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Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission salue la ratification par la France du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930, et prend dûment note du premier rapport du gouvernement sur son application ainsi que des réponses aux précédents commentaires de la commission sur la convention.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention, et article 1, paragraphe 2, du protocole. Plan national et action systématique et coordonnée. La commission s’est précédemment référée au rapport d’évaluation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNDH), en tant que rapporteur national sur la traite, concernant le Plan national de lutte contre la traite des êtres humains 20142016, qui recommandait notamment d’allouer des ressources budgétaires suffisantes pour la mise en œuvre du Plan d’action et d’assurer une meilleure coordination des organes chargés de la lutte contre la traite.
Dans son rapport, le gouvernement se réfère au second Plan d’action national contre la traite des êtres humains 2019-2021, conduit par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). Le gouvernement précise que ce second Plan d’action s’articule autour de six axes, déclinés en 45 mesures, dont les principaux objectifs sont de: i) sensibiliser l’ensemble de la société aux risques d’exploitation et de traite; ii) former les professionnels; iii) protéger les victimes (en garantissant l’effectivité de leurs droits); iv) intensifier les poursuites à l’encontre des auteurs; et v) coordonner et harmoniser l’action publique au niveau national. La commission note que, dans son avis sur «L’évaluation du Plan d’action national contre la traite des êtres humains (20192021)», publié le 12 janvier 2023 (ci-après «Évaluation du Plan d’action national de 2023»), la CNCDH souligne l’ineffectivité d’une partie des mesures du deuxième plan; elle note que les mesures annoncées n’ont majoritairement pas été mises en place et que les fonds nécessaires n’ont pas été attribués. La CNCDH fait référence à l’élaboration d’un troisième plan, dont la date de parution demeure inconnue.
La commission note également que le comité de coordination sur la traite auprès de la MIPROF, composé de membres institutionnels et associatifs, assure le suivi de la mise en œuvre des actions nationales contre la traite des personnes. Elle observe à cet égard que, dans son Évaluation du Plan d’action national de 2023, la CNCDH précise que le comité de coordination s’est réuni une fois en 2020 et une fois en 2022, et observe qu’au regard de ce faible nombre de réunions, celui-ci a davantage pris la forme d’un comité consultatif.
Rappelant l’importance d’assurer une action systématique et coordonnée pour lutter contre la traite des personnes, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour assurer le bon fonctionnement du comité de coordination de la MIPROF. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur l’adoption du troisième Plan d’action national contre la traite des êtres humains, ainsi qu’une synthèse de l’action menée par les autorités en matière de lutte contre la traite des personnes, y compris dans le cadre du Plan d’action, en précisant les difficultés rencontrées et les mesures prises pour les surmonter. En outre, la commission prie le gouvernement d’indiquer comment, dans la pratique, une action systématique et coordonnée est également mise en œuvre pour lutter contre les autres formes de travail forcé qui sont identifiées dans le pays (voir ci-dessous).
Article 1, paragraphe 3, du protocole et article 25 de la convention. 1. Répression et application de sanctions efficaces. S’agissant des procédures judiciaires engagées concernant les infractions relevant du travail forcé, à savoir la réduction en esclavage et l’exploitation de personnes réduites en esclavage (art. 224-1 A et 224-1 C du Code pénal), le travail forcé (art. 225-14-1 du Code pénal), la réduction en servitude (art. 22514-2 du Code pénal) et la traite des êtres humains (art. 225-4-1 du Code pénal), le gouvernement fait référence à plusieurs affaires de traite des personnes et de travail forcé et fournit des informations statistiques sur les infractions constitutives de travail forcé. Il indique que, en 2020, 240 personnes ont fait l’objet de poursuites pour traite des personnes, et que moins de cinq personnes l’ont été pour travail forcé et réduction en servitude. La commission note que, en 2021, d’après l’étude sur la traite et l’exploitation des êtres humains depuis 2016 du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure parue en octobre 2022, 215 personnes ont été poursuivies pour traite des êtres humains, et 263 pour exploitation par le travail (comprenant les infractions de réduction en esclavage, conditions de travail et d’hébergement indignes, travail forcé et réduction en servitude). S’agissant des condamnations, le gouvernement indique que, en 2020, 67 condamnations ont été prononcées pour traite des personnes, et que l’emprisonnement ferme est la peine la plus fréquemment prononcée à l’encore des auteurs de traite des personnes, avec un quantum moyen de 47 mois pour les peines prononcées entre 2016 et 2020.
La commission note que, dans son Évaluation du Plan d’action national de 2023, la CNCDH observe le faible nombre de condamnations pour traite et que cette infraction est souvent requalifiée en une autre infraction au cours de la procédure ou correctionnalisée (c’est-à-dire jugée devant le tribunal correctionnel en tant que délit plutôt que devant la Cour d’assises en tant que crime, avec une peine qui pourra être moins élevée) (paragr. 99).
Observant les difficultés qui subsistent en matière de qualification des faits et de sanction effective des auteurs de traite des personnes, la commission prie le gouvernement de continuer à renforcer les connaissances et les capacités des organes chargés de faire appliquer la loi, afin que les cas constitutifs de travail forcé, tel que défini par la convention, soient adéquatement identifiés et fassent l’objet d’enquêtes approfondies permettant la mise en cause, la poursuite et la condamnation à des sanctions suffisamment dissuasives de leurs auteurs. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations au sujet des affaires concernant les différentes infractions du Code pénal relevant du travail forcé (traite des êtres humains, travail forcé, réduction en servitude, réduction en esclavage), y compris sur le nombre d’infractions constatées, de poursuites engagées, de condamnations prononcées, et sur la nature des sanctions imposées. Prière d’indiquer si conformément à l’article 225-19 du Code pénal, les juridictions ont procédé à la confiscation du patrimoine des personnes condamnées pour ces différentes infractions.
2. Inspection du travail et collaboration. En ce qui concerne le rôle des agents de l’inspection du travail dans la détection des infractions relatives à la traite des personnes, au travail forcé et à la réduction en servitude, la commission note que le gouvernement indique, que, en matière de lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, l’inspection du travail agit le plus souvent dans le cadre de coopérations interinstitutionnelles. Le gouvernement se réfère notamment aux Journées d’actions communes, associant inspection du travail et services de police judiciaire, qui ont permis d’identifier en 2020 cinq situations de traite des personnes, au cours de 450 contrôles sur les conditions de travail et d’emploi des salariés. Par ailleurs, la commission note l’indication contenue dans le bilan du Plan national de lutte contre le travail illégal 2019-2021, d’après laquelle dans le cadre des Journées d’action communes de 2021, 63 procédures pour exploitation par le travail pouvant relever de la qualification pénale de traite des êtres humains ont été ouvertes.
Le gouvernement indique également qu’une formation pour les agents de contrôle de l’inspection du travail a été mise en place et qu’un livret de formation sur «l’identification et l’orientation des victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail», destiné aux agents de contrôle de l’Inspection du travail, a été réalisé par la MIPROF et actualisé en décembre 2018. Le gouvernement précise que, lorsque les éléments constatés convergent vers la possible commission de l’infraction de traite des personnes par l’exploitation par le travail, les agents de contrôle de l’inspection du travail peuvent solliciter du parquet leur co-saisine avec un service de police judiciaire.
La commission prend dument note des mesures prises par le gouvernement pour renforcer les capacités des services d’inspection à la détection de situations de travail forcé, y compris de traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, et leur collaboration avec le parquet et les services de police et le prie de continuer sur cette voie compte tenu du rôle fondamental de l’inspection dans ce domaine. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard, en indiquant notamment le nombre de co-saisines sollicitées au parquet, ainsi que le nombre de procès-verbaux transmis au procureur par les services d’inspection du travail et les suites données à ces procès-verbaux par le procureur.
Article 2 du protocole. Mesures de prévention. Alinéa a) Éducation et information. La commission prend note des informations du gouvernement sur la sensibilisation des élèves au cours de leur scolarité à la problématique de la traite des personnes et à l’occasion de diverses journées commémoratives. Elle note que, dans son Évaluation du Plan d’action national de 2023, la CNCDH constate qu’aucune campagne de sensibilisation à l’échelle nationale n’a été mise en place depuis la création de la MIPROF à l’exception de la mention de la traite à des fins d’exploitation sexuelle dans une campagne de prévention de l’achat d’actes sexuels. La commission prie le gouvernement de renforcer les mesures visant à éduquer et informer les personnes en ce qui concerne la traite des personnes tant à des fins d’exploitation au travail que d’exploitation sexuelle, ainsi qu’en ce qui concerne les autres formes de travail forcé, et de fournir des informations à ce sujet.
Alinéas b) et e). Éducation et information des employeurs. Appui à la diligence raisonnable. Le gouvernement indique que, dans le cadre du Plan d’action national contre la traite des êtres humains 2019-2021, une convention de partenariat est en cours de finalisation entre la MIPROF et les organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs représentatives. Des actions de sensibilisation du monde de l’entreprise sur les conséquences du recours au travail forcé et à l’emploi des personnes victimes de traite sont également prévues dans le cadre du Plan national de lutte contre le travail illégal 2019-2021. À cet égard, la commission prend note de l’adoption d’un nouveau Plan national de lutte contre le travail illégal pour la période 2023-2027, qui prévoit notamment la finalisation de cette convention partenariale de lutte contre la traite des êtres humains. Par ailleurs, la commission note que, dans son Évaluation du Plan d’action national de 2023, la CNCDH indique qu’un référent «traite des êtres humains» a été désigné au sein du pôle travail de chaque Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), dont le rôle est notamment de faciliter la diffusion et l’appropriation des outils et actions d’information et de sensibilisation par les acteurs de l’entreprise dans les territoires.
La commission note enfin que la loi no 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre prévoit, pour les sociétés les plus grandes, l’obligation d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance qui vise à prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, tant par les filiales que par les sous-traitants. La commission salue ces initiatives et prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de la loi du 27 mars 2017 en pratique, en précisant la manière dont les entreprises concernées s’acquittent de l’obligationd’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance, notamment en ce qui concerne le risque de travail forcé, et si une évaluation de l’impact de ces plans sur la prévention de toutes les formes de travail forcé a été réalisée. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations sur les avancées réalisées concernant la conclusion du partenariat précité entre la MIPROF et les partenaires sociaux.
Article 3 du protocole. 1. Identification des victimes. Le gouvernement fait référence à un rapport de 2019 sur le profil des victimes de la traite des êtres humains suivies par les associations, réalisé par la MIPROF et l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), d’après lequel les victimes d’exploitation par le travail représentent 19 pour cent de l’ensemble des victimes de traite, réparties entre 247 victimes dans le cadre du travail domestique et 239 dans le cadre de secteurs d’activités tels que l’agriculture, le bâtiment et la construction, la restauration, le commerce, les salons de coiffure et d’esthétique. La commission note que, selon l’enquête annuelle sur les victimes de traite des êtres humains accompagnées par les associations en France, portant sur l’année 2021, parmi les victimes accompagnées par des associations en 2021, les victimes d’exploitation par le travail représentaient 18 pour cent, et les victimes d’exploitation sexuelle 74 pour cent. En 2021, les 44 associations ayant répondu à l’enquête ont identifié 4 868 victimes de traite dont 77 pour cent de femmes. Les victimes originaires du Nigéria représentaient à elles seules 39 pour cent de l’ensemble des victimes accompagnées, 5 pour cent étaient des victimes françaises.
Le gouvernement indique en outre que la MIPROF a mis en place un groupe de travail au printemps 2020 rassemblant les partenaires institutionnels, associatifs, experts et la CNCDH en vue de la création d’un mécanisme national d’identification et d’orientation des victimes (MNIO) de traite des personnes. Le groupe travaille à l’élaboration d’indicateurs communs d’identification à l’ensemble des professionnels au contact de victimes de traite. La commission exprime l’espoir que le mécanisme national d’identification et d’orientation des victimes sera très prochainement adopté, et prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour permettre son application effective. Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de victimes d’infractions relevant du travail forcé (traite des êtres humains, travail forcé, réduction en servitude, réduction en esclavage) identifiées.
2. Protection des victimes. Mesures d’assistance. Le gouvernement indique que le renforcement des droits protecteurs des victimes, notamment en matière d’hébergement adapté et d’accompagnement social et psychologique, est inscrit parmi les objectifs du second Plan d’action national contre la traite des êtres humains. La commission note que des places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale sont ouvertes à l’accueil des victimes de traite des personnes dans des conditions sécurisantes. Par ailleurs, le dispositif national «Ac.Sé», créé en 2001, a pour mission d’accueillir, d’héberger et de protéger les victimes de traite en situation de danger, en leur proposant un accueil et un accompagnement par des professionnels formés ainsi qu’un éloignement géographique, grâce à un réseau de plus de 70 structures partenaires. S’agissant de l’accompagnement psychologique, la commission note que, dans son évaluation du Plan d’action national de 2023, la CNCDH fait référence à la création de 17 centres régionaux de prise en charge globale du psychotraumatisme en capacité d’accueillir les victimes de traite. S’agissant de l’accès aux droits et au dépôt de plainte, la commission note que, dans son rapport de 2022, le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe (GRETA) évoque les difficultés auxquelles les victimes se heurtent lorsqu’elles tentent de déposer plainte: le délai d’attente pour prendre un rendez-vous, le manque de services d’interprète, le refus de réception de plainte par certains gendarmes ou policiers qui renvoient les victimes vers d’autres structures. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de victimes de traite ayant bénéficié de services d’assistance, en précisant la nature des services fournis (accompagnement social, juridique, hébergement, prise en charge sanitaire…). La commission prie également le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées afin de faciliter l’accès des victimes de traite, et plus largement des victimes de toute infraction relevant du travail forcé, aux mécanismes juridiques leur permettant de faire valoir leurs droits.
Droit au séjour des ressortissants étrangers victimes de travail forcé. Le gouvernement indique que le dispositif actuel prévoit une admission au séjour de plein droit aux personnes étrangères qui déposent plainte ou témoignent dans une procédure pénale contre une personne que la victime accuse d’avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme (art. L.425-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile -CESEDA-). En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, l’étranger titulaire d’une carte de séjour prévue à l’article L.425-1 se voit délivrer une carte de résident d’une durée de 10 ans (art. L.425-3 du CESEDA).
Le gouvernement indique que les ressortissants ne souhaitant pas s’inscrire dans une démarche de collaboration avec les autorités dans le cadre de l’enquête disposent d’un accès au séjour au titre de l’admission exceptionnelle au séjour, conformément à l’article L.435-1 du CESEDA, qui prévoit la possibilité de bénéficier d’un titre de séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Par ailleurs, la commission note que l’article L.425-4 du CESEDA prévoit qu’une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois peut être accordée aux victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle indépendamment de leur coopération avec les forces de sécurité, sous condition de l’abandon de toute activité prostitutionnelle et de leur engagement dans un parcours de réinsertion.
L’article R.425-1 du CESEDA prévoit également la possibilité de bénéficier d’un délai de réflexion de 30 jours pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d’admission au séjour prévue à l’article L.425-1. Pendant le délai de réflexion, aucune décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre de l’étranger, ni exécutée. Le délai de réflexion peut, à tout moment, être interrompu si l’étranger a, de sa propre initiative, renoué un lien avec les auteurs de l’infraction de traite des personnes.
La commission note que l’étude sur la traite et l’exploitation des êtres humains depuis 2016 du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure parue en octobre 2022, relève qu’en 2021, les données provisoires font état de 428 cartes de séjour temporaire délivrées à des victimes de traite ou de proxénétisme au titre de l’article L.425-1 du CESEDA, et environ 40 cartes de résident. S’agissant de la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour en cas de parcours de sortie de prostitution, en 2021, 566 victimes ont pu en bénéficier. En outre, d’après l’enquête annuelle sur les victimes de traite des êtres humains accompagnées par les associations en France la plus récente, parmi les victimes accompagnées par des associations en 2021 ayant besoin d’un titre de séjour, 40 pour cent en bénéficiait, parmi lesquelles 40 pour cent l’ont obtenu au titre de l’article L.425-1 du CESEDA, un tiers au titre d’une protection internationale (demande d’asile) et 28 pour cent au titre d’un autre motif.
Par ailleurs, la commission note que la CNCDH indique, dans son Évaluation du Plan d’action national de 2023, qu’environ 60 pour cent des préfectures seraient dotées de référents «traite des êtres humains», mais souligne que bien que ce nombre continue d’augmenter, les missions de ces référents sont encore mal définies. La CNCDH indique en outre que les articles L.425-1 et L.425-3 du CESEDA demeurent peu appliqués et que leur mise en œuvre est largement hétérogène d’une préfecture à l’autre. La CNCDH constate une réticence à délivrer des titres de séjour sur ce fondement, s’expliquant en partie par le climat de suspicion généralisé à l’encontre des personnes migrantes. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) le nombre de permis de séjours octroyés aux victimes de traite, tant à des fins d’exploitation au travail que d’exploitation sexuelle, dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour prévue à l’article L.435-1 du CESEDA, pour les victimes ne souhaitant pas collaborer avec les autorités; ii) le nombre de victimes de traite ayant bénéficié d’un délai de réflexion; iii) les possibilités existantes de bénéficier d’un droit au séjour pour les étrangers victimes d’autres infractions relevant du travail forcé (réduction en esclavage, réduction en servitude, travail forcé); et iv) le rôle des référents «traite des êtres humains» au sein des préfectures.
Victimes de traite parmi les demandeurs d’asile. Le gouvernement indique qu’au sein des demandeurs d’asile, il existe de plus en plus de demandes de prise en charge de profils particulièrement vulnérables, parmi lesquels figurent les victimes de traite. Selon les dernières données établies pour 2019 par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le phénomène de traite relève majoritairement, et à l’instar des années précédentes, de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Le gouvernement indique que l’OFPRA confirme cependant l’émergence des demandes de protection internationale en lien avec la traite à des fins d’exploitation au travail. Il s’agit notamment d’hommes et de femmes disant avoir été contraints au travail forcé soit dans le cadre familial, soit par des réseaux organisés au Bangladesh, en Europe et dans les pays du Golfe.
Le gouvernement indique qu’il a publié fin mai 2021 un Plan d’action national pour renforcer la prise en charge des vulnérabilités des demandeurs d’asile et des réfugiés, comportant dix actions concrètes pour améliorer le repérage précoce et permettre une prise en charge adaptée des demandeurs d’asile et des réfugié s vulnérables, notamment: i) le renforcement de la formation de l’ensemble des personnels de la chaîne de l’asile au repérage précoce des vulnérabilités, dont celles liées à une situation de traite; ii) la diffusion d’outils de sensibilisation sur les dispositions législatives et réglementaires concernant l’accès au séjour des victimes étrangères de traite, à toutes les étapes de la procédure d’asile, ainsi que le développement de campagne s d’informations ciblées; et iii) le renforcement du dispositif de places d’hébergement spécialisées pour victimes de traite et femmes demandeuses d’asile et réfugiées vulnérables, qui compte à ce jour 300 places. La commission salue l’adoption du Plan d’action national pour renforcer la prise en charge des vulnérabilités des demandeurs d’asile et des réfugiés et prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour mieux identifier et protéger les victimes de traite parmi les demandeurs d’asile.
Article 4 du protocole. Paragraphe 1. Accès à des mécanismes de recours et de réparation. Le gouvernement indique que les victimes de travail forcé peuvent faire valoir leurs droits devant les juridictions pénales ou civiles. Sur le plan pénal, toute personne contrainte de travailler dans des conditions revêtant les caractéristiques de la traite des personnes, de l’esclavage, du travail forcé ou de la réduction en servitude a droit à une réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, même lorsqu’elle n’est pas française, à partir du moment où les faits ont été commis sur le territoire national (art. 706-3 du Code de procédure pénale). Le gouvernement précise à cet égard que la victime peut saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction pour obtenir réparation à tout moment de la procédure, dès le dépôt de plainte. Par ailleurs, toute personne constituée partie civile (c’est-à-dire demandeur civil dans une affaire pénale), qui bénéficie d’une décision définitive lui accordant des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et des frais engagés au titre de la procédure, et qui n’a pas obtenu d’indemnisation en application de l’article 706-3 précité, peut obtenir de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués que ces sommes lui soient payées prioritairement sur les biens de son débiteur dont la confiscation a été décidée de manière définitive (art. 706-164 du Code de procédure pénale).
S’agissant des juridictions civiles, le gouvernement réitère que tout salarié, quelle que soit sa nationalité et son statut sur le territoire, qui a été employé dans le cadre d’un travail dissimulé, dont sont souvent victimes les personnes qui travaillent dans des conditions d’exploitation, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (art. L.8223-1 du Code du travail). Le paiement de cette indemnité n’est pas subordonné à l’existence d’une décision pénale déclarant l’employeur coupable du délit de travail dissimulé. Le gouvernement ajoute que le ministère de l’Intérieur et le ministère du Travail ont élaboré et traduit en plusieurs langues des dépliants destinés à informer les travailleurs étrangers de leurs droits à cet égard. La commission prend dument note de ces mesures et prie le gouvernement d’indiquer le nombre de victimes de traite des personnes ou de toute autre forme de travail forcé ayant bénéficié d’une réparation pour le préjudice subi, tant dans le cadre de la procédure pénale, que dans le cadre d’une indemnité prononcée par une juridiction civile, en précisant les montants accordés.
Paragraphe 2. Absence de poursuites et de sanctions pour des actes illégaux commis par les victimes sous la contrainte. Le gouvernement indique qu’il n’existe pas de disposition spécifique dans le droit français sur la non-sanction des victimes. Une telle disposition porterait atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi impliquant que toute personne puisse voir sa responsabilité pénale engagée pour des faits incriminés. Le gouvernement indique en revanche que le principe d’opportunité des poursuites et la notion d’action sous la contrainte permet de pallier cette absence et de ne pas imposer de sanction à la victime contrainte de prendre part à des activités illicites. La commission prie le gouvernement d’indiquer comment dans la pratique il est assuré que les victimes de travail forcé ayant commis des actes illicites sous la contrainte ne sont pas poursuivies ou sanctionnées, en précisant notamment si des instructions ont été données en ce sens aux procureurs.
Article 6 du protocole. Consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs. La commission note que, dans son évaluation du Plan d’action national de 2023, la CNCDH, en tant que rapporteur national sur la traite des personnes, demande à être pleinement associée, avec les associations spécialisées, les syndicats, les partenaires privés et les organisations étatiques pertinentes, à l’élaboration du troisième plan national d’action. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont les organisations d’employeurs et de travailleurs sont consultées, notamment dans le cadre de l’élaboration, la mise en œuvre, et l’évaluation du troisième plan d’action national contre la traite des êtres humains.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. La commission rappelle que les personnes détenues volontaires pour travailler peuvent être amenées à effectuer un travail au profit d’entreprises privées, soit au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte, soit pour des activités de production, pour le compte des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou dans des établissements à gestion mixte. Un acte d’engagement est signé entre le détenu et le chef d’établissement préalablement à l’exercice de toute activité professionnelle. La commission a demandé au gouvernement de continuer à rapprocher les conditions de travail des détenus travaillant au profit d’entreprises privées ou d’établissements à gestion mixte de celles des travailleurs libres.
La commission note l’adoption de la loi no 2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire le 22 décembre 2021, qui prévoit la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire entre le détenu et le donneur d’ordre (l’opérateur économique en cas d’emploi au profit d’une entreprise privée), remplaçant l’acte d’engagement entre le détenu et le chef d’établissement. Le contrat d’emploi pénitentiaire détermine notamment la durée du contrat, le temps de travail et les conditions de travail. S’agissant de la procédure d’affectation à un emploi, il est prévu que la personne détenue qui souhaite travailler adresse au préalable une demande à l’administration pénitentiaire pour être autorisée à travailler, puis une demande d’affectation sur un poste de travail, qui peut donner lieu à l’organisation d’entretiens professionnels.
La commission prend note du décret no 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le Code pénitentiaire, qui précise la procédure d’accès au travail des personnes détenues ainsi que le contenu et les modalités de conclusion et d’exécution du contrat d’emploi pénitentiaire. Eu égard à la rémunération, le décret fixe un taux horaire minimum de 45 pour cent du salaire minimum pour les activités de production et de 33 à 20 pour cent pour le service général. Il prévoit également la possibilité pour le donneur d’ordre de verser des primes liées à la productivité ou à l’ancienneté ou toute autre prime à caractère exceptionnel.
En outre, la commission prend note de l’ordonnance no 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues, prise en application de l’article 22 de la loi no 2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Cette ordonnance prévoit notamment que la rémunération des détenus effectuant un travail dans le cadre d’un contrat d’emploi pénitentiaire est assujettie aux cotisations de sécurité sociale et que ces derniers acquièrent des droits à l’assurance chômage et à la formation, et sont affiliés au régime de retraite complémentaire. L’ordonnance prévoit par ailleurs: i) le renforcement des prérogatives de l’inspection du travail en prison; ii) le développement de la médecine du travail en détention; et iii) des mesures pour lutter contre les discriminations et le harcèlement des détenus travailleurs.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le taux de travail en détention, particulièrement en production, a fortement baissé ces dernières années, passant de près de 50 pour cent au début des années 2000 à 29 pour cent en 2021, s’expliquant notamment par l’augmentation de la population carcérale et la délocalisation ou la fermeture d’entreprises implantées en détention. Le gouvernement précise que les entreprises implantées en détention doivent faire face à des contraintes spécifiques et que la mise en place du salaire minimum national de droit commun en détention pourrait conduire à une diminution encore plus importante du travail en détention. Le gouvernement indique par ailleurs que l’ouverture de la possibilité de primes à la productivité et à l’ancienneté ainsi que le mouvement d’amélioration qualitative du travail en détention initié depuis deux ans permettront de rapprocher les montants de ceux du travail dans le droit commun. Ainsi, dans certains établissements, en particulier en centre de détention, la rémunération moyenne peut s’élever au montant du salaire minimum de droit commun.
La commission salue l’adoption des textes précités qui garantissent aux travailleurs détenus réalisant un travail au profit d’entités privées un certain nombre de garanties, permettant de ce fait de rapprocher leurs conditions de travail de celles des travailleurs libres. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour rapprocher le niveau de rémunération des détenus travaillant au profit d’entreprises privées ou d’établissements à gestion mixte du niveau du salaire minimum national.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Renforcement et application effective du cadre législatif de lutte contre toute forme de travail forcé. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note de l’adoption de certaines mesures législatives, notamment la loi no 2013-711 du 5 août 2013 qui incorpore dans le Code pénal les crimes de «réduction en esclavage» et d’«exploitation de personnes réduites en esclavage» (art. 224-1 A à 224-1 C) et qui complète l’article 225-14 du Code pénal qui incrimine le fait de soumettre une personne vulnérable à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine (désormais art. 225-14-1) en prévoyant deux nouvelles infractions: «le travail forcé» et «la réduction en servitude» (art. 225-14-2 et 225-14-3, respectivement). Elle a également observé que cette loi autorise les associations de lutte contre la traite et l’esclavage, déclarées depuis cinq ans à la date des faits, à exercer, avec l’accord de la victime, les droits reconnus à la partie civile.
La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle, auparavant, les agents de l’inspection du travail étaient compétents pour constater seulement les infractions relatives aux conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité des personnes. Depuis l’adoption de la loi no 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, ainsi que de l’ordonnance no 2016-413 du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail, les agents de l’inspection du travail peuvent désormais constater et relever par procès-verbal les infractions relatives à la traite des personnes, au travail forcé et à la réduction en servitude. Le gouvernement indique également que l’office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) s’est investi depuis plusieurs années dans les affaires de traite des personnes et d’exploitation de personnes au travail, ce qui lui a donné une expertise dans ce domaine. Cet office joue un rôle de conseil et d’expertise auprès des unités de police et de gendarmerie, mais aussi des magistrats. La commission observe que, par exemple, l’office a détecté le cas d’un chef d’entreprise ayant recruté des personnes mentalement déficientes sous contrat à mi-temps, qu’il a fait travailler plus de cinquante heures par semaine pendant vingt ans. Le gouvernement indique également que, dans le cadre du projet «EMPACT» (European multidisciplinary plateform against criminal threats) dédié à la traite des personnes, l’inspection du travail a participé, pour la première fois, en 2017, aux Journées communes d’action organisées dans différents pays de l’Union européenne, lesquelles associent dans une coopération opérationnelle l’inspection du travail et des services de police judiciaire (gendarmerie). Le gouvernement indique par ailleurs qu’un groupe de travail sur la formation des professionnels en contact avec les victimes de traite à des fins d’exploitation au travail a été mis en place, en 2014, afin de préparer des outils de formation à destination des professionnels en contact avec les victimes de traite, notamment les inspecteurs du travail. Un livret sur la traite des personnes destiné aux agents de l’inspection du travail a été préparé par ce groupe et sera prochainement diffusé. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour sensibiliser et former les autorités chargées du contrôle de l’application de la loi, notamment les agents de l’inspection du travail, à la lutte contre le travail forcé, y compris la traite à des fins d’exploitation au travail. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les infractions relatives à la traite des personnes, au travail forcé et à la réduction en servitude, constatées par procès-verbal par les agents de l’inspection du travail, en indiquant les mesures prises dans ce contexte. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des statistiques sur les procédures judiciaires engagées sur la base de l’ensemble de ces incriminations, sur le nombre de condamnations et la nature des sanctions imposées.
2. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note de la mise en place d’une mission interministérielle (Miprof) ayant pour objectif la coordination nationale de la lutte contre la traite des personnes. Elle a également noté l’adoption d’un Plan national de lutte contre la traite des êtres humains couvrant la période 2014-2016 qui prévoit 23 mesures s’articulant autour de trois axes prioritaires d’action: l’identification et l’accompagnement des victimes; la poursuite et le démantèlement des réseaux de traite; et l’impulsion d’une politique publique.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle l’évaluation du Plan national 2014-2016 a été confiée à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNDH) en tant que rapporteur national sur la traite. La commission prend note du rapport d’évaluation de la CNDH publié en mars 2016. Elle note que la CNDH émet un certain nombre de recommandations, notamment: la nécessité de mobiliser les pouvoirs publics et d’allouer des ressources budgétaires pour faciliter la mise en œuvre effective du Plan d’action; et une meilleure coordination entre les organes chargés de la lutte contre la traite afin d’assurer la prise en compte de toutes les formes de traite, non seulement la traite à des fins d’exploitation sexuelle, mais aussi la traite à des fins d’exploitation au travail. La commission prie le gouvernement d’indiquer si des mesures ont été prises pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme suite à son évaluation du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains (2014-2016) et de fournir des informations à cet égard. Elle prie également le gouvernement d’indiquer si un nouveau Plan d’action a été adopté.
3. Protection des victimes. La commission note que, en ce qui concerne le droit au séjour des ressortissants étrangers victimes de traite, le gouvernement indique que l’article R.316-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), tel que révisé en 2014, prévoit la délivrance désormais de plein droit d’un titre de séjour, renouvelable et autorisant l’exercice d’une activité professionnelle pour un étranger victime de traite qui coopère avec les autorités judiciaires (dépôt de plainte ou témoignage). Ce titre est renouvelé pendant toute la durée de la procédure pénale sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. Il est délivré pour une durée de six mois minimum. La commission note que, s’agissant des victimes de traite qui ne coopèrent pas dans le cadre de l’enquête pour quelque raison que ce soit, le gouvernement indique que celles-ci peuvent bénéficier de titres de séjour pour des raisons humanitaires ou des motifs exceptionnels comme prévu à l’article L.313 14 du CESEDA. La commission observe également que le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), dans son rapport de 2017 sur l’application de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par la France, indique que les autorités françaises ont spécifié que l’identification n’est pas liée à une éventuelle coopération des victimes aux poursuites. Toutefois, la société civile a souligné qu’en pratique il est généralement attendu des victimes potentielles qu’elles acceptent de coopérer, le plus souvent en déposant plainte ou en témoignant, si leur témoignage est de nature à permettre des poursuites contre les trafiquants. Cela va de pair avec le fait que très peu de délais de rétablissement et de réflexion, qui constituent une période devant permettre aux victimes de se remettre de l’exploitation et de réfléchir à leur éventuelle coopération avec la justice, ont été délivrés (paragr. 130).
S’agissant de l’indemnisation des victimes de la traite, la commission observe que l’article 131-21, alinéa 6, du Code pénal prévoit désormais pour les infractions les plus graves, dont la traite des personnes, qu’il est possible de confisquer l’intégralité du patrimoine du condamné. La commission observe, par ailleurs, l’indication du gouvernement selon laquelle le droit français ne fait pas de distinction entre les victimes du travail forcé et les victimes du travail illégal, bien que très souvent les victimes de travail forcé se trouvent dans une situation de travail dissimulé. En effet, selon le gouvernement, les victimes du travail forcé peuvent faire valoir les mêmes droits que les travailleurs déclarés en termes de conditions de travail et de rémunération, et peuvent également se voir accorder une indemnité forfaitaire dont le montant est égal à six mois de salaire, correspondant au minimum au salaire minimum (SMIC), en cas de rupture de relation de travail.
La commission note par ailleurs que dans son rapport la CNDH souligne que le faible nombre des infractions de traite des personnes constatées par les services de police et de gendarmerie révèle que les victimes potentielles de traite ne s’auto identifient pas en tant que telles et qu’elles ne dénoncent que très rarement les faits dont elles font l’objet. Les faits sont dès lors largement sous-rapportés. Ces mêmes données statistiques témoignent de l’insuffisance des moyens consacrés par la France à l’identification des victimes potentielles de traite. C’est ainsi que certaines formes d’exploitation (travail forcé, réduction en servitude, réduction en esclavage) ne font l’objet d’aucun constat de la part des forces de l’ordre, alors qu’elles sont pourtant existantes en pratique. A cet égard, la commission observe que la CNDH recommande que les indicateurs d’identification des victimes de traite doivent être développés en concertation avec les associations spécialisées. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer l’identification des victimes de traite. Elle le prie également de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que ces victimes bénéficient des mesures de protection adéquates, qu’elles aient ou non collaboré avec les autorités compétentes.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. La commission a précédemment observé que les détenus peuvent être amenés à travailler pour des entreprises privées, d’une part au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements et, d’autre part, à des activités de production pour le compte des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou dans des établissements à gestion mixte. La commission a souligné à cet égard que, pour être compatible avec la convention, le travail réalisé au profit d’entités privées doit être exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement libre et éclairé du prisonnier, et entouré d’un certain nombre de garanties. La commission a relevé à ce sujet que l’obligation d’exercer au moins l’une des activités proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, prévue à l’article 27 de la loi pénitentiaire de 2009, ne semblait pas faire obstacle au caractère volontaire du travail pénitentiaire, consacré à l’article D99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale. La commission a noté à cet égard l’indication du gouvernement selon laquelle le décret no 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le Code de procédure pénale a précisé les éléments devant obligatoirement figurer dans l’acte d’engagement qui doit être signé entre le détenu et le chef d’établissement préalablement à l’exercice d’une activité professionnelle. Le décret se réfère notamment à la description du poste de travail, au régime de travail, aux horaires de travail, à la rémunération en indiquant la base horaire et les cotisations sociales afférentes et, le cas échéant, les risques particuliers liés au poste.
S’agissant de la rémunération des détenus, l’article 32 de la loi pénitentiaire précise que celle-ci ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum. La commission a noté que le gouvernement indique que le décret no 2010-1635 précité a fixé cette rémunération à 45 pour cent du salaire minimum pour les activités de production. La rémunération varie de 33 à 20 pour cent pour le service général. En ce qui concerne les établissements pénitentiaires en gestion mixte, le gouvernement a précisé que, en raison du contexte économique défavorable, ces derniers n’ont pas été en mesure d’atteindre leurs objectifs contractuels en termes de volume horaire de travail offert aux détenus et ont dû payer des pénalités. La commission a demandé au gouvernement d’indiquer les mesures prises pour rapprocher le niveau de rémunération des détenus travaillant au profit d’entreprises privées ou d’établissements à gestion mixte de celui des travailleurs libres.
La commission note l’absence d’information de la part du gouvernement sur ce point. La commission réitère à nouveau sa demande en priant le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les conditions de travail des détenus travaillant au profit d’entreprises privées ou d’établissements à gestion mixte se rapprochent de celles des travailleurs libres et de fournir des informations à cet égard. Prière notamment de préciser les mesures prises pour rapprocher le niveau de rémunération de ces détenus du niveau du salaire minimum national, notamment lorsqu’ils sont occupés au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Renforcement et application effective du cadre législatif de lutte contre toute forme de travail forcé. La commission prend note de l’adoption de la loi no 2013-711 du 5 août 2013. Cette loi incorpore dans le Code pénal les crimes de «réduction en esclavage» et d’«exploitation de personnes réduites en esclavage» (art. 224-1 A à 224-1 C). La commission observe également que cette loi complète l’article 225-14 du Code pénal qui incriminait le fait de soumettre une personne vulnérable à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine (désormais art. 225-14-1) en prévoyant deux nouvelles infractions: «le travail forcé» et «la réduction en servitude» (art. 225-14-2 et 225-14-3, respectivement). Enfin, la loi complète l’article 225-4-1 du Code pénal qui incriminait déjà la traite des personnes en introduisant de nouvelles formes d’exploitation auxquelles les victimes de traite peuvent être soumises et en définissant de manière plus détaillée les moyens utilisés par les auteurs pour soumettre une personne à la traite. Par ailleurs, pour toutes ces infractions, la loi autorise les associations de lutte contre la traite et l’esclavage, déclarées depuis cinq ans à la date des faits, à exercer, avec l’accord de la victime, les droits reconnus à la partie civile. La commission note avec intérêt ces avancées législatives qui devraient non seulement permettre aux autorités compétentes de caractériser plus facilement les faits et ainsi d’initier les poursuites judiciaires adéquates, mais également de mieux identifier les victimes de ces pratiques et leur apporter au plus vite une protection appropriée. A cette fin, la commission espère que le gouvernement continuera à prendre des mesures pour sensibiliser et former les agents des forces de l’ordre et du ministère public ainsi que les juges aux nouveaux outils que la loi met à leur disposition et pour renforcer les moyens dont ils disposent. Notant que le gouvernement indique qu’il envisage d’habiliter les inspecteurs du travail à constater par procès-verbal les situations illégales de «traite des êtres humains, soumission à du travail forcé, à de l’esclavage ou à des pratiques analogues à l’esclavage», la commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard et d’indiquer comment la coopération entre l’inspection du travail, les forces de l’ordre et le ministère public est assurée. Enfin, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des statistiques sur les procédures judiciaires engagées sur la base de l’ensemble de ces incriminations, sur le nombre de condamnations et la nature des sanctions imposées.
2. Traite des personnes. S’agissant des mesures spécifiques prises pour lutter contre la traite des personnes, le gouvernement indique qu’une mission interministérielle (Miprof) a été mise en place en janvier 2013 qui est chargée d’assurer la coordination nationale de la lutte contre la traite des êtres humains. Un premier Plan national de lutte contre la traite des êtres humains a été adopté qui couvre la période 2014-2016. Ce plan identifie 23 mesures qui s’orientent autour de trois axes prioritaires d’action: l’identification et l’accompagnement des victimes; la poursuite et le démantèlement des réseaux de traite; et l’impulsion d’une politique publique à part entière. La commission espère que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les trois axes prioritaires du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains. Prière de fournir des informations sur l’évaluation de la politique de lutte contre la traite qui doit être réalisée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, et notamment sur les résultats obtenus ainsi que sur les obstacles qui auront été identifiés et sur les mesures prises pour les surmonter.
3. Protection des victimes. La commission a précédemment demandé au gouvernement d’indiquer les mesures prises pour renforcer la protection des victimes de travail forcé, qu’elles résident de manière régulière ou non sur le territoire national, afin qu’elles puissent effectivement faire valoir leurs droits. Dans son rapport, le gouvernement fournit des informations sur le dispositif de protection des victimes d’infractions légales ainsi que sur les mesures spécifiques applicables aux victimes de traite, et notamment la protection accordée lors de la phase d’investigation et au cours de la procédure judiciaire, la délivrance de titres de séjour temporaires, les centres d’hébergement. Le gouvernement indique également qu’en cas de travail dissimulé, ce qui est le cas pour bon nombre de victimes de travail forcé, la victime a le droit à une indemnité forfaitaire correspondant au moins à six mois de salaire s’il y a rupture de la relation de travail. Tout en prenant dûment note de ces informations, la commission constate que le Plan national de lutte contre la traite des êtres humains reconnaît que les victimes ne sont pas suffisamment protégées et ne font pas valoir leurs droits, et que leur prise en charge doit être mieux organisée. La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour assurer aux victimes, sur l’ensemble du territoire national, une meilleure protection et une assistance à court et à moyen terme afin d’éviter leur revictimisation. La commission prie le gouvernement de s’assurer que ces mesures sont accordées à toutes les victimes des infractions décrites ci-dessus, que celles-ci collaborent ou non avec les autorités.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. La commission a précédemment observé que les détenus peuvent être amenés à travailler pour des entreprises privées, d’une part, au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements et, d’autre part, à des activités de production pour le compte des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou dans des établissements à gestion mixte. La commission a souligné à cet égard que, pour être compatible avec la convention, le travail réalisé au profit d’entités privées doit être exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement libre et éclairé du prisonnier et entouré d’un certain nombre de garanties. La commission a relevé à ce sujet que l’obligation d’exercer au moins l’une des activités proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, prévue à l’article 27 de la loi pénitentiaire de 2009, ne semblait pas faire obstacle au caractère volontaire du travail pénitentiaire, consacré à l’article D99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale. La commission note à cet égard que le gouvernement indique que le décret no 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le Code de procédure pénale a précisé les éléments devant obligatoirement figurer dans l’acte d’engagement qui doit être signé entre le détenu et le chef d’établissement préalablement à l’exercice d’une activité professionnelle. Le décret se réfère notamment à la description du poste de travail, au régime de travail, aux horaires de travail, à la rémunération en indiquant la base horaire et les cotisations sociales afférentes et, le cas échéant, les risques particuliers liés au poste.
S’agissant de la rémunération des détenus, l’article 32 de la loi pénitentiaire précise que celle-ci ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum. La commission note que le gouvernement indique que le décret no 2010-1635 précité a fixé cette rémunération à 45 pour cent du salaire minimum pour les activités de production. La rémunération varie de 33 à 20 pour cent pour le service général. En ce qui concerne les établissements pénitentiaires en gestion mixte, le gouvernement indique qu’en raison du contexte économique défavorable ces derniers n’ont pas été en mesure d’atteindre leurs objectifs contractuels en termes de volume horaire de travail offert aux détenus et ont dû payer des pénalités. La commission prend note de l’ensemble de ces informations et espère que le gouvernement continuera à s’assurer que les conditions de travail des détenus travaillant au profit d’entreprises privées ou d’établissements à gestion mixte se rapprochent de celles des travailleurs libres et qu’il fournira des informations à cet égard dans ses prochains rapports. Prière notamment de préciser les mesures prises pour rapprocher le niveau de rémunération de ces détenus du niveau du salaire minimum national, notamment lorsqu’ils sont occupés au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

La commission a pris note des observations communiquées en mai 2010 par le Syndicat national autonome des sciences et le Syndicat national des chercheurs scientifiques concernant l’incidence de l’adoption de la loi no 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique sur l’application de la convention. Elle note à cet égard que le gouvernement a fourni, en novembre 2010, des informations détaillées sur les objectifs poursuivis par la loi et sa mise en œuvre et, en particulier, sur le processus de dialogue entre l’administration et l’agent concerné en ce qui concerne les offres d’emploi proposées et sur les possibilités de refus de ces offres.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes et exploitation de la vulnérabilité d’autrui. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté un certain nombre de mesures prises par le gouvernement destinées à renforcer son dispositif législatif et institutionnel de lutte contre le phénomène complexe de la traite des personnes. Elle a noté à cet égard que le Code pénal définit les éléments constitutifs de la traite des personnes et prévoit des sanctions adéquates (art. 225-4-1 à 225-4-8). Il incrimine également le fait de soumettre une personne vulnérable à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine (art. 225-14). La commission a relevé qu’en 2007 la législation a renforcé la protection des victimes de la traite en permettant, par exemple, aux victimes étrangères en situation irrégulière de bénéficier d’un délai de réflexion et, si elles déposent plainte contre leur agresseur, d’une autorisation de séjour ouvrant droit à l’exercice d’une activité professionnelle, qui se transforme en carte de résident en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’octroi de ces titres, sur les mesures prises pour s’assurer que les responsables sont poursuivis en justice et sur les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics dans ce domaine.
Dans son rapport, le gouvernement souligne que trois infractions pénales relèvent du travail forcé en France: la traite des personnes, l’abus de vulnérabilité et le travail dissimulé. Les agents compétents pour lutter contre le travail forcé sont différents en fonction de l’infraction pénale (police judiciaire, inspection du travail, agents des douanes ou des finances publiques, etc.). La lutte contre le travail dissimulé constitue une priorité du gouvernement depuis 2004 et ce dernier observe que, même si toutes les victimes de travail dissimulé ne sont pas victimes de travail forcé, la grande majorité des victimes de travail forcé sont victimes de travail dissimulé. La mise en place de comités opérationnels de lutte contre le travail dissimulé au niveau de chaque Département, sous la responsabilité des procureurs de la République et intégrant les différents acteurs (inspection du travail/police/gendarmerie), a permis de mener des actions coordonnées et efficaces aux termes desquelles le nombre des infractions relevées dans les procès-verbaux n’a cessé d’augmenté, passant de 6 758 en 2003 à 14 046 en 2008 (10 457 victimes en 2003, contre 21 795 en 2008). Le gouvernement ajoute que le Parquet veille à déclencher systématiquement des poursuites pénales contre les employeurs quand le travail dissimulé affecte des étrangers, ou autres personnes vulnérables ou fragiles.
S’agissant du délit d’exploitation par le travail des personnes en situation de vulnérabilité, le gouvernement indique que les services de contrôle compétents pour relever cette infraction sont l’inspection du travail et la police judicaire. L’organe compétent au sein de la gendarmerie souligne que les statistiques relatives aux infractions d’abus de vulnérabilité relevées par les gendarmes sur l’ensemble du territoire ne reflètent pas la réalité du phénomène. L’inspection du travail étant elle aussi de plus en plus confrontée à ces situations, une circulaire ministérielle de 2008 est venue rappeler que la répression de ce délit fait partie de la mission de l’inspection du travail. Le gouvernement indique, à cet égard, que, dans son avis sur la traite et l’exploitation des êtres humains en France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a souligné la nécessité de former un plus grand nombre d’agents de l’inspection du travail à l’identification des situations de traite et d’exploitation et de doter cette autorité du personnel et des moyens matériels adéquats pour renforcer les contrôles sur tout lieu de travail.
Enfin, parmi les pistes de réflexion évoquées par le gouvernement dans son rapport figure l’harmonisation du statut des victimes de travail forcé dans la mesure où, en fonction de la nature des délits reconnus par les tribunaux, les droits auxquels elles peuvent prétendre sont différents (indemnités, titres de séjour); approche proactive de l’inspection du travail; la mise en place d’un partenariat société civile, inspection du travail et autres acteurs compétents.
La commission prend dûment note de l’ensemble de ces informations. Elle relève que la priorité accordée par le gouvernement à la lutte contre le travail dissimulé s’est traduite par la constatation d’un nombre croissant d’infractions et par le déclenchement de poursuites judicaires à l’encontre des contrevenants. Il importe donc que les acteurs de cette lutte soient sensibilisés et formés à l’identification des victimes de travail forcé (traite des personnes ou exploitation du travailleur en abusant de sa situation de vulnérabilité). En effet, la commission estime que si tous les cas de travail dissimulé ne constituent pas du travail forcé, ces cas se caractérisent par la réunion de plusieurs infractions à la législation du travail, qui doivent être sanctionnées en tant que telles. En outre, ces violations du droit du travail doivent être prises dans leur ensemble pour déterminer si elles concourent à la réalisation des infractions pénales de traite des personnes ou d’exploitation du travail d’autrui en abusant de sa situation de vulnérabilité, qui elles-mêmes appellent des sanctions pénales spécifiques. Les procès-verbaux des inspecteurs du travail ou des officiers de police judiciaire devraient être suffisamment précis pour permettre au Parquet de disposer des éléments de preuve pour qualifier les faits et initier les poursuites pénales. La commission prie, par conséquent, le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises pour sensibiliser et former l’inspection du travail et la police judiciaire à l’identification des situations relevant du travail forcé. Prière également d’indiquer les mesures prises pour assurer une meilleure coordination entre les organes chargés du contrôle de l’application de la loi (ministère public, magistrats) de manière à renforcer leur capacité d’intervention.
La commission souligne, par ailleurs, que les victimes de traite des personnes et d’exploitation au travail sont en grande majorité des travailleurs migrants qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité – et de vulnérabilité accrue lorsqu’elles sont en situation irrégulière. La commission relève à cet égard que le gouvernement reconnaît, dans son rapport, qu’en fonction de l’infraction pénale constatée les victimes n’ont pas le même statut ni les mêmes droits. La commission souligne que les victimes de travail forcé, que ce soit sous la forme de traite des personnes ou d’exploitation du travail par abus de vulnérabilité, devraient, indépendamment de leur statut sur le territoire national, bénéficier d’une protection adéquate pour faire valoir leurs droits auprès des autorités nationales compétentes en vue d’obtenir les prestations découlant de leur emploi (arriérés de salaire, protection sociale, etc.), l’indemnisation des préjudices matériel et moral subis ainsi que la condamnation des auteurs. La commission rappelle à cet égard que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions pénales suffisamment dissuasives doivent être strictement appliquées aux personnes qui imposent du travail forcé. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer la protection des victimes de travail forcé, qu’elles résident ou non de manière régulière sur le territoire national, afin qu’elles puissent effectivement faire valoir leurs droits. Prière également de communiquer des données statistiques sur les infractions constatées, le nombre et le type de titres de séjour octroyés aux victimes, les poursuites pénales engagées et les condamnations prononcées, que ce soit pour traite des personnes, soumission d’une personne à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine ou travail dissimulé.
Finalement, la commission prend note de l’étude réalisée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur la traite et l’exploitation des êtres humains en France qui propose une analyse approfondie du dispositif de lutte contre ce phénomène et adresse un certain nombre de recommandations aux pouvoirs publics. La commission prie le gouvernement d’indiquer si des mesures ont été prises pour donner suite à ces recommandations.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. La commission a précédemment observé que les détenus peuvent être amenés à travailler pour des entreprises privées, d’une part, au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements et, d’autre part, à des activités de production pour le compte des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou dans des établissements à gestion mixte. Elle a relevé que les principes directeurs de la législation régissant le travail dans les prisons répondent, sur un certain nombre de points essentiels, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entité privée puisse être considéré comme se rapprochant d’une relation de travail libre. Toutefois, certaines demandes de clarification ont été faites.
a) Consentement au travail. L’article D99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale a supprimé l’obligation de travailler en prison en disposant que «les détenus, quelle que soit leur catégorie pénale, peuvent demander qu’il leur soit proposé un travail». La loi pénitentiaire adoptée ultérieurement (13 octobre 2009) impose à toute personne condamnée l’obligation d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (art. 27). La commission a demandé au gouvernement de bien vouloir préciser si un travail peut être proposé au titre de l’obligation d’activité. La commission note que le gouvernement indique que l’article 27 de la loi s’applique à titre subsidiaire puisque les détenus qui sont déjà inscrits pour une activité de travail ou exercent une autre activité (enseignement, formation ou autre) ne sont pas concernés. En outre, le refus de participer à une activité n’est soumis à aucune sanction.
b) Rémunération. La commission rappelle que les modalités de fixation des rémunérations des détenus varient en fonction du régime de travail et de la catégorie d’établissement. En ce qui concerne le travail au service général, le niveau moyen des rémunérations est fixé par l’administration pénitentiaire chaque année pour tous les établissements, quel que soit le mode de gestion de l’établissement. S’agissant des activités de production réalisées dans le cadre d’un contrat de concession ou dans les établissements à gestion mixte, un seuil minimum de rémunération (SMR) doit être respecté. Ce seuil est fixé par l’administration, mais il ne constitue pas une rémunération minimale garantie pour le détenu, puisque l’atteinte du SMR est vérifiée mensuellement par atelier en divisant la masse salariale par le nombre d’heures travaillées: il constitue par conséquent un niveau minimum collectif moyen de rémunération. Le gouvernement indique que le taux horaire minimum de rémunération pour les activités de production était de 3,97 euros au 1er janvier 2010 (ce qui représente 44,8 pour cent du SMIC horaire, établi à 8,86 euros à compter du 1er janvier 2010). Le gouvernement précise que les écarts constatés entre le niveau moyen des salaires de l’atelier et le niveau minimum fixé sont analysés par le chef d’établissement et le concessionnaire qui prennent les mesures utiles pour remédier à la situation. S’agissant des établissements à gestion mixte, le titulaire du marché à l’obligation de faire appel aux détenus dans un volume horaire et une masse salariale minimum. En cas d’insuffisance de résultat une pénalité peut être appliquée, y compris en cas de non-respect des objectifs minimaux de rémunération.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle relève également que le projet de décret d’application de l’article 32 de la loi pénitentiaire, selon lequel la rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC, est en cours d’examen par le Conseil d’Etat. La commission prie le gouvernement de fournir copie du décret fixant les taux de rémunération pour les activités de service général et de production. La commission espère que l’introduction dans la législation nationale d’un taux minimum horaire de rémunération indexé sur le SMIC permettra de continuer de rapprocher la rémunération des détenus travailleurs de celle des travailleurs libres. Elle le prie également de communiquer des informations sur les contrôles réalisés pour s’assurer que le seuil minimum de rémunération est garanti et sur le nombre de cas dans lesquels les chefs d’établissement ont constaté que ce seuil n’a pas été respecté par les concessionnaires ainsi que ceux dans lesquels des pénalités ont été imposées aux établissements de gestion mixte pour non-respect des objectifs minima de rémunération.
c) Contrat de travail. Aux termes des articles 717, alinéa 3, et D103, alinéa 2, du Code de procédure pénale, les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. L’article 33 de la nouvelle loi pénitentiaire prévoit néanmoins que la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle l’objectif de cette disposition est de reconnaître légalement le détenu comme sujet de droit dans le domaine du travail. La responsabilité du travail incombant au chef d’établissement, seul ce dernier peut signer l’acte d’engagement (et pas le concessionnaire). Notant que les éléments devant obligatoirement figurer dans l’acte d’engagement seront précisés dans les décrets d’application de la loi pénitentiaire, actuellement en attente d’examen par le Conseil d’Etat, la commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir copie du texte d’application adopté à cette fin.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté avec intérêt l’adoption de la loi no 2003-239 du 18 mars 2003, qui avait introduit dans le Code pénal des dispositions définissant les éléments constitutifs de la traite des êtres humains ainsi que les sanctions applicables (art. 225-4-1 à 225-4-8 du Code pénal). Elle avait également pris note des dispositions incriminant et sanctionnant les «conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine» et de l’interprétation faite par la chambre pénale de la cour de cassation de la notion de dignité humaine.

La commission note les informations communiquées par le gouvernement en décembre 2008 dans son rapport sur l’application de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, au sujet des mesures prises pour renforcer l’arsenal juridique de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains en particulier. S’agissant de la traite des personnes, la commission note que le décret no 2007-1352 du 13 septembre 2007 a introduit une série de dispositions dans la législation visant à protéger les victimes de la traite. Ainsi, les services de police ou de gendarmerie, qui pensent qu’un étranger victime de la traite est susceptible de porter plainte contre son agresseur ou de témoigner lors d’une procédure pénale, informent la victime de ses droits et de la possibilité de bénéficier d’un délai de réflexion de trente jours; la victime étrangère en situation irrégulière qui dépose plainte contre son agresseur bénéficie d’une autorisation de séjour ouvrant droit à l’exercice d’une activité professionnelle (autorisation renouvelable pendant toute la durée de la procédure pénale); en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, la victime peut se voir délivrer une carte de résident; la victime peut aussi bénéficier d’une protection sociale, médicale et, le cas échéant, d’une protection policière. Le gouvernement indique également qu’a été mise en place une plate-forme téléphonique qui permet aux victimes d’être écoutées, conseillées sur leurs droits et orientées de manière anonyme. Par ailleurs, les enquêteurs et les magistrats sont habilités à utiliser des moyens d’investigation accrus dans le cadre des enquêtes et procédures judiciaires ouvertes pour traite des personnes. Enfin, le gouvernement communique un certain nombre de données statistiques sur les condamnations prononcées pour traite.

La commission prend note de l’ensemble de ces informations qui témoignent de la volonté du gouvernement de renforcer son dispositif législatif pour combattre le phénomène complexe de la traite des personnes. Elle le prie de bien vouloir fournir des informations sur la mise en œuvre de la législation précitée en indiquant notamment si des activités de sensibilisation ont été organisées au profit des services d’investigation et de poursuite. S’agissant de la protection des victimes, la commission souhaiterait que le gouvernement précise le nombre de victimes ayant bénéficié d’un délai de réflexion, ainsi que d’un titre de séjour, au titre des articles R316-2, R316-3 et R316-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Prière également de fournir des informations sur les mesures prises pour s’assurer que les responsables sont poursuivis en justice, que ce soit à l’initiative des victimes ou à l’initiative des autorités de poursuite, ainsi que sur les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics dans ce domaine. Enfin, notant que les statistiques fournies par le gouvernement sur le nombre d’infractions de traite sanctionnées en 2007 (19) ne précisent pas la peine à laquelle les auteurs ont été condamnés, la commission souhaiterait que le gouvernement continue à fournir de telles données dans ses prochains rapports en précisant les peines prononcées, afin qu’elle puisse s’assurer que les peines prononcées pour l’infraction de traite d’êtres humains sont réellement efficaces et strictement appliquées, conformément à l’article 25 de la convention.

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. Dans ses précédents commentaires, la commission a observé que les détenus peuvent être amenés à travailler pour des entreprises privées soit au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements tels que la maintenance ou l’hôtellerie, soit à des activités de production pour des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou dans des établissements à gestion mixte. Si, en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, les prisonniers ne peuvent pas être concédés ou mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales de droit privé, la commission a admis que, lorsque le travail est exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement du prisonnier et entouré d’un certain nombre de garanties, ce travail peut être compatible avec la convention. A cet égard, la commission avait noté que les principes directeurs de la législation régissant le travail dans les prisons en France répondaient, sur un certain nombre de points essentiels, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entité privée puisse être considéré comme se rapprochant d’une relation de travail libre et ainsi échapper à l’interdiction posée par l’article 2, paragraphe 2 c). La commission avait toutefois souhaité obtenir davantage d’informations sur certains de ces critères.

a) Consentement au travail et absence de menace. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que le Code de procédure pénale avait été modifié de sorte que chaque condamné bénéficiait désormais d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation, ce crédit étant néanmoins susceptible d’être retiré par le juge de l’application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné en détention (art. 721, alinéa 3). La commission avait souhaité que le gouvernement précise si, dans la pratique, le refus de travailler pouvait être pris en compte pour déterminer la mauvaise conduite d’un détenu. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement précise que la question du refus de travailler, et de ses éventuelles conséquences, ne peut correspondre qu’à deux cas de figure: la personne détenue prend la décision d’interrompre une activité rémunérée en violation des règles ou usages (par exemple, le non-respect d’un délai de préavis) ou la personne détenue refuse d’occuper un poste de travail proposé après en avoir fait la demande. Dans les deux hypothèses le refus d’occuper le poste de travail proposé ne constitue pas en soi une faute disciplinaire.

S’agissant de la question du consentement au travail, la commission note que la nouvelle loi pénitentiaire, adoptée le 13 octobre 2009, impose à toute personne condamnée une obligation d’activité. Aux termes de son article 27, alinéa 1, toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité. Parmi les activités qui peuvent être proposées aux détenus, l’alinéa 2 mentionne l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul et de la langue française, lorsque le détenu ne les maîtrise pas. La commission relève que, si le travail n’est pas expressément mentionné au titre des activités susceptibles d’être imposées aux personnes condamnées, il ressort de la discussion du projet de loi au Sénat et à l’Assemblée nationale que, pour le législateur, le travail fait partie des activités que la personne condamnée serait tenue d’exercer. La commission prie le gouvernement de bien vouloir clarifier ce point, en précisant si un travail peut être proposé au titre de l’obligation d’activité, ceci dans la mesure où la personne condamnée est tenue d’exercer une activité. Le cas échéant, prière d’indiquer l’incidence de cette nouvelle disposition sur l’article D99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale qui avait supprimé l’obligation de travailler en prison en disposant que «les détenus, quelle que soit leur catégorie pénale, peuvent demander qu’il leur soit proposé un travail».

b) Conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre. Notant que, selon l’article D102, alinéa 2, du Code de procédure pénale, l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations supplémentaires concernant la rémunération du travail pénitentiaire et l’existence d’un contrat de travail lorsque le travail est exécuté au profit d’entités privées.

Rémunération. La commission avait souligné que les prisonniers travaillant à des activités de production au profit d’entreprises privées (dans le cadre d’un contrat de concession entre l’établissement pénitentiaire et une entreprise privée ou dans les établissements à gestion mixte) et les détenus affectés au service général des établissements à gestion mixte ne relevaient pas de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), et devaient par conséquent bénéficier de rémunérations brutes se rapprochant de celles pratiquées pour les mêmes activités à l’extérieur des prisons.

S’agissant des activités au service général, la commission note que le niveau moyen des rémunérations est fixé chaque année par l’administration pénitentiaire pour tous les établissements, quel que soit leur mode de gestion.

En ce qui concerne le niveau des rémunérations des détenus effectuant des activités de production dans le cadre d’un contrat de concession ou dans les établissements à gestion mixte, la commission avait noté l’existence d’un seuil minimum de rémunération (SMR) qui, s’il ne constituait pas une rémunération minimale garantie pour le détenu, permettait à l’administration pénitentiaire de contrôler les rémunérations pratiquées par les groupements privés. La commission avait également observé que les salaires moyens attribués aux détenus lorsqu’ils exerçaient des activités de production au profit d’entités privées (concessions et établissements à gestion mixte) étaient inférieurs à ceux pratiqués par la régie industrielle des établissements pénitentiaires. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations à cet égard et d’indiquer s’il était envisagé de conférer au SMR une valeur contraignante.

La commission note que dans son rapport le gouvernement précise que, sous le régime de la concession, la rémunération est fixée par référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en fonction du niveau moyen de productivité déterminé après essai, en respectant les seuils fixés par la circulaire du 20 novembre 1998 sur les clauses et contrats de concession. Lorsque les activités de production sont déléguées à des groupements privés, la rémunération doit respecter le SMR. Le gouvernement confirme que l’atteinte du SMR est vérifiée mensuellement par atelier en divisant la masse salariale par le nombre d’heures travaillées: il constitue un niveau minimum collectif moyen de rémunération mais ne garantit pas une rémunération minimale pour le détenu. Le gouvernement ajoute que le taux horaire minimum de rémunération pour les activités de production était de 3,90 euros au 1er janvier 2009 (ce qui représente 44,21 pour cent du SMIC horaire, établi à 8,82 euros à compter du 1er juillet 2009). Il souligne que la spécificité de la production en milieu carcéral se caractérise par une productivité moindre qu’en milieu libre. Le différentiel de productivité avec l’extérieur se traduit donc par une rémunération inférieure à ce qu’elle serait dans des conditions de travail libre.

La commission prend note des différentes modalités de fixation des salaires des détenus occupés à des activités de production. Elle prie le gouvernement de fournir des informations statistiques permettant de comparer les taux horaires minima et/ou les taux horaires moyens applicables aux activités de production dans les ateliers de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires, sous le régime de la concession, lorsque l’organisation du travail est déléguée à des groupements privés et dans les nouveaux établissements pénitentiaires à gestion mixte.

La commission note par ailleurs que, selon l’article 32 de la nouvelle loi pénitentiaire, qui complète l’article 717-3 du Code de procédure pénale, la rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC (ce taux pouvant varier en fonction du régime sous lequel les détenus sont employés). La commission prie le gouvernement de bien vouloir indiquer les mesures prises pour mettre en œuvre le principe posé à l’article 32 de la nouvelle loi pénitentiaire et de préciser les taux qui auront été fixés pour les différents régimes sous lesquels les personnes détenues sont employées. La commission espère que l’introduction dans la législation nationale d’un taux minimum horaire de rémunération indexé sur le SMIC permettra de continuer de rapprocher la rémunération des détenus travailleurs de celle des travailleurs libres.

Contrat de travail. La commission avait relevé que, aux termes des articles 717, alinéa 3, et D103, alinéa 2, du Code de procédure pénale, les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Elle avait espéré, compte tenu des informations positives communiquées par le gouvernement, que des mesures seraient prises en vue de proposer aux détenus travaillant pour une entité privée un contrat de travail avec l’organisme employeur, qu’il s’agisse de l’entreprise pour laquelle le travail est effectué ou d’un organisme relevant de l’administration pénitentiaire. Elle avait à cet égard noté qu’une circulaire avait enjoint aux établissements l’utilisation du support d’engagement professionnel – document permettant de clarifier et de formaliser les règles de participation des détenus aux activités de travail en production et au service général et de préciser des points tels que l’embauche effective, la durée du travail, la rémunération, la période d’essai, les conditions de suspension et de rupture de la relation de travail et les exigences en matière d’assiduité. La commission avait prié le gouvernement de fournir de plus amples informations sur la nature et l’utilisation du support d’engagement professionnel.

La commission constate avec intérêt que l’article 33 de la nouvelle loi pénitentiaire prévoit que «la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.» La commission espère que la reconnaissance du détenu travailleur comme sujet de droit permettra de rapprocher ses conditions de travail de celles des travailleurs libres et prie le gouvernement de communiquer une copie d’un acte d’engagement type et de préciser les éléments qui doivent obligatoirement figurer dans l’acte d’engagement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans sa précédente demande directe:

1. Article 2, paragraphe 2 c), de la convention.Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la loi no 87-432 du 22 juin 1987 avait modifié le Code de procédure pénale en conférant au travail des prisonniers un caractère volontaire. Elle avait constaté que les détenus employés peuvent être affectés soit au service général des établissements pénitentiaires, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements tels que la maintenance ou l’hôtellerie, soit à des activités de production. Dans le cadre des activités de production, le travail s’effectue: a) dans les ateliers du service de l’emploi pénitentiaire (SEP), par l’intermédiaire de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP); b) pour les entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire; ou c) dans les établissements à gestion mixte. Dans ce dernier cas, l’organisation des activités de production est l’une des fonctions déléguées à l’entreprise privée dans le cadre du marché de fonctionnement des établissements à gestion mixte. Il résulte de cette organisation du travail pénitentiaire que les détenus peuvent être amenés à exécuter un travail au profit d’une entreprise privée. Bien qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention les prisonniers ne peuvent pas être concédés ou mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales de droit privé, la commission a admis que lorsque le travail était exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement du prisonnier et entouré d’un certain nombre de garanties, il pourrait ne pas entraver l’application de la convention. A cet égard, elle a pu noter dans ses précédents commentaires que les principes directeurs de la législation régissant le travail dans les prisons répondaient, sur un certain nombre de points essentiels, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entreprise privée puisse être comparé à une relation de travail libre et ainsi échapper à l’interdiction énoncée à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention. La commission souhaite toutefois attirer l’attention du gouvernement et obtenir davantage d’informations sur certains de ces critères qui permettent de se rapprocher d’une relation de travail libre.

a) Consentement au travail et absence de menace. La commission avait relevé qu’il ressortait des dispositions des articles 720, paragraphe 1, et 721, paragraphe 1, du Code de procédure pénale qu’il existait un lien entre l’acceptation ou non d’un travail et la perspective d’une réduction de peine. Selon l’article 721, paragraphe 1, une réduction de peine pouvait être accordée aux détenus s’ils avaient donné des preuves suffisantes de bonne conduite, l’article 720 précisant que les activités de travail et de formation professionnelle étaient prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. Elle avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que ce lien pouvait avoir une incidence sur le libre consentement aux activités de travail. Le gouvernement a indiqué à cet égard, dans son rapport reçu en 2004, que le juge de l’application des peines apprécie les gages de réinsertion et de bonne conduite selon bien d’autres critères que la seule participation à des activités de travail, notamment le comportement en détention, l’implication dans les activités socio-éducatives, la qualité de l’indemnisation des parties civiles, le sérieux de la préparation des projets de sortie, l’existence de liens familiaux, etc. Par ailleurs, il existe un certain nombre d’établissements dans lesquels l’offre d’emploi ne permet pas de satisfaire l’ensemble des demandes, ce qui ne saurait se traduire par une discrimination concernant les remises de peine.

La commission prend note de ces informations. Elle relève que, suite à l’adoption de la loi no 2004-204 du 9 mars 2004, l’article 720 est devenu l’article 717-3 et les dispositions de l’article 721, paragraphe 1, ont été modifiées. Désormais, chaque condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation. Ce crédit de réduction de peine peut être retiré par le juge de l’application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné en détention. La commission constate que la législation semble avoir supprimé le lien existant entre l’acceptation d’un travail et le droit à la réduction de peine. Elle souhaiterait néanmoins que le gouvernement indique si, dans la pratique, le refus de travailler peut être pris en compte pour déterminer la mauvaise conduite d’un détenu.

b)Conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre. La commission rappelle que, selon l’article D102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales de travail libre. Dans ce contexte, la commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations supplémentaires sur les points suivants qui concernent la rémunération du travail pénitentiaire et l’existence d’un contrat de travail lorsque le travail est exécuté au profit d’entreprises privées.

Rémunération

La commission avait souligné que les prisonniers travaillant à des activités de production au profit d’entreprises privées (dans le cadre d’un contrat de concession entre l’établissement pénitentiaire et une entreprise privée ou dans les établissements à gestion mixte) et les détenus affectés au service général des établissements à gestion mixte ne relevaient pas de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention et devaient par conséquent bénéficier de rémunérations brutes se rapprochant de celles pratiquées pour les mêmes activités à l’extérieur des prisons. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans ses rapports fournis en 2004 et 2006 concernant la revalorisation des rémunérations des détenus qui participent aux activités de service général. D’après ces informations, ces rémunérations sont revalorisées chaque année en fonction de l’évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et, entre 2002 et 2006, la rémunération moyenne journalière nette des détenus affectés au service général a augmenté d’environ 20 pour cent (20,3 pour cent pour la classe I, 18,5 pour cent pour la classe II et 19,2 pour cent pour la classe III). Le gouvernement précise qu’il reste opportun de fixer par classe un montant minimum en deçà duquel aucune rémunération ne saurait être versée.

S’agissant plus précisément des activités de service général dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte, le gouvernement indique dans son rapport de 2004 que, depuis janvier 2002, le financement des rémunérations et des cotisations sociales des personnes détenues employées à ces activités est pris en charge directement par l’administration pénitentiaire. La gestion des crédits budgétaires affectés au service général est assurée site par site par le chef d’établissement. De même, le nombre de personnes détenues affectées au service général et leur répartition dans les trois classes de rémunération, selon le barème fixé par la direction de l’administration pénitentiaire, relèvent des décisions prises par le chef d’établissement. La commission constate, d’après ces informations, que la fonction «service général» n’est plus déléguée à l’opérateur privé dans le cadre du marché de gestion. Elle prie le gouvernement de bien vouloir préciser si tel est le cas et de continuer à fournir des informations sur tout changement dans la répartition des fonctions dans le cadre des marchés de fonctionnement des établissements à gestion mixte, dès lors que ces fonctions touchent au travail des détenus. Prière à cet égard de communiquer copie d’un exemple de contrat de marché de fonctionnement de ces établissements. Par ailleurs, la commission relève que la loi d’orientation et de programmation de la justice (2003‑2007) prévoit la construction de 13 200 places, dont 10 800 dans de nouvelles prisons avec de nouvelles formes de partenariats public-privé. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur la nature de ces nouveaux établissements pénitentiaires en indiquant le rôle joué par l’opérateur privé dans la fourniture du travail aux détenus.

En ce qui concerne le niveau des rémunérations des détenus effectuant des activités de production dans le cadre d’un contrat de concession ou dans les établissements à gestion mixte, la commission a pris connaissance du rapport d’information réalisé en 2002 par le sénateur Paul Loridant au nom de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation «sur la mission de contrôle sur le compte de commerce 904‑11 de la RIEP». Elle note que la rémunération journalière moyenne pour les activités de production est de 24 euros quand le travail est proposé par la RIEP, de 19 euros quand il est réalisé dans le cadre des contrats de concession et de 16 euros dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte. Selon ce rapport, dans les établissements à gestion mixte, le marché a institué un indicateur contractuel dénommé SMAP (salaire minimum de l’administration pénitentiaire) concernant le taux horaire minimum de rémunération des détenus en production. Le SMAP oscille entre 41 et 44 pour cent du salaire minimum horaire. La commission note que le relèvement du SMAP à 50 pour cent du salaire minimum fait partie des mesures proposées dans ce rapport.

La commission constate, d’après le dernier rapport du gouvernement, que le SMAP a été remplacé par le seuil minimum de rémunération (SMR). Le gouvernement indique que le principe d’une rémunération qui ne saurait être inférieure au SMR, applicable dans les établissements à gestion mixte, a été étendu aux ateliers concédés des établissements à gestion publique. Le SMR est un instrument utilisé par l’administration pour contrôler les rémunérations pratiquées par les groupements privés. Il ne s’agit cependant pas d’un droit du détenu travailleur et il n’y a pas de rémunération minimale garantie. La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle constate que, pour l’année 2006, le SMR représente 44,7 pour cent du SMIC. Relevant que, d’après le rapport d’information du Sénat de 2002 cité ci-dessus, les salaires moyens attribués aux détenus lorsqu’ils exercent des activités de production au profit d’entités privées (concessions et établissements à gestion mixte) sont inférieurs à ceux pratiqués par la RIEP, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées sur les salaires moyens attribués aux détenus exerçant des activités de production (pour la RIEP et pour des entités privées). Prière également d’indiquer s’il est envisagé de conférer au SMR une valeur contraignante.

Contrat de travail

La commission relève qu’aux termes des articles 717, paragraphe 3, et D103, paragraphe 2, du Code de procédure pénale les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Dans ses précédents commentaires, la commission avait espéré, compte tenu des informations positives communiquées par le gouvernement, que des mesures seraient prises en vue de proposer aux détenus travaillant pour une entreprise privée un contrat de travail avec l’organisme employeur, qu’il s’agisse de l’entreprise pour laquelle le travail est effectué ou d’un organisme relevant de l’administration pénitentiaire. Le gouvernement indique dans son rapport de 2004 que le Plan d’amélioration des conditions de travail et d’emploi (PACTE 2) s’est fixé trois objectifs dont celui de rapprocher le travail pénitentiaire du droit commun. L’administration pénitentiaire s’engage dans une dynamique visant à rapprocher le plus possible les conditions d’exercice du travail pénitentiaire des conditions existantes à l’extérieur. Une circulaire a enjoint aux établissements l’utilisation du support d’engagement professionnel: ce document permet de clarifier et de formaliser les règles de participation des détenus aux activités de travail en production et au service général. Il précise les points concernant l’embauche effective, la durée, la rémunération, la période d’essai, les conditions de suspension et de rupture, les exigences en matière d’assiduité, etc. Le gouvernement ajoute que le support d’engagement professionnel est un élément essentiel dans le cadre d’une démarche visant la réinsertion des détenus en ce qu’il constitue une préparation à l’exercice d’une activité de travail et leur confère une protection et des droits en contrepartie d’un engagement professionnel.

La commission relève par ailleurs que le rapport d’information du Sénat, ci-dessus mentionné, souligne la nécessité d’introduire le droit et le contrat dans la relation de travail en prison. Il pose le principe du contrat de travail, tout en reconnaissant que l’exercice du travail en détention présente des particularités qui nécessitent des ajustements par rapport aux règles générales du contrat de travail. Le rapport préconise de proposer aux employeurs une option entre, d’une part, un contrat de travail de droit commun, signé directement entre l’employeur et le détenu, avec certains ajustements et, d’autre part, un contrat de travail pénitentiaire sui generis de droit public, signé entre l’administration pénitentiaire et le détenu, la mise à disposition du détenu auprès de l’employeur final se faisant par le biais d’un contrat de concession se rapprochant d’un contrat de travail. En outre, la commission a pris connaissance de l’avis adopté par le Conseil économique et social en février 2006 sur «les conditions de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus en France» et du rapport de la Cour des comptes «Garde et réinsertion – la gestion des prisons», publié en 2006. Ces deux autorités soulignent la nécessité de fixer un cadre juridique adapté au travail des détenus, précisant leurs droits et obligations ainsi que les règles applicables en matière de rémunération. Selon le rapport de la Cour des comptes «l’absence de contrat de travail entre les personnes incarcérées et les entreprises qui ont recours à elles illustre la situation ambiguë des détenus, à laquelle le développement des “supports d’engagement professionnel”, souhaité par l’administration, n’est qu’une réponse partielle puisque ces derniers sont dépourvus de portée juridique et ne sont pas systématiques». La commission espère que le gouvernement pourra fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés à cet égard. Elle le prie de bien vouloir fournir de plus amples informations sur la nature et l’utilisation du support d’engagement professionnel.

2. Exploitation du travail d’autrui. La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement au sujet de l’application des dispositions des articles 225-13 et 225-14 du Code pénal relatifs au délit d’obtention de fourniture de services non rétribués auprès d’une personne vulnérable ou en état de dépendance, et au délit de soumission d’une personne vulnérable ou en état de dépendance à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine. La commission note que la loi no 2003‑239 du 18 mars 2003 a élargi les éléments constitutifs de ces infractions. Ainsi, pour caractériser ces infractions, il suffit désormais que la vulnérabilité ou l’état de dépendance soient apparents ou connus de l’auteur du délit. La loi a également précisé que les mineurs ou les personnes victimes de ces faits à leur arrivée sur le territoire national sont considérées comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance, ce qui, selon le gouvernement, permet de simplifier la caractérisation de ces infractions lorsqu’elles sont commises à l’égard d’étrangers. Par ailleurs, les peines applicables à ces délits ont été alourdies. La commission prie le gouvernement de bien vouloir continuer à fournir des informations, y compris statistiques, sur l’application pratique des articles 225-13 et 225-14 du Code pénal, et notamment de communiquer copie des jugements pertinents prononcés dans ce contexte. A ce sujet, la commission note avec intérêt l’interprétation donnée par la Cour de cassation de la notion de dignité humaine.

3. Traite des personnes. La commission relève avec intérêt que la loi no 2003-239 a inséré dans le Code pénal une section sur la traite des êtres humains (art. 225-4-1 à 225-4-8). Ces dispositions définissent la traite des êtres humains et sanctionnent leurs auteurs d’une peine de prison de sept ans et de 150 000 euros d’amende, peine qui peut être aggravée dans un certain nombre de circonstances. Les auteurs de cette infraction encourent également la confiscation de l’ensemble de leurs biens (art. 225-25). La commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations sur l’application pratique de ces nouvelles dispositions du Code pénal, en communiquant copie des décisions de justice prononcées en la matière. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les autres mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes en vue de leur exploitation sexuelle ou de l’exploitation de leur travail. Elle souhaiterait en particulier recevoir des informations sur les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics pour lutter contre ce phénomène et sur les mesures prises pour inciter les victimes à s’adresser aux autorités et assurer leur protection.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

1. Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la loi no 87-432 du 22 juin 1987 avait modifié le Code de procédure pénale en conférant au travail des prisonniers un caractère volontaire. Elle avait constaté que les détenus employés peuvent être affectés soit au service général des établissements pénitentiaires, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements tels que la maintenance ou l’hôtellerie, soit à des activités de production. Dans le cadre des activités de production, le travail s’effectue: a) dans les ateliers du service de l’emploi pénitentiaire (SEP), par l’intermédiaire de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP); b) pour les entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire; ou c) dans les établissements à gestion mixte. Dans ce dernier cas, l’organisation des activités de production est l’une des fonctions déléguées à l’entreprise privée dans le cadre du marché de fonctionnement des établissements à gestion mixte. Il résulte de cette organisation du travail pénitentiaire que les détenus peuvent être amenés à exécuter un travail au profit d’une entreprise privée. Bien qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention les prisonniers ne peuvent pas être concédés ou mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales de droit privé, la commission a admis que lorsque le travail était exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement du prisonnier et entouré d’un certain nombre de garanties, il pourrait ne pas entraver l’application de la convention. A cet égard, elle a pu noter dans ses précédents commentaires que les principes directeurs de la législation régissant le travail dans les prisons répondaient, sur un certain nombre de points essentiels, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entreprise privée puisse être comparé à une relation de travail libre et ainsi échapper à l’interdiction énoncée à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention. La commission souhaite toutefois attirer l’attention du gouvernement et obtenir davantage d’informations sur certains de ces critères qui permettent de se rapprocher d’une relation de travail libre.

a) Consentement au travail et absence de menace. La commission avait relevé qu’il ressortait des dispositions des articles 720, paragraphe 1, et 721, paragraphe 1, du Code de procédure pénale qu’il existait un lien entre l’acceptation ou non d’un travail et la perspective d’une réduction de peine. Selon l’article 721, paragraphe 1, une réduction de peine pouvait être accordée aux détenus s’ils avaient donné des preuves suffisantes de bonne conduite, l’article 720 précisant que les activités de travail et de formation professionnelle étaient prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. Elle avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que ce lien pouvait avoir une incidence sur le libre consentement aux activités de travail. Le gouvernement a indiqué à cet égard, dans son rapport reçu en 2004, que le juge de l’application des peines apprécie les gages de réinsertion et de bonne conduite selon bien d’autres critères que la seule participation à des activités de travail, notamment le comportement en détention, l’implication dans les activités socio-éducatives, la qualité de l’indemnisation des parties civiles, le sérieux de la préparation des projets de sortie, l’existence de liens familiaux, etc. Par ailleurs, il existe un certain nombre d’établissements dans lesquels l’offre d’emploi ne permet pas de satisfaire l’ensemble des demandes, ce qui ne saurait se traduire par une discrimination concernant les remises de peine.

La commission prend note de ces informations. Elle relève que, suite à l’adoption de la loi no 2004-204 du 9 mars 2004, l’article 720 est devenu l’article 717-3 et les dispositions de l’article 721, paragraphe 1, ont été modifiées. Désormais, chaque condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation. Ce crédit de réduction de peine peut être retiré par le juge de l’application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné en détention. La commission constate que la législation semble avoir supprimé le lien existant entre l’acceptation d’un travail et le droit à la réduction de peine. Elle souhaiterait néanmoins que le gouvernement indique si, dans la pratique, le refus de travailler peut être pris en compte pour déterminer la mauvaise conduite d’un détenu.

b) Conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre. La commission rappelle que, selon l’article D102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales de travail libre. Dans ce contexte, la commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations supplémentaires sur les points suivants qui concernent la rémunération du travail pénitentiaire et l’existence d’un contrat de travail lorsque le travail est exécuté au profit d’entreprises privées.

Rémunération

La commission avait souligné que les prisonniers travaillant à des activités de production au profit d’entreprises privées (dans le cadre d’un contrat de concession entre l’établissement pénitentiaire et une entreprise privée ou dans les établissements à gestion mixte) et les détenus affectés au service général des établissements à gestion mixte ne relevaient pas de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention et devaient par conséquent bénéficier de rémunérations brutes se rapprochant de celles pratiquées pour les mêmes activités à l’extérieur des prisons. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans ses rapports fournis en 2004 et 2006 concernant la revalorisation des rémunérations des détenus qui participent aux activités de service général. D’après ces informations, ces rémunérations sont revalorisées chaque année en fonction de l’évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et, entre 2002 et 2006, la rémunération moyenne journalière nette des détenus affectés au service général a augmenté d’environ 20 pour cent (20,3 pour cent pour la classe I, 18,5 pour cent pour la classe II et 19,2 pour cent pour la classe III). Le gouvernement précise qu’il reste opportun de fixer par classe un montant minimum en deçà duquel aucune rémunération ne saurait être versée.

S’agissant plus précisément des activités de service général dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte, le gouvernement indique dans son rapport de 2004 que, depuis janvier 2002, le financement des rémunérations et des cotisations sociales des personnes détenues employées à ces activités est pris en charge directement par l’administration pénitentiaire. La gestion des crédits budgétaires affectés au service général est assurée site par site par le chef d’établissement. De même, le nombre de personnes détenues affectées au service général et leur répartition dans les trois classes de rémunération, selon le barème fixé par la direction de l’administration pénitentiaire, relèvent des décisions prises par le chef d’établissement. La commission constate, d’après ces informations, que la fonction «service général» n’est plus déléguée à l’opérateur privé dans le cadre du marché de gestion. Elle prie le gouvernement de bien vouloir préciser si tel est le cas et de continuer à fournir des informations sur tout changement dans la répartition des fonctions dans le cadre des marchés de fonctionnement des établissements à gestion mixte, dès lors que ces fonctions touchent au travail des détenus. Prière à cet égard de communiquer copie d’un exemple de contrat de marché de fonctionnement de ces établissements. Par ailleurs, la commission relève que la loi d’orientation et de programmation de la justice (2003‑2007) prévoit la construction de 13 200 places, dont 10 800 dans de nouvelles prisons avec de nouvelles formes de partenariats public-privé. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur la nature de ces nouveaux établissements pénitentiaires en indiquant le rôle joué par l’opérateur privé dans la fourniture du travail aux détenus.

En ce qui concerne le niveau des rémunérations des détenus effectuant des activités de production dans le cadre d’un contrat de concession ou dans les établissements à gestion mixte, la commission a pris connaissance du rapport d’information réalisé en 2002 par le sénateur Paul Loridant au nom de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation «sur la mission de contrôle sur le compte de commerce 904‑11 de la RIEP». Elle note que la rémunération journalière moyenne pour les activités de production est de 24 euros quand le travail est proposé par la RIEP, de 19 euros quand il est réalisé dans le cadre des contrats de concession et de 16 euros dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte. Selon ce rapport, dans les établissements à gestion mixte, le marché a institué un indicateur contractuel dénommé SMAP (salaire minimum de l’administration pénitentiaire) concernant le taux horaire minimum de rémunération des détenus en production. Le SMAP oscille entre 41 et 44 pour cent du salaire minimum horaire. La commission note que le relèvement du SMAP à 50 pour cent du salaire minimum fait partie des mesures proposées dans ce rapport.

La commission constate, d’après le dernier rapport du gouvernement, que le SMAP a été remplacé par le seuil minimum de rémunération (SMR). Le gouvernement indique que le principe d’une rémunération qui ne saurait être inférieure au SMR, applicable dans les établissements à gestion mixte, a été étendu aux ateliers concédés des établissements à gestion publique. Le SMR est un instrument utilisé par l’administration pour contrôler les rémunérations pratiquées par les groupements privés. Il ne s’agit cependant pas d’un droit du détenu travailleur et il n’y a pas de rémunération minimale garantie. La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle constate que, pour l’année 2006, le SMR représente 44,7 pour cent du SMIC. Relevant que, d’après le rapport d’information du Sénat de 2002 cité ci-dessus, les salaires moyens attribués aux détenus lorsqu’ils exercent des activités de production au profit d’entités privées (concessions et établissements à gestion mixte) sont inférieurs à ceux pratiqués par la RIEP, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées sur les salaires moyens attribués aux détenus exerçant des activités de production (pour la RIEP et pour des entités privées). Prière également d’indiquer s’il est envisagé de conférer au SMR une valeur contraignante.

Contrat de travail

La commission relève qu’aux termes des articles 717, paragraphe 3, et D103, paragraphe 2, du Code de procédure pénale les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Dans ses précédents commentaires, la commission avait espéré, compte tenu des informations positives communiquées par le gouvernement, que des mesures seraient prises en vue de proposer aux détenus travaillant pour une entreprise privée un contrat de travail avec l’organisme employeur, qu’il s’agisse de l’entreprise pour laquelle le travail est effectué ou d’un organisme relevant de l’administration pénitentiaire. Le gouvernement indique dans son rapport de 2004 que le Plan d’amélioration des conditions de travail et d’emploi (PACTE 2) s’est fixé trois objectifs dont celui de rapprocher le travail pénitentiaire du droit commun. L’administration pénitentiaire s’engage dans une dynamique visant à rapprocher le plus possible les conditions d’exercice du travail pénitentiaire des conditions existantes à l’extérieur. Une circulaire a enjoint aux établissements l’utilisation du support d’engagement professionnel: ce document permet de clarifier et de formaliser les règles de participation des détenus aux activités de travail en production et au service général. Il précise les points concernant l’embauche effective, la durée, la rémunération, la période d’essai, les conditions de suspension et de rupture, les exigences en matière d’assiduité, etc. Le gouvernement ajoute que le support d’engagement professionnel est un élément essentiel dans le cadre d’une démarche visant la réinsertion des détenus en ce qu’il constitue une préparation à l’exercice d’une activité de travail et leur confère une protection et des droits en contrepartie d’un engagement professionnel.

La commission relève par ailleurs que le rapport d’information du Sénat, ci-dessus mentionné, souligne la nécessité d’introduire le droit et le contrat dans la relation de travail en prison. Il pose le principe du contrat de travail, tout en reconnaissant que l’exercice du travail en détention présente des particularités qui nécessitent des ajustements par rapport aux règles générales du contrat de travail. Le rapport préconise de proposer aux employeurs une option entre, d’une part, un contrat de travail de droit commun, signé directement entre l’employeur et le détenu, avec certains ajustements et, d’autre part, un contrat de travail pénitentiaire sui generis de droit public, signé entre l’administration pénitentiaire et le détenu, la mise à disposition du détenu auprès de l’employeur final se faisant par le biais d’un contrat de concession se rapprochant d’un contrat de travail. En outre, la commission a pris connaissance de l’avis adopté par le Conseil économique et social en février 2006 sur «les conditions de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus en France» et du rapport de la Cour des comptes «Garde et réinsertion – la gestion des prisons», publié en 2006. Ces deux autorités soulignent la nécessité de fixer un cadre juridique adapté au travail des détenus, précisant leurs droits et obligations ainsi que les règles applicables en matière de rémunération. Selon le rapport de la Cour des comptes «l’absence de contrat de travail entre les personnes incarcérées et les entreprises qui ont recours à elles illustre la situation ambiguë des détenus, à laquelle le développement des “supports d’engagement professionnel”, souhaité par l’administration, n’est qu’une réponse partielle puisque ces derniers sont dépourvus de portée juridique et ne sont pas systématiques». La commission espère que le gouvernement pourra fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés à cet égard. Elle le prie de bien vouloir fournir de plus amples informations sur la nature et l’utilisation du support d’engagement professionnel.

2. Exploitation du travail d’autrui. La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement au sujet de l’application des dispositions des articles 225-13 et 225-14 du Code pénal relatifs au délit d’obtention de fourniture de services non rétribués auprès d’une personne vulnérable ou en état de dépendance, et au délit de soumission d’une personne vulnérable ou en état de dépendance à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine. La commission note que la loi no 2003‑239 du 18 mars 2003 a élargi les éléments constitutifs de ces infractions. Ainsi, pour caractériser ces infractions, il suffit désormais que la vulnérabilité ou l’état de dépendance soient apparents ou connus de l’auteur du délit. La loi a également précisé que les mineurs ou les personnes victimes de ces faits à leur arrivée sur le territoire national sont considérées comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance, ce qui, selon le gouvernement, permet de simplifier la caractérisation de ces infractions lorsqu’elles sont commises à l’égard d’étrangers. Par ailleurs, les peines applicables à ces délits ont été alourdies. La commission prie le gouvernement de bien vouloir continuer à fournir des informations, y compris statistiques, sur l’application pratique des articles 225-13 et 225-14 du Code pénal, et notamment de communiquer copie des jugements pertinents prononcés dans ce contexte. A ce sujet, la commission note avec intérêt l’interprétation donnée par la Cour de cassation de la notion de dignité humaine.

3. Traite des personnes. La commission relève avec intérêt que la loi no 2003-239 a inséré dans le Code pénal une section sur la traite des êtres humains (art. 225-4-1 à 225-4-8). Ces dispositions définissent la traite des êtres humains et sanctionnent leurs auteurs d’une peine de prison de sept ans et de 150 000 euros d’amende, peine qui peut être aggravée dans un certain nombre de circonstances. Les auteurs de cette infraction encourent également la confiscation de l’ensemble de leurs biens (art. 225-25). La commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations sur l’application pratique de ces nouvelles dispositions du Code pénal, en communiquant copie des décisions de justice prononcées en la matière. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les autres mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes en vue de leur exploitation sexuelle ou de l’exploitation de leur travail. Elle souhaiterait en particulier recevoir des informations sur les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics pour lutter contre ce phénomène et sur les mesures prises pour inciter les victimes à s’adresser aux autorités et assurer leur protection.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans sa précédente demande directe:

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Se référant à son observation sur l’application de la convention pour ce qui est des prisonniers travaillant pour des entreprises privées, la commission attire l’attention du gouvernement sur les points suivants.

1.  Absence de menace

La commission rappelle que depuis la loi du 22 juin 1987 les condamnés ne sont, en principe, plus obligés de travailler. Toutefois, aux termes de l’article 720, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, les activités de travail «sont prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés», et, selon l’article 721, paragraphe 1, une réduction de peine peut être accordée aux condamnés détenus en exécution d’une ou de plusieurs peines privatives de liberté«s’ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite». Ainsi, une réduction de peine pourra dépendre des activités de travail. Se référant au paragraphe 21 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, la commission rappelle qu’il ressort des travaux préparatoires de la convention que «la menace d’une peine quelconque» dont il est question dans la définition du travail forcé donnée à l’article 2, paragraphe 1, de la convention ne doit pas revêtir forcément la forme d’une sanction pénale, mais qu’il peut s’agir également de la privation de quelque droit ou avantage. Le fait qu’aux termes des articles 720, paragraphe 1, et 721, paragraphe 1, une réduction de peine pourra dépendre des activités de travail met donc en question le libre consentement aux activités de travail.

A cet égard, la commission note avec intérêt que la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France (ci-après: commission d’enquête) se réfère dans la partie IV.D.1 d) de son rapport (p. 104) à«l’attribution aujourd’hui automatique des réductions de peine». Toutefois, la proposition de la commission d’enquête sur ce point va dans le sens contraire, à savoir que: «Afin d’encourager le travail par les détenus, ainsi que l’acquisition de connaissances, il serait souhaitable de tenir compte de ces activités dans l’attribution aujourd’hui automatique des réductions de peine». Pour les raisons susmentionnées, cette proposition met en cause le libre consentement du prisonnier et, partant, le respect de la convention, dès lors que le travail en concession ou dans une prison sous gestion privée ne rentre pas dans l’exception faite à l’article 2, paragraphe 2 c), pour le travail pénitentiaire. En conséquence, la commission espère que, plutôt que de revenir à une application effective de l’article 720, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, la nouvelle loi pénitentiaire en cours d’élaboration coupera tout lien entre l’acceptation ou non d’un travail et la perspective d’une réduction de peine, et que le gouvernement sera bientôt en mesure de faire état de dispositions prises en ce sens.

Pour ce qui est de l’encouragement des détenus au travail, la commission estime que le mandat donné par l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale (cité au point 2 ci-dessous) offre un potentiel qui, à en juger d’après le rapport de la commission d’enquête, est loin d’être pleinement réalisé et qui va dans le sens de la convention.

2.  Conditions proches de celles d’une relation de travail libre

Se référant aux points 10 et 11 de son observation générale sous la convention et aux paragraphes 132 et suivants de son rapport général de l’année passée, la commission a noté avec intérêt qu’aux termes de l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale:

L’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre.

  a)  Rémunérations

Dans son rapport, le gouvernement indique qu’en 2000 le taux horaire (brut) de salaire minimum de l’administration pénitentiaire, correspondant au régime de travail en concession et défini dans le contrat des établissements à gestion mixte, a été généraliséà tous les établissements et se situe, selon la nature des établissements, entre 17,22 et 20 francs de l’heure. A ce sujet, la commission note aussi que, dans son rapport sur sa visite à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes, gérée par un concessionnaire privé, la société GECEP, la commission d’enquête a observé que dans les ateliers de concession où les détenus travaillent pour une vingtaine de sociétés:

Le travail est rémunéré soit au rendement à la pièce produite, soit sur la base d’un forfait de 18 francs de l’heure minimum qui serait donc supérieur au «SMIC pénitentiaire» de 17 francs de l’heure, notion sans base légale avancée par le chef de centre privé.

La commission note également que le taux horaire brut du salaire minimum de croissance, le «SMIC» légal, qui n’est donc pas imposé aux entreprises concessionnaires, avait été relevé au 1er juillet 1999 de 40,22 francs à 40,72 francs. Elle note par ailleurs que la rémunération brute moyenne des détenus travaillant pour des entreprises concessionnaires est inférieure à la moyenne payée par la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) étatique.

Mais la rémunération moyenne est de loin la plus basse pour le «service général», visant à assurer le fonctionnement de l’établissement pénitentiaire, travail géré dans un établissement tel que Luynes par des entreprises privées, qu’il s’agisse du gestionnaire principal ou de ses co-traitants et sous-traitants d’un co-traitant. La commission note avec intérêt la proposition de la commission d’enquête, au point IV.D.1 a) de son rapport, d’augmenter la rémunération des détenus employés au service général. Toutefois, le montant mensuel minimal indiquéà titre d’exemple (1 000 francs contre 740 francs en moyenne aujourd’hui) paraît loin de refléter le principe de l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, rappelé plus haut. La commission note également l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle:

Pour les personnes détenues travaillant au service général (service permettant le fonctionnement de l’établissement tel que restauration, entretien, maintenance …), une revalorisation des rémunérations, à la charge du budget de fonctionnement de chaque établissement, a été réalisée dans le cadre d’une mesure nouvelle en 2001 et une poursuite de cet effort est prévue en 2002.

En l’absence de chiffres cités à cet égard, la commission rappelle que, pour les raisons citées aux points 10 et 11 de son observation générale sous la convention et aux paragraphes 132 et suivants de son rapport général de l’année dernière, tous les détenus affectés au service général qui travaillent pour des gestionnaires ou autres entreprises privées, et qui ne relèvent donc pas de l’exception de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, doivent bénéficier de rémunérations brutes se rapprochant de celles des activités professionnelles extérieures au monde pénitentiaire, au même titre que les détenus travaillant pour des entreprises concessionnaires en ateliers, ce qui correspond par ailleurs au principe énoncéà l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale.

Pour ce qui est du niveau des salaires, sous le régime de la concession, les détenus, handicapés dans leur accès au marché du travail, peuvent encore être mis en concurrence avec d’autres personnes en situation de dépendance: ainsi, lors de sa visite à l’établissement Paris La Santé, la commission d’enquête a relevé que:

Rappelant que les handicapés des Centres d’aide par le travail (CAT) percevaient environ 25 pour cent du SMIC, le concessionnaire rencontré par la délégation a estimé que les détenus ne faisaient pas l’objet d’une exploitation.

Dans ses propositions au point IV.D.1 a) de son rapport, la commission d’enquête s’est résignée à cet égard:

L’augmentation de la rémunération des détenus employés par les concessionnaires apparaît difficile. Il y aurait un risque «d’évaporation» de concessionnaires, au moment où il est plus que jamais nécessaire de développer le travail pénitentiaire. En revanche, il serait souhaitable de délivrer des bulletins de salaires aux détenus.

En fait, le faible niveau de la rémunération brute (encore amputée au titre d’indemnisation des victimes, frais de justice, contribution aux dépenses d’entretien) ne favorise pas le développement du travail pénitentiaire; comme la commission d’enquête l’a constatéà Paris La Santé:

Il en résulte que le nombre de détenus candidats au travail tend depuis plusieurs années à se réduire.

Au-delà des différences importantes existant entre les rémunérations moyennes des différentes catégories de travail proposé aux détenus, la commission a noté dans le rapport de la commission d’enquête des variations extrêmes de la rémunération constatées tant entre les différents établissements pénitentiaires qu’à l’intérieur d’un même établissement, non seulement entre service général et travail en concession, mais encore entre différentes entreprises concessionnaires.

Dans un même établissement, la rémunération brute mensuelle peut varier de 400 à 1 400 francs pour le service général et de 2 000 à près de 10 000 francs pour les détenus employés par une dizaine de concessionnaires. Dans ces conditions, la commission espère qu’en application de l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale une rémunération brute respectant le taux horaire du salaire minimum de croissance sera progressivement assurée à tous les prisonniers travaillant pour des concessionnaires ou gestionnaires privés, et que le gouvernement fera état de mesures prises en ce sens.

  b)  Contrats de travail

La commission rappelle qu’aux termes de l’article 720, paragraphe 3, du Code de procédure pénale:

Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Il peut être dérogéà cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires.

De même, selon l’article D. 103, paragraphe 2, du Code:

Les relations entre l’organisme employeur et le détenu sont exclusives de tout contrat de travail; il est dérogéà cette règle pour des détenus admis au régime de la semi-liberté. Cette règle peut en outre être écartée, conformément à l’article 720, pour les détenus exerçant des activités à l’extérieur des établissements pénitentiaires dans les conditions définies au premier alinéa de l’article 723.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que l’administration pénitentiaire souhaite mieux caractériser la relation de travail et que:

Deux voies sont aujourd’hui ouvertes: l’une, propre à l’administration, dans le cadre de l’objectif de rapprocher le travail pénitentiaire du droit commun, consiste à mettre en place un «support d’engagement», précisant les obligations de la personne détenue et de l’administration pénitentiaire et en particulier les conditions de conclusion et de rupture de l’engagement; l’autre, dans la loi pénitentiaire, consiste à prendre des orientations en matière de droit au travail et notamment à décider de  l’opportunité de mettre en place un contrat de travail spécifique qui devrait s’inspirer du droit du travail chaque fois qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les obligations nées de ce droit et celles découlant de la situation de détention, ou n’y apportant que les limites nécessaires.

La commission note ces indications avec intérêt. Elle espère donc que la nouvelle loi pénitentiaire permettra notamment de proposer à tous les détenus travaillant pour une entreprise privée un contrat de travail avec l’organisme employeur, qu’il s’agisse de l’entreprise pour laquelle le travail est effectué ou d’un organisme relevant de l’administration de la prison et fonctionnant sur le mode d’une agence de travail temporaire. La commission prie le gouvernement d’indiquer toutes dispositions prises à cet effet.

  c)  Sécurité et hygiène

La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle la mise en conformité des machines équipant les ateliers gérés par le service de l’emploi pénitentiaire a été achevée en 2000. Elle espère que le gouvernement pourra bientôt faire état du même constat pour les machines équipant les ateliers et établissements gérés par des entreprises privées, ainsi que pour les locaux de travail, considérés ci-dessous.

Se référant également à son observation pour ce qui est de l’introduction de l’inspection du travail depuis 1999, la commission note avec intérêt que la commission d’enquête a pu constater, lors de sa visite à la maison d’arrêt du Mans, que les rapports des inspecteurs du travail «ont fait bouger les choses». Toutefois, la situation paraît très inégale pour ce qui est des locaux de travail. Lors de sa visite au centre de détention de Melun,

La délégation a constaté que les ateliers, aménagés en 1870, étaient fonctionnels, lumineux et répondaient aux normes de sécurité, ce qui est loin d’être le cas dans la plupart des maisons d’arrêt visitées.

De même, au point II.B.1 a) de son rapport, sous le titre «Une hygiène générale défaillante», la commission d’enquête a observé que

Il existe en ce domaine une contradiction totale entre le «droit» et la réalité. En effet, les dispositions réglementaires du Code de procédure pénale (section II du chapitre VIII du titre II) édictent des règles très précises, relatives au cubage d’air, à l’éclairage, au chauffage et à l’aération des locaux de détention.

Dans ses propositions figurant à la partie IV.D de son rapport, la commission d’enquête fait le lien entre l’encouragement au travail et la sécurité et l’hygiène:

La commission estime que le travail pénitentiaire et la formation doivent être encouragés, même en maison d’arrêt. Il est nécessaire que des locaux ventilés, suffisamment vastes et respectant les conditions de sécurité incendie soient affectés aux ateliers, ce qui nécessite de la place et des aménagements dans les établissements anciens.

Rappelant l’indication du gouvernement citée en observation selon laquelle le Premier ministre a engagé le gouvernement sur un vaste programme de rénovation des établissements pénitentiaires pour une amélioration substantielle des conditions d’incarcération des personnes détenues, la commission espère que les mesures nécessaires pourront ainsi être prises pour leur assurer, à leurs places de travail, les conditions de sécurité et d’hygiène normales du travail libre, et que le gouvernement pourra bientôt faire état des résultats obtenus à cet égard.

  3.  Conclusion

La commission a noté avec intérêt dans le rapport de la commission d’enquête que M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, a rappelé lors de son audition que:

-  le droit s’applique en prison comme ailleurs et il n’y a pas d’extraterritorialité pénitentiaire;

-  tout détenu - tout détenu qu’il soit - reste un citoyen.

Le rapport de la commission d’enquête, intitulé: «Prisons: une humiliation pour la République», a rendu publiques de graves contradictions entre le droit et la réalité, contribuant ainsi à une prise de conscience productive. Pour ce qui est du respect de la convention internationale, la commission doit observer que l’évolution de la loi et de la pratique nationales concernant le travail pénitentiaire, tout en appelant les développements complémentaires esquissés dans la présente demande, procède de principes permettant d’espérer que leur pleine réalisation conduira aux améliorations requises.

Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente sur les points suivants:

La commission a pris connaissance du rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, créée en vertu d’une résolution adoptée par le Sénat le 10 février 2000.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la conventionPrisonniers travaillant pour des entreprises privées. La commission rappelle que, conformément à l’article D. 103, paragraphe 1, du Code de procédure pénale le travail dans les établissements pénitentiaires est effectué principalement selon l’une des trois modalités suivantes: le travail de service général (visant à assurer les différents travaux ou corvées nécessaires au fonctionnement de l’établissement pénitentiaire); le régime de la concession de main-d’œuvre pénale, et le travail pour la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP). Sous le régime de la concession, les prisonniers travailleront pour une entreprise privée dès lors que l’entreprise concessionnaire relève du secteur privé, ce qui est le plus souvent le cas. En outre, dans les quelques cas où l’établissement pénitentiaire lui-même est géré par une entreprise privée, les détenus affectés au service général de l’établissement pénitentiaire se trouvent de ce fait au service d’une entreprise privée.

Libre consentement et conditions proches de celles d’une relation de travail libre. Se référant à son observation générale sous la convention, la commission rappelle que depuis la loi du 22 juin 1987 les condamnés ne sont, en principe, plus obligés de travailler. Selon l’article D. 99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale:

Les détenus, quelle que soit leur catégorie pénale, peuvent demander qu’il leur soit proposé un travail.

Aux termes de l’article D. 102, paragraphe 2:

L’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre.

Selon l’article D. 106, paragraphe 2:

Ces rémunérations sont soumises à cotisations patronales et ouvrières selon les modalités fixées, pour les assurances maladie, maternité et vieillesse, par les articles R. 381-97 à R. 381-109 du Code de la sécurité sociale.

Ainsi, les prisonniers bénéficient de ces assurances sociales au même titre que les autres travailleurs. Des déductions raisonnables de la rémunération sont en outre prévues aux articles D. 112 et D. 113 pour une participation aux frais d’entretien, l’indemnisation des parties civiles et les versements aux créanciers d’aliments.

Selon l’article D. 108:

La durée du travail par jour et par semaine, déterminée par le règlement intérieur de l’établissement, doit se rapprocher des horaires pratiqués dans la région ou dans le type d’activité considéré; en aucun cas elle ne saurait leur être supérieure. Le respect du repos hebdomadaire et des jours fériés doit être assuré; les horaires doivent prévoir le temps nécessaire pour le repos, les repas, la promenade et les activités éducatives et de loisirs.

De même, la commission note avec intérêt, à la suite de ses commentaires antérieurs sur ce point, que selon l’article D. 109 du Code de procédure pénale, tel qu’amendé par le décret no 98-1099 du 8 décembre 1998:

Sont applicables aux travaux effectués par les détenus dans les établissements pénitentiaires ou à l’extérieur … les mesures d’hygiène et de sécurité prévues par le livre II du titre III du Code du travail et les décrets pris pour son application…

et que l’intervention des services de l’inspection du travail est prévue à cet égard par l’article D. 109-1 du Code de procédure pénale, inséré par le même décret no 98-1099, et réglementée par une circulaire conjointe des ministères de la Justice et de l’Emploi et de la Solidarité du 16 juillet 1999, jointe au rapport du gouvernement.

Enfin, selon l’article D. 110:

Le droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est reconnu aux détenus exécutant un travail, selon les modalités du régime spécial établi par le décret no 49-1585 du 10 décembre 1949 (texte codifié, cf. les articles D. 412-36 à D. 412-71 du Code de la sécurité sociale) pris pour l’application aux détenus de la loi no 46-2426 du 30 octobre 1946 sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ce qui reste à faire. Il ressort de l’ensemble des dispositions précitées que les principes directeurs de la législation française régissant le travail des prisonniers répondent sur un certain nombre de points essentiels, et de manière exemplaire, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entreprise privée puisse être assimiléà une relation de travail libre et ainsi échapper aux interdictions figurant aux articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. A certains égards, toutefois, déjà relevés dans les commentaires antérieurs de la commission, les dispositions législatives régissant le travail des prisonniers appellent encore des modifications à cet effet: d’une part, pour ce qui est de l’élimination de toute «menace d’une peine quelconque», au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la convention, en cas de refus de travailler; d’autre part, des amendements sont nécessaires pour que les relations entre un prisonnier travaillant pour une entreprise privée et son employeur fassent toujours l’objet d’un contrat de travail, et non seulement pour certaines catégories de détenus. En outre, se référant également à ses commentaires antérieurs concernant la rémunération du travail et les conditions de sécurité et d’hygiène, la commission a noté dans le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France le constat d’un nombre de déficiences graves existant dans la pratique, dont certaines ont une incidence sur le respect des conditions permettant d’assimiler le travail d’un prisonnier à un travail libre. A tous ces égards, la commission note avec intérêt l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle le Premier ministre a engagé, en novembre 2000, le gouvernement sur deux séries de mesures: un vaste programme de rénovation des établissements pénitentiaires pour une amélioration substantielle des conditions d’incarcération des personnes détenues, ainsi que l’élaboration d’une grande loi sur l’exécution des peines. La commission espère que dans cet exercice il sera tenu compte des points mentionnés ici qu’elle développe plus en détail dans une demande adressée directement au gouvernement.

La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Se référant à son observation sur l’application de la convention pour ce qui est des prisonniers travaillant pour des entreprises privées, la commission attire l’attention du gouvernement sur les points suivants.

1.  Absence de menace

La commission rappelle que depuis la loi du 22 juin 1987 les condamnés ne sont, en principe, plus obligés de travailler. Toutefois, aux termes de l’article 720, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, les activités de travail «sont prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés», et, selon l’article 721, paragraphe 1, une réduction de peine peut être accordée aux condamnés détenus en exécution d’une ou de plusieurs peines privatives de liberté«s’ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite». Ainsi, une réduction de peine pourra dépendre des activités de travail. Se référant au paragraphe 21 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, la commission rappelle qu’il ressort des travaux préparatoires de la convention que «la menace d’une peine quelconque» dont il est question dans la définition du travail forcé donnée à l’article 2, paragraphe 1, de la convention ne doit pas revêtir forcément la forme d’une sanction pénale, mais qu’il peut s’agir également de la privation de quelque droit ou avantage. Le fait qu’aux termes des articles 720, paragraphe 1, et 721, paragraphe 1, une réduction de peine pourra dépendre des activités de travail met donc en question le libre consentement aux activités de travail.

A cet égard, la commission note avec intérêt que la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France (ci-après: commission d’enquête) se réfère dans la partie IV.D.1 d) de son rapport (p. 104) à«l’attribution aujourd’hui automatique des réductions de peine». Toutefois, la proposition de la commission d’enquête sur ce point va dans le sens contraire, à savoir que: «Afin d’encourager le travail par les détenus, ainsi que l’acquisition de connaissances, il serait souhaitable de tenir compte de ces activités dans l’attribution aujourd’hui automatique des réductions de peine». Pour les raisons susmentionnées, cette proposition met en cause le libre consentement du prisonnier et, partant, le respect de la convention, dès lors que le travail en concession ou dans une prison sous gestion privée ne rentre pas dans l’exception faite à l’article 2, paragraphe 2 c), pour le travail pénitentiaire. En conséquence, la commission espère que, plutôt que de revenir à une application effective de l’article 720, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, la nouvelle loi pénitentiaire en cours d’élaboration coupera tout lien entre l’acceptation ou non d’un travail et la perspective d’une réduction de peine, et que le gouvernement sera bientôt en mesure de faire état de dispositions prises en ce sens.

Pour ce qui est de l’encouragement des détenus au travail, la commission estime que le mandat donné par l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale (cité au point 2 ci-dessous) offre un potentiel qui, à en juger d’après le rapport de la commission d’enquête, est loin d’être pleinement réalisé et qui va dans le sens de la convention.

2.  Conditions proches de celles d’une relation de travail libre

Se référant aux points 10 et 11 de son observation générale sous la convention et aux paragraphes 132 et suivants de son rapport général de l’année passée, la commission a noté avec intérêt qu’aux termes de l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale:

L’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre.

  a)  Rémunérations

Dans son rapport, le gouvernement indique qu’en 2000 le taux horaire (brut) de salaire minimum de l’administration pénitentiaire, correspondant au régime de travail en concession et défini dans le contrat des établissements à gestion mixte, a été généraliséà tous les établissements et se situe, selon la nature des établissements, entre 17,22 et 20 francs de l’heure. A ce sujet, la commission note aussi que, dans son rapport sur sa visite à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes, gérée par un concessionnaire privé, la société GECEP, la commission d’enquête a observé que dans les ateliers de concession où les détenus travaillent pour une vingtaine de sociétés:

Le travail est rémunéré soit au rendement à la pièce produite, soit sur la base d’un forfait de 18 francs de l’heure minimum qui serait donc supérieur au «SMIC pénitentiaire» de 17 francs de l’heure, notion sans base légale avancée par le chef de centre privé.

La commission note également que le taux horaire brut du salaire minimum de croissance, le «SMIC» légal, qui n’est donc pas imposé aux entreprises concessionnaires, avait été relevé au 1er juillet 1999 de 40,22 francs à 40,72 francs. Elle note par ailleurs que la rémunération brute moyenne des détenus travaillant pour des entreprises concessionnaires est inférieure à la moyenne payée par la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) étatique.

Mais la rémunération moyenne est de loin la plus basse pour le «service général», visant à assurer le fonctionnement de l’établissement pénitentiaire, travail géré dans un établissement tel que Luynes par des entreprises privées, qu’il s’agisse du gestionnaire principal ou de ses co-traitants et sous-traitants d’un co-traitant. La commission note avec intérêt la proposition de la commission d’enquête, au point IV.D.1 a) de son rapport, d’augmenter la rémunération des détenus employés au service général. Toutefois, le montant mensuel minimal indiquéà titre d’exemple (1 000 francs contre 740 francs en moyenne aujourd’hui) paraît loin de refléter le principe de l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, rappelé plus haut. La commission note également l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle:

Pour les personnes détenues travaillant au service général (service permettant le fonctionnement de l’établissement tel que restauration, entretien, maintenance …), une revalorisation des rémunérations, à la charge du budget de fonctionnement de chaque établissement, a été réalisée dans le cadre d’une mesure nouvelle en 2001 et une poursuite de cet effort est prévue en 2002.

En l’absence de chiffres cités à cet égard, la commission rappelle que, pour les raisons citées aux points 10 et 11 de son observation générale sous la convention et aux paragraphes 132 et suivants de son rapport général de l’année dernière, tous les détenus affectés au service général qui travaillent pour des gestionnaires ou autres entreprises privées, et qui ne relèvent donc pas de l’exception de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, doivent bénéficier de rémunérations brutes se rapprochant de celles des activités professionnelles extérieures au monde pénitentiaire, au même titre que les détenus travaillant pour des entreprises concessionnaires en ateliers, ce qui correspond par ailleurs au principe énoncéà l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale.

Pour ce qui est du niveau des salaires, sous le régime de la concession, les détenus, handicapés dans leur accès au marché du travail, peuvent encore être mis en concurrence avec d’autres personnes en situation de dépendance: ainsi, lors de sa visite à l’établissement Paris La Santé, la commission d’enquête a relevé que:

Rappelant que les handicapés des centres d’aide par le travail (CAT) percevaient environ 25 pour cent du SMIC, le concessionnaire rencontré par la délégation a estimé que les détenus ne faisaient pas l’objet d’une exploitation.

Dans ses propositions au point IV.D.1 a) de son rapport, la commission d’enquête s’est résignée à cet égard:

L’augmentation de la rémunération des détenus employés par les concessionnaires apparaît difficile. Il y aurait un risque «d’évaporation» de concessionnaires, au moment où il est plus que jamais nécessaire de développer le travail pénitentiaire. En revanche, il serait souhaitable de délivrer des bulletins de salaires aux détenus.

En fait, le faible niveau de la rémunération brute (encore amputée au titre d’indemnisation des victimes, frais de justice, contribution aux dépenses d’entretien) ne favorise pas le développement du travail pénitentiaire; comme la commission d’enquête l’a constatéà Paris La Santé:

Il en résulte que le nombre de détenus candidats au travail tend depuis plusieurs années à se réduire.

Au-delà des différences importantes existant entre les rémunérations moyennes des différentes catégories de travail proposé aux détenus, la commission a noté dans le rapport de la commission d’enquête des variations extrêmes de la rémunération constatées tant entre les différents établissements pénitentiaires qu’à l’intérieur d’un même établissement, non seulement entre service général et travail en concession, mais encore entre différentes entreprises concessionnaires.

Dans un même établissement, la rémunération brute mensuelle peut varier de 400 à 1 400 francs pour le service général et de 2 000 à près de 10 000 francs pour les détenus employés par une dizaine de concessionnaires. Dans ces conditions, la commission espère qu’en application de l’article D. 102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale une rémunération brute respectant le taux horaire du salaire minimum de croissance sera progressivement assurée à tous les prisonniers travaillant pour des concessionnaires ou gestionnaires privés, et que le gouvernement fera état de mesures prises en ce sens.

  b)  Contrats de travail

La commission rappelle qu’aux termes de l’article 720, paragraphe 3, du Code de procédure pénale:

Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Il peut être dérogéà cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires.

De même, selon l’article D. 103, paragraphe 2, du Code:

Les relations entre l’organisme employeur et le détenu sont exclusives de tout contrat de travail; il est dérogéà cette règle pour des détenus admis au régime de la semi-liberté. Cette règle peut en outre être écartée, conformément à l’article 720, pour les détenus exerçant des activités à l’extérieur des établissements pénitentiaires dans les conditions définies au premier alinéa de l’article 723.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que l’administration pénitentiaire souhaite mieux caractériser la relation de travail et que:

Deux voies sont aujourd’hui ouvertes: l’une, propre à l’administration, dans le cadre de l’objectif de rapprocher le travail pénitentiaire du droit commun, consiste à mettre en place un «support d’engagement», précisant les obligations de la personne détenue et de l’administration pénitentiaire et en particulier les conditions de conclusion et de rupture de l’engagement; l’autre, dans la loi pénitentiaire, consiste à prendre des orientations en matière de droit au travail et notamment à décider de  l’opportunité de mettre en place un contrat de travail spécifique qui devrait s’inspirer du droit du travail chaque fois qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les obligations nées de ce droit et celles découlant de la situation de détention, ou n’y apportant que les limites nécessaires.

La commission note ces indications avec intérêt. Elle espère donc que la nouvelle loi pénitentiaire permettra notamment de proposer à tous les détenus travaillant pour une entreprise privée un contrat de travail avec l’organisme employeur, qu’il s’agisse de l’entreprise pour laquelle le travail est effectué ou d’un organisme relevant de l’administration de la prison et fonctionnant sur le mode d’une agence de travail temporaire. La commission prie le gouvernement d’indiquer toutes dispositions prises à cet effet.

  c)  Sécurité et hygiène

La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle la mise en conformité des machines équipant les ateliers gérés par le service de l’emploi pénitentiaire a été achevée en 2000. Elle espère que le gouvernement pourra bientôt faire état du même constat pour les machines équipant les ateliers et établissements gérés par des entreprises privées, ainsi que pour les locaux de travail, considérés ci-dessous.

Se référant également à son observation pour ce qui est de l’introduction de l’inspection du travail depuis 1999, la commission note avec intérêt que la commission d’enquête a pu constater, lors de sa visite à la maison d’arrêt du Mans, que les rapports des inspecteurs du travail «ont fait bouger les choses». Toutefois, la situation paraît très inégale pour ce qui est des locaux de travail. Lors de sa visite au centre de détention de Melun,

La délégation a constaté que les ateliers, aménagés en 1870, étaient fonctionnels, lumineux et répondaient aux normes de sécurité, ce qui est loin d’être le cas dans la plupart des maisons d’arrêt visitées.

De même, au point II.B.1 a) de son rapport, sous le titre «Une hygiène générale défaillante», la commission d’enquête a observé que

Il existe en ce domaine une contradiction totale entre le «droit» et la réalité. En effet, les dispositions réglementaires du Code de procédure pénale (section II du chapitre VIII du titre II) édictent des règles très précises, relatives au cubage d’air, à l’éclairage, au chauffage et à l’aération des locaux de détention.

Dans ses propositions figurant à la partie IV.D de son rapport, la commission d’enquête fait le lien entre l’encouragement au travail et la sécurité et l’hygiène:

La commission estime que le travail pénitentiaire et la formation doivent être encouragés, même en maison d’arrêt. Il est nécessaire que des locaux ventilés, suffisamment vastes et respectant les conditions de sécurité incendie soient affectés aux ateliers, ce qui nécessite de la place et des aménagements dans les établissements anciens.

Rappelant l’indication du gouvernement citée en observation selon laquelle le Premier ministre a engagé le gouvernement sur un vaste programme de rénovation des établissements pénitentiaires pour une amélioration substantielle des conditions d’incarcération des personnes détenues, la commission espère que les mesures nécessaires pourront ainsi être prises pour leur assurer, à leurs places de travail, les conditions de sécurité et d’hygiène normales du travail libre, et que le gouvernement pourra bientôt faire état des résultats obtenus à cet égard.

3.  Conclusion

La commission a noté avec intérêt dans le rapport de la commission d’enquête que M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, a rappelé lors de son audition que:

-  le droit s’applique en prison comme ailleurs et il n’y a pas d’extraterritorialité pénitentiaire;

-  tout détenu - tout détenu qu’il soit - reste un citoyen.

Le rapport de la commission d’enquête, intitulé: «Prisons: une humiliation pour la République», a rendu publiques de graves contradictions entre le droit et la réalité, contribuant ainsi à une prise de conscience productive. Pour ce qui est du respect de la convention internationale, la commission doit observer que l’évolution de la loi et de la pratique nationales concernant le travail pénitentiaire, tout en appelant les développements complémentaires esquissés dans la présente demande, procède de principes permettant d’espérer que leur pleine réalisation conduira aux améliorations requises.

Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

La commission a pris note de la réponse du gouvernement à ses observations antérieures. Elle a également pris connaissance du rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, créée en vertu d’une résolution adoptée par le Sénat le 10 février 2000.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la conventionPrisonniers travaillant pour des entreprises privées. La commission rappelle que, conformément à l’article D. 103, paragraphe 1, du Code de procédure pénale le travail dans les établissements pénitentiaires est effectué principalement selon l’une des trois modalités suivantes: le travail de service général (visant à assurer les différents travaux ou corvées nécessaires au fonctionnement de l’établissement pénitentiaire); le régime de la concession de main-d’oeuvre pénale, et le travail pour la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP). Sous le régime de la concession, les prisonniers travailleront pour une entreprise privée dès lors que l’entreprise concessionnaire relève du secteur privé, ce qui est le plus souvent le cas. En outre, dans les quelques cas où l’établissement pénitentiaire lui-même est géré par une entreprise privée, les détenus affectés au service général de l’établissement pénitentiaire se trouvent de ce fait au service d’une entreprise privée.

Libre consentement et conditions proches de celles d’une relation de travail libre. Se référant à son observation générale sous la convention, la commission rappelle que depuis la loi du 22 juin 1987 les condamnés ne sont, en principe, plus obligés de travailler. Selon l’article D. 99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale:

«Les détenus, quelle que soit leur catégorie pénale, peuvent demander qu’il leur soit proposé un travail.»

Aux termes de l’article D. 102, paragraphe 2:

L’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre.

Selon l’article D. 106, paragraphe 2:

Ces rémunérations sont soumises à cotisations patronales et ouvrières selon les modalités fixées, pour les assurances maladie, maternité et vieillesse, par les articles R. 381-97 à R. 381-109 du Code de la sécurité sociale.

Ainsi, les prisonniers bénéficient de ces assurances sociales au même titre que les autres travailleurs. Des déductions raisonnables de la rémunération sont en outre prévues aux articles D. 112 et D. 113 pour une participation aux frais d’entretien, l’indemnisation des parties civiles et les versements aux créanciers d’aliments.

Selon l’article D. 108:

La durée du travail par jour et par semaine, déterminée par le règlement intérieur de l’établissement, doit se rapprocher des horaires pratiqués dans la région ou dans le type d’activité considéré; en aucun cas elle ne saurait leur être supérieure. Le respect du repos hebdomadaire et des jours fériés doit être assuré; les horaires doivent prévoir le temps nécessaire pour le repos, les repas, la promenade et les activités éducatives et de loisirs.

De même, la commission note avec intérêt, à la suite de ses commentaires antérieurs sur ce point, que selon l’article D. 109 du Code de procédure pénale, tel qu’amendé par le décret no 98-1099 du 8 décembre 1998,

Sont applicables aux travaux effectués par les détenus dans les établissements pénitentiaires ou à l’extérieur … les mesures d’hygiène et de sécurité prévues par le livre II du titre III du Code du travail et les décrets pris pour son application…

et que l’intervention des services de l’inspection du travail est prévue à cet égard par l’article D. 109-1 du Code de procédure pénale, inséré par le même décret no 98-1099, et réglementée par une circulaire conjointe des ministères de la Justice et de l’Emploi et de la Solidarité du 16 juillet 1999, jointe au rapport du gouvernement.

Enfin, selon l’article D. 110:

Le droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est reconnu aux détenus exécutant un travail, selon les modalités du régime spécial établi par le décret no 49-1585 du 10 décembre 1949 (texte codifié, cf. les articles D. 412-36 à D. 412-71 du Code de la sécurité sociale) pris pour l’application aux détenus de la loi no 46-2426 du 30 octobre 1946 sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ce qui reste à faire. Il ressort de l’ensemble des dispositions précitées que les principes directeurs de la législation française régissant le travail des prisonniers répondent sur un certain nombre de points essentiels, et de manière exemplaire, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entreprise privée puisse être assimiléà une relation de travail libre et ainsi échapper aux interdictions figurant aux articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. A certains égards, toutefois, déjà relevés dans les commentaires antérieurs de la commission, les dispositions législatives régissant le travail des prisonniers appellent encore des modifications à cet effet: d’une part, pour ce qui est de l’élimination de toute «menace d’une peine quelconque», au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la convention, en cas de refus de travailler; d’autre part, des amendements sont nécessaires pour que les relations entre un prisonnier travaillant pour une entreprise privée et son employeur fassent toujours l’objet d’un contrat de travail, et non seulement pour certaines catégories de détenus. En outre, se référant également à ses commentaires antérieurs concernant la rémunération du travail et les conditions de sécurité et d’hygiène, la commission a noté dans le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France le constat d’un nombre de déficiences graves existant dans la pratique, dont certaines ont une incidence sur le respect des conditions permettant d’assimiler le travail d’un prisonnier à un travail libre. A tous ces égards, la commission note avec intérêt l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle le Premier ministre a engagé, en novembre 2000, le gouvernement sur deux séries de mesures: un vaste programme de rénovation des établissements pénitentiaires pour une amélioration substantielle des conditions d’incarcération des personnes détenues, ainsi que l’élaboration d’une grande loi sur l’exécution des peines. La commission espère que dans cet exercice il sera tenu compte des points mentionnés ici qu’elle développe plus en détail dans une demande adressée directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente sur les points suivants:

La commission avait noté les informations détaillées communiquées par le gouvernement dans ses rapports en réponse aux commentaires antérieurs, ainsi que les observations formulées par la Confédération française démocratique du travail (CFDT) transmises en octobre 1996 et septembre 1998.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. 1. La commission, dans ses commentaires antérieurs, a soulevé un certain nombre de points relatifs au travail dans les prisons et concernant, en particulier, le libre consentement du détenu, le contrat de travail et la rémunération et les conditions de travail des détenus dans les cas où ces derniers sont mis à la disposition d’entreprises privées. Elle a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires sur les plans législatif et pratique pour assurer à ces prisonniers des conditions d’emploi qui permettent d’assimiler leur situation à celle des travailleurs libres.

2. La CFDT dans ses commentaires réitère sa demande pour qu’un document contractuel soit souscrit entre l’administration et les personnes détenues, précisant les obligations des deux contractants. Elle considère toujours que le contrôle du travail effectué dans les prisons devrait être confié au corps de l’inspection du travail, étant donné que la législation relative à l’hygiène et à la sécurité devrait s’appliquer en prison dans les mêmes conditions qu’ailleurs.

3. La commission a pris bonne note également des explications fournies par le gouvernement, selon lesquelles un projet de décret relatif à l’intervention des services de l’inspection du travail en matière de travail pénitentiaire et une circulaire concernant les modalités d’intervention des services de l’inspection du travail en matière d’hygiène et de sécurité du travail et de la formation professionnelle des détenus ont étéélaborés. Elle espère que le gouvernement communiquera copie des textes définitifs dès qu’ils auront été adoptés.

4. La commission relève, par ailleurs, que la mise en place d’un suivi médical des détenus en situation de travail sera prochainement expérimentée sur la base d’une convention établie entre l’établissement pénitentiaire et l’établissement de santéà proximité. Le gouvernement indique qu’une documentation juridique et sociale sur le travail des détenus est en cours de réalisation, et que les thèmes abordés (rémunération, protection sociale, hygiène, sécurité du travail) tendent à répondre à l’ensemble des questions qui se posent dans ce contexte. La commission veut croire que le gouvernement ne manquera pas de transmettre des informations complètes à ce propos avec son prochain rapport.

5. La commission note finalement avec intérêt les informations communiquées par le gouvernement faisant état de l’amélioration de la rémunération moyenne journalière par détenu même si des différences existent selon le type de travail pénitentiaire. Elle prie le gouvernement de continuer de prendre des dispositions pour que les salaires et les conditions d’emploi des prisonniers travaillant pour le compte  des entreprises privées soient conformes aux normes dans la matière et de communiquer les informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.

6. Enfin, la commission rappelle que la convention exclut expressément la concession ou la mise à disposition de main-d’œuvre pénitentiaire à des entreprises privées. Cependant, dans le cas où il existe des garanties nécessaires pour assurer que les intéressés acceptent un emploi volontairement, et que le travail est exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques, la commission se réfère au paragraphe 97 de l’étude d’ensemble sur l’abolition du travail forcé de 1979 et aux paragraphes 116 à 125 de son rapport général de 1998: la commission a considéré que l’existence d’un contrat de travail pourrait, notamment dans un contexte carcéral, résoudre ce problème en établissant les sauvegardes nécessaires. La commission espère que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport tous les éléments pertinents qui permettront une appréciation de l’ensemble de la situation vis-à-vis de ces dispositions de la convention.

La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

La commission note les informations détaillées communiquées par le gouvernement dans ses derniers rapports en réponse aux précédents commentaires, ainsi que les nouvelles observations formulées par la Confédération française démocratique du travail (CFDT) transmises en octobre 1996 et septembre 1998.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. 1. La commission, dans ses commentaires antérieurs, a soulevé un certain nombre de points relatifs au travail dans les prisons et concernant, en particulier, le libre consentement du détenu, le contrat de travail et la rémunération et les conditions de travail des détenus dans les cas où ces derniers sont mis à la disposition d'entreprises privées. Elle a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires sur les plans législatif et pratique pour assurer à ces prisonniers des conditions d'emploi qui permettent d'assimiler leur situation à celle des travailleurs libres.

2. La CFDT dans ses nouveaux commentaires réitère sa demande pour qu'un document contractuel soit souscrit entre l'administration et les personnes détenues, précisant les obligations des deux contractants. Elle considère toujours que le contrôle du travail effectué dans les prisons devrait être confié au corps de l'inspection du travail, étant donné que la législation relative à l'hygiène et à la sécurité devrait s'appliquer en prison dans les mêmes conditions qu'ailleurs.

3. La commission a pris bonne note également des explications fournies par le gouvernement, selon lesquelles un projet de décret relatif à l'intervention des services de l'inspection du travail en matière de travail pénitentiaire et une circulaire concernant les modalités d'intervention des services de l'inspection du travail en matière d'hygiène et de sécurité du travail et de la formation professionnelle des détenus ont été élaborés. Elle espère que le gouvernement communiquera copie des textes définitifs dès qu'ils auront été adoptés.

4. La commission relève, par ailleurs, que la mise en place d'un suivi médical des détenus en situation de travail sera prochainement expérimentée sur la base d'une convention établie entre l'établissement pénitentiaire et l'établissement de santé à proximité. Le gouvernement indique qu'une documentation juridique et sociale sur le travail des détenus est en cours de réalisation, et que les thèmes abordés (rémunération, protection sociale, hygiène, sécurité du travail) tendent à répondre à l'ensemble des questions qui se posent dans ce contexte. La commission veut croire que le gouvernement ne manquera pas de transmettre des informations complètes à ce propos avec son prochain rapport.

5. La commission note finalement avec intérêt les informations communiquées par le gouvernement faisant état de l'amélioration de la rémunération moyenne journalière par détenu même si des différences existent selon le type de travail pénitentiaire. Elle prie le gouvernement de continuer de prendre des dispositions pour que les salaires et les conditions d'emploi des prisonniers travaillant pour le compte des entreprises privées soient conformes aux normes dans la matière et de communiquer les informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.

6. Enfin, la commission rappelle que la convention exclut expressément la concession ou la mise à disposition de main-d'oeuvre pénitentiaire à des entreprises privées. Cependant, dans le cas où il existe des garanties nécessaires pour assurer que les intéressés acceptent un emploi volontairement, et que le travail est exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques, la commission se réfère au paragraphe 97 de l'étude d'ensemble sur l'abolition du travail forcé de 1979 et aux paragraphes 116 à 125 de son rapport général de 1998: la commission a considéré que l'existence d'un contrat de travail pourrait, notamment dans un contexte carcéral, résoudre ce problème en établissant les sauvegardes nécessaires. La commission espère que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport tous les éléments pertinents qui permettront une appréciation de l'ensemble de la situation vis-à-vis de ces dispositions de la convention.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

Dans sa précédente demande directe, la commission s'était référée à la création d'un service national de solidarité et a demandé au gouvernement de communiquer des informations sur l'état d'avancement du projet soumis au Parlement.

La commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur cette question. Elle espère que le prochain rapport contiendra l'information demandée.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 83ème session CIT (1996)

La commission a pris note du rapport du gouvernement pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1994 ainsi que des observations adressées à ce sujet au gouvernement par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), dont copie a été communiquée au BIT par lettre du 26 juin 1995.

Article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Dans son rapport, le gouvernement, se référant à la définition du travail forcé ou obligatoire donnée à l'article 2, paragraphe 1 de la convention et aux conditions figurant à l'article 2, paragraphe 2 c) pour l'exception concernant le travail pénitentiaire obligatoire, rappelle que le travail pénitentiaire satisfait aux obligations de la convention dès lors qu'il correspond à l'une des deux situations suivantes: ou ne pas être exigé, sous la menace d'une peine quelconque, d'un individu qui ne se soit offert pour ce travail de plein gré; ou, tout en revêtant un caractère obligatoire du fait de la condamnation, ne pas comporter concession à des personnes privées. Le gouvernement estime que les principes législatifs et les dispositions réglementaires applicables au travail pénitentiaire effectué dans les établissements français le font correspondre pleinement à la première de ces deux situations.

Dans son observation précédente, la commission avait soulevé un certain nombre de questions concernant le consentement librement donné du prisonnier, entouré des garanties que le droit du travail rattache à un contrat de travail, notamment en matière de rémunération et de sécurité sociale, et elle s'était plus particulièrement enquise du régime juridique des prisons dont la construction et la gestion ont été confiées à des entreprises privées et des conditions dans lesquelles le détenu est soumis à cet "opérateur privé".

Libre consentement du prisonnier. Dans son observation précédente, la commission a noté que la loi du 22 juin 1987 qui a modifié l'article 720 du Code de procédure pénale a conféré au travail des prisonniers un caractère volontaire; toutefois, aux termes de cette même loi, les activités de travail et de formation professionnelle sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. La commission a noté qu'aux termes de l'article 721 du Code de procédure pénale une réduction de peine peut être accordée aux condamnés s'ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite. Cette appréciation qui est de la compétence du juge de l'application des peines est fondée, en vertu de l'article D.253 du Code de procédure pénale, sur le comportement général, mais aussi sur l'assiduité au travail du condamné. La commission a prié le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour assurer que le consentement du prisonnier ne puisse être vicié par le fait qu'une appréciation positive implique l'assiduité au travail et, dans les prisons privées, par des contraintes de deux ordres liées entre elles: d'une part, l'entreprise privée exploitante de la prison inclut le travail des prisonniers dans son calcul de rentabilité; d'autre part, l'entreprise privée se trouve être non seulement l'utilisatrice de la main-d'oeuvre pénale mais encore investie, en droit ou en pratique, d'une part importante de l'autorité qui revient à l'administration pénitentiaire.

Dans son dernier rapport, le gouvernement estime que "le fait que l'activité professionnelle puisse être prise en compte, au titre du 1er alinéa du même article L720, pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés ne peut en aucun cas constituer la menace de peine envisagée par la convention. D'une part, en effet, cette appréciation, de nature à permettre le cas échéant une réduction de la peine, est insusceptible d'être assimilée à une menace de prolongation de la peine à laquelle le détenu est condamné. D'autre part, cette appréciation porte sur l'ensemble des gages de réinsertion et de bonne conduite (art. 721 et 721-1 du Code de procédure pénale) présenté par un condamné et notamment: la réussite à des examens de formation générale ou professionnelle, les conditions de participation à des actions socio-éducatives, culturelles ou sportives, et le comportement général en détention tel qu'il relève des observations faites par les personnels pénitentiaires sous l'appréciation du juge de l'application des peines. Le fait qu'un condamné ne désire pas exercer une activité professionnelle, ou ne puisse l'exercer, ou ne fasse pas preuve d'une assiduité jugée suffisante dans cette activité, est donc sans incidence sur le déroulement de sa peine dès lors que sa participation aux activités diverses proposées aux détenus et son comportement en détention apportent par eux-mêmes des gages de socialisation".

La commission a pris bonne note de ces indications. Elle relève que l'article 720 du Code de procédure pénale ne dispose pas que les activités de travail "puissent être" prises en compte, mais bien qu'elle "sont" prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. Quant à la "menace d'une peine quelconque" visée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention et la différence, de ce point de vue, entre la menace d'une prolongation de la détention et celle d'une privation de la libération normalement accordée pour bonne conduite, la commission rappelle que, comme elle l'a relevé au paragraphe 21 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé ou obligatoire, il a été précisé, lors de l'examen du projet de la convention par la Conférence, que la peine dont il est question à l'article 2, paragraphe 1, ne doit pas revêtir forcément la forme d'une sanction pénale, mais qu'il peut s'agir également de la privation de quelque droit ou avantage.

La menace dont il est question en l'occurrence non seulement conditionne l'acceptation initiale d'un travail pénitentiaire, mais encore accompagne le travailleur tout au long de sa détention. Comme l'a relevé la CFDT dans ses observations, l'article D250 du Code de procédure pénale dispose que le déclassement d'emploi est une sanction encourue pour une infraction disciplinaire commise au cours ou à l'occasion du travail. Ce déclassement entraîne deux types de conséquences pour le détenu: le retrait de ses revenus; et une évaluation plus défavorable de ses gages de réinsertion et donc une conséquence sur la durée de sa peine. La CFDT estime que l'absence de référence à des dispositions contractuelles claires, jointe aux difficultés de former opposition aux sanctions internes prononcées par l'administration pénitentiaire rendent les personnes détenues particulièrement vulnérables, et parfois contraintes d'accepter des relations au travail non conformes à celles du monde libre; selon le bon vouloir de l'administration, le détenu peut exercer son travail dans des conditions acceptables ou serviles.

Contrat de travail. Dans son observation précédente, la commission a observé qu'aux termes de l'article 270, paragraphe 3, du Code de procédure pénale les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail; l'article D.103 du même code dispose que sont exclusives de tout contrat de travail les relations qui s'établissent entre l'administration pénitentiaire et le détenu auquel elle procure un travail ainsi que les relations entre l'entreprise concessionnaire et le détenu mis à sa disposition selon les conditions d'une convention administrative qui fixe notamment les conditions de rémunération et d'emploi. Le détenu au travail est dès lors un travailleur privé de contrat et de la protection du droit du travail. Compte tenu également du fait que dans le cas des prisons privées l'administration pénitentiaire se trouve, en droit ou en pratique, entre les mains de l'entreprise utilisant la main-d'oeuvre pénitentiaire, la commission a prié le gouvernement d'examiner les dispositions des articles 720, paragraphe 3, et D.103 du Code de procédure pénale et de prendre les mesures nécessaires pour que les relations et conditions de travail des personnes incarcérées soient régies par le droit du travail et bénéficient du contrôle de l'inspection du travail.

Dans son dernier rapport, le gouvernement, après avoir rappelé en quelque détail que l'exercice d'une activité professionnelle suppose une demande d'emploi du détenu et un accord de l'établissement pénitentiaire, indique que "la nature des relations existant entre le détenu et l'institution pénitentiaire, marquée par la force de la contrainte qui découle de la décision de justice, et qui écarte l'existence d'un libre accord des volontés entre les deux partenaires, ne permet pas non plus de retenir le principe de l'établissement d'un contrat de travail entre eux. C'est pour ce motif que l'article D.103 du Code de procédure pénale précise que ces relations de travail sont exclusives de tout contrat de travail et qu'il n'est pas envisagé de modifier ce texte".

La commission prend bonne note de ces indications; elle note également le commentaire de la CFDT selon lequel c'est bien la même analyse qui justifie, pour la confédération, l'exigence d'une garantie contractuelle quant à l'exercice du travail des détenus.

Pour ce qui est des relations entre le prisonnier et l'entreprise privée qui utilise et dirige son travail, le gouvernement indique que dans les établissements à gestion mixte du "programme 13000" le groupement privé dispose dans l'organisation du travail des mêmes compétences que celles d'une entreprise concessionnaire de main-d'oeuvre pénale dans un établissement à gestion publique et est soumise aux mêmes obligations. Les relations de travail entre le détenu et l'entreprise concessionnaire de main-d'oeuvre ou chargée de la fonction travail ne sont pas constitutives d'un contrat de travail, l'entreprise étant dépourvue d'une large partie des droits et obligations impartis à l'employeur, notamment en matière d'embauche et de licenciement, le "classement" et "déclassement" étant effectués par des fonctionnaires publics.

La commission observe qu'il s'agit là d'une relation triangulaire comparable à celle existant entre une agence de travail temporaire, l'entreprise utilisatrice de main-d'oeuvre et le travailleur temporaire, avec toutefois, en l'état actuel de la législation et de la pratique nationales, deux différences ayant une incidence directe sur le respect de la convention: le travailleur temporaire bénéficie d'un contrat de travail et de la protection du droit du travail, ce qui n'est pas le cas de la main-d'oeuvre pénitentiaire; en outre, celle-ci est une main-d'oeuvre captive dans le plein sens du terme, c'est-à-dire qu'à la différence du travailleur temporaire elle n'a, en droit et en pratique, pas d'autre accès à un emploi que dans les conditions fixées unilatéralement par l'administration pénitentiaire.

La commission rappelle que la concession ou mise à disposition de main-d'oeuvre pénale à des entreprises privées est spécifiquement visée à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention, et que seul un travail exercé dans les conditions d'une relation de travail libre, assorti des garanties correspondantes, permet de considérer les exigences de l'article 2, paragraphe 2 c) comme non applicables.

En l'absence d'un contrat de travail et en dehors du champ d'application du droit du travail, il semble difficile, voire impossible, notamment dans un contexte carcéral, de reconstituer les conditions d'une relation de travail libre, comme en témoigne aussi la situation en matière de rémunération, sécurité sociale, sécurité et hygiène, et inspection du travail.

Rémunération et conditions d'emploi. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que le gouvernement était conscient du niveau insuffisant de rémunération des prisonniers employés par des entreprises privées, dont le "salaire minimum pénitentiaire" a été fixé à 50-60 pour cent du salaire minimum de croissance (SMIC) horaire, selon le régime, et des difficultés liées à la productivité peu élevée du travail des détenus et à la faible qualification de la population pénale. Elle avait prié le gouvernement de réexaminer le niveau des rémunérations dans les différents régimes et d'indiquer toutes mesures prises ou envisagées pour que les dispositions sur le salaire minimum de croissance (SMIC) soient appliquées aux détenus travaillant pour le compte des entreprises privées.

La commission note avec intérêt les informations détaillées fournies par le gouvernement. Elle relève que, dans les ateliers du service national du travail en milieu pénitentiaire, le revenu moyen journalier était en 1994 de 23 pour cent plus élevé qu'en régime de concession. Notant également les commentaires détaillés de la CFDT concernant la rémunération horaire, le droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, l'hygiène et la sécurité, et le rôle de l'inspection du travail, elle prie le gouvernement de communiquer ses observations concernant les différents points soulevés par la CFDT.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises tant sur le plan législatif que dans la pratique pour assurer aux prisonniers mis à la disposition d'entreprises privées des conditions d'emploi qui permettront d'assimiler leur situation à celle des travailleurs libres. Elle prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur toutes mesures prises pour séparer la situation de ces travailleurs dans ou devant l'emploi de leur situation en prison, notamment en ce qui concerne la discipline du travail et l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite; pour les mettre au bénéfice d'un contrat de travail et de la pleine application du droit du travail; et pour améliorer leurs salaires et conditions d'emploi.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans sa précédente observation, la commission s'était référée aux conditions dans lesquelles le travail des prisonniers pour des entreprises privées pouvait être considéré comme étant exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail et ainsi échapper à l'interdiction de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. La commission avait pris note de l'article 720 du Code de procédure pénale, tel que modifié en 1987, selon lequel au sein des établissements pénitentiaires toutes les dispositions sont prises pour assurer une activité aux personnes incarcérées qui le souhaitent; elle avait également noté que les relations de travail des personnes incarcérées (en dehors des cas où elles bénéficient du régime de semi-liberté) ne font pas l'objet d'un contrat de travail (art. 720, paragr. 3). La commission s'était également référée au niveau des rémunérations versées aux détenus dans le régime de la concession et celui de la régie directe.

La commission note les commentaires formulés par la Confédération française démocratique du travail (CFDT) sur l'application de la convention no 105, communiqués par le gouvernement en décembre 1994. Selon la CFDT, les conditions d'attribution et de retrait d'un travail pour les détenus se font selon la volonté de l'administration et bien peu selon la volonté des intéressés. La CFDT allègue que le travail, qui a cessé d'être une contrainte, ne peut devenir une gratification accordée et parfois retirée aux détenus à titre de sanction, et que ceci suppose l'existence d'une procédure précise d'attribution d'un travail et l'établissement de relations conventionnelles de travail sur des bases claires et sérieuses. La CFDT ajoute qu'un document contractuel devrait énoncer les conditions d'exécution du travail et sa rémunération et que le retrait de l'autorisation devrait être soumis à une procédure établie, assortie d'une information du détenu, et que de telles conditions devraient être remplies pour qu'on puisse parler d'un travail librement consenti.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que les détenus n'ont pas l'obligation de travailler mais peuvent exercer une activité professionnelle s'ils en expriment le souhait; il réitère que le travail des détenus fait toujours l'objet d'une rémunération, que celle-ci est déterminée en référence au salaire minimum de croissance de droit commun et que dans ce cadre la rémunération tient compte de la productivité du détenu par rapport à un travailleur libre exerçant la même activité. Il ajoute que la rémunération versée est soumise à cotisation salariale et patronale et que les détenus bénéficient des assurances veuvage, vieillesse, maladie, maternité et accident. Il ajoute que le travail en atelier doit être exercé dans le respect des règles d'hygiène et de sécurité applicables aux travailleurs libres.

La commission avait rappelé dans sa précédente observation que seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail, à savoir avec le consentement du prisonnier entouré de garanties notamment quant à la rémunération et à la sécurité sociale, ne tombe pas dans le champ d'application des dispositions de la convention.

Consentement du prisonnier

La commission observe que la loi du 22 juin 1987 qui a modifié l'article 720 du Code de procédure pénale a conféré au travail des prisonniers un caractère volontaire; toutefois, aux termes de cette même loi, les activités de travail et de formation professionnelle sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. La commission note qu'aux termes de l'article 721 du Code de procédure pénale une réduction de peine peut être accordée aux condamnés s'ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite. Cette appréciation qui est de la compétence du juge de l'application des peines est fondée, en vertu de l'article D.253 du Code de procédure pénale, sur le comportement général, mais aussi sur l'assiduité au travail du condamné. La commission prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour assurer que le consentement du prisonnier ne puisse être vicié par le fait qu'une appréciation positive implique l'assiduité au travail et, dans les prisons privées, par des contraintes de deux ordres liées entre elles: d'une part, l'entreprise privée exploitante de la prison inclut le travail des prisonniers dans son calcul de rentabilité; d'autre part, l'entreprise privée se trouve être non seulement l'utilisatrice de la main-d'oeuvre pénale mais encore investie, en droit ou en pratique, d'une part importante de l'autorité qui revient à l'administration pénitentiaire.

Contrat de travail

La commission observe qu'aux termes de l'article 720, paragraphe 3, du Code de procédure pénale les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail; l'article D.103 du même Code dispose que sont exclusives de tout contrat de travail les relations qui s'établissent entre l'administration pénitentiaire et le détenu auquel elle procure un travail ainsi que les relations entre l'entreprise concessionnaire et le détenu mis à sa disposition selon les conditions d'une convention administrative qui fixe notamment les conditions de rémunération et d'emploi. Le détenu au travail est dès lors un travailleur privé de contrat et de la protection du droit du travail. Compte tenu également du fait que dans le cas des prisons privées l'administration pénitentiaire se trouve, en droit ou en pratique, entre les mains de l'entreprise utilisant la main-d'oeuvre pénitentiaire, la commission prie le gouvernement d'examiner les dispositions des articles 720, paragraphe 3, et D.103 du Code de procédure pénale et de prendre les mesures nécessaires pour que les relations et conditions de travail des personnes incarcérées soient régies par le droit du travail et bénéficient du contrôle de l'inspection du travail.

Rémunération

En ce qui concerne les rémunérations, dans sa précédente observation, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur l'évolution en matière de rémunération des prisonniers employés par des entreprises privées, dont le "salaire minimum pénitentiaire" a été fixé à 50-60 pour cent du SMIC horaire, selon le régime. La commission avait également noté que le gouvernement était conscient du niveau insuffisant des rémunérations et des difficultés liées à la productivité peu élevée du travail des détenus et à la faible qualification de la population pénale.

La commission prie le gouvernement de réexaminer le niveau des rémunérations dans les différents régimes, et d'indiquer toutes mesures prises ou envisagées pour que les dispositions sur le salaire minimum de croissance (SMIC) soient appliquées aux détenus travaillant pour le compte des entreprises privées.

La relation libre de travail dans les prisons privées

La commission avait noté que, par convention, la construction et la gestion des prisons avaient été confiées à des entreprises privées dans le cadre du "programme 13.000" (recours à l'initiative privée pour construire et gérer des prisons). La commission note que la "fonction travail" fait partie des fonctions confiées à la gestion privée dans ces prisons. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le régime juridique des prisons privées et sur les conditions dans lesquelles le détenu est soumis à cet "opérateur privé", de telles informations pouvant permettre de déterminer si, en ce qui concerne le travail, une relation se rapprochant de celle d'un travailleur libre peut être établie.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

La commission note que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle espère qu'un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu'il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans sa précédente demande directe:

La commission a noté que le Conseil des ministres, dans sa réunion du 24 février 1993, a retenu le principe de la création d'un service national de solidarité qui s'ajouterait aux cinq formules de service existantes (coopération, aide technique, police, sécurité civile et objection de conscience) à côté du service militaire en armes.

Se référant à l'article 2, paragraphe 2 a), de la convention et aux explications figurant aux paragraphes 24 à 33 de son Etude d'ensemble de 1979 sur le travail forcé ou obligatoire, la commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement tiendra compte des dispositions de la convention lors de l'élaboration de tout projet en la matière et communiquera copie de tout projet de loi soumis au Parlement.

Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

La commission note que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente sur le point suivant:

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans ses commentaires antérieurs la commission s'est référée à l'article 720 du Code de procédure pénale, tel que modifié en 1987, selon lequel au sein des établissements pénitentiaires toutes les dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle aux personnes incarcérées qui le souhaitent; la commission a également noté que les relations de travail du prisonnier (en dehors des cas oû il bénéficie du régime de semi-liberté) ne font pas l'objet d'un contrat de travail (art. 720, paragr. 3), mais que le travail est généralement rémunéré. Se référant plus particulièrement aux travaux exécutés par des prisonniers au profit d'entreprises concessionnaires, la commission a cependant fait remarquer que le taux de rémunération horaire moyen s'établissait à moins de la moitié du salaire minimum de croissance (SMIC) et que les retenues opérées étaient importantes. La commission a prié le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir que les rémunérations payées par les entreprises concessionnaires se rapprochent d'un niveau comparable à celles versées aux ouvriers libres et de préciser à qui incombe le paiement de la part patronale des cotisations sociales dans le régime de concession. 1. La commission avait noté les informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport pour la période se terminant au 30 juin 1991, notamment au sujet des différents régimes d'activités (service général, Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP), concession, formation professionnelle et autres régimes), de la répartition des postes de travail, de l'évolution des méthodes et objectifs en matière de travail pénitentiaire ainsi que des masses salariales pour les différents régimes. En ce qui concerne les rémunérations versées aux prisonniers, le gouvernement a déclaré que le principe selon lequel la rémunération des détenus travaillant pour des entreprises concessionnaires est négociée au même niveau que celle des ouvriers libres exerçant le même travail reste valable; néanmoins, des difficultés de mise en oeuvre demeurent, qui tiennent à la qualité des travaux effectués en détention, à la faible qualification de la population pénale et à son absence de formation professionnelle, à l'organisation du travail pénal qui ne permet pas d'atteindre une productivité analogue à celle des entreprises extérieures (journées de travail trop courtes, fréquence des interruptions de travail). Le gouvernement s'est référé également à la situation économique à l'extérieur des prisons et au chômage pour considérer peu réaliste un brusque alignement sur les rémunérations payées à l'extérieur. La commission a cependant noté les indications du gouvernement selon lesquelles l'administration pénitentiaire, consciente du niveau globalement insuffisant des rémunérations individuelles, s'efforce de développer une politique visant à leur amélioration. La plupart des travaux étant rémunérés à la pièce, les négociations avec les concessionnaires se font en prenant pour base la productivité moyenne constatée à l'extérieur dans le secteur d'activité concerné. De cette façon, un détenu qui atteint le niveau extérieur de productivité percevra au minimum le SMIC, le différentiel étant imputé en plus ou en moins. Le gouvernement a ajouté que, pour tous les détenus, la part patronale des cotisations sociales incombe à l'employeur et qu'en ce qui concerne les prisonniers exerçant une activité à l'extérieur des établissements le droit commun du travail s'applique (contrat de travail, alignement automatique aux conditions de travail à l'extérieur, y compris aux niveaux des rémunérations). 2. La commission avait noté par ailleurs les indications du gouvernement au sujet de la construction de 13.000 nouvelles places de prison. Celles-ci sont gérées en partie par des entreprises privées qui assument notamment la "fonction travail". Des seuils minima de rémunération ont été fixés et il existe dans ces établissements un "salaire minimum pénitentiaire", dont le niveau est annuellement réévalué en référence au SMIC (60 pour cent du SMIC horaire). Le gouvernement a relevé que les modalités d'organisation du travail pénal ont été réexaminées et comportent la tenue de fichiers concernant les activités à exercer, les postes à pourvoir et le niveau des rémunérations. Il a ajouté que la journée est organisée de sorte à pouvoir mieux rentabiliser les investissements effectués (deux équipes de cinq heures permettant l'utilisation des machines pendant dix heures au lieu de six dans le système classique), ce qui devrait également permettre aux prisonniers qui travaillent d'accéder aux autres activités de l'établissement (telles que sport, enseignement, activités socioculturelles). La commission rappelle à nouveau que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit explicitement que les personnes astreintes au travail comme conséquence d'une condamnation judiciaire soient mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail peut être considéré comme échappant à cette interdiction, ce qui exige non seulement le consentement formel du prisonnier, mais également, compte tenu des circonstances de ce consentement, des garanties et protections en matière de salaire et de sécurité sociale permettant de considérer qu'il s'agit d'une véritable relation de travail libre. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les évolutions et progrès en la matière.

La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

La commission note que le Conseil des ministres, dans sa réunion du 24 février 1993, a retenu le principe de la création d'un service national de solidarité qui s'ajouterait aux cinq formules de service existantes (coopération, aide technique, police, sécurité civile et objection de conscience) à côté du service militaire en armes.

Se référant à l'article 2, paragraphe 2 a), de la convention et aux explications figurant aux paragraphes 24 à 33 de son Etude d'ensemble de 1979 sur le travail forcé ou obligatoire, la commission espère que le gouvernement tiendra compte des dispositions de la convention lors de l'élaboration de tout projet en la matière et communiquera copie de tout projet de loi soumis au Parlement.

Observation (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans ses commentaires antérieurs la commission s'est référée à l'article 720 du Code de procédure pénale, tel que modifié en 1987, selon lequel au sein des établissements pénitentiaires toutes les dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle aux personnes incarcérées qui le souhaitent; la commission a également noté que les relations de travail du prisonnier (en dehors des cas où il bénéficie du régime de semi-liberté) ne font pas l'objet d'un contrat de travail (art. 720, paragr. 3), mais que le travail est généralement rémunéré. Se référant plus particulièrement aux travaux exécutés par des prisonniers au profit d'entreprises concessionnaires, la commission a cependant fait remarquer que le taux de rémunération horaire moyen s'établissait à moins de la moitié du salaire minimum de croissance (SMIC) et que les retenues opérées étaient importantes. La commission a prié le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir que les rémunérations payées par les entreprises concessionnaires se rapprochent d'un niveau comparable à celles versées aux ouvriers libres et de préciser à qui incombe le paiement de la part patronale des cotisations sociales dans le régime de concession.

1. La commission note les informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport, notamment au sujet des différents régimes d'activités (service général, Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP), concession, formation professionnelle et autres régimes), de la répartition des postes de travail, de l'évolution des méthodes et objectifs en matière de travail pénitentiaire ainsi que des masses salariales pour les différents régimes.

En ce qui concerne les rémunérations versées aux prisonniers, le gouvernement déclare que le principe selon lequel la rémunération des détenus travaillant pour des entreprises concessionnaires est négociée au même niveau que celle des ouvriers libres exerçant le même travail reste valable; néanmoins, des difficultés de mise en oeuvre demeurent, qui tiennent à la qualité des travaux effectués en détention, à la faible qualification de la population pénale et à son absence de formation professionnelle, à l'organisation du travail pénal qui ne permet pas d'atteindre une productivité analogue à celle des entreprises extérieures (journées de travail trop courtes, fréquence des interruptions de travail). Le gouvernement se réfère également à la situation économique à l'extérieur des prisons et au chômage pour considérer peu réaliste un brusque alignement sur les rémunérations payées à l'extérieur.

La commission note cependant les indications du gouvernement selon lesquelles l'administration pénitentiaire, consciente du niveau globalement insuffisant des rémunérations individuelles, s'efforce de développer une politique visant à leur amélioration. La plupart des travaux étant rémunérés à la pièce, les négociations avec les concessionnaires se font en prenant pour base la productivité moyenne constatée à l'extérieur dans le secteur d'activité concerné. De cette façon, un détenu qui atteint le niveau extérieur de productivité percevra au minimum le SMIC, le différentiel étant imputé en plus ou en moins.

Le gouvernement ajoute que, pour tous les détenus, la part patronale des cotisations sociales incombe à l'employeur et qu'en ce qui concerne les prisonniers exerçant une activité à l'extérieur des établissements le droit commun du travail s'applique (contrat de travail, alignement automatique aux conditions de travail à l'extérieur, y compris aux niveaux des rémunérations).

2. La commission note par ailleurs les indications du gouvernement dans son rapport au sujet de la construction de 13.000 nouvelles places de prison. Celles-ci sont gérées en partie par des entreprises privées qui assument notamment la "fonction travail". Des seuils minima de rémunération ont été fixés et il existe dans ces établissements un "salaire minimum pénitentiaire", dont le niveau est annuellement réévalué en référence au SMIC (60 pour cent du SMIC horaire). Le gouvernement relève que les modalités d'organisation du travail pénal ont été réexaminées et comportent la tenue de fichiers concernant les activités à exercer, les postes à pourvoir et le niveau des rémunérations. Il ajoute que la journée est organisée de sorte à pouvoir mieux rentabiliser les investissements effectués (deux équipes de cinq heures permettant l'utilisation des machines pendant dix heures au lieu de six dans le système classique), ce qui devrait également permettre aux prisonniers qui travaillent d'accéder aux autres activités de l'établissement (telles que sport, enseignement, activités socioculturelles).

La commission rappelle que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit explicitement que les personnes astreintes au travail comme conséquence d'une condamnation judiciaire soient mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail peut être considéré comme échappant à cette interdiction, ce qui exige non seulement le consentement formel du prisonnier, mais également, compte tenu des circonstances de ce consentement, des garanties et protections en matière de salaire et de sécurité sociale permettant de considérer qu'il s'agit d'une véritable relation de travail libre.

La commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les évolutions et progrès en la matière.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

Se référant à sa demande antérieure relative à l'application de la loi no 87-512 du 10 juillet 1987 relative au service national dans la police, la commission prie le gouvernement d'indiquer si l'affectation des jeunes gens incorporables dans les services de la police nationale, le service de l'aide technique et le service de la coopération en lieu et place du service militaire s'effectue suite à une demande formulée par les intéressés.

Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

1. Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans des commentaires précédents, la commission a noté les clauses et conditions générales d'emploi des détenus à l'intérieur et à l'extérieur des établissements pénitentiaires telles que contenues dans les contrats de concession ainsi que dans les circulaires du ministère de la Justice du 14 janvier 1986, et elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l'application dans la pratique des dispositions de l'article 720 du Code de procédure pénale et des contrats de concession, notamment sur les points suivants: la proportion de détenus ayant souhaité travailler et mis à la disposition d'entreprises concessionnaires; les taux des rémunérations effectivement payées par rapport à celles des ouvriers libres et les retenues effectuées en fonction du niveau de productivité, des conditions et sujétions particulières mentionnées dans les contrats de concession; l'assurance chômage pour les détenus travaillant à l'extérieur ou à l'intérieur des établissements pénitentiaires.

La commission note les informations communiquées par le gouvernement au sujet des détenus exerçant une activité professionnelle ou recevant une formation. Elle relève notamment que l'activité des détenus travaillant pour la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) est organisée et encadrée par l'administration pénitentiaire et que les productions sont réalisées pour cette administration, pour d'autres administrations et pour des entreprises privées. En ce qui concerne l'activité des détenus travaillant pour les entreprises concessionnaires, l'administration pénitentiaire met à la disposition des entreprises des locaux pour y organiser le travail et y employer des détenus; leur rémunération est en principe négociée au même niveau que celle des ouvriers libres, mais l'application du principe se heurte à des difficultés tenant notamment à la faible qualification de la population pénale et à un niveau de productivité moins élevé que dans des entreprises extérieures. Ainsi, selon les indications du gouvernement, la rémunération moyenne journalière pour six heures de travail s'élevait, en septembre 1989, à 75 francs en concession et à 90 francs en RIEP, et elle fait l'objet de retenues pour charges sociales en matière d'assurance maladie, vieillesse, veuvage (part ouvrière et patronale) et accident, ainsi que de retenues inhérentes à la situation d'incarcération (frais d'entretien, pécule, indemnisation des victimes). Le gouvernement indique que l'administration pénitentiaire est consciente de l'insuffisance globale du niveau des rémunérations et s'efforce de mener une politique tendant à attirer des entreprises offrant des travaux mieux payés.

La commission note qu'en vertu de l'article 720, alinéa 3, du Code de procédure pénale, les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail. La commission relève, d'autre part, que le taux de rémunération horaire moyen était, en septembre 1989, de 12,50 francs, alors que le salaire minimum de croissance (SMIC), qui est le taux de salaire horaire brut au-dessous duquel aucun salarié ne peut être payé, s'élevait à 29,91 francs. Quant aux retenues opérées, elles s'élèvent à quelque 80 pour cent de la rémunération.

La commission se réfère aux paragraphes 97 à 101 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé où elle a indiqué que l'emploi des prisonniers par des employeurs privés n'est compatible avec la convention que dans les conditions d'une relation de travail libre, c'est-à-dire non seulement avec l'accord de l'intéressé, mais également sous réserve de certaines garanties, notamment quant au paiement d'un salaire normal et à la couverture de sécurité sociale.

Notant également que, selon la documentation envoyée par le gouvernement avec son rapport, 400 entreprises privées ont employé 8.500 salariés et réalisé une masse salariale de 115 millions de francs, la commission prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir que les rémunérations payées par les entreprises concessionnaires se rapprochent d'un niveau comparable à celles versées aux ouvriers libres, et ceci non seulement d'un point de vue global, mais également au niveau du salaire individuel. Elle le prie également de préciser si, dans le travail en concession, la part patronale des cotisations sociales est à la charge du détenu.

En ce qui concerne les droits à l'allocation chômage, la commission a pris note des indications du gouvernement selon lesquelles, en vertu du régime général d'indemnisation du chômage instauré par l'ordonnance no 84-198 du 21 mars 1984, les détenus libérés bénéficient d'une aide publique, à savoir l'allocation d'insertion attribuée pour une durée d'un an, et peuvent accéder aux programmes de formation mis en oeuvre en faveur des chômeurs de longue durée en vertu d'une circulaire du 15 février 1988.

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