder pour s’assurer qu’un consentement libre et éclairé est exigé des détenus pour travailler dans des ateliers privés à l’intérieur de la prison et que ce consentement est exempt de menace d’une peine quelconque et authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre ainsi que par les autres facteurs objectifs et quantifiables susmentionnés. La commission espère, en particulier, que la disposition exigeant le consentement des prisonniers pour travailler dans des ateliers privés, contenue à l’article 41(3) de la loi de 1976 susvisée, sera enfin mise en œuvre, de même que les dispositions concernant la participation des détenus au régime de pension de vieillesse, prévues à l’article 191 et suivants de la même loi, et que le gouvernement sera bientôt en mesure d’indiquer les progrès réalisés à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

La commission a pris note de la réponse du gouvernement à ses précédents commentaires.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail de détenus pour des entreprises privées. 1. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté avec préoccupation qu’en Allemagne on distingue deux catégories parmi les détenus travaillant pour des entreprises privées: a) ceux qui travaillent sur la base d’une relation d’emploi libre hors de l’institution pénitentiaire; b) ceux qui sont tenus de travailler, sans leur consentement, dans des ateliers gérés par des entreprises privées à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, et ce dans des conditions qui n’ont rien à voir avec celles du marché du travail libre.

2. La commission rappelle que, pour être compatible avec l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, qui interdit expressément que des personnes condamnées soient concédées ou mises à la disposition de compagnies privées, le travail effectué par des détenus pour des entreprises privées doit l’être dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation d’emploi libre: ce qui implique nécessairement le consentement formel de la personne concernée ainsi que certaines garanties et sauvegardes couvrant les éléments essentiels qui caractérisent une relation de travail libre, comme le salaire et la sécurité sociale, etc. (voir paragr. 119 et 128 à 143 de la partie générale du rapport de la commission à la 89e session de la Conférence internationale du Travail, 2001).

3. Comme la commission l’a déjà fait observer, si les conditions d’une relation d’emploi libre sont satisfaites en ce qui concerne les détenus de la première catégorie visée ci-dessus (ceux qui travaillent à l’extérieur), de telles conditions ne sont pas encore satisfaites en ce qui concerne ceux de la deuxième catégorie, qui accomplissent un travail obligatoire dans un atelier géré par une entreprise privée à l’intérieur de la prison, pratique toujours courante, prévue par la législation nationale.

Travail obligatoire des détenus dans un atelier à gestion privée. 

4. Dans des commentaires qu’elle formule depuis de nombreuses années à propos de la législation et de la pratique de l’Allemagne, la commission a fait observer que, contrairement à ce que prévoit la convention, des détenus sont concédés ou mis à la disposition d’entreprises privées. Le fait que les détenus demeurent en permanence sous l’autorité et le contrôle de l’administration de la prison n’enlève rien au fait qu’ils sont «concédés» à une entreprise privée, pratique désignée à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention comme étant incompatible avec cet instrument fondamental des droits de l’homme. A cet égard, la commission a noté avec regret que la disposition qui devait imposer que le détenu donne formellement son consentement avant d’être employé dans un atelier géré par une entreprise privée, à savoir l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des peines, est restée lettre morte puisque son entrée en vigueur a été suspendue par effet de la «deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire» du 22 décembre 1981.

5. S’agissant des salaires perçus par les détenus travaillant dans les ateliers privés, la commission avait noté qu’en 2001 le salaire de référence avait été porté à 9 pour cent du salaire moyen des affiliés au système de pensions des ouvriers et employés. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement reste d’avis qu’en Allemagne le niveau actuel de rémunération des détenus est toujours insuffisant. Le gouvernement indique qu’en dépit d’une décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 24 mars 2002, qui actuellement empêche toute initiative d’ordre politique qui viserait à relever les rémunérations des détenus, et malgré la marge de manœuvre limitée des Länder en matière financière, il reste résolu à faire prévaloir son point de vue et maintient un contrôle étroit sur la situation budgétaire des Länder. Toujours d’après son rapport, le gouvernement entend également poursuivre ses efforts tendant à ce que le régime public de pensions s’étende aux détenus.

6. La commission note que le rapport mentionne une étude sur le travail pénitentiaire menée par le gouvernement au niveau des Länder. Cette étude fait ressortir la persistance d’une pénurie des emplois offerts aux détenus: en 2002, 40 à 60 pour cent d’entre eux seulement ont eu accès à un travail ou à une formation professionnelle et, dans leur majorité, ces détenus actifs étaient employés dans des ateliers gérés par l’institution pénitentiaire et non par des personnes morales privées; ils étaient environ 20 pour cent à travailler pour des entreprises privées à l’extérieur de la prison sur la base d’une relation d’emploi libre et environ 8,2 pour cent à travailler dans des ateliers gérés par des personnes morales privées à l’intérieur de la prison. Toujours selon cette étude, la durée du travail correspondait en règle générale à la semaine de travail en vigueur dans le secteur public, et les dispositions réglementaires relatives à la sécurité et à la santé ainsi qu’à la prévention des accidents étaient applicables sans restriction.

7. Tout en prenant dûment note de ces informations, la commission réitère sa préoccupation face au fait que, près de cinquante ans après la ratification de cette convention fondamentale touchant aux droits de l’homme, il y a toujours en Allemagne une proportion importante de détenus travaillant pour des entreprises privées qui se trouvent concédés, sans leur consentement, à ceux qui utilisent leur travail, et ce à des conditions sans commune mesure avec celles du marché du travail libre. La commission exprime donc le ferme espoir que les mesures nécessaires seront finalement prises pour mettre en vigueur la disposition imposant que les détenus donnent formellement leur consentement avant d’être employés dans un atelier géré par une entreprise privée, comme le prévoit déjà l’article 41(3) de la loi de 1976 mentionnée ci-dessus, ainsi que les dispositions relatives à leur contribution à une caisse de pensions de retraite, comme prévu aux articles 191 et suivants de la même loi, et que leur rémunération soit portée à un niveau comparable à celui d’une relation d’emploi libre.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

A la suite de son observation précédente, la commission a pris note du rapport du gouvernement et de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 2002 sur l’application de la convention en Allemagne.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail de prisonniers pour des entreprises privées

1. La commission rappelle qu’aux termes de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention le travail pénitentiaire obligatoire n’est pas exclu du champ d’application de la convention lorsqu’un prisonnier est concédéà une entreprise privée. Dans son observation précédente, la commission a noté avec préoccupation que les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées en Allemagne se divisent en deux catégories. Certains bénéficient de tous les avantages d’une relation de travail libre, tandis que d’autres sont concédés à des entreprises qui exploitent leur travail sans leur consentement et dans des conditions qui n’ont rien à voir avec celles du marché du travail libre.

2. La commission note la déclaration d’un représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en 2002, indiquant qu’en 1929-30, lors de l’élaboration de la convention, le travail pénitentiaire était généralement perçu comme faisant partie de la punition et devait ainsi s’effectuer dans des conditions difficiles; qu’il avait été tenu compte de ce point de vue fondamental, qui prévalait à l’époque, dans l’élaboration de la convention; qu’aujourd’hui, la question de la réinsertion des prisonniers par le travail prévaut dans la plupart des pays; et qu’une conclusion possible à tirer, à la lumière de la convention, serait qu’il faut considérer égaux les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées et les travailleurs en liberté.

A. Emploi privé dans le cadre d’une relation de travail libre

3. La commission rappelle les informations fournies par le gouvernement dans son rapport précédent, indiquant que: les autorités pénitentiaires sont tenues de promouvoir les relations de travail libres; une telle relation ne peut être conclue qu’à la demande du prisonnier; le prisonnier bénéficie d’un contrat de travail normal, est soumis aux mêmes dispositions législatives que les travailleurs et les apprentis libres, perçoit un salaire fixé par convention collective et bénéficie de la sécurité sociale (retraite, santé, accident et chômage) au même titre que les travailleurs en liberté. Une contribution aux frais de détention peut être prélevée, dont le montant est fonction de la catégorie de logement et de nourriture, mais ne peut dépasser une somme qui, en 2000, s’élevait à l’équivalent de 337,55 euros. Dans son dernier rapport, le gouvernement ajoute que la signification attachée à la semi-liberté par certains Länder pour que des relations de travail libres puissent être conclues s’est traduite, en 1999, par un total de 21 395 cas de semi-liberté parmi les quelque 50 000 prisonniers du système pénitentiaire fédéral allemand.

4. La commission note ces indications avec intérêt. Cependant, les conditions d’une relation de travail libre ne s’appliquent pas encore à la deuxième forme d’emploi privé de la main-d’œuvre pénitentiaire qui est toujours pratiquée en vertu de la législation nationale, comme rappelé ci-après.

B. Travail obligatoire dans un atelier géré par une entreprise privée

5. Dans des commentaires formulés depuis de très nombreuses années, la commission a noté qu’en vertu de la législation en vigueur des prisonniers peuvent être obligés à travailler dans des ateliers gérés par des entreprises privées au sein des prisons de l’Etat, comme décrit déjà dans le mémoire du BIT de 1931. Le fait que les prisonniers - aujourd’hui comme à l’époque - demeurent en permanence sous l’autorité et le contrôle de l’administration de la prison n’empêche pas le fait qu’ils sont «concédés»à une entreprise privée, pratique désignée à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention comme étant incompatible avec cet instrument fondamental des droits de l’homme.

6. La commission note avec regret que l’article 41, alinéa 3, de la loi du 13 mars 1976 sur l’exécution des peines, aux termes duquel l’emploi dans un atelier géré par une entreprise privée sera subordonné au consentement du prisonnier, est restéà ce jour lettre morte. En effet, son entrée en vigueur a été suspendue par la «deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire» du 22 décembre 1981.

7. D’autres dispositions de la loi sur l’exécution des peines devaient progressivement élever les conditions d’emploi des prisonniers, y compris ceux qui travaillent dans des ateliers privés, pour les rapprocher de celles d’une relation de travail libre. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique qu’il a tenté, lors des 8e, 9e et 10e périodes législatives du Parlement fédéral, de mettre en vigueur les dispositions sur l’inclusion des prisonniers dans le système d’assurance des pensions, mais que ces tentatives ont échoué devant la résistance du Conseil fédéral. Il en ressort que, depuis la fin de la 10e période législative en 1987, il n’y a plus eu de tentative de rétablir, en aucune partie de l’Allemagne, la couverture en matière de sécurité sociale - couverture qui avait déjàété effectivement étendue aux prisonniers par une législation de la Prusse mentionnée dans le mémoire du BIT de 1931 sur le travail pénitentiaire.

8. En ce qui concerne la rémunération des prisonniers qui travaillent dans des ateliers privés, la commission a noté précédemment que la loi de 1976 sur l’exécution des peines a reconnu à tous les prisonniers le droit à un salaire mais en a fixé le taux standard initial à 5 pour cent seulement du salaire moyen des ouvriers et employés couverts par l’assurance vieillesse. Une première majoration de ce taux devait être envisagée le 31 décembre 1980 mais n’a été adoptée que depuis que la Cour constitutionnelle a jugé le niveau existant de la rémunération des prisonniers incompatible avec le principe de réinsertion et a demandé au législateur d’adopter de nouvelles règles d’ici le 31 décembre 2000 au plus tard. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle, au 1er janvier 2001, la rémunération standard des prisonniers a été portée à 9 pour cent du salaire moyen (en 1999) des affiliés au système de pensions des travailleurs et employés. En outre, six jours de congé ont été ajoutés par année de travail. La commission note que le gouvernement considère également que cela n’est pas suffisant et que le projet de législation devant porter le salaire standard à 15 pour cent de la base de référence n’a pu être adopté en raison de la résistance des Länder. Le gouvernement s’efforce toutefois toujours de parvenir à un accord avec les Länder sur cette question.

9. La commission note également qu’à la Commission de la Conférence les membres employeurs ont estimé, concernant les conditions d’emploi, que les employeurs privés sont contraints d’accepter les prisonniers disponibles sans tenir compte de leurs qualifications et de leur productivité, et que ces contraintes doivent être compensées par le niveau d’assurance sociale et des salaires. Toutefois, la commission considère que cet élément n’a pas d’incidence sur le système à l’examen puisqu’il n’y a pas de lien entre le niveau des paiements contractuels faits par une entreprise aux autorités pénitentiaires, pour le travail des prisonniers qui lui sont concédés, et le montant incomparablement inférieur, fixé par la loi, que les autorités pénitentiaires versent aux prisonniers. En outre, cette dernière rémunération peut encore être réduite en fonction du rendement: aux termes de l’article 45, alinéa 2, de la loi sur l’exécution des peines, elle peut tomber en dessous de 75 pour cent de la rémunération standard - c’est-à-dire en dessous de 6,75 pour cent du salaire moyen des travailleurs libres - si la performance du prisonnier ne répond pas aux exigences minimales.

10. Se référant au fait que les salaires, payés par les entreprises privées aux autorités pénitentiaires au niveau fixé par convention collective, ne sont versés aux prisonniers que dans les limites de leur rémunération fixée par la loi (à 9 pour cent de la moyenne générale), le surplus, allant au budget judiciaire, le gouvernement déclare dans son rapport que cela est justifié parce que le niveau des salaires des prisonniers (excepté ceux bénéficiant d’une relation de travail libre) est fixé par la loi, et parce qu’une rémunération considérablement plus élevée des prisonniers qui, plus ou moins par hasard, travaillent pour des entreprises privées plutôt que dans des ateliers de l’institution n’est pas justifiée. La commission doit relever que les prisonniers travaillant dans le cadre d’une relation d’emploi libre perçoivent un salaire normal et contribuent à leurs frais de détention dans la mesure raisonnable mentionnée au paragraphe 5 ci-dessus. De telles relations d’emploi libres sont compatibles avec la convention, alors que la concession de prisonniers astreints au travail dans des entreprises privées est spécifiquement interdite par l’article 2, paragraphe 2 c). Aussi, l’état actuel de la législation nationale n’est pas une justification pour le non-respect de la convention, ratifiée en 1956. Enfin, si la convention ne prévoit pas le niveau de rémunération dans des ateliers de l’Etat, elle n’est pas non plus un obstacle à l’alignement de ce niveau de rémunération sur le secteur privé.

11. La commission a noté les assurances données par le représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en 2002 selon lesquelles il attendait avec impatience les commentaires de la présente commission qui seront un élément déterminant avant toute nouvelle modification de la loi sur l’exécution des peines. L’adoption de ces modifications prendra cependant du temps en raison du système fédéral du pays. La commission veut donc croire que les dispositions exigeant le consentement du prisonnier au travail dans des ateliers privés, déjà prévues à l’article 41, alinéa 3, de la loi de 1976, pourront enfin entrer en vigueur, de même que celles prévoyant l’affiliation à l’assurance vieillesse, selon les articles 191 et suivants de la loi de 1976 et conformément à une législation étatique bien antérieure; et qu’en ce qui concerne les salaires et déductions pour frais de détention, le sort des prisonniers travaillant dans des ateliers privés sera également aligné sur celui des prisonniers travaillant déjà dans une relation de travail libre. La commission espère recevoir des informations sur les démarches concrètes entreprises vers ces changements.

Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

Se référant à ses observations antérieures sur l’application de la convention en Allemagne, la commission note la réponse du gouvernement à son observation générale de 1998.

Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention.
Travail de prisonniers pour des entreprises privées

1. La commission note l’indication fournie par le gouvernement dans son rapport, selon laquelle il n’existe dans le pays aucun établissement pénitentiaire qui soit globalement administré par une entreprise commerciale ou autre, et qu’une telle pratique serait contraire à la Constitution nationale. Selon le rapport du gouvernement, il y a deux cas dans lesquels les prisonniers peuvent travailler pour des entreprises privées: a) emploi à l’extérieur dans le cadre d’une relation d’emploi libre («Freigang»); b) travail obligatoire dans un atelier géré par une entreprise privée.

A.  Emploi à l’extérieur dans le cadre d’une relation d’emploi libre

2. En vertu de l’article 39(1) de la loi sur l’exécution des peines:

Le prisonnier est autoriséà travailler ou à suivre des cours de perfectionnement professionnel sur la base d’une relation d’emploi libre à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire, si cela vise la transmission, la préservation ou l’amélioration d’aptitudes permettant d’exercer une activité lucrative après la libération, sans préjudice des conditions impératives de l’exécution de la peine.

Dans son rapport, le gouvernement indique que: les autorités pénitentiaires sont tenues de promouvoir les relations d’emploi libre; une telle relation ne peut être conclue qu’à la demande du prisonnier; le prisonnier est au bénéfice d’un contrat de travail normal, est soumis aux mêmes dispositions législatives que les travailleurs et les apprentis libres, perçoit un salaire fixé par convention collective et bénéficie de la sécurité sociale (retraite, santé, accident et chômage) au même titre que les travailleurs en liberté. Une contribution aux frais de détention peut être prélevée, dont le montant est fonction de la catégorie de logement et de nourriture et, à l’heure actuelle, ne peut dépasser 660,20 DM.

3. La commission prend note avec intérêt de ces indications qui reflètent exactement le cas de figure décrit par la commission au paragraphe 97 de son étude d’ensemble de 1979, c’est-à-dire un système d’emploi privé des prisonniers qui ne tombe pas sous le coup des dispositions de la convention. Toutefois, les conditions d’une relation d’emploi libre ne s’appliquent pas à la deuxième forme de travail pénitentiaire pour le compte d’une entreprise privée, qui est encore pratiquée en vertu de la législation nationale, comme rappelé ci-après.

B.  Travail obligatoire dans un atelier
  géré par une entreprise privée

4. Dans des commentaires formulés depuis de très nombreuses années, la commission a noté qu’en vertu de la législation en vigueur des prisonniers peuvent être obligés à travailler dans des ateliers gérés par des entreprises privées au sein des prisons de l’Etat. Comme l’a fait observer la commission l’année dernière aux paragraphes 96 et 100 de son rapport général, la pratique actuelle en Allemagne à cet égard correspond exactement à la description faite dans le mémoire du BIT de 1931 du «système de l’entreprise spéciale», dans le cadre duquel le travail des prisonniers est concédéà des entreprises privées. Le fait que les prisonniers demeurent en tout temps sous l’autorité et le contrôle de l’administration de la prison n’empêche pas le fait qu’ils sont «concédés»à une entreprise privée, pratique désignée à l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 2 de la convention comme étant incompatible avec cet instrument fondamental des droits de la personne humaine.

5. En 1978, la commission avait pris note avec intérêt de l’adoption de la loi du 13 mars 1976 sur l’exécution des peines. En vertu de l’article 41(3) de cette loi, l’emploi dans un atelier géré par une entreprise privée est subordonné au consentement du prisonnier, consentement que celui-ci peut retirer par la suite, moyennant un préavis de six semaines, si aucun autre prisonnier ne peut le remplacer plus tôt. Toutefois, l’exigence du consentement, prévue à l’article 41(3), qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1982, a été suspendue par la «deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire» du 22 décembre 1981 et est depuis restée lettre morte.

6. D’autres dispositions de la loi sur l’exécution des peines devaient progressivement élever les conditions d’emploi des prisonniers, y compris ceux qui travaillent dans des ateliers privés, par rapport au niveau de celles d’une relation de travail libre. Ainsi, les articles 191 à 193 de la loi prévoient l’admission des prisonniers au bénéfice de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse, et depuis 1979 le gouvernement indique qu’un projet de loi sur ce sujet est à l’étude. Cependant, bien que les prisonniers aient déjàété effectivement inclus dans le système de sécurité sociale aux termes d’une législation de la Prusse mentionnée dans le mémoire du BIT de 1931 sur le travail pénitentiaire, des dispositions à cet effet ne sont actuellement en vigueur dans aucune partie de l’Allemagne.

7. En ce qui concerne la rémunération des prisonniers qui travaillent dans des ateliers privés, la loi de 1976 sur l’exécution des peines a reconnu à tous les prisonniers le droit à un salaire mais en a fixé le taux initial à 5 pour cent seulement du salaire moyen des ouvriers et employés au bénéfice de l’assurance vieillesse, et une première majoration de ce taux devait être envisagée le 31 décembre 1980.

Plus de vingt ans plus tard, le taux de rémunération s’établit toujours à 5 pour cent du salaire moyen, voire moins: en vertu de l’article 45, paragraphe 2, de la loi, «la rémunération peut être fixée en fonction d’un barème progressif, selon la qualité du travail du prisonnier et la nature des tâches qui lui sont confiées. Moins de 75 pour cent de la rémunération de référence [c’est-à-dire moins de 3,75 pour cent du salaire moyen des travailleurs libres] peuvent être versés uniquement si la performance du prisonnier ne répond pas aux exigences minimales.»

8. Dans son observation précédente, la commission avait pris note d’une décision rendue par la Cour constitutionnelle le 1er juillet 1998, qui avait jugé le taux actuel de rémunération des prisonniers incompatible avec le principe de réhabilitation et instruit le législateur de fixer à cet égard, avant le 31 décembre 2000, de nouvelles règles conformes à la Constitution. Selon le rapport du gouvernement reçu en octobre 2000, le gouvernement avait alors l’intention de présenter prochainement un projet de loi au Parlement. Or aucun changement du taux de rémunération ne semble avoir été introduit dans la législation au 31 décembre 2000 ni signalé par la suite.

9. La commission note avec préoccupation que quarante-cinq ans après la ratification de cette convention fondamentale en matière de droits de la personne humaine les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées en Allemagne se divisent en deux catégories, certains bénéficiant de tous les avantages d’une relation de travail libre tandis que les autres sont concédés à des entreprises qui exploitent leur travail sans leur consentement et dans des conditions qui n’ont rien à voir avec celles du marché du travail libre. La commission doit à nouveau exprimer l’espoir que le gouvernement prendra enfin les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique à cet égard en conformité avec l’article 1, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 2, paragraphes 1 et 2 c),de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

La commission prend note du rapport du gouvernement et de la décision rendue par la Cour constitutionnelle fédérale le 1er juillet 1998.

Dans sa dernière observation, la commission a relevé que l'article 41 3) de la loi de 1976 sur l'exécution des peines, qui exige le consentement formel de la personne concernée à être employée dans un atelier entretenu par une entreprise privée, n'était pas entré en vigueur, qu'aucune mesure n'a été prise pour mettre en oeuvre les dispositions figurant à l'article 198 3) de la loi de 1976 visant à intégrer les détenus dans les régimes d'assurance maladie et vieillesse et que leurs salaires étaient restés fixés à 5 pour cent de la moyenne nationale au cours des vingt dernières années.

La commission note que le rapport du gouvernement se réfère à une décision de la Cour constitutionnelle du 1er juillet 1998. D'après le gouvernement, cette décision, en ce qui concerne l'article 41 de la loi en question, a établi que l'application en est limitée à l'exécution d'un travail accompli sous la responsabilité des autorités pénitentiaires publiques. Le gouvernement a également affirmé que le jugement du tribunal confirme le point de vue du gouvernement que l'emploi de prisonniers par des entreprises privées, gérées par les établissements pénitentiaires, ne constitue pas du travail forcé. Le gouvernement déclare que le législateur allemand a aussi partagé les vues du gouvernement et refusé expressément de mettre en vigueur l'article 41 3). Le gouvernement a également indiqué que le jugement établit que, si l'article 200 1) de la même loi portant sur le niveau de rémunération des prisonniers en rapport avec l'article 43 est incompatible avec certains principes de réhabilitation, la disposition continuerait néanmoins à être appliquée. Le jugement a cependant donné instruction au législateur de préparer une nouvelle réglementation à cet égard. Le gouvernement a manifesté son intention d'examiner, conjointement avec les gouvernements des Länder, les conclusions à tirer du jugement de la Cour constitutionnelle; il a déclaré qu'il donnera des informations à ce sujet dans son prochain rapport.

Tout en notant cette information, la commission attire l'attention du gouvernement sur le paragraphe 118 de son rapport général de 1998 qui souligne que les dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention ne sont pas conditionnées par l'existence d'un type déterminé de relation juridique. Par conséquent, elles ne se limitent pas aux situations dans lesquelles une relation juridique est créée entre le détenu et l'entreprise privée; au contraire, elles couvrent également les situations dans lesquelles il n'existe pas de telle relation juridique et où le détenu n'a de relation directe qu'avec les autorités pénitentiaires. La commission estime que le consentement libre du détenu à travailler pour un employeur privé est l'une des deux conditions requises pour respecter l'interdiction prévue dans la convention de concéder des détenus ou de les mettre à la disposition d'employeurs privés. Comme la commission l'a indiqué auparavant, ce n'est que lorsqu'il s'accomplit volontairement et dans des conditions garantissant un salaire normal, la sécurité sociale, etc. que le travail pour des sociétés privées peut être considéré comme compatible avec les dispositions expresses de l'article 1, paragraphe 1; et de l'article 2, paragraphes 1 et 2 c); cela exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé.

La commission prend dûment note de la déclaration du gouvernement et elle espère que ce dernier, lors de l'étude des conséquences de la décision de la Cour constitutionnelle, prendra en considération les exigences de la convention, tout comme les observations de la commission et les commentaires dans les paragraphes 97 à 101 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé et qu'il fera état de ses réflexions à ce sujet dans son prochain rapport.

Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport reçu le 6 août 1996 sur l'application de la convention. Elle a également pris note d'une demande adressée le 24 avril 1996 par la deuxième Chambre de la Cour constitutionnelle fédérale, par laquelle la commission était priée d'expliquer en détail pourquoi le travail obligatoire des détenus, pour un salaire d'environ 1,50 DM par jour, sans leur consentement, dans des ateliers que des entreprises privées font fonctionner à l'intérieur des prisons, constituait une infraction à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention.

La commission rappelle qu'en vertu de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail ou service exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire ne se situe en dehors du champ d'application de la convention qu'à la double condition que "ledit travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". Donc, le seul fait que le prisonnier reste en permanence sous la surveillance et le contrôle d'autorités publiques ne dispense pas, en soi, de remplir la seconde condition, à savoir que l'individu ne doit pas être "concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées".

Sur ce dernier point, la commission avait relevé, dans les commentaires qu'elle avait adressés au gouvernement de la République fédérale d'Allemagne en 1974, une décision de justice nationale selon laquelle, compte tenu, d'une part, de la réglementation complète des conditions de travail entre l'institution pénale et l'employeur et, d'autre part, des droits étendus d'ingérence et de disposition réservés à cette institution, il n'y avait pas de "mise à disposition" du prisonnier au sens de l'article 2, paragraphe 2 c), puisque l'entreprise n'était pas autorisée à "disposer des prisonniers ni à traiter avec eux de sa propre autorité". Dans son commentaire, la commission soulignait que les dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), ne sont pas limitées au cas où un lien juridique s'établit entre le prisonnier et l'entreprise, mais couvrent également les situations où un tel lien juridique n'existe pas. En outre, l'article 2, paragraphe 2 c), n'établit aucune distinction entre le travail à l'extérieur et le travail à l'intérieur de la prison.

Il convient enfin de noter que l'interdiction définie à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention n'est pas limitée à la seule notion de "mise à disposition", mais couvre spécifiquement le fait de "concéder" un prisonnier à des particuliers, compagnies ou personnes morales privées. De l'avis de la commission, un prisonnier est précisément "concédé" à une entreprise lorsqu'il n'y a pas de relation contractuelle entre les deux, alors qu'un contrat existe entre l'entreprise et l'institution pénale en vertu duquel l'institution pénale reçoit le prix de la main-d'oeuvre qu'elle fournit à l'entreprise. Il est significatif que les sommes payées aux institutions pénales en vertu de tels contrats correspondent à la valeur marchande de la main-d'oeuvre et sont sans rapport avec les salaires des prisonniers, versés par l'institution pénale et fixés en Allemagne par la loi à 5 pour cent du salaire moyen national.

Alors que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit formellement que des prisonniers soient concédés ou mis à la disposition d'entreprises privées, la commission a accepté, pour les raisons énoncées aux paragraphes 97 à 101 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, que les régimes existant dans certains pays, en vertu desquels les prisonniers peuvent, en particulier pendant la période précédant leur libération, entrer librement dans une relation de travail normale avec des employeurs privés, se situent hors du champ d'application de la convention. Comme la commission l'a indiqué à maintes reprises, seul le travail effectué dans le cadre d'une relation libre d'emploi peut être jugé compatible avec l'interdiction expresse visée à l'article 2, paragraphe 2 c); cela exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé et, compte tenu des circonstances de ce consentement, c'est-à-dire l'obligation fondamentale de travailler en prison ainsi que d'autres entraves à la liberté du prisonnier de prendre un emploi normal, il doit y avoir des garanties supplémentaires couvrant les éléments essentiels d'une relation de travail, tels qu'un niveau de salaire et une couverture de sécurité sociale correspondant à une relation de travail libre, pour que l'emploi échappe au champ d'application de l'article 2, paragraphe 2 c), qui interdit de façon inconditionnelle que des personnes soumises à l'obligation du travail pénitentiaire soient concédées ou mises à la disposition d'entreprises privées.

Dans les observations qu'elle formule depuis de nombreuses années sur le droit et la pratique en Allemagne, la commission a relevé que, en contradiction avec la convention, des prisonniers sont concédés à des entreprises privées ou mis à leur disposition et que les dispositions de la loi sur l'application des peines, adoptée en 1976, qui devaient rapprocher la pratique de la convention, n'ont pas été mises en vigueur. Ainsi, l'exigence du consentement formel du prisonnier à être employé dans un atelier entretenu par une entreprise privée, énoncée à l'article 41 3) de la loi de 1976, qui devait entrer en vigueur au 1er janvier 1982, a été suspendue par l'article 22 de la seconde loi destinée à améliorer la structure du budget, du 22 décembre 1981; la loi de 1976 reconnaît également le droit des prisonniers à un salaire, mais il n'a pas été donné effet à une disposition prévoyant des augmentations au-delà du niveau initialement fixé à 5 pour cent du salaire moyen national des salariés et employés salariés; enfin, la législation qui devait étendre le système d'assurance maladie et d'assurance vieillesse au travail en prison n'a pas été adoptée.

La commission note avec intérêt, dans le dernier rapport du gouvernement, qu'un projet de quatrième loi portant amendement de la loi sur l'exécution des peines, publié par le ministère de la Justice le 10 avril 1996, prévoit l'entrée en vigueur de la disposition suspendue de l'article 41 3) de la loi de 1976 qui exige le consentement formel du prisonnier à être employé dans un atelier entretenu par une entreprise privée. Elle note que le projet doit être soumis au Parlement avant la fin de l'année, si le Cabinet fédéral donne son accord.

La commission note également qu'un autre projet de loi, mentionné par le gouvernement dans son précédent rapport, qui visait à réglementer l'exécution des peines infligées à de jeunes délinquants et prévoyait en son article 42, paragraphe 2, le consentement formel des jeunes prisonniers à être employés dans des ateliers entretenus par des entreprises privées, s'est heurté à des désaccords sur des aspects fondamentaux, mais que le gouvernement continue à le promouvoir.

La commission espère que le gouvernement sera bientôt en mesure d'annoncer que l'article 41 3) de la loi de 1976 sur l'exécution des peines, qui exige le consentement formel de la personne intéressée pour un travail dans des ateliers à gestion privée, est enfin entré en vigueur; que des mesures efficaces et rapides seront également prises pour mettre en oeuvre les dispositions figurant à l'article 198 3) de la loi de 1976 visant à intégrer les prisonniers dans les régimes d'assurance maladie et vieillesse; et que leurs salaires, dont le niveau est resté fixé à 5 pour cent de la moyenne nationale pendant les vingt dernières années, alors que ce pourcentage devait être relevé progressivement à partir du 31 décembre 1980, seront ajustés sans délai pour atteindre le niveau que justifie leur travail pour le compte d'entreprises privées, étant bien entendu que tous les salaires sont soumis à déductions et saisies, dans les limites prescrites par la législation nationale.

Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport.

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans des commentaires formulés depuis un certain nombre d'années, la commission a observé que, contrairement à la convention, les prisonniers sont mis à la disposition d'entreprises privées et que les dispositions de la loi sur l'exécution des peines, adoptées en 1976 pour mettre la pratique en conformité avec la convention, n'ont pas été mises en vigueur. Ainsi, l'exigence du consentement formel du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée, prévue à l'article 41 3) de la loi de 1976, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1982, a été suspendue par l'article 22 de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire, en date du 22 décembre 1981; la loi de 1976 reconnaît également le droit des prisonniers à toucher un salaire, mais une disposition visant à une majoration des taux au-delà du montant initial, qui est de 5 pour cent du salaire moyen des ouvriers et employés, n'a pas été mise en application; enfin, la législation qui devait admettre les prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse n'a pas été adoptée.

Le gouvernement a précédemment affirmé son intention de mettre en oeuvre les principes contenus dans la loi de 1976 (admission des prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et vieillesse; consentement du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée). Il a également indiqué qu'un projet visant à porter la rémunération des prisonniers à 6 pour cent de la rémunération moyenne des ouvriers et employés était soumis au Parlement. Dans son rapport pour la période se terminant le 30 juin 1991, le gouvernement a cependant relevé que ce projet, introduit au Parlement durant la onzième période législative, n'avait pas été examiné définitivement et n'avait plus été réintroduit durant la douzième période, l'état des finances des Etats fédéraux étant tel qu'une nouvelle initiative du gouvernement fédéral en la matière aurait peu de chances de succès; ceci valait également pour l'inclusion des prisonniers dans l'assurance maladie et vieillesse.

La commission avait également noté les indications du gouvernement selon lesquelles il visait à long terme une solution qui tiendrait davantage compte des obligations de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention.

La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son dernier rapport, et notamment son indication renouvelée selon laquelle il continue de s'efforcer de tenir compte davantage des dispositions de la convention. Le gouvernement relève à cet égard l'élaboration d'un projet réglementant pour la première fois de manière approfondie et globale l'exécution des peines pour les jeunes délinquants et qui prévoit en son article 42(2) le consentement formel du jeune prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée. Le gouvernement indique que ce projet, déjà discuté avec les différents départements concernés, devrait être soumis aux instances législatives, sous réserve de son approbation par le Conseil des ministres.

La commission note avec intérêt ces indications et elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur l'évolution de la situation en la matière, et notamment tout texte qui serait adopté par les Chambres fédérales. La commission espère que le gouvernement communiquera également des informations sur les dispositions prévues pour assurer au jeune prisonnier les garanties et protections requises en matière de salaire et de sécurité sociale.

La commission rappelle que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit explicitement que les personnes astreintes au travail comme conséquence d'une condamnation judiciaire soient mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail peut être considéré comme échappant à cette interdiction, ce qui exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé ainsi que, compte tenu des circonstances de ce consentement, des garanties et protections en matière de salaire et de sécurité sociale permettant de considérer qu'il s'agit d'une véritable relation de travail libre.

La commission veut croire que les mesures nécessaires seront prises pour assurer tant à l'égard des jeunes prisonniers que de tous les prisonniers en général le respect de la convention.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

Article 2, paragraphes 1 et 2 b). Dans ses commentaires antérieurs, la commission s'est référée à la situation des demandeurs d'asile qui n'étaient normalement pas autorisés à prendre un emploi pendant plusieurs années à compter de la date de leur demande mais qui pouvaient être appelés à accomplir un travail socialement utile qu'ils devaient exécuter sous peine de perdre leur droit à l'assistance publique (règlement sur le permis de travail du 12 septembre 1981 tel que modifié, loi du 6 janvier 1987 et loi fédérale sur l'assistance sociale dans sa teneur modifiée par la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire du 22 décembre 1981). La commission s'était référée au paragraphe 21 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, où elle a indiqué que la peine visée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention peut revêtir la forme d'une privation de quelque droit ou avantage. La commission a fait observer que, dans une situation où les autorités responsables ont privé les demandeurs d'asile de la possibilité de prendre un travail de leur choix, en leur interdisant d'accéder à l'emploi, et les ont mis ainsi dans une situation où ils dépendent de l'assistance publique, la menace d'arrêter celle-ci en cas de défaut d'exécution d'un travail spécifié fait entrer ce travail dans le champ d'application de la convention.

La commission note avec intérêt que la loi portant modification de certaines dispositions en matière de promotion de l'emploi et d'autres dispositions sociales en date du 21 juin 1991 a abrogé, à compter du 1er juillet 1991, la période d'attente nécessaire pour que les requérants d'asile puissent prendre un emploi (article 1 de la loi abrogeant l'article 19, paragraphe 1 a) à c), de la loi sur la sur la promotion de l'emploi).

La commission prend bonne note des indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles le requérant d'asile, pour autant qu'il ne soit pas soumis à des restrictions en matière de séjour, peut ainsi obtenir un emploi sur l'ensemble du territoire fédéral. Le gouvernement ajoute que le permis sera accordé conformément à la situation de l'emploi et à l'évolution du marché du travail en prenant en considération les données de chaque cas individuel; en vertu des dispositions légales, la priorité doit être accordée aux travailleurs allemands et à certains travailleurs étrangers.

La commission note également les indications du gouvernement concernant l'assistance sociale en relation avec les articles 18 à 20 de la loi sur l'assistance sociale (nouvelle version du 10 janvier 1991).

Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport.

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans des commentaires formulés depuis un certain nombre d'années, la commission a observé que, contrairement à la convention, les prisonniers sont mis à la disposition d'entreprises privées et que les dispositions de la loi sur l'exécution des peines, adoptées en 1976 pour mettre la pratique en conformité avec la convention, n'ont pas été mises en vigueur. Ainsi, l'exigence du consentement formel du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée, prévue à l'article 41 3) de la loi de 1976, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1982, a été suspendue par l'article 22 de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire, en date du 22 décembre 1981; la loi de 1976 reconnaît également le droit des prisonniers à toucher un salaire, mais une disposition visant à une majoration des taux au-delà du montant initial, qui est de 5 pour cent du salaire moyen des ouvriers et employés, n'a pas été mise en application; enfin, la législation qui devait admettre les prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse n'a pas été adoptée.

Dans son précédent rapport, le gouvernement a affirmé son intention de mettre intégralement en oeuvre les principes contenus dans la loi de 1976, pour ce qui est de l'admission des prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse, ainsi que de la mise en oeuvre d'une disposition prévoyant l'exigence du consentement du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée. Il a également indiqué qu'un projet, visant à porter la rémunération des prisonniers à 6 pour cent de la rémunération moyenne des ouvriers et employés était soumis au Parlement fédéral.

La commission note que dans son dernier rapport le gouvernement déclare se référer aux indications détaillées fournies précédemment selon lesquelles il vise à long terme une solution qui tiendrait encore davantage compte des obligations de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention.

Concernant plus particulièrement le salaire (brut) journalier du prisonnier, le gouvernement indique que celui-ci a augmenté entre 1986 et 1990 de 6,86 DM à 7,78 DM, soit une augmentation de 13,4 pour cent en cinq ans, alors que l'indice des prix à la consommation n'a augmenté durant la même période que de 7,1 points; le taux d'augmentation du salaire du prisonnier est en conséquence plus élevé que celui de l'augmentation du coût de la vie au cours des dernières années.

Le gouvernement ajoute que le projet visant à porter la rémunération des prisonniers de 5 à 6 pour cent de la rémunération moyenne des ouvriers et employés, introduit devant le Parlement pendant la 11e période législative, n'a pas été examiné définitivement et il n'a plus été soumis au cours de la 12e période. Les finances des Etats fédéraux sont actuellement telles qu'une nouvelle initiative du gouvernement fédéral aurait peu de chances de succès, ce qui vaut également pour l'inclusion des prisonniers dans l'assurance maladie et l'assurance vieillesse. Le gouvernement assure qu'il réagirait immédiatement à toute indication en ce sens des Etats fédéraux.

La commission note ces indications. La commission ne peut que rappeler ses commentaires antérieurs dans lesquels elle a indiqué que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit explicitement que les personnes astreintes au travail comme conséquence d'une condamnation judiciaire soient mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail peut être considéré comme échappant à cette interdiction, ce qui exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé ainsi que, compte tenu des circonstances de ce consentement, des garanties et protections en matière de salaire et de sécurité sociale permettant de considérer qu'il s'agit d'une véritable relation de travail libre.

La commission estime qu'en l'absence du consentement formel des travailleurs, avec une rémunération s'élevant à 5 ou 6 pour cent de la moyenne nationale et en l'absence d'une couverture d'assurance maladie, vieillesse et survivants, la situation des prisonniers mis à disposition d'entreprises privées n'est pas comparable à celle de partenaires d'une relation de travail libre.

La commission veut croire que les mesures requises seront prises dans un proche avenir pour assurer à l'égard des prisonniers le respect de la convention, ratifiée il y a plus de trente ans, et que le gouvernement fera rapport sur les dispositions adoptées.

Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport pour la période se terminant le 30 juin 1989, reçu au BIT en mars 1990. Elle a également pris note des observations formulées par la Confédération allemande des syndicats (DGB) au sujet de l'application de la convention ainsi que de la réponse du gouvernement à ces observations parvenues au BIT en décembre 1990.

1. Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans des commentaires formulés depuis un certain nombre d'années, la commission a observé que, contrairement à la convention, les prisonniers sont mis à la disposition d'entreprises privées et que les dispositions de la loi sur l'exécution des peines, adoptées en 1976 pour mettre la pratique en conformité avec la convention, n'ont pas été mises en vigueur. Ainsi, l'exigence du consentement formel du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée, prévue à l'article 41 3) de la loi de 1976, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1982, a été suspendue par l'article 22 de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire, en date du 22 décembre 1981; la loi de 1976 reconnaît également le droit des prisonniers à toucher un salaire, mais une disposition visant à une majoration des taux au-delà du montant initial, qui est de 5 pour cent du salaire moyen des ouvriers et employés, n'a pas été mise en application; enfin, la législation qui devait admettre les prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse n'a pas été adoptée.

Dans son dernier rapport, le gouvernement rappelle ses déclarations antérieures selon lesquelles le personnel des entreprises privées ne peut se voir confier que la direction technique et professionnelle des prisonniers, l'autorité pénitentiaire décidant elle-même de l'endroit, du moment et de la manière de mettre les prisonniers au travail et gardant constamment la disposition de ceux-ci, dont la situation est identique à celle des prisonniers travaillant dans des ateliers appartenant à l'administration pénitentiaire.

Le gouvernement indique que les prisonniers sont au bénéfice de l'assurance accident et de l'assurance chômage, qu'ils touchent une rémunération et bénéficient, en raison du niveau de celle-ci, d'une exemption des frais d'exécution judiciaire. Un projet visant à porter la rémunération des prisonniers à six pour cent de la rémunération moyenne des ouvriers et employés, ce qui représente une augmentation de 20 pour cent par rapport au niveau actuel, se trouve devant le Parlement fédéral; toutefois, des contraintes financières au niveau des Länder empêchent la mise en oeuvre intégrale de la loi de 1976; le gouvernement ajoute qu'en ce qui concerne les prisonniers au bénéfice d'un régime de semi-liberté des contributions sont versées aux assurances maladie et pension. Le gouvernement rappelle également que la nature volontaire de l'emploi est déjà effective quant à l'affectation au travail hors de l'établissement pénitentiaire.

Le gouvernement affirme son intention de mettre intégralement en oeuvre les principes contenus dans la loi de 1976, pour ce qui est de l'admission des prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et de l'assurance pension, ainsi que de la mise en oeuvre d'une disposition prévoyant l'exigence du consentement du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée.

Dans ses observations, le DGB évoque la doctrine et la jurisprudence relatives à la situation juridique du prisonnier: certains considèrent que le prisonnier n'est pas un travailleur, étant donné qu'il est soumis à une situation de contrainte spéciale relevant du droit public; d'autres estiment qu'il doit être considéré comme tel lorsqu'il est employé par une entreprise privée. Le DGB marque son désaccord avec la position du gouvernement: pour le DGB, ce qui est déterminant ce n'est pas le statut de prisonnier mais le "comment" de l'exécution du travail: à cet égard, l'article 41 3) de la loi de 1976, suspendu en 1981, prévoit l'exigence du consentement du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée. Le DGB ajoute qu'il est nécessaire d'harmoniser la situation des prisonniers avec celle des travailleurs libres en leur garantissant la protection des assurances sociales et en les rémunérant au niveau des salaires fixés par convention collective.

Le gouvernement, en réponse à ces observations qu'il estime sans objet pour apprécier l'application de la convention, indique que la position juridique du prisonnier ne varie pas selon qu'il est employé dans un atelier de l'administration pénitentiaire ou dans un atelier géré par une entreprise privée, car le prisonnier est soumis à l'obligation de travail uniquement vis-à-vis de l'autorité pénitentiaire; le consentement du prisonnier exigé pour un travail à l'extérieur ne change pas la nature juridique de la relation entre le prisonnier et les autorités. Le gouvernement précise, par ailleurs, que le salaire du prisonnier qui est de 5 pour cent du salaire moyen s'élève actuellement à 7,78 DM par jour et non à 6 DM comme l'a indiqué le DGB.

La commission prend bonne note des observations du DGB et des commentaires du gouvernement. La commission rappelle à nouveau que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit explicitement que les personnes astreintes au travail comme conséquence d'une condamnation judiciaire soient mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail peut être considéré comme échappant à cette interdiction, ce qui exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé ainsi que, compte tenu des circonstances de ce consentement, des garanties et protections en matière de salaire et de sécurité sociale permettant de considérer qu'il s'agit d'une véritable relation de travail libre. Comme la commission l'a indiqué précédemment, avec une normalisation effective des salaires et du régime de sécurité sociale des prisonniers, on peut penser que ceux-ci se porteront volontaires pour travailler dans des entreprises privées.

La commission veut croire que les mesures requises pour assurer le respect de la convention à l'égard des prisonniers seront prises et que le gouvernement fera rapport à brève échéance sur les dispositions adoptées.

2. Article 2, paragraphes 1 et 2 b). La commission a précédemment noté que, en vertu du décret sur le permis de travail, les demandeurs d'asile ne sont normalement pas autorisés à prendre un emploi pendant au moins deux ans à compter de la date de leur demande, mais qu'en vertu de la loi fédérale sur l'assistance sociale, dans sa teneur modifiée par la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire, en date du 22 décembre 1981, ces mêmes personnes peuvent être appelées à accomplir un "travail socialement utile" qu'elles doivent exécuter sous peine de perdre leur droit à l'assistance sociale. La commission avait noté qu'en vertu de la loi du 6 janvier 1987 l'interdiction de travailler frappant les demandeurs d'asile a, sauf dans certains cas, été étendue à une durée d'au moins cinq ans suivant la demande d'asile. Comme l'a rappelé la commission au paragraphe 21 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la peine visée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention peut revêtir la forme d'une privation de quelque droit ou avantage. Dans une situation où les autorités responsables ont privé les demandeurs d'asile de la possibilité de prendre un travail de leur choix, en leur interdisant d'accéder à l'emploi, et les ont mis ainsi dans une situation où ils dépendent de l'assistance publique, la menace d'arrêter celle-ci en cas de défaut d'exécution d'un travail spécifié fait entrer ce travail dans le champ d'application de la convention.

La commission note que dans son rapport le gouvernement réaffirme sa position selon laquelle l'assistance sociale a un caractère subsidiaire, et que tout bénéficiaire quel qu'il soit doit accepter le travail proposé. Le gouvernement ajoute que les requérants d'asile peuvent être comparés aux chômeurs allemands: pour les premiers, il existe un obstacle juridique au travail, pour les seconds un obstacle de fait. Tout comme on peut attendre d'un Allemand qu'il prenne en considération les offres d'emploi qui lui sont proposées, on attend des requérants d'asile qu'ils fassent de même; dans le cas contraire, le requérant serait dans une position plus avantageuse que l'Allemand.

La commission note ces indications. La commission estime que la situation du requérant d'asile ne peut être comparée à celle du chômeur allemand car la législation impose au requérant d'asile une incapacité juridique de prendre un emploi pendant cinq ans. C'est seulement si cette interdiction était levée que le requérant d'asile se trouverait dans une situation comparable à celle d'un chômeur allemand en quête d'emploi.

La commission a également pris note des observations du DGB, selon lesquelles les dispositions de la loi sur l'assistance permettent de contraindre le requérant à un travail rémunéré en dessous du niveau minimal du marché, ainsi que de la réponse du gouvernement selon laquelle le travail proposé est lié à l'offre d'assistance, mais le retrait de l'assistance ne sanctionne pas le refus du travail en question mais le refus plus général de fournir un travail acceptable.

La commission rappelle que la nature subsidiaire de l'assistance sociale, dont il découle qu'il convient de rechercher un emploi normal plutôt que de subsister grâce à des secours, est un principe applicable aux personnes qui sont libres d'accepter un travail normal, mais non à des personnes qui sont atteintes d'une incapacité légale du fait que le droit d'occuper un emploi rémunéré leur a été intentionnellement retiré en application d'une loi votée par le Parlement. Si ces mêmes personnes sont alors placées devant le risque de perdre l'assistance qui les fait vivre, sauf à prêter des services subalternes spécifiques, de tels services, bien que définis par la loi comme étant quelque chose d'autre que du travail, tombent dans le champ d'application de l'article 2, paragraphe 1, de la convention et ne sont pas couverts par les exceptions de l'article 2, paragraphe 2. Comme la commission l'a souligné précédemment, un travail accompli dans de telles conditions ne fait pas partie des obligations civiques normales des citoyens d'un pays se gouvernant pleinement lui-même.

La commission prie à nouveau le gouvernement de réexaminer sa position et de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la convention en ce qui concerne les demandeurs d'asile.

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