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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2008, Publication : 97ème session CIT (2008)

Un représentant gouvernemental a indiqué que la volonté de son gouvernement d’éradiquer le système de travail en servitude est démontrée par la ratification de la convention en 1954, la promulgation de l’ordonnance sur l’abolition du système de travail en servitude en 1975 et l’adoption de la loi sur le système de travail en servitude (abolition) en 1976 (BLSA). Des mécanismes institutionnels ont été mis en place pour identifier et réinsérer les travailleurs en servitude et pénaliser les auteurs d’infractions. Beaucoup a été fait en pratique, avec l’identification de 287 555 travailleurs en servitude et la réinsertion de 267 593 d’entre eux, ainsi qu’avec des mesures permettant d’offrir des perspectives d’emploi pour empêcher les personnes de tomber en servitude. Parce que le travail en servitude a souvent pour cause principale le dénuement économique, plusieurs programmes ont été mis en place, dont le Programme national de garantie rurale, qui assure 100 jours d’emploi par an. A la suite de ces programmes, les salaires ont augmenté et l’émigration a diminué.

Les estimations du nombre de travailleurs en servitude publiées par certains organismes sont sujettes à caution, et il faut rappeler que la définition du travailleur en servitude doit répondre aux critères définis dans le rapport global de l’OIT sur la question qui précise que le travail forcé n’est pas simplement synonyme de bas salaires et de mauvaises conditions de travail. Il ne s’agit pas non plus de situations de besoin économique absolu dans lesquelles un travailleur croit être dans l’impossibilité de quitter un emploi en raison d’une absence réelle ou supposée d’autres possibilités d’emploi. La définition que donne l’OIT du travail forcé repose sur deux critères fondamentaux: le travail ou service est exigé sous la menace d’une peine et n’est pas fait de plein gré. La commission d’experts s’est interrogée sur l’adéquation des sanctions imposées, et le représentant gouvernemental a expliqué que les poursuites ne sont abandonnées que lorsque les autorités judiciaires indépendantes estiment manquer de preuves suffisantes d’une situation de travail forcé. Nombreux sont les cas dans lesquels une personne est reconnue comme travailleur en servitude et réinsérée, mais l’employeur est acquitté parce que la situation de servitude n’est pas suffisamment établie. Cependant, le fait de mettre inutilement ces cas en exergue risque de détourner l’attention des véritables cas de travail en servitude.

S’agissant de la recommandation de la commission d’experts demandant de réaliser d’urgence une étude exhaustive sur le travail en servitude à l’échelle nationale, il faut rappeler que l’identification du travail en servitude est une question délicate et que la démarche suivie doit être humaine et sortir des sentiers battus. L’information doit être récoltée en interrogeant de manière indirecte les personnes touchées sur la nature de l’exploitation et leurs conditions de service. Ce n’est qu’alors qu’on peut déterminer si elles tombent dans la catégorie des travailleurs en servitude. Il est de pratique que des entrepreneurs paient des travailleurs à l’avance pour effectuer certaines tâches et cette pratique a été qualifiée à tort de travail en servitude. C’est aux Etats qu’incombe ce problème. Pour leur venir en aide, le gouvernement central peut leur accorder des subventions pour réaliser des études de district sur le travail en servitude et organiser des activités de sensibilisation. Beaucoup d’études ayant déjà été faites par les gouvernements des Etats, il ne semble pas nécessaire de réaliser une étude nationale sur l’ensemble du territoire.

S’agissant des commentaires de la commission d’experts à propos des comités de vigilance, il convient de faire remarquer que les gouvernements de tous les Etats ont constitué des comités au niveau des districts et des subdivisions et qu’ils se réunissent régulièrement.

En réponse à la demande d’information de la commission d’experts sur le nombre de plaintes pour travail en servitude dont ont été saisies les instances villageoises, il faut rappeler que la priorité numéro un du gouvernement est l’identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude. Quoi qu’il en soit, 5 893 cas de poursuites et 1 289 condamnations ont été signalés à ce jour par les Etats dans le cadre de la loi sur le système de travail en servitude (abolition). Ces chiffres sont à replacer dans le contexte de l’environnement socioculturel dans lequel opère le système. La procédure informelle de réparation des préjudices qui fonctionne dans les villages peut aussi faire office de procédure de règlement des conflits; or il n’est conservé aucune trace de ces procédures de conciliation. Enfin, l’incidence du travail en servitude est en déclin et des ateliers de sensibilisation sont organisés dans les Etats par la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) en collaboration avec le ministère de l’Emploi et du Travail.

Concernant la demande de la commission d’experts visant à obtenir davantage d’informations sur la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude, et l’augmentation des compétences des travailleurs en servitude qui ont été libérés, il convient de mentionner que la NHRC a supervisé et révisé la mise en application de la loi sur le système de travail en servitude (abolition), de 1976 (BLSA), ainsi que les programmes financés pour la réinsertion des travailleurs en servitude. La NHRC a nommé des rapporteurs spéciaux chargés de visiter les districts et d’évaluer la situation au niveau local. Le suivi qui a été effectué sur la base de leurs rapports et les ateliers de sensibilisation qui ont eu lieu ont démontré le profond engagement à éliminer la menace que constitue le système de travail en servitude. De plus, un groupe spécial a été mis sur pied pour surveiller la mise en application de ces mesures et a fourni des détails sur les réunions qu’il a tenues dans toutes les régions et Etats entre 2004 et 2008. Des directives détaillées ont été données aux gouvernements des Etats et il leur a été conseillé d’intégrer les programmes du gouvernement fédéral à d’autres programmes courants de lutte contre la pauvreté afin de regrouper les ressources vouées à la réinsertion des travailleurs en servitude.

S’agissant de l’application et de la mise en œuvre des interdictions établies par la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants (CLPRA), le représentant gouvernemental a fourni des informations sur l’interdiction imposée en octobre 2006 sur l’emploi des enfants dans les activités relevant du travail domestique et dans les hôtels, motels, restaurants, cantines des haltes-routières et autres centres récréatifs. Les gouvernements des Etats ont reçu des indications sur les mesures appropriées, et le ministère a entrepris une importante campagne de sensibilisation via les médias nationaux et régionaux. Les plans d’action préparés par les gouvernements des Etats ont fait l’objet de discussions dans les conférences et réunions régionales. Les Etats ont été priés de faire la publicité nécessaire afin de faire connaître l’information sur l’interdiction, et des instructions ont été émises pour que les employés du gouvernement cessent d’employer des enfants comme domestiques. Un timbre commémoratif spécial sur le travail des enfants a été produit en décembre 2006 et une campagne nationale contre le travail des enfants a été lancée en novembre 2007. De plus, des statistiques sur la mise en application de l’interdiction ont été fournies au Bureau.

En réponse à la demande de la commission d’experts de fournir des informations sur les sanctions infligées ou les condamnations prononcées à la suite des poursuites engagées, le représentant gouvernemental a indiqué que celles-ci avaient été soumises au Bureau et qu’elles démontrent une tendance à la baisse du nombre de cas rapportés de travail effectué par des enfants dans chaque Etat. En réponse à la demande de la commission d’experts visant à obtenir une mise à jour et des informations détaillées sur la mise en œuvre des projets nationaux concernant le travail des enfants (NCLP), les informations fournies au Bureau illustrent le succès de la mise en œuvre de ces projets dans les vingt Etats en ce qui concerne la réinsertion des enfants travailleurs qui ont été soustraits des diverses industries. Une évaluation de ces projets a récemment été effectuée par des agences indépendantes et le rapport final est attendu.

Certains amendements à la loi de 1956 sur la prévention de traite immorale ont été proposés, en 2006, dans le but d’élargir la portée de la loi originale, de mettre l’accent sur les trafiquants, de prévenir la revictimisation des victimes et d’améliorer son application. Les amendements principaux incluent l’augmentation de l’âge de la majorité de 16 à 18 ans et la suppression des dispositions relatives aux sanctions et au retrait des prostituées, ce qui constitue une reconnaissance du fait que les femmes et enfants impliqués dans la prostitution sont souvent victimes de la traite de personnes et que le fait de leur imposer une sanction ne ferait que les traumatiser davantage. D’autres amendements incluent l’introduction des nouvelles dispositions qui définissent l’infraction de «traite de personnes» en conformité avec les instruments pertinents des Nations Unies et l’application de sanctions aux personnes impliquées dans la traite de personnes, ainsi que les personnes qui visitent ou tiennent une maison destinée à l’exploitation sexuelle. Il a également été proposé que soit mise en place une autorité centrale afin de combattre la traite de personnes au niveau fédéral et des Etats. Un programme global de prévention de la traite et de libération, réadaptation et réinsertion des victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle a été lancé en décembre 2007. Ce programme prévoit des mesures de prévention, libération, réadaptation et réinsertion et rapatriement. De plus, le ministère de la Femme et du Développement de l’enfant a établi un comité consultatif central composé de représentants de plusieurs structures interministérielles et de gouvernements d’Etat, ainsi que des ONG, organisations policières et organisations internationales. Certains des policiers seniors qui travaillent dans les Etats où le problème est davantage persistant participent également au comité consultatif. Lors d’une récente réunion, le comité consultatif a identifié les domaines prioritaires dans lesquels il faut prendre des actions et a élaboré les directives que doivent suivre les parties prenantes.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour son intervention. Le cas a été examiné par la Commission de la Conférence à neuf reprises depuis 1989, et encore plus fréquemment par la commission d’experts. Tout en prenant note des préoccupations exprimées par le représentant gouvernemental au regard de la validité des statistiques fournies par les ONG et mentionnées par le rapport de la commission d’experts, les statistiques transmises par le gouvernement dans son rapport de 2006 démontrent que les cas de travail en servitude ou de travail forcé persistent. Malgré les difficultés possibles dans la compilation des données pertinentes, disposer d’informations précises sur l’ampleur de la pratique du travail en servitude reste cruciale. Le gouvernement devrait par conséquent collecter et compiler des données précises relatives à l’existence du travail forcé en Inde.

Il y a un certain nombre de faits nouveaux positifs, comme l’existence de comités de vigilance. Au regard des points faibles observés dans ce contexte par la commission d’experts, les membres employeurs demandent au gouvernement de s’occuper de la question du fonctionnement de ces comités dans son prochain rapport, conformément à leur mandat en vertu de la loi sur le système du travail en servitude (abolition) de 1976.

Quant à l’application de sanctions, les membres employeurs, tout en rappelant l’article 25 de la convention et la nécessité pour le pouvoir judiciaire d’assurer l’application de la législation interdisant le travail forcé, ont encouragé le gouvernement à transmettre des informations détaillées sur l’examen par les tribunaux des cas de travail forcé.

S’agissant du travail des enfants, les statistiques montrent que, malheureusement, la situation ne semble pas s’être améliorée. La dénonciation de violations et les recours devant la justice ont diminué en 2004-05, alors que les statistiques indiquent sur cette même période une hausse du recours au travail des enfants. Le gouvernement devrait fournir dans son prochain rapport des informations sur la nature des sanctions ou les peines imposées en cas de condamnations prononcées conformément à la législation en vigueur sur le travail dangereux des enfants. Les membres employeurs encouragent également le gouvernement à s’occuper du récent déclin observé dans la dénonciation des violations et les recours devant la justice.

Compte tenu de l’évolution positive liée au projet national concernant le travail des enfants du ministère du Travail et de l’Emploi, le gouvernement devrait continuer à fournir des informations détaillées sur cette initiative. Les membres employeurs ont noté en outre un certain nombre d’efforts législatifs positifs de la part du gouvernement, comme la modification en 2006 de la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants, la promulgation de la loi de 2005 sur les commissions de protection des droits de l’enfant (CPCRA), le projet de loi de 2006 concernant les infractions commises sur des enfants (DOCB), et la modification en 2006 de la loi sur la prévention de traite immorale. Le gouvernement devrait fournir des informations en ce qui concerne l’application des dispositions de la CPCRA relatives à la traite des enfants à des fins d’exploitation commerciales ou de prostitution. Le gouvernement devrait également apporter des informations concernant la promulgation de la DOCB et de la modification de la loi sur la prévention de traite immorale ainsi que des informations détaillées sur d’autres mesures mises en œuvre pour lutter contre la traite des enfants et l’exploitation sexuelle.

Les membres travailleurs ont souligné que la Commission de la Conférence examine le cas du travail forcé ou en servitude en Inde pour la neuvième fois. Peu de progrès ont été faits. Les statistiques fournies par le gouvernement sont inférieures à celles rapportées par des institutions et ONG qui estiment le nombre de personnes vivant dans des conditions de servitude entre 20 et 65 millions. La Ghandi Peace Foundation et le National Labour Institute font état de quelque 2,6 millions de personnes travaillant en servitude dans le seul secteur de l’agriculture alors que le travail forcé et en servitude est présent dans d’autres secteurs, incluant les briqueteries, les carrières, le travail de la soie et du coton, le travail domestique, l’industrie de la tapisserie et des feux d’artifice

Les membres travailleurs ont considéré que le gouvernement sous-estime un problème qui ne peut être résolu sans une connaissance exacte de son ampleur et de sa complexité. Ils ont soutenu en conséquence la requête de la commission d’experts pour la réalisation à titre prioritaire d’une étude sur le travail en servitude à l’échelle nationale. La délégation par le gouvernement fédéral de la responsabilité de collecter des données aux Etats n’est pas appropriée car ces derniers ne sont pas équipés pour et une telle activité ne rentre pas dans leurs priorités. Cela a été mis en évidence grâce à l’évaluation faite par le BIT du projet de prévention et d’élimination du travail en servitude en Asie du Sud qui a aidé les gouvernements des Etats à mener des enquêtes sur le travail en servitude dans 120 districts. Plusieurs Etats n’ont pas tenu compte du projet. Le manque de ressources allouées pour effectuer les enquêtes et le manque d’initiative de la part des Etats ont eu pour conséquence que le travail en servitude est considéré comme inexistant.

Par ailleurs, de nouvelles formes de travail en servitude liées à l’économie globalisée émergent dans plusieurs Etats et doivent donc être traitées au niveau central. En plus de la servitude traditionnelle pour dette qui est le résultat d’une relation de travail féodale, des centaines de milliers de travailleurs, en particulier des jeunes filles, viennent s’ajouter au nombre de travailleurs en servitude. Selon la Commission nationale pour la protection des droits de l’enfant, les enfants victimes de traite du Rajasthan au Gujarat sont forcés de travailler dans des fermes de culture de coton hybride, astreints à douze heures de travail par jours dans des conditions dangereuses et exposés aux pesticides. Ce type de travail est lié aux chaînes de production globale modernes pour fournir des vêtements dans le marché mondial. L’édition du 28 octobre 2007 du journal The Observer a rapporté que des enfants âgés de 10 ans avaient été trouvés en train de travailler dans des conditions proches de l’esclavage pour fabriquer des vêtements d’une célèbre marque. Le bureau sous- régional de l’OIT pour l’Asie du Sud a déclaré que la globalisation a contribué à l’augmentation du travail forcé et de la traite, en particulier et a estimé que les employeurs privés et les trafiquants gagnent autour de 9,7 milliards de dollars E.-U.

Les membres travailleurs ont salué la décision du gouvernement de mener une étude à l’échelle nationale sur le travail des enfants et ont souligné qu’une telle étude devrait couvrir toutes les formes d’exploitation par le travail prévues dans la convention, y compris le travail en servitude. Le recensement national de 2011 devrait inclure des statistiques relatives au travail en servitude et aux enfants astreints à ce type de travail. Les syndicats et les organisations non gouvernementales devraient être impliqués dans la collecte de ces statistiques et identifier les secteurs et les zones où le travail en servitude prévaut.

L’Inde est le premier pays à avoir adopté une législation interdisant le travail en servitude avec la loi sur le système de travail en servitude (abolition) de 1976 qui a prévu des sanctions pour les employeurs contrevenants. La mise en œuvre stricte de cette loi serait un moyen de traiter le problème et d’empêcher les enfants de travailler en servitude au moyen d’une avance d’argent à leurs parents. Le rapport de la commission d’experts a cependant indiqué que les comités de vigilance n’étaient pas efficaces en tant qu’instruments de mise en œuvre de la loi sur le système de travail en servitude (abolition). En conséquence, les membres travailleurs soutiennent le renforcement des comités de vigilance et suggèrent la mise en place d’autres institutions en remplacement de ces comités. Des panchayats locaux ont prouvé leur efficacité dans la région d’Andra Pradesh pour libérer des enfants du travail en servitude et pour les réinsérer dans le système éducatif.

Les membres travailleurs ont souhaité attirer l’attention sur l’expérience du Brésil où le gouvernement a utilisé des équipes multidisciplinaires, incluant la police, les procureurs, les travailleurs sociaux, les syndicats et les organisations non gouvernementales, pour identifier et libérer les victimes du travail en servitude. Il est suggéré un échange des bonnes pratiques, y compris des sanctions efficaces, entre les gouvernements de l’Inde et du Brésil avec l’appui du BIT. La publication d’une liste des employeurs qui utilisent le travail en servitude a été efficace au Brésil alors que les amendes infligées en Inde sont trop peu élevées pour être suffisamment dissuasives.

Les membres travailleurs soutiennent la requête que la commission d’experts a adressée au gouvernement de l’Inde en vue d’apporter une réponse aux graves lacunes constatées concernant l’application des sanctions prévues dans la loi sur le système de travail en servitude (abolition) et recommandent la publication des sanctions imposées pour chaque Etat. Il est nécessaire d’organiser plus d’activités de formation et de sensibilisation des cadres chargés de l’application de la loi et des membres du corps judiciaire en coopération avec la Commission nationale indienne des droits de l’homme. Des campagnes de publicité d’envergure, avec la participation des syndicats, des organisations non gouvernementales et des organisations d’employeurs, pour expliquer que le travail forcé ou en servitude sont des crimes, pourraient aider à changer l’acception sociale du phénomène et contribueraient à augmenter le nombre de cas signalés de travail en servitude. Les syndicats jouent aussi un rôle essentiel en aidant les travailleurs en servitude libérés à bénéficier des programmes de protection sociale.

Les membres travailleurs ont salué les efforts faits par le gouvernement pour réduire le nombre d’enfants forcés à travailler ainsi que de la décision d’étendre le champ d’application de la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants (CLPRA) à d’autres emplois. Toutefois, cette loi nécessite une application plus effective et la mise en place des meilleures structures de réinsertion. Les membres travailleurs ont salué le projet IPEC débuté en 1992 et mis en œuvre dans 20 districts de quatre Etats et dans le territoire de la capitale centrale, ainsi que le plan quinquennal du gouvernement (2008-2013) pour étendre les projets nationaux concernant le travail des enfants à l’ensemble des districts du pays. Toutefois, ils ont à nouveau manifesté leur inquiétude à propos de la lenteur des progrès réalisés et des nouvelles formes de travail des enfants qui sont insuffisamment pris en compte.

L’Inde est un pays d’origine, de transit et de destination de la traite des personnes en vue de leur exploitation, et en particulier de l’exploitation sexuelle des femmes et des jeunes filles. Le ministère de l’Intérieur estime que 90 pour cent de la traite liée à l’exploitation sexuelle est interne au pays, et les estimations quant au nombre de victimes varient beaucoup. La proportion d’enfants dans la prostitution est estimée à 15 pour cent, et des dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles victimes de traite proviennent des pays voisins.

En conclusion, les membres travailleurs soulignent une nouvelle fois l’étendue et la gravité de la violation de la convention no 29. Loin d’avoir été résolu avec la croissance économique, le problème du travail forcé s’aggrave avec de nouvelles formes de travail en servitude faisant partie de la chaîne de production globale et du commerce international. Le gouvernement est instamment prié de renforcer et d’accélérer l’application de la législation en vigueur et de mettre en place des mécanismes novateurs pour éradiquer au plus vite et en toute priorité le travail en servitude et le travail forcé en tant que mesures prioritaires.

Le membre travailleur de l’Inde a rappelé que le travail forcé était la conséquence du système féodal. L’Inde a été soumise à un système impérialiste qui a encouragé et maintenu le travail forcé en raison d’intérêts économiques et politiques. La convention no 29 a été adoptée en 1930 mais les autorités britanniques ne l’ont pas appliquée en Inde. Ce n’est qu’après l’indépendance que le gouvernement national a, en 1954, ratifié la convention. Par ailleurs, la loi interdisant le travail forcé n’a été adoptée qu’en 1976.

Avec la mondialisation, les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Quatre cent millions de travailleurs ne sont couverts par aucun régime de sécurité sociale. Plusieurs de ces travailleurs vivent sous le seuil de la pauvreté. Leurs emplois ne sont jamais garantis. La pauvreté est telle dans certains cas que parfois les travailleurs tombent dans le piège de l’endettement. Dans certains des Etats les plus pauvres du pays, une telle pauvreté engendre la traite des femmes et des enfants et, avec la complicité d’importantes compagnies dans les pays d’origine et de destination, la traite est devenue un commerce florissant dans le monde entier.

Le mouvement syndical est au fait de ce problème et s’oppose à de telles pratiques. Les syndicats reconnaissent les efforts du gouvernement afin d’éradiquer le travail en servitude et demandent instamment au gouvernement de prendre toutes les mesure possibles pour punir sévèrement les contrevenants et réhabiliter les victimes. Le gouvernement devrait convoquer une commission tripartite au niveau central sur la question du travail en servitude et de la traite des femmes et des enfants pour discuter en profondeur de l’ampleur du problème et des mesures qui devraient être prises dans les circonstances

Le membre employeur de l’Inde a rappelé que le travail en servitude était un sujet sensible et, par conséquent, qu’aucune étude crédible ne peut être faite sur la base de suppositions. Le travail en servitude est souvent un phénomène caché; il n’est donc pas aisé de le détecter par une simple opération arithmétique. On ne peut pas faire d’étude sur cette question. Certaines statistiques fournies par les organisations non gouvernementales peuvent être remises en question. L’Inde a un système d’enquêtes développé, fiable et transparent. S’agissant de la définition du travail forcé, le travail effectué dans les briqueteries et dans le secteur de l’agriculture constitue effectivement du travail forcé au sens de la convention. Cela mériterait une étude plus approfondie. Les employeurs en Inde ont adopté un code de conduite pour s’attaquer au problème du travail des enfants, et tous les employeurs ont été priés de l’appliquer. Plusieurs employeurs sont également impliqués dans des initiatives de réinsertion, notamment dans le secteur informel, et agissent au sein de mécanismes tripartites pour combattre le travail des enfants et le travail forcé.

Le représentant gouvernemental de l’Inde a rappelé qu’il convient de tenir compte du fait que l’Inde est un pays très étendu, d’une très grande diversité sur le plan social et culturel, lorsque l’on évalue les efforts que ce pays déploie par rapport à l’application de la convention. Le système indien de recensement repose sur un processus permanent produisant des données statistiques régulières et fiables, mais il serait possible de le compléter, au besoin au moyen d’enquêtes par sondage sur des questions spécifiques, telles que le travail en servitude. Néanmoins, les enquêtes par sondage sont un instrument hautement technique, qui requiert une main-d’œuvre appropriée.

Même si les données issues du recensement révèlent un accroissement du travail des enfants entre 1991 et 2001, le phénomène du travail des enfants est en fait en relatif recul, si l’on veut bien considérer que la population a augmenté au cours de la même période. S’agissant de la capacité des différents Etats de fournir des données statistiques, le représentant gouvernemental a déclaré que les structures appropriées existent dans ces différents Etats, au niveau du district. De même, les institutions locales s’occupant du travail en servitude sont de plus en plus efficaces. Des statistiques supplémentaires sur l’action menée par les tribunaux dans ce domaine seront communiquées au BIT. Quant au système traditionnel de prêt sur gage, il a pratiquement disparu avec l’avènement des services financiers modernes. L’élimination du travail des enfants requiert une approche multidisciplinaire, qui passe notamment par une sensibilisation, et le soutien de l’OIT à ce titre est apprécié. Le gouvernement estime également que la création d’emplois, l’amélioration des qualifications ainsi que la généralisation de l’accès aux soins de santé sont des étapes déterminantes dans l’élimination des causes profondes du phénomène. Quant aux nouvelles formes de travail forcé, elles appellent une vigilance de la part de tous les pays, et non seulement de la part de l’Inde.

Les membres travailleurs ont reconnu qu’il est impossible de déterminer avec exactitude l’ampleur du travail forcé tant que cette évaluation restera fondée sur des données partielles issues d’études locales ou des informations fournies par les gouvernements des Etats. La Commission de la Conférence devrait supporter le point de vue exprimé par la commission d’experts sur la nécessité d’une étude sur le travail en servitude à l’échelle nationale et utilisant des méthodes statistiques valables et appropriées. Une telle étude constituerait la base d’une stratégie nationale en vue d’une meilleure application de la législation, à tous les niveaux.

Reconnaissant que la législation indienne est conforme aux dispositions de la convention no 29, les membres travailleurs souhaitent une stratégie de mise en œuvre effective de cette législation pour éviter que celle-ci ne reste lettre morte, comme constaté à de trop nombreuses reprises. Une telle stratégie, qui inclurait des campagnes d’information et de sensibilisation, nécessite une véritable implication des autorités locales, des organisations de travailleurs et des organisations non gouvernementales sous la supervision d’une coordination centrale efficace. Et l’on ne saurait invoquer l’étendue géographique comme un argument justifiant d’écarter une approche dynamique couvrant l’ensemble du pays.

Les membres travailleurs, évoquant l’expérience du Brésil, seraient en faveur d’échanges de bonnes pratiques entre Etats qui rencontrent des problèmes similaires concernant l’application des conventions internationales sur le travail forcé. Par ailleurs, ils insistent sur la nécessité d’assurer une bonne administration de la justice dans les cas concernant le travail forcé ainsi que l’application de sanctions suffisamment rigoureuses comme moyen de dissuasion contre le recours au travail forcé.

Ils ont incité le gouvernement à faire appel à l’assistance technique du BIT dans l’élaboration et la mise en œuvre de cette stratégie intégrée. Ils ont en outre estimé que le gouvernement devrait s’engager à présenter un rapport complet et détaillé sur les progrès réalisés et l’impact de cette stratégie, y compris des campagnes d’information et de sensibilisation, dans la lutte contre le travail forcé à tous les niveaux et dans toutes les régions du pays.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies. Ils reconnaissent que les problèmes de travail forcé sont liés à l’existence de la pauvreté. Les mesures prises par le gouvernement dans les domaines du développement des compétences et de l’accès aux soins de santé sont accueillies favorablement. Cependant, l’Inde étant la plus grande démocratie du monde, compte tenu des engagements pris par le gouvernement sur le plan de la transparence par rapport à l’étendue du problème, les membres employeurs ont estimé que celui-ci devrait s’attacher à recueillir et compiler les statistiques appropriées à l’échelle nationale. Notant que le gouvernement évoque la possibilité de compléter les données existantes issues du recensement par des enquêtes plus spécifiques, les membres employeurs ont instamment demandé au gouvernement de suivre cette piste. En conclusion, ils rappellent au gouvernement l’importance de la convention no 29 et l’ont exhorté à intensifier ses efforts pour éliminer le recours au travail forcé, et à faire rapport sur les résultats obtenus à cet égard.

Conclusions

La commission a pris note des informations détaillées fournies par le représentant gouvernemental ainsi que de la discussion qui a suivi. La commission a salué les mesures positives prises par le gouvernement ainsi que son engagement à traiter le problème du travail en servitude dans son pays. Elle a noté en particulier les informations relatives à la mise en œuvre des politiques et des programmes de libération et de réinsertion des travailleurs, notamment le système centralisé de réinsertion des travailleurs libérés, les efforts du gouvernement pour renforcer l’efficacité des comités de vigilance, ainsi que les informations statistiques sur la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude, provenant des études au niveau du district financées par le gouvernement. La commission a également pris note des informations sur les poursuites engagées en vertu de la loi de 1976 sur le système de travail en servitude (abolition) ainsi que de la déclaration du gouvernement selon laquelle le travail en servitude diminue.

Néanmoins, tout en notant les mesures positives prises par le gouvernement pour lutter ontre le travail en servitude, la commission a une nouvelle fois exprimé sa préoccupation face au refus du gouvernement, en dépit du caractère disparate des statistiques de ces dernières années, d’entreprendre une étude nationale sur le travail en servitude couvrant l’ensemble du territoire. Elle a de nouveau instamment prié le gouvernement de procéder à une enquête statistique nationale approfondie en utilisant une méthode statistique appropriée ainsi que d’autres méthodes de collecte de données afin de mieux identifier l’ampleur du problème. Les organisations d’employeurs et de travailleurs, ainsi que les ONG, devraient participer à la collecte des données et à l’identification des secteurs et des régions dans lesquels le travail en servitude sévit.

La commission a noté avec regret que, plus de trente ans après l’adoption de la loi de 1976 sur le système de travail en servitude (abolition) et malgré les efforts déployés, le travail en servitude n’a toujours pas été éradiqué dans la pratique et que de nouvelles formes de travail en servitude voient le jour. Les progrès accomplis afin d’assurer la pleine application de la convention demeurent insuffisants, malgré les commentaires réitérés de la commission d’experts et les nombreuses discussions de ce cas au sein de cette commission.

La commission a partagé la préoccupation de la commission d’experts au sujet des graves et persistantes lacunes dans l’application de la loi, tels que les limites de fonctionnement des comités de vigilance, le faible taux de poursuites judiciaires et le caractère trop peu dissuasif des sanctions.

La commission a pris note des efforts déployés par le gouvernement pour éliminer le travail des enfants au sens de la convention, c’est-à-dire le travail accompli dans des conditions de dangerosité et de pénibilité telles qu’il ne peut être considéré comme un travail volontaire. La commission a salué l’extension à tous les districts de l’Inde du projet national concernant le travail des enfants visant la réadaptation des enfants travaillant dans les industries dangereuses. Elle a pris note des mesures prises dans le cadre du plan d’action national de lutte contre la traite des femmes et des enfants et contre leur exploitation sexuelle. La commission a également salué les mesures prises par le gouvernement pour renforcer la législation, et notamment l’élaboration d’un projet de loi sur les délits commis contre les enfants et d’un projet d’amendement de la loi sur la prévention de la traite immorale, projets qui visent à combler les lacunes du Code pénal en incriminant spécifiquement l’exploitation sexuelle et la traite des enfants et en prévoyant les sanctions correspondantes. La commission a également noté les informations relatives au nouveau «système global de prévention de la traite et de libération, réadaptation et réinsertion des victimes de la traite et d’exploitation sexuelle», lancé en décembre 2007 ainsi qu’à la création de la Commission consultative centrale au sein du ministère pour le Développement des femmes et des enfants.

Tout en reconnaissant les initiatives récentes entreprises par le gouvernement, la commission l’a instamment prié de poursuivre encore plus vigoureusement ses efforts afin d’éradiquer le travail en servitude sur l’ensemble du territoire et de combattre le travail des enfants qui relève de la convention. La commission a attiré l’attention du gouvernement sur l’urgence de renforcer l’efficacité des comités de vigilance ou de tout autre mécanisme approprié. Le gouvernement devrait également prendre des mesures pour accroître l’impact des mesures de sensibilisation concernant tant les formes traditionnelles de travail forcé et de travail en servitude que les nouvelles formes, dont celles liées à la traite des personnes. La commission a souligné que, pour éradiquer de manière effective le travail forcé, le travail en servitude et le travail des enfants, il est crucial, en plus de prendre des mesures à caractère socio-économique, d’élaborer et de consolider la législation et de renforcer les mécanismes de contrôle de l’application de la loi. La commission a demandé au gouvernement de soumettre, à la session de 2009 de la commission d’experts, un rapport contenant des informations complètes sur les actions entreprises aux niveaux national, des états, et local, y compris sur les modifications apportées à la législation, des informations statistiques fiables sur le travail forcé ou en servitude ainsi que des informations sur les poursuites judiciaires engagées, les sanctions imposées et les progrès accomplis pour éradiquer le travail forcé ou en servitude. La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement assurerait la pleine application en droit et en pratique de cette convention fondamentale. La commission a proposé que le gouvernement puisse se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.

TEXT Le représentant gouvernemental de l’Inde a déclaré que le gouvernement prend note des conclusions auxquelles la commission est arrivée et mettra en œuvre les propositions les plus positives. Il reste cependant préoccupé par l’un des aspects de ces conclusions, à savoir la demande de mener une étude complète à l’échelle nationale sur le travail en servitude. Comme indiqué précédemment dans les remarques introductives, la conduite d’une telle étude n’est pas possible dans un pays aussi vaste et diversifié que l’Inde. Le travail en servitude n’est pas répandu dans l’ensemble du territoire national mais se limite à quelques poches isolées. En raison des contraintes financières, les études sur ce phénomène se limitent aux Etats concernés, et le gouvernement prend toutes mesures nécessaires pour faciliter la conduite de ces études, notamment grâce à l’allocation de fonds. Le gouvernement s’assurera que de nouvelles études à l’échelle des Etats soient menées et que les ONG, les employeurs et les travailleurs soient pleinement consultés au cours de ce processus. Le gouvernement n’estime pas qu’il soit nécessaire de mener une étude sur l’ensemble du territoire national. L’orateur a demandé à la commission de prendre ce point en considération.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2003, Publication : 91ème session CIT (2003)

Un représentant gouvernemental a commencé par présenter les membres de la délégation de haut niveau du ministère du Travail qui l'accompagnaient, afin de montrer le sérieux avec lequel son gouvernement considère ses relations avec l'OIT. Il a en conséquence exprimé l'espoir que tous les membres de la commission apprécieront l'effort et la courtoisie du gouvernement, lequel s'exprimera longuement pour expliquer la situation et les mesures prises dans le pays afin de résoudre les problèmes évoqués. Il a déclaré espérer que la commission discuterait de ce cas d'une façon constructive et élogieuse en partant du principe que tous les membres sont égaux et que tous les orateurs s'abstiendront d'utiliser un langage injurieux et indigne, langage qui a par le passé été employé dans la discussion concernant d'autres cas. Après avoir établi une distinction entre le travail de la Commission de la Conférence et celui de la commission d'experts, il a indiqué qu'il examinerait, paragraphe par paragraphe, les commentaires effectués par la commission d'experts relatifs à l'application de la convention par l'Inde. Enfin, il évoquera plusieurs questions de procédure concernant le travail de la Commission de la Conférence.

A propos du travail en servitude, il a rappelé que l'article 2 de la convention définit le travail forcé comme "tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré". A ce sujet, il a insisté sur le fait que pour son pays un seul cas de travail en servitude est un cas de trop. Il a réaffirmé que le gouvernement prenait au sérieux ses responsabilités et obligations à l'égard de l'OIT et en vertu de la Constitution nationale, laquelle interdit expressément le travail forcé ou le travail en servitude. Il a rappelé que l'origine du travail forcé remontait à deux siècles lorsque l'Inde n'était pas un pays libre et qu'en raison de la politique contre les agriculteurs elle avait souffert de famine régulièrement tous les dix ans. L'Inde a réussi à sortir de cette situation de famine récurrente et parvient aujourd'hui à exporter des excédents de production agricole, principalement grâce à sa politique de réduction de la pauvreté. Dans ce contexte, les cas de travail en servitude ont tendance à toucher les populations les plus défavorisées. Depuis, l'Inde a progressé pour devenir aujourd'hui la plus grande démocratie au monde comptant une population d'un milliard, 450 millions de travailleurs et 600 millions d'électeurs.

Se référant aux commentaires effectués par la commission d'experts, il a noté que, dans le paragraphe 2 de ses observations, elle a exprimé l'espoir que le gouvernement fournirait ses commentaires sur les observations faites par certaines organisations de travailleurs. Il a indiqué à cet égard qu'une réponse détaillée a déjà été donnée et que des informations supplémentaires seront fournies rapidement.

Il a exprimé sa reconnaissance envers la commission d'experts qui a pris note des mesures positives prises par le gouvernement pour lutter contre le problème évoqué. Au paragraphe 7 de ses commentaires, la commission d'experts s'est félicitée de l'augmentation de 10 000 à 20 000 roupies de la bourse de réintégration, versée à chaque travailleur en servitude qui a été libéré. Au paragraphe 4, il est noté que des enquêtes sur le travail en servitude ont été menées dans 57 districts au total. Il a informé la commission que ce nombre a atteint 120 districts depuis la publication du rapport de la commission d'experts. Au paragraphe 7 de ses observations, la commission d'experts s'est également félicitée d'autres mesures prises par le gouvernement, incluant des visites sur le terrain par de hauts fonctionnaires pour superviser l'utilisation des fonds alloués à la réinsertion des travailleurs en servitude, des bilans réguliers effectués par des comités de surveillance et des efforts effectués par la Commission nationale des droits de l'homme pour surveiller l'application de la loi sur le travail forcé (abolition) de 1976, conformément aux instructions de la Cour suprême de l'Inde.

Concernant le travail des enfants, le paragraphe 12 de l'observation de la commission d'experts énumère toutes les mesures prises par le gouvernement, en particulier: l'identification de 130 210 enfants employés à des travaux dangereux et 392 139 enfants occupés à des travaux non dangereux; la réinsertion des enfants et des fonds d'assistance sociale distribués au niveau des districts par le gouvernement de l'Etat concerné; les mesures prises pour la collecte d'indemnités compensatrices; l'action pénale engagée contre les employeurs des enfants; les six nouvelles procédures ajoutées à la loi sur le programme de lutte contre le travail des enfants (interdiction et régulation) de 1986 concernant les travaux dangereux; et l'application des programmes nationaux sur le travail des enfants, qui ont été contrôlés régulièrement, afin que les enfants soient retirés du travail et scolarisés. Il a indiqué que le gouvernement a dépensé 2,5 milliards de roupies en mesures pour aider ces enfants dans le cadre du 9e plan et fourni plus de 6 milliards dans le cadre du 10e plan national de développement.

Concernant le problème de la prostitution, mentionné au paragraphe 16 de l'observation, l'Inde est fière de ses résultats, sa législation interne établissant des normes supérieures à celles requises par la convention. Ici aussi, la commission d'experts a énuméré les mesures positives prises par le gouvernement, notamment le plan national d'action (1998) pour lutter contre le trafic et l'exploitation sexuelle commerciale des femmes et des enfants, la constitution de comités consultatifs aux niveaux fédéral et des Etats afin de lutter contre le trafic à la base, l'établissement de foyers pour les filles et les femmes, la ratification du protocole international visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes et la signature de la Convention de l'Association sud-asiatique de coopération régionale sur la lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle à des fins commerciales des femmes et des enfants (SAARC).

Cependant, en regard des mesures positives et des progrès notés par la commission d'experts, il a exprimé son étonnement quant aux conclusions qu'elle a formulées. La commission d'experts a soulevé trois points. Premièrement, elle a noté, au paragraphe 5, qu'il est essentiel de disposer de données précises, tant pour élaborer les systèmes les plus efficaces possible pour lutter contre le travail en servitude que pour évaluer de façon fiable l'efficacité de ces systèmes. Il s'agit en fait d'une tautologie. La véritable question est de savoir si la confiance doit être accordée à un pays démocratique qui recense des données statistiques de façon transparente ou à quelques autres organisations moins fiables. Il a ensuite souligné que la commission d'experts a noté avec intérêt au paragraphe 8 de son observation que plus de vingt-cinq ans se sont écoulés depuis l'adoption de la loi sur l'abolition du système de servitude de 1976, que ce système existe toujours dans le pays et que le gouvernement devrait redoubler d'efforts pour l'éliminer. Même s'il soutient pleinement la seconde partie du commentaire, il a noté qu'en tant que gouvernement démocratique il n'a guère besoin de quelconques stimulants externes pour augmenter ses efforts pour éliminer le système de servitude. Quant à la première partie du commentaire, il a admis que certains cas de travail en servitude existent en Inde, tout comme des cas de racisme continuent d'exister dans de nombreux pays en dépit de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme il y a cinquante ans, car le travail en servitude est enraciné dans la question du développement socio-économique et la nécessité d'enrayer la pauvreté. De plus, il a indiqué que le travail en servitude est un concept dynamique pouvant se produire et se reproduire, c'est-à-dire que des personnes qui ont été libérées du travail en servitude peuvent parfois y retourner. De plus, il a indiqué que le cas du travail en servitude est différent de celui du travail forcé. Le système judiciaire de l'Inde, lequel est socialement proactif, a interprété le concept de travail en servitude plutôt largement en se référant aux situations dans lesquelles le travail est fourni en échange d'une rémunération en dessous du salaire minimum. Peut-être que le réel problème à ce sujet réside dans l'absence de reconnaissance de la différence entre le travail en servitude et les contrats de travail. Il a ensuite indiqué que, plutôt que les statistiques imaginaires avancées par certaines associations, l'aspect le plus important à ce sujet sont les progrès très significatifs réalisés par le gouvernement par ces mesures prises, notamment en réduisant de 26 pour cent le nombre de personnes dans le pays vivant en dessous du seuil de la pauvreté. Concernant les mesures positives prises par le gouvernement, la commission d'experts a également indiqué au paragraphe 13 de son observation que, comme l'a mentionné le représentant gouvernemental lors de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 2001, le gouvernement s'est engagé à éliminer le travail des enfants, et qu'elle espère qu'il poursuivra ses efforts sur le terrain, en particulier pour identifier les enfants qui travaillent et pour renforcer les mécanismes de la loi. A cet égard, il a noté que ce commentaire est superflu, dans la mesure où la volonté de progresser vient du gouvernement lui-même. Il a indiqué que, bien qu'il soit disposé à accepter des conseils constructifs sur le sujet, il objecte aux allégations faites par certains groupes, selon lesquelles les statistiques du gouvernement ne sont pas précises. Ces groupes ont avancé des chiffres illusoires concernant des millions de personnes (entre 5 et 20 millions de travailleurs en servitude, et jusqu'à 100 millions d'enfants travailleurs). Il a souligné à cet effet que, dans une démocratie progressiste, avec un système judiciaire proactif, une presse libre et un système de procédures judiciaires, il est impossible qu'une telle situation existe sans que le gouvernement soit renversé. Il a ajouté que le système actuel a établi une structure incitant certains groupes de personnes payées pour identifier, sensibiliser et réhabiliter les travailleurs en servitude. Il est probable que de tels groupes tirent avantage du système en effectuant des affirmations mensongères. Il a rappelé que, selon le système judiciaire indien, la véracité des chiffres sur le travail forcé et le travail en servitude doit être confirmée par des témoignages sous serment plutôt que par à une pratique irresponsable visant à publier des chiffres sans base méthodologique sérieuse. Il a également demandé aux groupes concernés de témoigner sous serment devant la Cour suprême de l'Inde afin que des enquêtes indépendantes puissent être menées sur leurs affirmations. Il a profondément regretté que la commission d'experts ait placé sur un pied d'égalité les faits présentés par un gouvernement souverain et les affirmations effectuées par de tels groupes, sans aucune indication quant à la méthodologie utilisée ou la fiabilité des chiffres avancés. Le manque d'informations sur la méthodologie est particulièrement grave au regard du fait que les ressources et l'infrastructure requis pour mener un recensement de plusieurs millions de personnes dans un vaste pays comme l'Inde sont énormes. Un exercice de cette ampleur ne serait pas passé inaperçu.

Concernant le problème de la prostitution, il a indiqué que la commission d'experts s'est, en premier lieu, félicitée des mesures positives prises par le gouvernement et ses engagements afin de résoudre le problème. Mais elle a ensuite poursuivi en disant que, bien qu'il y ait un nombre important d'études et de rapports sur l'exploitation sexuelle à des fins commerciales des femmes et des enfants, il n'y avait pas de données fiables sur l'ampleur de la traite de personnes et de l'exploitation à des fins commerciales. Il a été surpris de remarquer que c'était la troisième fois que la commission d'experts se référait au besoin de statistiques fiables après avoir noté les mesures positives prises par le gouvernement. Il a suggéré que la commission d'experts adopte une approche plus pragmatique qui prendrait en compte la réalité concrète selon laquelle, si les statistiques ne sont pas complètes, il est nécessaire de procéder sur une meilleure base et d'allouer les ressources disponibles afin de faire ce qui est possible. De plus, il a qualifié de truisme les commentaires de la commission d'experts relatifs au besoin d'avoir des informations statistiques. Il s'est dit d'accord avec les commentaires de cette même commission sur l'existence du travail en servitude. Par contre, il a considéré que des situations semblables existent même dans les économies avancées. Il a aussi exprimé sa surprise concernant la question posée au gouvernement de savoir pourquoi il n'y avait pas davantage de poursuites judiciaires entamées envers les personnes responsables de violations des dispositions de la loi. Alors qu'on doit attendre d'un gouvernement qu'il fournisse des informations basées sur un certain nombre de poursuites, il s'est dit persuadé que la commission d'experts, composée d'éminents juristes, n'a pas vraiment l'intention de rechercher des statistiques qui condamneraient à l'avance l'impartialité d'un jugement judiciaire sur la culpabilité ou non des accusés. Il a souligné que la responsabilité du gouvernement est de déférer les cas en justice tandis que l'inculpation relève d'une justice indépendante.

Concernant la deuxième partie de sa déclaration, il a attiré l'attention de la Commission de la Conférence sur le fait que sur 174 Etats Membres de l'OIT, dont la loi et la pratiques sont examinées dans le rapport de la commission d'experts, seuls 25 cas ont été sélectionnés pour discussion devant cette commission. De plus, un seul de ces 25 pays est un pays développé. L'Inde ne s'oppose pas à ce que sa situation nationale soit discutée devant des organes relatifs aux droits de l'homme, mais le représentant gouvernemental a estimé très étrange que son nom ait été inclus dans la liste des cas cette année, alors que plusieurs pas positifs ont été notés par la commission d'experts. Venant d'un pays démocratique et fédéral, il a considéré que, si la plupart des allégations auxquelles se réfère le rapport de la commission d'experts sont vraies, aucun régime démocratique n'aurait survécu dans un pays où vivent des millions de travailleurs en servitude. Peut-être les normes utilisées par les auteurs de ces allégations ne sont pas celles contenues dans la convention no 29. Peut-être que les chiffres couvrent des personnes qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Il a estimé que la tendance humaine à se sentir supérieur ou plus savant que ses semblables devrait être restreinte, que les faits réels ne devraient pas être ignorés et que l'on ne devrait pas faire confiance aux idées préconçues de groupes qui pourraient être motivés par d'autres intérêts. La commission devrait se limiter à examiner des questions directement couvertes par la convention.

Il a ajouté que, lorsque le ministre du Travail de l'Inde s'est adressé à la commission en 2001, les conclusions adoptées ne reflétaient pas les informations qu'il avait fournies. En effet, ses conclusions ont été adoptées immédiatement après la fin de sa déclaration sans que l'on prenne le temps de refléter le contenu de la discussion. Les commentaires de la commission d'experts sur l'application de la convention par l'Inde ne constituent pas la question traitée devant la Commission de la Conférence. Il s'est félicité de ces commentaires, qui parlent d'eux-mêmes, puisque la commission d'experts s'est félicitée des démarches entreprises par le gouvernement. Il a mentionné que sa présence devant cette commission vise d'abord à déterminer si l'action de cette dernière est crédible et pourquoi certains pays sont inclus dans la liste alors que d'autres ne le sont pas. Il a mentionné que, si un stimulus extérieur est utile pour des régimes fermés, son pays possède une démocratie bien établie et n'a pas besoin de leçon sur les droits de l'homme. La vraie question consiste à savoir si les individus qui font des allégations contre son pays ont un locus standi et si ces allégations, ainsi que la preuve statistique, ont été sujettes à un examen méthodologique et objectif.

Le représentant gouvernemental a donc demandé à la Commission de la Conférence et à la commission d'experts de réfléchir sur la manière d'améliorer le système. L'Inde est heureuse que les déficiences soient soulignées et de tenir compte de suggestions relatives, par exemple, à l'amélioration de son système domestique. Cependant, il s'est dit être un grand défenseur de l'équité et de la non-discrimination. Son gouvernement a considéré que les allégations, émanant de petits groupes hors du pays dépourvus de sensibilité culturelle, ne devraient pas être acceptées sans vérification méticuleuse. Il a souhaité que sa présence devant cette commission puisse aider à ce que l'on parle plus ouvertement des commentaires faits, de la manière dont ils sont faits, et de la manière dont les gouvernements assument leurs responsabilités envers leurs citoyens.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour sa déclaration exhaustive, mais ont exprimé un doute quant à savoir si des informations nouvelles ont été fournies. Ils ont rappelé que ce cas a été examiné par la Commission de la Conférence à dix occasions depuis 1986, et a été examiné encore plus souvent dans le rapport de la commission d'experts. Ils ont insisté sur le fait que l'étendue des problèmes soulevés justifie cette attention continue. Ils ont attiré l'attention sur l'importance fondamentale de la convention no 29, laquelle a atteint le plus haut taux de ratification de toutes les conventions de l'OIT. Il n'est pas exagéré de dire que le problème est séculaire et qu'il a d'importantes origines historiques.

Ils ont noté que le représentant gouvernemental a exprimé des doutes concernant les statistiques mentionnées dans le rapport de la commission d'experts, lesquelles ont été recueillies par des organisations non gouvernementales. Cependant, le fait de s'attarder aux chiffres a tendance à relativiser l'idée selon laquelle un seul cas de travail en servitude ou de travail forcé constitue un cas de trop. A cet égard, même les statistiques fournies par le gouvernement démontrent que le problème est très sérieux. De plus, ils ont noté la déclaration faite par le représentant gouvernemental selon laquelle il est difficile de recueillir des statistiques précises, en particulier à cause des différents niveaux de responsabilités des divers Etats. Le représentant gouvernemental a indiqué qu'un nouvel effort a été fait à cet égard, mais que quelques districts sont particulièrement sensibles et que la collecte de données soulève des problèmes sociaux et psychologiques. Sur ce sujet, les membres employeurs ont conclu qu'il est nécessaire de faire un effort intensif afin de recueillir des données fiables qui serviront à toute action future. En l'absence d'une identification précise des personnes affectées et de l'étendue du problème, l'action nécessaire risque d'être mal planifiée et de donner de faibles résultats.

Les membres employeurs ont noté les développements positifs mentionnés par le représentant gouvernemental, en particulier l'augmentation du nombre de comités de vigilance et l'augmentation du niveau des compensations versées pour affranchir les travailleurs en servitude. Cependant, la question demeure de savoir si, un quart de siècle après l'adoption de la législation principale sur ce sujet, davantage de progrès auraient dû être accomplis. Par exemple, aucun chiffre n'est disponible concernant les mesures prises afin que soient poursuivies et sanctionnées les personnes responsables de l'imposition du travail en servitude. Au sein de la plus grande démocratie du monde, il est nécessaire d'avoir un système judiciaire pour assurer que les violations de la loi sont sanctionnées.

Revenant sur le problème du travail des enfants, ils ont dit regretter de devoir noter encore une fois que la situation n'est pas positive. Malgré le fait que les statistiques disponibles diffèrent, le gouvernement a indiqué que, selon les chiffres du recensement de 1991, 11 millions d'enfants travaillaient en 1991, incluant le travail dangereux. Les résultats du recensement de 2001 ne sont pas encore disponibles. En comparaison avec ces chiffres, les résultats des actions prises pour identifier le travail des enfants dans des emplois dangereux ou non dangereux, tels que contenus dans le rapport de la commission d'experts, semblent peu élevés. Ils se sont félicités du fait que le programme IPEC a mis en application 160 programmes dans le pays, couvrant plus de 90 000 enfants, dans le but de les retirer de leur travail et de leur fournir une éducation. Bien que le problème du travail des enfants possède indubitablement des racines historiques, ils ont rejoint le représentant gouvernemental selon lequel la cause actuelle est la pauvreté persistante dans le pays.

En ce qui concerne la prostitution et l'exploitation sexuelle, ils ont noté que la commission d'experts s'était félicitée de l'action prise par le gouvernement et ont soutenu l'appel de la commission d'experts pour la poursuite de ces efforts et pour que le gouvernement fournisse de l'information régulière sur leurs résultats.

Les membres employeurs ont indiqué que le fait que les problèmes qui sont discutés aient déjà été examinés à maintes occasions suscite comme un sentiment de résignation au sein des membres de la commission. Néanmoins, ils ont exprimé l'espoir que davantage d'actions intensives seront prises à ce sujet, mais reconnu qu'il n'existe pas de panacée pouvant résoudre ces problèmes à court terme. Les causes sont trop complexes et le pays et sa population trop larges pour qu'une action soit immédiatement efficace. Une de ces causes découle indubitablement de la division qui existe dans le pays entre les petites économies formelles et le très large secteur informel. Ils ont néanmoins prié instamment le gouvernement d'intensifier ses efforts et de combler les carences qui ont été notées dans la compilation des statistiques. Une action efficace ne pourra être prise que lorsque les faits seront connus. Finalement, ils ont rappelé que ceux qui sont victimes du travail des enfants et des pratiques de travail en servitude se retrouvent dans ces situations à un âge précoce et demeureront dans cette condition terrible si aucune action n'est prise.

Réagissant à la déclaration du représentant gouvernemental, les membres travailleurs ont souligné qu'ils avaient toujours respecté les représentants gouvernementaux et les membres employeurs, mais que le représentant gouvernemental n'avait pas semblé manifester un tel respect envers les autres membres de la commission. Bien que des problèmes restent à résoudre, le cas de l'Inde démontre, selon les membres travailleurs, une certaine évolution. L'Inde a ratifié la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, en 1954. La commission d'experts a formulé ses premiers commentaires en 1966 et, l'année dernière, la commission s'est à nouveau penchée sur l'application de cette convention. Toutefois, force est de constater que le processus s'avère très long.

L'un des problèmes récurrents relevé par la commission d'experts concerne le manque de données statistiques précises et fiables sur le travail en servitude, le travail des enfants ainsi que sur la prostitution et l'exploitation sexuelle. Tout en notant les explications données par le représentant gouvernemental à ce sujet, les membres travailleurs ont indiqué que des données statistiques sont essentielles pour évaluer véritablement l'ampleur du problème, notamment en ce qui concerne le travail en servitude. Il est incompréhensible que les données fournies par le gouvernement sur le travail en servitude, recensant 280 411 travailleurs en servitude, diffèrent considérablement de celles indiquées par la CISL ou d'autres organisations telles qu'Anti-Slavery International et dont le nombre varie entre 5 et 20 millions. Il semble que le gouvernement minimise l'étendue du problème, ce qui l'empêche de le résoudre d'une manière efficace. Les membres travailleurs ont donc appuyé les demandes formulées par la commission d'experts relatives à la compilation des statistiques précises recensées concernant le nombre de personnes travaillant en servitude. Le gouvernement doit redoubler d'efforts afin d'éliminer le travail en servitude dans le pays.

Dans ses commentaires, la commission d'experts souligne également l'inefficacité des comités de surveillance qui, en vertu de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes, doivent être établis à cette fin. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur le nombre de poursuites engagées ainsi que sur les condamnations et acquittements prononcés. Selon Anti-Slavery, les personnes reconnues coupables de pratique de travail en servitude ne sont pas sanctionnées. Les informations communiquées par le gouvernement font état de 4 743 poursuites engagées dans le cadre de la loi de 1976. A ce sujet, la commission d'experts a fait remarquer qu'en vertu de l'article 25 de la convention ce nombre paraît insuffisant, comparé au nombre potentiel de travailleurs en servitude. Les membres travailleurs ont insisté pour que le gouvernement communique les informations demandées par la commission d'experts afin qu'elle puisse examiner l'efficacité des mesures prises et de leur application. Selon les dires du gouvernement, il incombe aux gouvernements des différents Etats de l'Inde d'appliquer la loi de 1976 afin d'identifier et de libérer les personnes en servitude. Toutefois, le gouvernement central doit s'assurer que les différents Etats prennent en charge leurs responsabilités. Bien que la commission d'experts constate que des mesures positives aient été prises, les membres travailleurs ont insisté pour qu'un projet conjoint entre le gouvernement central et les gouvernements des Etats soit mis sur pied afin d'en arriver à un résultat.

S'agissant du travail des enfants, la commission d'experts se réfère à des informations du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) et aux observations finales du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, formulées en février 2000. Dans ses observations finales, le Comité des droits de l'enfant s'est dit préoccupé par le fait que "de très nombreux enfants travaillent notamment dans des conditions d'asservissement, tout particulièrement dans le secteur informel, dans des entreprises familiales comme domestiques, et dans l'agriculture, et qu'ils sont très souvent exposés à des risques". En juin 2002, la CISL a communiqué des observations à la commission d'experts. Selon ces observations, le nombre d'enfants qui travaillent en Inde serait compris entre 22 et 50 millions, et les efforts déployés pour faire reculer le travail des enfants n'ont pas encore eu assez d'impact et sont jugés insuffisants pour faire face à l'ampleur du problème. Le gouvernement n'a pas répondu à ces observations. Les membres travailleurs ont noté les mesures positives prises à ce sujet mais ont insisté pour que le gouvernement poursuive ses efforts.

La commission d'experts se dit très préoccupée par le travail des enfants dans le secteur informel. A ce sujet, le gouvernement indique qu'il n'envisage pas d'étendre la portée de la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants ou de la loi de 1948 sur les fabriques. Il est pourtant essentiel d'adopter des dispositions législatives et de renforcer les mécanismes de contrôle de l'application de la législation pour que les enfants travaillant dans le secteur informel soient aussi couverts par l'application de ces lois.

Concernant la prostitution et l'exploitation sexuelle, la commission d'experts se félicite des mesures prises par le gouvernement, notamment au sujet du réexamen du cadre juridique en vigueur afin d'appliquer des sanctions plus sévères aux auteurs de trafics, l'adoption d'une législation pour interdire les traditions Devdasi et Jogin d'exploitation sexuelle, et la ratification par l'Inde du protocole international visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants. Les membres travailleurs se sont réjouis de ces mesures et ont insisté sur la nécessité de leur application dans la pratique. Ils espèrent que le gouvernement fournira l'an prochain toutes les informations nécessaires à ce sujet. Ils ont demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de compiler des statistiques fiables pour qu'un programme d'action efficace de lutte contre le travail forcé, le travail des enfants et la prostitution et l'exploitation sexuelle soit élaboré. Bien que des progrès aient pu être constatés, le gouvernement doit redoubler d'efforts pour résoudre le problème de manière efficace. Finalement, ils ont rappelé que le gouvernement peut demander l'assistance technique du BIT.

Le membre travailleur de la Colombie a indiqué que, bien que l'Inde soit un pays qui se situe très loin de la Colombie et de la région latino-américaine, cela ne constitue pas une barrière insurmontable qui empêche la solidarité face à la situation grave qui touche les travailleurs, en raison des violations permanentes de la convention no 29, de la part de ceux qui abusent de leur pouvoir économique, politique et social. Il a ajouté que la commission d'experts a illustré de façon très exhaustive cette tragédie humaine qui touche plusieurs millions d'êtres humains, et compromet grandement l'avenir du pays.

Le travail en servitude, la prostitution et l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants méritent toute l'attention du gouvernement et à cet égard les informations soumises par le gouvernement sur l'instauration de mesures pour combattre ce fléau, qui cause tant de souffrances à des millions de familles, sont encourageantes. Il a ajouté qu'il serait très valorisant d'approfondir ces efforts en vue d'éradiquer ce problème. Les efforts et les mesures prises par le gouvernement doivent être réellement accompagnés par la communauté internationale, principalement par les pays industriellement développés, qui possèdent les ressources suffisantes afin d'aider ce pays et les personnes les plus pauvres qui sont victimes de ces violations. Il est inacceptable qu'au XXIe siècle l'humanité doive observer avec impuissance l'exploitation de ceux qui, en raison de leur situation de pauvreté, sont réduits à l'esclavage pour permettre l'enrichissement illégal d'une minorité qui ne respecte pas les droits ni la liberté de ses propres frères. Il a finalement insisté sur le fait qu'un pays qui n'est pas capable de respecter ni de faire respecter la convention no 29 n'a pas d'avenir.

Le membre employeur de l'Inde a souligné qu'avec des questions importantes comme celles du travail des enfants et du travail forcé les employeurs et les gouvernements doivent démontrer leur engagement et expliquer l'action qu'ils mènent, comme le représentant gouvernemental l'a longuement fait. Cependant, la discussion de ce cas soulève de nombreuses questions, notamment celle de la fiabilité des informations statistiques. Pourquoi, lorsque le gouvernement de l'Inde, avec toute son expertise technique et son appareil administratif, entreprend des enquêtes qui arrivent à la conclusion qu'il y a 2,8 millions de travailleurs en servitude, dont 2,5 millions réhabilités, la commission d'experts doit plutôt accorder de la crédibilité à des évaluations très approximatives, qui estiment le nombre de travailleurs en servitude à plusieurs millions de personnes. Les organisations qui ont formulé de telles allégations devraient donner les preuves qu'elles sont bien fondées, par exemple en soumettant des affidavits devant la Cour suprême de l'Inde, tel que l'ont fait les secrétaires généraux des Etats indiens en produisant des statistiques. Il est nécessaire d'empêcher que le tripartisme soit soumis au chantage de la société civile. Puisque le gouvernement a entrepris des campagnes vigoureuses pour éliminer ces problèmes, et possède les dispositions législatives et constitutionnelles nécessaires afin de les rendre illégaux, il existe de sérieuses raisons de se demander pourquoi ce cas a souvent été examiné par la commission au cours des deux dernières décennies. La plupart des cas examinés par la présente commission consistent en des écarts flagrants entre les dispositions de la convention, dont l'application est sous examen, et la législation nationale. Ce qui n'est clairement pas le cas en ce qui concerne l'application de la convention no 29 par l'Inde. Le membre employeur a donc souhaité que cette question ne soit plus examinée par la commission.

Le membre travailleur de l'Inde a réaffirmé que le travail en servitude et le travail forcé constituent une tare pour l'humanité et qu'ils doivent être éliminés le plus tôt possible. Rappelant que le gouvernement de l'Inde a ratifié la convention en 1954 et adopté la législation principale qui l'applique en 1976, il a expliqué que le travail est un sujet qui suscite l'action concertée dans son pays, même si la responsabilité des questions relatives au travail repose principalement sur les gouvernements des Etats. Cependant, les Etats se situent à différents stades de développement et il existe de grands écarts entre eux en termes d'éducation, de santé et de développement industriel. Le travail en servitude et le travail forcé sont directement liés au haut niveau de pauvreté et au chômage dans le pays. Ils trouvent leur origine dans l'héritage de l'exploitation impérialiste. De telles questions importantes ne seront jamais résolues isolément. Le vrai remède réside dans l'emploi et dans un revenu décent pour chaque citoyen. Afin que cela se réalise, il est nécessaire de baser la production sur une technologie durable qui respecte la dignité des travailleurs, l'environnement et les droits des consommateurs. Cependant, la poursuite effrénée d'un développement rapide mène inévitablement à l'utilisation d'une technologie non durable, qui augmente le chômage. Ceci constitue le problème principal, qui requiert une attention immédiate.

Il a indiqué que les syndicats et le gouvernement de l'Inde, ainsi que la Cour suprême sont tous unis dans leur détermination d'éliminer le travail forcé et le travail en servitude. Cependant, il a mis en garde contre certaines parties qui, pour des motifs secrets, donnent à cette question une mesure disproportionnée. Les chiffres du travail en servitude fournis par le gouvernement ne peuvent pas être faux car le gouvernement doit répondre d'eux devant le Parlement démocratiquement élu. En 2001, le représentant gouvernemental a lancé un défi à ceux qui prétendent que ces chiffres sont beaucoup plus élevés. Il les a défiés de porter la question devant les tribunaux indiens, mais personne ne l'a fait. Il a averti que ceux qui souhaitent calomnier le pays ne doivent pas être encouragés et a mentionné que l'application de la convention no 29 par son pays a trop souvent été discutée.

La membre gouvernementale de la Suède, parlant également au nom des membres gouvernementaux du Danemark, de la Finlande, de l'Islande et de la Norvège, a souligné que les gouvernements nordiques sont très engagés dans la lutte contre le travail des enfants et dans leur soutien au programme IPEC. Elle s'est donc félicitée des efforts accomplis par le gouvernement de l'Inde pour lutter contre le travail des enfants et de son engagement à l'éliminer. Elle a souligné l'urgence de fournir des données fiables pour évaluer l'étendue du travail en servitude, du travail des enfants et de l'exploitation sexuelle dans ce pays. De telles données permettraient au gouvernement de développer des systèmes efficaces pour combattre ces sérieux problèmes et fourniraient une base réaliste pour évaluer l'efficacité des ces systèmes. Elle a appelé le gouvernement à poursuivre ses efforts dans ce domaine, particulièrement en ce qui concerne l'identification des enfants qui travaillent. Finalement, elle a encouragé le gouvernement à renforcer les dispositions législatives et les mécanismes d'application de la loi, le plus tôt possible. Elle a rappelé que la législation, combinée à des mesures socio- économiques, est vitale pour l'élimination effective des différentes formes de travail dangereux des enfants et l'élimination de leur exploitation sexuelle.

Le membre gouvernemental du Guatemala a exprimé son intérêt envers la déclaration franche et directe du représentant gouvernemental de l'Inde. Il a partagé les inquiétudes manifestées par l'Inde sur les critères d'élaboration de la liste de pays invités à dialoguer devant la présente commission ainsi que sur les méthodes de travail en général, dans les mêmes termes que ceux utilisés par les délégations du Venezuela et de Cuba au cours de la séance du matin. Cela s'applique aux cas du Venezuela, de Cuba et de la Colombie. Il a souligné la nécessité d'inclure ce thème dans l'agenda de la commission, durant la prochaine réunion de la Conférence internationale du Travail, et de maintenir et amplifier les consultations tripartites à ce sujet.

La membre gouvernementale de Cuba a remercié le représentant gouvernemental et a pris note de ses explications avec intérêt. Il n'y a pas de raison de douter des explications du représentant gouvernemental relatives aux statistiques, qui doivent être l'objet d'une analyse rationnelle. Se référant au paragraphe 11 de l'observation de la commission d'experts sur l'application de la convention dans le pays, l'oratrice a manifesté sa surprise de voir qu'y figurent les commentaires d'une organisation internationale, auxquels le gouvernement n'a pas eu l'opportunité de répondre. De plus, ceux-ci se réfèrent à une question par rapport à laquelle la commission d'experts avait noté des progrès. Elle a considéré inexcusable le fait de publier ces commentaires sans attendre la réponse du gouvernement. Elle a rappelé que l'on peut observer des cas similaires, dans le rapport de la commission d'experts, mais qu'ils sont traités avec plus de discrétion. Le traitement de ce cas manque d'impartialité et d'objectivité.

Un membre travailleur de la France, réagissant aux propos tenus par un membre gouvernemental de Cuba, a indiqué que ces ONG jouissent d'un statut consultatif auprès des Nations Unies et qu'elles prennent notamment part aux travaux de la Commission des droits de l'homme et de sa sous-commission.

Le membre travailleur du Royaume-Uni, se référant à une expérience personnelle en Inde qui lui a permis de visiter les projets sur le travail des enfants et d'observer l'action de l'OIT, des syndicats, des employeurs, des fonctionnaires gouvernementaux et des ONG, a décrit les effets hautement bénéfiques de la libération des enfants qui travaillent, incluant le travail en servitude, et des belles opportunités que leur offre la possibilité d'aller à l'école. Ceux qui ont expérimenté la dure réalité du travail des enfants et du travail en servitude, et qui ont par la suite été libérés et éduqués, sont devenus les avocats d'une éducation universelle et de loyaux opposants au travail des enfants. Si la liberté constitue un droit pour les plus fortunés, pour les autres, elle est le résultat d'une longue lutte et représente un trésor durement acquis. Des millions d'enfants dans le pays demeurent en servitude et le progrès effectué en vue de l'élimination du travail en servitude s'effectue trop lentement. Les statistiques recueillies par des organisations aussi réputées qu'Anti-Slavery International et Human Rights Watch, qui jouissent d'un statut d'observateurs au sein des Nations Unies, ont démontré que les chiffres fournis par le gouvernement sont trop peu élevés. Il a insisté sur le fait qu'une politique nationale efficace exige un système de statistiques beaucoup plus fiable, et a recommandé au gouvernement de requérir l'assistance technique de l'OIT à cet égard. Il a ajouté que, compte tenu de la grande prédominance du recours au travail des enfants dans le secteur économique informel et dans l'agriculture, le refus du gouvernement d'étendre la portée de la loi sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants et de la loi sur les fabriques équivaut à un manquement à son devoir moral et légal. En réponse à l'affirmation du gouvernement selon laquelle l'abolition du travail des enfants exige une approche globale antipauvreté, plutôt que des mécanismes de coercition et de surveillance, il a souligné que les deux sont nécessaires. Comme l'a indiqué la Commission des droits de l'enfant de l'ONU, des approches promotionnelles et de développement ne peuvent fonctionner à l'extérieur ou remplacer la règle de droit. Il a par conséquent lancé un appel pour que l'inspection du travail soit élargie et renforcée, et pour que la coopération tripartite et interinstitutionnelle soit développée. L'Inde étant la plus grande République fédérale démocratique, la pratique varie largement au niveau de chaque Etat. Par exemple, Kerala demeure l'un des meilleurs exemples au monde d'une éducation de base universelle et d'une abolition efficace du travail des enfants. Malgré la pauvreté, elle a su démontrer la richesse de sa volonté politique. Une action efficace a été prise dans d'autres Etats en ce qui a trait à l'élimination du travail des enfants dans certains secteurs. Cependant, d'autres Etats présentent de sévères déficits en matière d'éducation et ont un succès relatif en ce qui a trait à la prévention et à l'éradication du travail des enfants et du travail en servitude. Ces différents niveaux de succès sont démontrés par la grande variation dans l'efficacité des comités de surveillance, l'étendue de la volonté politique et la règle de droit. Il a lancé un appel au gouvernement et à l'OIT afin que ceux-ci portent une plus grande attention à l'énorme incohérence de l'action tripartite concertée. Il est de la responsabilité du gouvernement central de dépasser les obstacles auxquels sont confrontés les Etats fédérés. L'élimination du travail des enfants requiert une protection soutenue des travailleurs par le biais du renforcement de la bonne législation, de la syndicalisation, de la négociation collective et du dialogue social. En conclusion, l'orateur a déclaré que le cas de l'Inde nécessite un examen de bonne foi, compétent et exhaustif en ce qui concerne la question du travail en servitude, ainsi que celles des comités de surveillance et des magistrats de district formés et disposés à appliquer la loi. Il a également lancé un appel au gouvernement de ratifier et d'appliquer les autres conventions fondamentales afin d'appuyer l'éradication du travail en servitude ainsi que du trafic et du travail des enfants.

Le représentant gouvernemental a remercié ceux qui ont pris la parole et s'est dit encouragé par la plupart des commentaires faits. Se référant aux remarques des membres employeurs, il a spécifié que le chiffre de 280 000 travailleurs en servitude, fourni par le gouvernement, est celui des travailleurs en servitude pour 1976 au moment de l'adoption de la loi sur son abolition. Il devrait aujourd'hui être réduit de 260 000 travailleurs qui ont été libérés. Il a réitéré que, dans un système démocratique comme celui de son pays, il serait impossible de cacher un problème de l'ampleur alléguée par certains chiffres, mis en avant par différents groupes. Ces chiffres devraient être soumis à un examen méticuleux. Il a ajouté qu'en dépit des suggestions faites, son pays a l'expertise technique nécessaire et ne requiert pas d'assistance technique. Il a réaffirmé que son pays est profondément engagé dans l'élimination du travail des enfants et qu'il a dépensé de grandes sommes d'argent pour entreprendre des actions à cette fin. Le Premier ministre de l'Inde en personne a annoncé l'intention du gouvernement de réduire de manière significative le travail en servitude au cours du plan quinquennal en cours. Vu la grandeur du pays, on ne doit pas oublier que l'action au niveau des districts, par exemple, peut affecter une population équivalente à celle de certains petits pays d'Europe. Même si l'observation de la commission d'experts s'est souvent référée à des programmes d'action entrepris par l'IPEC, il ne faut pas oublier que l'investissement fait par le gouvernement indien est d'un autre ordre de grandeur. Le gouvernement indien a engagé plus de 55 millions de dollars américains entre 1997 et 2002, et plus de 115 millions au cours de l'actuel plan (2002-2007) tandis que IPEC en a dépensé 5 millions au cours des 10 dernières années dans le pays. Le travail du gouvernement de l'Inde devrait donc être apprécié dans cette perspective.

Concernant les procédures suivies par la commission, il a mentionné que son gouvernement ouvrirait la discussion à ce sujet, avant la prochaine session de la Conférence, en posant certaines questions fondamentales, comme celle de savoir pourquoi les représentants d'une poignée de pays occupaient tant de positions importantes. Il est nécessaire de réfléchir davantage sur ce sujet afin que la crédibilité de l'institution ne soit pas minée.

Finalement, il a réaffirmé l'attitude responsable de son gouvernement et a rappelé que celui-ci devait répondre de la situation devant le Parlement national et les organes des gouvernements locaux. Il a souligné qu'il suffit de consulter le rapport annuel du ministère du Travail pour trouver des statistiques fiables sur le nombre de travailleurs en servitude, identifiés et réhabilités. Il a ajouté que son pays détient le record de bonnes performances, qui peut faire l'envie de la plupart des pays industrialisés, sur certaines questions relatives aux droits de l'homme, comme le fait qu'un tiers de toutes les positions dans les organes des Etats locaux est réservé aux femmes dans 500 000 villages.

Un autre membre gouvernemental de la France s'est inscrit en faux contre les propos du représentant gouvernemental de l'Inde remettant en question les compétences et l'objectivité du secrétariat du BIT et évoquant une mainmise de quelques nationalités sur ce dernier. Ce type d'argument ne devrait pas être employé devant la commission.

Les membres employeurs ont rappelé que le cas sous examen est de nature très sérieuse et ont regretté que le représentant gouvernemental ait utilisé l'occasion pour faire une déclaration politique, sans se concentrer sur le sujet à l'ordre du jour. Ils ont noté le rejet, de la part du gouvernement, des chiffres élevés de travail forcé et de travail en servitude, mentionnés dans les statistiques communiquées par des organisations non gouvernementales. Cependant, ils ont rappelé que les représentants du gouvernement, qui se sont exprimés devant la commission au cours des années précédentes, ont mis l'accent sur la difficulté de produire des statistiques fiables, particulièrement si l'on tient compte des différents niveaux d'expertise technique et d'engagement des différents Etats. Ils ont conclu que beaucoup restait à faire afin de résoudre les problèmes discutés et que le gouvernement de l'Inde est responsable, vis-à-vis de l'OIT, de l'application des conventions qu'il a ratifiées.

Les membres travailleurs ont déclaré que les propos tenus par le représentant gouvernemental remettent en question l'objectivité de la commission d'experts et de la Commission de l'application des normes ainsi que la compétence des fonctionnaires de l'Organisation. Ils ont rappelé qu'il est nécessaire de réunir des données statistiques précises et fiables sur le nombre de personnes encore réduites en servitude. Le travail des enfants, surtout celui dans le secteur informel, demeure un problème inquiétant, et le gouvernement doit redoubler d'efforts afin d'éliminer cette pratique. De plus, la portée de la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants et de la loi de 1948 sur les fabriques doit être étendue au secteur informel. Ils ont demandé instamment au gouvernement de ratifier et d'appliquer les conventions nos 138 et 182 dans les plus brefs délais. En conclusion, les membres travailleurs ont rappelé que le gouvernement dispose toujours de la possibilité de demander l'assistance technique du BIT.

Le représentant gouvernemental a mentionné que la première version des conclusions de la commission, lue à haute voix par le président, était erronée, certaines parties représentant la position de la commission alors que d'autres reflètent la position du gouvernement. Il a nié par exemple toute reconnaissance de la faiblesse des données statistiques dans son pays et a réaffirmé que les statistiques nationales sont complètes et exhaustives. Ceux qui affirment le contraire basent leurs affirmations sur une répétition constante, non sur un raisonnement justifié. En effet, certaines des statistiques proposées sont clairement ridicules. Son gouvernement ne veut pas nier l'existence du travail forcé et du travail en servitude, mais il souhaite réaffirmer que le problème est en train d'être résolu avec vigueur et a été réduit de façon substantielle. Il a ajouté que les appels effectués par la commission pour que le gouvernement soit plus énergique à cet égard sont gratuits, et que le gouvernement fait de son mieux. Il a donc demandé à la commission d'assumer la responsabilité de sa position et de peser ses mots avec prudence. Enfin, il a indiqué qu'il n'avait aucune critique particulière à formuler sur le rapport de la commission d'experts, mais il a interrogé la commission sur ses méthodes de travail. Par exemple, selon lui, la crédibilité de la commission serait renforcée si ses conclusions étaient formulées non seulement avec les porte-parole des membres employeurs et travailleurs, mais également en association avec le représentant du gouvernement concerné.

Les membres travailleurs ont proposé que la commission prenne dûment note de la déclaration du représentant gouvernemental.

La commission a pris note de l'information fournie par l'ambassadeur et de la discussion qui a suivi. La commission a considéré qu'il s'agit d'un cas grave de défaut d'application d'une convention fondamentale. Elle a rappelé que la commission a décidé que ce cas soit discuté en son sein en raison de son caractère grave et de son envergure et en raison du fait que des commentaires d'organisations de travailleurs ont été reçus à de nombreuses occasions. La commission s'est félicitée des mesures positives adoptées par le gouvernement, de son engagement à traiter le problème, ainsi que du rôle important de la Cour suprême de l'Inde. En conséquence, la commission a demandé au gouvernement qu'il continue ses efforts en vigueur afin d'éliminer le travail en servitude dans le pays, combattre le travail forcé des enfants, dans le cadre de la présente convention, particulièrement dans le secteur informel, et pour éliminer l'exploitation sexuelle des enfants. La commission a souligné que le développement et le renforcement des dispositions législatives, ainsi que le renforcement du mécanisme d'application de la législation, jumelés à des mesures socio-économiques, sont vitaux pour l'élimination effective du travail en servitude et du travail des enfants. La commission a pris note de la fragilité des systèmes de statistiques et des efforts déployés pour corriger une telle déficience. La commission a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement, soumis à la commission d'experts, contiendra des informations détaillées sur l'action entreprise, les progrès réalisés et les mesures adoptées pour renforcer les systèmes de statistiques, et que la pleine application de la convention sera assurée en droit comme en pratique.

Le représentant gouvernemental a mentionné que la première version des conclusions de la commission, lue à haute voix par le président, était erronée, certaines parties représentant la position de la commission alors que d'autres reflètent la position du gouvernement. Il a nié par exemple toute reconnaissance de la faiblesse des données statistiques dans son pays et a réaffirmé que les statistiques nationales sont complètes et exhaustives. Ceux qui affirment le contraire basent leurs affirmations sur une répétition constante, non sur un raisonnement justifié. En effet, certaines des statistiques proposées sont clairement ridicules. Son gouvernement ne veut pas nier l'existence du travail forcé et du travail en servitude, mais il souhaite réaffirmer que le problème est en train d'être résolu avec vigueur et a été réduit de façon substantielle. Il a ajouté que les appels effectués par la commission pour que le gouvernement soit plus énergique à cet égard sont gratuits, et que le gouvernement fait de son mieux. Il a donc demandé à la commission d'assumer la responsabilité de sa position et de peser ses mots avec prudence. Enfin, il a indiqué qu'il n'avait aucune critique particulière à formuler sur le rapport de la commission d'experts, mais il a interrogé la commission sur ses méthodes de travail. Par exemple, selon lui, la crédibilité de la commission serait renforcée si ses conclusions étaient formulées non seulement avec les porte-parole des membres employeurs et travailleurs, mais également en association avec le représentant du gouvernement concerné.

Les membres travailleurs ont proposé que la commission prenne dûment note de la déclaration du représentant gouvernemental.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2001, Publication : 89ème session CIT (2001)

Un représentant gouvernemental a informé la commission qu'un rapport détaillé a été adressé à l'OIT en janvier 2001, conformément à l'article 22 de la Constitution de l'OIT, pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 mai 1999. Il répond aux observations formulées en 1998 et 1999 par la commission d'experts, et aux commentaires de la Commission de la Conférence formulés en 2000. L'orateur a déploré le retard qui a empêché la commission d'experts de prendre en compte ce rapport dans son observation. Le rapport contient des informations exhaustives et approfondies. De fait, elles ont été obtenues auprès de 28 Etats et de 7 territoires de l'Union, et 8 organisations centrales syndicales et d'employeurs ont été consultées, ainsi que des ministères et départements centraux. On ne saurait donc attribuer ce retard à un manque d'intérêt ou de volonté de la part du gouvernement. A propos du travail en servitude, l'orateur a souligné que rien ne porte à croire que le gouvernement n'a pas l'intention ou la volonté de l'abolir. De plus, le gouvernement dispose des moyens et des infrastructures nécessaires pour traiter ce problème en profondeur. L'orateur a déclaré que les comités de surveillance sont les moyens les plus appropriés pour identifier les cas de travail en servitude. Le gouvernement central a pour rôle de coordonner la politique nationale de lutte contre le travail en servitude, les Etats étant chargés de la mettre en uvre. La détermination du gouvernement à éliminer ce type de travail se fonde sur l'article 23 de la Constitution nationale qui interdit le trafic de personnes, la mendicité et d'autres formes de travail forcé. L'Inde a ratifié la convention no 29 en 1954. La loi de 1976 sur le système de travail obligatoire (abolition) prévoit la libération de tous les travailleurs dans cette situation et le paiement immédiat des sommes qui leur sont dues. La Cour suprême de l'Inde a demandé à la Commission nationale des droits de l'homme de superviser l'application de cette loi, ainsi que les progrès accomplis par les gouvernements des Etats. Les dispositions législatives et mesures y afférentes démontrent donc pleinement la détermination du pays. Toutefois, l'orateur a souligné que ce problème est étroitement lié aux grandes difficultés socio-économiques du pays - chômage, régime foncier, pauvreté, migration. Il faut donc une approche globale et intégrée pour concentrer les mesures en vue du développement sur les secteurs les plus défavorisés de la société, lesquels à l'évidence sont les plus vulnérables au travail forcé. Les programmes de lutte contre la pauvreté sont de grande envergure. Ils sont axés non seulement sur la prévention du travail forcé mais aussi sur la réinsertion des personnes qui y ont été soumises. Un programme de réinsertion des travailleurs réduits à la servitude a également été mis en uvre. Depuis mai 2000, il est actualisé et prévoit des moyens d'assistance accrus. Entre 1998-99 et le 31 mars 2001, dans sept Etats, 14 390 travailleurs ont été libérés grâce à ce programme. L'orateur a ajouté que les décisions de la Cour suprême ont innové en ce qui concerne la définition du travail forcé. Aux fins de la convention, le terme "travail forcé ou obligatoire" désigne "tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de son plein gré". La loi de 1976 sur le système de travail obligatoire (abolition) définit le travail en servitude comme étant tout service prêté obligatoirement par une personne, ou par des membres de sa famille, à une autre personne pour s'acquitter d'une dette, et qui a pour conséquence de priver la personne qui prête ce service de sa liberté de déplacement, de la possibilité de choisir un emploi ou du droit de vendre sa propriété ou ses produits aux taux du marché. Les deux définitions recouvrent l'aspect d'obligation, mais la dernière précise qu'il s'agit d'une servitude pour dettes, et donc d'une relation inéquitable. Toutefois, les décisions de la Cour suprême sont allées au-delà des dispositions de la convention. En 1982, la Cour a estimé que, lorsqu'une personne fournit un travail ou un service à une autre pour une rémunération inférieure au salaire minimum, ce travail ou ce service constituent alors clairement un "travail forcé" au regard de la Constitution. En 1984, la Cour est allée plus loin et a estimé que, lorsqu'une personne, pour rembourser une avance ou pour tout autre motif économique, doit fournir un travail, il convient de considérer que cette personne est réduite à la servitude. La même année, la Cour a estimé que, lorsqu'une personne est forcée de fournir un travail gratuitement, c'est-à-dire sans recevoir en échange de rémunération nominale ou non, il convient de considérer qu'il s'agit d'un travailleur réduit à la servitude, à moins que l'employeur ou le gouvernement de l'Etat ne démontre le contraire. On notera donc que, dans ces décisions, la Cour suprême considère que le travail en servitude ne se limite pas aux cas de travail pour dettes et que cette définition s'applique même aux personnes qui ont accepté volontairement un travail mais qui perçoivent une rémunération inférieure au salaire minimum. Voilà qui dépasse la définition de travail forcé de la convention. L'orateur a estimé que, semble-t-il, des observateurs ont mal compris ces décisions qui ne portent pas sur l'application de la convention. L'orateur s'est dit fier de son pays qui est en avance sur son temps. Il a souligné que, au reste, les décisions de la Cour suprême sont difficiles à mettre en uvre et qu'elles requièrent beaucoup plus de moyens. Il a ajouté que la Cour suprême se penche sur cette question régulièrement. A propos de l'application de la convention, qui est ce qui préoccupe la Commission de la Conférence, l'orateur a estimé que l'Inde devrait être traitée de la même façon que d'autres pays, c'est-à-dire sur la base de la définition du travail forcé que donne la convention.

Au sujet du premier point soulevé dans le rapport de la commission d'experts, à savoir l'impérieuse nécessité de réunir des données statistiques précises sur le nombre de personnes toujours réduites en servitude, et à propos de l'opinion de la Commission de la Conférence selon laquelle le gouvernement devrait procéder à des études approfondies et fiables, l'orateur a fait observer qu'il avait été fait état des statistiques sur le travail en servitude qu'a fournies en 1978-79 la Fondation Ghandi pour la paix. Toutefois, l'orateur a déclaré que son gouvernement ne pouvait pas accepter les chiffres fournis par la fondation, étant donné que, pour collecter les données primaires, elle n'a pas utilisé des outils ou une méthodologie statistique reconnue. La fondation a estimé, sur la base d'une enquête par échantillons pris au hasard, que l'on comptait dans environ 450 000 villages de dix Etats 2,6 millions de personnes réduites à la servitude. Or 1 000 villages seulement ont été choisis aux fins de l'étude. Les résultats de cette enquête ont été obtenus en multipliant par 450 le nombre de travailleurs réduits en servitude qui avaient été identifiés dans ces 1 000 villages. Ainsi, un village seulement sur 450 a été considéré comme représentatif. Cette méthodologie n'étant pas acceptable, le gouvernement n'a pas reconnu les résultats de l'enquête. L'orateur a indiqué que, en vertu de la loi de 1976 sur le système de travail obligatoire (abolition), c'est aux gouvernements des Etats qu'il incombe directement d'identifier et de libérer les travailleurs réduits en servitude et de garantir leur réinsertion. Le gouvernement central a conseillé aux gouvernements des Etats d'effectuer des enquêtes périodiques - enquêtes auprès des ménages réalisées par le Département des revenus, dans le cadre des enquêtes ou recensements effectués pour identifier des groupes cibles en vue de l'octroi de logements, enquêtes aux fins de l'élaboration de programmes pour les villages, lesquels s'inscrivent dans les programmes intégrés de développement rural. A partir de ces enquêtes, les gouvernements de Andhra Pradesh, Bihar, Karnataka, Madhya, Pradesh, Orissa, Rajasthan, Tamil Nadu, Maharashra, Uttar Pradesh, Kerala, Haryana et Gujarat ont pu identifier 251 424 travailleurs réduits en servitude en 1995, dont 230 915 ont pu être réinsérés. Les autres travailleurs dans cette situation ne pouvaient pas l'être. L'ensemble des gouvernements des Etats ont indiqué dans les déclarations sous serment qu'ils ont adressées en 1995 à la Cour suprême que tous les travailleurs réduits en servitude qui avaient été identifiés avaient été ensuite réinsérés dans les Etats. Pour vérifier ces déclarations, la Cour suprême a constitué une organisation à caractère volontaire et nommé un avocat pour chaque Etat, et le gouvernement a émis une ordonnance par laquelle il a demandé qu'une nouvelle étude soit réalisée pour identifier les travailleurs réduits en servitude. Des enquêtes ont donc été effectuées en octobre-décembre 1996 par tous les gouvernements des Etats. Il en est ressorti que sept gouvernements d'Etats (Arunachal Pradesh, Karnataka, Madhya, Pradesh, Maharashra, Uttar Pradesh et Tamil Nadu) avaient identifié 28 916 travailleurs réduits en servitude. Les gouvernements des autres Etats ont adressé de nouveau des déclarations à la Cour suprême pour indiquer que les enquêtes n'avaient fait apparaître aucun cas de travail en servitude. L'orateur a toutefois souligné que le travail en servitude peut se produire à tout moment dans n'importe quel secteur ou profession. Il est donc nécessaire de faire preuve d'une vigilance constante et de prévoir des mécanismes institutionnels pour enregistrer les plaintes des personnes qui travaillent ou qui vivent dans des conditions de servitude. En mai 2000, le gouvernement a modifié le programme de réinsertion de travailleurs ayant été réduits en servitude, programme qui bénéficiait de l'appui des autorités centrales. Dans le cadre de ce programme, les gouvernements des Etats bénéficient d'une aide financière totale pour réaliser des enquêtes sur le travail en servitude. Chaque gouvernement d'Etat doit identifier les districts dans lesquels est signalée une forme ou une autre de travail en servitude. Ces enquêtes doivent être réalisées tous les trois ans dans ces districts. Dans le cadre du programme susmentionné, une assistance financière a été fournie à plusieurs gouvernements d'Etats en 2000-01 pour qu'ils effectuent ce type d'enquête dans 25 districts. Pour l'exercice financier 2001-02, une aide financière a été fournie à des fins d'enquête dans 32 autres districts. Il a été demandé aux gouvernements des autres Etats de formuler des propositions d'enquêtes dans des districts difficiles. La modification du programme susmentionné a permis de fournir une aide financière en vue de la réalisation d'études et d'enquêtes d'évaluation et d'activités de sensibilisation, et en vue de l'élaboration par les gouvernements d'Etats de cinq études annuelles. Ces études visent à évaluer la situation des personnes qui travaillent pour s'acquitter de dettes foncières, ainsi que l'efficacité des programmes d'atténuation de la pauvreté et de l'assistance financière qui est fournie à cette fin. L'orateur a souligné que les enquêtes dont le gouvernement a eu connaissance ont fourni des statistiques exactes et fiables sur le système de travail en servitude. Les études d'évaluation porteront sur l'efficacité des programmes et l'éventuel besoin de mesures de correction. Il convient de noter à cet égard que tout est mis en uvre pour éliminer ce problème et pour établir des données exactes, même s'il est extrêmement difficile d'identifier les situations de travail en servitude. Les données sur cette forme de travail ont été communiquées au parlement et aucune ONG ne les a contestées devant la Cour suprême.

S'agissant des commentaires concernant le non-fonctionnement des comités de surveillance, les gouvernements des Etats ont indiqué que ces comités ont été constitués au niveau des districts et des subdivisions et que des réunions se tiennent régulièrement. Il est possible toutefois, étant donné le nombre des districts et la diversité des attributions de leurs fonctionnaires que, dans certains cas, des comités de vigilance ne fonctionnent pas normalement, encore que cela ne soit pas courant. S'agissant du programme modifié de réinsertion des travailleurs en servitude, des fonds seront dégagés à des fins d'information et les diverses études comporteront des visites continuelles sur le terrain par des membres de comités de vigilance, au niveau des districts et des subdivisions. Des mécanismes institutionnels seront également prévus pour recevoir les plaintes et réclamations de la part des personnes réduites à cette condition. On a dénombré 172 districts sensibles, dans 13 Etats, où des cas de travail en servitude sont fréquemment signalés. Des enquêtes et des activités de sensibilisation seront menées afin que chacun comprenne bien en quoi consiste le travail en servitude, la servitude pour dettes et les diverses formes de travail en servitude. Des efforts constants devront être entrepris pour faire comprendre l'identité individuelle et sociale des catégories socialement et économiquement défavorisées et les droits légitimes de ces catégories. Il faudra entreprendre pour cela certains programmes et activités, assortis d'un calendrier, au niveau des districts et des subdivisions, avoir recours à des moyens de relations publiques et à des activités novatrices telles que des représentations de rue et de théâtre folklorique local afin de diffuser l'idée que le système de travail en servitude est totalement inacceptable et qu'il est une négation des droits de l'homme. Les personnes compétentes à l'échelle locale et les ONG travaillant dans le domaine seront incitées à contribuer à ces activités. De plus, les primes de réinsertion ont été doublées et les gouvernements des Etats vont assurer des primes du même ordre dans le cadre du programme modifié. Ces changements ont été introduits après consultation des gouvernements des Etats. Comme ils ont pris effet en mai 2000, il est trop tôt pour fournir des informations sur les réponses et réactions des Etats. Cependant, le programme ne doit pas être considéré isolément. Son fonctionnement est étroitement lié à celui des programmes de réduction de la pauvreté. Il y a lieu de croire que le programme remportera des succès au cours des prochaines années. Mais ces succès ne se mesureront pas seulement en chiffres, si l'on veut bien considérer l'extrême sensibilité du problème et le silence qui l'entoure bien souvent. En fin de compte, c'est véritablement par l'émancipation des populations au sens propre du terme que cette pratique pernicieuse disparaîtra. Même si les chiffres spécifiques de la prévention ne sont pas disponibles, ce que l'on verra sera la disparition graduelle du problème avec la réduction de la pauvreté, l'éveil des consciences et l'instauration de la confiance.

Au paragraphe 4 de son rapport, la commission d'experts demande des informations écrites sur les progrès obtenus. Abstraction faite des changements apportés au système de réinsertion de la main-d' uvre en servitude, pour revoir et observer les progrès de l'application de la loi de 1976 sur l'abolition du travail en servitude, de hauts fonctionnaires se sont rendus à Chennai, Bengalore, Betiah, Bagaha, Madhubani, Saharsa et Patna entre juillet 1999 et avril 2000, ce qui leur a permis de contrôler également l'utilisation des fonds consacrés à la réinsertion des travailleurs en servitude. Après s'être entretenus avec les fonctionnaires des gouvernements des Etats au sujet de cette réinsertion, ils se sont convaincus de l'opportunité d'utiliser à cette même fin les fonds destinés à des programmes de lutte contre la pauvreté afin que les travailleurs concernés bénéficient du maximum d'assistance dont ils ont besoin pour retrouver leur situation économique et leur identité. Une réunion s'est tenue avec les représentants des Etats en avril 2000 pour passer en revue l'application de la loi de 1976 susmentionnée ainsi que le programme de réinsertion des travailleurs en servitude. Il a été décidé de procéder à de nouvelles études, de dépister cette forme de travail et de délivrer des certificats dès que des travailleurs en servitude ont été trouvés, de prendre des dispositions pour leur rapatriement dans le cas où il s'agit de migrants, de formuler des propositions pour leur réadaptation psychologique et leur réinsertion économique sur le lieu de leur choix et d'engager des procédures contre les employeurs. A cette fin, il a été souligné que les comités de vigilance au niveau des districts et des subdivisions devaient se réunir régulièrement conformément à la loi et poursuivre leur contrôle du travail en servitude dans leur juridiction. Au 31 mars 1999, 243 375 travailleurs en servitude avaient été réinsérés et 464 985 millions de roupies avaient été alloués aux gouvernements des Etats au titre du programme des travailleurs en servitude. En 1999-2000, 38,2 millions de roupies ont été consacrés à cette tâche et 8 195 travailleurs en servitude ont été réintégrés dans quatre Etats. En 2000-01, 86,5 millions de roupies ont été consacrés à cette tâche, dans trois gouvernements d'Etats, pour la libération de 5 256 travailleurs en servitude. La Commission nationale des droits de l'homme a supervisé, sur les instructions de la Cour suprême, l'application de la loi de 1976. Un groupe central d'action a été constitué en août 1998 sous la direction d'un ancien Président de la Cour suprême de l'Inde. Ce groupe a tenu jusqu'à présent quatre réunions. Enfin, des informations demandées à propos de la libération et de la réinsertion des travailleurs en servitude, les rapports des visites des hauts fonctionnaires et le compte rendu des réunions et d'autres documents disponibles ont déjà été transmis au BIT.

Au paragraphe 5 de son observation, la commission d'experts se réfère à un projet de l'OIT élaboré directement en réponse à l'adoption de la convention no 182 et de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Ce projet devrait être utile au gouvernement. Il doit être mis en uvre dans trois Etats, et si l'expérience se révèle concluante, il sera reproduit moyennant les adaptations utiles dans d'autres régions.

S'agissant des commentaires formulés par les membres travailleurs et employeurs et, en particulier, des renseignements demandés par un membre employeur à propos du nombre de fonctionnaires fédéraux travaillant au quotidien au dépistage du travail en servitude, force est de reconnaître qu'il est très difficile d'affecter des fonctionnaires exclusivement à cette tâche, car il faut bien comprendre qu'ils ont d'autres missions, notamment faire respecter le reste de la législation du travail et vaquer à d'autres fonctions exécutives importantes qui leur permettent d'exercer une réelle influence sur les tâches concernant le travail en servitude par exemple dans le cas des percepteurs et des fonctionnaires des subdivisions. Un membre employeur a déclaré que le phénomène du travail en servitude progressait au même rythme que la démographie, que le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté a augmenté et que la politique gouvernementale n'apporte pas de réponse au problème mais ne fait qu'aggraver la pauvreté dans les zones rurales. Or rien ne permet d'étayer de telles affirmations. D'ailleurs, la plus récente étude, pour l'année 2000, fait apparaître que les niveaux de pauvreté ont baissé de 40 à 26 pour cent.

En ce qui concerne les allégations d'augmentation du travail en servitude, il a rappelé que les déclarations sous serment adressées par les gouvernements des Etats à la Cour suprême en 1995 indiquaient que les travailleurs en servitude avaient été réinsérés. De nouvelles études menées en 1996 ont conduit à l'identification, dans deux Etats seulement, ceux de Arunachal Pradesh et de Tamil Nadu, de 28 916 travailleurs en servitude. Les gouvernements des autres Etats ont indiqué qu'il n'y avait pas de cas de travail en servitude dans leurs Etats. Le gouvernement n'a pas non plus eu connaissance de plaintes alléguant que des travailleurs étaient retombés en servitude. Se référant aux commentaires d'un membre travailleur au sujet d'informations alléguant que le travail en servitude était répandu et se perpétuait dans l'Etat du Punjab et concernant en particulier le viol d'une fille qui travaillait avec sa mère, il a déclaré que ces allégations étaient examinées au plus haut niveau. Il a été établi que les plaignantes travaillaient dans des maisons d'exploitants agricoles et assuraient des services domestiques de par leur propre volonté et dans les maisons de leur choix. Il n'y a dès lors aucune raison de les considérer comme des travailleuses en servitude, car c'est leur choix personnel et leur volonté de travailler. Le cas de viol a toutefois été reconnu et un dédommagement ainsi qu'une aide juridique ont été offerts à la victime. Concernant la question du travail des enfants, l'orateur a souligné que les gouvernements successifs se sont beaucoup préoccupés de la cause des enfants et du problème du travail des enfants, et continuent de le faire. D'après les résultats du recensement de 1991, on estime que, dans le pays, le nombre d'enfants qui travaillent est de l'ordre de 11,28 millions. Les résultats du recensement de cette année ne sont pas encore connus. L'orateur a rappelé que, suite à l'adoption par l'OIT d'une résolution sur le travail des enfants en 1979, le lancement d'une politique nationale en matière de travail des enfants avait été annoncé en 1987. Cette politique comprend: un plan législatif; le ciblage des programmes généraux de développement sur les enfants lorsque cela est possible; et l'élaboration de plans d'action fondés sur des projets dans les zones où le travail des enfants dans des emplois salariés ou en partie salariés est très présent. Le ministre du Travail a lancé en 1988 des Projets nationaux sur le travail des enfants (NCLP) visant à la réinsertion de ces enfants dans le pays. A cet égard, le nombre de districts dans lesquels s'appliquent les NCLP est passé à 100 cette année. Le nombre de professions et d'activités dans lesquels le travail des enfants est interdit est passé de 64 à 70 cette année. Les fonds engagés pour les programmes d'élimination du travail des enfants sont passés de 360 à 670 millions de roupies au cours de la dernière année budgétaire, soit une augmentation de plus de 86 pour cent; et un plus grand accent, dans le prochain plan quinquennal, sur l'intensification des efforts - tant financiers qu'en termes de programmes - en vue de couvrir l'ensemble des districts du pays qui ne le sont pas encore. L'objectif est d'adopter de nouvelles approches dans l'élaboration des projets, y compris en déployant des efforts importants pour assurer la convergence de tous les régimes d'assistance sociale dans des domaines tels que l'éducation, la santé et les activités génératrices de revenus. Les lacunes des régimes existants seront identifiées en vue de lancer de nouvelles approches grâce à un exercice d'évaluation détaillée de tous les projets dans le pays. Des mécanismes de mise en uvre seront intégrés et renforcés. Les modèles appliqués avec succès par les ONG seront reproduits, l'accent étant mis sur les activités qui impliquent l'intégration des enfants dans le système formel scolaire et d'enseignement. Le gouvernement étudie également la possibilité de combler les lacunes des projets en cours par des moyens tels que la formation professionnelle renforcée, les contrôles sanitaires réguliers et d'autres interventions sociales importantes pour les enfants fréquentant les écoles créées dans le cadre des projets. Quelques initiatives ont également été prises à travers des projets avec l'aide de l'IPEC dans les Etats les plus touchés par le travail des enfants. Le représentant gouvernemental a indiqué que ces initiatives s'inscrivent dans les efforts constants du gouvernement pour que les écoles ouvertes pour les enfants qui étaient affectés à des travaux dangereux non seulement parviennent à les soustraire à cette exploitation mais leur apportent aussi le moyen de devenir des individus indépendants et leur permettant d'améliorer leur situation. Le gouvernement estime que le seul moyen de faire disparaître le travail des enfants consiste à drainer l'ensemble des enfants vers le système scolaire officiel, dans lequel ils recevront une éducation et auront la possibilité de choisir le métier qu'ils préfèrent. En dernier lieu, le représentant gouvernemental a annoncé que l'examen de la convention no 182 en était à un stade avancé et que ce texte serait soumis à une commission interministérielle dans un proche avenir, en vue de hâter la procédure de sa ratification.

En ce qui concerne le problème de la prostitution et de l'exploitation sexuelle, l'orateur a souligné qu'il existe en Inde un solide cadre juridique pour sanctionner le trafic immoral d'êtres humains et la prostitution (y compris des enfants), et que son gouvernement a la volonté et a pris l'engagement de s'attaquer au problème. La disposition juridique de base est la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral. La Cour suprême a également rendu deux décisions importantes sur le sujet, qui ont renforcé les efforts mis en uvre pour lutter contre le phénomène. Le gouvernement a l'intention de créer une cellule centrale au sein du ministère des Affaires intérieures pour contrôler et coordonner les activités des différentes agences nationales ainsi que ses programmes en vue de la prévention, du secours et de la réinsertion des victimes (femmes et enfants). Le gouvernement est en train de préparer un manuel contenant des directives pour les magistrats et la police sur les cas relevant du trafic d'êtres humains (femmes et enfants) afin d'accélérer le cours de la justice et de sanctionner plus sévèrement les trafiquants, sous les auspices de la Commission nationale des droits de l'homme et du Département pour le développement des femmes et des enfants. Il a souligné que la prostitution et le trafic de main-d' uvre sont des sujets de graves préoccupations pour le gouvernement. La prostitution étant liée au statut social des femmes dans la société, lequel est très bas, il est très difficile de lutter efficacement contre ce problème tant que des progrès n'auront pas été réalisés pour rendre les femmes plus autonomes économiquement. Le gouvernement est donc en train de mettre en place différents programmes allant dans ce sens, y compris des programmes de micro-crédits pour les femmes démunies du secteur informel. Un certain nombre de services d'appui ont été élaborés, y compris des foyers de courts séjours, des crèches et des centres d'aide familiale; des programmes de sensibilisation des femmes ont également été mis au point pour diffuser l'information sur leurs droits. Selon le représentant gouvernemental, l'Inde a démontré son engagement de lutter contre ce problème en ratifiant un Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. L'Inde a également élaboré une convention régionale sur la prévention et la lutte contre le trafic de femmes et d'enfants à des fins de prostitution. L'Inde a également pris l'initiative d'une collaboration avec le Népal et le Bangladesh en matière de lutte contre le trafic de personnes.

En conclusion, l'orateur a rappelé que son gouvernement a continué à communiquer des rapports écrits et oraux au BIT sur les questions posées par les organes de contrôle. Il a indiqué que son pays a adopté une attitude franche sur cette question et qu'il a institué les différents moyens institutionnels nécessaires. Le gouvernement a toujours fait preuve de bonne volonté en matière de coopération avec l'OIT et l'orateur a formé l'espoir que la commission prendra en considération le fait que l'Inde est un pays démocratique et ouvert, avec un pouvoir judiciaire indépendant et une totale liberté d'expression. Peu de pays en développement peuvent en dire autant. Il a donc fait appel à la compréhension de la commission, espérant qu'elle appréciera les efforts réalisés et ne sous-estimera pas la nécessité de se pencher sur les causes profondes du problème, lesquelles sont essentiellement l'existence d'un très fort taux de chômage dans le pays et d'un secteur informel largement développé. Il a conclu en affirmant qu'il est difficile de s'attaquer réellement aux problèmes examinés par la commission sans une action effective contre la pauvreté.

Les membres employeurs ont convenu avec le représentant gouvernemental que les problèmes du travail en servitude et du travail des enfants doivent être perçus dans le contexte plus large du développement national. Bien que le gouvernement dispose d'un ensemble de structures pour répondre à ces problèmes, aucune structure, si importante soit-elle, ne peut régler les questions économiques beaucoup plus amples du développement et de l'éradication de la pauvreté. Les problèmes rencontrés sont dus au fait, entre autre que le secteur formel est réduit et que le secteur informel est important. Bien que certaines informations nouvelles aient été communiquées cette année, l'impression persiste que très peu de changements sont intervenus dans ce cas que la commission examine depuis des années. A cet égard, il est regrettable que le rapport du gouvernement soit arrivé après la session de la commission d'experts. Les membres employeurs ont pris note la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle la structure législative nécessaire est en place et que la priorité va aux régimes de réinsertion et à l'action des comités de vigilance pour l'identification des travailleurs en servitude et leur réinsertion. Il est toutefois compréhensible que de tels mécanismes puissent ne pas fonctionner de manière égale dans l'ensemble d'un pays si vaste. Bien que la commission ait examiné ce cas depuis de nombreuses années, elle est toujours confrontée à des estimations très variables de l'ampleur du travail en servitude. Des statistiques fiables sont nécessaires afin de déterminer l'étendue des problèmes et les stratégies nécessaires pour y faire face. En dépit du fait que le gouvernement n'ait pas accepté les chiffres fournis par la Fondation Gandhi pour la paix, on a toujours l'impression que le gouvernement n'a pas mis en place les structures nécessaires pour déterminer l'étendue réelle du problème. C'est pour cette raison que le gouvernement a été prié d'entreprendre une enquête complète et fiable. Il semble qu'un problème supplémentaire concerne l'absence de définition précise du concept de travail en servitude, la Cour suprême envisageant cette question de manière beaucoup plus large que les définitions contenues dans la convention. Il est dès lors nécessaire de clarifier les concepts utilisés par le gouvernement dans les chiffres qu'il a fournis au sujet du travail en servitude: ces chiffres sont-ils basés sur la définition contenue dans la convention ou sur les concepts plus larges développés par la Cour suprême? Les membres employeurs ont souligné qu'en l'absence de statistiques fiables on ne voit pas clairement si le problème du travail en servitude augmente ou diminue. De plus, le gouvernement semble ne pas avoir les moyens adéquats pour la réinsertion des travailleurs en servitude. Les membres employeurs se sont demandé si le projet de l'OIT auquel il a été fait référence pourrait fournir une assistance dans ce domaine. Les efforts du gouvernement pour éliminer le travail des enfants ne semblent pas fructueux. La commission d'experts a demandé des modifications de la législation sur le travail des enfants, mais le représentant gouvernemental n'a pas abordé cette question. Tout en saluant la ratification future par l'Inde de la convention no 182, les membres employeurs ont rappelé que, s'il est vrai que les législations et réglementations nécessaires existent, il faut néanmoins que la pratique concorde avec les exigences de la convention. Les membres employeurs ont noté les chiffres fournis l'année dernière, selon lesquels il y a entre 70 000 et 100 000 prostituées en Inde. Ils se sont référés à la déclaration du représentant gouvernemental qui a expliqué que cette situation est due dans une large mesure à la pauvreté et au chômage et qu'une législation existe pour empêcher la traite des femmes et des enfants. La politique la plus appropriée, en plus de programmes et de mesures plus ciblés, serait de chercher à résoudre ce problème par la croissance économique, la création d'emplois, le développement du système éducatif et l'amélioration des conditions permettant aux individus de passer du secteur informel au secteur formel de l'économie.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant du gouvernement pour l'information fournie même s'ils ont regretté que le gouvernement n'ait pas été capable de la soumettre à temps dans son rapport présenté à la commission d'experts à sa session de la fin de l'année 2000. Cela aurait facilité le travail de la commission d'experts et celui de la Commission de la Conférence. Ils ont exprimé leur accord avec les commentaires du représentant du gouvernement selon lesquels l'Inde est un immense pays, pauvre et toujours en développement, et que beaucoup de temps serait encore nécessaire pour surmonter les problèmes existants. Cependant, ils ont rappelé que l'Inde a ratifié la convention en 1954 et qu'elle a adopté une législation sur l'abolition du travail des enfants il y a vingt-cinq ans. La justification de pauvreté ne peut donc être utilisée pour évaluer la manière dont l'Inde s'est conformée à ses obligations découlant de la convention. Ils ont rappelé que la commission examine le cas depuis quinze ans et que des informations analogues sont fournies presque chaque année. Ils en sont donc venus à la triste conclusion que peu de choses ont changé. Même s'il y a eu des progrès dans certains secteurs, comme celui du projet de micro-finance à Andhra Pradesh, ainsi que dans deux Etats, incluant le Kerala, les exemples de succès sont peu nombreux et rares. Ils ont toutefois apprécié les nouvelles informations concernant la ratification de la convention no 182. A leur avis, le plus grand obstacle au progrès est le refus persistant du gouvernement de reconnaître l'étendue du problème. Ce refus persistant fait en sorte qu'il est difficile pour le gouvernement de formuler une réponse appropriée. En effet, si le gouvernement continue à prétendre que le problème est moins important que ce qu'il est réellement, la priorité donnée pour résoudre ce problème ainsi que les ressources allouées seront affectées. Pire, les gouvernements des Etats suivront le gouvernement central en ne donnant pas la priorité à cette question. Les membres travailleurs ont noté que le gouvernement a rejeté de manière constante toutes les conclusions des sondages sur le nombre de travailleurs effectuant du travail forcé en Inde, incluant ceux de la Fondation Gandhi pour la paix et de l'Institut national du travail, qui ont estimé le nombre total des travailleurs effectuant du travail forcé à 2,6 millions. A cet égard, ils ont rappelé que l'Institut national du travail est une institution du gouvernement. D'autres sondages estiment un chiffre beaucoup plus haut d'environ 10 millions. De son côté, le gouvernement prétend que, depuis la promulgation de la loi de 1976 sur le système de travail obligatoire (abolition), 280 411 travailleurs en servitude ont été identifiés par des commissions de surveillance. Lorsque l'on compare ces résultats à des études récentes, ceux-ci laissent entendre que seulement 71 nouveaux cas auraient été découverts au cours de la dernière année. Cela semble plutôt incroyable, particulièrement lorsque l'on tient compte que, selon le rapport de la Commission sur le travail forcé au Tamil Nadu, soumis à la Cour suprême en 1995, il y aurait plus d'un million de travailleurs en servitude dans cet Etat seulement. D'autres rapports ont fait état d'une fréquence élevée de travail forcé parmi les trois millions de travailleurs dans les mines et les carrières de l'Etat de Rajasthan, 95 pour cent des travailleurs affectés provenant de castes inférieures ou de groupes indigènes. Les membres travailleurs se sont aussi référés à la déclaration du représentant du gouvernement selon laquelle le travail forcé existe dans 13 Etats mais a été éradiqué dans seulement deux de ces Etats, suite à des efforts concertés. Cela laisse entendre qu'il y a encore 11 Etats où le travail forcé n'a pas été éradiqué. Ces chiffres indiquent qu'il y a un sérieux problème de sous-information et les membres travailleurs appuient donc la demande de la commission d'experts relative à la compilation de statistiques précises sur le nombre de personnes qui continuent de souffrir à cause du travail forcé. Cela doit se faire en utilisant une méthodologie de statistiques adéquate. Ils ont encouragé le gouvernement à travailler conjointement avec l'OIT à cet effet. Un second aspect soulevé par les membres employeurs concerne l'efficacité des mesures prises par le gouvernement pour identifier et réinsérer les travailleurs en servitude. Cette responsabilité a été déléguée aux gouvernements des Etats qui doivent établir des commissions de surveillance et enregistrer les cas de travail en servitude. Malgré l'affirmation du gouvernement selon laquelle ces commissions travaillent de manière satisfaisante, les faits laissent entendre le contraire. Au cours d'une présentation faite en septembre 2000, lors de consultations nationales sur le travail forcé, l'ancien secrétaire au Travail du gouvernement a mentionné que quelques gouvernements sont arrivés à la conclusion qu'il n'y a pas de travailleurs en servitude dans leurs Etats, et ce sans même constituer de commissions de surveillance. De plus, les commissions de surveillance qui ont été mises en place ne se rencontrent pas à des intervalles rapprochés et réguliers. L'action insuffisante des commissions de surveillance a été illustrée par le cas de Punjab, où une ONG indienne, "Volunteers for Social Justice", a indiqué qu'il y a 698 cas de travailleurs en servitude pour lesquels les autorités n'ont pas entrepris d'actions. Dans presque tous ces cas, des plaintes ont été enregistrées auprès de la Commission Punjab des droits de l'homme ou de la Haute Cour. On doit aussi souligner que ces cas ont été traités par une ONG et non par les commissions de surveillance de Punjab. Par le passé, de nombreuses demandes ont été faites pour que le gouvernement améliore la coordination et la supervision d'activités pour combattre le travail en servitude. Les membres travailleurs ont demandé instamment au gouvernement d'assumer la pleine responsabilité de cette tâche et de faire davantage pour assurer l'efficacité des commissions de surveillance et des autres mesures. Malgré les initiatives prises, sous la forme de visites sur le terrain et de rencontres pour faire le bilan, les faits démontrent que ce n'est pas suffisant. Peut-être qu'une approche multidisciplinaire impliquant le gouvernement central, les gouvernements des Etats, les commissions de districts, les syndicats et les ONG est nécessaire. Les membres travailleurs ont ajouté que la commission d'experts a demandé que le gouvernement fournisse une information sur le nombre de poursuites, de condamnations qui ont réussi et de sanctions émises contre ceux utilisant le travail forcé. Une telle information est importante car elle montre l'efficacité de la législation pour éradiquer le travail forcé. Cependant, une fois de plus, aucune statistique n'a été fournie. Une telle information n'est pas difficile à fournir à moins bien sûr qu'en pratique il n'y ait eu que peu ou pas de poursuites et de condamnations. Si c'était le cas, la commission devrait en être informée. Ils ont donc demandé au gouvernement de fournir l'information nécessaire pour démontrer que les mécanismes d'application fonctionnent vraiment. Concernant la question du travail des enfants, les membres travailleurs ont partagé la préoccupation, exprimée par la commission d'experts et le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, concernant le grand nombre d'enfants impliqués dans le travail des enfants incluant le travail forcé, particulièrement dans le secteur informel, les entreprises familiales, les services domestiques et l'agriculture et concernant le fait que plusieurs d'entre eux travaillent dans des conditions présentant des risques. Ils sont aussi préoccupés par le fait que les dispositions relatives à l'âge minimum sont rarement appliquées et qu'il n'y a pas de sanctions et de pénalités qui sont imposées pour s'assurer que les employeurs se conforment à la loi. Ils ont endossé la recommandation de la commission d'experts selon laquelle la législation existante, comme la loi sur le travail forcé et la loi sur les fabriques, devrait être amendée pour assurer une meilleure protection des enfants et interdire des exceptions dans des domaines comme le travail à la maison, les écoles et les centres de formation publics, certaines entreprises et ateliers. Ils ont demandé au gouvernement de fournir des informations sur le nombre d'employeurs qui ont été poursuivis pour des violations de la loi sur le travail des enfants et de la loi sur les fabriques et sur les pénalités qui ont été imposées. Ils ont aussi recommandé instamment au gouvernement d'indiquer exactement la période pendant laquelle ils procéderont à l'adoption des amendements à la législation. Concernant la prostitution et l'exploitation sexuelle, ils ont approuvé le fait que le représentant du gouvernement a fourni des statistiques détaillées. Le problème de la prostitution et de l'exploitation sexuelle des enfants paraît grave. Ils partagent donc l'avis de la commission d'experts selon lequel les mécanismes d'application devraient être renforcés, toutes les plaintes devraient faire l'objet d'une enquête et toutes les offenses devraient être punies. Ils ont exprimé leur préoccupation face au déclin des cas enregistrés en vertu de la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral. Cela ne peut pas être dû à une absence de violation, vu que le gouvernement a indiqué que 100 000 filles sont victimes de cette situation, de pratiques d'enlèvement, de rapts, et qu'il existe même des mariages forcés afin de transférer les filles des régions rurales vers des endroits où elles sont exploitées. Ils ont demandé au gouvernement de fournir des informations sur le nombre de filles qui ont été libérées d'une telle exploitation et réhabilitées. En conclusion, ils ont recommandé instamment au gouvernement de se conformer, dans les meilleurs délais, à ses obligations, découlant de la convention, afin de supprimer l'utilisation du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes. Ce faisant, ils se conformeraient aux idéaux d'une société plus juste et égale à laquelle aspirait Mahatma Gandhi.

Le membre travailleur de l'Inde a déclaré que, bien que certains progrès aient été accomplis en Inde, le problème demeurait très grave et devait être examiné avec soin. Il a ajouté qu'évaluer la dimension réelle du problème posait de nombreuses difficultés. Par exemple, les employeurs ne seront jamais disposés à admettre qu'ils font travailler des personnes réduites en servitude et ces personnes elles-mêmes n'admettent pas volontiers leur situation. En outre, comme il n'existe généralement aucune trace du montant emprunté, on se trouve face à de véritables difficultés malgré la modernisation des méthodes statistiques. Qui plus est, bien que les districts aient la responsabilité de faire appliquer la législation, les commissions de surveillance ne fonctionnent pas correctement. Beaucoup n'ont même pas été reconstitués et certains ont cessé toute activité. En outre, elles ont souvent cessé de collecter des données. Une autre question qui se pose est celle de la participation des partenaires sociaux à l'application de la convention. Le représentant gouvernemental ne s'est pas exprimé sur cette question. L'orateur a rappelé qu'il n'existait toujours pas de Commission nationale tripartite chargée de contrôler les mesures prises par les administrations des districts pour résoudre le problème. Il estime que les syndicats devraient être en mesure d'aider le gouvernement à cet égard et qu'une telle solution devrait être davantage prise en considération. A propos de l'interprétation des définitions de travail forcé et de travail en servitude qu'a donnée la Cour suprême, il a demandé qu'un effort sérieux soit fait pour garantir la conformité avec les dispositions relatives au salaire minimum. Toutefois, il a fait observer que ces interprétations étaient axées sur la question du travail rémunéré à des taux inférieurs au salaire de subsistance et ne couvraient donc pas dans sa totalité la notion de travail forcé et de travail en servitude. Il convient donc de replacer ces interprétations dans leur contexte. L'orateur a souligné qu'après l'adoption de la loi sur le travail en servitude, et plus particulièrement au cours des dix dernières années, la mondialisation a donné naissance à de nouvelles formes de travail en servitude. Sous la pression de la libéralisation et en raison de la suppression des restrictions, les industries traditionnelles et les petites entreprises s'effondrent. Les travailleurs concernés ont donc besoin d'emprunter de l'argent pour pouvoir survivre et courent donc le risque d'être réduits en servitude. En outre, la multiplication des ZFE auxquelles la législation du travail ne s'applique pas et qui ne relèvent pas des conventions de l'OIT pourrait bien, elle aussi, favoriser l'apparition de nouvelles formes de travail en servitude. L'orateur a attiré l'attention sur le fait que le phénomène du travail des enfants constituait encore un grave problème dans son pays et plus particulièrement en ce qui concerne les fillettes. Malheureusement, les mesures prises pour garantir la complète réinsertion des enfants soustraits au travail sont insuffisantes. A cet égard, il convient de mentionner l'importance de la réforme agraire, qui n'a pas encore été réalisée dans tous les Etats. Beaucoup de travailleurs et d'enfants pourraient être libérés du travail en servitude s'ils pouvaient posséder un lopin de terre. Tous ces problèmes seraient donc considérablement réduits si les mesures de réforme agraire étaient mises en uvre. En ce qui concerne la prostitution, problème très grave dans son pays, l'orateur a indiqué que la plupart des mesures prises n'étaient pas du ressort du ministère du Travail. L'action engagée dans ce domaine serait plus efficace si le ministère du Travail prenait lui aussi des mesures, car la situation est aggravée par le problème du chômage. Enfin, l'orateur a déploré que, malgré l'existence de la législation nécessaire, les poursuites sont extrêmement rares et, par conséquent, le nombre des condamnations est très faible. Il a demandé au représentant gouvernemental de donner des informations précises sur ce problème qui doit être pris au sérieux si l'on veut améliorer l'application de la législation.

Le membre employeur de l'Inde a indiqué que le plus grand problème en ce qui concerne la servitude pour dette découle du manque de clarté de l'expression "travail forcé". En effet, le jugement de la Cour suprême et la convention no 29 ne sont pas en accord. L'orateur s'est interrogé sur la validité et l'authenticité des enquêtes menées par des parties privées et a indiqué que seules celles exécutées par le gouvernement devraient être reconnues. A cet égard, l'orateur a observé que les statistiques fournies par le gouvernement reposent sur des enquêtes approfondies. En ce qui concerne la question du travail des enfants, l'orateur a indiqué que de très nombreux enfants accompagnent leurs parents dans les champs car il n'y a personne à la maison pour s'occuper d'eux. Ainsi, on les surnomme à tort les enfants travailleurs. Il a affirmé être en désaccord avec l'idée selon laquelle la loi sur les industries devrait être amendée pour couvrir également les entreprises familiales car les entreprises sont une source importante de travail pour les "travailleurs autonomes". L'orateur a donc estimé que ces entreprises ne devraient pas faire l'objet de visites de l'inspection du travail. En conclusion, il a souligné que l'Inde est un pays démocratique, où le principe de l'Etat-providence est en vigueur, dans lequel la législation et le système judiciaire ont la ferme volonté de s'attaquer aux problèmes suscités par le travail en servitude et le travail forcé.

Le membre travailleur de la Colombie a signalé que la situation de pauvreté, d'exclusion sociale et la profondeur des problèmes sociaux que vivent aujourd'hui la majorité des travailleurs de l'Inde interpellent tout le monde. Il a souligné qu'il ressort clairement du rapport de la commission d'experts et des déclarations du gouvernement que les préoccupations du passé sont les mêmes que celles d'aujourd'hui. Il s'est demandé quel serait le destin des travailleurs du monde si l'OIT n'existait pas. Il a signalé que les chiffres concernant le travail en servitude sont très contradictoires. On parle de 300 000, de 2 500 000 et d'autres chiffres sont également signalés, ce qui amène à se demander quel est le nombre qui reflète effectivement la vérité. En fait, les chiffres n'importent pas car la réalité s'impose d'elle-même. L'orateur a exprimé le souhait qu'avec l'appui de l'OIT on puisse disposer, dans un avenir très proche, de statistiques fiables sur le nombre d'êtres humains qui endurent de telles souffrances. Il n'est pas possible d'administrer correctement un médicament pour soigner une maladie si on ne connaît pas la cause de celle-ci. Il est urgent que la communauté internationale se prononce en faveur de la libération des travailleurs réduits à l'esclavage par leur travail en servitude. Il a signalé, concernant le travail des enfants en servitude, dans l'emploi domestique, l'agriculture, les commerces, etc., qu'il y aura toujours une justification dans la pauvreté, et que cela est récurrent, non seulement en Inde, mais dans tous les pays en développement; cependant, on ne peut être indifférent à ce fléau, ni à celui de la prostitution, ni à une quelconque situation qui entraîne une perte de dignité pour les travailleurs. A cet égard, il a recommandé instamment au gouvernement de l'Inde et à toute la classe dirigeante qu'ils prennent les mesures correctives nécessaires afin d'éviter cette ignominie. Il a aussi fait appel aux gouvernements des autres pays pour qu'ils aident, avec leur décision et leur engagement social, à combattre la pauvreté dans plusieurs pays du monde. Il a toutefois signalé qu'il faut mériter l'aide qui est sollicitée et que cela se fait à travers l'adoption de mesures qui visent la solution au problème principal. Dans le cas de l'Inde, il s'agira de commencer par la ratification des conventions nos 138 et 182 de l'OIT et la pleine application de la convention no 29.

Le représentant gouvernemental a remercié les membres employeurs et travailleurs de leurs suggestions particulièrement constructives et les a incités à examiner sans passion et de manière objective le problème du travail en servitude dans son pays, problème dont la commission a été saisie à de nombreuses reprises. Il a rappelé combien la vigilance est déterminante pour le dépistage des cas de travail en servitude et pour les programmes de réinsertion de ces travailleurs. S'agissant des statistiques en la matière, les chiffres communiqués par les gouvernements des Etats ont été donnés à la Cour suprême sous la foi du serment. Il y a lieu de se demander si les ONG qui avancent des chiffres différents seraient disposées à faire de même, surtout si l'on veut bien considérer les responsabilités encourues lorsque les chiffres sont faux. L'Inde est un pays libre et les statistiques officielles peuvent le cas échéant être contestées en justice. Il y a lieu de craindre que bon nombre des chiffres avancés à propos du travail en servitude en Inde ne soient que pure fantaisie. La commission d'experts et la Commission de la Conférence sont donc invitées à accepter sans réticence les chiffres donnés par le gouvernement. Le travail en servitude est un problème en évolution constante. La situation évolue rapidement. Mais, une fois que des cas de travail en servitude sont dépistés, il existe le cadre nécessaire pour que des mesures soient prises. Il est inexact de prétendre que les commissions de surveillance ne fonctionnent pas convenablement. Même si des défaillances peuvent toujours se produire dans un grand pays, il convient de noter que l'ensemble du processus a été contrôlé par la Commission nationale des droits de l'homme, en application des instructions de la Cour suprême. De plus, compte tenu de la structure politique de l'Inde, il n'est pas d'autre choix que d'associer les gouvernements des Etats. La composition des commissions de surveillance a été déterminée par la loi. Elle prévoit un large éventail représentatif à la fois des organes officiels et de la population dans son ensemble. Les membres employeurs ont assurément bien compris la situation lorsqu'ils déclarent que ce qu'il faut c'est s'attaquer aux racines du problème, c'est-à-dire en particulier en créant des emplois et en améliorant le système éducatif. C'est précisément la démarche que le gouvernement a choisie pour essayer de résoudre ce très grave problème. Le nombre des poursuites et des condamnations prononcées en application de la législation sur le travail en servitude a également fait l'objet de commentaires. Les chiffres nécessaires ne manqueront pas d'être obtenus. Mais, s'il est une chose qui est sûre, c'est qu'avec un problème aussi complexe que le travail en servitude l'imposition de sanctions et l'aggravation des tensions sociales ne sont pas nécessairement la meilleure tactique. Il importe en effet de s'assurer d'une situation sociale stable au niveau le plus élémentaire pour pouvoir attaquer ce problème. A cet égard, l'évocation des idéaux élevés du Mahatma Gandhi sont de circonstance et la commission peut avoir l'assurance du gouvernement de l'Inde que ce dernier attache la plus haute importance à l'amélioration de la situation des nécessiteux et des victimes de discrimination. Il est déterminant d'inspirer à ces personnes la confiance nécessaire à leur intégration dans la société. S'agissant du manque de clarté des concepts concernant le travail forcé et le travail en servitude, notamment dans la perspective des interprétations de la Cour suprême, il conviendrait que la commission s'en tienne aux dispositions de la convention pour examiner la situation dans ce pays. L'orateur a également appelé les autres membres de la commission ayant évoqué des informations dont le gouvernement n'était pas en possession à les communiquer, accompagnées de chiffres pertinents. Il a également accueilli favorablement la suggestion du membre travailleur de l'Inde tendant à ce que les syndicats s'impliquent davantage dans l'action d'éradication du travail en servitude. Il a cependant réfuté l'affirmation selon laquelle la législation du travail ne serait pas appliquée dans les zones franches d'exportation. Devant l'affirmation selon laquelle de nouvelles formes de travail en servitude apparaîtraient, l'orateur a demandé que des études soient faites à ce sujet. En outre, il a accueilli favorablement la déclaration du membre de la Colombie selon laquelle les grandes puissances doivent fournir leur assistance aux autres pays pour lutter contre la pauvreté. S'agissant du travail des enfants, le représentant gouvernemental s'est dit convaincu que les observations de la commission d'experts selon lesquelles le travail domestique des enfants doit être interdit va au-delà des dispositions de la convention no 182. Il a cependant averti que, dans ce combat titanesque, le premier objectif réside dans le cas des enfants qui sont affectés à des travaux dangereux. Une autre priorité consiste à assurer que ces enfants soient scolarisés, afin qu'ils puissent s'affranchir de cette exploitation par l'éducation. L'éradication du travail des enfants est un processus graduel qui devra se concentrer en premier lieu sur les formes les plus dangereuses de travail. Le gouvernement indien a néanmoins bon espoir de mettre en place le cadre indispensable à la ratification et à la mise en uvre de la convention no 182.

Les membres employeurs ont souligné la gravité de la situation. Le problème ne se situe pas au niveau des statistiques car il est évident que le problème est immense même si l'on se base sur les statistiques communiquées par le gouvernement. L'ensemble des informations devant être communiquées au Bureau d'ici la fin du mois de juillet, ils ont exprimé l'espoir que la commission d'experts sera en mesure de fournir une description claire des différents éléments de ce cas pour permettre ultérieurement à la Commission de la Conférence d'être dans une meilleure situation pour juger du travail en servitude, du travail des enfants, de la prostitution et de l'exploitation sexuelle dans ce pays. Ils ont sincèrement souhaité que les membres de la commission soient en mesure de constater un jour que le gouvernement de l'Inde est sur la voie de l'élimination du travail forcé.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies et ont appuyé sa déclaration selon laquelle le travail en servitude, le travail des enfants, la prostitution et l'exploitation sexuelle sont des questions très complexes qui ne peuvent être réglées que par l'adoption de mécanismes spécifiques, mais qui exigent également que des mesures soient prises dans des domaines tels que l'éducation, les soins de santé et le développement social. Ils ont rappelé au représentant gouvernemental que, s'il avait besoin d'aide, le BIT pouvait lui dispenser une assistance technique et que le programme IPEC est en mesure de lui offrir des solutions plus pratiques pour surmonter certaines des difficultés auxquelles il doit faire face. Ils ont ajouté que le gouvernement devrait sérieusement considérer la possibilité d'impliquer les organisations de travailleurs, qui en tant que représentants des organisations de base peuvent apporter une contribution non négligeable. Les membres travailleurs ont également souligné que l'exigence de disposer de statistiques précises ne relève pas de la simple curiosité intellectuelle mais qu'elle constitue un moyen essentiel pour évaluer la véritable ampleur du problème et pour aborder la question avec suffisamment de clarté. En ce qui concerne les références faites à l'interprétation de la Cour suprême du concept de travail forcé et de travail en servitude en relation avec la convention no 29, ils ont rappelé l'existence d'une jurisprudence très solide en la matière développée par l'OIT qui peut l'aider à clarifier la situation. Ils ont donc recommandé que le gouvernement entame un dialogue avec le Bureau sur cette question. La clarification des questions conceptuelles est importante pour influencer positivement l'enquête qui doit être conduite et pour s'assurer que les enquêtes statistiques reposent sur une base conceptuelle viable. En ce qui concerne la question du travail des enfants, notamment lorsqu'il est effectué dans le cadre familial, les membres travailleurs ont rappelé que, lorsque l'Inde a ratifié la convention no 182, elle s'est engagée à veiller à examiner avec attention la question d'une inspection élargie qui ne se limiterait pas à certains lieux mais couvrirait tous les endroits où des enfants et des adultes travaillent, tel que recommandé par les réunions d'experts sur l'inspection du travail et le travail des enfants en septembre 1999. Ils ont insisté sur le fait que le travail accompli par les enfants dans le cadre familial devrait également être couvert par la législation du travail. Enfin, ils ont exprimé l'espoir que le gouvernement veuille bien accepter l'assistance et les projets offerts par le BIT sur ces questions.

Le représentant gouvernemental a souhaité clarifier un point. Il a indiqué qu'à aucun moment il n'a voulu donner l'impression que les interprétations du concept de travail forcé par la Cour suprême, quoique très larges, sont incorrectes ou qu'il les désapprouve. Il a simplement voulu dire qu'elles dépassent largement la définition du travail forcé, telle que celle figurant dans la convention.

Les membres travailleurs ont souligné qu'il n'avait pas été dans leur intention de suggérer que le représentant gouvernemental n'accepte pas les interprétations du travail forcé par la Cour suprême de l'Inde. Ils ont simplement commenté le fait que le représentant gouvernemental estime que ces interprétations sont trop larges et résultent d'une absence de clarté conceptuelle avec la convention no 29.

Le représentant gouvernemental a regretté le fait que les commentaires qu'il avait formulés durant la discussion n'aient pas été pris en compte dans les conclusions de la commission. Il a considéré qu'il semblait que la commission avait finalisé ses conclusions bien avant que le gouvernement de l'Inde n'ait fait parvenir son opinion.

La commission a pris note des informations détaillées fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui s'est ensuivie. La commission a constaté avec regret que, 25 ans après l'adoption de la loi de 1976 sur le système de travail obligatoire (abolition), peu de progrès ont été accomplis en vue de l'identification, de la libération et de la réinsertion des travailleurs réduits en servitude, en dépit des commentaires répétés de la commission d'experts et des nombreux débats sur ce cas au sein de la présente commission. La commission, comme la commission d'experts, a regretté que le gouvernement n'ait pas communiqué à temps le rapport qui devait être examiné à sa dernière session. La commission, une fois de plus, a demandé instamment au gouvernement de réaliser une étude statistique dans tout le pays sur le travail en servitude en recourant à une méthodologie fiable, en collaboration avec les organisations de travailleurs et d'employeurs et avec les organisations et institutions de défense des droits de l'homme. La commission a pris note des efforts que le gouvernement a déployés, avec xcla collaboration du Bureau, pour éliminer le travail des enfants mais elle constate que la situation des enfants réduits en servitude ou soumis à d'autres formes de travail obligatoire ne s'est pas suffisamment améliorée. La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement continuera de s'efforcer d'appliquer sans relâche les lois relatives au travail des enfants pour éliminer l'exploitation des enfants, en particulier dans le secteur informel et dans les activités dangereuses. A propos de la prostitution et de l'exploitation sexuelle d'enfants, la commission a demandé instamment au gouvernement de continuer de fournir des informations complètes et détaillées, y compris des statistiques fiables, ainsi que des renseignements sur les mesures prises pour libérer et réinsérer les enfants victimes d'exploitation sexuelle. La commission a exprimé de nouveau le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises à l'échelle nationale, locale et des Etats pour réaliser dans un proche avenir des progrès concrets et significatifs dans l'application, en droit et dans la pratique, de cette convention fondamentale.

Le représentant gouvernemental a regretté le fait que les commentaires qu'il avait formulés durant la discussion n'aient pas été pris en compte dans les conclusions de la commission. Il a considéré qu'il semblait que la commission avait finalisé ses conclusions bien avant que le gouvernement de l'Inde n'ait fait parvenir son opinion.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2000, Publication : 88ème session CIT (2000)

Un représentant gouvernemental a pris note des observations de la commission d'experts et rappelé que le gouvernement a soumis deux rapports à la commission, dont l'un répond aux points soulevés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). Il a souhaité s'exprimer sur les trois principales questions évoquées dans le rapport de la commission d'experts, à savoir le travail en servitude, le travail des enfants, et la prostitution et l'exploitation sexuelle.

En ce qui concerne le travail en servitude, l'orateur a retracé l'historique de la lutte de l'Inde contre ce problème. Dès 1931, le Congrès de Karachi a traité la question de l'abolition de la servitude, bien avant que l'Inde ne ratifie la convention no 29. De plus, l'article 23 de la Constitution indienne de novembre 1949 interdit le travail en servitude. En 1954, l'Inde a ratifié la convention no 29. Vingt-deux ans après, la loi de 1976 sur le système de travail en servitude (abolition) et l'ordonnance correspondante de 1975 ont été adoptées. La lutte contre cette forme de travail a été l'objectif principal des gouvernements précédents et elle constituait un des aspects essentiels du Programme en vingt points pour la Nation du Premier ministre Indira Gandhi.

Il est essentiel de définir précisément le travail en servitude. Il se caractérise par une relation d'échange inégale dans laquelle une personne est contrainte d'apporter ses services, ou ceux de tout membre de sa famille, à une autre personne pour rembourser une dette, et est privée de la liberté de circuler, de la possibilité de choisir un emploi et d'un salaire minimum. L'orateur a souligné qu'il est difficile d'identifier les travailleurs en servitude et de les intégrer dans des statistiques fiables. L'article 13 de la loi sur le système de travail en servitude (abolition) prévoit l'institution de comités de surveillance à l'échelle des districts et des sous-divisions pour empêcher ces pratiques. Toutefois, cet article n'indique pas la procédure à suivre par ces comités pour s'acquitter de leur tâche. L'orateur, qui a été chercheur à la Cour suprême dans les domaines social et juridique sur les questions relatives au travail en servitude, a indiqué que la pratique habituelle, à savoir demander à une personne si elle travaille en servitude, permet rarement d'obtenir des réponses fiables. En effet, nombreux sont ceux qui sont trop intimidés, ou qui ignorent leurs droits, pour se confier à un enquêteur. Ce n'est que par une approche novatrice et rassurante que les enquêteurs peuvent gagner la confiance des travailleurs en servitude. Pour établir des statistiques fiables, il faut demander aux magistrats locaux et aux membres des comités de surveillance d'avoir cette attitude. De plus, l'établissement de statistiques est compliqué par le fait que de nombreux langues et dialectes sont parlés en Inde et par les fréquents mouvements de main-d'oeuvre au sein du secteur informel.

Une fois identifiés les travailleurs en servitude, il faut les tirer de cette situation, ce qui présente aussi certaines difficultés. L'orateur a mentionné la décision de la Cour suprême en vertu de laquelle il n'est pas suffisant de démontrer qu'il existe entre deux personnes une relation de prêteur à débiteur pour ne pas considérer qu'un travail non rémunéré ne constitue pas un travail en servitude. Selon cette décision, lorsqu'une personne travaille gratuitement, la présomption est qu'elle y est contrainte en raison d'une dette ou d'un engagement d'exploitation économique. Cette décision a été communiquée aux districts et autres sous-divisions administratives et le gouvernement espère qu'elle contribuera à libérer ces travailleurs.

Il est essentiel de comprendre que le problème du travail en servitude est inextricablement lié à des problèmes socio-économiques plus amples tels que le chômage, le fait que des personnes ne possèdent pas de terres, la pauvreté, les migrations. L'orateur a indiqué que, malgré toute sa volonté politique, le gouvernement actuel n'a pas réussi à éliminer la pauvreté. L'élimination complète du travail en servitude n'est possible que dans le cadre d'une action globale sur la situation économique du pays.

Une fois qu'ils ont été identifiés puis libérés, les travailleurs en servitude doivent être réinsérés. L'orateur a rappelé que le programme de réinsertion des travailleurs en servitude prévoit des mesures économiques et d'assistance -- distribution de terres, mise en valeur des terres déjà attribuées, crédits, logements sociaux, services de santé, cours de formation et aide aux femmes et aux enfants. En mars 1999, plus de 200.000 travailleurs en servitude ont été libérés et réinsérés, et 17.000 sont sur le point d'être réinsérés. Malgré ces progrès, des ressources financières supplémentaires et d'autres recherches sont nécessaires.

Pour conclure sur ce point, l'orateur a indiqué qu'une division pleinement opérationnelle du ministère du Travail s'occupe du travail en servitude et que des commissions ont été instituées pour s'assurer que les fonds alloués aux programmes d'élimination du travail en servitude sont bien utilisés. Le ministère du Travail a également affirmé que toutes les plaintes dont il est saisi à ce sujet sont communiquées aux magistrats des districts, et que des délais stricts de réponses sont fixés, ainsi que des procédures de suivi des plaintes. Il a souligné qu'il incombe au gouvernement fédéral de coordonner la politique nationale sur le travail en servitude mais que, en dernier ressort, c'est aux entités constituantes qu'il revient de veiller à l'application de cette politique. Enfin, seule une collaboration étroite avec les ONG permettra de mettre pleinement en oeuvre ces mesures.

A propos du travail des enfants, le représentant gouvernemental a souligné que le gouvernement national s'est engagé à faire tout son possible pour l'éliminer. L'orateur a rappelé que la loi de 1933 interdisant le louage des services des enfants interdit aux parents de permettre, en échange d'une dette, d'utiliser les services de leurs enfants, et que la loi de 1938 sur l'emploi des enfants ne le permet que dans certains secteurs. En outre, comme suite à la ratification par l'Inde de six des conventions de l'OIT ayant trait au travail des enfants, la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants indique que les enfants de moins de 14 ans ne peuvent pas être employés dans les secteurs dangereux. Les parties A et B de cette loi énumèrent 64 secteurs dangereux. Par ailleurs, la Commission consultative technique sur le travail des enfants, instaurée en vertu de l'article 5 de cette loi, a recommandé neuf autres secteurs de ce type. Comme pour le travail en servitude, il est difficile d'établir des statistiques fiables sur le travail des enfants. Sur ce point, l'orateur a souligné que la Cour suprême, dans son jugement daté du 10 décembre 1996 sur l'acte de pétition no 465 de 1986, a prévu des enquêtes nationales sur le travail des enfants à l'échelle des districts, et réaffirmé le principe de l'éducation obligatoire jusqu'à l'âge de 14 ans. Ce jugement a été communiqué aux fonctionnaires au niveau local et des fonds ont été mis à la disposition de 535 districts aux fins d'enquêtes. Celles-ci ont été menées et rapport a été soumis à la Cour suprême le 31 mai 1997.

L'orateur a rappelé que 93 programmes nationaux sur le travail des enfants ont été mis en place pour identifier, libérer et réinsérer les enfants au travail. Dans ce cadre, 3.000 écoles spéciales ont été créées et 3.000 professeurs ont été engagés pour dispenser à ces enfants une instruction et une formation, pour leur fournir des soins de santé et pour faciliter leur réinsertion. L'Inde s'est en outre ralliée au principe selon lequel l'accès à l'éducation constitue un droit fondamental pour les enfants de 5 à 14 ans. L'orateur a déploré que la 83e proposition d'amendement constitutionnel, qui visait à instituer l'éducation comme un droit fondamental et qui prévoyait que l'éducation primaire obligatoire serait universelle, n'ait pas abouti à cause de nombreuses raisons. Il a exprimé l'espoir que des mesures analogues aboutiront à l'avenir.

Comme c'est le cas pour le travail en servitude, le représentant gouvernemental a fait observer que le travail des enfants découle directement du manque d'instruction, du fait que des personnes ne possèdent ni terres ni biens et de la pauvreté. Le développement économique entraîne une profonde crise sociale et les acteurs du développement peuvent en devenir les victimes. L'orateur a déploré que l'on manque d'écoles et d'enseignants pour dispenser l'éducation gratuite obligatoire universelle dans les quelque 600.000 villages que l'Inde compte. Toutefois, il a souligné que le gou- vernement planifie et coordonne, avec l'aide de toutes ses administrations, pour éradiquer le travail des enfants et garantir l'accès de tous à l'éducation. La première priorité du gouvernement est de retirer les enfants des secteurs dangereux, la seconde d'aider ceux qui travaillent dans les secteurs non dangereux. Un autre point essentiel est de libérer et de réinsérer les enfants employés à des fins de prostitution, de pornographie ou de trafic de drogue. L'orateur a reconnu que le travail des enfants demeure un problème important en Inde, mais il est convaincu que le gouvernement réussira à le résoudre. Enfin, il a fait mention du Protocole d'accord conclu entre l'Inde et l'IPEC en 1992, qui a été renouvelé le 17 février 2000. Avec l'assistance de l'IPEC et la collaboration des travailleurs, des employeurs et des ONG, plusieurs programmes de lutte contre le travail des enfants ont été lancés. L'orateur a exprimé l'espoir que la collaboration étroite avec l'IPEC continuera de donner des résultats.

Un autre représentant gouvernemental a pris note des préoccupations de la commission d'experts relatives aux enfants utilisés à des fins de prostitution. Les règles et réglementations en place en Inde sont très strictes en la matière et définissent le fait d'avoir des relations sexuelles avec des petites filles comme un viol, qu'il y ait ou non consentement de celles-ci. Il a dès lors insisté sur le fait que la législation nationale est entièrement en conformité avec les conventions nos 29 et 182. Toutefois, l'Inde est un pays en développement comptant un milliard d'habitants, connaissant des problèmes de pauvreté et de chômage. Les circonstances dans le pays peuvent dès lors engendrer des situations d'exploitation des enfants malgré les mesures légales appliquées. De ce fait, il est nécessaire de renforcer les mécanismes de mise en vigueur de ces dispositions de sorte que toutes les plaintes fassent l'objet d'enquêtes appropriées et que les délits soient punis.

Notant le manque de statistiques précises sur le nombre de prostituées en Inde, l'orateur a cité un rapport d'enquête dans des villes sélectionnées du Conseil social de la santé, créé en 1994, qui a dénombré 70.000 à 100.000 prostituées en Inde, dont 30 pour cent sont âgées de moins de 20 ans. Il a fait observer que 4,77 pour cent de cette population sont originaires des pays limitrophes. La pauvreté est l'un des facteurs majeurs conduisant à la prostitution. Le taux d'analphabétisme parmi cette population est de 71 pour cent. Les familles des prostituées sont majoritairement sans emploi ou occupent des emplois peu qualifiés.

Concernant le cadre légal mis en place pour éradiquer ce problème, l'orateur a indiqué que l'article 23 de la Constitution indienne interdit le trafic des êtres humains. En outre, l'Inde a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant ainsi que la Convention des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. L'Inde a également adopté la loi sur la prévention du trafic immoral, qui dispose que les relations sexuelles avec des enfants doivent être traitées comme des viols, et les personnes accusées de ce crime seront jugées par les Cours criminelles. La loi prévoit le sauvetage et la réhabilitation des victimes de ce crime. Le Code pénal indien contient également des dispositions concernant l'enlèvement des enfants, le viol et d'autres délits connexes. Le représentant gouvernemental a noté, en réponse à ce problème, que le gouvernement avait impliqué toutes les ONG dans le pays, dans ses efforts pour identifier et résoudre les abus, conscient de l'importance du problème et des ressources limitées du gouvernement. Le gouvernement a également misé sur un projet en deux volets dont la stratégie est d'améliorer les ressources économiques des familles des prostituées et de conduire une campagne de sensibilisation du public. Les efforts du gouvernement à cet égard se concentrent sur la prévention. En conclusion, l'orateur a noté que le gouvernement provincial par intérim d'Uttar Pradesh a commandé une étude sur la prostitution des enfants et a assuré à la commission que cette étude serait mise à la disposition du BIT dès son achèvement.

Les membres travailleurs ont remercié les représentants gouvernementaux du complément d'information présenté à cette commission et a demandé que toutes ces informations soient soumises à la commission d'experts par écrit afin qu'elles puissent être examinées. Ils concluent qu'à l'heure actuelle bien peu de progrès sont à constater dans ce cas. Bien qu'il semble y avoir quelques tentatives de développement d'une politique et une stratégie coordonnée associant gouvernement central et gouvernement des Etats, il reste beaucoup à faire. Certains textes législatifs restent à revoir et les mécanismes d'application sont faibles. Le problème de l'engagement des ONG demeure, du fait que ces organisations signalent que les autorités s'accommodent difficilement de leur présence et ont parfois une attitude hostile à leur égard. Les membres travailleurs restent convaincus que le gouvernement continue de minorer le problème du travail forcé en Inde en persistant à affirmer, même devant la preuve irréfutable du contraire, que le nombre de travailleurs dans cette situation reste très limité. Ce refus d'accepter la réalité d'un problème d'une ampleur préoccupante compromet les efforts tendant à une solution rapide.

Les membres travailleurs ont fait observer que la commission examine ce cas depuis très longtemps. L'Inde a ratifié la convention en 1954 et la commission d'experts a commencé à formuler des commentaires à ce sujet en 1966. La présente commission examine ce cas depuis quatorze ans et l'a même mentionné dans un paragraphe spécial en 1994. La loi (portant abolition) du travail en servitude est en vigueur en Inde depuis vingt-quatre ans. Bien que l'article 1, paragraphe 1, de la convention prescrive aux Etats qui la ratifient de s'engager à supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ces formes "dans le plus bref délai possible", on constate malheureusement bien peu de progrès dans ce domaine. S'il est vrai que l'Inde connaît une situation difficile en raison de son immense population et de la pauvreté, les membres travailleurs estiment néanmoins que, au bout d'un demi-siècle, dans une certaine mesure, des progrès auraient dû être constatés.

Dans son observation, la commission d'experts circonscrit trois types de travail forcé: le travail en servitude, le travail forcé des enfants, et la prostitution et l'exploitation sexuelle des femmes et des fillettes. L'un des problèmes constants relevés aussi bien par la commission d'experts que par la présente commission réside dans l'absence de statistiques fiables quant au nombre de travailleurs en servitude en Inde. Les chiffres cités par le représentant gouvernemental ne coïncident pas avec ceux qui ressortent de l'étude dont les membres travailleurs disposent et qui a été réalisée par la Fondation Gandhi pour la paix et par l'Institut national du travail en 1978-79, chiffres qui s'élèvent à 2,6 millions. Une autre étude, commanditée par la Cour suprême de l'Inde en 1994, établit à 1 million le nombre de travailleurs en servitude dans le seul Etat du Tamil Nadu. D'autres sources situent ce chiffre entre 5 et 10 millions.

Les membres travailleurs appuient sans réserve l'idée que la commission d'experts demande au gouvernement d'entreprendre une étude exhaustive en s'appuyant sur des méthodes statistiques valables, puisque des données exactes sont indispensables à l'élaboration d'un système efficace de lutte contre ce fléau. Les membres travailleurs prient instamment le gouvernement d'entreprendre immédiatement une telle étude, pour laquelle l'OIT pourrait assurément fournir son assistance technique dans le cas où celle-ci se révélerait nécessaire. Il est indispensable d'apprécier avec exactitude l'ampleur du problème pour pouvoir dégager les ressources nécessaires à son élimination. En outre, un système d'inspection efficace est nécessaire et le gouvernement est invité à travailler avec les partenaires sociaux et les autres organisations pour renforcer son travail.

Se référant aux commentaires de la commission d'experts concernant la réinsertion sociale de travailleurs libérés de leur servitude dans le cadre d'un programme patronné par le gouvernement central au Tamil Nadu, dans l'Uttar Pradesh et en Orissa, les membres travailleurs considèrent que le nombre de personnes concernées (5.960) est extrêmement faible par rapport au total des travailleurs dans cette situation dans l'ensemble de l'Inde et qu'il faudrait faire plus. S'agissant des questions de subventions et autres prestations en faveur des travailleurs libérés de leur servitude, les membres travailleurs demandent au gouvernement de fournir des précisions sur le nombre de ces travailleurs réinsérés qui ont bénéficié de telles prestations et sur les sommes qui ont été réservées à cette fin.

Les membres travailleurs se sont référés aux commentaires de la commission d'experts selon lesquels les gouvernements des Etats auraient été priés de constituer des comités de vigilance, comme prévu à l'article 13 de la loi sur le travail en servitude, afin d'observer étroitement et de manière constante le problème. Ils ont demandé au gouvernement de fournir des précisions sur les Etats ayant constitué de tels comités, en précisant notamment de quelle manière ces comités sont constitués et fonctionnent, les plaintes reçues, les délais dans lesquels elles sont examinées et les mesures de sensibilisation du public qui sont prises. Ces comités de vigilance pourraient être un instrument décisif dans la lutte contre le travail forcé sur le terrain même. Mais, en dépit des déclarations du représentant gouvernemental, il ne semble pas que ces comités fonctionnent convenablement. C'est ainsi qu'une ONG, Anti-Slavery International, signale un incident révélateur dans l'Etat du Penjab, où les autorités ont refusé d'intervenir pour faire appliquer la loi à l'issue de plaintes portées devant le juge de district au nom de 11 femmes réduites en servitude. Ce cas ainsi que d'autres cas ont été repris par les ONG, mais à ce jour il apparaît que les femmes n'ont pas été libérées ni les propriétaires punis. Il est évident que les mécanismes d'application de la loi en Inde devraient être renforcés et qu'il devrait exister des règles garantissant que les décisions de la Cour suprême soient appliquées.

Pour ce qui est du travail des enfants en servitude, les statistiques gouvernementales n'indiquent pas quel pourcentage les enfants représentent sur l'ensemble des travailleurs en servitude. Certaines ONG ont constaté de leur côté que beaucoup d'enfants travaillent en servitude, souvent pour rembourser une dette contractée par leurs parents, au mépris d'une législation nationale interdisant que les parents ne se livrent à la pratique consistant à gager leurs propres enfants. Abordant les commentaires de la commission d'experts concernant le fait que la loi sur les fabriques ne prévoit pas d'inspection du travail pour les petites unités de production, les membres travailleurs considèrent que l'exclusion de ces unités du champ d'application de ladite loi constitue une violation de la convention. Ils prient instamment le gouvernement de faire en sorte que cette loi soit modifiée afin de protéger les travailleurs employés dans de telles unités. Considérant que l'article 24 de la Constitution de l'Inde interdit l'emploi d'enfants de moins de 14 ans dans les fabriques, les mines et les autres emplois dangereux, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de fournir des informations sur le nombre d'employeurs effectivement poursuivis pour avoir employé des enfants en violation de cet article.

Se référant aux commentaires de la commission d'experts concernant le grave problème de la prostitution d'enfants et de l'exploitation sexuelle des femmes et des fillettes, les membres travailleurs ont souligné l'absence de statistiques fiables sur le nombre de prostitués, notamment d'enfants prostitués Devadassis et les Joginis. Les membres travailleurs, tout en regrettant que la commission consultative centrale n'envisage qu'aujourd'hui de formuler des recommandations et un plan d'action pour secourir et réinsérer les enfants prostitués, estiment néanmoins qu'il s'agit là d'une évolution positive. Ils ont prié instamment le gouvernement de fournir à la commission des informations complètes sur ces mesures, notamment sur celles qui sont prises actuellement et sur les ressources consacrées à l'éducation des enfants qui ont été soustraits au travail forcé ou à la prostitution pour retrouver une vie normale.

Compte tenu du fait que le représentant gouvernemental se réfère à la législation interdisant la prostitution d'enfants, les membres travailleurs demandent au gouvernement de fournir des informations sur le nombre de personnes qui ont été poursuivies en application de cette législation et sur les mesures prises concernant l'éducation de ceux dont les droits ont été violés et pour les aider à constituer leur dossier de plaintes. Tout en étant pleinement d'accord avec le gouvernement pour considérer que le travail en servitude est un outrage à l'humanité, ils estiment néanmoins qu'il n'accorde pas une priorité suffisante et n'agit pas assez rapidement pour résoudre le problème.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les nombreuses informations fournies à la commission, qui ont remis dans leur contexte les commentaires de la commission d'experts. Ils ont demandé que, dans ses prochains rapports, cette dernière donne une image plus structurée de la situation culturelle et juridique de l'Inde, afin d'accélérer les discussions au sein de la commission. La discussion la plus récente de ce cas par la commission se rapportait aux mêmes questions que celles qui avaient été examinées auparavant: le travail en servitude, le travail des enfants, et la prostitution et l'exploitation sexuelle des femmes et des filles. Les problèmes semblaient d'une telle ampleur qu'en 1994 la commission avait exprimé ses préoccupations dans un paragraphe spécial.

Les membres employeurs se sont référés à l'observation de la commission d'experts selon laquelle les comités de vigilance ne fonctionnent pas bien. Notant que le représentant gouvernemental a indiqué qu'une certaine urgence et une priorité sont accordées à ce problème, ils ont demandé des informations sur le nombre de fonctionnaires au niveau fédéral et des Etats qui travaillent quotidiennement, en particulier sur le terrain, pour tenter d'identifier et d'éliminer les pratiques de travail en servitude. Concernant l'absence de statistiques fiables, le représentant gouvernemental a confirmé qu'il est difficile de parler avec les parties concernées. Toutefois, les membres employeurs se sont déclarés d'accord avec les membres travailleurs sur la nécessité d'établir le nombre de personnes concernées, afin de disposer d'une base d'évaluation de la situation. Ils ont dès lors demandé au gouvernement de fournir les résultats de l'étude menée à cet égard.

En ce qui concerne l'augmentation du travail en servitude, les membres employeurs ont estimé que les projets de réinsertion lancés par le gouvernement n'ont eu qu'un succès limité. Ils ont demandé au gouvernement de fournir des informations sur les sommes allouées à ces projets, et une évaluation de leur caractère suffisant, ainsi que des informations sur les mesures prises pour garantir que les travailleurs en servitude ayant bénéficié d'une réinsertion ne soient pas contraints d'effectuer à nouveau du travail en servitude.

Pour ce qui est des informations demandées au paragraphe 7 du rapport de la commission d'experts, il ne suffit pas que le gouvernement communique les données demandées. La loi sur l'abolition du travail en servitude est en vigueur depuis vingt-quatre ans et il est temps que le gouvernement détermine ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et qu'il introduise les changements nécessaires. Cette évaluation devrait comprendre la question de l'efficacité des comités de vigilance, ainsi que les nouvelles informations fournies par le représentant gouvernemental sur les comités de vigilance.

Les membres employeurs ont noté qu'en dépit des mesures prises par le gouvernement le travail des enfants reste un problème important. Ils ont demandé au gouvernement d'indiquer de quelle manière il applique la décision rendue par la Cour suprême en 1996 qui exigeait que les enfants ne soient plus employés dans les industries dangereuses. Les membres employeurs ont également demandé au gouvernement de fournir les informations complètes demandées par la commission d'experts au paragraphe 12 de son observation.

Sur la question de la prostitution enfantine, les membres employeurs ont rappelé la discussion qui a eu lieu au sein de la commission en 1998 sur l'existence de programmes sociaux pour la protection et la réinsertion des enfants. Ici encore, il faut que le gouvernement évalue ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et qu'il ajuste sa stratégie en conséquence. Bien que la commission reconnaisse les circonstances économiques et sociales difficiles qui prévalent dans le pays, elle estime néanmoins que le gouvernement devrait accorder une plus grande priorité à la résolution du problème du travail forcé.

Le membre travailleur de l'Inde a fait observer que, bien que l'Inde ait ratifié cette convention depuis quarante-six ans et adopté une législation en conséquence voici près de vingt-cinq ans, ce grave problème du travail forcé demeure. On ne dispose pas de statistiques fiables sur le nombre de travailleurs en servitude, essentiellement en raison de la nature clandestine de ce type d'emploi. Les employeurs ne reconnaissent pas utiliser de la main-d'oeuvre dans de telles conditions, par crainte d'une action pénale, tandis que les intéressés ne se plaignent pas, par crainte de perdre leurs moyens de subsistance. Pour ce qui est de la déclaration gouvernementale concernant le nombre de travailleurs en servitude qui ont été libérés et réintégrés entre 1976 et 1999, force est de constater que la nature de cette réinsertion n'est pas précisée et que l'on ne dispose pas non plus d'information concernant le nombre de travailleurs en servitude qui ont pu être contraints de retomber dans cette condition, comme ce peut être le cas des journaliers migrants. Le gouvernement devrait chercher à obtenir des données précises à ce sujet. En Inde, une forte proportion de travailleurs en servitude se trouvent dans les zones rurales, où les grands propriétaires terriens et les prêteurs de deniers exploitent systématiquement les pauvres des campagnes, qui se trouvent dans l'obligation d'emprunter à des taux usuraires. Comme ces gens n'ont pas de terres, ils sont contraints de fournir en gage le travail de leurs propres enfants. Les taux d'intérêt pratiqués rendent les emprunts impossibles à rembourser. L'application des programmes d'ajustement structurel prescrits par le FMI et la Banque mondiale a accru la pauvreté dans cette région et en conséquence renforcé la persistance du système de travail en servitude en milieu rural, à cause essentiellement de l'absence d'une véritable réforme foncière et de l'inertie du gouvernement face à cette exploitation.

La population de l'Inde augmente considérablement d'une année à l'autre. Les chiffres concernant la réinsertion que le représentant gouvernemental a présentés ne tiennent pas compte des journaliers, adultes et enfants, qui tombent dans la servitude aujourd'hui même, phénomène qui continue de croître au gré de la croissance démographique. A cela s'ajoute que le nombre de personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté (52 pour cent selon les estimations de la Banque mondiale elle-même) s'est accru en Inde ces dix dernières années. Dans ces conditions, on se rend compte que les mesures officielles prises par le gouvernement ne constituent même pas un début de réponse au problème et l'on peut croire que c'est même la politique gouvernementale qui aggrave la pauvreté en milieu rural.

La question du travail en servitude est étroitement liée à celle du travail des enfants. L'Inde est le plus gros employeur d'enfants au travail dans le monde. Même si le gouvernement a adopté la loi de 1986 sur le travail des enfants (Interdiction et réglementation), qui interdit le travail des enfants dans certaines activités, le nombre d'enfants au travail dans ces mêmes secteurs s'est accru au cours des quatorze dernières années. Les enfants travaillent toujours dans l'agriculture, dans le bâtiment et les travaux publics, les industries extractives, la pêche, la fabrication d'allumettes, l'industrie du verre, la fabrication des bidi et d'autres secteurs. Ils travaillent de 8 à 10 heures par jour dans des conditions insalubres. En dépit des mesures prises par le gouvernement pour leur réinsertion, le nombre d'enfants au travail en Inde ne fait que croître d'une année sur l'autre. Tandis que l'OIT continue de demander plus d'informations, d'évaluer les informations communiquées par le gouvernement et de demander des précisions, la situation reste inchangée. Le problème est étroitement lié à la nécessité de développer l'économie, générer des emplois rémunérateurs, fournir des logements et améliorer les salaires minima afin que les parents puissent élever leurs enfants et assurer leur instruction. Le fait est que, avec 130 millions de chômeurs sur une population économiquement active de 340 millions, on peut s'attendre à ce que les problèmes continuent de s'aggraver dans ce pays.

Comme la commission d'experts l'a relevé, en application de la loi de 1986 sur le travail des enfants, la Cour suprême de l'Inde a condamné des employeurs coupables d'avoir utilisé le travail d'enfants à verser en compensation 20.000 roupies par enfant, à déposer sur un fonds spécial destiné à leur réinsertion. Mais le gouvernement ne donne aucun chiffre sur les montants ainsi recueillis de ces employeurs à ce jour. De plus, comme l'a relevé la commission d'experts, du fait que la loi de 1948 sur les fabriques exclut les petites unités de production du champ d'action de l'inspection du travail, le travail des enfants et le travail en servitude se pratiquent essentiellement dans des unités de ce type.

Pour ce qui est des projets entrepris par le gouvernement, l'intervenant fait observer que des syndicats ont demandé au gouvernement d'autoriser les partenaires sociaux à observer les progrès de ces mesures mais que le gouvernement l'a refusé. De l'avis de l'intervenant, le gouvernement n'est pas animé aujourd'hui de la volonté politique de résoudre le problème. S'il existe certes des lois et des règlements interdisant le travail forcé en Inde, ce qui compte avant tout, c'est ce qui se fait dans la pratique. Evoquant la perspective prochaine d'un rapport sur le travail forcé, l'intervenant a exprimé l'espoir que le gouvernement établira un plan d'action en coopération avec les partenaires sociaux dans le contexte du rapport global prévu pour l'an prochain.

Le membre employeur de l'Inde a considéré que les informations détaillées fournies par le représentant gouvernemental avaient répondu en grande partie à l'observation de la commission d'experts. S'exprimant sur le problème des divergences dans les statistiques sur le travail en servitude, il s'est appuyé sur les statistiques fournies par le représentant gouvernemental indiquant que 280.340 travailleurs en servitude avaient été identifiés et que seuls 17.000 devaient encore être réhabilités, pour constater que ces chiffres étaient plutôt positifs. Rappelant que l'Inde a été le premier pays à rejoindre l'IPEC en 1992, il a affirmé que le travail des enfants et le travail en servitude n'existent plus dans le secteur formel. S'il persiste, ce problème se retrouve seulement dans le secteur informel. Concernant le problème du travail des enfants, il s'est référé aux déclarations du représentant gouvernemental concernant les programmes lancés dans ce domaine et a soutenu que le gouvernement avait activement impliqué les partenaires sociaux dans ces activités. L'orateur s'est interrogé sur la compétence de cette commission pour examiner les plaintes relatives au travail des enfants déposées par des ONG, indiquant que dans le cas de l'Inde, la plainte avait été introduite seulement par une ONG -- Anti-Slavery International -- et non par des partenaires sociaux. La commission d'experts ne devrait pas prendre en considération une plainte présentée par une ONG de la même manière qu'une plainte présentée par des partenaires sociaux, parce que les premières n'ont pas d'obligations réciproques et pas d'engagement. Les ONG ne sont pas membres du tripartisme et ne devraient, par conséquent, pas avoir le droit de mettre au banc des accusés un pays souverain.

Le membre travailleur du Japon a exprimé son appréciation pour les mesures prises par le gouvernement pour éliminer le travail forcé dans le contexte du travail en servitude, du travail des enfants dans des conditions dangereuses et le travail des enfants dans l'industrie du sexe. Cependant, il ne s'agit ici pour l'orateur que du premier pas dans ce processus. Il s'est référé aux articles 23, 24 et 25 de la convention qui exigent que le gouvernement promulgue une réglementation complète et précise sur l'utilisation du travail forcé, qu'il prenne les mesures nécessaires pour assurer que ces réglementations sont strictement appliquées et que l'usage illégal du travail forcé constitue un délit pénal. Il veut croire que le gouvernement continuera ses efforts pour éliminer le travail forcé conformément à ces dispositions, et prie la commission de demander au gouvernement de fournir des informations supplémentaires sur les mesures adoptées à cet égard. Bien que prenant note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle la pauvreté est une cause majeure de travail forcé, il a le sentiment que ce problème ne sera pas automatiquement supprimé par la simple poursuite du développement économique et social. Un engagement ferme de respecter les normes fondamentales du travail reste nécessaire. L'orateur a pris note du fait que l'Inde a ratifié cette convention il y a plus de cinquante ans, mais que beaucoup d'enfants travaillent encore dans des conditions dangereuses, y compris de nombreux enfants travaillant dans de petites unités de production ou dans l'industrie du sexe, comme décrit dans l'observation de la commission d'experts. Faisant observer que le gouvernement lié par cette convention doit supprimer l'usage du travail forcé dans un délai le plus court possible, il veut croire en l'engagement fort et sincère de l'Inde à abolir le travail forcé des enfants.

Le membre travailleur du Pakistan a rappelé que son propre pays est voisin de l'Inde et rencontre de nombreux problèmes identiques. Les enfants sont l'avenir du pays et sont essentiels pour sa prospérité ainsi que pour son développement social et économique. C'est la responsabilité de l'humanité entière de veiller à ce qu'ils bénéficient de conditions propices à leur développement futur. Toutefois, dans les pays en développement, les enfants naissent inégaux et, en l'absence de filets de protection en matière de sécurité sociale, il arrive que les familles pauvres soient contraintes d'envoyer leurs enfants au travail. Il faut dès lors que les gouvernements se conforment à leurs engagements nationaux et internationaux et qu'ils garantissent un meilleur avenir aux millions d'enfants qui souffrent. En vertu de la loi de 1948 sur les fabriques, nombre de petites entreprises ne font pas l'objet d'inspection. Il s'agit cependant précisément des entreprises au sein desquelles le travail des enfants est courant. Des actions efficaces pour combattre ce problème nécessitent l'implication réelle des partenaires sociaux dans tous les programmes pertinents. A cet égard, les politiques encouragées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ne promeuvent pas une plus grande prospérité, au contraire, elles entraînent une dissémination de la pauvreté, en particulier en raison de la réduction de la taille des entreprises. L'orateur a encouragé le gouvernement de l'Inde à examiner de près les raisons pour lesquelles les pauvres envoient leurs enfants au travail. Il faut également que l'Etat consacre plus de ressources à l'enseignement et qu'il mette en place des systèmes de sécurité sociale apportant une aide aux familles pauvres. Tout en se félicitant du fait que la ratification de la convention no 182 est envisagée et que des projets de l'IPEC sont mis en oeuvre avec la participation de partenaires sociaux, il a invité le gouvernement à réviser la loi de 1948 sur les fabriques, afin de rendre plus effectif le système d'inspection du travail. Il a également pleinement partagé les préoccupations de la commission d'experts à l'égard du non-respect par le gouvernement de l'ensemble des dispositions de la convention. Pour contribuer au développement futur de la société, il lui faut consacrer davantage de ressources pour surmonter les problèmes qui ont été soulevés.

Le représentant gouvernemental a déclaré avoir écouté avec grande attention tous les points soulevés au cours du débat et qu'il s'efforcerait de répondre immédiatement à certains d'entre eux et soumettrait des informations écrites plus détaillées à la commission d'experts. Pour que des progrès réels soient accomplis dans le domaine de l'action sociale, il faut de claires indications dans la Constitution, des dispositions légales claires et la volonté politique d'atteindre les objectifs fixés. C'est ensuite à l'administration de faire preuve d'intégrité et de transparence dans la mise en oeuvre des programmes, afin de garantir que ceux-ci profitent aux groupes-cibles. Les articles 23 et 24 de la Constitution de l'Inde garantissent clairement la suppression du travail en servitude et du travail des enfants. Ce mandat est reflété dans la loi de 1976 sur l'abolition du travail en servitude et dans la loi de 1986 relative à l'interdiction et à la réglementation du travail des enfants. La volonté politique de s'attaquer à ces problèmes transparaît dans les programmes des partis politiques et dans les mesures économiques qu'ils ont prises après leur arrivée au pouvoir. Elle apparaît également dans les nombreux programmes sociaux visant à éradiquer la pauvreté, le chômage et le sous-emploi. Cependant, les progrès sont rendus difficiles par la persistance de l'ordre social inéquitable hérité du passé colonial du pays. Il faut dès lors examiner les raisons pour lesquelles, malgré l'existence d'une législation favorable et de volonté politique, de telles aberrations persistent. A cet égard, l'orateur a rappelé les informations fournies dans sa déclaration initiale. L'une des raisons pour lesquelles de plus grands progrès n'ont pas été accomplis dans la lutte contre le travail en servitude est que des méthodes correctes pour l'appréhension du problème n'ont pas encore été adoptées. L'orateur a déclaré avoir eu la chance d'avoir été désigné par la Cour suprême pour examiner ce problème. Ses conclusions, fondées sur un très grand nombre d'entretiens avec des travailleurs en servitude, ont été publiées sous le titre Nés en servitude. Un effort permanent est nécessaire pour la diffusion des informations sur les dispositions légales existantes et pour la mise en place de programmes de formation à tous les niveaux, en particulier pour les comités locaux de vigilance qui devraient disposer de ressources suffisantes.

Le représentant gouvernemental a nié que son gouvernement cherche à minimiser le problème du travail forcé. Toutefois, une fois que l'impulsion a été donnée au niveau fédéral, il faut s'assurer que des mesures soient prises dans la pratique à tous les niveaux dans les Etats et dans les territoires. Il faut aussi veiller à ce que l'impact des programmes mis en oeuvre soit examiné et que des actions correctrices interviennent pour les améliorer. En raison de l'ampleur du problème et de son lien étroit avec les questions de pauvreté et avec la situation des populations sans terres, il n'a pas été possible de prendre très rapidement des mesures effectives contre le travail en servitude. Les travailleurs en servitude eux-mêmes ne savent vraiment pas comment se sortir de cette situation difficile. En effet, ceux qui en ont été retirés grâce aux programmes gouvernementaux risquent d'y être de nouveau confrontés. Il est difficile d'avoir une image exacte du nombre de travailleurs en servitude qui ont pu sortir de cette situation, mais le gouvernement déploiera des efforts pour en avoir une meilleure connaissance.

Enfin, l'orateur a informé la commission que la question de la ratification des conventions nos 138 et 182 est à l'étude. La procédure de ratification de la convention no 182 est presque achevée. Pour ce qui est de la convention no 138, il n'existe pas de législation applicable dans l'ensemble du pays sur l'âge minimum d'admission à l'emploi. Des efforts sont en cours en vue de l'adoption d'une telle législation fixant un âge minimum d'admission à l'emploi à 14 ans, et à 18 ans pour les travaux dangereux. Le représentant gouvernemental a exprimé l'espoir que la convention no 138 sera ratifiée après que ses exigences auront été adoptées par la législation proposée.

Un autre membre employeur de l'Inde a déclaré que les difficultés rencontrées pour l'élimination du travail des enfants et du travail en servitude dans son pays ne sont pas le résultat d'un manque de volonté politique. Néanmoins, il pourrait être bénéfique que la commission soutienne et même augmente la pression qu'elle exerce sur le gouvernement pour une action effective. Cela ne signifie pas que l'on puisse croire pouvoir éliminer les problèmes en une nuit par édit ou par décret, ceux-ci pouvant tout au plus les rendre souterrains. L'orateur a encouragé la commission à se montrer patiente en laissant au gouvernement et aux partenaires sociaux en Inde une chance de traiter le problème de manière efficace.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour ses informations. Ils ont fait observer qu'ils avaient soulevé un certain nombre de questions afin d'aider le gouvernement à traiter les problèmes relevés par la commission d'experts de manière plus efficace. Il se sont réjouis de l'annonce de ce que la ratification des conventions nos 138 et 182 est actuellement considérée. Ils ont continué à exhorter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires afin d'éliminer le problème du travail forcé des enfants et ont lancé un appel à un soutien international plus important, y compris pour des ressources financières venant d'agences internationales. A propos des chiffres contestés concernant le travail en servitude, des méthodes différentes ont été utilisées par le gouvernement et par les autres organisations chargées de la conduite des enquêtes. Les membres travailleurs ont dès lors appuyé les commentaires formulés par la commission d'experts concernant l'importance vitale de disposer de données précises et ont prié instamment le gouvernement d'entamer les recherches nécessaires en se basant sur les méthodologies statistiques reconnues. Ils ont souligné que les statistiques produites n'étaient pas de simples chiffres; elles concernent des êtres humains et il est essentiel de savoir combien de personnes sont concernées avant de pouvoir entreprendre une action efficace. Enfin, ils ont rappelé, concernant les préoccupations exprimées par la commission d'experts, que le gouvernement a ratifié la convention et qu'il doit s'acquitter des obligations qui en découlent.

Les membres employeurs ont reconnu que le gouvernement avait consacré beaucoup de temps et de ressources pour s'atteler aux problèmes du travail en servitude et du travail des enfants. Ils l'ont instamment prié de ne pas adopter une attitude défensive à l'égard de la demande suggérant que l'efficacité de l'action entreprise soit évaluée. Cela devrait être considéré comme une occasion d'améliorer l'efficacité des moyens utilisés pour combattre les problèmes.

La commission a pris note des informations exhaustives fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté avec regret que, vingt ans après l'adoption de la loi de 1976 concernant l'abolition du travail en servitude, le phénomène existe toujours. Ce cas a été examiné par la présente commission à huit reprises au cours des quinze dernières années, mais les progrès réalisés en matière d'application des dispositions de la convention sont insuffisants. Bien que notant les initiatives du gouvernement pour éradiquer la problématique du travail en servitude dans tout le pays, ainsi que les difficultés de compilation de statistiques fiables, la commission a exprimé sa préoccupation concernant la disparité des statistiques existantes depuis des années et a invité le gouvernement à procéder à une enquête complète dont les résultats ne souffrent pas de contestation. La commission a noté l'engagement du gouvernement d'éliminer le travail des enfants et plus particulièrement le travail forcé des enfants. Toutefois, elle a également noté que de nombreux enfants vivent toujours en état de servitude et subissent d'autres formes de travail forcé. La commission a invité le gouvernement à fournir une aide juridique, notamment aux enfants travaillant dans le secteur non organisé, c'est-à-dire dans les petites unités de production qui ne sont pas couvertes par la loi sur les fabriques. En ce qui concerne la prostitution et l'exploitation sexuelle des enfants, la commission a pris note de l'existence d'une législation relative à cette question. Elle a exhorté toutefois le gouvernement à continuer de prendre des mesures concrètes pour éliminer ce phénomène, notamment à développer un système de statistiques fiables à cet effet. La commission a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement décrira en détail les mesures prises en collaboration avec les organisations non gouvernementales, tant au niveau national que local, ainsi que les progrès réalisés et le nombre de poursuites relatives à la violation de la législation en vigueur, afin que la pleine application de la convention, en droit et en pratique, puisse être constatée dans un proche avenir. La commission a lancé un appel pressant au gouvernement pour qu'il fournisse notamment une évaluation de l'efficacité des différentes mesures adoptées pour lutter contre le travail forcé et obligatoire.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1998, Publication : 86ème session CIT (1998)

Un représentant du gouvernement s'est référé à l'identification des travailleurs en servitude. La commission d'experts a demandé si une étude approfondie a été effectuée; en l'absence d'une telle étude, les estimations du nombre de ces travailleurs demeurent différentes. Notant que l'identification des travailleurs en servitude est un point controversé depuis plusieurs années, le représentant du gouvernement confirme que l'étude proposée par l'organisme national de sondage n'est pas programmée avant 1998-99. Le chômage, la pauvreté, l'analphabétisme et le déséquilibre entre l'offre et la demande de travail font envisager cette question sous un jour différent. Une enquête révélant le nombre de ces travailleurs à un moment donné peut révéler une autre situation au moment suivant, donnant lieu à des évaluations divergentes et l'impression que les chiffres ne sont pas justes. Par exemple, au cours de la période comprise entre deux études, de nouveaux cas peuvent faire surface parce que de nouveaux travailleurs sont tombés en servitude. Aussi, quelle que soit l'étude, même si elle est approfondie, elle peut donner l'impression d'être limitée dans un tel contexte socio-économique. Ce qui compte c'est une étude permanente du problème et des mesures efficaces pour l'aborder. En Inde, les responsables de haut niveau sont bien alertés du problème du travail en servitude. 251.000 travailleurs en servitude ont récemment été identifiés, dont environ 231.000 ont été réinsérés. Les autres travailleurs n'étaient pas disponibles pour la réinsertion parce qu'ils étaient morts ou avaient émigré. D'autres mesures importantes prises ces dernières années afin d'identifier et d'éliminer la pratique du travail en servitude sont les suivantes: en août 1996, le ministre du Travail de l'Union a écrit aux Premiers ministres de 12 Etats particulièrement exposés au travail en servitude en leur donnant des directives détaillées sur l'identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude; en octobre 1996, le ministre du Travail de l'Union a tenu une réunion de haut niveau avec les représentants des gouvernements des Etats, et, en mai 1997, le Comité des secrétaires au travail a présidé une réunion pour examiner le problème. Les travaux de ces réunions, depuis lors publiés, contiennent des directives détaillées pour les enquêtes d'identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude. La Cour suprême, dans une décision du 19 novembre 1996, a ordonné aux gouvernements de tous les Etats de se conformer, avant le 31 décembre 1996, aux directives du gouvernement central en ce qui concerne l'enquête sur les travailleurs en servitude. Sur cette base, les Etats ont rendu compte de 29.000 cas supplémentaires de travailleurs en servitude. Dans son dernier jugement du 10 novembre 1997, la Cour suprême a demandé à la Commission nationale des droits de l'homme (NHRC) d'assumer la responsabilité de la surveillance et de la mise en oeuvre de sa directive sur les travailleurs en servitude. Ces événements montrent que le gouvernement central, les gouvernements des Etats et la Cour suprême sont tous activement impliqués et conscients du problème du travail en servitude et que des mesures sérieuses sont prises pour identifier et réinsérer les travailleurs en servitude. Les statistiques fournies sur le nombre de travailleurs en servitude correspondent à celles données par les Etats dans leur déclaration devant la Cour suprême et acceptée par cette dernière. Le gouvernement n'a aucune raison de douter de la véracité de ces statistiques.

La présente commission a été informée en 1993 de la constitution d'un Comité des secrétaires au travail chargé de recommander une définition fonctionnelle du travail en servitude ainsi que les modalités et procédures de réinsertion de ces travailleurs. Le rapport de ce comité connu comme le "Chakrevarty Committee" a été examiné en détail par le ministre du Travail et il a semblé que ce rapport tenait plus du traité académique que du rapport basé sur une action menée sur le terrain. Il n'a donc apporté aucun élément nouveau à la définition établie dans les décisions judiciaires. Le comité ne semble pas non plus avoir apporté de solution procédurale ou méthodologique pour la conduite d'études destinées à identifier les travailleurs en servitude. De plus, sur la base de l'analyse de ses commentaires et plus particulièrement en ayant à l'esprit les directives du président de la Cour suprême dans son jugement du 16 décembre 1983 "Bandhua Nukhi Narcha contre l'Etat de l'Inde", les directives détaillées mentionnées ci-dessus ont été adressées à tous les ministres des Etats en août 1996 et à nouveau en janvier 1997 en ce qui concerne la définition du travail en servitude et la méthodologie à adopter pour l'identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude. En ce qui concerne la plainte du Syndicat des travailleurs en sous-traitance (Palamoori) du district de Mahabugnagar, il y est allégué que 600 travailleurs palamooris auraient été engagés par un contractant pour travailler dans des conditions proches de la servitude. La question a été examinée par l'Etat de Madhya Pradesh qui a établi qu'ils n'étaient pas des travailleurs en servitude mais des travailleurs sous contrat qui étaient venus travailler de leur plein gré.

S'agissant des organismes responsables, le gouvernement a longtemps envisagé de mettre en place une commission sur le travail en servitude. Toutefois, lors de la réunion des ministres du Travail des Etats du 18 mai 1995, il a été décidé par consensus que, puisque la Commission nationale des droits de l'homme avait été créée, une telle commission n'était pas nécessaire. La Commission nationale des droits de l'homme est pleinement compétente pour traiter les plaintes sur le travail en servitude. Elle peut mener des enquêtes, convoquer les parties concernées par toute question relevant du travail en servitude et émettre des directives. La Cour suprême a également chargé cette commission de superviser toute la procédure d'identification de libération et de réinsertion des travailleurs en servitude. La Commission nationale des droits de l'homme a reçu des rapports détaillés du ministère du Travail sur le travail en servitude et en a entendu les responsables à deux reprises. Un expert a également été désigné pour s'enquérir et enquêter sur les allégations de travail en servitude dans quatre Etats. Concernant les comités de vigilance, 22 Etats ont confirmé devant la Cour suprême que de tels comités avaient été mis en place dans chaque district et subdivision. Comme il a été noté par la commission d'experts en 1991, selon le rapport de la Commission nationale sur le travail rural (NCRL), les ministres du Travail ont pris des directives pour la création et la reconstitution des comités de vigilance où cela était nécessaire, dans la mesure où ils sont créés pour trois ans. Leur travail est supervisé au niveau des organes de l'Etat sous la présidence du ministre. Le Conseil central des travailleurs de l'éducation (CBWE) et l'Institut national du travail ont été mis en place pour sensibiliser les travailleurs à la question du travail en servitude. Des camps de formation sur le travail rural ont été créés à cette fin. Entre 1996 et 1997, le Conseil central des travailleurs de l'éducation a organisé 1.802 camps de sensibilisation auxquels ont participé environ 70.000 travailleurs ruraux. Les organisations syndicales n'ont pas joué dans ce domaine leur rôle de leaders. Elles opèrent principalement dans le secteur moderne alors que le travail en servitude existe principalement dans le secteur informel de l'agriculture, des plantations, des briqueteries, des carrières de pierres, etc. Le gouvernement apprécierait cependant leur implication. En fait, un projet impliquant les organisations syndicales pour mobiliser et organiser les travailleurs du secteur informel à travers l'éducation de ces derniers est en préparation avec l'OIT. En ce qui concerne la participation des organismes volontaires, le gouvernement s'en est félicité et a édicté des directives visant à assurer leur association à travers des mécanismes tels que les comités de vigilance. Dans ce système, il est également prévu d'accorder une aide financière aux organismes volontaires qui se chargent d'identifier les travailleurs en servitude. Selon les informations disponibles, le gouvernement du Tamil Nadu a mené, en collaboration avec une ONG, une enquête au cours de laquelle 25.000 travailleurs en servitude ont été identifiés. Le Kerala a confié la réalisation d'une étude sur la réinsertion des travailleurs qui étaient asservis dans certains districts à l'Institut du changement économique et social et à l'Institut Ghandi du travail. S'agissant du commentaire de la commission d'experts sur le décalage entre le moment de la libération et celui de la réinsertion et de sa demande d'informations sur le suivi et les rechutes dans la servitude, le représentant gouvernemental a reconnu la lenteur du processus et a indiqué qu'elle était due à de nombreux facteurs. Par exemple, on réclame aux travailleurs un certificat attestant leur libération, ou bien, comme ils sont sans terres et sans ressources, on préfère travailler à leur réinsertion par une approche de groupe, ce qui nécessite de les amener au même niveau et de leur fournir les éléments nécessaires à leur réinsertion (des terres, un accès au crédit, des semences, etc.). Toutes ces mesures qui nécessitent une coordination prennent du temps. Néanmoins, des résultats ont été obtenus et, parmi les 250.000 travailleurs en servitude identifiés au cours de l'enquête précédente, 231.000 ont été réinsérés. Le gouvernent central a demandé aux gouvernements des Etats d'intervenir rapidement sur les 29.000 nouveaux cas de travail en servitude. L'Etat du Tamil Nadu s'est ainsi engagé à assurer la réinsertion de 10.000 travailleurs au cours de 1997 et de 1998. Le gouvernement central a dépensé 30 millions de roupies pour réinsérer 6.000 travailleurs dans les 12 Etats. Il a publié des directives détaillées destinées aux Etats pour intégrer le mécanisme centralisé de patronage aux programmes de lutte contre la pauvreté en cours et pour centraliser les ressources disponibles pour une réinsertion effective des travailleurs. Aucune évaluation au niveau national sur l'intégration et ses résultats n'a été encore réalisée.

Quant aux mécanismes assurant le respect des dispositions légales, l'article 16 de la loi de 1976 sur le système de travail en servitude (abolition) prescrit les sanctions applicables en cas de non-respect de ses dispositions. Elle prévoit des peines d'emprisonnement allant jusqu'à trois ans et des amendes pouvant s'élever à 2.000 roupies. Pour accélérer les procédures judiciaires, des magistrats de l'exécutif se sont vu conférer les pouvoirs de magistrats judiciaires pour entendre les allégations de manquement. La tenue de procès sommaires a été ordonnée. Les informations relatives aux sanctions infligées pour des violations récentes de la loi ont été communiquées par les Etats.

S'agissant des enfants en servitude, la loi ne fait aucune distinction entre les travailleurs asservis, qu'il s'agisse d'adultes ou d'enfants. D'après les informations fournies par les Etats, le problème des enfants en servitude apparaît marginal: parmi les 251.000 travailleurs en servitude, 3.300 sont des enfants. Des informations sur le nombre d'enfants impliqués dans les 29.000 cas de travail en servitude récemment identifiés sont actuellement collectées par les gouvernements des Etats et seront communiquées à la commission d'experts dès qu'elles seront disponibles. Suite à la décision de la Cour suprême du 10 décembre 1996, dans l'affaire opposant M.C. Mehta à l'Etat du Tamil Nadu, un certain nombre de mesures ont été prises. Les gouvernements des Etats ont rapidement, le 26 décembre 1996, envoyé des directives détaillées précisant de quelle manière on pouvait donner effet aux instructions de la Cour suprême. Le 31 décembre 1996, il a été convenu de tenir une réunion pour discuter desdites instructions et, le 22 janvier 1997, d'organiser une conférence des secrétaires du travail des Etats en vue de finaliser des programmes d'action concrets pour mettre en oeuvre ces instructions. Suite à cette conférence, les gouvernements des Etats ont envoyé des directives détaillées pour réaliser les études prescrites par la Cour suprême. Enfin, les secrétaires du travail des Etats ont tenu une nouvelle réunion, les 7 et 8 juillet 1997, pour passer en revue les mesures prises par les gouvernements des Etats. Il en ressort que la plupart des Etats ont réalisé l'étude en question et que les fonds sociaux de réinsertion dont la Cour suprême avait recommandé la création sont en cours de constitution. Dans de nombreux cas, des avertissements ont été adressés aux personnes employant des enfants dans des secteurs d'activité dangereux interdisant l'emploi des enfants pendant plus de six heures par jour et obligeant ces employeurs à financer au moins deux heures d'école quotidiennes. Selon les informations fournies par les Etats, un affidavit a été déposé auprès de la Cour suprême, le 5 décembre 1997, certifiant que la première phase d'étude avait été réalisée dans tous les Etats, sauf dans celui de Nagpur, que 500.000 travailleurs âgés de moins de quatorze ans avaient été identifiés, dont 100.000 effectuant des activités dangereuses, et que les Etats dans lesquels des enfants travaillant dans des secteurs d'activité dangereux avaient été identifiés avaient déjà pris des mesures pour constituer un fonds social de réinsertion au niveau des districts. De plus, dans certains districts, ces fonds ont déjà été installés. Dans certains Etats, des unités ont été mises en place pour assurer l'application et le contrôle des diverses dispositions de la loi de 1976 sur le travail en servitude (abolition). Le gouvernement central a entamé le processus d'amendement de la loi de 1986 sur le travail des enfants (interdiction et réglementation) afin de la rendre plus efficace, en tenant compte des suggestions faites par les gouvernements des Etats.

Quant à l'exploitation sexuelle, le représentant gouvernemental a déclaré qu'il avait été demandé aux gouvernements des Etats d'instituer des comités consultatifs afin d'éliminer la prostitution des enfants et d'élaborer des programmes sociaux destinés à ces enfants. On ne dispose pas de plus amples renseignements sur ce sujet mais, dès que de nouvelles informations seront transmises par les Etats, elles seront communiquées à la commission d'experts.

Les membres employeurs ont noté que ce cas avait été examiné à plusieurs reprises au cours des dix dernières années et plus récemment en 1995. D'ailleurs, en 1994, cette commission avait fait mention d'un paragraphe spécial sur ce cas dans son rapport. Ils estiment essentiel que de plus amples informations soient fournies concernant l'étendue du travail en servitude et des autres formes de travail forcé, les organes compétents ainsi que les mesures concernant les personnes libérées du travail en servitude. De plus, ils soulignent que la situation du travail en servitude des enfants constitue également un très grave problème. En ce qui a trait à l'ampleur de ce problème, les membres employeurs notent que plusieurs chiffres ont été avancés mais qu'à ce jour aucun recensement sérieux n'existe. En effet, le gouvernement a annoncé que 256.000 travailleurs en servitude auraient été libérés; d'autres estimations ont fait référence à environ cinq à dix millions de travailleurs en servitude. La Commission des droits de l'homme des Nations Unies a souligné le manque de mesures efficaces pour éradiquer ce problème. Le gouvernement central a fait référence à la responsabilité des gouvernements des différents Etats afin d'identifier l'ampleur du problème du travail en servitude et de libérer ces travailleurs, et a fait également référence à des réunions tenues entre le gouvernement central et ceux des différents Etats. Toutefois, aucune décision finale n'a été prise lors de ces réunions. De plus, les gouvernements des Etats ont nié l'existence même du travail en servitude et le gouvernement central ne fait qu'attendre le résultat d'une décision de la Cour suprême avant de prendre une décision finale sur l'opportunité d'établir un recensement national sur l'existence et le nombre de travailleurs en servitude. Le gouvernement n'a également pas répondu aux observations des organisations non gouvernementales sur ce sujet. Les membres employeurs estiment donc que la situation actuelle est non seulement insatisfaisante, mais inacceptable. En ce qui a trait à la question de savoir qui était responsable du problème du travail en servitude, ils remarquent que ce point n'est toujours pas élucidé. Bien qu'une loi datant de 1976 abolissant le travail en servitude ait été adoptée et que plusieurs comités de surveillance, qui ne fonctionnent pas tous, furent créés, il n'apparaît toujours pas clair de savoir sur qui repose la compétence juridique de traiter ce problème entre le gouvernement fédéral en ce qui concerne l'élaboration de la législation générale et les gouvernements des différents Etats. A cet effet, les membres employeurs insistent sur la nécessité d'avoir une répartition claire des compétences juridiques afin de pouvoir établir un réseau d'agences efficaces chargées de coordonner l'abolition du travail en servitude. A cet égard, les syndicats devraient être impliqués puisque le travail en servitude existe également dans des secteurs d'activité couverts par lesdits syndicats. Toutefois, ils soulignent que toutes ces activités doivent être coordonnées et aller dans la même direction. En ce qui a trait à la réinsertion, compte tenu du peu d'informations disponibles, il est fait également état de mesures disparates et non homogènes concernant les programmes de réinsertion oeuvrant pour la réintégration des travailleurs en servitude. En effet, certains Etats ont fait mention de paiements de certaines sommes d'argent, tandis que d'autres Etats auraient fait don de maisons et de terrains. Toutefois, il s'agit de solutions parcellaires et aucune de ces mesures ne représente un programme de réhabilitation national applicable pour l'Inde entière. De plus, aucune information n'est disponible concernant les poursuites judiciaires et leurs résultats.

En ce qui concerne les enfants en servitude ou soumis à d'autres formes de travail forcé, les membres employeurs ont constaté que le gouvernement n'a pas répondu aux observations formulées, en 1997, par la Confédération mondiale du travail au sujet du travail des enfants en servitude. Bien qu'il soit difficile de déterminer si certaines situations relèvent du travail en servitude ou d'autres formes de travail forcé d'enfants, en particulier les formes de travail les plus dangereuses s'effectuant sous la contrainte, il ne fait aucun doute que le travail forcé d'enfants existe bien sur une vaste échelle dans le pays. Il convient de se féliciter de la décision de la Cour suprême en 1996 qui a ordonné l'adoption d'un certain nombre de mesures: retrait des enfants du travail dans les industries dangereuses, réalisation d'une enquête pour identifier les enfants travaillant dans des secteurs d'activité dangereux et versement d'une somme par les employeurs contrevenants à un fonds constitué pour l'éducation des enfants, fourniture d'emploi à un membre adulte de la famille de l'enfant ayant été retiré du travail et versement d'une aide financière aux familles d'enfants retirés du travail. En ce qui concerne l'exploitation sexuelle et la prostitution d'enfants, il convient de noter l'élaboration de programmes sociaux destinés à prodiguer des soins aux enfants, à les protéger et à permettre leur développement et leur réinsertion. Des informations complémentaires sont néanmoins nécessaires sur l'étendue et la mise en oeuvre de ces programmes. A cet égard, l'Institut Tata des sciences sociales a mené une étude sur le sujet qui doit être notée par l'OIT. La Commission des droits de l'homme des Nations Unies a déploré l'ampleur de la prostitution d'enfants. Compte tenu du fait que ces informations sont disponibles, il est regrettable que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations détaillées sur cette question particulière. Le représentant gouvernemental a en effet déclaré qu'aucune information sur l'exploitation sexuelle des enfants n'était disponible. Il convient d'appeler le gouvernement à fournir des informations détaillées sur l'ampleur particulière de ce phénomène, sans lesquelles aucune solution appropriée ne pourra être trouvée. Tout en reconnaissant les arguments du gouvernement ainsi que les difficultés résultant de la structure fédérale du pays, il convient néanmoins de souligner que c'est au gouvernement qu'il appartient d'assurer l'application de la législation en vigueur et de mettre en oeuvre une politique cohérente et intégrale dans ce domaine.

Les membres travailleurs ont indiqué que malgré les déclarations du représentant gouvernemental, aujourd'hui et précédemment, la situation demeure la même avec fort peu de preuves d'un quelconque progrès, après quatorze ans de discussion au sein de la présente commission. Ils soulignent que, pour des millions de citoyens indiens, la réalité quotidienne est de vivre dans un quasi-esclavage avec guère d'espoir d'une quelconque amélioration. La commission d'experts cite les chiffres de 5 millions d'adultes et 10 millions d'enfants travaillant en servitude. D'autres groupes dignes de foi avancent des chiffres encore plus élevés tandis que le gouvernement n'en reconnaît qu'une fraction. Il semble aux membres travailleurs que le gouvernement demeure peu désireux, voire incapable, de reconnaître l'ampleur du problème, encore moins de mettre en oeuvre les mesures efficaces pour y remédier. Après toutes ces années, la commission d'experts, les membres employeurs et les membres travailleurs demeurent très sceptiques quant à l'existence effective d'un programme complet destiné à éliminer le travail en servitude, en application de la convention.

Au paragraphe 3, la commission d'experts prend à son compte une importante observation faite en août dernier par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies au sujet du rapport officiel de l'Inde sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Commission des droits de l'homme constate que "les mesures d'éradication qui ont été prises ne semblent pas se traduire par de réels progrès sur le plan de la libération et de la réinsertion des travailleurs en servitude". Au paragraphe 7, la commission d'experts prie instamment de nouveau le gouvernement "de prendre des mesures efficaces et énergiques pour identifier et libérer les travailleurs en servitude dans le pays et pour rassembler des données statistiques qui permettraient d'avoir une idée précise du problème et, ainsi, contrôler l'efficacité des mesures prises pour y faire face". A cet égard, la commission d'experts constate qu'en mars 1995, la Cour suprême a ordonné la réalisation d'une enquête indépendante dans 13 Etats afin de vérifier les déclarations de ces Etats selon lesquelles le travail en servitude n'y existe plus et de déterminer si la pratique de ce travail y a effectivement été éliminée. Aujourd'hui, plus de trois ans après, le gouvernement déclare attendre les résultats de cette enquête pour décider de la nécessité d'une étude à l'échelon national. Les membres travailleurs se préoccupent vivement du manque d'action pour seulement reconnaître le problème. Ils prient à nouveau instamment le gouvernement de mener au plan national une enquête globale sur l'ampleur du problème. La tâche n'est pas facile: voilà peut-être un domaine où l'OIT et d'autres organisations internationales pourraient apporter leur concours.

La commission d'experts aborde, aux paragraphes 8 à 11 de son rapport, la question de savoir quels sont les organes gouvernementaux chargés de s'occuper du travail en servitude, déplorant, comme par le passé, que "l'on ne dispose plus désormais d'un tableau d'ensemble de la situation publié régulièrement par un organisme public". La question de la responsabilité fédérale par rapport à celle des Etats est reprise ici et ailleurs. Il s'agit d'un domaine particulièrement préoccupant d'autant que, comme le note la commission d'experts, les gouvernements des Etats affirment tous qu'il n'y a plus de travailleurs en servitude à identifier, libérer et réinsérer dans leurs Etats. Etant donné l'opinion des Etats, le gouvernement national a besoin d'une aide au plan local pour remédier sérieusement au travail en servitude. La commission d'experts n'a cessé de demander des informations sur le fonctionnement des comités de vigilance dont la loi de 1976 prévoyait la mise en place. Du peu d'informations récemment reçues, il faut conclure que très peu de ces comités sont actifs. Il est également particulièrement préoccupant de constater, selon l'information du gouvernement de l'Inde à la commission d'experts, que les crédits destinés aux organismes volontaires chargés de combattre le travail en servitude ont été transférés aux Etats. Au paragraphe 12, la commission d'experts demande des informations sur le fonctionnement de ce mécanisme. En fait, très peu de crédits sont fournis aux ONG locales qui ont la compétence et la volonté d'aider le gouvernement à s'attaquer au problème.

Enfin, au paragraphe 11, la commission d'experts estime qu'il faut de nouveau soulever la question de la participation des syndicats à l'élimination du travail en servitude. Comme le note la commission d'experts, ce travail existe à l'évidence dans nombre de secteurs où les travailleurs ont le droit de se syndiquer, tels que carrières de pierres, briqueteries, constructions et travaux publics, foresterie, fabrication de bidis (cigares traditionnels) et tissage des tapis. Au lieu de s'opposer à la participation des syndicats à l'effort visant à éliminer le travail en servitude dans ces branches d'activité, le gouvernement est prié de les considérer comme de précieux et efficaces partenaires et à les associer à l'effort entrepris. Le représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement suivrait cette voie et les membres travailleurs espèrent qu'il le fera.

Le gouvernement de l'Inde maintient sa position qu'il n'est pas nécessaire de créer une commission nationale sur le travail en servitude qui serait chargée d'appliquer la loi de 1976, prétextant que ce rôle incombe à la Commission nationale des droits de l'homme établie en 1993. Au paragraphe 9 de son rapport, la commission d'experts fait état du peu d'informations reçues sur la Commission nationale des droits de l'homme malgré les demandes réitérées concernant notamment les pouvoirs réels dont cette commission est investie et les mesures prises pour appliquer la loi. Il serait extrêmement utile que le représentant gouvernemental informe bien plus qu'il ne l'a fait jusqu'ici la commission sur les mesures effectivement prises par la Commission nationale des droits de l'homme.

Quant à la question du respect de la législation reprise au paragraphe 17 du rapport, la commission d'experts signale que "le gouvernement indique qu'il n'a pas été engagé de nouvelles procédures parce qu'il n'a pas été découvert de nouveaux cas de travail en servitude". Le représentant gouvernemental le confirme. L'absence de nouvelles poursuites a été jadis invoquée par le gouvernement pour confirmer son déni de l'existence du travail en servitude. Pour les membres travailleurs, le peu de poursuites engagées fait sérieusement douter de l'attachement du gouvernement à éradiquer le travail en servitude et le travail des enfants. En outre, un certain nombre de mesures reconnues par le gouvernement, comme la création d'un fonds social destiné à l'éducation des enfants qui travaillent dans des domaines d'activité dangereux, dépendent des contributions versées par les employeurs contrevenants. Le fait qu'il y ait peu ou pas de poursuites suggère que ces contributions devraient augmenter sensiblement avant que de tels programmes puissent porter leurs fruits.

La commission d'experts reprend la question des enfants en servitude et autres formes de travail obligatoire aux paragraphes 18 à 28, concluant au paragraphe 20 qu'"il ne semble pas faire de doute que l'assujettissement d'enfants au travail forcé se pratique sur une vaste échelle dans le pays". De nouveau, le gouvernement semble contester cette conclusion. Voilà trois ans, quand cette commission a examiné ce cas, une forte préoccupation a été exprimée au sujet de la sécurité de Kailash Sathyarti, responsable de la South Asia Coalition of Child Servitude. Juste avant la Conférence en 1995, Kailash a été incarcéré et menacé de mort pour avoir dénoncé le travail d'enfants dans l'industrie des tapis. Aujourd'hui, trois ans plus tard, il a conduit la Marche mondiale qui a culminé la semaine dernière, par l'ouvertute de la Conférence internationale du Travail, au cours de laquelle il est intervenu. Les membres travailleurs espèrent que ce genre de sensibilisation de l'attention internationale protège davantage les organisations et les personnes comme Kailash qui ont oeuvré très concrètement, souvent au péril de leur vie, en vue d'éradiquer le travail des enfants et le travail en servitude.

Aux paragraphes 25 à 27, les experts abordent le problème terrifiant de la prostitution d'enfants et de la traite des femmes et des jeunes filles contraintes à la prostitution. Le représentant gouvernemental déclare qu'il n'a pas d'informations à ce sujet. La commission partage de nouveau les vives préoccupations exprimées par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies quant à l'absence de mesures efficaces destinées à prévenir de telles pratiques et à protéger et réinsérer les victimes. En outre, la commission fait siennes les conclusions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies que contraindre à la prostitution est incompatible avec la convention no 29 et qu'il faut, conformément à cette convention, changer les dispositions de la loi sur la prévention des trafics immoraux, selon laquelle les femmes ayant été contraintes à la prostitution tombent sous le coup de la loi et qui fait peser sur la femme la charge de la preuve de son innocence.

Les membres travailleurs comprennent véritablement la complexité de ce problème, en particulier en Inde, pays si grand, si densément peuplé et si pauvre. Ils comprennent qu'il est difficile d'éliminer le travail en servitude en pareilles circonstances et que cela ne saurait se faire du jour au lendemain. Mais ce qu'ils cherchent, depuis plus de quatorze ans, c'est d'abord de faire reconnaître par le gouvernement de l'Inde qu'il existe dans ce pays le problème majeur du travail en servitude qui touche non seulement les adultes, mais aussi des millions d'enfants. Ils souhaitent ensuite que le gouvernement mette en vigueur, à l'échelon national et local et à celui des Etats, un train de mesures qui comprennent la participation effective des syndicats, des ONG et des employeurs, qui correspondent à l'énormité du problème et qui donnent des résultats réels et patents. Ni la commission, au cours de ses sept précédents débats depuis 1986, ni la commission d'experts ne doivent être convaincues que des progrès réels ont été accomplis et malheureusement, selon les membres travailleurs, peu d'informations à ce jour indiquent la réalisation de quelque progrès.

Le membre employeur de l'Inde a insisté sur le fait qu'il était important que la présente commission comprenne la situation socio-économique, la culture et les mentalités indiennes pour mieux apprécier la situation au regard de la convention (no 29) sur le travail forcé. Il est nécessaire de replacer dans le contexte indien les commentaires de la commission d'experts sur l'absence de mesures gouvernementales effectives pour éliminer le travail en servitude. En effet, l'Inde est un vaste pays ayant une structure fédérale et tout ce qui concerne le travail fait l'objet d'un partage de compétences entre les gouvernements des Etats et le gouvernement central. Ainsi, le gouvernement central doit obtenir les informations sur la libération et la réinsertion des travailleurs qui étaient en servitude auprès des gouvernements des Etats qui sont les autorités compétentes en matière d'application.

Le travail en servitude ne sévit pas dans le secteur structuré mais, la plupart du temps, dans les zones rurales et pour des travaux précaires. Il est par conséquent difficile d'identifier le travail en servitude qui a, le plus souvent, un caractère migratoire. C'est ce qui explique pourquoi le gouvernement ne dispose pas de système fiable d'identification des travailleurs en servitude. Néanmoins, le gouvernement a largement sensibilisé l'opinion au problème du travail en servitude et a largement diffusé des informations sur les sanctions encourues. Ces mesures ont eu un impact très positif. Il convient de souligner que les organisations d'employeurs d'Inde s'élèvent contre le travail forcé, mais qu'elles n'ont pas d'influence directe sur les employeurs utilisant de la main-d'oeuvre en servitude, dans la mesure où ces employeurs ne font pas partie de leurs membres. Ce n'est pas au gouvernement qu'il incombe d'impliquer les syndicats dans le processus d'élimination du travail forcé. Les syndicats devraient entreprendre des actions pour organiser les travailleurs dans le secteur non structuré et utiliser les mécanismes mis en place par le gouvernement pour éliminer le travail forcé. Il appartient aux dirigeants syndicaux de s'organiser pour défendre leurs intérêts, car ni les organisations d'employeurs ni le gouvernement ne sont en mesure de le faire. Il est regrettable de constater que peu d'ONG s'occupent du travail en servitude.

La réinsertion ne peut que pâtir de l'absence d'identification des travailleurs en servitude. Toutefois, il ressort du rapport du gouvernement que, lorsque des travailleurs ont été libérés, une somme de 10.000 roupies par personne est consacrée à leur réinsertion. Le gouvernement devrait aussi permettre aux travailleurs libérés de suivre une formation en vue de faciliter leur retour à l'emploi.

Le travail des enfants et le problème des enfants en servitude sont des questions qui sont traitées par une commission de la Conférence distincte. Néanmoins, il convient de rappeler que les organisations d'employeurs d'Inde sont fermement opposées au travail des enfants et, en particulier, au travail des enfants en servitude. Il faut toutefois dire que ce n'est pas parce que des parents, sous la pression de nécessités économiques, font travailler leurs enfants que ces derniers apparaissent dans la servitude des enfants. De tels cas devraient être examinés séparément. Il en est de même pour les questions liées à la prostitution des enfants et au trafic de femmes et de jeunes filles. En effet, même s'il s'agit de pratiques graves et qu'il incombe au gouvernement et aux organisations non gouvernementales d'y mettre fin, ces problèmes et leurs solutions sont différents de ceux qui touchent le travail forcé. Les organisations internationales devraient soutenir plus vigoureusement les efforts déployés pour éliminer le travail en servitude, en Inde. Il convient cependant d'être optimiste car, avec l'engagement et la coopération de toutes les parties concernées, il n'est pas loin ce jour où ces problèmes trouveront leur solution.

Le membre travailleur de l'Inde, s'exprimant au nom de son organisation, la Bharatiya Mazdoor Sangh, qui représente plus de quatre millions de travailleurs, a signalé que les causes réelles du problème du travail forcé sont la pauvreté et l'analphabétisme, et que le fait que plus de 40 pour cent des 950 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté est un facteur significatif. Il est d'accord que le gouvernement doit jouer un rôle bien que, selon l'orateur, il soit déjà en train de le faire actuellement. La Cour suprême ainsi que la Commission nationale des droits de l'homme se sont occupées aussi de la question. Le gouvernement central ainsi que les gouvernements des Etats fédérés et les pouvoirs judiciaires essayent sincèrement de supprimer ce problème. Cependant, il faut reconnaître qu'il ne s'agit pas d'un problème qui peut être éliminé en dix ou quinze ans. Il faut de la patience puisque l'Inde est devenue indépendante il y a seulement cinquante années.

Le membre travailleur du Brésil a déclaré partager la préoccupation de la commission d'experts face à la persistance du très grave problème de la servitude pour dettes en Inde, dont l'ampleur est énorme. La première démarche en vue de résoudre le problème est d'identifier la main-d'oeuvre utilisée en servitude et pouvoir compter sur toutes les données à ce sujet, ainsi que les raisons qui empêchent de résoudre ce problème. La présente commission doit donc inviter instamment le gouvernement à effectuer des études dans ce domaine et à mener à bien des politiques efficaces de libération et d'intégration des travailleurs concernés, notamment des mesures qui renforcent les sanctions prévues par la législation. Le gouvernement doit également accepter la collaboration de la société et des syndicats et profiter de l'assistance que peuvent offrir les équipes multidisciplinaires de l'OIT, pour que le gouvernement compte sur toutes les données, adopte les politiques publiques nécessaires et hâte ainsi la résolution de ce problème. La commission doit prier instamment le gouvernement d'adopter les mesures mentionnées.

Le membre travailleur du Zimbabwe a indiqué que, même s'il n'y a pas d'accord sur le nombre des enfants et des adultes en servitude ou soumis à d'autres formes de travail obligatoire en Inde, il est évident, d'après les informations dont on dispose, que le travail en servitude des enfants et des adultes est une réalité et pourrait même être en augmentation si l'on en juge d'après les données contradictoires existant sur l'ampleur du phénomène. La question n'est pas de savoir s'il existe ou non, mais c'est une question de principe que d'éliminer le travail en servitude sous toutes ses formes, en particulier celui qui met en cause des enfants. Et même si cela ne concernait qu'un seul enfant, le travail en servitude devrait être condamné dans son principe. En outre, il est impensable que telles pratiques médiévales aient encore cours dans un pays qui se livre à des essais nucléaires. En conséquence, il importe que le gouvernement de l'Inde prenne des mesures pour renforcer la législation en vue d'assurer sa pleine conformité avec les dispositions de la convention no 29.

Le membre travailleur de l'Allemagne a souligné la gravité du problème que représente le travail en servitude des enfants ainsi que les autres formes de travail forcé. Il estime que l'information fournie par le gouvernement est insuffisante au vu de l'ampleur du problème, surtout que ce problème n'inclut pas la question du travail des enfants, ce dernier ayant bénéficié de l'assistance du Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) de l'OIT. Bien que ce problème soit discuté depuis quatorze ans, le gouvernement n'a toujours pas fourni d'informations satisfaisantes à la commission d'experts. Afin d'illustrer ce manque d'informations, l'orateur donne trois exemples contenus dans le rapport de la commission d'experts. En effet, la commission d'experts demande toujours au gouvernement des informations sur d'éventuels programmes concernant "l'identification, la remise en liberté et la réhabilitation des enfants contraints de travailler en servitude". Concernant la demande du gouvernement de créer des comités oeuvrant pour l'éradication du travail des enfants dans tous les Etats, la commission d'experts n'a toujours pas été informée de l'existence effective de ces comités ni du travail qu'ils auraient pu accomplir à ce jour. De plus, dans l'Etat de l'Uttar Pradesh, le gouvernement local a organisé un recensement sur le problème de la prostitution infantile sans pour autant en communiquer les résultats à la commission d'experts. L'orateur réitère une fois de plus l'importance de la convention no 29, particulièrement en ce qui concerne le travail des enfants en servitude et la prostitution infantile. Ainsi, il estime essentiel que le gouvernement fournisse instamment l'information la plus détaillée sur ce sujet afin de permettre un examen approfondi de cette question. Il reconnaît les difficultés socio-économiques de nombreuses familles qui se voient forcées de contracter un emprunt qui souvent ne pourra être remboursé que grâce au travail des enfants. Toutefois, même si le gouvernement ne reconnaît pas l'existence d'enfants en servitude, il doit préciser si la décision prise par la Cour suprême, en 1996, et citée par la commission d'experts dans son rapport s'applique à l'ensemble du territoire indien ou seulement à l'Etat du Tamil Nadu. Il doit également indiquer le nombre d'enfants envoyés à l'école après leur retrait du travail en servitude. En outre, le gouvernement devrait fournir des informations sur le nombre d'employeurs qui contribuent au fonds constitué pour l'éducation des enfants qui travaillaient dans des secteurs d'activité dangereux. Par ailleurs, il convient de rappeler la déclaration effectuée par le gouvernement devant la présente commission en séance plénière, lors de l'examen de ce cas en 1995, selon laquelle il prit l'engagement de retirer du travail en servitude 2 millions d'enfants d'ici l'an 2000. En conséquence, le gouvernement devrait être prié d'indiquer dans quelle mesure cette promesse a été concrétisée. Enfin, la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'y a pas d'information disponible sur la prostitution d'enfants est particulièrement préoccupante. Confrontée aux conclusions formulées en 1997 par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et aux commentaires de la commission d'experts, cette déclaration montre un défaut de prise de conscience de la part du gouvernement. Aussi, les conclusions de la présente commission doivent exprimer sa profonde préoccupation sur cette question.

Le membre travailleur de Colombie a déclaré que la commission se trouve, une fois de plus, face à un cas très grave, celui du travail en servitude pour paiement de dettes, qui constitue non seulement une violation flagrante de la convention no 29, mais aussi des droits de l'homme les plus fondamentaux. Il ne fait aucun doute que cette forme aberrante d'exploitation doit être éradiquée, en donnant la priorité aux mesures destinées à libérer les enfants qui se trouvent dans cette situation et en élaborant parallèlement un travail pour libérer les adultes. L'orateur s'est demandé s'il existe une volonté politique du gouvernement d'éradiquer ce fléau, si les entreprises sont disposées à offrir autre chose et quelle est la politique économique prévue pour garantir une distribution équitable des revenus. Il faut, à ce sujet, effectuer une analyse de fond. Enfin, il a signalé que la commission doit demander instamment au gouvernement d'assumer le rôle qui lui revient -- protéger les enfants et les adultes de l'exploitation à laquelle est soumise une grande partie de la population -- et a souligné que, tant que ces conditions existent, il est très difficile de parler de paix, de démocratie et de développement dans le monde.

Le membre travailleur du Pakistan a estimé que les enfants sont l'avenir de la prospérité de l'humanité et que pour résoudre ces problèmes, notamment dans les pays en développement, il est nécessaire d'allouer plus de ressources pour l'éducation et la formation des enfants. Le système lui-même dénie l'égalité d'opportunités aux enfants des pauvres. Bien que le gouvernement de l'Inde ait intérêt à allouer plus de ressources à l'éducation et la formation des enfants afin de résoudre les problèmes du travail des enfants, il y a aussi d'autres parties dans la société qui ont des ressources qui devraient être dirigées vers l'éducation des enfants. Ce problème causé par la pauvreté et l'analphabétisme a besoin d'un effort continu et concerté de la part du gouvernement. Une des façons de résoudre certains aspects du problème du travail des enfants serait de suivre les recommandations de la commission d'experts.

Le représentant gouvernemental de l'Inde a remercié des commentaires formulés par les différents membres. En ce qui concerne les points soulevés par plusieurs intervenants sur les raisons pour lesquelles le gouvernement n'avait pas réalisé une étude exhaustive, il a indiqué que la Cour suprême avait ordonné qu'un avocat et une agence de volontaires soient mandatés pour réaliser cette étude. En conséquence, le gouvernement central n'était pas partie prenante en ce qui concerne la réalisation de cette étude. Par ailleurs, il a accepté le fait que seulement 29.000 victimes du travail forcé par servitude ont été identifiées et que la Cour suprême avait accepté ce chiffre. Par conséquent, il ne peut comprendre les raisons de mentionner un chiffre de 10 millions. En ce qui concerne le travail des comités de surveillance, il a assuré la commission qu'ils agissaient dans chaque district en Inde. La Cour suprême a chargé un organe indépendant, la Commission nationale des droits de l'homme, de la responsabilité de coordonner l'abolition du travail par servitude. Par conséquent, le problème dans son ensemble se trouve en dehors du gouvernement central et se trouve maintenant au niveau d'agences indépendantes.

Un autre représentant gouvernemental a déclaré que le travail des enfants était une question qui nécessitait une grande sensibilité. Le nouveau gouvernement élu est entièrement engagé en faveur de l'élimination du travail des enfants. Ceci peut être constaté par l'augmentation des crédits budgétaires alloués à l'éducation par le gouvernement lors de la présentation du nouveau budget au parlement. Cependant, le gouvernement central ne peut pas forcer les gouvernements des Etats, qui sont souverains, pour qu'ils considèrent ce point comme une priorité. Il a indiqué que le travail des enfants de même que le travail par servitude peuvent se trouver largement répandus dans les secteurs informels, notamment dans l'agriculture. Dans ce secteur, un large nombre d'enfants aident leurs parents à réaliser diverses tâches et par conséquent cela ne peut pas être nommé strictement comme travail des enfants. Il a souligné que les raisons principales du travail des enfants sont la pauvreté des parents et l'analphabétisme. Une autre cause est le chômage et le sous-emploi, qui sont des phénomènes bien connus aussi dans d'autres pays. Le fait que son gouvernement est engagé dans la résolution de ce problème est reflété dans l'établissement d'un certain nombre de schémas de lutte contre la pauvreté. En outre, sous la présidence du ministre du Travail de l'Union, une Commission nationale pour l'élimination du travail des enfants a été créée. Son pays a adopté une approche multi-factorielle pour résoudre ce problème. Le dernier, et peut-être le plus important, des points est la question de la persévérance. Si, par exemple, 100 millions d'enfants étaient libérés du travail, le problème ne serait pas résolu si cette situation n'était pas maintenue et les enfants seraient retournés travailler. Enfin, il est important d'observer que les projets nationaux sur le travail des enfants ont essayé de résoudre la situation de 100.000 enfants environ, et que l'Inde a été le premier signataire du Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) en 1992.

Un autre représentant gouvernemental a déclaré que, le travail forcé étant l'objet de juridictions concurrentes, la loi sur le système de travail par servitude (abolition) de 1976 a laissé la responsabilité de l'application de la loi aux gouvernements des Etats. On doit tenir compte de la grande extension du territoire de l'Inde avec ses larges disparités entre différents groupes en fonction de la caste, de la classe, de l'ethnie, de la langue et d'autres facteurs. Il est très difficile de montrer la société indienne d'une façon uniforme puisqu'il s'agit d'une société fragmentée. Bien que la nature fragmentée de la société, les larges différences économiques, le manque d'éducation contribuent énormément au problème du travail par servitude, le manque de conscience des personnes affectées contribue aussi à aggraver ce problème d'une façon importante. Selon son expérience, de nombreux travailleurs par servitude n'ont pas la capacité de réaliser qu'ils sont en situation de servitude, et une fois qu'ils ont été libérés, souvent ils retournent à la servitude. Bien que ceci ne justifie pas l'existence du problème, cela l'explique. Il a signalé que l'Organisation nationale des études et statistiques a estimé il y a dix ans qu'il y avait 350.000 travailleurs en servitude. Cette organisation suit certains principes d'ordre statistique très précis. Il se dit sûr qu'après l'entrée en vigueur des lois concernant les enfants et le travail par servitude il y a eu une réduction considérable dans le chiffre de 350.000 travailleurs par servitude, même s'il n'a pas pu donner le nombre exact à l'heure.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a souhaité attirer l'attention sur une donnée statistique internationale, selon laquelle plus de 100 millions de personnes en Inde ont une richesse supérieure à la richesse moyenne de la population en Europe occidentale. Ces statistiques sont significatives lorsqu'il s'agit de discuter le problème continuel du travail en servitude des enfants en Inde et de la pauvreté.

Les membres travailleurs ont déclaré reconnaître l'ampleur du travail des enfants, dans un pays aussi vaste et pauvre que l'Inde. Même aux Etats-Unis, le travail des enfants est en augmentation et il y a eu récemment quelque publicité sur des cas de travail en servitude. Néanmoins, même si la pauvreté est une des raisons pour lesquelles le travail en servitude existe, ce n'est pas la seule explication. Si le manque de ressources pour combattre le travail forcé est si important, l'Inde devrait peut-être réorienter ses priorités ailleurs que dans le domaine militaire, au lieu de tester des armes nucléaires. Il convient de rappeler que le gouvernement doit fournir beaucoup plus d'informations complémentaires non seulement sur l'existence des comités de vigilance mais aussi sur les activités entreprises par les comités de vigilance pour lutter contre le travail en servitude et le travail des enfants en servitude. Ils ont stigmatisé l'attitude du gouvernement selon laquelle l'étude demandée par la Cour suprême n'avait couvert qu'un petit nombre de travailleurs en servitude, citant les conclusions de la Commission des Nations Unies pour les Droits de l'homme sur l'incidence du travail forcé. Selon celles-ci, les chiffres rapportés à la Cour suprême sont nettement supérieurs à ceux communiqués par le gouvernement. Il est regrettable que le gouvernement ait tenté de minimiser un problème d'une telle importance, sur lequel on dispose de pareilles preuves, et n'ait fourni que si peu d'informations à ce sujet. Compte tenu du peu de progrès accomplis depuis les discussions passées de cas, les membres travailleurs demandent à la présente commission d'insister auprès du gouvernement afin que des actions urgentes soient prises sans délai et d'exprimer sa préoccupation sur ce cas dans les termes les plus forts possibles.

Les membres employeurs, se référant aux réponses fournies par les représentants gouvernementaux durant la discussion, ont estimé que le problème principal était l'identification de l'ampleur du travail en servitude. Ils observent que les chiffres cités varient de 29.000 travailleurs en servitude (avancés par les décisions des tribunaux) à 350.000 selon les estimations du gouvernement. Cela démontre que le problème du travail en servitude n'est pas pris au sérieux. A cet égard, les membres employeurs déclarent qu'il n'est pas clair si la procédure judiciaire relève uniquement de l'initiative des parties, impliquant que seules les allégations fournies par les parties sont recevables aux fins de la décision finale du tribunal ou si cette décision peut également se fonder sur des bases juridiques. Ainsi, le choix de cette procédure peut grandement influer sur le nombre de travailleurs en servitude recensés.

S'agissant de la déclaration du gouvernement sur les difficultés sociales et économiques du pays, les membres employeurs ont déclaré qu'ils pourraient fournir des conseils en vue d'une utilisation correcte des ressources économiques mais que cette question n'était pas de la compétence de la présente commission. En ce qui concerne l'application des lois fédérales au niveau de chaque Etat, il convient de souligner l'influence que peuvent exercer les instances fédérales. L'Institut Tata pourrait apporter son aide pour cerner l'étendue du problème. Enfin, le gouvernement devrait être prié de communiquer un rapport détaillé sur le sujet et sur les questions soulevées au cours de ce débat, dans la mesure où sa réponse n'est pas satisfaisante. Le gouvernement devrait également coordonner ses efforts avec les organismes qui s'occupent du travail en servitude.

Le représentant gouvernemental a pris note des conseils de plusieurs délégués selon lesquels on devrait donner moins de priorité aux dépenses de défense, et a indiqué qu'il communiquerait cette information à son gouvernement. Il a souligné que le chiffre de 2 millions d'enfants en travail par servitude mentionné par certains délégués était faux puisque ce chiffre incluait les enfants travaillant dans des conditions dangereuses.

La commission a pris note de l'information verbale fournie par les représentants gouvernementaux ainsi que de la discussion qui a suivi. Elle a noté avec regret que ce cas a été discuté devant cette commission à six reprises durant les dix dernières années et que, malgré les assurances du gouvernement de s'attaquer sérieusement à ces problèmes, peu de progrès ont été accomplis en ce qui a trait à une plus grande conformité avec les dispositions de la convention. La commission a demandé instamment au gouvernement de répondre aux points soulevés par la Confédération mondiale du travail concernant le travail en servitude des enfants. La commission a souligné que ce n'est que grâce au maintien du dialogue et à l'application de mesures concrètes et coordonnées que des progrès pourront être accomplis dans ce domaine. En ce qui concerne le travail en servitude, l'ampleur de ce problème reste toujours contesté et, pourtant, le gouvernement n'a toujours pas entrepris de nouvelles enquêtes au niveau national. La commission d'experts a fait également état d'informations contradictoires concernant le fonctionnement réel des comités de surveillance, qui auraient dû être établis suite à la loi de 1976 sur l'abolition du système de travail en servitude. A cet égard, la mise en oeuvre est demeurée douteuse et il reste toujours à clarifier quels sont les organes compétents dans ce domaine. La commission a noté avec une profonde préoccupation que la situation des enfants en servitude ainsi que des autres formes de travail forcé n'a pas présenté d'améliorations notables, et ce malgré la déclaration de l'engagement du gouvernement à éliminer ce problème, comme il est apparu par le travail de ce dernier au sein du Programme international sur l'élimination du travail des enfants (IPEC) de l'OIT. La commission a également regretté que les représentants gouvernementaux n'aient pas été en mesure de donner les informations demandées sur la protection contre l'exploitation sexuelle des enfants. La commission a exprimé sa profonde préoccupation concernant le travail en servitude et le problème des enfants en servitude, et a demandé instamment au gouvernement d'intensifier ses actions et de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les progrès accomplis au niveau national, au niveau des Etats, ainsi qu'au niveau local.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1995, Publication : 82ème session CIT (1995)

Un représentant gouvernemental, tout en se référant aux rapports détaillés fournis par le gouvernement en juin 1994 et février 1995, a indiqué qu'il partageait les préoccupations de la commission d'experts sur l'application de cette très importante convention et a fourni des précisions sur les commentaires formulés par la commission dans les paragraphes 1-3 et 42-48 de son observation. Il a rassuré la commission que les préoccupations bien fondées, exprimées par la commission d'experts, motiveront son gouvernement à intensifier ses efforts pour appliquer de façon plus efficace la convention dans son pays. La méthode suivie par la commission en vue d'évaluer la situation dans un pays, tout en ayant un certain mérite, présente des limitations. Pour des raisons évidentes, cette méthode ne peut faire référence qu'à ce qui s'est produit dans le passé et, au mieux, dans un passé récent; elle ne peut jamais refléter véritablement la situation qui prévaut. Il s'est donc limité à présenter les récents progrès caractérisant la situation actuelle et montrant que l'Inde va s'améliorant, pas à pas, dans la bonne direction.

L'un des éléments principaux du paragraphe 2 de l'observation est à l'effet que la situation dans la pratique ne semble pas avoir progressé beaucoup en ce qui concerne la servitude pour dette. A un autre endroit de son observation, la commission d'experts a indiqué que l'identification systématique des travailleurs asservis, conformément à la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette, est bloquée depuis plusieurs années, cette observation étant fondée sur le fait que le nombre de travailleurs dans cette situation qui ont été identifiés, relâchés et réhabilités n'a pas augmenté au-delà de 250 000, chiffre rapporté depuis 1991. Il s'agit d'une question fondamentale. Cependant, ce sont les gouvernements des Etats qui ont compétence pour la mise en application de cette loi. A l'heure actuelle, ils ont tous pris la position selon laquelle il n'existerait plus de travailleurs dans ces conditions. Afin de clarifier la position prise par les gouvernements des Etats, l'orateur s'est référé à la décision intérimaire rendue par la Cour suprême en date du 6 mars 1995, en vertu de laquelle ce tribunal a désigné, dans 13 Etats, des avocats et des organisations volontaires qui ont pour mandat de déterminer si la pratique de servitude pour dette a été effectivement éradiquée. Les autorités locales ont été requises de leur fournir toute l'assistance nécessaire pour l'exécution de leur mandat, alors que les gouvernements des Etats doivent supporter leurs coûts d'opération.

L'orateur s'est par la suite référé à une autre décision de la Cour suprême qui concerne le cas de travailleurs asservis dans l'Etat de Haryana. Cette question a d'ailleurs été abordée dans un autre paragraphe du rapport de la commission. La Cour suprême a mandaté une commission afin de vérifier l'allégation selon laquelle 4 000 travailleurs en servitude se trouvaient dans une carrière à proximité de Delhi et d'identifier dans un rapport chacun de ces travailleurs asservis. Cette commission a pu identifier 2 000 travailleurs et a fait rapport à la Cour suprême à l'effet qu'aucun de ces travailleurs ne se considérait comme travailleur asservi en besoin de réadaptation. Ces deux décisions de la Cour suprême démontrent clairement que certaines organisations non gouvernementales ont tendance à exagérer les chiffres lorsqu'il est question de la servitude pour dette. Tous attendent désormais la décision de la Cour suprême qui sera rendue à la suite du rapport qui sera fait par les avocats et organisations. Ces faits n'ont cependant pas empêché la publication de récentes études réalisées par les Etats, en ce qui concerne l'identification des travailleurs asservis. Le gouvernement de l'Etat de Karnataka a indiqué qu'une enquête réalisée dans sept des vingt districts n'a révélé aucun cas de récidive en ce qui concerne la servitude pour dette alors que seulement quelques très rares cas, qui peuvent être comptés sur les doigts, ont pu être identifiés.

Certains progrès, principalement dus à l'initiative du ministère du Travail, ont pu être enregistrés à la suite des conférences régionales qui ont été menées au plus haut niveau par le ministre même, en collaboration avec tous les ministres du Travail des Etats. Les fonds octroyés par un travailleur asservi pour sa réadaptation sont passés de 6 500 à 10 000 roupies; 7 000 travailleurs devraient être réhabilités au cours de l'année courante 1995-96, et l'équivalent de près de 2 millions de dollars ont déjà été alloués en vue de régler les arriérés dus aux travailleurs asservis qui avaient déjà été identifiés. Les gouvernements des Etats, de leur côté, ont également accru leurs efforts dans cette direction. Par exemple, dans l'Etat de Kerala, certains travailleurs asservis ont été réhabilités de façon tout à fait novatrice puisqu'ils ont été dirigés vers des plantations d'épices, de thé et des entreprises agricoles. De la même manière, l'Etat d'Andhra Pradesh, Etat où se retrouve le plus grand nombre de travailleurs asservis, a également fourni des terres et d'autres bénéfices dans le cadre de fermes coopératives. L'orateur a exprimé l'espoir que cette information répondait aux préoccupations de la commission d'experts en ce qui concerne le manque d'amélioration de la situation et l'absence d'augmentation d'identification, de libération et de réadaptation des travailleurs asservis.

Un autre point crucial de l'observation de la commission d'experts, libellé au paragraphe 2 de son observation, concerne le fait qu'un certain nombre de propositions et de recommandations formulées par la Commission nationale sur le travail rural en 1991 visant à améliorer la situation n'avaient pas été mises en oeuvre. Il y a en fait deux recommandations qui ont été formulées par la commission nationale. La première recommandation était à l'effet que des situations de la nature de la servitude avaient été notées dans plusieurs activités à caractère non agricole mais n'avaient pas été suffisamment identifiées dans le cadre des enquêtes réalisées. A cet égard, la loi ne distingue pas entre servitude dans le domaine de l'agriculture ou dans d'autres domaines. Les deux décisions de la Cour suprême, dont il a été question précédemment, fournissent une réponse provisoire à cette recommandation. La deuxième recommandation de la Commission nationale sur le travail rural était à l'effet de constituer une commission nationale sur la servitude pour dette. Cela avait également été recommandé en juillet 1990, tel que noté par la commission d'experts, par un groupe de travail sur les formes contemporaines d'asservissement. Le gouvernement a examiné cette proposition avec soin et a déjà indiqué qu'une commission nationale sur les droits de l'homme aurait ce mandat. Il est également question de créer sous peu des commissions sur les droits de l'homme au niveau étatique. Cependant, le gouvernement a mandaté une commission, sous la présidence du ministre du Travail de la province de Madras, en vue d'étudier le besoin réel de former une commission nationale sur la servitude pour dette. Malheureusement, le rapport de cet organe n'est pas encore disponible. Il s'agit de la réponse du gouvernement en ce qui concerne les paragraphes 1, 2 et 3 de l'observation de la commission d'experts.

En ce qui concerne les paragraphes 42-48 de l'observation, qui se rapportent principalement à l'asservissement des enfants, le représentant gouvernemental a indiqué que l'Inde a ratifié six conventions de l'OIT concernant le travail des enfants, et que le Parlement avait adopté, en 1987, une politique nationale sur le travail des enfants. Cette politique a été libellée suivant les indications de la résolution de la Conférence internationale du Travail de 1979 et propose une action à trois niveaux pour régler ce problème. Les paragraphes 42 à 48 du rapport traitent de deux de ces stratégies, notamment, la législation et la prise d'actions précises pour éliminer le travail des enfants. La troisième stratégie vise les groupes spéciaux dans lesquels le travail des enfants est principalement retrouvé. Les experts ont demandé, au paragraphe 42 de l'observation, un rapport complet sur la situation des enfants en servitude. Bien que le gouvernement ait fourni un rapport en février 1995, des progrès importants sont survenus depuis lors.

Dans les onze ou douze Etats de l'Inde où l'incidence du travail des enfants est le plus élevée, 100 districts ont été identifiés en vue d'une action prioritaire immédiate. Les chefs de ces districts ont été conviés à une réunion qui sera tenue en août 1995 en vue de finaliser les plans d'actions spécifiques par district pour l'élimination du travail des enfants qui occupent des emplois dangereux. Il a également été proposé que le représentant local de l'OIT porte assistance lors de cette réunion. En ce qui concerne le programme d'action intitulé "identification, libération et réadaptation des enfants qui travaillent", auquel la commission d'experts se réfère au paragraphe 45, il a été envoyé directement, par le Premier ministre de l'Inde, à tous les chefs de département et ministres en titre. Les gouvernements des Etats ont déjà manifesté leur intention d'intensifier leurs efforts à cet égard et ont même établi leur propre plan d'action. Un montant équivalant à 300 millions de dollars a été approuvé pour l'élimination du travail des enfants dans des emplois à caractère dangereux avant l'an 2000 et, comme démarche initiale, près de 15 millions de dollars ont été alloués au ministre du Travail en vue de traiter cette question au cours de la première année. Déjà des fonds ont été réservés pour que des enquêtes soient menées au sein des Etats de Tamil Nadu, Uttar Pradesh et Ulresa afin de préciser la situation du travail des enfants. Une campagne de sensibilisation médiatique massive a été entreprise à l'échelle du pays.

En ce qui concerne le paragraphe 43, bien que le projet de loi dont il est question n'ait pas été adopté, des instructions dans le même sens ont été données aux gouvernements des Etats. Par conséquent, dans les faits, la question du niveau salarial inférieur des enfants par rapport à celui des adultes a été réglée. Le Cabinet doit encore approuver ce projet de loi avant qu'il ne soit adopté. En ce qui concerne les statistiques sur l'application de la loi, il y a eu une amélioration significative au cours de la période 1994-95 et il y a des raisons de croire que le nombre d'infractions identifiées, de poursuites entreprises et de condamnations prononcées sera significativement augmenté au cours de cette période comparativement à la période 1993-94. Le gouvernement fournira des chiffres exacts en temps opportun.

Pour ce qui est du paragraphe 46, dans lequel la commission a indiqué qu'elle espérait connaître le suivi du rapport du Sous-comité sur l'élimination du travail des enfants dans les fabriques d'allumettes et de feux d'artifice du Tamil Nadu, le gouvernement a fourni, en 1995, des indications sur des progrès qui doivent être soulignés. Des commissions sur le bien-être ont été constituées pour la protection des enfants travaillant dans ces fabriques. Les employeurs et les gouvernements des Etats doivent fournir chacun 10 roupies par enfant qui travaille en vue de financer un fonds afférent. Egalement, le gouvernement a déjà fourni quatre véhicules au lieu de deux, en vue de surveiller la santé des enfants qui travaillent dans ces fabriques. Les employeurs ont également suivi la recommandation de la sous-commission à l'effet qu'un régime alimentaire de base devait être garanti. Egalement, tel que recommandé, un programme d'assurance collective est fourni à ces enfants et est en voie de mise en oeuvre. La prime a été originalement fixée à un montant qui est maintenant en voie de révision, et une commission, sous la présidence du contrôleur du district, a été mise sur pied en vue de faire rapport, de temps à autre, sur l'évolution de la situation. Il s'agit des principales démarches qui ont été entreprises à la suite du rapport de la sous-commission ci-avant mentionnée.

L'orateur a par la suite expliqué la troisième stratégie adoptée en Inde en ce qui concerne la politique nationale sur le travail des enfants, et qui vise le développement d'un programme d'ensemble pour les groupes spéciaux. Il est de commune renommée que le travail des enfants, en Inde, se retrouve principalement au sein des deux groupes les plus défavorisés de la société et qui représentent, en tout, 22 pour cent de la population. Des garanties constitutionnelles leur ont été octroyées en vue d'améliorer leurs conditions générales. C'est l'amélioration de la situation économique de ces groupes qui peut fournir une réponse véritable au problème du travail des enfants. Plusieurs programmes ont été mis sur pied dans l'ensemble du pays à la suite de l'adoption de ces dispositions constitutionnelles. Par exemple, des sièges leur ont été réservés, en rotation, au sein d'organes parlementaires. Un pourcentage d'emplois, de 7 à 15 pour cent, a été réservé aux tribus et castes protégées respectivement au sein d'organes gouvernementaux locaux, étatiques ou centraux. Une éducation gratuite à tous les niveaux, incluant l'éducation supérieure, a été fournie. Des écoles et collèges à accès gratuit ont été établis exclusivement pour ces groupes. Des commissions spéciales nationales et étatiques ont été mises sur pied, compétentes, entre autres, dans le domaine du bien-être et des finances des entreprises. Dans le domaine du travail rural et de l'éducation primaire, des investissements sans précédent ont été réalisés au cours des dernières années. Conjointement avec les organes internationaux de financement, entre 15 et 25 millions de dollars seront octroyés à chaque district en vue de développer l'éducation primaire qui permettra de réduire l'incidence de la servitude des enfants. En plus, tous les budgets des gouvernements tant centraux qu'étatiques prévoient des fonds à cet égard. Un autre important programme, présentant une amplitude sans précédent dans le monde, concerne le développement de l'enfant et vise à retarder son entrée dans le monde du travail, l'incitant à rejoindre l'école. Ces points visent à mettre en exergue le fait que les politiques générales de développement ont été orientées dans le but d'améliorer le bien-être des groupes desquels provient principalement le travail des enfants.

De plus, avec l'assistance des gouvernements de l'Allemagne et de la Belgique, un programme international pour l'élimination du travail des enfants est en voie de réalisation et plus de 55 000 enfants en ont déjà bénéficié. Egalement, le gouvernement est en train de mettre en oeuvre, avec l'assistance de l'OIT, un programme d'action sur le travail des enfants. Une des démarches innovatrices prises par le gouvernement a l'effet de mandater le directeur général de l'emploi et de la formation, responsable pour le programme national de formation, pour s'occuper de l'élimination du travail des enfants en offrant aux parents de ces enfants une certaine formation en vue de réduire le besoin d'envoyer leurs enfants au travail. L'orateur a conclu en exprimant l'espoir que la commission conclura que l'Inde a fait des efforts sincères et a connu des progrès dans les domaines sous examen.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour l'information détaillée qu'il a fournie. La commission s'intéresse à ce cas depuis 1984. Il s'agit en fait de la huitième fois qu'elle porte son attention au sérieux problème de la servitude pour dette et au plus sérieux problème de l'asservissement des enfants. Il s'agit d'un cas si sérieux que la commission a jugé opportun, l'année dernière, de le traiter dans un paragraphe spécial. Le nombre exact de travailleurs asservis, adultes et enfants, n'est pas connu mais, à la lumière des informations disponibles, il se situerait entre un quart de million et plusieurs millions de travailleurs.

Il est très difficile d'obtenir des données à cet égard de la part des gouvernements étatiques. Il a été particulièrement préoccupant d'entendre, l'année dernière, tel que reflété dans le rapport des experts, que le travail de l'organisation nationale d'enquêtes, en vue de recueillir l'information pertinente du travail forcé, ne devait commencer qu'en 1998-99. Ce délai, qui n'a pas été véritablement expliqué, a soulevé des doutes selon lesquels le gouvernement ne serait pas tout à fait prêt à éliminer la servitude pour dette et le travail des enfants.

Comme le gouvernement l'a indiqué, il n'existe plus de divergence, depuis 1989, entre les travailleurs asservis identifiés et ceux qui ont été réhabilités. Il semble que le nombre de travailleurs qui ont bénéficié d'une réadaptation s'élève à près d'un quart de million, ce qui démontre l'importance d'identifier le plus possible les travailleurs asservis. Une partie du problème réside dans la définition même de la servitude pour dette. Il est difficile de comprendre pour les membres employeurs que les Etats, qui doivent se plier à l'autorité fédérale, ne semblent pas vouloir respecter la loi de 1976 portant abolition de la servitude pour dette telle qu'interprétée par la Cour suprême de l'Inde en 1983. L'identification des activités au sein desquelles la servitude pour dette est susceptible de se produire fait aussi problème. Les membres employeurs ont réaffirmé le point de vue des experts selon lequel il est urgent que des mesures nécessaires soient prises rapidement, aux niveaux national et étatique, en vue d'identifier de façon systématique la servitude pour dette.

La commission a également exprimé ses préoccupations depuis un nombre considérable d'années, selon lesquelles les commissions de vigilance, qui sont prévues par la loi portant abolition de la servitude pour dette, n'existeraient pas ou seraient, à tout le moins, inopérantes et inefficaces. Il semble que le gouvernement considère que la meilleure façon d'appliquer la loi portant abolition de la servitude pour dette est d'assurer que les gouvernements des Etats prennent eux-mêmes des actions positives pour éradiquer ce problème. Bien que les membres employeurs ne désirent pas exprimer de préférence pour l'une ou l'autre des solutions, les problèmes rencontrés au niveau des enquêtes en vue d'identifier la servitude pour dette démontrent que le gouvernement ne possède pas un système central de contrôle efficace. La stratégie fondée sur une action au niveau des Etats ne semble pas fonctionner et il est difficile de comprendre pourquoi les Etats objecteraient à un organe national de supervision et de coordination, qui agirait aux niveaux national et étatique et aurait pour fonctions d'identifier, de relâcher et de réhabiliter les travailleurs asservis. Si la stratégie fondée sur une action étatique n'est pas efficace, pourquoi ne pas considérer une solution alternative? La question du temps qui s'écoule entre la libération et la réadaptation est un problème urgent puisqu'il mène, dans certains cas, à un retour à la servitude pour dette. Enfin, le nombre de poursuites fondées sur la question de la servitude pour dette est minime en comparaison avec l'envergure du problème, ce qui soulève, encore une fois, un doute sur la volonté véritable du gouvernement d'éliminer ce problème.

En ce qui concerne l'intention du gouvernement de libérer plus de 2 millions d'enfants asservis avant l'an 2000, les membres employeurs se sont demandés s'il s'agissait d'une estimation véritablement réaliste compte tenu du fait que, à la lumière de l'information fournie par le gouvernement, seulement 1 400 enfants dans cette condition ont été identifiés. Prenant note de la constitution d'un organe national pour l'élimination du travail des enfants et de l'adoption, au début de l'année, d'un programme d'action au niveau des Etats, les membres employeurs ont requis des clarifications à cet égard. Entre autres, ils se sont demandés si les Etats étaient liés par ce programme d'action et, si c'était le cas, s'ils devaient le respecter et quel délai il leur était alloué en vue de mettre en oeuvre une politique sur le travail des enfants.

Les membres employeurs ont également noté l'information fournie en ce qui concerne le programme de développement rural en Inde et ont demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées à l'OIT de façon à ce que les experts puissent examiner ce programme dans le contexte de l'application de la convention no 29.

Les membres employeurs ont conclu en indiquant que, bien que de nouveaux programmes aient été adoptés, aucun progrès réel en vue de l'élimination de la servitude pour dette en général et, en particulier, celle des enfants ne peut être noté.

Ils ont noté des programmes mais aucun progrès. Les membres employeurs ne veulent pas nécessairement plus de rapports et plus de déclarations politiques mais plutôt des indications claires à l'effet qu'une stratégie réelle aux niveaux national et étatique sera mise sur pied en vue d'éliminer la servitude pour dette et le travail des enfants.

Les membres travailleurs ont rappelé d'entrée de jeu que cette commission a examiné ce cas en 1986, 1989, 1991, 1992, 1993, 1994 et encore une fois en 1995, 13 pages du rapport de la commission d'experts étant dédiées à ce cas. C'est pour cette raison que la commission a décidé de se limiter à l'examen des paragraphes 1 à 3 et 42 à 48 de l'observation de la commission d'experts. Il n'est pas question d'ignorer les autres paragraphes mais plutôt de limiter ses travaux sur ces questions spécifiques. Le fondement même de la préoccupation de la commission est à l'effet qu'il y a absence persistante, dans les faits, de mesures en vue d'éliminer la servitude pour dette et, plus particulièrement, l'asservissement des enfants. La discussion qui a eu lieu l'année dernière au sein de la commission et la conclusion selon laquelle un paragraphe spécial devait être rédigé traduisent l'importance de cette préoccupation.

Il est important de reconnaître que le problème de l'asservissement des enfants ne peut être séparé de la question plus générale de la servitude pour dette qui représente un problème persistant et constant en Inde. Les experts, aux paragraphes 27, 37 et 40 de leur observation, ont énuméré les raisons qui expliquent ce manque de progrès: inexistence d'institutions de surveillance et de coordination en vue d'éliminer l'asservissement pour dette (paragraphe 27); inexistence de sanctions pénales dissuasives et de procédures de mise en oeuvre (paragraphe 37); procédures très lentes de mise en oeuvre (paragraphe 40). Toutes ces questions sont particulièrement pertinentes dans le cadre de la discussion.

Le paragraphe 42 de l'observation d'experts rappelle les déclarations qui ont été faites devant la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités en ce qui concerne l'état de servitude des enfants, et énumère une série d'activités dans lesquelles les enfants seraient dans cette condition. Il n'est cependant pas question seulement d'asservissement, mais aussi d'enlèvements, de voies de fait, de sévices corporels et sexuels, de faim, tous ces éléments allant de pair. Que ces choses existent, il ne fait pas de doute. C'est leur identification ainsi que le recours à des méthodes fiables pour établir l'étendue du problème qui font défaut. L'information recueillie ne permet pas de distinguer entre l'asservissement des enfants et celui des adultes. Les experts, dans leur rapport, ont demandé des informations sur les mesures spécifiques qui concernent le travail des enfants et ont requis le gouvernement de fournir un rapport détaillé.

Le paragraphe 43 de l'observation des experts rappelle l'intention du gouvernement d'amender la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants de façon à ce que soit écartée toute disposition en matière de fixation du salaire minimum. Suivant le représentant gouvernemental, dans les faits, ces dispositions seraient abolies. Il semble cependant que cette question, bien que certainement pertinente, ne traite pas le coeur du problème. Malgré tout, cette législation est un apport positif, et la commission d'experts devrait être informée de la manière et du moment où elle sera adoptée et mise en application.

Une façon d'évaluer la pratique au sein d'un Etat et la mesure dans laquelle il respecte ses propres lois est d'obtenir l'information précise en ce qui concerne les poursuites et les sanctions qui sont imposées aux personnes qui ne respectent pas la loi. A la lumière du paragraphe 44 du rapport, il appert que la commission d'experts ne semble pas convaincue que l'information fournie en cette matière est précise. Le gouvernement a affirmé avoir identifié 1 400 cas d'enfants en état de servitude, ce chiffre contrastant avec une estimation réalisée à la suite d'enquêtes, qui chiffrerait plutôt à 17 millions le nombre de ces enfants, dont 2 millions occupant des emplois de nature dangereuse. Les 1 400 enfants ne représentent qu'une part infime des 2 millions d'enfants que le gouvernement a promis d'extirper de l'asservissement avant l'an 2000, au moyen des sommes considérables dont il dispose à cet égard. Il n'y a eu aucune précision quant à savoir si les 2 millions d'enfants représentaient tout ou une partie considérable du problème ou seulement un geste symbolique en cette matière. Il serait souhaitable que le représentant gouvernemental fournisse plus d'informations à cet égard.

Le paragraphe 45 de l'observation de la commission d'experts traite d'une action qui a été entreprise par le gouvernement depuis la discussion de l'année dernière, nommément l'institution de l'Autorité nationale pour l'élimination du travail des enfants. Cette autorité a adopté un programme d'action qui s'est fixé des objectifs louables. Bien que les membres travailleurs doutent que le problème puisse être réglé par le travail de bureau de ces commissions, ils ont souligné que le gouvernement n'avait indiqué aucun échéancier en ce qui concerne le programme de travail de cette commission. Notant que l'économie indienne connaît un rythme de croissance substantiellement rapide, les membres travailleurs ont insisté sur le fait que le gouvernement devait, parallèlement à ce développement économique, s'assurer que soit mise sur pied une stratégie traitant de façon prioritaire de la question du travail des enfants.

En ce qui concerne les paragraphes 47 et 48 de l'observation qui traitent de l'exploitation sexuelle, il existe une divergence entre, d'une part, la position officielle en ce qui concerne l'exploitation sexuelle, selon laquelle des magistrats de trois districts ont indiqué qu'aucun cas de la sorte n'avait été signalé, et, d'autre part, le fait que 57 opérations de sauvetage ont été menées et que 131 condamnations ont été prononcées. Encore une fois, il apparaît que des comités consultatifs ont été mis sur pied en vue d'éliminer la prostitution des enfants et de mener une enquête dans le domaine de la prostitution infantile à Pradesh. Les membres travailleurs auraient préféré voir plus d'actions concrètes menées.

Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde préoccupation en ce qui concerne l'arrestation d'un activiste dont le travail dans le domaine du travail des enfants est reconnu, M. Kailash Sathyarti, aussi dirigeant de la Coalition du Sud asiatique contre la servitude des enfants. Son arrestation est liée à la dénonciation qu'il avait faite du travail des enfants dans l'industrie du tapis, ce qui a entraîné l'annulation par IKEA - un important importateur européen de tapis - de contrats avec des entreprises qui employaient présumément des enfants. Avant son arrestation, il a été l'objet de harcèlement et de menaces de mort par la police de l'Etat de Haryana et il existe de fortes présomptions, selon les journaux, à l'effet que la mafia locale serait de connivence avec certains membres de la police de Haryana. La poursuite de personnes qui dénoncent publiquement le travail des enfants en Inde est un nouvel élément, et les membres travailleurs ont exprimé le ferme espoir que le gouvernement indien prendra les moyens nécessaires pour l'éliminer rapidement.

Les membres travailleurs ont conclu en soulignant le besoin d'obtenir plus d'informations détaillées en ce qui concerne le problème général de la servitude pour dette, et plus particulièrement en ce qui concerne l'exploitation des enfants. Ils ont exprimé l'espoir que le représentant gouvernemental de l'Inde fera rapport à son gouvernement à l'effet que des chiffres exacts devraient être fournis à la commission d'experts de façon à ce qu'elle se prononce non seulement sur l'étendue du problème, mais qu'elle soit en mesure de constater, avec les années, les améliorations.

Le membre travailleur de l'Inde s'est référé au paragraphe 4 du rapport qui donne des estimations divergentes sur l'envergure du problème des travailleurs en état de servitude. La confusion est due à deux raisons. Ces estimations ont été réalisées à différentes époques entre 1970, 1979 et 1990 alors que nous sommes en 1995, et les chiffres fournis par les organisations varient de façon substantielle. D'autre part, le gouvernement a indiqué que le nombre de travailleurs asservis serait d'environ 0,24 million, alors que le Front indien pour l'élimination de la servitude pour dette a avancé le chiffre de 5 millions d'adultes et de 10 millions d'enfants dans cet état. Le chiffre donné par la Sous-commission sur la servitude pour dette, organe indépendant qui a été constitué par la commission centrale sur l'organisation du travail rural, est de 2 millions, mais il date de 1979. Par conséquent, l'orateur a appuyé la suggestion avancée par les membres travailleurs à l'effet que le gouvernement devrait fournir les données les plus récentes à cet égard.

Se référant au paragraphe 22 qui concerne le concours des syndicats sur cette question, il a déclaré que le gouvernement était d'opinion que les syndicats n'avaient pas à être impliqués puisque ces derniers étaient compétents pour traiter les questions d'organisation du travail et non celles visant la servitude pour dette. Cependant, des travailleurs asservis se trouvent au sein d'entreprises qui oeuvrent dans les domaines de la maçonnerie, de la foresterie et de la construction et au sein desquelles des syndicats sont activement impliqués. Le gouvernement devrait commencer ses démarches auprès des syndicats à cet égard.

En ce qui concerne le paragraphe 32 de l'observation, qui traite des sanctions pénales et de leur exécution, l'orateur a indiqué que les poursuites sur ces questions prennent un temps considérable en Inde, la servitude pour dette n'étant pas effectivement réglée durant cette période. Par conséquent, il a suggéré que le gouvernement s'assure que les condamnations soient prononcées rapidement et qu'elles exercent un véritable effet dissuasif.

Un autre membre travailleur de l'Inde a déclaré que cette commission, comme la commission d'experts, confond les questions de travail forcé et de travail des enfants. Les autorités indiennes ont décidé d'abolir le système de servitude pour dette en 1976, et la Cour suprême a décrété en 1983 que ce système était non seulement inhumain mais aussi illégal et punissable d'une peine de prison. S'exprimant en qualité de membre de l'une des plus importantes centrales syndicales du pays et de représentant de son organisation syndicale sur le plan national, l'orateur ne méconnaît pas l'extension du problème du travail des enfants en Inde mais se refuse à admettre l'existence dans ce pays d'un système de servitude pour dette s'appliquant aux enfants. Se référant au paragraphe 44 de l'observation des experts, il a souligné que, selon les statistiques, environ 1 400 enfants en situation de servitude pour dette auraient été recensés, 17,02 millions d'enfants seraient au travail, dont 2 millions seraient affectés à des travaux dangereux. Certains orateurs se sont demandé comment le Premier ministre pouvait déclarer que 2 millions d'enfants seraient soustraits au travail d'ici l'an 2000. Il convient de préciser qu'il s'agit d'enfants qui travaillent et non d'une main-d'oeuvre en situation de servitude pour dette. L'orateur a déclaré qu'après les réformes agraires et le développement des campagnes 99 pour cent de cette main-d'oeuvre en situation de servitude pour dette avait disparu. A son avis, le travail des enfants est le principal problème auquel son pays doit s'attaquer et il est avéré que certaines industries recourent à cette main-d'oeuvre. Les travailleurs luttent contre ce phénomène, y compris par des grèves de la faim. Du fait que ce sont des employeurs du secteur privé qui emploient cette main-d'oeuvre, les travailleurs doivent contraindre les employeurs de ce secteur à réformer de telles pratiques, qui sont inhumaines et étrangères à une société civilisée. Il ne saurait être question non plus de salaire minimal pour les enfants puisque le travail des enfants est inadmissible. Un tel salaire minimal tendrait à légitimer le travail des enfants. Le gouvernement de l'Inde doit s'employer plus activement à lutter contre ce phénomène, notamment contre les abandons scolaires en cours d'année dans les écoles primaires, abandons qui résultent des nécessités des foyers pauvres. Le gouvernement est investi de la responsabilité morale d'agir en ce sens et, dans cette entreprise, il peut être assuré du soutien sans réserve des travailleurs pour l'élimination du travail des enfants.

Le membre employeur de l'Inde a déclaré que l'ensemble des employeurs et de leurs associations coopèrent pleinement à la politique gouvernementale tendant à l'élimination du travail en situation de servitude et du travail des enfants.

Les associations d'employeurs font pression pour que les enfants ne soient plus embauchés dans les industries qui les emploient. Le travail des enfants n'est utilisé que dans le secteur non organisé et la plupart des employeurs de ce secteur ne sont pas membres des associations au niveau le plus haut. Répondant au point soulevé par le membre travailleur de l'Inde quant au taux d'abandon scolaire dans le primaire, l'orateur a indiqué que ce phénomène tient effectivement à la pauvreté, les parents préférant envoyer leurs enfants au travail pour assurer un revenu à la famille. S'insurgeant contre ce système, l'orateur a tenu à évoquer ce point pour démontrer qu'à moins de faire disparaître la pauvreté il sera difficile d'éliminer complètement le travail des enfants. La plupart des employeurs de l'Inde ont pris des initiatives positives en créant des écoles pour contribuer à l'extension de l'instruction publique et à la réadaptation des enfants soustraits au travail. Des programmes de bourses scolaires ont même été créés à l'intention de ces enfants. Il convient également d'établir une distinction entre travail d'enfants en situation de servitude et travail ordinaire des enfants. Le premier système n'existe pas mais le second est évidemment diffus. Etant donné que l'Inde est une grande démocratie, il faudra sans doute un certain temps pour faire disparaître ce mal mais tout permet d'espérer qu'il sera complètement éliminé en temps voulu grâce aux initiatives prises par le gouvernement avec l'appui des employeurs et des organisations non gouvernementales. L'orateur ne souscrit pas par ailleurs à l'idée de boycotter les produits réalisés avec le travail des enfants car une telle démarche, loin d'apporter une solution, ne ferait qu'aggraver la situation d'enfants ayant besoin d'assurer leur subsistance. Si les employeurs sont hostiles au travail des enfants, les programmes de limitation du travail des enfants doivent être examinés avec attention et il convient d'adopter des programmes d'intégration adéquats afin que ces enfants bénéficient d'une instruction.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne a déclaré que, pour apprécier correctement le problème de l'Inde, il convient de prendre en considération les observations contenues dans le rapport de la commission d'experts ainsi que celles qui ont été présentées par le représentant gouvernemental. Le travail en situation de servitude, y compris le travail d'enfants en situation de servitude, est une tradition très ancienne en Inde et ne constitue donc pas un phénomène qui ne serait apparu que ces dernières années. Compte tenu de l'étendue et de la gravité du problème, des solutions et des résultats rapides ne peuvent être escomptés. L'orateur convient, avec le membre employeur de l'Inde, que l'on ne saurait agir en improvisant et en "envoyant par exemple la police dans une usine pour faire sortir les enfants" puisqu'on retrouverait les mêmes enfants le lendemain dans une autre entreprise. La première étape consiste donc à sensibiliser l'opinion sur ce problème avant de s'y attaquer. D'après les observations du représentant gouvernemental, des experts et aussi d'autres sources, des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années en matière de sensibilisation. On en trouve l'expression dans la participation de l'Inde au programme de l'OIT pour l'élimination du travail des enfants. Des efforts tangibles peuvent également être constatés au niveau législatif, comme l'a signalé le représentant gouvernemental, encore que des résultats ne puissent être escomptés immédiatement. Un ministre allemand qui s'est rendu en Inde avec un fonctionnaire du BIT a pu constater la réalisation de certains projets dans le cadre du programme susmentionné. Les efforts déployés par les nombreuses ONG indiennes contre les pires aspects de ce phénomène sont eux aussi dignes d'éloges. Pour conclure, l'orateur a prié le représentant gouvernemental d'intervenir pour veiller à la sécurité de M. Kailash Sathyarti, président de la Coalition du Sud asiatique contre la servitude des enfants, qui a été menacé par un fabricant de tapis du pays en raison de l'incidence de ses déclarations concernant le travail des enfants pour l'industrie de la confection des tapis en Inde.

Le membre gouvernemental de l'Islande, s'exprimant au nom des gouvernements des pays scandinaves, a déclaré que les observations de la commission d'experts à propos de ce cas visent sans ambiguïté de graves violations de la convention no 29. Ces violations sont constituées notamment par le travail en servitude pour dette, le travail des enfants et la prostitution d'enfants. L'orateur appuie pleinement l'appel que la commission d'experts adresse depuis longtemps au gouvernement indien pour que la situation soit rendue conforme aux dispositions de la convention no 29.

Le membre travailleur de la France déplore la confusion qui résulte de la disparité des chiffres ressortant des différentes sources. Malgré les efforts de persuasion du représentant gouvernemental de l'Inde, force est de constater que ce pays a ratifié la convention no 29 voici quarante ans alors qu'il n'a décidé d'abolir la servitude pour dette que depuis vingt ans, et il est difficile de croire, dans ces conditions, qu'il pourra soustraire 2 millions d'enfants aux travaux dangereux d'ici l'an 2000. Le paragraphe 42 de l'observation de la commission d'experts met en évidence un non-respect cumulé des conventions de l'OIT sur le travail forcé, le travail des enfants et la discrimination. Il conviendrait d'inscrire les efforts tendant à la disparition du travail forcé et de la servitude pour dette dans le processus plus général de l'élimination du travail des enfants. Face à l'existence avérée de conditions de servitude d'enfants employés à la confection de tapis, quelle mesure le gouvernement entend-il prendre devant une opposition interne qui revendique un tel système comme légitime? Quant aux enfants employés à des activités dangereuses, leur nombre reste d'une stabilité préoccupante au fil du temps. S'il y a lieu de se féliciter de l'adoption, le 16 janvier 1995, d'un programme d'action sur l'identification, la libération et la réadaptation des enfants qui travaillent, on peut redouter que son application ne soit très laborieuse. Or, ce problème appelle une solution concrète sans délai, qui devra nécessairement s'accompagner d'une démarche majeure de lutte contre la pauvreté, de développement économique et de progrès social. Avec la mondialisation de l'économie, il appartient désormais à l'ensemble de la collectivité internationale d'oeuvrer pour que le travail des enfants disparaisse. Il conviendra en outre de renforcer les instruments législatifs nationaux contre le travail forcé, le système de servitude, le travail des enfants et l'exploitation sexuelle des enfants, car aucun système économique au monde ne saurait justifier que des enfants subissent de tels traitements. Un enfant martyrisé est un enfant qui a subi l'anéantissement de sa dignité et pour qui la mort sera finalement une libération. Chacun aujourd'hui a présent à l'esprit le sort de ce garçon de 12 ans assassiné alors qu'il militait pour l'affranchissement de milliers d'autres enfants réduits, comme il l'avait été lui-même, à la servitude. La commission est en droit non seulement d'espérer mais d'exiger des résultats concrets, et cela rapidement.

Le représentant gouvernemental de l'Inde, ayant pris note de la confusion qui semble avoir troublé certains orateurs, quant à la différence entre travail en situation de servitude pour dette, travail d'enfants dans une telle situation et travail des enfants, s'est référé à un paragraphe spécifique d'un document de politique nationale du gouvernement sur le travail des enfants. Ce texte indique que les enfants travaillent le plus souvent dans des exploitations agricoles, dans des foyers artisanaux ou dans de petites affaires commerciales familiales, où ils acquièrent le plus souvent des qualifications qui leur permettent de devenir des travailleurs parfaitement aptes ultérieurement à l'exploitation d'une ferme, d'une entreprise familiale ou d'un commerce. Si le travail de cette nature présente ses problèmes, la politique gouvernementale doit porter ses efforts sur les secteurs ou établissements dans lesquels les enfants sont employés hors du milieu familial, où leur exploitation est la plus probable. Le chiffre de 17 millions d'enfants considérés comme "enfants au travail" par les experts est constitué essentiellement par des enfants travaillant dans de tels établissements, commerces ou exploitations agricoles familiales. De l'avis du gouvernement, il existe très peu d'enfants en situation de servitude pour dette mais un très grand nombre d'enfants qui travaillent alors qu'ils devraient être à l'école. Par ailleurs, l'Inde ayant également ratifié six conventions relatives au travail des enfants, cette question devrait être examinée dans ce cadre plutôt que dans celui de la convention no 29, du fait qu'il existe très peu d'enfants en situation de servitude pour dette dans ce pays.

Par ailleurs, les quelque 2 millions d'enfants qui seraient affectés à des travaux dangereux, selon l'observation des experts, sont ceux qui bénéficient de l'attention prioritaire du gouvernement. Celui-ci doit s'occuper en second lieu des enfants se trouvant dans une situation moins dangereuse. Il conviendrait de préciser également dans quelle mesure les programmes établis par le gouvernement central sont contraignants pour les gouvernements des Etats. En matière de travail, le gouvernement central et celui des Etats opèrent conjointement, de sorte que, si la législation centrale l'emporte sur celle des Etats, il n'en reste pas moins que le gouvernement central délègue normalement la responsabilité de l'application de la législation aux gouvernements des Etats. Par conséquent, une coordination considérable est nécessaire entre les deux niveaux, du fait que le second doit contribuer à la mise en oeuvre et au respect de la législation fédérale.

Quant à la raison pour laquelle la Commission nationale sur la servitude pour dette, dont la création a été recommandée par la Commission nationale sur le travail rural, n'a pas été constituée, l'orateur indique que le gouvernement a considéré que la Commission nationale des droits de l'homme ainsi que les commissions fédérales de la même compétence peuvent assumer ces responsabilités. Néanmoins, un comité placé sous la direction du ministre du Travail a été constitué pour étudier l'opportunité d'une Commission nationale sur la servitude pour dette et le gouvernement examinera le rapport pertinent dès qu'il en aura été saisi.

En outre, sans aller jusqu'à dire que les syndicats ne sont pas bienvenus dans le processus d'élimination du travail des enfants, l'orateur estime qu'il ne serait pas pratique que cette structure assume la responsabilité de l'identification, de l'affranchissement et de la réadaptation des enfants concernés. Comme le membre gouvernemental de l'Allemagne l'a dit, un travail considérable est accompli par le biais du Programme sur l'élimination du travail des enfants, auquel les syndicats ne sont pas associés. Il s'agit non seulement de sensibiliser le public mais de faire comprendre aux parents les conséquences néfastes du travail des enfants. Dans le cadre de ce programme, quelque 55 000 enfants ont ainsi pu être ramenés sur les bancs de l'école. De même, grâce aux projets nationaux d'élimination du travail des enfants, quelque 15 000 enfants ont rejoint un établissement scolaire ou ont reçu une formation professionnelle. Les résultats commencent ainsi à se manifester et il devrait continuer d'en être ainsi au gré des nouveaux grands programmes.

Quant aux préoccupations exprimées par certains orateurs à propos de l'absence de poursuites contre ceux qui emploient des enfants, l'orateur considère que c'est en s'attachant à développer l'éducation et les ressources humaines que l'on parviendra à résoudre ce problème plutôt qu'en procédant à de vastes campagnes de répression. A cet égard, il a précisé que seulement 12 ou 13 des 32 Etats de l'Union connaissent ce problème. Il en est ainsi du fait que le niveau d'instruction est plus élevé dans les autres Etats. C'est ainsi que, dans l'Etat du Kerala, où les plus grosses entreprises sont les plantations, les enfants travaillaient autrefois dans ces exploitations mais que, grâce à la loi sur le travail dans les plantations, le travail des enfants a disparu, essentiellement grâce aux mesures sociales et aux dispositions contraignantes en matière sanitaire et éducative plutôt qu'aux dispositions répressives de cet instrument.

Pour conclure, le représentant gouvernemental a donné au président et aux membres de la commission des assurances quant au procès mettant en cause M. Kailash Sathyarti, militant du Front de libération de la servitude pour dette en Inde. Ce procès est intenté par un exportateur, qui a le même droit que quiconque d'exercer les moyens que la justice de son pays met à sa portée. Cette affaire remonte au 1er juin 1995 et le gouvernement, sans avoir encore été saisi formellement des faits, a pu s'assurer que M. Sathyarti avait déjà été libéré sous caution et que la justice suivait son cours.

Les membres travailleurs ont estimé qu'il était nécessaire de préciser les définitions et distinctions, et que cela pourrait être demandé à la commission d'experts. Cette clarification permettrait également de mieux établir le nombre d'enfants en cause. Le chiffre qui a été avancé d'environ 17 millions d'enfants qui travailleraient simplement dans l'entreprise agricole ou artisanale de leur famille n'avait jamais encore été évoqué. Le représentant gouvernemental a également précisé qu'environ 2 millions d'enfants étaient employés à des travaux dangereux.

Les assurances données par le membre employeur de l'Inde sont tout à fait bienvenues car les employeurs et leurs organisations ont un rôle essentiel à jouer, tout comme les organisations de travailleurs. Les poursuites restent un moyen indispensable de dissuader les infractions, et la commission d'experts comme la présente commission sont fondées à les considérer comme un indicateur de la détermination du gouvernement à régler ce problème.

Les membres employeurs ont indiqué que ce débat avait plus ou moins confirmé leur point de vue de départ. L'affirmation selon laquelle il n'existe pas de servitude pour dette des enfants ne peut être accueillie qu'avec un grand scepticisme, surtout lorsqu'un programme conjoint du gouvernement et des organisations non gouvernementales a précisément pour objet de lutter contre ce phénomène. Ce programme devrait d'ailleurs aider à rassembler des statistiques sur l'ampleur du problème.

L'effort d'éducation est sans doute fondamental mais, comme l'ont souligné les membres travailleurs, il ne peut se substituer à l'application efficace de la loi. En résumé, bien que l'Inde ait adopté de nouveaux programmes importants dans le domaine du travail des enfants, on ne constate pas de progrès significatif dans l'élimination de la servitude pour dette ou du travail des enfants sous toutes ses formes. Eu égard à l'ampleur apparente du problème, il faudrait pourtant y remédier rapidement.

La commission a pris note de l'observation de la commission d'experts et des informations écrites et orales complètes fournies par le représentant gouvernemental. La commission a pris acte du fait que le gouvernement avait exprimé sa volonté de coopérer et en avait apporté une nouvelle preuve en fournissant ces informations à la commission.

La commission a toutefois exprimé sa profonde préoccupation quant à l'ampleur et à la gravité du problème du travail interdit des enfants, et elle a estimé que le travail des enfants représentait la part la plus importante de l'ensemble du problème de la servitude pour dette et du travail forcé en Inde. Une lutte efficace contre ce phénomène exige l'identification, la libération et la réadaptation des enfants concernés. De l'avis de la commission, les plans et les mesures pour éliminer ce fléau devraient être considérablement étendus, renforcés et accélérés, eu égard en particulier à la persistance prolongée d'une grave violation de la convention fondamentale sur le travail forcé et au nombre important d'enfants concernés, qui concourent à l'extrême gravité de la situation en cette fin de XXe siècle.

En conséquence, la commission a demandé instamment au gouvernement d'intensifier ses efforts dans toute la mesure possible, notamment en améliorant ses actions de coordination et de contrôle au niveau national dans la lutte contre le travail des enfants. Cependant, le gouvernement devrait, dans le même temps, s'assurer également que les autorités gouvernementales au niveau local soient plus actives.

De l'avis de la commission, les mesures d'identification, de libération et de réadaptation des enfants travaillant dans ces emplois interdits doivent se faire plus efficaces, précises et systématiques. Les possibilités de sanction des responsables devraient être renforcées à cet effet.

A la lumière des discussions et des conclusions de la présente commission au cours des dernières années, ainsi que de l'insuffisance des progrès qui ont été accomplis, la commission s'est déclarée profondément préoccupée et a demandé instamment au gouvernement d'adopter les mesures déjà mentionnées en y affectant toutes les ressources disponibles, afin que des progrès réels puissent être constatés dans un très proche avenir, et bien avant l'an 2000.

Le gouvernement a en outre été instamment prié de fournir un rapport détaillé sur toute nouvelle mesure et tout progrès accomplis.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1994, Publication : 81ème session CIT (1994)

Un représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement venait d'achever et d'envoyer le rapport demandé pour la période se terminant le 30 juin 1993. Il a indiqué les difficultés que le pays doit affronter, en raison de son étendue et des délais nécessaires pour rassembler les informations demandées par la commission d'experts, ce qui explique le retard dans l'envoi du rapport. Se référant aux conclusions du groupe d'experts de la Commission de planification, l'orateur a indiqué que ceux-ci avaient constaté une diminution appréciable de la population en situation d'extrême pauvreté, notamment dans le secteur rural, ce qui devrait avoir une incidence directe sur le recul de la servitude pour dettes, étant donné que celle-ci résulte de relations agraires féodales. Il a signalé également que l'Organisation nationale de récolte de données (NSSO) a accepté la proposition du ministre du Travail tendant à la réalisation d'une étude sur la servitude pour dettes dans ses projets pour 1998-99. Le ministère du Travail a continué de prier les Etats de poursuivre le dépistage de la servitude pour dettes dans tous les secteurs, y compris dans les carrières et les briqueteries, secteurs signalés en particulier par la Commission nationale du travail rural. Un comité constitué de secrétaires au Travail de cinq Etats a soumis un projet de rapport définissant la servitude pour dettes et les moyens de la démasquer. Quant aux commissions de surveillance, l'orateur a cité le nombre de tels organismes créés au niveau des districts et des circonscriptions: 50 et 110 au Bihar; 45 et 209 au Madhya Pradesh; 30 et 92 au Radjasthan; 13 et 58 en Orissa. Il a également indiqué que, dans l'Etat du Maharashtra, le gouvernement considère que les organisations volontaires ont tendance à exagérer la situation et que dans cet Etat 1 300 des 1 380 travailleurs en servitude ont déjà été réadaptés. Au Tamil Nadu, les commissions de surveillance sont actuellement reconstituées et l'on rassemble des informations sur la situation en Andhra Pradesh. Le gouvernement a toujours pris très au sérieux les opinions exprimées par la Commission de la Conférence et la commission d'experts et réexamine actuellement la question avec les gouvernements des Etats, pour améliorer et accélérer la réadaptation des travailleurs en servitude. La question de la création d'une commission nationale sur la servitude pour dettes est à l'examen d'une commission de ministres du Travail dirigée par le ministre du Travail du Maharashtra; toutefois le gouvernement considère qu'une meilleure application de la législation en vigueur suffirait pour éliminer cette pratique. Quant aux poursuites engagées, aux condamnations prononcées et aux sanctions infligées à l'encontre de ceux qui tiennent des travailleurs en servitude, le gouvernement craint qu'une action de répression ne soit contre-productive et ne dissuade les intéressés de collaborer à démasquer les situations de servitude. En outre, considérant que le pouvoir judiciaire est indépendant, les autorités administratives ne peuvent prescrire de délai limite à la conclusion des procédures. Sur un total de 20 305 poursuites engagées, on recense 1 031 acquittements, 1 190 condamnations et 84 procédures en cours. Ces chiffres démontrent le sérieux avec lequel le gouvernement s'attaque à un problème qui, en raison de sa complexité, ne peut être résolu uniquement par des voies juridiques. Le gouvernement s'emploie également à éliminer progressivement le travail des enfants, et un projet de loi a été élaboré afin d'abroger les dispositions de la loi concernant les salaires minima permettant de fixer des taux de rémunération différents pour les enfants, les adolescents et les adultes, cette démarche ayant pour but de dissuader les employeurs d'employer des enfants. L'orateur a cité les chiffres illustrant l'augmentation, au cours des deux dernières années, du nombre d'inspections, de poursuites engagées et de condamnations intervenues en application de la loi sur le travail des enfants. Le gouvernement central a prié les gouvernements des Etats d'accorder une importance particulière à la réadaptation des enfants en servitude qui auront été identifiés et à prendre en considération les informations diffusées par la presse ainsi que les plaintes présentées par les organisations volontaires et autres organismes en vue d'une prompte action de suivi.

Les membres employeurs ont souligné que ce cas a été traité à de nombreuses reprises au cours des dix dernières années. Ils regrettent que le rapport du gouvernement en réponse aux questions adressées soit arrivé trop tard pour être examiné par la commission d'experts et donc par la présente commission. Les membres employeurs ne sous-estiment pas les problèmes que pose au pays l'éradication de la servitude pour dettes et de la servitude des enfants. Toutefois, au cours des dix dernières années, ils ont régulièrement entendu que: 1) il y avait des problèmes d'identification et de définition des travailleurs asservis; 2) les comités de vigilance n'existent pas ou sont inopérants ou inefficaces; 3) de nombreux problèmes se posent en matière de réadaptation des travailleurs; 4) il n'y a que peu de poursuites. Ils ont déploré que, malgré toutes les déclarations de bonne volonté, la situation ne semble pas s'améliorer. La commission d'experts a adressé 15 demandes d'information au gouvernement. Cela semble indiquer que faire rapport est devenu un exercice purement bureaucratique et routinier pour le gouvernement. La servitude pour dettes reste une donnée importante de la vie en Inde. Le problème est grave car il touche entre 250 000 et 5 millions de personnes dans un pays ayant ratifié la convention depuis quarante ans. Les actions prises ne démontrent pas beaucoup d'efficacité. Il existe un problème fondamental, celui d'une campagne crédible d'information du public; il est évident également qu'étant donné l'étendue du problème il n'existe pas vraiment de poursuites efficaces ni une mise en oeuvre des lois interdisant la servitude pour dettes. Il est nécessaire que l'Inde concentre son attention sur ce problème et prenne d'urgence des mesures concrètes pour en finir avec la servitude pour dettes et la servitude des enfants.

Les membres travailleurs ont convenu, avec les membres employeurs, que ce problème n'est pas nouveau. Il est difficile d'apprécier la situation car aucun rapport n'a été communiqué pour examen par la commission d'experts. Même si un rapport vient d'être reçu maintenant, sa communication tardive empêche que la commission fonde ses discussions sur ce rapport. Ils ont souligné qu'il n'est pas simplement question du travail des enfants mais de toutes les formes imaginables d'exploitation du travail des enfants dans tous les secteurs de l'économie du pays. Comme l'a souligné la commission d'experts, ces enfants sont exploités parce qu'ils sont jeunes et sans défense; ils sont privés d'une enfance normale, privés d'éducation, privés d'un avenir quand ce n'est pas leur vie même qui est en jeu. Dans son rapport, la commission d'experts a noté que le séminaire régional asien sur la servitude des enfants, tenu en 1992, a conclu que le combat contre la servitude des enfants exige un engagement politique ferme, une condamnation nette et sans équivoque de la servitude, une politique nationale d'ensemble, un programme d'action englobant des réformes législatives, un respect effectif de la législation et un système d'enseignement obligatoire et gratuit soutenu par une mobilisation de la société et des campagnes d'information. En 1993, la Commission de la Conférence a été informée que la Commission consultative nationale sur le travail des enfants avait défini deux projets nationaux tendant à l'élimination totale du travail des enfants en un an. La Commission de la Conférence entend aujourd'hui dire qu'il existe un projet de loi tendant à abolir la législation qui prévoit une différenciation du salaire minimum entre les enfants, les adolescents et les adultes, mais elle n'a aucune indication d'une quelconque évolution de la situation à cet égard. La commission d'experts attend des informations sur la mise en oeuvre de ces deux projets. Le représentant gouvernemental s'est référée à des réformes économiques en cours, réduisant la pauvreté dans les campagnes et, en conséquence, le travail forcé et le travail des enfants. Ils considèrent que, s'il faut attendre la disparition totale de la pauvreté en Inde pour pouvoir abolir le travail des enfants, cette forme de travail ne disparaîtra jamais de ce pays. La Commission de la Conférence a entendu, en 1993, que des statistiques sur le nombre de personnes concernées devaient être disponibles en septembre 1993. Aujourd'hui, elle apprend que l'enquête statistique nationale n'aborderait pas cette question avant 1998. La Commission nationale sur le travail rural a recommandé la création d'une commission nationale sur le travail forcé. La Commission des droits de l'homme, créée en octobre 1993, devait examiner ces questions. Or le champ d'action de cette dernière commission est restreint aux violations des droits de l'homme commises par des agents de l'Etat, de sorte que cette instance ne peut connaître des faits commis par des personnes privées. La Commission de la Conférence apprend aujourd'hui que cette question est à nouveau à l'examen. Les membres travailleurs ont souligné que, si rien n'est fait rapidement à propos du travail des enfants en Inde, il ne sera pas nécessaire d'imposer un embargo international sur les produits indiens car les gens à travers le monde refuseront d'acheter des produits fabriqués avec le sang et la sueur des enfants. Ils ont fait valoir qu'en 1993 la Commission de la Conférence avait prié instamment le gouvernement de fournir un rapport détaillé avec toutes les informations nécessaires à la commission d'experts. Ils ont exprimé l'espoir que cette question serait reprise et qu'un rapport indiquant des progrès substantiels serait communiqué. Lors des débats antérieurs, on a évoqué le recours à un paragraphe spécial non seulement dans les cas particulièrement graves, mais aussi en cas de non-respect continu d'une convention ou lorsqu'un gouvernement ignore de manière persistante les demandes de la Commission de la Conférence. Le cas sous examen est non seulement extrêmement grave, mais aucun progrès n'a été fait et le gouvernement n'a pas fourni les informations demandées. Les membres travailleurs ont invité les membres employeurs à se rallier à eux pour demander que ce cas soit mentionné dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.

Le membre travailleur de la Norvège, s'exprimant également au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Suède et de la Finlande, a déploré l'attitude du gouvernement de l'Inde à propos de l'envoi des informations demandées par la commission d'experts. Il a considéré que la proposition de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial se justifiait pour plusieurs raisons. En 1992, le gouvernement a communiqué oralement des informations à la Commission de la Conférence, laquelle n'a pu examiner en détail cette grave situation que constituent la servitude pour dettes et le travail forcé, y compris des enfants, du fait qu'il n'avait pas été communiqué d'informations écrites à la commission d'experts. La Commission de la Conférence a prié le gouvernement d'envoyer les informations demandées. En 1993, la Commission de la Conférence a pris note dans ses conclusions du fait que le gouvernement de l'Inde avait de nouveau ignoré cette demande. La situation se répète à nouveau cette année, seize ans après l'adoption de la loi sur l'abolition de la servitude. La commission d'experts n'a pas reçu les informations demandées. Un tel comportement justifie que ce cas soit mentionné dans un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que le fait qu'un rapport récent de la Confédération internationale des syndicats libres situe entre 100 et 200 millions, sans parvenir à davantage de précision, le nombre d'enfants exploités dans le monde est un indice de l'incurie des gouvernements en cause devant ce problème. Sans totalement nier la sincérité de l'intention du gouvernement de s'attaquer à ce problème, l'intervenant a critiqué l'attitude consistant à rendre un rapport trop tardivement pour qu'il puisse être examiné par la commission. Il a rappelé que d'après les chiffres rassemblés par des syndicats, dont deux syndicats indiens, il existe plusieurs millions d'enfants de 3 à 14 ans qui sont exploités en Inde, alors que le nombre de chômeurs semble y être sensiblement équivalent. L'intervenant a évoqué la possibilité, à titre de mesure concrète, de lancer des campagnes d'information de consommateurs pour les appeler à boycotter les produits fabriqués dans les pays tolérant ces pratiques inadmissibles. Relevant l'absence de réponse de la part du gouvernement aux questions de la commission d'experts quant à la sévérité des sanctions prévues à l'encontre des responsables et, notamment, quant au caractère dérisoire des amendes prévues, l'intervenant s'est déclaré prêt à entendre toute explication que le représentant gouvernemental voudrait bien donner quant à l'action déployée pour remédier à la situation, et il a appuyé la proposition de son groupe tendant à mentionner ce cas dans un paragraphe spécial du rapport.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne a déploré qu'une fois de plus le rapport soit parvenu tardivement. Il a toutefois concédé que le rapport a été présenté et que la commission d'experts pourra l'examiner l'an prochain. L'intervenant a relevé que la commission d'experts a pris note du rapport sur la mise en oeuvre du Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC), d'après lequel on constate qu'il existe une sensibilisation accrue dans les instances gouvernementales et parlementaires de l'union et de ses Etats, ainsi que des médias sur les questions du travail des enfants. En ce qui concerne la proposition de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial, il préconise, compte tenu du fait qu'un rapport a néanmoins été communiqué, que ce paragraphe soit fondé sur une évaluation objective de la situation et non sur le manquement à l'obligation de communiquer un rapport.

Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré apprécier les commentaires du membre gouvernemental de l'Allemagne, mais il a souhaité faire valoir que ce problème dépassait la question de la simple existence d'un rapport ou de sa soumission en temps voulu. On constate une absence de progrès dans ce domaine depuis 1984. La Commission de la Conférence a discuté ce cas en 1986, 1989, 1991, 1992 et 1993. Malgré l'absence persistante de tout progrès, ce cas n'a jamais été mentionné dans un paragraphe spécial. C'est aujourd'hui la première fois qu'un paragraphe spécial est proposé.

Le membre travailleur du Japon a déclaré que, n'étant pas très informé sur la question du travail forcé en Inde, il s'en était remis au rapport de la commission d'experts. Si une situation analogue se rencontre en Thaïlande, celle-ci paraît beaucoup plus grave. Le tableau brossé par le membre gouvernemental ne correspond pas à la réalité. Le gouvernement mentionne des textes législatifs interdisant le travail forcé mais, d'après ce que la commission d'experts a pu constater, ces textes sont sans effet. Peu de progrès ont été enregistrés et tout porte à croire que les comités de surveillance au niveau du district et de l'arrondissement n'ont pas été constitués ou sont inopérants. Les peines prononcées ont été peu nombreuses et d'une portée insignifiante. Le gouvernement refuse d'associer les syndicats à la recherche d'une solution. L'orateur appuie la proposition tendant à mentionner l'Inde dans un paragraphe spécial.

Le représentant gouvernemental, en réponse aux différentes interventions, a abordé la question du travail des enfants, phénomène qui, à son avis, n'existe pas seulement dans les pays en développement, comme en attestent les exemples de pays cités dans la publication du BIT intitulée Le travail dans le monde de 1992. S'il considère effectivement que le travail des enfants doit être éliminé, ce problème a ses origines dans différents facteurs économiques tels que les systèmes agraires féodaux, la pauvreté, les carences des systèmes d'instruction et de formation. Il s'agit d'un problème multidimensionnel nécessitant de même, pour le résoudre, une approche multidimensionnelle. S'agissant des considérations exprimées par les membres employeurs sur les progrès faits et sur la crainte que l'action entreprise ne se limite qu'à un exercice purement bureaucratique, le représentant gouvernemental a réitéré l'attachement de son gouvernement pour ces questions, comme le faisaient ressortir dans sa précédente intervention les données concernant les poursuites engagées et les condamnations prononcées contre les personnes coupables d'avoir imposé du travail forcé. Il a insisté sur l'ampleur du problème, qui requiert d'immenses efforts, d'ailleurs déployés de manière démocratique, et il a souligné les progrès constatés sur le plan de la prise de conscience du problème de la part du gouvernement et des organisations non gouvernementales, des organismes volontaires et de la presse. Se référant à l'intervention des membres travailleurs, il a souligné que son gouvernement regrette d'avoir envoyé son rapport tardivement. Le gouvernement veut respecter ses obligations en relation avec le système de contrôle. Il a réitéré ce qu'il avait exprimé dans sa précédente déclaration à propos du comité des ministres du Travail des différents Etats, dont le rapport permettra de mieux définir la servitude pour dettes et formuler les moyens de la combattre. Pour conclure, le représentant gouvernemental a déclaré que la question du travail des enfants ne doit pas être liée aux questions commerciales, et que l'imposition de sanctions de cette nature ne contribuerait en rien à résoudre un problème qui doit être examiné dans toute sa complexité, compte tenu des conditions qui s'imposent aux pays en développement et de la manière dont ces pays s'efforcent de faire face à ces problèmes, en cherchant des voies nouvelles dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la formation pour affranchir les enfants en état de servitude et les réintégrer à la vie économique.

Les membres employeurs ont souligné qu'il s'agissait d'un cas sérieux discuté depuis très longtemps, tout en appréciant la position très ouverte et franche du représentant gouvernemental. Cependant, ils ont estimé qu'il est très difficile de s'engager dans un dialogue de ce genre sur la base d'informations orales, et que ce qu'ils espèrent est que le gouvernement ne manquera pas à l'avenir de fournir ses rapports à temps. Mais ce cas ne concerne pas seulement la question de faire rapport, il concerne également un problème compliqué et incontournable pour lequel on relève peu de progrès. Ils ont souligné que ce cas concerne le travail forcé et que la référence faite par le représentant gouvernemental au seul travail des enfants en général n'est pas le problème en discussion ici. Des problèmes de ce genre doivent faire l'objet d'une nouvelle approche, et les membres employeurs pensent qu'un paragraphe spécial pourrait donner l'impulsion nécessaire pour encourager le gouvernement à renouveler ses efforts pour résoudre ce problème plus rapidement.

Les membres travailleurs ont relevé que personne n'a jamais suggéré que le rapport du gouvernement ait été retardé délibérément. Ayant pris note du fait que le gouvernement a fourni son rapport le 2 juin, ce qui est déjà une amélioration, ils remarquent cependant que cette commission n'a jamais eu un rapport à jour lui permettant d'avoir une discussion efficace. Ils n'accusent pas l'Inde de ne pas résoudre le problème du travail des enfants, mais ils aimeraient percevoir une sorte de désir d'action, avoir l'impression que ce problème est traité de manière prioritaire par-dessus toutes les priorités et que bientôt un résultat positif sera obtenu. Malheureusement, les membres travailleurs, ainsi que les membres employeurs, n'ont pas ce sentiment. Les membres travailleurs considèrent qu'un paragraphe spécial devrait permettre au représentant gouvernemental de retourner dans son pays pour souligner la préoccupation urgente de cette commission. Ils espèrent que ce caractère d'urgence sera traduit dans les conclusions qui seront adoptées.

La commission a pris note des informations orales fournies par le représentant gouvernemental et des développements intervenus. Elle a regretté qu'aucun rapport n'ait été fourni à temps par le gouvernement, mais elle a noté que le rapport ainsi que les réponses aux commentaires de commission d'experts ont été reçus au Bureau international du Travail le 2 juin dernier. Elle a regretté que cet envoi tardif n'ait donc pas permis à la commission d'experts, et par conséquent, à la Commission de la conférence, d'examiner les derniers éléments d'information fournis par le gouvernement. En tout état de cause, la commission a noté qu'en dépit des efforts accomplis il restait beaucoup à faire pour surmonter les problèmes déjà discutés au cours de nombreuses sessions précédentes et relevés par la commission d'experts concernant notamment l'identification, la libération et la réadaptation des personnes en servitude, y compris les enfants ainsi que, en particulier, l'introduction d'un système efficace de mise en oeuvre. A cet égard, la commission reste très profondément préoccupé par la situation. La commission a invité fermement le gouvernement à envoyer son prochain rapport à temps pour que la commission d'experts puisse dûment l'examiner, de même que la Commission de la Conférence elle-même. Considérant les conclusions qu'elle a adoptées l'année dernière, et compte tenu de la gravité des questions en discussion depuis plusieurs années sans enregistrer de progrès, la commission a réitéré sa très profonde préoccupation. La commission a prié instamment le gouvernement de ne ménager aucun effort pour mettre en oeuvre les mesures urgentes et nécessaires à l'élimination effectives de la servitude pour dettes et de fournir sans délai et sans faute les informations détaillées requises par la commission d'expert. La commission a décidé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1993, Publication : 80ème session CIT (1993)

Un représentant gouvernemental a déclaré qu'il y a un haut niveau de sensibilisation en Inde au problème de la servitude pour dettes et que le gouvernement utilise tous les moyens pour y mettre fin. Il a rappelé que deux siècles d'exploitation économique continue et perpétuelle ont fait de l'Inde un pays de pauvreté et de famine. La sensibilisation à l'encontre de la servitude pour dettes n'a démarré que récemment après l'indépendance. Le pays a réglé le problème de la famine, et ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne règle celui de la servitude pour dettes. Il a exprimé sa conviction que, dès lors que l'économie de son pays sera plus forte, la servitude pour dettes disparaîtra. La volonté du gouvernement et du peuple d'éliminer ce problème peut se déceler au travers de l'existence de dispositions législatives interdisant la servitude pour dettes, du suivi effectif des actions, des solutions judiciaires, des discussions au parlement et dans les organes législatifs des Etats, de la publicité adéquate donnée par les médias et de la participation active des institutions bénévoles en ce domaine. Il a rappelé qu'une législation complète et détaillée a été adoptée en 1976 avec la loi portant abolition de la servitude pour dettes qui a éteint les obligations des travailleurs asservis et dont le non-respect est passible de peines d'emprisonnement. La servitude pour dettes n'est pas seulement interdite par la Constitution et la législation spécifique, mais est également combattue administrativement par les organes d'exécution tant du gouvernement central que de ceux des Etats. L'action administrative se déroule en trois étapes: l'identification, la libération et la réadaptation. Le gouvernement central continue de conseiller aux gouvernements des Etats de conduire périodiquement des études pour identifier les travailleurs asservis et de prendre des mesures en vue de leur libération et leur réadaptation. Ils ont également conseillé d'associer les institutions bénévoles et les groupes d'action sociale à cette tâche. Cependant, l'identification et la libération des travailleurs asservis ne sont pas des mesures suffisantes. Le gouvernement a, de ce fait, fourni trois types d'allocation de réadaptation: les allocations foncières, les allocations non foncières et celles basées sur les compétences artisanales. De plus, des comités de vigilance ont été institués dans les districts et sous division des Etats afin que soit mise en oeuvre correctement la loi portant abolition de la servitude pour dettes. Ces comités revoient périodiquement leurs travaux qui sont également supervisés à tour de rôle. Le gouvernement approchera l'OIT dans un proche futur afin d'améliorer ce système de supervision. L'orateur a indiqué que 256 000 travailleurs asservis ont été identifiés et que 223 000 ont fait l'objet de réadaptation. Il n'est de ce fait pas approprié de conclure qu'il n'y a pas de mise en oeuvre effective de la loi. Les poursuites pénales doivent être basées sur la juste application de la loi et ne peuvent se faire dans une limite de temps fixée artificiellement. La Commission nationale du travail rural a soumis son rapport en juillet 1991 et ses recommandations ont été transmises aux ministères et départements du gouvernement central pour examen en consultation avec les gouvernements des Etats. Les gouvernements des Etats ont également reçu copie pour examen et mise en oeuvre. Les progrès sont passés en revue périodiquement. L'orateur a signalé qu'une réunion a été tenue par le ministre d'Etat du Travail de l'Union avec les secrétaires du travail des Etats où le problème de la servitude pour dettes est endémique. Il a été conclu qu'une nouvelle étude sur le travail devait être menée dans ces Etats. Ces Etats doivent terminer leurs études pour septembre 1993. Une commission des secrétaires d'Etat du travail a été constituée pour qu'une définition de la servitude pour dettes prenant en compte les indications juridiques dans ce domaine soit recommandée et utilisée pour les études. Afin d'assurer la libération et la réadaptation des travailleurs asservis, il a été conseillé aux Etats d'intégrer les différents programmes de lutte contre la pauvreté (par exemple le programme de développement rural intégré Jawahar Rozgar Yojna). Dans le cadre des activités entreprises sous la composante spéciale des plans pour SC/ST, il existe des arrangements pour que des terres en surplus soient allouées aux travailleurs asservis qui ont été libérés. De l'assistance a également été fournie sous la forme d'avoirs non fonciers, et la loi prévoit la restitution des biens libres de toutes charges aux travailleurs asservis après leur libération. Les comités de vigilance et les institutions volontaires ont été impliqués dans l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis. L'implication des syndicats dans ce processus pourrait s'avérer compliquée étant donné qu'ils s'occupent du secteur organisé et que la plupart des travailleurs asservis se trouvent dans le secteur non structuré. D'autre part, il pourrait être difficile pour les travailleurs asservis qui ont été libérés de s'organiser eux-mêmes en institutions bénévoles pour la mise en oeuvre des programmes de réadaptation du fait qu'ils préfèrent s'installer dans leur propre village et qu'ils sont donc disséminés dans le pays.

En ce qui concerne la Commission des droits de l'homme proposée, le gouvernement n'a pas besoin de l'investir de sujets spécifiques, étant donné que celle-ci aura la liberté de traiter toutes les questions qui, à son avis, relèvent des droits de l'homme.

A l'égard de la question du travail des enfants, l'orateur a fait état de ce que neuf projets nationaux sur le travail des enfants ont été mis en place, comprenant une composante majeure pour les écoles spéciales, dans le cadre du programme d'action visant à mettre en oeuvre la politique nationale sur le travail des enfants de 1987. En 1993, le Comité consultatif national sur le travail des enfants a identifié deux projets nationaux pour l'élimination complète du travail des enfants en un an. Se référant au Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC), l'orateur a indiqué que son gouvernement a signé un accord avec l'OIT en mai 1992. Cinquante-six projets ont été approuvés par le Comité de direction national tripartite, dont 34 sont déjà mis en oeuvre. Un des plus grands projets concerne la formation des inspecteurs qui sera exécutée courant 1993 à l'Institut national du travail et dans quatre instituts régionaux de formation du travail. Le projet touchera plus ou moins 600 inspecteurs.

En ce qui concerne les amendements de la loi Nagaland (Réquisition des portiers), 1965, demandés par la commission d'experts, l'orateur a déclaré que, depuis la récente élection de l'Assemblée au Nagaland, cette question est traitée de façon prioritaire et au plus haut niveau par le ministre en chef du gouvernement de Nagaland.

Enfin, eu égard aux données statistiques demandées par la commission d'experts, l'orateur a indiqué que les données concernant la démobilisation du personnel de la marine sont maintenant disponibles, mais que les données concernant l'armée sont difficiles à obtenir. Les règlements des services de la défense qui ont été demandés ne peuvent être fournis à l'OIT étant donné qu'ils sont strictement destinés à un usage officiel.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations détaillées fournies et ont rappelé que ce cas, qui soulève un problème important, est en discussion dans cette commission depuis de nombreuses années. La servitude pour dettes existe traditionnellement en Inde et est interdite par la législation depuis quinze ans. Le très vieux système de servitude pour dettes est néamoins difficile à éliminer en pratique. A cet égard, ils ont rappelé que la commission d'experts a indiqué dans ses commentaires qu'il n'y a pas d'améliorations notables de la situation. Ils ont fait remarquer que l'écart entre les diverses estimations du nombre de travailleurs asservis est considérable. Les chiffres varient entre 250 000 et 5 millions. Les Etats individuels sont mieux placés pour faire les estimations que le gouvernement national, mais la division des responsabilités ne semble pas être couronnée de succès. Cela pose également un problème aux comités de vigilance. Le gouvernement n'a reçu aucun rapport de ces comités, et il semble qu'ils ne fonctionnent pas correctement. Si cela est exact, des mesures doivent être prises. Alors que des institutions bénévoles sont actives en matière de réadaptation et de réintégration dans la société des anciens travailleurs asservis, les rapports de la Commission nationale sur le travail rural indiquent que la réadaptation a eu fort peu de succès et que des mesures doivent être prises pour améliorer cette situation. Ils ont relevé l'appel de la commission d'experts pour que plus d'institutions bénévoles soient impliquées dans des activités de réadaptation, et ont prié le gouvernement d'indiquer s'il existe de nouvelles institutions, de même que la nature de leur impact. Ils ont noté que le gouvernement, alors qu'il mentionne qu'il est prêt à surveiller l'évolution de cette situation, a rejeté l'idée de la création d'un comité national pour traiter de la servitude pour dettes. Ils ont relevé qu'il existe un projet de loi instituant une commission sur les droits de l'homme, mais que celui-ci n'est pas clair quant à la responsabilité de cette commission pour les questions de servitude pour dettes. Ils ont interrogé le gouvernement sur les pouvoirs de cette commission et ont rappelé que la servitude pour dettes ne pourra être effectivement combattue que si les mesures nécessaires sont planifiées et mises en oeuvre.

En ce qui concerne la servitude des enfants, ils ont noté les informations fournies par le représentant gouvernemental relativement à la création de deux programmes nationaux. Si ces programmes sont de fait déjà élaborés, comment sont-ils mis en oeuvre dans la pratique? Selon le document des Nations Unies, un très grand nombre d'enfants sont soumis à la servitude pour dettes. Ils ont prié le gouvernement de fournir de plus amples informations au Bureau sur les résultats de la commission d'enquête qui a été nommée par la Cour suprême. Le travail des enfants est un signe révélateur du grand degré de pauvreté dans le pays. Ainsi qu'il ressort du Séminaire régional asien sur la servitude des enfants, ce problème n'est pas limité à l'Inde. Ce cas relève cependant de la question de la mise en pratique de ce qui est déjà prévu par la loi. Les mesures déjà prises ne sont pas satisfaisantes et il est nécessaire de les renforcer. Des mesures plus fermes devraient être prises au niveau fédéral et, si cela n'est pas possible dans le cadre de la division actuelle des responsabilités, alors cette division devrait être revue. Malgré les assurances du représentant gouvernemental que ce problème sera résolu, très peu de progrès sont à noter jusqu'à présent. Ils ont prié le gouvernement de fournir des informations détaillées au Bureau sur tous les changements opérés afin d'assurer l'élimination de la servitude pour dettes en pratique, qui est requise de façon urgente.

Les membres travailleurs ont noté qu'il s'agit d'un des problèmes les plus difficiles et insolubles dont la commission a à discuter cette année. Ils ont relevé que le gouvernement n'a pas fourni les rapports destinés à l'examen de la commission d'experts en 1992 et en 1993 et ont souligné que cette information est essentielle pour que le problème soit traité de façon adéquate par la commission d'experts et cette commission. Ils ont déploré le manque de progrès réalisés depuis l'adoption de la législation pour l'abolition de la servitude pour dettes et la marquante décision de la Cour suprême. Le processus d'identification des travailleurs asservis est lent, les mesures de réadaptation inadéquates, la constitution et le fonctionnement des comités de vigilance sont loin de correspondre à ce qu'il faudrait, l'implication des institutions bénévoles dans les programmes officiels de réadaptation est quasi inexistante, les poursuites sont rares et les sanctions imposées sont ridicules. Il est vrai que la législation sur l'abolition de la servitude pour dettes existe, mais l'ampleur du problème doit être mesurée avant que des programmes efficaces pour l'aborder ne puissent être adoptés. Comme l'ont souligné les membres employeurs, les estimations du nombre des travailleurs asservis varient considérablement. Ils ont des doutes quant aux derniers chiffres fournis par le gouvernement qui indiquent qu'il n'y aurait plus que 30 000 travailleurs asservis. Alors que le gouvernement a mentionné qu'ils sont en train d'entreprendre de nouvelles études afin de déterminer le nombre de travailleurs asservis, les membres travailleurs ont rappelé que le gouvernement dit cela depuis 1985, sans beaucoup de résultats. Dans son rapport, la Commission nationale sur le travail rural a mentionné que la définition de la servitude pour dettes, adoptée par l'Organisation nationale d'expertise s'occupant des enquêtes statistiques, est beaucoup trop limitée. La commission d'experts a exprimé l'espoir que le gouvernement prendra en considération la définition complète de la servitude pour dettes dans les instructions qu'il donnera. Les membres travailleurs ont noté par ailleurs que les ressources humaines disponibles en Inde auraient dû être suffisantes pour que les enquêtes statistiques réalisées fussent de qualité. En ce qui concerne les comités de vigilance, la Commission nationale sur le travail rural a indiqué que la plupart de ces comités n'ont pas été créés, et que ceux qui l'ont été sont inactifs. La supervision du travail de ces comités est essentielle. Ils ont prié le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour superviser ces comités de vigilance. Les membres travailleurs s'interrogent sur l'efficacité des actions de réadaptation qui sont menées dans les zones où l'on trouve la servitude pour dettes, et qui sont caractérisées par un retard économique, des infrastructures pauvres et un faible taux de l'emploi. Ils ont instamment prié le gouvernement de fournir des informations au Bureau pour l'examen des actions prises en vue de stimuler l'implication des institutions bénévoles dans les activités de réadaptation, telle que recommandée par la Commission nationale sur le travail rural.

Tout en accueillant favorablement les mesures prises pour l'adoption du projet de loi créant la Commission des droits de l'homme, ils ont noté que le problème majeur actuel est la servitude pour dettes. Or, il n'est pas du tout clair que la Commission sur les droits de l'homme va traiter de ce problème. En ce qui concerne la mise en oeuvre des sanctions, les membres travailleurs ont relevé les références du rapport de la Commission nationale sur le travail rural relatives aux intervalles démesurés entre l'identification, la libération et la réadaptation ainsi que le manque de poursuite des infractions à cette loi.

Se référant à la tragédie du travail des enfants en Inde, les membres travailleurs ont des doutes quant à la déclaration du représentant gouvernemental qui considère que cela peut être éliminé en un an.

Enfin, les membres travailleurs ont noté qu'il est impossible de poser toutes les questions qui seraient nécessaires vu le peu de temps disponible. Ce cas représente une des violations les plus graves de cette convention, et son application en Inde devrait être maintenue sous surveillance constante et régulière. Les efforts réalisés par le gouvernement sont inadéquats et les résultats insatisfaisants. Ce cas devra être revu à l'avenir par la commission, et ils ont exprimé l'espoir que le gouvernement fournira les rapports nécessaires à son examen au Bureau. A l'avenir, ce cas pourrait requérir un traitement spécial afin que la désapprobation quant à la manière dont ce problème a été traité soit exprimée.

Le membre travailleur du Pakistan a fait état de sa conviction que la servitude pour dettes et en particulier le travail des enfants sont des maux non seulement pour l'Inde mais pour l'humanité entière. Dans ce contexte, il a salué la création de la Commission nationale sur le travail rural. Des mesures spéciales ont été demandées afin de libérer les travailleurs asservis issus spécifiquement des castes et tribus spécifiées et qui sont souvent illettrés et sans terres. Le gouvernement devrait porter une attention spéciale à ce groupe de la société et faciliter leur accès à un emploi rémunérateur. Les programmes contre la pauvreté décrits par le gouvernement devraient être plus orientés vers ce problème. Il a prié le gouvernement de mettre en oeuvre la recommandation de la Commission nationale sur le travail rural concernant l'institution d'une autorité nationale ou d'une commission nationale sur la servitude pour dettes. Il a également recommandé au gouvernement de fournir une copie du jugement de la Cour suprême qui a été demandée par la commission d'experts dans ses commentaires. Il a salué les recommandations du Séminaire régional asien sur la servitude des enfants et a exprimé l'espoir que les gouvernements concernés alloueront dans les années à venir des ressources pour l'éducation et la formation des enfants, et fourniront un emploi rémunérateur aux pauvres de la société, particulièrement à ceux impliqués dans le travail rural, de sorte que les maux de la servitude pour dettes soient éliminés. Enfin, il a exprimé l'espoir que le programme IPEC aidera les Etats Membres à traiter ce problème et renforcera les mesures nécessaires à l'élimination de la servitude pour dettes.

Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande, s'associant aux commentaires des membres travailleurs, a noté que le langage neutre et exempt de passion de la commission d'experts ne peut cacher la tragédie qui sous-tend ce cas. Le rapport du Séminaire régional asien sur la servitude pour dettes des enfants s'est référé aux enfants asservis comme ceux étant les plus solitaires, vulnérables et tragiques travailleurs du monde. Alors que les difficultés rencontrées par le gouvernement dans sa tentative d'éliminer ces maux sont grandes, il a demandé au gouvernement d'indiquer les mesures qui ont été prises suite aux recommandations du Séminaire régional asien, particulièrement en ce qui concerne l'élaboration d'une politique nationale complète et détaillée et d'un programme d'action concernant les réformes législatives, leur mise en oeuvre effective et le système d'éducation gratuit et obligatoire, soutenus par une mobilisation communautaire et des campagnes d'information.

Le membre travailleur de la Colombie a rappelé que le gouvernement a ratifié la convention depuis trente-neuf ans et qu'il en est encore au stade de l'adoption de mesures. Même si les informations soumises sont optimistes, les travailleurs, et en particulier les enfants qui sont asservis dans le cadre du travail forcé, ne semblent malheureusement pas être du même avis. Cette commission s'est souvent entendu dire par une majorité de pays que des études sont en train d'être réalisées, que des mesures seront prises et que le gouvernement va développer des actions pertinentes. Néanmoins, nous ne pouvons que constater qu'en pratique les problèmes persistent. Il a signalé que malheureusement il s'agit d'un cas qui a touché des millions de victimes. Une fois de plus, l'on peut constater les déséquilibres sociaux qui règnent dans l'humanité. Naturellement, le tribut le plus cher est payé par les secteurs les plus pauvres et les plus marginalisés qui voient non seulement leurs droits bafoués mais également leur espoir anéanti. Pour finir, tout en appuyant le gouvernement de l'Inde pour qu'il utilise tout son enthousiasme, sa ferveur patriotique et sa sensibilité pour résoudre ce problème, il a ajouté que les pays industrialisés et ceux ayant une capacité économique supérieure devraient revoir à fond leurs programmes afin d'assurer une redistribution plus juste des richesses mondiales, ce qui pourrait aussi contribuer à résoudre beaucoup des problèmes présentés. Il est nécessaire que les forces vives de l'Inde ne se préoccupent pas seulement des plus privilégiés, mais principalement des plus pauvres de leur pays.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne, limitant ses commentaires à la servitude des enfants, a déclaré qu'il y avait certains signes de progrès dans ce cas. Tout en reconnaissant que la situation globale est assez déprimante, il a rappelé que l'Inde est l'un des principaux pays cibles pour le programme international du BIT pour l'élimination du travail des enfants (IPEC). Etant membre du Comité de direction de ce programme, il a souhaité signaler que le gouvernement indien fait des efforts considérables pour traiter le problème de la servitude pour dettes des enfants. Le vice-président de l'Inde a porté beaucoup d'attention critique à ce problème dans sa déclaration d'ouverture de la Conférence sur la sécurité et l'hygiène à New Delhi. Même si pareille autocritique ne résout pas le problème, il est encourageant, et le gouvernement devrait être encouragé à continuer dans cette voie afin que la situation puisse en fin de compte être changée.

Le représentant gouvernemental, après avoir mentionné sa gratitude pour les positions exprimées, a clarifié que le plan d'un an pour l'élimination du travail des enfants ne concerne pas l'élimination de tout le travail des enfants mais concerne deux domaines de projet, identifiés pour des raisons de convenance administrative et logistique. En ce qui concerne le non-envoi de rapports, il a déclaré qu'il est très difficile d'obtenir des informations sur les comités de vigilance. Il existe déjà plus de 400 comités de vigilance et d'autres encore devraient être institués après l'achèvement de l'étude. C'est pour cette raison que le gouvernement a approché l'OIT pour bénéficier de sa coopération technique dans le domaine de la supervision. Il a conclu en indiquant que les différents commentaires émis dans cette commission seront pris en compte et a réitéré que son gouvernement prend très au sérieux le problème de la servitude pour dettes, et plus particulièrement le problème du travail des enfants.

La commission a pris acte des informations communiquées par le représentant gouvernemental. La commission a constaté que plus de quinze ans se sont écoulés depuis l'abolition du système de servitude pour dettes en 1976. La commission a cependant pris acte, comme l'avait montré la commission d'experts, que depuis cette date cette situation, des plus graves, s'est fort peu améliorée dans la pratique: le processus d'identification est lent, les mesures de réadaptation sont inadéquates, la constitution et le fonctionnement de comités de vigilance laissent beaucoup à désirer et ne sont pas supervisés par un organe national, l'implication des institutions bénévoles dans les projets officiels de réadaptation n'est pas encouragée, les poursuites sont rares et les sanctions sont insignifiantes. La commission a noté que la Commission nationale pour le travail rural, dans un rapport publié en 1991, recense les points faibles et formule un certain nombre de propositions et de recommandations. La commission a également rappelé les observations faites par la commission d'experts ces dernières années relatives à la situation extrêmement grave en matière de servitude pour dettes des enfants, et a rappelé les débats qu'elle a déjà tenus à ce sujet. La commission a pris note avec intérêt de l'accord de coopération technique signé avec le Programme international pour l'élimination du travail des enfants. La commission a exprimé sa profonde préoccupation et a instamment prié le gouvernement de communiquer un rapport détaillé afin que la commission d'experts puisse l'analyser lors de sa prochaine session et disposer de toutes les informations nécessaires. Compte tenu de la gravité de la situation et de la lenteur des progrès réalisés depuis 1976, la commission a exprimé le ferme espoir de pouvoir examiner à nouveau ce cas l'année prochaine et de pouvoir enregistrer des progrès réels et appréciables dans l'élimination de la servitude pour dettes.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1992, Publication : 79ème session CIT (1992)

Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Identification des travailleurs asservis

Il appartient principalement au ministère du Revenu et à l'Agent de développement régional des gouvernements des Etats d'identifier les travailleurs asservis. Le ministre du Travail a émis des circulaires soulignant la nécessité d'entreprendre de nouveaux efforts pour identifier ces travailleurs. Il suggère les étapes suivantes:

a) le ministère du Revenu devrait effectuer des enquêtes à domicile avec l'aide des agences locales, comme la Direction de l'économie et des statistiques, la Direction locale du bien-être des classes défavorisées et les organismes similaires, sur le modèle des études effectuées par l'Institut national de sondage lors de sa 32e session;

b) l'identification devrait être faite durant les recensements pour l'attribution des sites de construction de maisons, dans le cadre du IRDP;

c) des études approfondies devraient être entreprises dans les carrières d'extraction de pierres et les fours à briques.

La libération des travailleurs asservis est soumise au processus judiciaire. La procédure permettant de libérer les travailleurs asservis est prévue à l'article 21 de la loi de 1976 sur l'abolition de la servitude pour dettes. Il s'agit d'une enquête sommaire, aux termes du Code de procédure pénal. Une fois l'enquête terminée, le maître du travailleur asservi peut être puni; le travailleur asservi doit être libéré, et toutes ses dettes et responsabilités vis-à-vis de l'employeur sont éteintes. S'il est prouvé que l'employeur a gardé un travailleur asservi, l'article 16 de la loi prévoit une punition exécutoire.

Les comités de vigilance

Les comités de vigilance sont institués par les gouvernements des Etats dans la plupart des districts et des sous-divisions où le problème de la servitude pour dettes sévit de façon endémique. Ces comités tiennent des réunions périodiques afin d'examiner comment la loi est appliquée et d'assister les autorités en ce qui concerne l'identification, la libération et la réhabilitation des travailleurs asservis, ainsi que pour conseiller les autorités chargées de l'application de la loi.

Intégration du programme de réadaptation des travailleurs asservis dans d'autres programmes de lutte contre la pauvreté

Les gouvernements des Etats ont souligné à plusieurs reprises la nécessité d'intégrer les efforts accomplis dans le cadre du programme de réadaptation des travailleurs asservis dans d'autres programmes de lutte contre la pauvreté existant à l'intention des bénéficiaires. Les gouvernements des Etats ont eux-mêmes émis des directives adressées aux organismes chargés de l'application de ces programmes afin qu'ils prennent les mesures voulues en ce sens.

Commission nationale sur la servitude pour dettes

Le ministre du Travail a procédé à un examen approfondi de l'ensemble de cette question (établissement d'une commission nationale sur la servitude pour dettes) à la lumière de la recommandation faite par la Commission nationale sur le travail agricole. Il a été décidé que la constitution d'une autre commission n'était pas nécessaire à ce stade mais, en revanche, que les gouvernements des Etats devraient mieux appliquer les dispositions de la loi, et que les mesures prises feraient l'objet d'un contrôle mensuel attentif. Cela étant, le secrétaire du Travail de l'Union a donné des instructions le 7 février 1992 aux secrétaires en chef de tous les gouvernements des Etats concernés, afin qu'ils prennent des mesures vigoureuses en vue de l'identification et de la réhabilitation des travailleurs asservis; par ailleurs, on a mis en place un système de contrôle trimestriel.

Directive du ministre du Travail aux gouvernements des Etats afin d'éviter la corruption et le détournement des fonds destinés au processus d'identification et de libération des travailleurs asservis

Le travail est l'un des sujets de compétence partagée inscrits dans la Constitution de l'Inde; cela signifie que les gouvernements de l'Union et des Etats ont une responsabilité conjointe pour la formulation des politiques et de la législation du travail. Compte tenu de cette disposition constitutionnelle, un grand nombre de lois du travail sont adoptées par le gouvernement central mais sont appliquées par les gouvernements des Etats, arrangement qui prévaut pour la loi de 1976 sur l'abolition du système de servitude pour dettes. Le gouvernement central conseille à l'occasion les gouvernements des Etats afin d'assurer une meilleure application de cette législation et d'autres lois semblables en matière de travail.

Travail des enfants

Le gouvernement a mis en place des cours d'orientation et de formation afin de motiver et de sensibiliser le personnel chargé de l'application de la législation à une meilleure interaction en ce qui concerne les problèmes relatifs au travail des enfants et la nécessité de mieux faire observer les lois concernant le travail des enfants, et également pour les inciter à adopter une approche globale face à ce problème. Il est proposé d'étendre ce programme dans le but d'y faire participer non seulement les organismes chargés du contrôle, mais également les ONG et la collectivité dans son ensemble, ainsi que les groupes de travailleurs et d'employeurs. Deux séminaires tripartites ont d'ailleurs été tenus, au niveau de l'Etat, dans les Etats du Tamil Nadu et d'Uttar Pradesh; le gouvernement et les groupes de travailleurs et d'employeurs qui y ont participé ont élaboré un plan d'action global, non seulement pour intégrer les actions prises en matière de bien-être social, mais aussi pour coordonner les efforts de tous les partenaires sociaux chargés de l'élimination du travail des enfants. De plus, le gouvernement a engagé séparément des consultations actives avec les groupes de travailleurs et d'employeurs, afin de discuter des problèmes que pose l'application de la législation et de trouver des moyens d'améliorer la situation, particulièrement en ce qui concerne le rôle des groupes de travailleurs et d'employeurs à cet égard.

En ce qui concerne les commentaires de la commission d'experts au sujet de la requête (civile) no 12125 de 1984, le gouvernement déclare qu'elle est encore sub judice. La commission d'enquête instituée aux termes de l'ordonnance de la Cour suprême a depuis lors remis son rapport et, dès que la Cour aura rendu son arrêt, le gouvernement fournira un complément d'informations à la commission d'experts.

Le gouvernement a également fourni: des statistiques sur les travailleurs asservis identifiés et réhabilités en date du 31 mars 1991 et sur l'objectif visé pour 1991-92; des données sur le nombre de poursuites intentées en vertu de la loi de 1976 sur l'abolition du système de servitude pour dettes, en date de mars 1988; ainsi que des extraits de l'arrêt no 16-12-1983 de la Cour suprême dans l'affaire Banchua Mkuti Morcho c. Union de l'Inde et autres.

En outre, une représentante gouvernementale s'est référée aux informations écrites fournies par son gouvernement et a ajouté que le gouvernement central n'a pu fournir de rapport de la présente convention à cause des difficultés rencontrées dans la collecte d'informations auprès des divers gouvernements des Etats. Par ailleurs, le gouvernement central n'est pas en mesure de satisfaire à la demande de la commission d'experts qui souhaitait des renseignements complets sur les conclusions et recommandations d'un comité constitué en application d'un arrêt rendu par la Cour suprême en 1983, puisqu'il ne les a pas reçues des autorités gouvernementales de l'Etat de Haryana; mais les renseignements suivants seront toutefois peut-être utiles à la commission pour évaluer les mesures prises; dans son arrêt de 1983, la Cour suprême a interprété très libéralement la définition de l'expression "servitude pour dettes"; cette interprétation a été portée à l'attention des gouvernements des Etats et des autorités de district, et la loi de 1976 sur l'abolition du système de servitude pour dettes a été amendée en conséquence en 1985. Les statistiques fournies par le gouvernement de l'Etat de Haryana indiquent que 544 cas de servitude pour dettes avaient été identifiés au mois de mars 1991; seulement 21 de ces personnes ont bénéficié des programmes de réadaptation, mais le gouvernement de l'Etat prend les mesures nécessaires dans les autres cas. Selon les dernières statistiques disponibles au 31 mars 1991, on a identifié 255.608 travailleurs asservis, dont 222.985 ont bénéficié des programmes de réadaptation. Afin d'accélérer le processus d'identification, le gouvernement central a donné des instructions aux gouvernements des Etats en leur soulignant la nécessité de faire périodiquement de nouveaux efforts pour identifier les travailleurs asservis, comme les enquêtes à domicile effectuées par les ministères du Revenu et du Développement, par les divers organismes de statistiques et les enquêtes effectuées par l'Office national de sondages. Ces organismes ont reçu instruction d'effectuer des enquêtes approfondies dans les carrières de pierre et les fours à briques. La représentante gouvernementale a confirmé que les comités de vigilance sont constitués par les gouvernements des Etats dans presque tous les districts et sous-divisions où le problème de la servitude pour dettes est endémique. Ces comités ont tenu des réunions régulières afin de surveiller la mise en oeuvre de la loi mentionnée ci-dessus et d'aider les autorités à identifier, libérer et réadapter les travailleurs asservis. Toutefois, le gouvernement central n'est pas toujours en mesure d'obtenir des renseignements détaillés sur les activités des comités de vigilance, ce contrôle relevant des gouvernements des Etats. Les institutions bénévoles reçoivent des subventions correspondant à un octroi forfaitaire de 50 pour cent des frais de fonctionnement, soit 5.000 roupies par année. En outre, elles reçoivent chaque année une certaine somme pour chaque travailleur libéré, au-delà d'un nombre minimal fixé annuellement. Jusqu'ici, quatre de ces institutions bénévoles ont reçu des subventions de divers gouvernements des Etats, mais il en existe d'autres qui contribuent à leur façon à ce processus de libération, même si elles ne reçoivent pas l'aide du gouvernement central. Aucun nouveau sondage n'a été effectué selon les renseignements recueillis auprès des gouvernements des Etats, mais ces derniers ont reçu instruction d'envisager de déléguer les pouvoirs nécessaires aux administrations de district, afin de faciliter l'accomplissement de cette tâche.

En ce qui concerne l'intégration des divers programmes de lutte contre la pauvreté lancés voici plusieurs années, le gouvernement central a conseillé aux gouvernements des Etats de faciliter cette intégration et de créer les liens nécessaires afin que les travailleurs asservis, une fois libérés, risquent le moins possible de retomber en servitude.

Le gouvernement a examiné la proposition d'instituer une commission nationale sur la servitude pour dettes, mais a conclu qu'elle n'était pas nécessaire à ce stade. Il faut plutôt que les gouvernements des Etats appliquent mieux les dispositions de la loi sur l'abolition de la servitude pour dettes; par ailleurs, un système de contrôle trimestriel a été établi à cette fin.

La législation de l'Inde comporte des dispositions constitutionnelles et législatives interdisant le travail des enfants dans certains travaux et occupations dangereux, et réglementant leurs conditions de travail dans d'autres emplois. Une politique nationale visant à combattre ce fléau a été formulée en 1987 pour assurer le bien-être des enfants. Il est également proposé d'étendre l'application de ce programme afin d'y faire participer non seulement les organes chargés de l'application de la loi, mais également les organisations non gouvernementales (ONG), le grand public, ainsi que les organisations de travailleurs et d'employeurs avec qui des consultations ont été entamées afin d'examiner comment elles pourraient contribuer à l'élimination du travail des enfants. La représentante gouvernementale a également fait état de la collaboration importante avec l'UNICEF en ce domaine et souligné que la communauté internationale et non seulement le gouvernement central ont des responsabilités en ce qui concerne l'élimination du travail des enfants. Dans le cadre du Programme international du BIT pour l'élimination du travail des enfants, son gouvernement mettra en place des programmes faisant appel à la participation des ONG dans plusieurs régions, pour diverses catégories d'emploi et pour la formation des inspecteurs; il entend également lancer une vaste campagne de sensibilisation dans le pays. Son gouvernement fournira à la commission d'experts des informations complètes sur le rapport de la commission d'enquête instituée en application de l'ordonnance de la Cour suprême en 1991, ainsi que la suite de l'arrêt de la Cour dès qu'il aura été rendu.

Les membres travailleurs, tout en remerciant la représentante gouvernementale pour la quantité considérable de renseignements fournis, se sont dits déçus dans la mesure où la plus grande partie de ces renseignements auraient pu être fournis plus tôt à la commission d'experts, ce qui aurait permis à la présente commission de fonder ses conclusions sur l'évaluation des experts. En ce qui concerne l'arrêt rendu par la Cour suprême en 1983 et la Commission d'enquête sur l'identification des travailleurs asservis dans l'Etat de Haryana, le gouvernement devrait fournir tous les renseignements demandés par les experts et ne pas s'abriter derrière le fait que cette question est en instance devant les tribunaux, et que l'information n'est donc pas disponible. S'agissant des questions concernant l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis, les experts se sont fondés sur les renseignements fournis par l'organisation Anti-Esclavage International, selon lesquels la servitude pour dettes touche quelque 5 millions d'adultes et 10 millions d'enfants. Les chiffres fournis par le gouvernement à cet égard semblent particulièrement constants: 242.000 travailleurs asservis en 1989, 245.000 en 1990 et, au 31 mars 1991, 255 608. Si le gouvernement peut fournir des chiffres aussi précis, il semble exister dans le pays un système très avancé de collecte des statistiques, mais le gouvernement central évoque les difficultés qu'il rencontre pour obtenir des renseignements des gouvernements des Etats. Il est important que le gouvernement fournisse des statistiques afin que cette commission puisse évaluer les efforts qu'il fait pour se conformer à ses obligations aux termes de cette convention. Il est tout aussi important, et la commission d'experts le souligne, de faire intervenir les syndicats, les partenaires sociaux et les nombreuses autres organisations dans le travail qui doit être accompli. Il s'agit du problème de l'identification des travailleurs asservis et du rôle des comités de vigilance à cet égard, que les experts ont souligné en demandant au gouvernement de s'assurer que de tels comités soient constitués, qu'ils se réunissent régulièrement et qu'ils tiennent des registres. Les travailleurs se sont dits déçus des renseignements fournis par le gouvernement à cet égard dans sa communication écrite dans la mesure où le gouvernement central semble incapable de contrôler le travail des comités de vigilance et baisse pratiquement les bras devant l'ampleur du problème. Par ailleurs, le document contient peu d'informations sur la participation des institutions bénévoles et sur les programmes de réadaptation. Les membres travailleurs ont invité le gouvernement à fournir à la commission d'experts les renseignements demandés sur le nombre d'institutions bénévoles contactées, les réponses qu'elles ont données sur les catégories d'activités dans lesquelles des travailleurs libérés ont été réadaptés, les mécanismes de suivi existant dans le cadre des programmes de réadaptation, ainsi que sur tout plan d'action adopté pour promouvoir l'intégration des programmes de lutte contre la pauvreté et la servitude pour dettes. Les membres travailleurs pourraient comprendre la décision du gouvernement de ne pas instituer une commission nationale sur le travail forcé si celle-ci n'était qu'une simple mesure bureaucratique supplémentaire; ils ont estimé toutefois qu'une telle commission pourrait fort bien être utilisée comme agence de coordination des diverses activités mentionnées par le gouvernement. Tous les arguments et les recommandations à ce sujet devraient être présentés à la commission d'experts afin que cette dernière puisse évaluer le bien-fondé du rejet de cette initiative. L'application de la loi est un aspect particulièrement important et le gouvernement devrait, comme la commission d'experts le lui a de nouveau demandé, fournir des renseignements détaillés sur les poursuites en matière de servitude pour dettes intentées devant la Cour suprême de l'Inde et les Hautes Cours des différents Etats. Le gouvernement pourrait peut-être inciter les tribunaux à accélérer l'examen de certains de ces cas. Compte tenu des faits horribles concernant le travail des enfants mentionnés dans le rapport de la commission d'experts, et tout en convenant que les pays occidentaux ont une part de responsabilité dans l'exploitation économique des enfants indiens, les membres travailleurs ont estimé que les pressions devraient être maintenues sur le gouvernement afin de s'assurer que le maximum d'efforts soit fait pour mettre un terme à la servitude pour dettes et au travail des enfants dans le sous-continent. Cette commission devrait encourager le gouvernement - à l'occasion en le critiquant - à rechercher activement toute l'aide qu'il peut obtenir du BIT pour l'assister dans sa tâche. Cette commission et la commission d'experts devront continuer à examiner tous les aspects de ce problème. Ils ont conclu en invitant à nouveau le gouvernement à fournir à l'avenir ses rapports en temps voulu au BIT, afin de faciliter le travail des organes de contrôle.

Les membres employeurs ont fait observer qu'en lisant les huit pages du rapport de la commission d'experts de cette année, les réponses écrites du gouvernement, et en écoutant la déclaration de la représentante gouvernementale aujourd'hui, on a l'impression que le problème est en voie de règlement. Ce n'est pas le cas. Cela vient du fait que le rapport de l'année dernière décrivait la situation en termes beaucoup plus imagés et que cette année les experts se bornent à formuler 11 demandes de renseignements au gouvernement, ce qui ne reflète pas la réalité du problème. Il s'agit en fait de deux problèmes, la servitude pour dettes et le travail des enfants, deux sujets qui suscitent une très vive préoccupation. Il existe manifestement des lois qui traitent de ces deux questions, mais il s'agit d'un problème d'application. Les sanctions pénales existent dans les textes, mais il semble que les personnes qui exploitent les enfants ou les travailleurs asservis n'ont pas grand chose à craindre en raison de la lenteur du processus judiciaire. L'une des difficultés essentielles tient au fait que la dimension réelle du problème est mal connue: il s'agit partiellement d'un problème d'identification des travailleurs asservis, mais cela peut également tenir à la définition de la servitude pour dettes. De nombreuses statistiques ont été fournies, mais cette commission ne sait pas si le chiffre d'environ 250.000 personnes est exact, s'il est plus élevé ou plus bas. Les employeurs penchent plutôt pour cette dernière éventualité. Le rapport de cette année donne l'impression qu'il ne subsiste pas de difficulté en ce qui concerne les comités de vigilance. Le gouvernement déclare qu'ils ont tous été constitués et l'on tient pour acquis qu'ils fonctionnent bien; toutefois, le rapport de l'année dernière indique qu'un grand nombre de ces comités n'ont pas été constitués et que certains d'entre eux ne semblent pas bien fonctionner. Le gouvernement devrait accentuer ses efforts en ce qui concerne ces comités, l'un des outils essentiels qu'il utilise pour s'attaquer au problème. La représentante gouvernementale a déclaré que le gouvernement ne pouvait évaluer leur efficacité, mais un Etat fédéral ne peut se contenter de dire qu'un sujet donné relève de la compétence des Etats constituants; il doit inciter ces derniers à fournir les renseignements demandés afin que les experts et cette commission puissent examiner si les mécanismes utilisés pour remédier au problème sont efficaces. Un élément essentiel de la lutte contre la servitude pour dettes est l'intégration des mécanismes de réadaptation aux autres programmes de lutte contre la pauvreté; le gouvernement ne doit pas se borner à donner des instructions, mais prendre d'autres mesures pour faire avancer ce processus. Le rapport de l'année dernière indiquait que ce processus de réadaptation avait été retardé et que certains travailleurs libérés étaient retombés en servitude parce que les allocations de subsistance qui leur avaient été remises n'étaient pas fixées à un niveau suffisamment élevé. Comme ils l'ont fait l'année dernière, les membres employeurs ont invité le gouvernement central à revoir sa stratégie, qui consiste à retenir le financement versé aux Etats si ces derniers n'accentuent pas leurs efforts, puisque cela risque de retirer l'aide aux personnes qui en ont le plus besoin. Les textes législatifs existent également en ce qui concerne le travail des enfants, mais ils ne semblent pas appliqués rigoureusement dans la pratique. La gravité et l'ampleur du problème sont très bien exposées dans le rapport de la commission d'experts. Les mesures annoncées par la représentante gouvernementale constituent un pas dans la bonne direction mais, une fois de plus, les personnes qui exploitent les enfants et les travailleurs asservis ne semblent pas avoir beaucoup à craindre des sanctions en raison de la lenteur du processus judiciaire. La présente commission doit poursuivre ses efforts pour s'attaquer à ce problème, étape par étape, en espérant qu'il puisse être bientôt résolu.

La représentante gouvernementale a souligné que le gouvernement de l'Inde est tout autant préoccupé, sinon plus, par les problèmes du travail des enfants et de la servitude pour dettes. Elle a déclaré que le processus judiciaire est parfois lent, et, en ce qui concerne les comités de vigilance, a maintenu qu'il est très difficile au gouvernement central de recueillir des données. Le gouvernement a décidé de renforcer ses mécanismes d'application grâce à un système de contrôle trimestriel. Elle a précisé que la décision de ne pas établir une commission nationale sur la servitude pour dettes était délibérée et tenait compte de tous les aspects en cause, ce qui devrait répondre aux préoccupations exprimées par les travailleurs. En ce qui concerne le travail des enfants, un groupe de travail a été constitué afin d'examiner les divers aspects de ce problème; le gouvernement central s'est activement efforcé, en coopération avec les Etats, de combler les lacunes existant dans la loi et de s'assurer que les tribunaux appliquent aussi les sanctions minimales prévues dans la législation. Des échanges informels avec la magistrature sont également envisagés afin d'examiner comment celle-ci pourrait renforcer l'application de la loi. En conclusion, la représentante gouvernementale a réitéré l'engagement de son gouvernement de se conformer aux observations de la commission d'experts et aux conclusions adoptées de la Commission de la Conférence.

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement. Elle a déploré que les informations orales détaillées fournies par la représentante gouvernementale n'aient pas figuré dans le rapport écrit envoyé à la commission d'experts. Malheureusement, étant donné les circonstances, la commission n'a pas pu évaluer pleinement la situation, en particulier en ce qui concerne l'abolition de la servitude pour dettes. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournirait tous les renseignements relatifs aux différents points soulevés par la commission d'experts le plus rapidement possible afin que la Commission de la Conférence puisse procéder à une évaluation minutieuse à l'une de ses prochaines session

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1991, Publication : 78ème session CIT (1991)

Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Identification, libération et réadaptation des travailleurs asservis.

Bien que l'amendement de 1985 à la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes ait pour objectif d'accélérer l'identification des travailleurs asservis, le nombre de ceux-ci a été estimé différemment selon les différentes études. Ainsi les estimations faites en 1981 par la Fondation Gandhi pour la paix en collaboration avec l'Institut national du travail qui mentionnaient l'existence de 2,6 millions de travailleurs asservis pour le seul secteur agricole n'ont pas été acceptées par le gouvernement. En particulier, les études ne donnent que les estimations et non pas des chiffres réels; la méthodologie adoptée par la Fondation Gandhi pour la paix et d'autres organisations n'est pas sérieuse techniquement. L'échantillon choisi n'était pas suffisament représentatif et l'on a accordé plus de crédit aux extrapolations qu'il n'était justifié. Les gouvernements des Etats sont responsables en premier lieu de l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis. Ils doivent assurer que les comités de surveillance sont constitués, qu'ils se réunissent régulièrement et que les registres, etc. prévus par l'article 7 du règlement sur l'abolition du régime de la servitude pour dettes de 1976 sont tenus et conservés de manière appropriée. En outre, on a conseillé à ces comités de procéder à des études, de sorte que tout travailleur asservi soit identifié aussitôt que possible. Le 31 mars 1989, 242532 travailleurs asservis ont été identifiés par les gouvernements des Etats.

En ce qui concerne l'abolition de la servitude pour dettes et la réadaptation, il convient de noter qu'il n'y a pas d'objectif chiffré. Toute personne qui fait l'objet de servitude pour dettes doit être libérée et bénéficier de mesures de réadaptation. En ce qui concerne la réadaptation, le principe généralement accepté était que le retard accusé dans la réadaptation des travailleurs libérés de la servitude pour dettes devait être comblé d'ici fin mars 1990.

Il existe un programme de réadaptation des travailleurs asservis qui est subventionné par le gouvernement central. Un montant de 6250 roupies doit être dépensé pour la réadaptation de chaque travailleur. Les frais de ce programme sont partagés par moitié par le gouvernement central et par les gouvernements des Etats. Sur la somme de 6250 roupies (jusqu'au 31 janvier 1986, ce montant était de 4000 roupies), un montant de 500 roupies est prélevé pour être remis à l'intéressé aussitôt après sa libération pour lui permettre de subsister jusqu'à sa réadaptation. La qualité des mesures de réadaptation est également extrêmement importante. Le gouvernement central a émis des instructions à l'intention du gouvernement des Etats aux termes duquel le programme de réadaptation des travailleurs asservis qui est subventionné par le gouvernement central devrait être intégré dans d'autres programmes de la lutte contre la pauvreté. Le programme subventionné par le gouvernement central envisage outre l'intégration avec les autres programmes de lutte contre la pauvreté des formes d'assistance foncière et non foncière. Des objectifs de rééducation sont fixés sur la base du nombre des travailleurs asservis.

Application des sanctions

Les sanctions prévues par la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes paraissent tout à fait adéquates pour sanctionner les contrevenants. Le gouvernement a pris dûment note qu'il n'y avait eu jusqu'ici que trop peu de cas de poursuites en application de la loi susmentionnée. Le gouvernement a été également confronté ces dernières années à des cas où des personnes autres que des travailleurs asservis avaient été identifiées et avaient prétendu être asservies pour obtenir des allocations du gouvernement central. C'est en raison de ces faits que le ministre du Travail de l'Union a écrit à tous les gouvernements des Etats pour souligner la nécessité de poursuivre les employeurs des travailleurs asservis dès qu'un tel travailleur a été identifié et libéré. Le gouvernement central a indiqué clairement que si l'identification récente d'un travailleur asservi n'est pas accompagnée par le déclenchement d'une poursuite contre l'employeur d'un tel travailleur, il refusera d'assumer sa part des frais de réadaptation. Les gouvernements des Etats ont également été priés instamment d'établir des comités de surveillance dans tous les districts et subdivisions du pays où ils n'avaient pas été constitués et de s'assurer que ces comités se réunissent régulièrement conformément à la loi.

En outre une représentante gouvernementale s'est référée à la communication écrite fournie par son gouvernement et a indiqué que, en raison de la réception tardive du rapport de la commission d'experts, il n'avait pas été possible de fournir toute l'information sur l'ensemble des points soulevés.

En ce qui concerne la portée de la législation adoptée en application de l'arrêt de la Cour suprême du 16 décembre 1983, l'Etat de Haryana a créé une commission chargée d'enquêter et d'identifier les cas de servitude pour dettes. Celle-ci termine actuellement son rapport qui sera soumis à la Cour suprême. L'information sur les évolutions à ce sujet sera communiquée à la commission d'experts en temps voulu.

Sur le second point de l'observation, le gouvernement n'accepte pas les résultats des enquêtes.

En ce qui concerne l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis, des comités de vigilance ont été créés dans presque tous les Etats aux niveaux des districts et des subdivisions. Ceux déjà en place conseillent les magistrats de district ou de subdivision et s'efforcent d'identifier, de libérer et de réadapter les travailleurs asservis. Son gouvernement n'a pas reçu d'informations de la part de ces commissions ou des gouvernements des Etats faisant état de problèmes dans le processus d'identification et de réadaptation. Son gouvernement n'a pas non plus pris de mesures spécifiques pour fournir des incitations aux comités de vigilance et n'a pas non plus reçu à ce jour de propositions des gouvernements des Etats à ce sujet. Aucune nouvelle étude à cet égard n'a été menée. Cependant, lorsque des plaintes sont reçues qui concernent l'existence de travailleurs asservis, des enquêtes sont menées pour établir la nature et l'existence d'un tel système et des mesures sont prises pour libérer et réadapter les travailleurs concernés.

Quant à la part prise par les institutions bénévoles, il y a eu à ce jour deux cas d'institutions bénévoles qui se sont fait connaître pour bénéficier de la subvention de frais généraux durant l'année 1989-90. Toutefois, lorsque de telles institutions bénévoles portent à l'attention du gouvernement l'existence de travail asservi dans le secteur où elles opèrent, des efforts sont faits pour obtenir la libération des personnes concernées ainsi que leur réadaptation.

Les gouvernements des Etats se voient régulièrement demander de réadapter les travailleurs asservis avec une aide supplémentaire des différents programmes antipauvreté. Aucun plan n'a encore été établi pour encourager l'intégration du programme de réadaptation dans d'autres programmes antipauvreté car cela supposerait une décision politique importante consistant à transférer le problème du travail asservi à un autre département, le département du développement rural. Toutefois, grâce à la commission nationale sur le travail asservi qui est envisagée, on pourrait déboucher sur une conception tendant à intégrer les deux types de programmes pour de meilleurs résultats.

L'institution envisagée d'une commission nationale sur le travail asservi est encore à l'étude au gouvernement et une décision définitive à ce sujet devrait avoir lieu dans les prochains mois.

S'agissant des sanctions prévues par la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes, elle a réitéré que le gouvernement estime qu'elles sont tout à fait adéquates pour sanctionner les contrevenants. La représentante gouvernementale a renvoyé à cet égard à la communication de son gouvernement, qui indique le nombre des personnes arrêtées et la nature des peines imposées dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de 1976, et souhaité que la commission d'experts en prenne bonne note.

Les membres travailleurs se sont félicité des informations fournies par la représentante gouvernementale dans sa déclaration et du contenu des informations écrites transmises par le gouvernement. Le problème consiste cependant en ce que les informations du gouvernement sont souvent en contradiction avec des informations détaillées provenant d'autres organisations. On doit reconnaître qu'il existe une controverse sur le point de savoir ce qu'est un asservi pour dettes aux termes de la loi, et donc les estimations divergent en ce qui concerne le nombre des personnes concernées. On peut comprendre les arguments du gouvernement portant sur les chiffres, qui concernent surtout les statisticiens, mais le vrai problème est que le gouvernement lui-même n'est pas entièrement conscient du nombre de personnes concernées car il lui est extrêmement difficile d'en établir le total précis. Un certain scepticisme s'impose donc quant au chiffrage détaillé fourni par le gouvernement. Quant aux comités de vigilance, il est préoccupant qu'ils n'aient pas été mis en place, ou qu'ils ne se réunissent pas régulièrement là où ils l'ont été. Ceux-ci sont d'une importance considérable: ils fournissent les moyens de la réadaptation économique et sociale des travailleurs asservis, ils coordonnent les fonctions des banques et des coopératives rurales et ils tiennent les registres contenant les données sur les avantages reçus par les travailleurs libérés. Aussi, tout en acceptant les assurances reçues de la part du gouvernement, les membres travailleurs tiennent à ce que la commission d'experts soit tenue informée sur ce point. Les institutions bénévoles ont un rôle important à jouer, et toute limitation des ressources mises à leur disposition constituerait un obstacle à leur participation indispensable à l'identification et à la réadaptation des travailleurs asservis. La question de la somme versée aux travailleurs asservis au moment de leur libération reste à préciser: le rapport mentionne un montant de 6250 roupies dont 500 seraient effectivement versées au travailleur lui-même. Un tel montant s'est souvent révélé insuffisant pour permettre au travailleur de survivre jusqu'à sa réadaptation. La représentante gouvernementale devrait indiquer clairement les termes précis de la loi à cet égard, et ce qu'il advient du solde après le paiement des 500 roupies. S'agissant de l'application des sanctions prévues par la loi, il est essentiel que des informations soient régulièrement fournies sur le nombre de cas pour convaincre la présente commission que le gouvernement prend la question des sanctions au sérieux. La loi semble prévoir tant des amendes que des peines d'emprisonnement jusqu'à trois ans. Il conviendrait de savoir par exemple combien de contrevenants ont été effectivement envoyés en prison pour ce maximum de trois ans.

Se rapportant à la partie de l'observation concernant la servitude pour dettes des enfants, les membres travailleurs ont relevé qu'il n'y était pas fait référence dans les informations écrites transmises par le gouvernement ni dans la déclaration de la représentante gouvernementale. C'est la première fois que la commission d'experts traite explicitement du sujet, en faisant référence (comme elle l'avait fait en 1990 pour le Bangladesh et le Pakistan) aux débats du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, ainsi qu'au rapport du séminaire de l'Asie du Sud sur la servitude des enfants, tenu en juin-juillet 1989. Ces informations portent sur la servitude des enfants dans de nombreux travaux, travaillant le plus souvent dans des conditions inhumaines et dangereuses, et indiquent que la servitude est la règle dans presque toutes les sortes de travail des enfants. Le rapport de la commission d'experts indique que "selon des estimations contenues dans le rapport, plusieurs millions d'enfants, âgés de 5 à 14 ans, sont chroniquement asservis dans le secteur agricole, environ un million dans les briqueteries, les carrières de pierres et le bâtiment, des centaines de milliers dans le tissage des tapis, les métiers à tisser manuels, l'industrie des allumettes et des feux d'artifice, la verrerie et la bibeloterie, la taille et le polissage des diamants, ainsi que dans la serrurerie. La servitude et le travail forcé des enfants s'accompagnent de trafic et d'enlèvement d'enfants, de répression, de coups, d'exploitation sexuelle, de privation de nourriture, d'une durée abusive du travail imposé...". Les membres travailleurs ont pris acte des dispositions constitutionnelles et législatives qui ont été adoptées pour protéger les enfants, mais aussi de la préoccupation exprimée par la commission d'experts que ces dispositions législatives ne soient pas appliquées, et que, malgré les sanctions, les exploiteurs ne craignent pas les peines, en raison de la faiblesse des mécanismes d'application. Ils ont rappelé que la commission d'experts, se référant à l'article 25 de la convention, demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures adoptées ou envisagées pour éradiquer l'exploitation du travail des enfants, et exprimé l'espoir que le gouvernement serait à même d'indiquer, lors de la prochaine réunion de la commission d'experts, que de telles mesures auront été prises. Considérant la grande masse de données disponibles, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement des assurances pour que toutes les informations soient fournies en détail à la commission d'experts, car il s'agit là d'une des conventions fondamentales relatives aux droits de l'homme.

Les membres employeurs ont remercié la représentante gouvernementale pour les informations fournies et observé que, cette année, au problème du travail asservi pour dettes, s'ajoutait le nouveau problème de la servitude pour dettes des enfants. Concernant le premier problème, il s'agit d'une question de mise en oeuvre dans la pratique d'une législation déjà existante. Comme les commentaires de cette année sont très semblables à ceux qui avaient été émis lorsque la présente commission avait eu à discuter du cas en 1989, il semble bien que cette mise en oeuvre se soit sérieusement ralentie. Ainsi que l'ont indiqué les membres travailleurs, une difficulté tient à la délimitation des dimensions du problème et à la détermination de ce qu'est, en réalité, un travailleur asservi. Cette difficulté est au coeur du débat sur la différence entre les estimations de l'ampleur du problème, selon qu'elles émanent du gouvernement ou d'autres groupes. La législation prévoit des comités de vigilance, mais il semble que nombre d'entre eux n'ont pas été mis en place, ou, dans d'autres cas, ne fonctionnent apparemment pas bien. S'agissant de la réadaptation des travailleurs libérés, elle est parfois retardée et certains travailleurs libérés retombent dans la servitude en raison de versements ne suffisant pas à leur subsistance. En outre, il ne semble pas exister de sanctions adéquates contre ceux qui se livrent à ce genre d'exploitation. Les membres employeurs ont reconnu que la question de la servitude pour dettes des enfants était un problème immense et déchirant. Là encore, il existe des dispositions constitutionnelles et réglementaires qui ne semblent pas avoir beaucoup d'effet dans la pratique: comme dans le cas du travail asservi, ceux qui se livrent à l'exploitation du travail des enfants semblent ne pas craindre de sanctions. Le gouvernement a indiqué dans sa communication écrite avoir averti les gouvernements des Etats qu'il ne verserait pas sa contribution aux frais de réadaptation des travailleurs asservis si les poursuites n'étaient pas renforcées. Il est à craindre que cette stratégie ait des résultats contraires à ses objectifs et soit défavorable à ceux-là mêmes que le gouvernement cherche à aider. Il serait préférable de lier les versements du gouvernement fédéral à d'autres programmes que le programme de réadaptation, de sorte que, lorsque les poursuites n'ont pas lieu, ce ne soit pas les travailleurs asservis qui en pâtissent.

Le membre travailleur du Pakistan a rappelé qu'aux termes de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire est passible de sanctions pénales. Bien que la Constitution indienne dispose que de telles pratiques sont illégales, et bien que la législation interdise cette exploitation, les statistiques mentionnées par la commission d'experts portent non seulement sur les adultes asservis pour dettes, mais aussi sur des millions d'enfants asservis. L'orateur a attiré l'attention du représentant gouvernemental sur la nécessité d'une approche globale comprenant des mesures telles qu'un programme spécial de réadaptation pour les enfants asservis. Venant de la même région du monde, il a dit bien comprendre non seulement l'importance de la législation et de sa mise en oeuvre effective, mais aussi l'importance d'assurer le mieux-être social et économique des catégories les moins favorisées, qui passe par des mesures telles que l'égalité d'accès à l'éducation et à la formation, aux prêts et à la terre, qui permettent de gagner sa vie de façon indépendante.

La représentante gouvernementale a répété que l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis sont de la compétence des gouvernements des Etats, désignés par la loi de 1976 comme étant les autorités responsables de son application. Selon les informations les plus récentes, au 31 mars 1990, un total de 245636 travailleurs asservis ont été identifiés par les gouvernements des Etats, dont 218028 ont été réadaptés. Le gouvernement fournira des informations mises à jour sur toutes ces questions, ainsi que l'a demandé la commission d'experts. S'agissant des comités de vigilance, leur rôle est très important dans l'identification du problème et ils ont été mis en place dans la plupart des endroits. Des informations exactes seront soumises en temps voulu. S'agissant des subventions pour frais généraux, c'est aux institutions bénévoles qu'il appartient de se faire entendre par le gouvernement, et elles ont été encouragées à jouer un rôle actif et à coopérer avec le gouvernement afin de traiter le problème de la façon la plus large. S'agissant de l'aide financière de 6250 roupies et du premier versement de 500 roupies, ce premier versement a lieu à la libération du travailleur asservi pour lui permettre de vivre et d'éviter les problèmes immédiats, tandis que la somme totale est versée au travailleur libéré de façon à lui permettre d'exercer une activité dans l'agriculture, l'élevage ou l'artisanat, selon ses capacités. La représentante gouvernementale s'est dit intéressée par la déclaration des membres employeurs au sujet de l'intégration des programmes de réadaptation et d'autres programmes contre la pauvreté qui pourrait, en effet, être fructueuse.

Enfin, en ce qui concernce les poursuites, elles sont toutes portées devant les tribunaux et le gouvernement sera sans doute à même de rassembler de nouvelles informations à communiquer à la commission d'experts en temps voulu. Le gouvernement est engagé pleinement pour l'abolition complète du travail asservi et prend toutes les mesures nécessaires, avec l'aide des institutions bénévoles et autres, pour surmonter les difficultés. Enfin, en ce qui concerne le travail des enfants, la politique nationale relative au travail des enfants de 1987 a proposé une approche globale pour traiter ce problème dans le contexte économique et social de l'Inde d'aujourd'hui. Neuf projets spéciaux ont été mis en place dans des secteurs où le travail des enfants est spécialement développé - tels que l'industrie du tapis, des allumettes, des feux d'artifice, de la verrerie, du polissage des diamants, etc. - qui comportent la création d'écoles spécialisées visant à soustraire les enfants à de tels emplois et à leur donner une éducation et une formation professionnelle, tout en leur assurant une meilleure alimentation et des soins de santé. Cette politique vise aussi à l'application de la législation sur le travail des enfants et le gouvernement a mené, avec l'aide d'institutions bénévoles, une campagne de prise de conscience s'adressant à ces secteurs. Le gouvernement cherche aussi à convaincre les parents de ne pas envoyer leurs enfants au travail en aidant les familles nécessiteuses par des programmes générateurs de revenus leur permettant d'améliorer leur niveau de salaire. Des programmes intégrés de développement rural se sont étendus, notamment à l'industrie des allumettes et des feux d'artifice en zone rurale. D'autres propositions tendent à mener plus de projets nationaux dans les secteurs virtuels de travail des enfants et à augmenter le nombre des écoles. Une commission a été établie - qui s'est réunie - par le ministère du Travail pour contrôler les projets mis en place dans le cadre de cette politique. Un programme de coopération technique du BIT a aussi contribué à renforcer la politique nationale. Quatre gouvernements d'Etats ont pris en charge des projets pilotes comprenant la nomination d'inspecteurs du travail spécialement chargés d'appliquer la législation concernant le travail des femmes et des enfants. Un service spécialisé dans le travail des enfants a aussi été créé à l'Institut national de travail. Il s'occupe de la documentation, de la formation des fonctionnaires et des ONG chargés de l'application, de l'encouragement à une prise de conscience générale et de l'association des institutions bénévoles autant que possible. Le ministère du Travail prépare un programme de bourses et d'assistance aux institutions bénévoles qui voudront prendre en charge des mesures intégrées dans le domaine du travail des enfants. Le gouvernement espère que cette façon d'aborder les choses permettra une réduction progressive du travail des enfants en Inde et de remplir ainsi les objectifs fixés par la Constitution indienne.

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et des développements intervenus. Elle a toutefois noté qu'en dépit des efforts accomplis, il reste beaucoup à faire pour surmonter les graves problèmes déjà discutés au cours de ses précédentes sessions et nouvellement relevés par la commission d'experts concernant l'identification, la libération et la réhabilitation des personnes en servitude, y compris les enfants. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement ne ménagera aucun effort pour mettre en oeuvre les mesures nécessaires à l'élimination effective de la servitude pour dettes, y compris la servitude des enfants, et qu'il fournira les informations requises par la commission d'experts dans les plus brefs délais.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1989, Publication : 76ème session CIT (1989)

Un représentant gouvernemental a déclaré que l'identification et la réadaptation de la servitude pour dettes constituent un problème vaste et complexe qui imprègne le tissu socio-économique du pays, et ne peut être dissocié des graves difficultés que posent dans tous les pays en développement la misère et le chômage. Pour lutter contre de tels fléaux, la législation ne suffit pas. En conséquence, le gouvernement a lancé une vaste campagne de lutte contre la misère et le chômage, expressément destinée à la population qui vit en dessus du seuil de pauvreté. Cette campagne a pris la forme de programmes tels que le Programme intégré de développement rural (IRDP), le Programme national d'emploi rural (NREP), le Programme de création d'emplois pour les paysans sans terres, etc., efforts qui ont porté leurs fruits: en 1977-78, 48,3 pour cent de la population indienne se trouvaient en deóà du seuil de pauvreté, en 1983-84, le pourcentage avait été ramené à 37,4 pour cent (c'est-à-dire 273 millions de personnes) et d'ici à 1990, il devrait tomber à 25,8 pour cent (211 millions de personnes), ce qui n'est pas négligeable. Il n'en reste pas moins un problème gigantesque à résoudre quand 211 millions de personnes vivent en deóà du seuil de pauvreté; c'est la raison pour laquelle le gouvernement sollicite le concours actif des syndicats et des organisations sociales, et a lancé un programme spécial qui fait appel aux organismes bénévoles pour identifier la servitude pour dettes.

A propos des initiatives déjà prises pour évaluer et identifier la servitude pour dettes, aucune des estimations faites par la Fondation Gandhi pour la paix, par l'enquête nationale par sondage ou par celles qu'a citées la Sous-commission sur la servitude pour dettes ne peut être considérée comme réaliste pour plusieurs raisons: premièrement, les interprétations sur la question de savoir quel sont les travailleurs soumis à la servitude pour dettes au sens de la loi varient considérablement; toutes les estimations avancées jusqu'à présent ont été faites avant la modification de la loi, qui a précisé la définition de la servitude pour dettes. La loi modifiée elle-même se prête à des interprétations divergentes, par suite des différences de conception et aussi parce que les faits exacts ne sont pas habituellement relevés au moment des enquêtes par sondage. Deuxièmement, la méthodologie adoptée par la Fondation Ghandi pour la paix n'était pas scientifique et l'échantillonnage était trop restreint. Par ailleurs, les informations recueillies par les responsables de la Fondation Gandhi pour la paix l'ont été au cours de discussions de groupe entre les enquêteurs et la population des villages et non à l'occasion d'entretiens personnels avec les ménages (méthode adoptée par l'enquête nationale par sondage, qui recense la servitude pour dettes dans certains villages tests et multiplie ensuite les chiffres obtenus.) La méthode adoptée par les enquêtes nationales par sondage est donc un peu plus scientifique et, de fait, aboutit au chiffre de 353 000 au lieu de 2 617 000 personnes (selon les estimations de la Fondation Gandhi pour la paix). Quoi qu'il en soit, l'enquête nationale par sondage ne portait pas sur la servitude pour dettes à proprement parler, mais plutôt sur la situation de l'emploi et du chômage dans le pays. La méthodologie adoptée n'était donc pas particulièrement adaptée à cette enquête sur l'identification de la servitude pour dettes. Même ainsi, il existe de grandes différences entre les chiffres.

Le gouvernement ne peut donc accepter aucune de ces deux estimations sur les chiffres de la servitude pour dettes. On ne pourra déterminer véritablement le nombre des travailleurs soumis à la servitude pour dettes qu'après les avoir correctement identifiés selon une procédure légale. Si certaines personnes sont comptabilisées comme étant soumises à la servitude pour dettes au cours de l'une de ces enquêtes par sondage, mais que l'autorité responsable en vertu de la loi estime qu'elles ne relèvent pas de la définition des travailleurs soumis à la servitude pour dettes, aucune action en justice ne peut être entamée et elles ne peuvent bénéficier d'un programme de réadaptation. Bien entendu, nombre de ces personnes peuvent toujours avec leur famille bénéficier des allocations de pauvreté prévues par d'autres programmes - comme l'IRDT, le MREP, le RLEGP, le TRYSEM - pour autant qu'elles satisfassent aux conditions requises. Le gouvernement a chargé l'autorité centrale d'identifier et de libérer immédiatement tous les travailleurs soumis à la servitude pour dettes. Si tous les asservis n'ont pu être identifiés auparavant, ce n'était pas parce que l'échantillonnage fixé par l'autorité centrale pour l'identification était trop restreint, mais plutôt parce que les gouvernements des Etats et les autorités compétentes en la matière n'ont pas su apprécier la situation à sa juste mesure. Malgré tous les efforts déployés par le gouvernement, la pénurie d'informations peut s'expliquer par le fait que les travailleurs soumis à la servitude pour dettes s'en cachent et ne se plaignent pas. Le concours actif des syndicats et des institutions sociales est par conséquent d'une importance cruciale.

Au 31 mars 1989, par exemple, le gouvernement a identifié 242 532 travailleurs soumis à la servitude pour dettes, chiffre bien inférieur au chiffre de deux millions avancé par la Fondation Gandhi pour la paix dans ses estimations. Le gouvernement ne sait pas si d'autres travailleurs sont soumis à la servitude pour dettes; s'il existait davantage de travailleurs soumis à cette servitude, il les aurait identifiés. Si, de nos jours, on vient à en découvrir de nouveaux, il peut s'agir soit de nouveaux types de servitude, soit de cas qui n'avaient pas été jusqu'ici portés au grand jour malgré les efforts faits par le gouvernement dans ce sens. Les différentes administrations du pays s'accorderont pour reconnaître que sur les 242 532 travailleurs soumis à la servitude pour dettes recensés, on estimait, au 31 mars 1989, que 218 072 avaient pu bénéficier d'un programme de réadaptation, leur objectif commun étant d'arriver à ce qu'au 31 mars 1990 ces programmes couvrent l'ensemble des travailleurs soumis à la servitude pour dettes recensés à ce jour et ceux que l'on aura identifiés entre-temps. En d'autres termes, au 31 mars 1990, il ne devrait plus y avoir d'écart entre le nombre recensé de travailleurs asservis et celui des travailleurs mis au bénéfice de programmes de réadaptation.

Le représentant gouvernemental a reconnu que l'application de la loi ou du programme de réadaptation à l'intention des travailleurs soumis à la servitude pour dettes peut présenter des lacunes. Bien que le gouvernement central assure pourtant le contrôle et le suivi de l'application de cette loi et du programme, et offre son assistance financière, c'est aux gouvernements des Etats qu'il appartient de veiller à la bonne application de la loi et du programme, lesquels sont autonomes aux termes de la Constitution. Il est impossible de garantir une interprétation absolument uniforme de la loi dans un pays si étendu et hétérogène. Le gouvernement de l'Union a néanmoins invité les gouvernements des Etats à veiller au bon fonctionnement des comités de vigilance. composés de personnes qui n'assument pas des fonctions publiques, et compte sur eux pour l'aider à recenser les travailleurs soumis à la servitude pour dettes qui n'auraient pas encore été identifiés pour diverses raisons. Il a également chargé les gouvernements des Etats d'organiser des réunions régulières et fructueuses des comités de vigilance et de veiller à ce que les registres requis soient tenus dans les règles.

Le gouvernement partage la préoccupation exprimée par la commission d'experts, au paragraphe 4 de son observation, en ce qui concerne le nombre beaucoup trop faible de poursuites engagées par les tribunaux en vertu de la loi, quand bien même ceux-ci peuvent prononcer des peines d'emprisonnement ou d'amende, selon les particularités de chaque cas. Le pouvoir judiciaire est indépendant. Quoi qu'il en soit, le ministère du Travail de l'Union a donné des instructions à tous les gouvernements des Etats d'entamer des poursuites immédiatement après avoir identifié ou libéré les travailleurs soumis à la servitude pour dettes. Il a également expliqué qu'il était indispensable de poursuivre les employeurs coupables si l'on voulait garantir aux travailleurs libérés une assistance financière qui leur permette de bénéficier d'un programme de réadaptation. Il faut ainsi être très prudent à l'égard des identifications tendancieuses qui n'ont pour but que d'ouvrir l'accès à cette assistance financière.

En ce qui concerne l'intégration d'autres programmes d'assistance aux miséreux au sein du programme général de réadaptation, des instructions claires et précises ont été fournies par le gouvernement central. L'étude de l'Organisation d'évaluation des programmes (OEP), mentionnée par la commission d'experts, couvre la période allant de juin 1981 à février 1982, alors que les instructions concernant l'intégration de programmes de lutte contre la pauvreté dans le programme d'ensemble ont été formulées le 2 septembre 1982. L'étude de l'OEP n'a donc pas eu connaissance de cette initiative.

Concernant l'application du programme destiné à aider des organisations bénévoles à identifier et réadapter les travailleurs soumis à la servitude pour dettes, la subvention de fonctionnement est de 5 000 roupies par an pour 20 travailleurs identifiés comme ayant été asservis. Pour chaque travailleur supplémentaire, la somme s'accroît de 100 roupies jusqu'à concurrence de 10000 roupies. Cette somme devrait suffire à la réadaptation de 70 travailleurs asservis, et non de 50 comme le mentionne la commission d'experts. Le gouvernement ne connaît pas d'institution bénévole qui ait identifié plus de 70 travailleurs asservis. Si tel était le cas, le plafond pourrait être relevé. Il est trop tôt pour apprécier les résultats de ces programmes lancés le 30 octobre 1987, mais le gouvernement souhaite que les institutions bénévoles redoubleront d'efforts pour que l'action du gouvernement et son message soient diffusés largement.

Le gouvernement est pleinement engagé dans le processus de libération et de réadaptation des travailleurs soumis à la servitude pour dettes et accueillera avec satisfaction le concours de tous ceux qui voudront bien l'aider dans cette tâche. Ce programme figure en bonne place parmi les priorités assignées au programme économique en 20 points, et tous les efforts seront déloyés pour éliminer définitivement le fléau de la servitude pour dettes.

Le représentant gouvernemental a également signalé qu'il tenait à la disposition de la commission les parties pertinentes du rapport de la Sous-commission parlementaire sur la servitude pour dettes auquel fait référence la commission d'experts au dernier paragraphe de son observation.

Les membres employeurs ont souligné que cette question avait été discutée pour la dernière fois en 1986 et déclaré que l'on avançait dans la bonne direction; reste pourtant la question de savoir si les mesures prises sont suffisantes ou si elles doivent être améliorées pour que les objectifs que l'on s'est fixés soient mieux et plus vite atteints.

Personne ne conteste qu'il faille donner à la convention sur le travail forcé ou obligatoire des effets pratiques. Le représentant du gouvernement a répété certaines observations qui avaient déjà été formulées au cours de la dernière discussion. La définition de la servitude pour dettes a été modifiée depuis 1988 de manière à faciliter l'identification des personnes auxquelles la loi s'applique. Leur nombre reste à déterminer. Si les comités de vigilance sont chargés de faciliter cette identification, il ressort du rapport de la commission d'experts qu'ils n'ont pas tenu correctement les registres qui leur avaient été confiés. Il est donc urgent d'améliorer et d'étendre ces mesures.

Les membres employeurs se sont ensuite posé la question de savoir quelles dispositions avaient été prises pour la libération des travailleurs soumis à une servitude pour dettes et quels étaient les moyens mis en oeuvre pour leur réadaptation. Un nouveau programme faisant appel à l'aide d'organismes bénévoles a été lancé, mais certains critiquent le peu de moyens matériels qui leur sont accordés et expriment des doutes quant au résultat de ce programme en se demandant si les mesures prises sont suffisantes.

D'une manière générale, les membres employeurs ont soulevé la question de l'intégration, de la mise en oeuvre et de la portée des dfférents programmes mentionnés par la commission d'experts sur la servitude pour dettes. Selon la commission d'experts, seul 1 pour cent des intéressés pourraient bénéficier de tels programmes, ce qui n'est pas assez étant donné la taille du pays et l'ampleur du problème. Les informations statistiques peuvent certes être améliorées, il n'en demeure pas moins qu'un problème d'éducation générale subsiste à tous les niveaux de la société.

Les observations du représentant gouvernemental et les commentaires de la commission d'experts montrent que beaucoup d'efforts ont été déloyés dans ce sens, mais que le problème n'est pas résolu. Il serait bon d'arriver à une meilleure coordination des diverses initiatives. Le gouvernement lui-même ne dispose pas de toutes les informations nécessaires. Les membres employeurs invitent donc instamment le gouvernement non seulement à poursuivre ses efforts. mais aussi à les renforcer de manière que, malgré son ampleur, ce problème puisse être plus vite résolu et que, sans trop tarder, de nets progrès puissent être réalisés.

Les membres travailleurs ont déclaré que, suite aux commentaires de la commission d'experts, formulés pendant de nombreuses années, la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dettes a été amendée en 1985, ce qui a permis de préciser la portée de la définition des "travailleurs soumis à la servitude pour dettes." Cependant, malgré l'adoption de cette législation, dans la pratique, la situation antérieure perdure, comme l'a notamment indiqué l'organisation Bhartiya Mazdoor Sangh dans ses observations. La législation n'a pas encore atteint son objectif faute de mise en oeuvre de moyens suffisants. La commission d'experts a noté que les poursuites sont trop peu nombreuses et les sanctions trop légères. Par ailleurs, seul un petit nombre de travailleurs libérés ont pu bénéficier des programmes de désendettement et de réadaptation. La servitude pour dettes continuant d'exister malgré l'adoption des lois l'interdisant, il faut que le gouvernement prenne les mesures efficaces et mette en oeuvre des moyens plus importants pour garantir l'application rigoureuse de ces lois.

Le membre travailleur des Etats-Unis d'Amérique, se référant aux déclarations des porte-parole des membres employeurs et des membres travailleurs, a relevé que, tout comme lors de la discussion du cas par la commission en 1984 et 1985, le représentant gouvernemental a fait part de la volonté de son gouvernement d'éradiquer le fléau social de la servitude pour dettes. Il s'agit de mettre en oeuvre ces bonnes intentions. A cet égard, il rappelle que la Cour suprême de l'Inde a souligné, dans l'affaire des carrières, les mesures qui pourraient être prises pour améliorer l'efficacité dans la recherche des travailleurs soumis à la servitude pour dettes et contribuer à l'élimination de cette forme de travail forcé par les efforts des magistrats de district, des gouvernements des Etats et des comités de vigilance. L'orateur s'est demandé si ces agences travaillaient de manière efficace et effective et s'il ne conviendrait pas de rechercher l'aide du BIT pour traiter ce problème.

Le représentant gouvernemental a remercié les membres employeurs et les membres travailleurs pour avoir exprimé leurs opinions et donné quelques conseils très judicieux. Ils ont déclaré qu'il était nécessaire d'améliorer l'application de la loi et que les moyens mis en oeuvre ne sont pas assez puissants et que des moyens plus puissants devraient être utilisés. La déclaration selon laquelle seul 1 pour cent des travailleurs asservis auraient été couverts, se fonde sur la présomption que le nombre de ces travailleurs s'élèverait à deux millions, présomption fondée sur une estimation faite par la Fondation Gandhi pour la paix. Son gouvernement n'accepte pas ce chiffre pour lequel aucune preuve n'a été apportée; 242 000 travailleurs ont été identifiés, dont 218 000 ont déjà été réadaptés. Le gouvernement ne sait pas s'il existe d'autres travailleurs asservis et il tente d'en découvrir le chiffre exact en collaboration avec le gouvernement des Etats, divers comités, organisations de bénévoles, syndicats. Il tente d'améliorer l'application des dispositions législatives existantes, est pour la punition des coupables, mais ne peut pas imposer aux tribunaux la sanction à appliquer. L'orateur ajoute qu'une Commission nationale du travail a été instituée pour examiner les problèmes des travailleurs ruraux, y compris celui des travailleurs soumis à la servitude pour dettes. Il a indiqué que son gouvernement n'éprouve pas le besoin d'obtenir une assistance technique du BIT en la matière, car il s'agit simplement d'une question de mise en oeuvre et non d'une question technique pouvant bénéficier de l'intervention d'experts étrangers. Revenant aux chiffres, le gouvernement n'a pas fixé d'objectif parce qu'il vise tous les travailleurs soumis à la servitude pour dettes s'ils existent.

Les membres travailleurs ont déclaré qu'il peut y avoir divergence d'opinions sur ces chiffres qui sont difficilement vérifiables dans la pratique. Cependant, les discussions au sein du groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités des Nations Unies, ainsi que les informations communiquées par les organisations syndicales montrent que le problème de la servitude pour dettes reste très important. L'application de la législation dans la pratique devrait être renforcée par des moyens plus vigoureux et des sanctions efficaces et réellement appliquées. Ils ont exprimé l'espoir que le gouvernement communiquera prochainement des progrès en la matière.

La commission a pris note des explications fournies par le représentant du gouvernement. La commission a relevé les évolutions rapportées par le représentant gouvernemental; elle a rappelé toutefois les points discutés au cours de ses précédentes sessions et relevés par la commission d'experts. La commission a prié le gouvernement de poursuivre ses efforts pour mettre la pratique en conformité avec les exigences de la convention et de fournir les informations requises par la commission d'experts.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Articles 1(1), 2(1) et 25 de la convention. 1. Traite des personnes. La commission prend note de la déclaration du gouvernement dans son rapport selon laquelle le projet de loi de 2018 sur la traite des personnes (prévention, protection et réadaptation), est devenu caduque en mai 2019, en raison de la dissolution de la Lok Sabha (chambre basse du Parlement), mais qu’un nouveau projet de loi est en cours de finalisation pour être présenté au Parlement. La commission observe également que le projet de loi de 2023 « Bharatiya Nyaya Sanhita », présenté à la Lok Sabha en août 2023, vise à abroger et à remplacer le Code pénal et comprend des dispositions définissant et érigeant en délit la traite des personnes, ces dispositions étant les mêmes que celles des articles 370 et 370A du Code pénal actuel. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les États et les territoires de l’Union ont reçu divers rapports consultatifs et lignes directrices, de manière à prévenir et combattre la traite des personnes, ainsi qu’une aide financière permettant de mener des activités régulières de sensibilisation, en particulier à l’intention des agents de police, des procureurs et des juges, et de renforcer les unités de lutte contre la traite des personnes et en mettre en place de nouvelles. Selon le rapport du Bureau national des archives judiciaires (NCRB), en 2021, 768 unités de lutte contre la traite des personnes fonctionnaient dans le pays et, à ce jour, 20 États et territoires de l’Union ont atteint l’objectif de mettre en place ces unités dans tous les districts. La commission note en outre qu’en avril 2022, la Commission nationale pour les femmes, un organe statutaire gouvernemental, a lancé une cellule de lutte contre la traite des personnes afin de s’attaquer efficacement aux affaires de traite des personnes, de sensibiliser les femmes et les filles, de renforcer encore les capacités et la formation des unités de lutte contre la traite des personnes et d’accroître la réactivité des organismes chargés de l’application de la loi. À cet égard, la commission note que, dans le cadre de sa réunion annuelle tenue le 17 août 2022, les agents de liaison des unités de lutte contre la traite des personnes ont souligné que les agents chargés des questions relatives à la traite des personnes ne sont souvent pas sensibilisés ni formés à la question et, parfois, n’enregistrent pas les affaires de traite des personnes au titre des articles pertinents du Code pénal, tout cela entraînant un manque d’efficacité en matière de poursuites et de condamnations des auteurs de ces actes. À cette occasion, les agents de liaison ont indiqué qu’il est essentiel d’assurer périodiquement une formation et des ressources documentaires appropriées aux agents, et de renforcer la coopération en établissant des canaux de communication interétatiques. Se référant au Centre interinstitutions contre le crime (Cri-MAC), une plateforme de communication au niveau national lancée en mars 2020 pour faciliter la diffusion d’informations sur les affaires de traite des personnes et permettre une coordination entre les États, les agents de liaison ont indiqué qu’il conviendrait d’encourager l’utilisation de l’application Cri-MAC au sein des organismes chargés de l’application de la loi de tous les États et territoires de l’Union. À cet égard, la commission note que, selon le rapport «Crimes en Inde», en 2021, 2 189 affaires de traite des personnes, impliquant 6 533 personnes, ont été enregistrées, 5 755 personnes ont été arrêtées et 64 personnes ont été condamnées. En ce qui concerne les victimes de la traite des personnes, la commission note, d’après la déclaration du gouvernement, qu’entre 2018 et 2020, plus de 16 400 victimes de la traite ont été réadaptées et réinsérées dans la société, dans le cadre du programme «Ujjawala» pour la prévention de la traite et le secours, la réadaptation et la réinsertion des victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle commerciale.
Prenant note des mesures prises par le gouvernement, la commission le prie de poursuivre ses efforts de sensibilisation et de renforcement des capacités des agents chargés de l’application de la loi et des procureurs à identifier et traiter de manière adéquate les affaires de traite des personnes, à mener des enquêtes efficaces et à poursuivre les auteurs, et de fournir des informations sur les activités des unités de lutte contre la traite des êtres humains et de la cellule de lutte contre la traite des êtres humains à cet égard. Elle prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur toute évolution concernant le projet de loi de 2022 sur la traite des personnes (prévention, protection et réadaptation), et le projet de loi de 2023 «Bharatiya Nyaya Sanhita». En attendant l’adoption de toute nouvelle disposition sur la traite des personnes, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées liées à la traite des personnes au titre des articles 370 et 370A du Code pénal, tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, en indiquant les peines spécifiques infligées aux auteurs, ainsi que sur le nombre de victimes de la traite identifiées, réadaptées et réinsérées dans la société.
2. Travail forcé dans le secteur de l’habillement. La commission rappelle que le système «sumangali» (système d’aide au mariage des filles et des jeunes femmes) en vigueur consiste à recruter pour une durée déterminée des jeunes femmes, principalement des filles « dalit » (castes répertoriées) et issues de populations tribales de zones rurales et reculées, âgées de 15 à 25 ans, employées dans des filatures au Tamil Nadu. Dans le cadre de ce système, une part importante du salaire est retenue jusqu’à expiration du contrat des travailleurs, qui va de trois à cinq ans. La commission note, d’après l’indication générale du gouvernement, que l’État du Tamil Nadu a affirmé que des activités visant à assurer l’application de la loi sont en cours, en coordination avec la Direction de la sécurité et de la santé industrielles (DISH) dans les usines textiles de la région de Tiruppur. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises et les activités visant à assurer l’application de la loi mises en œuvre, afin de garantir que toutes les travailleuses sont protégées contre les pratiques apparentées au travail forcé dans les usines textiles du Tamil Nadu.

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Commentaires précédents

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Travail en servitude. Mécanismes de contrôle et mise en œuvre effective du cadre législatif. La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport, selon laquelle la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) et les Commissions des droits de l’homme des États ont régulièrement mis en œuvre des programmes de sensibilisation au travail en servitude à l’intention des fonctionnaires au niveau local, comme les magistrats de district, les commissaires de police et les fonctionnaires du Département du travail au niveau des districts et des États. Le gouvernement indique aussi qu’au total, 296 000 travailleurs en servitude ont été identifiés et libérés dans le pays à ce jour. En ce qui concerne les États, depuis 2019, 700 et 29 travailleurs en servitude ont été identifiés dans l’Uttar Pradesh et l’Andhra Pradesh, respectivement, ainsi que 158 travailleurs en servitude identifiés dans le Tamil Nadu, entre 2021 et 2022. La commission note que le gouvernement indique que toutes ces victimes ont bénéficié d’une aide financière dans le cadre du Programme central de 2016 de réinsertion des travailleurs en servitude. À cet égard, la commission observe que ce programme a été révisé en 2021. Le gouvernement indique aussi que, depuis 2019, dans l’Uttar Pradesh, 158 employeurs ont été condamnés à des peines d’emprisonnement et à des amendes pour avoir employé des travailleurs en servitude. La commission note que, selon le Bureau national des archives judiciaires (NCRB), 592 affaires de travail en servitude au titre de la loi de 1976 sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA) ont été enregistrées en 2021, soit une baisse du nombre d’affaires par rapport aux 1 232 affaires enregistrées en 2020. En outre, en 2021, 564 personnes ont été arrêtées au titre de la BLSA et 40 personnes ont été condamnées dans 38 affaires. Tout en saluant les diverses mesures prises par le gouvernement pour éliminer le travail en servitude, la commission note l’absence d’informations sur i) le fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance mis en place par les gouvernements des États au niveau des districts et des subdivisions afin, notamment, d’aider les tribunaux à contrôler et à garantir la bonne application de la BLSA; et ii) les sanctions effectivement prononcées à l’encontre des personnes ayant imposé du travail en servitude. En conséquence, la commission prie encore une fois le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer le bon fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance mis en place par tous les gouvernements des États, et sur les résultats obtenus en termes de nombre de travailleurs en servitude identifiés, soustraits au travail en servitude et réinsérés, y compris dans le cadre du Programme central de 2021 de réinsertion des travailleurs en servitude. La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions de la loi sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA) soient strictement et effectivement appliquées, de manière à permettre l’imposition de sanctions dissuasives aux personnes qui soumettent une personne au travail en servitude. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour travail en servitude. Elle le prie également de fournir des informations sur les sanctions spécifiques imposées aux auteurs de ces infractions.
Ampleur du problème. La commission rappelle qu’elle a appelé à plusieurs reprises le gouvernement à procéder d’urgence à une étude exhaustive à l’échelle nationale sur le travail en servitude, afin de déterminer la portée et l’ampleur de cette pratique. En ce qui concerne les études à mener au niveau des États pour recueillir des données sur l’ampleur du problème du travail en servitude dans le pays, la commission note que, selon le rapport du Bureau national des archives judiciaires (NCRB), sur les 36 États et territoires de l’Union, 22 n’ont pas signalé de cas identifiés de victimes du travail en servitude ni engagé de poursuite au titre de la BLSA en 2021. À cet égard, la commission note que, dans son rapport consultatif publié en décembre 2021, la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) a recommandé de mener des études périodiques pour identifier le travail en servitude. Elle note en outre que, dans le cadre de l’Examen périodique universel de 2022, l’équipe de pays des Nations Unies a indiqué que le travail forcé et la servitude pour dettes restent courants en Inde, des décennies après la promulgation de la loi de 1976 sur l’abolition de la servitude pour dettes et qu’il n’existe pas de données officielles ventilées sur la servitude pour dettes et le travail forcé (A/HRC/WG.6/41/IND/2, 19 août 2022, paragraphe 42). La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que des informations statistiques sur la nature et les tendances du travail en servitude soient disponibles, via la compilation de toutes les données pertinentes collectées au niveau des États et des territoires de l’Union. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement fournira sans délai des informations sur l’ampleur de la question du travail en servitude dans le pays.
2. Pratique culturellement admise impliquant le travail forcé. En ce qui concerne les castes inférieures et les tribus souvent engagées, en raison de leur origine sociale et sous la contrainte, dans la récupération manuelle des déchets, la commission note, d’après l’indication du gouvernement, que dans le cadre du Plan sur la réinsertion des collecteurs manuels (SRMS): i) 58 098 collecteurs manuels ont été identifiés et libérés grâce à une aide financière; ii) 18 800 collecteurs manuels ont bénéficié de divers programmes de développement des compétences et d’une allocation mensuelle; et iii) 2 090 collecteurs manuels ont bénéficié d’une subvention pour des projets d’emploi indépendant. Le gouvernement ajoute qu’un Plan d’action national visant à la mécanisation de l’écosystème d’assainissement (NAMASTE) a également été élaboré en vue de supprimer le nettoyage manuel des égouts et des fosses septiques, et que des ateliers sont régulièrement organisés dans les municipalités sur les pratiques de nettoyage sûres. En outre, les collecteurs manuels peuvent bénéficier d’une subvention pour acheter des instruments et des véhicules mécanisés pour le nettoyage des égouts et des fosses septiques. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle une application mobile appelée Swacchata Abhiyaan a été lancée en décembre 2020 pour saisir des données sur les latrines insalubres existantes et les collecteurs manuels associés à leur nettoyage. Le gouvernement indique que les données sont actuellement vérifiées par l’administration du district concerné. La commission note toutefois qu’en 2021 la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) a formulé des recommandations sur la récupération manuelle des déchets, tout en soulignant qu’il conviendrait de mener une étude périodique complète, compte tenu de plusieurs anomalies relevées dans le cadre des études déjà réalisées sur la récupération manuelle des déchets. La NHRC a également exprimé sa profonde préoccupation face à la pratique généralisée de la récupération manuelle des déchets et du nettoyage dans des conditions dangereuses qui persiste, malgré la législation en vigueur et les lignes directrices existantes qui interdisent cette pratique. À cet égard, la commission note que, le 22 février 2023, la Cour suprême a ordonné au gouvernement de consigner, dans un délai de six semaines, les mesures prises pour appliquer la loi de 2013 sur l’interdiction de l’emploi de personnes en tant que collecteurs manuels et sur leur réinsertion, y compris les mesures prises pour la réinsertion des collecteurs manuels (ordonnance W.P.(C) no 324/2020). En outre, elle observe qu’en mars 2023, le gouvernement a informé la commission parlementaire permanente sur la justice sociale et l’autonomisation qu’au total, 1 035 travailleurs des services sanitaires sont morts en nettoyant les égouts et les fosses septiques, et que dans 74 cas une indemnisation doit encore été versée. À cet égard, la commission note que pas moins de 347 collecteurs manuels sont morts au cours des cinq dernières années, principalement dans les États du Tamil Nadu, du Gujarat, de l’Uttar Pradesh et de Delhi. Tout en prenant note des mesures prises par le gouvernement pour supprimer la pratique de la récupération manuelle des déchets et de l’interdiction de cette pratique établie dans la législation nationale, la commission exprime sa préoccupation face à la persistance de cette pratique, dans des situations qui pourraient relever du travail forcé. La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions dela loi de 2013 sur l’interdiction de l’emploi de personnes en tant que collecteurs manuels et sur leur réinsertion, et del’ordonnance modificative no 1 de 2014 sur les castes et tribus répertoriées (prévention des atrocités) (loi SCST de 2014) sont strictement et efficacement appliquées, et que la réinsertion effective des collecteurs manuels soit assurée. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de toute enquête conduite sur la récupération manuelle des déchets, y compris le nombre, le groupe d’âge et le genre des personnes qui travaillent encore comme collecteurs manuels.
3. Pratiques culturellement admises impliquant une exploitation sexuelle. La commission s’est précédemment référée à la pratique culturellement admise connue sous le nom de système des devadasis, en vertu de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une «divinité» locale ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des devadasis, sont exploitées sexuellement par les adorateurs de leur «divinité» dans la communauté locale où elles ont grandi. La commission prend note de la déclaration générale du gouvernement selon laquelle plusieurs lois ont été adoptées par le gouvernement central et les gouvernements des États pour interdire complètement cette pratique, ce cadre juridique étant activement mis en œuvre afin de prévenir et de punir toute occurrence de ce type. La commission note cependant que, le 14 octobre 2022, la Commission nationale des droits de l’homme a envoyé une notification au gouvernement central et aux gouvernements des États du Karnataka, du Kerala, du Tamil Nadu, de l’Andhra Pradesh, du Telangana et du Maharashtra, faisant état de la menace persistante du système des devadasis, malgré les lois qui criminalisent cette pratique. À cette occasion, la Commission a indiqué que plus de 70 000 femmes ont été identifiées comme devadasis au Karnataka, ainsi que 80 000 femmes au Telangana et dans l’Andhra Pradesh, dont la plupart appartiennent à des castes et tribus répertoriées. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au système des devadasis dans la pratique, notamment en appliquant efficacement la législation adoptée dans les différents États. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard et sur les résultats obtenus en termes de nombre de femmes et de filles qui ont été soustraites à cette pratique et réinsérées. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées concernant la pratique des devadasis, ainsi que sur les sanctions spécifiques imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1. Travail forcé. 1.   Pratiques culturellement admises de récupération manuelle des déchets. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a observé que les femmes de basse caste et de tribus répertoriées sont souvent occupées, du fait de leur origine sociale et sous la contrainte, à la récupération manuelle des déchets. Elle avait noté que ces femmes reçoivent généralement des produits alimentaires à titre de rémunération et que celles qui tentent de quitter ce travail doivent souvent faire face à des représailles, y compris au harcèlement, à des menaces de violence, à l’expulsion de leur village et au refus d’accéder à des biens communautaires. La commission a observé que, dans de telles circonstances, les personnes qui récupèrent manuellement les déchets ne sont probablement pas en mesure de quitter leur travail de leur plein gré, ce qui peut dans la pratique conduire à des situations relevant du travail forcé. En outre, la commission a noté que, dans son rapport d’avril 2014, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a estimé que, si la législation visant à éradiquer le travail en servitude et la récupération manuelle des déchets a été adoptée, il ressort des rapports et des interlocuteurs qu’il y a des manquements systématiques dans l’application des lois pertinentes et une tendance à minimiser l’importance du problème. La commission a encouragé le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes travaillant à la récupération de déchets peuvent en pratique librement quitter leur travail de leur plein gré et être totalement protégées de toute forme de coercition directe ou indirecte pouvant relever du travail forcé.
La commission note que le gouvernement mentionne les dispositions de la loi no 25 de 2013 portant interdiction d’employer des personnes à la récupération manuelle de déchets et prévoyant des mesures de réadaptation de ces personnes (ci-après «loi no 25 de 2013»), ainsi que l’ordonnance modificative no 1 de 2014 sur les castes et les tribus répertoriées (prévention des atrocités) (ci-après «ordonnance no 1 de 2014»). La commission note qu’en vertu de la loi no 25 de 2013 il est interdit d’engager ou d’employer une personne à la récupération manuelle des déchets (art. 5); tout contrat, accord ou instrument pour le recrutement ou l’emploi d’une personne à la récupération manuelle des déchets sera résilié (art. 6); les personnes qui violeraient l’article 5 sont passibles d’un an d’emprisonnement ou d’une amende pouvant aller jusqu’à 50 000 roupies, ou les deux; les peines étant doublées en cas de récidive (art. 8). En outre, l’article 3 de l’ordonnance no 1 de 2014 prévoit également l’interdiction de la récupération manuelle des déchets. Le gouvernement indique également qu’une enquête nationale sur les personnes employées à la récupération manuelle des déchets a été entreprise dans 170 districts de 18 Etats pour recenser les travailleurs qui continuent de se livrer à cette activité et ceux qui y ont volontairement renoncé. Des mesures ont été prises pour venir en aide à ces travailleurs et leur offrir des services de réadaptation dans le cadre du Programme d’emploi indépendant pour la réadaptation des travailleurs employés à la récupération manuelle des déchets. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les conclusions de l’enquête sur les personnes travaillant à la récupération manuelle des déchets, notamment sur le nombre de personnes qui exercent encore cette activité. Elle le prie également de fournir des informations sur le nombre de ces personnes qui ont bénéficié d’un service de réadaptation dans le cadre du Programme d’emploi indépendant pour la réadaptation des travailleurs employés à la récupération manuelle des déchets. La commission prie en outre le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’application effective de la loi no 5 de 2013 et de l’ordonnance no 1 de 2014.
2. Travail forcé dans le secteur de l’habillement. La commission note, d’après les observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) et le Syndicat des travailleurs du textile (GLU), reçues les 9 septembre 2015 et 22 octobre 2015, respectivement, que le système sumangali (système d’aide au mariage des filles et des jeunes femmes), qui est en vigueur depuis plus de deux décennies, consiste à recruter pour une durée déterminée des jeunes femmes, généralement âgées de 15 à 25 ans, dans des filatures au Tamil Nadu. Dans le cadre de ce système, une partie importante de leur salaire est retenue jusqu’à ce que les travailleurs parviennent au terme de la durée de leur contrat, qui varie de trois à cinq ans. Le Tamil Nadu compte 1 600 filatures employant 400 000 personnes, dont 60 pour cent de filles et de jeunes femmes, principalement des Dalits (castes répertoriées) et des filles originaires de tribus des zones rurales et reculées, qui sont vulnérables aux pratiques du système sumangali. La commission note également, d’après les observations de la CSI et du GLU, que le système sumangali constitue une pratique relevant de la servitude pour dettes, compte tenu du refus d’octroyer le salaire minimum; des retenues sur salaire; du recours abusif aux dispositions de la loi sur l’apprentissage de 1961 sans jamais régulariser la situation des travailleurs apprentis, si bien qu’ils ne peuvent prétendre aux avantages dont bénéficient les travailleurs réguliers; des conditions de travail relevant d’une exploitation (horaires de travail excessifs et confinement abusif dans les locaux de l’usine); des conditions de vie extrêmement médiocres (dans les foyers de l’usine ressemblant à des camps de travail et de sévères restrictions à leur liberté de mouvement et à la possibilité de garder le contact avec leur famille et le monde extérieur); et des pratiques de recrutement trompeuses et discriminatoires.
A cet égard, la commission prend note de la réponse du gouvernement, reçue le 29 juin 2016, selon laquelle: i) un comité, composé du percepteur de district, de l’inspecteur en chef adjoint des usines, du commissaire adjoint du travail et d’un représentant des services juridiques, a été créé en application d’un arrêt de la haute cour pour examiner les questions liées à l’emploi dans le cadre du système sumangali; ii) un comité a été formé pour réviser et fixer le salaire minimum des travailleurs autres que les apprentis; iii) la Direction de la sécurité et de la santé au travail (DISH) a été chargée de contrôler les heures supplémentaires et le travail de nuit des jeunes travailleurs; iv) les foyers et lieux d’hébergement pour femmes sont surveillés par les percepteurs du district conformément à la loi de 2014 relative aux foyers et maisons pour femmes et enfants; v) des cellules pour femmes sont créées dans toutes les usines textiles pour prévenir les violences verbales et sexuelles à l’égard des travailleuses et sont contrôlées par la DISH; vi) les conditions de travail et la sécurité des travailleurs sont contrôlées par la DISH, et les mesures nécessaires, y compris des actions en justice, sont prises, si nécessaire; vii) la situation des travailleuses des usines textiles est surveillée de près par le percepteur de district, le responsable de district pour le bien-être des Adi Dravidars (Dalits) et des populations tribales, le responsable de district pour le bien-être social, le responsable des questions du travail, le directeur adjoint de la santé et de la sécurité au travail et le responsable divisionnaire des recettes. La commission note en outre les informations du gouvernement selon lesquelles le système de paiement à la fin de la période contractuelle n’est plus en pratique dans les usines textiles du Tamil Nadu. Le gouvernement, se référant à la déclaration du secrétaire général de l’Association des filatures du Sud de l’Inde (SIMA), indique que toutes les industries textiles sont vigilantes au sujet du système d’emploi des femmes et que des efforts sont déployés pour s’assurer que les femmes ne sont pas exploitées dans les usines textiles à travers la servitude pour dettes. Enfin, la commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles les plaintes déposées et les litiges engagés de manière répétée par divers syndicats et organisations non gouvernementales, qui ont conduit les autorités à réitérer des instructions strictes et à les faire appliquer, ont entraîné l’abolition du système sumangali et de systèmes similaires et que les femmes et les filles ne sont actuellement pas employées dans le cadre de systèmes de ce type. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour s’assurer que les femmes et les jeunes filles sont protégées contre les pratiques relevant du travail forcé dans les usines textiles du Tamil Nadu.

Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2018.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Travail en servitude. Mécanismes de contrôle et mise en œuvre effective du cadre législatif. La commission a précédemment noté que la loi de 1976 sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA) prévoit des sanctions pour l’exaction de travail en servitude, l’exigence de remboursement d’une dette sous peine de servitude, et l’exécution d’une coutume, d’une tradition, d’un contrat, d’un accord ou de tout autre instrument exigeant une prestation de service en vertu du régime de servitude pour dettes.
La commission prend note des observations de la CSI selon lesquelles un nombre considérable de personnes, dont des enfants, sont victimes de la servitude pour dettes, qui atteint des niveaux endémiques dans l’industrie de la briqueterie, avec au moins 125 000 briqueteries en activité en Inde qui emploient environ 10 à 23 millions de travailleurs. Le modèle d’emploi, y compris les systèmes de recrutement et de paiement, appliqué dans les briqueteries alimente le cycle du travail forcé, piégeant les travailleurs dans le système de la servitude pour dettes, année après année. La CSI observe en outre que la loi BLSA n’est toujours pas appliquée et que les responsables de district et la police refusent régulièrement de reconnaître les cas de travail en servitude et ne prennent pas les mesures appropriées pour soustraire les travailleurs à ces situations et poursuivre les auteurs de ces délits.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles, de 2006 à 2015, les comités de vigilance des Etats ont effectué 1 321 perquisitions, à la suite desquelles 3 704 cas de travail en servitude ont été enregistrés en Inde. Sur ce nombre, 2 408 cas n’ont donné lieu à aucune condamnation, 267 cas ont abouti à une condamnation, et 1 029 cas sont toujours en instance. La commission note, d’après les données recueillies par la Commission nationale des droits de l’homme, que le plus grand nombre de cas de travail en servitude a été enregistré sur le territoire de l’Union de Delhi (992) et dans les Etats de Maharashtra (796), Odisha (727), Tamil Nadu (366), Andhra Pradesh (284), Karnataka (260) et Uttar Pradesh (214). La commission prend également note des informations du gouvernement selon lesquelles, dans l’Etat du Gujarat, les comités de vigilance des 26 districts et des 111 prants (provinces) tiennent régulièrement des réunions sous la présidence du percepteur et magistrat de district. En 2017, 38 réunions de ce type ont eu lieu. Le gouvernement fournit en outre des informations sur les diverses mesures prises par le gouvernement de l’Etat du Tamil Nadu, notamment: i) le sauvetage et la réinsertion de 276 travailleurs en servitude d’avril 2017 à mars 2018; ii) l’élaboration d’une procédure opérationnelle standard pour l’identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude; et iii) la réalisation de programmes de sensibilisation et de formation sur le travail en servitude à l’intention des fonctionnaires de l’administration. Enfin, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles le programme de réinsertion des travailleurs en servitude financé par l’administration centrale a été révisé et rebaptisé «Programme central de réinsertion des travailleurs en servitude, 2016». Dans le cadre de ce programme, l’aide financière octroyée aux travailleurs soustraits à la servitude a été augmentée. Il est également prévu de créer un Fonds de réinsertion des travailleurs soustraits à la servitude au niveau des districts dans chaque Etat, qui octroie une aide immédiate aux travailleurs soustraits à la servitude. En outre, la commission note que, d’après le rapport présenté par le gouvernement en application de la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, 292 355 travailleurs soustraits à la servitude ont été réinsérés au titre de ce programme. La commission encourage vivement le gouvernement à continuer de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les dispositions de la loi sur le système de travail en servitude (abolition) sont strictement et efficacement appliquées et que des sanctions adéquates sont infligées aux personnes qui soumettent une personne au travail en servitude, en particulier dans les briqueteries. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de peines infligées aux responsables dans les cas de travail en servitude, notamment en ce qui concerne les 1 029 affaires encore en instance. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le nombre de travailleurs en servitude recensés, soustraits à la servitude et réinsérés, notamment dans le cadre du Programme central de réinsertion des travailleurs en servitude, 2016. Elle le prie également de continuer de fournir des informations sur le fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance en ce qui concerne l’abolition du travail en servitude, en particulier à Delhi, Maharashtra, Odisha, Tamil Nadu, Andhra Pradesh, Karnataka et Uttar Pradesh.
Ampleur du problème. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle il avait subventionné les gouvernements des Etats pour procéder à des enquêtes sur le travail en servitude au niveau des districts, et qu’un grand nombre de ces enquêtes ont déjà été réalisées.
La commission prend note de l’information communiquée par le gouvernement dans son rapport selon laquelle l’assistance financière aux Etats pour effectuer des enquêtes sur le travail en servitude a été augmentée et que des propositions à cet égard ont été formulées par les Etats du Rajasthan, de Chhattisgarh, de Madhya Pradesh et de Sikkim. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que des informations statistiques sur la nature et l’évolution du travail en servitude peuvent être disponibles grâce à la compilation des données fondées sur les enquêtes effectuées à l’échelle de tous les Etats. La commission veut croire que le gouvernement fournira sans tarder des informations sur l’ampleur du problème du travail en servitude dans le pays.
2. Traite des personnes. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté l’adoption de la loi pénale (modification), loi no 13 de 2013, qui incrimine la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle en vertu des articles 370 et 370A du Code pénal et prévoit des peines d’emprisonnement et une amende. Elle a également noté que les modifications devant être apportées à la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral (ITPA) étaient toujours en cours d’examen. Elle a noté en outre les diverses mesures prises par le gouvernement pour prévenir la traite des personnes, notamment le Programme fédéral de prévention de la traite, de sauvetage, réadaptation et réinsertion des victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle commerciale (Programme Ujjawala), ainsi que les mesures prises pour protéger les travailleurs migrants, en particulier les travailleuses domestiques.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le projet de loi de 2018 sur la traite des personnes (prévention, protection et réadaptation) sera présenté au Parlement à sa prochaine session pour approbation. Elle note que ce projet de loi prévoit la prévention, le sauvetage et la réadaptation des victimes de la traite et prévoit des peines sévères, notamment la saisie et la confiscation des biens des personnes condamnées pour des délits liés à la traite des personnes. En ce qui concerne la mise en œuvre du Programme Ujjawala, le gouvernement indique que, dans le cadre de ce programme, 270 projets sont en cours dans le pays, dont 148 foyers de réadaptation, et que 5 522 victimes de la traite bénéficient actuellement de ce programme.
La commission note en outre qu’un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme pour 2017 indique qu’une procédure opérationnelle normalisée pour lutter contre la traite des personnes a été élaborée. Cette procédure fournit des orientations étape par étape aux professionnels de la lutte contre la traite et aux autres parties prenantes qui participent à l’identification, au sauvetage, aux enquêtes, à la réadaptation et à la réinsertion des victimes, et aux poursuites engagées. La commission note toutefois que, selon un document intitulé «Projet de politique de réadaptation et de lutte contre la traite des femmes et des enfants du gouvernement du Territoire de la capitale nationale, 2018», le problème de la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle, qui est répandu aux niveaux local, interrégional, interétatique et transnational, a pris ces dernières années une ampleur alarmante. Selon le Bureau national des archives judiciaires (National Crime Records Bureau), les cas de traite des mineures ont été multipliés par 14 au cours des dix dernières années. La commission prie donc le gouvernement d’intensifier ses efforts en vue de prévenir et de lutter contre la traite des personnes, en accordant une attention particulière à la situation des femmes et des filles, et de prendre des mesures pour s’assurer que toutes les personnes qui se livrent à la traite des personnes font l’objet d’enquêtes approfondies et de poursuites et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives sont appliquées dans la pratique. La commission encourage le gouvernement à prendre des mesures en vue de fournir une protection et une assistance appropriées aux victimes de la traite, notamment dans le cadre du Programme Ujjawala. Enfin, la commission exprime le ferme espoir que le projet de loi de 2018 sur la traite des personnes (prévention, protection et réadaptation) sera prochainement adopté. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli à cet égard.
3. Pratiques culturellement admises impliquant une exploitation sexuelle. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté la pratique culturellement admise connue sous le nom de système des devadasis, en vertu de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une «divinité» locale ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des devadasis, sont exploitées sexuellement par les adorateurs de leur «divinité» dans la communauté locale où elles ont grandi. La commission a noté que le système des devadasis constitue un travail forcé au sens de la convention, puisque les jeunes filles sont vouées à être des devadasis sans leur consentement et sont, de ce fait, obligées de fournir sous la contrainte des services sexuels à des membres de leur communauté. La commission a également noté que plusieurs lois incriminent cette pratique et prévoient des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et une amende à l’encontre des organisateurs de cérémonies et de rituels de dévotion. Ainsi, l’Etat de Karnataka a promulgué la loi de 1982 interdisant de vénérer des devadasis; le Maharashtra, la loi de 2005 et le règlement de 2008 interdisant les devadasis; et l’Andhra Pradesh, la loi de 1988 interdisant de vénérer des devadasis. En outre, l’ordonnance modificative no 1 de 2014 sur les castes et tribus répertoriées (prévention des atrocités) incrimine le fait de vouer un culte à une femme appartenant à une caste ou une tribu répertoriée et d’en faire une divinité, une idole, un objet de culte, un temple ou une autre institution religieuse, comme une devadasi, ou de se livrer à toute autre pratique similaire (ou de promouvoir cette pratique). La commission a en outre pris note des informations fournies par le gouvernement sur les divers programmes et mesures de réadaptation mis en œuvre dans les Etats de Karnataka, de Maharashtra et d’Andhra Pradesh afin d’assister les anciennes devadasis et leurs enfants. La commission a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme dans la pratique au système des devadasis.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le gouvernement de l’Etat de Maharashtra a mis en place les comités de contrôle de la pratique des devadasis dans 34 districts de l’Etat. En outre, le gouvernement de l’Etat, par l’intermédiaire du Département de la promotion de la femme et de l’enfant, a organisé divers programmes et plans pour encourager les organisations non gouvernementales à prévenir la pratique du système des devadasis et à mettre en œuvre diverses mesures de sensibilisation de la population pour la réadaptation des devadasis recensées et de leurs enfants.
La commission note toutefois que, selon une étude réalisée en collaboration avec le BIT intitulée «Violence sexiste à l’égard des filles des castes répertoriées: évaluation rapide de la pratique des devadasis en Inde», 2015, le système des devadasis est essentiellement répandu dans les Etats de Karnataka, d’Andhra Pradesh, de Telangana et de Maharashtra. Ce rapport fait également référence au rapport de la Commission unipersonnelle de 2013 qui estime qu’environ 450 000 devadasis sont réparties dans de nombreux Etats de l’Inde. La commission note en outre que, selon le communiqué de presse du 25 septembre 2017 de la Commission nationale des droits de l’homme de l’Inde, les gouvernements du Tamil Nadu et de l’Andhra Pradesh ont été formellement informés des allégations selon lesquelles la pratique du système des devadasis se poursuit. La commission note une fois de plus avec préoccupation la persistance de cette pratique culturellement admise qui implique une exploitation sexuelle. La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au système des devadasis dans la pratique, notamment à travers l’application de la législation adoptée par les différents Etats. Elle le prie de continuer de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard et les résultats obtenus en ce qui concerne le nombre de femmes et de filles qui ont été soustraites à cette pratique et qui ont bénéficié d’une réadaptation. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enquêtes effectuées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées concernant la pratique des devadasis, ainsi que sur les sanctions infligées, y compris copie des décisions de justice pertinentes.
4. Travail forcé des enfants. Cadre législatif. Suite à ses commentaires antérieurs, la commission note avec intérêt que le gouvernement a promulgué la loi de 2016 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants (modification) (CLPRA de 2016), laquelle est entrée en vigueur le 1er septembre 2016. La commission note que cette loi contient des dispositions interdisant l’emploi d’enfants de moins de 14 ans dans toute profession et l’emploi d’enfants et d’adolescents de moins de 18 ans dans des professions et des activités dangereuses. Elle prévoit également des sanctions sévères en cas de violation de ces dispositions. En ce qui concerne la mise en œuvre de la CLPRA de 2016, la commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles, en 2017, 266 891 inspections ont été effectuées, 1 711 violations constatées, 1 227 poursuites engagées et 683 condamnations prononcées. En 2018, 125 429 inspections ont été effectuées, 139 violations enregistrées, 73 poursuites engagées et 174 condamnations prononcées. La commission prend également dûment note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur les diverses mesures, notamment les mesures législatives, de sensibilisation, de suivi, de sauvetage et de réadaptation prises par les gouvernements du Gujarat, du Tamil Nadu et du Maharashtra pour éliminer le travail forcé des enfants, en particulier dans le secteur du coton. Enfin, la commission salue la ratification par le gouvernement de l’Inde en juin 2017 de la convention (nº 138) sur l’âge minimum, 1973, et de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de la loi de 2016 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants (modification) dans son premier rapport sur l’application de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Traite des personnes. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle les modifications devant être apportées à la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral (ITPA), en vue d’élargir sa portée et de prévoir des sanctions plus lourdes en cas de traite des personnes, étaient toujours en cours d’examen.
La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle ces modifications n’ont pas encore été adoptées mais seront prochainement soumises au Cabinet et l’ITPA sera renommée «loi sur la prévention de la traite des personnes et de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales» (TIPCESEPA). La commission salue l’adoption de la loi pénale (modification), loi no 13 de 2013, qui incrimine la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle en vertu des articles 370 et 370A du Code pénal et prévoit des peines d’emprisonnement et une amende. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les activités de la Commission consultative centrale (CAC) pour la prévention et la lutte contre la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle et commerciale ont été interrompues mais qu’elles reprendront prochainement. Se référant à ses commentaires antérieurs sur le régime fédéral Ujjawala de prévention de la traite, et de sauvetage, réadaptation et réinsertion des victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle commerciale, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, au 31 mars 2013, 232 projets Ujjawala avaient été mis en œuvre dans 21 Etats, avec un accent particulier sur la prévention, les opérations de sauvetage et le rapatriement des victimes, et que 121 centres de réinsertion, d’une capacité d’accueil de 6 000 victimes, avaient été créés. Le gouvernement ajoute que le régime fédéral Ujjawala vise également à promouvoir des systèmes communautaires de prévention de la traite à partir de zones d’origine des victimes et que, à ce jour, plus de 600 groupes de vigilance communautaires ont été mis en place et un nombre équivalent d’adolescents ont été formés. La commission note par ailleurs que, après avoir reçu des plaintes pour non-paiement des salaires, mauvais traitements physiques et psychologiques et confiscation de passeport de travailleurs indiens employés à l’étranger, en particulier des travailleuses domestiques, le gouvernement a pris plusieurs mesures visant à protéger ces travailleurs lorsqu’ils émigrent vers les 17 pays de la catégorie pour laquelle un contrôle de l’immigration est requis, la plupart d’entre eux étant dans la région du Golfe. Parmi ces mesures, il est prévu des restrictions d’âge, le travailleur devant avoir 30 ans, un salaire minimum de référence fixé par la mission indienne et une caution de 2 500 dollars des Etats-Unis sous forme de garantie bancaire auprès de la mission indienne. Cette caution remboursable vise à garantir le rapatriement et le paiement de tous salaires impayés ou frais médicaux des travailleurs indiens en cas de défaillance de l’employeur. La commission note que, le Koweït ayant refusé de se conformer à l’obligation de paiement de la caution, le gouvernement a décidé, le 5 novembre 2015, de suspendre les visas d’entrée au Koweït aux travailleurs domestiques indiens.
Toutefois, la commission note que, dans leurs observations finales de juillet 2014, tout en prenant note de la création de l’unité de lutte contre la traite, des programmes de sensibilisation et du groupe de travail sur la traite, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le Comité des droits de l’enfant (CRC) ont fait part de leur préoccupation concernant la persistance alarmante de la traite, à l’intérieur du pays mais aussi au-delà des frontières, à des fins d’exploitation au travail et d’exploitation sexuelle, y compris le tourisme sexuel et la pornographie mettant en scène des enfants, l’absence de dispositifs de protection et de services à la disposition des femmes et des filles qui sont victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle et l’absence d’initiatives en vue de s’attaquer aux causes profondes du problème (CEDAW/C/IND/CO/4-5, CRC/C/IND/CO/3-4 et CRC/C/OPSC/IND/CO/1). La commission note par ailleurs que, dans son rapport d’avril 2014, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, après avoir exprimé sa préoccupation quant à l’ampleur de la traite des femmes et des filles en provenance et à destination de l’Inde, a ajouté que les femmes défavorisées des groupes minoritaires, des castes et des tribus répertoriées et des sous-castes sont habituellement les principales victimes. L’absence de priorité accordée à cette question par l’Etat et le manque de protection a renforcé la violence perpétrée contre ces personnes par des criminels ou des personnes impliquées dans les affaires de traite. La complicité de responsables au niveau de l’Etat dans les affaires de traite est un problème préoccupant, qui a aussi été évoqué (A/HRC/26/38/Add.1). Prenant note des efforts déployés par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes, la commission espère à nouveau que la loi sur la prévention de la traite des personnes et de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales sera adoptée prochainement et prie le gouvernement de fournir copie du texte de la nouvelle législation, une fois celle-ci adoptée. En attendant l’adoption de cette nouvelle législation, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application pratique des articles 370 et 370A du Code pénal, y compris le nombre d’enquêtes effectuées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour traite des personnes tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, ainsi que les sanctions imposées aux personnes condamnées. La commission espère que la Commission consultative centrale chargée de la prévention et de la lutte contre la traite des femmes et des enfants reprendra bientôt ses activités et elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur ses activités ainsi que sur l’impact de tout programme mis en œuvre pour protéger les victimes de la traite, tel que le régime fédéral Ujjawala.
2. Pratiques culturellement admises de récupération manuelle des déchets. La commission note que, dans son rapport d’avril 2014, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, indique que de nombreuses femmes dalits et adivasis et des femmes appartenant à d’autres castes et tribus répertoriées et d’autres «sous-castes» se voient refuser des emplois et exécutent des travaux dangereux, y compris dans le cadre de travail en servitude ou de la récupération manuelle de déchets, pratiques relevant du travail forcé et des formes modernes d’esclavage (A/HRC/26/38/Add.1). En référence aux commentaires qu’elle a formulés sur l’application de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, la commission observe que les femmes de basse caste et de tribus répertoriées sont souvent occupées, du fait de leur origine sociale et souvent sous la contrainte, à la récupération manuelle des déchets. La commission note que ces femmes reçoivent généralement des produits alimentaires à titre de rémunération et que celles qui tentent de quitter ce travail doivent souvent faire face à des représailles, y compris au harcèlement, à des menaces de violence, à l’expulsion du village et au refus d’accéder à des biens communautaires. La commission observe que, dans de telles circonstances, les personnes qui récupèrent manuellement les déchets ne sont probablement pas en mesure de quitter leur travail de leur plein gré, ce qui peut dans la pratique conduire à des situations relevant du travail forcé. Toutefois, la commission note avec intérêt que, afin de protéger «les castes et les tribus répertoriées de l’injustice sociale et de toutes les formes d’exploitation», le gouvernement a adopté la loi no 25 de 2013 portant interdiction d’employer des personnes à la récupération manuelle de déchets et prévoyant des mesures de réinsertion de ces personnes, ainsi que l’ordonnance modificative no 1 de 2014 sur les castes et les tribus répertoriées (prévention des atrocités), en vertu de laquelle quiconque n’appartenant pas à une caste ou à une tribu répertoriée imposera des tâches de récupération manuelle de déchets à un membre de ces castes ou tribus, emploie ou autorise l’emploi d’un tel membre à de telles fins s’expose à une amende et à une peine d’emprisonnement allant de six mois à cinq ans (art. 3(i)(1)(j) de l’ordonnance).
La commission note que la Cour suprême de l’Inde, dans un jugement rendu le 27 mars 2014, a rappelé qu’il appartient aux gouvernements d’Etat et des territoires de l’Union de mettre pleinement en œuvre la loi de 2013 susmentionnée et de prendre des mesures appropriées en cas de non-application ou de violation de ces dispositions. Elle note par ailleurs que, dans son rapport d’avril 2014, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a estimé que, si la législation visant à éradiquer le travail en servitude et la récupération manuelle des déchets a été adoptée, il ressort des rapports et des interlocuteurs qu’il y a des manquements systématiques dans l’application des lois pertinentes et une tendance à minimiser l’importance du problème (A/HRC/26/38/Add.1). Prenant note de ces informations, la commission encourage le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes travaillant à la récupération des déchets peuvent dans la pratique librement quitter leur travail, à leur demande, et qu’elles sont totalement protégées de toute forme de coercition directe ou indirecte pouvant relever du travail forcé. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à cet égard, notamment en ce qui concerne l’application de la législation.
La commission note par ailleurs que, comme souligné dans le rapport d’avril 2014 de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, ce sont des femmes qui majoritairement se livrent à la récupération des déchets dans le pays et en particulier des femmes de castes répertoriées et de groupes minoritaires. A cet égard, la commission renvoie le gouvernement aux commentaires qu’elle a formulés sur l’application de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et du Syndicat des travailleurs du textile (GLU) reçues les 9 septembre et 22 octobre 2015, respectivement, concernant la pratique du «Sumangali» dans le secteur du textile au Tamil Nadu, qui touche les jeunes femmes employées dans les filatures. La commission prend également note des observations de la Fédération nationale progressiste des travailleurs de la construction (NPCWF) reçues le 21 septembre 2015 concernant l’incapacité des gouvernements d’Etat d’établir des comités de vigilance, conformément à la loi de 1976 sur l’abolition du système de travail forcé. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires à cet égard.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Travail en servitude. Ampleur du problème. La commission s’est précédemment référée aux allégations de la CSI selon lesquelles le travail en servitude dans l’agriculture et dans les secteurs d’activité tels que les industries extractives, les briqueteries, la production de soie et de coton et la fabrication de bidis toucherait des millions de travailleurs dans le pays. La commission a prié le gouvernement d’entreprendre une enquête nationale sur le travail forcé, en associant les partenaires sociaux et en utilisant des méthodes statistiques qu’il juge appropriées.
La commission prend bonne note de l’indication du gouvernement, dans son rapport, selon laquelle une enquête nationale ne peut pas être effectuée en utilisant les outils statistiques adoptés en vue de la collecte de données sur une base macroéconomique, mais requiert de collecter des informations à travers des entretiens avec les personnes intéressées au sujet de la nature de l’exploitation et de leurs conditions de travail pour pouvoir déterminer si leur situation relève du travail en servitude. Le gouvernement réaffirme qu’il a subventionné les gouvernements des Etats pour procéder à des enquêtes sur le travail en servitude au niveau des districts, et qu’un grand nombre de ces enquêtes ont déjà été réalisées. La commission prend note du jugement rendu par la Cour suprême de l’Inde le 15 octobre 2012, dont copie a été transmise par le gouvernement, qui conclut que de nouvelles enquêtes sur le travail forcé devraient être menées tous les trois ans par tous les gouvernements d’Etat, par le biais des comités de vigilance au niveau des districts et des sous-divisions, et les résultats de ces enquêtes devraient être intégrés dans une base de données informatisée disponible sur tous les sites Internet concernés. La commission note en outre que, étant donné que les gouvernements de nombreux Etats déclaraient qu’aucune instance de travail forcé n’avait été constatée dans leur Etat, la Cour suprême a estimé que les directives sur la méthode d’identification des travailleurs en servitude publiées par la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) devraient être appliquées par tous les gouvernements d’Etat. Prenant note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il a déjà demandé aux gouvernements d’Etat de prendre les mesures appropriées pour mettre en œuvre les instructions de la Cour suprême, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de préparer une enquête nationale sur le travail en servitude, avec la participation des partenaires sociaux, en compilant, entre autres, les données recueillies dans toutes les enquêtes au niveau des districts visées ci-dessus, menées par tous les gouvernements d’Etat. Dans cette attente, elle prie le gouvernement de fournir copie des résultats disponibles de toutes les enquêtes menées au niveau des districts à cet égard. La commission veut croire que le gouvernement fournira des informations sans délai sur l’ampleur du problème du travail en servitude dans le pays.
Mise en œuvre effective du cadre législatif. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que la loi de 1976 sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA) prévoit des sanctions pour l’exaction de travail en servitude, la mise en demeure de remboursement d’une dette sous peine de servitude, et l’exécution d’une coutume, d’une tradition, d’un contrat, d’un accord ou de tout autre instrument exigeant une prestation de service en vertu du régime de servitude pour dettes. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer le bon fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance créés en vertu de la BLSA par tous les gouvernements d’Etat au niveau des districts et des sous-divisions, afin de traiter le problème de la servitude pour dettes et de collecter des données à cet égard. Notant que le rapport du gouvernement ne contient pas d’information en réponse à ses précédents commentaires, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer le bon fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance mis en place par tous les gouvernements d’Etat.
Sanctions pénales pour exaction de travail en servitude. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que la BLSA prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans et l’imposition d’une amende. La commission note que le gouvernement répète que la NHRC assure un suivi des questions liées aux poursuites et aux condamnations dans le cadre de la BLSA et qu’elle a traité des plaintes reposant sur des allégations de travail en servitude. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans l’Etat d’Odisha, 48 cas examinés ont abouti à des condamnations en 2012 et 17 cas sont en cours d’instruction depuis 2006 et, dans l’Etat d’Uttrakhand, un seul cas est en cours d’instruction. La commission note avec regret l’absence d’information dans le rapport du gouvernement sur les sanctions effectivement appliquées, ainsi que sur le nombre de poursuites et de condamnations pour des cas de travail en servitude signalés dans les 33 Etats et territoires de l’Union restants qui déclarent ne pas avoir de cas de travail en servitude sur leur territoire. La commission rappelle que l’article 25 de la convention prévoit que le fait d’exiger du travail forcé est passible de sanctions pénales, et tout Etat a l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission observe que le nombre de poursuites et de condamnations relatives à des cas présumés de travail en servitude mentionné par le gouvernement est très faible compte tenu du nombre important de travailleurs en servitude qui, au 31 mars 2013, ont été recensés et libérés (297 413) et de ceux qui ont bénéficié de mesures de réinsertion (277 451). La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour renforcer les moyens d’action des autorités des différents Etats afin de s’assurer que les cas de travail en servitude font effectivement l’objet de poursuites et que des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives sont appliquées aux personnes qui imposent du travail en servitude. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de poursuites et de condamnations, ainsi que sur les sanctions pénales imposées en vertu de la BLSA, en fournissant copie des décisions de justice pertinentes.
2. Travail forcé des enfants. Cadre législatif. En référence à ses commentaires antérieurs, la commission note avec intérêt que la loi sur la protection des enfants contre les délits sexuels a été adoptée en mai 2012 et qu’elle renforce la protection juridique des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle d’autres modifications de la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants (CLPRA) sont actuellement examinées par le Parlement en vue d’introduire une interdiction générale de l’emploi des enfants n’ayant pas atteint l’âge de la scolarité obligatoire ainsi que des enfants âgés de moins de 18 ans dans les mines, à des activités utilisant des explosifs et à des tâches dangereuses définies dans la loi sur les usines, et en vue de prévoir des sanctions sévères. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l’adoption des modifications apportées à la CLPRA mentionnées ci-dessus permettrait à l’Inde de ratifier la convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973, et la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. La commission note en outre que, d’après l’indication du gouvernement, des inspections ont été effectuées au niveau central et au niveau des Etats, mais qu’aucun cas de travail des enfants n’a été recensé. Tout en notant les efforts du gouvernement pour renforcer son cadre législatif pour la protection des enfants, la commission note avec regret qu’il n’y a pas eu de poursuite ni de condamnation sur la base de la CLPRA. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’application effective de la CLPRA dans la pratique. A cet égard, elle demande au gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enquêtes menées et de poursuites engagées, ainsi que sur les sanctions infligées aux personnes ayant imposé du travail forcé aux enfants. Prière de fournir des informations sur les faits nouveaux concernant l’adoption des modifications à la CLPRA mentionnées ci-dessus.
Travail obligatoire des enfants dans la production de coton. Dans ses commentaires précédents concernant les observations du Syndicat Dakshini Rajastan Majdoor (DRMU), reçues en 2010, alléguant que la pratique du travail obligatoire, dont étaient victimes des travailleurs migrants et des enfants, était répandue dans le secteur de la production de coton en Inde, dans les Etats de Gujarat, d’Andhra Pradesh, de Maharashtra et du Tamil Nadu, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle la production de coton n’est pas interdite par la CLPRA, mais est régie par la partie réglementaire de la loi (partie III) relative aux conditions de travail des enfants. La commission a en outre pris note des diverses mesures législatives, de secours et de réinsertion mises en œuvre par les différents gouvernements d’Etat.
La commission note que, dans ses observations finales de juillet 2014, le Comité des droits de l’enfant (CRC) a de nouveau fait part de sa profonde préoccupation, du fait que, malgré les efforts déployés par l’Etat partie, un grand nombre d’enfants continuent d’être victimes de l’exploitation économique, y compris du travail des enfants dans des conditions dangereuses, comme le travail dans les mines, le travail en servitude dans le secteur informel et l’agriculture (CRC/C/15/Add.228, CRC/C/IND/CO/3-4 et CRC/C/OPSC/IND/CO/1).
La commission note également que le gouvernement de l’Etat de Gujarat indique que, à la suite de réunions bilatérales tenues avec les districts frontaliers de l’Etat du Rajasthan, des postes de contrôle ont été établis aux points d’entrée d’enfants qui migrent du Rajasthan. Ces vérifications sont effectuées par des agents du ministère du Travail et de l’Emploi deux ou trois fois pendant les trois mois que dure la récolte de coton et les enfants voyageant avec leurs familles sont renvoyés dans leur pays natal. Des inspections régulières sont également effectuées dans les champs de culture du coton. La commission note que le gouvernement de l’Etat d’Andhra Pradesh a organisé plusieurs programmes de sensibilisation, avec l’aide de l’OIT/IPEC, afin d’éliminer le travail des enfants dans la production de coton. A la suite de visites d’inspection, 47 enfants travaillant dans la production de coton ont été recensés en 2011-12. La commission note en outre que le gouvernement de l’Etat de Maharashtra a organisé des activités de sensibilisation concernant le travail obligatoire des enfants et que le groupe de travail créé en vertu de la CLPRA, composé d’agents de la Direction du travail, de la femme et de la protection de l’enfance, de la police et de représentants d’ONG, a organisé 3 396 visites inopinées dans des établissements suspects qui, à la date du 31 mars 2013, ont conduit à l’arrestation de 2 002 employeurs et à la libération de 5 321 enfants. La commission note qu’aucune information n’est fournie sur le travail obligatoire des enfants dans la production de coton dans le Tamil Nadu. S’agissant de ses précédents commentaires concernant la mise en œuvre du Projet national sur le travail des enfants (NCLP), dans le cadre duquel des enfants travailleurs ont été identifiés, secourus et inscrits dans des écoles spéciales avant de rejoindre le système éducatif formel, la commission note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle, à ce jour, 7 311 écoles spéciales opèrent dans le cadre du NCLP et 967 000 enfants ont bénéficié de leurs services avant de rejoindre le système éducatif formel. La commission prend dûment note des mesures prises par le gouvernement et l’encourage à poursuivre ses efforts, en particulier dans le cadre du NCLP, afin de s’assurer que les enfants qui travaillent dans la production de coton ne sont pas occupés à des travaux dangereux dans les Etats de Gujarat, d’Andhra Pradesh, de Maharashtra, du Tamil Nadu et d’autres Etats concernés. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de poursuites engagées, des condamnations prononcées et sur les sanctions imposées. Elle prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enfants libérés du travail forcé dans la production de coton, ayant bénéficié de mesures de réadaptation et de réinsertion sociale.
3. Pratiques culturellement admises impliquant une exploitation sexuelle. Dans ses commentaires précédents, la commission s’est référée à une communication reçue en 2007 de la CSI, concernant une pratique culturellement admise connue sous le nom de «devadasi», en vertu de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une «divinité» locale ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des devadasis, sont exploitées sexuellement par les adorateurs de leur «divinité» dans la communauté locale où elles ont grandi. La commission a noté que le système des devadasis constitue un travail forcé au sens de la convention, puisque les jeunes filles sont vouées à être des devadasis sans leur consentement et sont, de ce fait, obligées de fournir sous la contrainte des prestations sexuelles à des membres de leur communauté. La commission a également noté que plusieurs lois incriminent cette pratique et prévoient des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et une amende à l’encontre des organisateurs de cérémonies et de rituels de dévotion. Ainsi, l’Etat de Karnataka a promulgué la loi de 1982 interdisant de vénérer des devadasis; le Maharashtra, la loi de 2005 et le règlement de 2008 interdisant les devadasis; et l’Andhra Pradesh, la loi de 1988 interdisant de vénérer des devadasis. La commission a cependant noté que, en dépit de cette interdiction, le système des devadasis et ses variantes régionales continue d’exister dans la pratique.
La commission note avec intérêt l’adoption de l’ordonnance modificative no 1 de 2014 sur les castes et tribus répertoriées (prévention des atrocités), qui prévoit, notamment, que quiconque n’appartenant pas à une caste ou à une tribu répertoriée voue un culte à une femme appartenant à une caste ou une tribu répertoriée et en fait une divinité, une idole, un objet de culte, un temple ou une autre institution religieuse, comme une devadasi, ou se livre à toute autre pratique similaire (ou promeut cette pratique) est passible d’une amende et d’une peine d’emprisonnement allant de six mois à cinq ans (art. 3(i)(1)(k) de l’ordonnance). La commission prend note en outre des informations actualisées fournies par le gouvernement sur les divers programmes et mesures de réadaptation mises en œuvre dans les Etats de Karnataka, de Maharashtra et d’Andhra Pradesh afin d’aider les anciennes devadasis et leurs enfants, notamment l’organisation de campagnes de sensibilisation et de camps de santé, l’octroi de pensions de sécurité sociale, de régimes de retraite, l’organisation de programmes de renforcement des compétences et de formation, l’octroi de prêts pour qu’elles puissent entreprendre diverses activités génératrices de revenus, l’octroi de terres et la construction de logements. Le gouvernement ajoute que, dans l’Etat de l’Andhra Pradesh, à ce jour, 8 852 devadasis ont été réinsérées. La commission note en outre que le gouvernement de l’Andhra Pradesh a mis en place une commission unipersonnelle chargée d’étudier la situation des devadasis et que son rapport et ses recommandations ont été soumis au gouvernement. La commission note par ailleurs que la Commission nationale de défense des femmes a organisé des consultations avec des commissions de défense des femmes des Etats suivants: Karnataka, Tamil Nadu, Andhra Pradesh et Telangana, et a souligné la nécessité de renforcer et de mettre effectivement en œuvre la loi pour lutter contre le système des devadasis dans le pays tout en demandant au gouvernement de rendre ce rapport accessible au public.
La commission note en outre que, dans leurs observations finales de juillet 2014, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le CRC se sont déclarés préoccupés par la persistance de pratiques néfastes culturellement admises passibles de sanctions telles que, entre autres, la pratique des devadasis, et le fait que le gouvernement n’a pas pris de mesure soutenue et systématique suffisante pour modifier ou éliminer les stéréotypes et les pratiques préjudiciables (CEDAW/C/IND/CO/4-5 et CRC/C/OPSC/IND/CO/1). Tout en notant les efforts déployés par le gouvernement pour interdire légalement la pratique des devadasis depuis les années quatre-vingt, la commission note avec préoccupation la persistance de cette pratique culturellement admise impliquant une exploitation sexuelle. La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme au système des devadasis dans la pratique, notamment en faisant respecter la législation adoptée par les différents Etats. A cet égard, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations relatives à cette pratique préjudiciable culturellement admise impliquant une exploitation sexuelle, ainsi que sur les sanctions imposées, y compris copie des décisions de justice pertinentes. Elle prie également le gouvernement de fournir une copie du rapport établi par la Commission unipersonnelle sur la situation des devadasis, en précisant la manière dont les recommandations ont été prises en compte par le gouvernement.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Pratiques culturelles de prostitution d’enfants en lien avec la traite d’enfants en vue de leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. La commission avait précédemment pris note d’une communication reçue en 2007 de la Confédération syndicale internationale (CSI), se référant à une pratique culturelle connue sous le nom de «devadasi», en vertu de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une «divinité» locale ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des «devadasis», sont exploitées sexuellement par les adorateurs de leur «divinité» dans la communauté locale où elles ont grandi. La commission avait noté que le système des «devadasis» constituait un travail forcé au sens de la convention, puisque les jeunes filles étaient vouées à être des «devadasis» sans leur consentement et étaient, de ce fait, obligées de fournir sous la contrainte des prestations sexuelles à des membres de leur communauté. De plus, cette pratique était liée au problème de la traite des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle. La commission avait également noté que les cérémonies et rituels «devadasis» avaient été interdits par la loi: la pratique avait été formellement interdite après l’indépendance, et les Etats de Karnataka et de l’Andhra Pradesh avaient adopté au cours des années quatre-vingt des lois interdisant les pratiques culturelles «devadasis», en prévoyant des amendes et des peines d’emprisonnement à l’encontre de ceux qui provoquaient l’embrigadement d’une jeune fille dans cette vocation. Elle avait cependant noté que, en dépit de cette interdiction, le système «devadasi» et ses variantes régionales continuaient d’exister dans la pratique.
La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, dans l’Etat de Karnataka, pour renforcer les dispositions législatives existantes de lutte contre ces pratiques, la loi de 1982 de l’Etat de Karnataka sur les «devadasis» a été modifiée en 2010 en vue de l’insertion de dispositions donnant le pouvoir au magistrat de district ou au magistrat exécutif de publier des ordonnances d’interdiction contre des auteurs d’infractions et à donner davantage de pouvoirs au magistrat de district, y compris le pouvoir de sanctionner les personnes concernées. L’article 3B de la loi modifiée prévoit la réadaptation des femmes secourues et l’article 3C stipule que ce type de délit tombe sous le coup de la loi et ne saurait donner lieu à une libération sous caution. Le gouvernement indique que, après l’entrée en vigueur de l’amendement, des mesures ont été prises pour sensibiliser les autorités chargées du contrôle du respect de la loi aux dispositions modifiées. Par ailleurs, le gouvernement de l’Etat de Karnataka a pris différentes mesures de réinsertion, par exemple l’institution de programmes de réinsertion exécutés par la Women Developpement Corporation de l’Etat de Karnataka, qui comprennent entre autres la réalisation de grandes campagnes de publicité contre ces pratiques, au moyen de camps de sensibilisation, de camps de santé et de différents autres programmes; de l’octroi de prêts aux femmes qui avaient été «devadasis» afin qu’elles entreprennent différentes activités génératrices de revenus; de régimes de pension pour les anciennes «devadasis»; et de la construction de centres d’hébergement pour les ex-«devadasis», dans le cadre de programmes de développement spéciaux.
La commission note également que, d’après le rapport du gouvernement, l’Etat de Maharashtra a adopté la loi de 2005 sur l’interdiction des «devadasis» et le règlement de 2008 sur l’interdiction des «devadasis». Le gouvernement de cet Etat a fait savoir que le fait de transformer des jeunes filles en «devadasis» est considéré par la loi sur la prévention du trafic immoral (ITPA) comme équivalent à de la traite et que le ministère de l’Intérieur de l’Etat de Maharashtra a été invité à fournir des orientations appropriées aux officiers de police pour appliquer les dispositions de l’ITPA en vue de secourir les «devadasis» selon les mêmes modalités que pour secourir les jeunes filles faisant l’objet d’une traite en vue de leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. Les «devadasis» secourues sont réinsérées au moyen de divers centres d’hébergement et de protection gérés par le gouvernement et par des ONG dans le cadre du régime Ujjwala (prévention de la traite).
La commission prend note également d’un rapport sur la réinsertion des «devadasis» préparé par le Département du bien-être social, gouvernement de l’Andhra Pradesh, annexé au rapport du gouvernement, qui contient des statistiques sur les femmes réinsérées par région et qui indique les différentes mesures de réinsertion prises, telles que l’octroi de pensions par la sécurité sociale, l’octroi de terres, l’exécution de programmes d’éducation, la mise à disposition de sites d’hébergement et la mise en œuvre de programmes de développement des compétences et de formation.
Tout en notant ces informations avec intérêt, la commission saurait gré au gouvernement de continuer de fournir, dans ses futurs rapports, des informations sur les différentes mesures prises pour lutter contre le système des «devadasis», y compris les mesures de contrôle de l’application de la loi ciblées sur le lien entre le système des «devadasis» et la pratique de la traite des jeunes filles en vue de leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. Elle le prie de continuer de fournir des informations sur les poursuites et les sanctions imposées aux auteurs de ces infractions, y compris copie de décisions pertinentes des tribunaux.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Travail en servitude. Ampleur du problème. La commission se réfère à ses commentaires précédents dans lesquels elle avait pris note des allégations de la Confédération syndicale internationale (CSI), basées sur les résultats de différents travaux de recherche, selon lesquels le travail en servitude dans l’agriculture et dans des activités telles que les industries extractives, les briqueteries, la production de soie et de coton et la fabrication de bidis toucherait des millions de travailleurs du pays. La commission a demandé au gouvernement, à de nombreuses reprises, d’entreprendre une enquête nationale sur le travail en servitude, avec la participation des partenaires sociaux et en utilisant toute méthode statistique qu’il jugerait appropriée.
La commission prend bonne note du point de vue du gouvernement, exprimé dans son rapport, selon lequel une enquête nationale ne peut pas être effectuée en utilisant les outils/méthodes statistiques adoptés en vue du recouvrement de données sur une question ou une autre à une échelle macroéconomique. Le gouvernement considère que les questions liées à l’identification du travail en servitude sont particulièrement délicates, dans la mesure où les personnes chargées des interrogatoires doivent recueillir des informations auprès des intéressés sur la nature de l’exploitation et les conditions de leur activité pour pouvoir déterminer si elles relèvent du travail en servitude. Le gouvernement réaffirme qu’il a subventionné les gouvernements des Etats pour procéder à des enquêtes sur le travail en servitude au niveau des districts, et qu’un grand nombre de ces enquêtes ont été réalisées par les gouvernements des Etats. A cet égard, la commission avait précédemment pris note d’un rapport détaillé sur l’enquête menée dans l’Etat de Gujarat, communiqué par le gouvernement. Par ailleurs, la commission avait noté que le gouvernement, en coopération avec le BIT, allait entreprendre une étude approfondie sur les groupes de travailleurs vulnérables qui deviennent souvent des victimes du travail en servitude.
Tout en prenant bonne note des informations ci-dessus, la commission exprime l’espoir que le gouvernement sera en mesure d’entreprendre une enquête nationale sur le travail en servitude, en coopération avec le BIT et avec la participation des partenaires sociaux, en compilant les données existantes recueillies dans le cadre de l’ensemble des enquêtes réalisées au niveau du district dont il est question ci-dessus, menées par les gouvernements des Etats, et en utilisant toute méthode statistique qu’il juge appropriée. Elle espère que le gouvernement pourra bientôt fournir des informations sur les progrès accomplis en la matière.

Comités de vigilance

Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer le bon fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance établis en application de la loi de 1976 sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA) par les gouvernements des Etats, aux niveaux du district et de la sous-division. La commission prend note des indications du gouvernement, dans son rapport, selon lesquelles les gouvernements des Etats sont fréquemment sollicités pour vérifier que les comités de vigilance tiennent régulièrement leurs réunions, et la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC), en collaboration avec le ministère du Travail et de l’Emploi, continue d’organiser des ateliers de sensibilisation dans les Etats. Le gouvernement indique aussi que, dans l’Etat de Gujarat, un commissaire au travail rural a été nommé par le gouvernement de l’Etat pour veiller à la réinsertion des travailleurs en servitude dans les zones rurales, et le fonctionnaire du travail de district (rural) fait office de membre secrétaire des comités de vigilance au niveau du district et au niveau local. La commission exprime l’espoir que le gouvernement continuera de décrire dans ses futurs rapports les mesures prises ou envisagées pour garantir le bon fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance, en faisant parvenir copie des rapports, études et enquêtes pertinents.

Libération et réinsertion

La commission avait précédemment noté que la NHRC avait participé au contrôle de la mise en œuvre de la BLSA et du Régime à financement centralisé de réinsertion des travailleurs en servitude, et que des rapporteurs spéciaux avaient été nommés pour se rendre périodiquement dans les districts afin d’évaluer la situation sur le terrain. Le gouvernement indique dans son rapport que des ateliers de sensibilisation sont organisés en divers lieux par la NHRC, en collaboration avec le ministère du Travail et de l’Emploi, pour le personnel de première ligne et les fonctionnaires de district. Il indique également qu’un groupe spécial constitué sous la présidence du secrétaire de l’Union au travail et à l’emploi a continué de suivre la mise en œuvre de la BLSA et a tenu 21 réunions. La commission prend note avec intérêt des statistiques actualisées fournies par le gouvernement, dont il ressort une augmentation du nombre de travailleurs en servitude identifiés, libérés (294 155) et réinsérés (274 193) dans le cadre du Régime à financement centralisé, jusqu’au 31 mars 2012.
La commission prie le gouvernement de continuer de fournir, dans ses futurs rapports, des informations actualisées sur les mesures prises pour mettre en œuvre efficacement des programmes de libération et de réinsertion au niveau des Etats, et de communiquer notamment des statistiques sur l’identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude.

Mesures pour limiter la vulnérabilité des travailleurs aux situations de servitude

La commission avait précédemment pris note des informations concernant le projet «Limiter la vulnérabilité à la servitude en Inde en favorisant le travail décent», élaboré par le ministère du Travail et de l’Emploi, avec l’aide du Programme d’action spécial pour combattre le travail forcé (SAP-FL), dont l’objectif général est de limiter la vulnérabilité des travailleurs aux situations de servitude dans les secteurs de la fabrication de briques et de l’usinage du riz au Tamil Nadu, en améliorant considérablement les conditions de vie et de travail des travailleuses et des travailleurs et des membres de leur famille. Le projet instaure une collaboration étroite avec le gouvernement fédéral, les autorités des Etats, les syndicats et les employeurs des secteurs concernés, afin de préparer et de mettre en œuvre une stratégie «convergente» pour prévenir et limiter la vulnérabilité à la servitude et pour étendre la protection sociale aux travailleurs migrants. Bien qu’il ait été décidé de se concentrer d’abord sur le Tamil Nadu, le projet a ensuite été élargi à d’autres Etats, et il est actuellement mis en œuvre dans les Etats d’Andhra Pradesh, d’Orissa, d’Uttar Pradesh, de Jharkhand et de Chhattisgarh. D’après le rapport du gouvernement, un dialogue social actif a été engagé dans le secteur des briqueteries avec la participation des employeurs, des syndicats et de fonctionnaires des administrations du travail et des usines. Au Tamil Nadu, le projet est mis en œuvre depuis 2008 avec la participation active du ministère du Travail et de l’Emploi, du gouvernement du Tamil Nadu, du Forum d’action conjointe des syndicats (JAFTU), des organisations d’employeurs et de la société civile.
La commission prie le gouvernement de continuer de fournir dans ses futurs rapports des informations sur la mise en œuvre du projet ci-dessus mentionné dans la pratique, ainsi que des informations sur les autres mesures prises pour réduire la vulnérabilité des travailleurs à la servitude, notamment des informations sur les activités du groupe spécial établi par le ministère du Travail et de l’Emploi et composé de membres du ministère de la Justice sociale et de l’Autonomisation, de la NHRC et du BIT, qui est chargé d’examiner diverses questions liées au travail en servitude, auxquelles il est fait référence dans le rapport.

Application de la loi. Loi de 1976 sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA)

S’agissant de la question de l’application des dispositions de la BLSA relatives aux sanctions, la commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle, dans l’Etat de Karnataka, 257 cas décelés ont déclenché des poursuites, en application de la loi, contre des employeurs/propriétaires; 156 de ces cas ont été jugés et 101 sont encore en attente de procès. Toutefois, bien qu’ayant pris note de la déclaration répétée du gouvernement, dans ses rapports, selon laquelle la NHRC assure un suivi des questions liées aux poursuites et aux condamnations dans le cadre de la loi susmentionnée, la commission note qu’il n’y a, dans le dernier rapport du gouvernement, aucune information sur ces poursuites et condamnations communiquées à ce jour par les autorités des Etats à la NHRC. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement ne manquera pas de fournir dans son prochain rapport des informations sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées, ainsi que sur les sanctions pénales spécifiques imposées aux personnes condamnées en vertu de la BLSA, en fournissant copie de toute décision de justice pertinente.

Travail des enfants

La commission note avec intérêt que, d’après le rapport du gouvernement, la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants (CLPRA) a été modifiée en 2011, sur avis du Conseil consultatif technique du travail des enfants, afin d’inclure deux professions supplémentaires dans lesquelles l’emploi des enfants est interdit, ce qui porte le nombre total des professions et opérations interdites par la loi à 18 et 65, respectivement. Elle prend note également de l’indication du gouvernement selon laquelle il continue d’organiser des campagnes de sensibilisation dans les médias (par exemple dans des médias électroniques tels que Doordarshan et All India Radio) sur l’application effective de la CLPRA. La commission prend note aussi des statistiques fournies par le gouvernement en ce qui concerne les inspections, poursuites et condamnations, tant au niveau central qu’à celui des Etats. Elle note en particulier l’indication du gouvernement selon laquelle, au cours de la période 2009 2011, 22 468 poursuites ont été engagées et 2 896 employeurs ont été condamnés en application de la CLPRA. S’agissant du renforcement du cadre législatif pour la protection des enfants, le gouvernement indique que le projet de loi de 2006 sur les délits contre les enfants, censé couvrir tous les délits contre les enfants, n’a pas encore été finalisé. Toutefois, un projet de loi ne portant que sur les crimes sexuels à l’encontre des enfants a été élaboré et adopté en mai 2012 par le Rajya Sabha et le Lok Sabha (Chambre haute et basse du Parlement).
La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur la mise en œuvre pratique de la CLPRA, et notamment des informations sur les sanctions spécifiques imposées dans les cas de condamnation en application de la loi, en fournissant copie de toute décision de justice pertinente. Elle prie également le gouvernement de tenir le BIT informé de tout fait nouveau concernant la finalisation et l’adoption du projet de loi sur les délits contre les enfants, auquel il est fait référence ci-dessus.
La commission accueille favorablement les informations actualisées relatives à la mise en œuvre du Projet national sur le travail des enfants (NCLP), réalisée par le gouvernement dans 266 districts de 20 Etats. Dans le cadre de ce projet, des enfants travailleurs ont été identifiés, secourus et inscrits dans des établissements scolaires spéciaux avant de rejoindre le système éducatif formel. La commission prend note des statistiques complètes fournies par le gouvernement, qui contiennent des détails sur la réinsertion des enfants travailleurs dans le cadre du NCLP et du Projet d’Etat sur le travail des enfants dans l’Etat de Karnataka, pour la période 2003-2012. En ce qui concerne un projet de convergence lancé par le gouvernement en coopération avec l’OIT/IPEC (Convergence contre le travail des enfants: soutien au modèle de l’Inde), qui a pour but de réinsérer dans l’enseignement les victimes du travail des enfants et de réinsérer économiquement leur famille, la commission prend note de l’indication du gouvernement, dans son rapport, selon laquelle ce projet est en cours d’exécution dans dix districts de cinq Etats (Bihar, Jharkhand, Madhya Pradesh, Gujarat et Orissa). Le projet vise également à élaborer des stratégies pour les enfants migrants et victimes de la traite afin de les réintégrer dans leur famille et de leur fournir des prestations en matière d’éducation. Le gouvernement indique que le ministère du Travail et de l’Emploi est en train de prendre différentes mesures proactives pour une convergence entre les régimes des différents ministères: i) le ministère de la Femme et du Développement de l’enfant (pour compléter son action de fourniture d’une alimentation et d’un hébergement aux enfants soustraits au travail grâce à ses régimes de centres d’hébergement, etc.); ii) le ministère du Développement des ressources humaines (pour fournir des déjeuners aux enfants scolarisés dans le cadre du NCLP, une formation aux enseignants, des livres, etc., et pour replacer les enfants qui bénéficient du NCLP dans le système éducatif formel); iii) les ministères du Développement rural, du Logement urbain et de la Lutte contre la pauvreté (pour couvrir ces enfants par les différents régimes de génération de revenus et d’emploi, en vue de leur réinsertion économique). La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application pratique des projets susmentionnés et sur les résultats obtenus.
La commission se réfère à ses précédents commentaires dans lesquels elle a pris note de la communication du 16 mars 2010 du Syndicat Dakshini Rajastan Majdoor (DRMU), qui contenait en particulier des allégations sur la situation de travailleurs migrants, notamment d’enfants soumis à des pratiques de travail forcé dans le secteur indien de la production du coton, plus particulièrement dans les Etats de Gujarat, d’Andhra Pradesh, de Maharashtra et de Tamil Nadu. Le syndicat a allégué que, en compilant les enquêtes des principaux Etats indiens producteurs de coton, il avait constaté que plus de 400 000 enfants travaillaient dans cette seule industrie. Selon ces allégations, les travailleurs migrants, en particulier les enfants, sont considérés comme une main-d’œuvre intéressante pour ce type d’emploi car ils peuvent être payés à des taux inférieurs à ceux requis par la législation sur le salaire minimum; dans de nombreux cas, les enfants ne sont pas payés du tout si la médiocrité des conditions de travail ou une autre situation les a contraints à retourner dans leur village avant la fin de la saison. Selon le DRMU, dans la plupart des cas de travail des enfants dans les fermes de production de coton, les enfants ont été convaincus de proposer leur travail par leurs camarades et leurs familles, qui prennent la décision ultime de les envoyer travailler; les personnes employées dans les champs de coton travaillent en moyenne neuf à treize heures par jour, et la plupart ne sont jamais payées pour leurs heures supplémentaires; leurs conditions de travail et de vie sont manifestement très mauvaises. Le DRMU estime que les mesures de protection des enfants et des travailleurs migrants dans la production de coton ne sont pas suffisantes et que, même si les statistiques montrent que cette pratique diminue dans certaines zones, elle n’en demeure pas moins courante et largement répandue.
La commission prend note des informations très complètes fournies par le gouvernement en réponse aux allégations susmentionnées et, en particulier, des informations sur les différentes mesures législatives, de secours et de réinsertion, ainsi que sur les régimes de protection sociale, de lutte contre la pauvreté et de génération d’emploi appliqués dans le cadre de la Politique nationale sur le travail des enfants et en vertu de la NCLP, ainsi que sur d’autres projets adoptés au niveau national et à celui des Etats, auxquels il est fait référence ci-dessus. Elle note que le gouvernement indique que la production de coton n’est pas interdite par la CLPRA, mais est régie par la partie réglementaire de la loi (Partie III) relative aux conditions de travail des enfants. Le gouvernement précise également que, en ce qui concerne les allégations du DRMU, les gouvernements des Etats de Tamil Nadu et de Gujarat ont fait savoir qu’aucune plainte n’avait été reçue en relation avec des enfants victimes de pratiques de travail forcé dans les fermes de production de coton, dans les districts concernés. Toutefois, un programme intégré de protection de l’enfance a été lancé en 2009 pour une période de cinq ans, par le gouvernement de Tamil Nadu, en coopération avec l’UNICEF, et ce programme met plus spécifiquement l’accent sur le travail des enfants et la protection des droits des enfants dans les communautés fermières de production et de traitement du coton. Le programme a pour objectifs, entre autres, de renforcer les structures de protection des enfants au niveau du district et à celui de la Panchayat (conseil de village) afin que les enfants de 6 à 14 ans puissent bénéficier d’une éducation de qualité, d’améliorer l’accès aux fournisseurs de service et au régime de protection sociale pour les familles vulnérables, et de mettre à la disposition de tous les enfants les services essentiels en matière de prévention et de promotion de la santé et de la nutrition. Le gouvernement de l’Etat de Gujarat a indiqué que, dès qu’une plainte est reçue, des mesures appropriées sont prises, en application de la loi, par les fonctionnaires du Département du travail, et des poursuites peuvent être engagées contre le propriétaire de la ferme cotonnière concernée. Le gouvernement de l’Etat de Karnataka a indiqué que deux projets ont été lancés au niveau du district, en coopération avec l’UNICEF, pour réinsérer les enfants qui travaillent dans des fermes de production de coton, et que 846 enfants travailleurs dans des champs de coton ont été réinsérés à ce jour.
Tout en prenant note de ces informations, la commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures de protection et de réinsertion prises pour protéger les enfants qui travaillent dans la production de coton afin qu’ils ne soient pas employés dans les travaux dangereux dans les Etats de Gujarat, d’Andhra Pradesh, de Maharashtra et autres, et notamment de fournir des statistiques sur le nombre des enfants travailleurs secourus et réinsérés en indiquant si des poursuites judiciaires ont été engagées contres les auteurs des délits et quelles ont été les sanctions imposées.

Prostitution et exploitation sexuelle à des fins commerciales

La commission prend note avec intérêt des informations complètes fournies par le gouvernement en ce qui concerne la mise en œuvre du programme fédéral Ujjawala de prévention de la traite et de libération, réadaptation et réinsertion des victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. La commission note en particulier que le ministère de la Femme et de Développement de l’enfant a approuvé 188 projets dans 19 Etats dans le cadre de ce programme et que des subventions pour la création de 96 centres de protection et de réinsertion, avec une capacité d’accueil de 4 350 victimes, ont été versées par le gouvernement dans le cadre de la composante «réinsertion» du programme. La commission prend note également des indications du gouvernement concernant les activités de la Commission consultative centrale (CAC) chargée de prévenir et de lutter contre la traite des femmes et des enfants ayant pour objet leur exploitation sexuelle à des fins commerciales, qui a été constituée par le ministère de la Femme et du Développement de l’enfant avec la participation de plusieurs autres ministères du gouvernement central et qui tient des réunions régulières tous les trois mois. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir, dans ses prochains rapports, des informations sur la mise en œuvre et les effets du régime fédéral Ujjawala, ainsi que des informations sur les activités de la CAC, y compris tout rapport officiel d’évaluation de l’efficacité de son travail et de ses effets dans la pratique sur la lutte contre la traite des femmes et des enfants en vue de leur exploitation sexuelle.
Se référant à ses précédents commentaires, la commission prend note de l’indication du gouvernement, dans son rapport, selon laquelle le projet de loi de 2006 de prévention du trafic immoral, élaboré afin de modifier la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral (ITPA) pour élargir le champ d’application de la loi et prévoir des sanctions plus sévères en cas de traite de personnes, notamment d’enfants, est toujours à l’examen. La commission exprime de nouveau l’espoir que le projet de loi portant modification de l’ITPA sera bientôt adopté et que le gouvernement fera parvenir une copie de la nouvelle législation dès que celle-ci sera promulguée.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

La commission prend note des explications du gouvernement concernant l’application de l’article 207 de la loi de 1958 sur la marine marchande.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Pratiques culturelles de prostitution d’enfants en lien avec la traite d’enfants en vue de leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note d’une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) de 2007 se référant à une pratique culturelle connue sous le nom de devadasis, en vertu de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une divinité ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des devadasis, sont soumises sans leur consentement à des rapports sexuels avec les adorateurs de cette divinité dans la communauté locale.
La commission avait précédemment pris note des indications suivantes contenues dans la communication susvisée de la CSI:
  • -le système des devadasis constitue un travail forcé au sens de la convention, puisque les jeunes filles sont vouées à être des devadasis sans leur consentement et sont, de ce fait, obligées de fournir sous la contrainte des prestations sexuelles à des membres de leur communauté;
  • -des études révèlent que la pratique est de plus en plus liée au problème de la traite des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle;
  • -les cérémonies et rituels devadasis ont été interdits par la loi. La pratique a été formellement interdite après l’Indépendance, et les Etats de Karnataka et de l’Andhra Pradesh ont adopté au cours des années quatre-vingt des lois interdisant les pratiques culturelles devadasis;
  • -la législation en vigueur prévoit des amendes et des peines d’emprisonnement à l’encontre de ceux qui provoquent l’embrigadement d’une jeune fille dans cette vocation, mais ne prévoit aucune sanction à l’encontre de ceux qui exploitent sexuellement les devadasis;
  • -si, au cours des années quatre-vingt-dix, les interdictions légales semblaient avoir eu peu d’effet, l’action déployée par la police à la fin des années quatre vingt-dix s’est révélée dissuasive. Néanmoins, les recherches menées n’ont pas permis d’identifier de cas dans lesquels des personnes ayant recruté des filles ou organisé des vocations auraient fait l’objet de poursuites sur le fondement de ces lois;
  • -les pratiques devadasis et leurs variantes régionales n’ont pas disparu et demeurent répandues, malgré les dispositions constitutionnelles et législatives qui les interdisent;
  • -si quelques progrès ont pu être enregistrés dans le sens d’un recul de ces pratiques, ce succès a engendré un certain degré de complaisance de la part des autorités, notamment par rapport aux vocations qui ont un lien avec l’industrie du sexe;
  • -il est urgent de sensibiliser les enseignants, le personnel de santé, les autorités locales et la police, et de parvenir à un plus grand degré d’engagement de la part des autorités locales et de celles de l’Etat;
  • -les groupes d’entraide et les organisations non gouvernementales ont largement contribué à une prise de conscience chez les devadasis, et à assurer une certaine assistance; toutefois, leurs moyens doivent être renforcés et leur efficacité dépend d’une motivation correspondante du côté des autorités chargées de faire appliquer la loi.
La commission avait également noté que le manuel des droits de l’homme de 2007 à l’usage des magistrats de district, publié par la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) établit un lien entre le système des devadasis et la pratique de la traite des jeunes filles en vue de leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. Elle avait noté en particulier que cette pratique, qui s’inscrit dans le système plus large des devadasis, est largement répandue dans certaines parties du pays et revêt des appellations diverses selon le lieu («Jogin», «Jogati», «Basavi», «Mathamma» dans les Etats de l’Andhra Pradesh, de Maharashtra et de Karnataka). La plupart des personnes soumises à cette exploitation sont issues de castes et tribus recensées. Dans certains Etats, comme l’Andhra Pradesh, des dispositions légales interdisent ces pratiques et répriment ceux qui s’y livrent.
La commission prend note des statistiques fournies par le gouvernement concernant l’application de la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants dans l’Andhra Pradesh. Elle note également que le Département de la protection sociale et les autorités de l’Andhra Pradesh ont été priés de préparer un rapport sur le système des devadasis. Notant que le rapport du gouvernement ne contient pas d’informations sur les mesures adoptées pour abolir le système des devadasis dans les Etats de Maharashtra et de Karnataka, et compte tenu de la gravité des faits susmentionnés, la commission prie à nouveau le gouvernement de transmettre des informations détaillées sur les mesures adoptées pour faire respecter scrupuleusement les sanctions et les interdictions prévues par les lois interdisant ces pratiques; pour s’assurer que les lois contre la traite des personnes s’appliquent à ceux qui ciblent les enfants des communautés traditionnellement liées au système des devadasis; et de centrer les efforts de répression sur le lien entre le système des devadasis et la pratique de la traite des jeunes filles en vue de leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. Prière également de fournir copie des législations qui interdisent ces pratiques culturelles, et des informations sur les cas dans lesquels des poursuites ont été engagées et des sanctions appliquées, en transmettant copie de toute décision prise par les tribunaux. Enfin, la commission prie le gouvernement de transmettre copie du rapport susmentionné sur le système des devadasis lorsqu’il sera disponible.

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

La commission prend note de la communication du 16 mars 2010 du Syndicat Dakshini Rajasthan Majdoor (DRMU), qui contient des observations sur l’application de la convention par l’Inde, en particulier des allégations sur la situation de travailleurs migrants, notamment d’enfants soumis à des pratiques de travail forcé dans le secteur indien de la production du coton. La commission note que cette communication a été transmise au gouvernement en juin 2010 pour qu’il puisse répondre aux questions qui y sont soulevées. La commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des commentaires à ce sujet.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Servitude pour dettes; ampleur du problème. La commission a précédemment pris note de l’indication du gouvernement dans son rapport de 2008 selon laquelle, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1976 sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA), 287 555 travailleurs avaient été identifiés comme étant en situation de servitude, et 267 593 d’entre eux avaient été réinsérés. D’après une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçue en 2008, la commission a également noté que, malgré les efforts déployés par le gouvernement pour lutter contre le travail forcé et la servitude pour dettes, les résultats de recherches indiquaient que la servitude pour dettes dans l’agriculture et dans des activités telles que les industries extractives, les briqueteries, la production de soie et de coton et la fabrication de bidis toucherait des millions de travailleurs du pays.
La commission a noté que, dans ses rapports, le gouvernement a indiqué à maintes reprises que les instruments ou méthodologies statistiques utilisés pour collecter des données macroéconomiques ou consolidées sont inappropriés en vue d’une enquête sur la servitude pour dettes. Il indique à nouveau avoir accordé des subsides aux gouvernements des Etats fédérés pour la conduite d’enquêtes sur la servitude pour dettes au niveau du district, et qu’un grand nombre de ces enquêtes ont été menées par les autorités des Etats. La commission prend également note du rapport détaillé sur l’enquête menée dans l’Etat de Gujarat, communiqué par le gouvernement. Enfin, la commission note que, en coopération avec le BIT, le gouvernement va entreprendre une étude approfondie sur les groupes de travailleurs vulnérables qui deviennent souvent des victimes de la servitude pour dettes.
La commission prend dûment note de ces informations et exprime le ferme espoir que le gouvernement sera bientôt en mesure d’entreprendre une enquête nationale sur la servitude pour dettes, en coopération avec le BIT et avec la participation des partenaires sociaux, en ayant recours à toute méthode statistique qu’il juge appropriée et, dans la mesure du possible, en utilisant les données issues des enquêtes menées au niveau des districts. La commission demande au gouvernement de transmettre, dans son prochain rapport, des informations sur les progrès réalisés en la matière. Prière également de continuer à transmettre copie de tout rapport disponible concernant les enquêtes menées par les autorités des Etats au niveau des districts.

Comités de vigilance

Dans ses précédents commentaires, la commission a exprimé sa préoccupation au sujet de l’efficacité des comités de vigilance établis en application de la BLSA. La commission a noté que le gouvernement a déclaré à plusieurs reprises, dans ses rapports, que toutes les autorités des Etats ont confirmé que les comités de vigilance avaient été constitués aux niveaux du district et de la subdivision et qu’ils se réunissaient régulièrement. Le gouvernement indique que des ateliers de sensibilisation ont été organisés dans les Etats par la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC), en collaboration avec le ministère du Travail et de l’Emploi. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement continuera à prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement et l’efficacité des comités de vigilance, et qu’il transmettra, dans son prochain rapport, des informations sur les progrès réalisés en la matière, notamment copie de tous rapport, étude ou enquête pertinents.

Libération et réinsertion

La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le groupe spécial présidé par le Secrétaire d’Etat de l’Union au Travail et à l’Emploi continue de contrôler l’application de la BLSA et que, à ce jour, il a tenu, au niveau régional, 18 réunions auxquelles les autorités des Etats ont pris part. Le gouvernement indique aussi que la NHRC participe au contrôle de la mise en œuvre de la BLSA et du Régime à financement centralisé de réinsertion des travailleurs en servitude, et que des rapporteurs spéciaux ont été nommés pour se rendre périodiquement dans les districts afin d’évaluer la situation sur le terrain. Les rapports des rapporteurs spéciaux sont examinés par la NHRC, et une action de suivi a été engagée. Enfin, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement concernant les statistiques récentes sur le nombre de travailleurs en servitude qui ont été identifiés, libérés et réinsérés au 31 mars 2010 dans le cadre du Régime à financement centralisé (CSS).
La commission prend note de ces informations et encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude et à transmettre, dans ses prochains rapports, des informations à jour sur les mesures prises pour appliquer efficacement les programmes de libération et de réinsertion au niveau des Etats, notamment des statistiques sur l’identification, la libération et la réinsertion des travailleurs asservis.

Mesures pour limiter la vulnérabilité des travailleurs aux situations de servitude

La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur les mesures adoptées afin de limiter la vulnérabilité à la servitude. Elle prend note en particulier des informations concernant le projet «Limiter la vulnérabilité à la servitude en Inde en favorisant le travail décent», élaboré par le ministère du Travail et de l’Emploi, avec l’aide du Programme d’action spécial pour combattre le travail forcé (SAP-FL) du BIT. L’objectif général du projet est de limiter la vulnérabilité des travailleurs aux situations de servitude dans les secteurs de la fabrication de briques et de l’usinage du riz au Tamil Nadu, en améliorant considérablement les conditions de vie et de travail des travailleuses et des travailleurs et des membres de leur famille. Le projet est exécuté au Tamil Nadu à titre expérimental depuis juillet 2008; en outre, dans le cadre de ce projet, un soutien est actuellement apporté aux Etats d’Andhra Pradesh et d’Orissa afin qu’ils élaborent et appliquent leur plan d’action. La commission prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle le projet instaure une collaboration étroite avec le gouvernement fédéral, les autorités des Etats, les syndicats et les employeurs des secteurs concernés afin de préparer et de mettre en œuvre une stratégie convergente pour prévenir et limiter la vulnérabilité à la servitude pour dettes.
Enfin, la commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement concernant le groupe spécial établi par le ministère du Travail et de l’Emploi. Composé de membres du ministère de la Justice sociale et de l’Autonomisation, de la NHRC et du BIT, ce groupe est chargé d’examiner diverses questions liées à la servitude pour dettes. La commission espère que le gouvernement continuera à transmettre des informations sur les mesures prises pour limiter la vulnérabilité des travailleurs à la servitude, notamment des informations sur la mise en œuvre et les effets du projet mené avec l’assistance du BIT.

Contrôle de l’application de la loi

S’agissant de l’application des dispositions pénales de la BLSA, la commission prend note de la brève indication du gouvernement selon laquelle la NHRC reçoit des informations des autorités des Etats et qu’elle assure un suivi des questions liées aux poursuites et aux condamnations dans le cadre de la loi susmentionnée. Prenant note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la NHRC dispose d’informations complémentaires sur les poursuites et les condamnations, la commission espère à nouveau que le gouvernement transmettra, dans son prochain rapport, des informations sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées, ainsi que sur les sanctions pénales spécifiques appliquées aux personnes qui emploient des travailleurs en servitude et qui ont fait l’objet d’une condamnation en vertu de la BLSA, en transmettant copie des décisions de justice en la matière.

Travail des enfants

S’agissant de l’application de la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants (CLPRA), la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, sur avis du Conseil consultatif technique du travail des enfants, la loi a été modifiée en 2008 et comprend une profession et huit opérations supplémentaires dans lesquelles l’emploi des enfants est interdit. Elle prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle ce dernier a organisé des réunions d’information et des campagnes médiatiques sur l’application effective de la CLPRA. La commission prend également note des statistiques fournies par le gouvernement concernant les inspections, les poursuites et les condamnations. Elle prend note en particulier de l’indication du gouvernement selon laquelle, entre 1997 et 2008, 23 223 condamnations ont été prononcées en vertu de la CLPRA; cinq employeurs ont été condamnés à des peines de prison, les autres s’étant vu imposer une sanction pécuniaire.
Prenant note des informations qui précèdent avec intérêt, la commission espère que le gouvernement continuera à adopter les mesures nécessaires pour renforcer ses mécanismes de contrôle de l’application de la loi afin de mettre effectivement en œuvre la CLPRA. Elle demande aussi au gouvernement de continuer à transmettre des informations sur les sanctions spécifiques imposées dans le cadre des condamnations prononcées en vertu de la loi, en communiquant copie des décisions de justice en la matière. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations concernant l’état d’avancement du projet de loi de 2006 sur les délits commis à l’encontre des enfants.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement sur la mise en œuvre du Projet national sur le travail des enfants (NCLP). Elle prend également note de l’adoption de la loi de 2009 sur le droit à l’éducation, en vertu de laquelle les enfants jouissent du droit à l’éducation, lequel s’exerce comme un droit fondamental. Dans son rapport, le gouvernement déclare que, grâce à cette loi, il est à espérer que l’obligation constitutionnelle d’éducation et les programmes à caractère social, tels que les repas de midi offerts aux enfants dans les écoles et les dispositifs de sauvegarde des emplois ruraux, auront des effets positifs pour lutter contre les causes profondes du travail des enfants. La commission prend également note de l’indication du gouvernement concernant le lancement, en coopération avec l’OIT/IPEC, d’un projet de convergence sur la réintégration des victimes du travail des enfants dans le système éducatif et la réinsertion économique de leur famille. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement fournira des informations plus détaillées sur ce projet et sa mise en œuvre.

Prostitution et exploitation sexuelle à des fins commerciales

La commission prend note de l’indication donnée par le gouvernement dans le rapport selon laquelle le projet de loi de 2006 de prévention du trafic immoral, élaboré afin de modifier la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral (ITPA), est toujours à l’examen. Cet examen vise à élargir le champ d’application de la loi et à prévoir des sanctions plus sévères en cas de traite de personnes, notamment d’enfants. Elle prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle plusieurs mesures sont adoptées actuellement par le ministère du Travail et de l’Emploi pour sauver, rapatrier et réinsérer les enfants victimes de la traite, et qu’un protocole détaillé a été publié afin de donner aux autorités des Etats des recommandations à suivre en la matière. La commission exprime à nouveau l’espoir que le projet de loi portant modification de la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral (ITPA) sera bientôt adopté et que le gouvernement transmettra copie du nouveau texte dès sa promulgation.
S’agissant du système Ujjawala, programme fédéral de prévention de la traite et de sauvetage, de réadaptation et de réinsertion des victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle 58 centres de réinsertion pouvant accueillir 2 900 victimes ont été créés en vertu du programme. Le gouvernement fournit également des informations sur la structure de la Commission consultative centrale (CAC), chargée de prévenir et de lutter contre la traite des femmes et des enfants ayant pour objet leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. La commission espère que le gouvernement continuera à transmettre, dans ses prochains rapports, des informations sur les activités de la CAC et des autorités coordinatrices, notamment des rapports officiels comportant une évaluation de l’efficacité de leurs activités et de leur impact sur la traite des femmes et des enfants ayant pour objet leur exploitation sexuelle à des fins commerciales. Prière également de continuer à transmettre des informations sur la mise en œuvre et les effets du programme fédéral Ujjawala.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. Pratiques cultuelles de prostitution d’enfants en lien avec la traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle commerciale. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note d’une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) de 2007 se référant à une pratique culturelle connue sous le vocable de devadasi, aux termes de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une divinité ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des devadasis, sont soumises sans leur consentement à des rapports sexuels avec un ou plusieurs adorateurs de cette divinité dans la communauté locale. La commission avait exprimé l’espoir que, dans son prochain rapport, le gouvernement fournirait ses commentaires sur les questions soulevées dans cette communication de la CSI, à la lumière des articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. La commission note que le gouvernement n’a fourni aucun commentaire à ce sujet à ce jour.

La commission avait pris note, précédemment, des indications suivantes contenues dans la communication susvisée de la CSI:

–           le système des devadasis constitue un travail forcé au sens de la convention, puisque les jeunes filles sont vouées à être des devadasis sans leur consentement et sont, de ce fait, obligées de fournir sous la contrainte des prestations sexuelles à des membres de leur communauté;

–           des études révèlent que la pratique est de plus en plus liée au problème de la traite des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle;

–           les cérémonies et rituels devadasis ont été interdits par la loi. La pratique a été formellement interdite après l’Indépendance, et les Etats de Karnataka et de l’Andrha Pradesh ont adopté au cours des années quatre-vingt des lois interdisant les pratiques cultuelles devadasis;

–           la législation en vigueur prévoit des amendes et des peines d’emprisonnement à l’encontre de ceux qui provoquent l’embrigadement d’une jeune fille dans cette vocation, mais ne prévoit aucune sanction à l’encontre de ceux qui exploitent sexuellement les devadasis;

–           alors qu’au cours des années quatre-vingt-dix les interdictions légales semblaient avoir eu peu d’effet, l’action déployée par la police à la fin des années quatre-vingt-dix s’est révélée dissuasive. Néanmoins, les recherches menées n’ont pas permis d’identifier de cas dans lesquels des personnes ayant recruté des filles ou organisé des vocations auraient fait l’objet de poursuites sur le fondement de ces lois;

–           les pratiques devadasis et leurs variantes régionales n’ont pas disparu et demeurent répandues, malgré les dispositions constitutionnelles et législatives qui les interdisent;

–           si quelques progrès ont pu être enregistrés dans le sens d’un recul de ces pratiques, ce succès a engendré un certain degré de complaisance de la part des autorités, notamment par rapport aux vocations qui ont un lien avec l’industrie du sexe;

–           il est urgent d’obtenir une prise de conscience chez les enseignants, le personnel de santé, les autorités locales et la police, et de parvenir à un plus grand degré d’engagement de la part des autorités locales et de celles de l’Etat;

–           les groupes d’entraide et les organisations non gouvernementales ont largement contribué à une prise de conscience chez les devadasis et à assurer une certaine assistance; toutefois, leurs moyens doivent être renforcés et leur efficacité dépend d’une motivation correspondante du côté des autorités chargées de faire appliquer la loi.

La commission note que le manuel des droits de l’homme de 2007 à l’usage des magistrats de district, publié par la Commission nationale des droits de l’homme (NHCR), établit un lien entre le système des devadasis et la pratique de la traite des jeunes filles aux fins d’exploitation sexuelle commerciale. Elle note en particulier que cette pratique, qui s’inscrit dans le système plus large des devadasis, est largement répandue dans certaines parties du pays, célèbres en raison de certaines localités comme Jogin, Jogati, Basavi et Mathamma en Andhra Pradesh, au Maharashtra et au Karnataka. La plupart des personnes soumises à cette exploitation sont issues de castes et tribus recensées. Dans certains Etats comme l’Andhra Pradesh, des dispositions légales interdisent ces pratiques et répriment ceux qui s’y livrent.

La commission se réfère également à cet égard aux observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, suite à son examen du rapport de l’Inde sur l’application par ce pays du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/IND/CO/5, paragr. 25), dans lequel le comité relève avec une profonde préoccupation l’absence de progrès dans la voie de l’abolition des pratiques traditionnelles, notamment du devadasi, pratiques qui sont préjudiciables pour les femmes et les fillettes et discriminatoires à leur égard, et ce malgré l’existence, dans la législation nationale, de dispositions interdisant ces pratiques.

La commission prie le gouvernement de prendre les mesures les plus énergiques pour que le système du devadasi soit aboli et, notamment, de faire respecter scrupuleusement les sanctions et les interdictions prévues par les lois interdisant ces pratiques; de veiller à l’application des lois contre la traite à ceux qui ciblent les enfants des communautés traditionnellement liées au système devadasi et de centrer les efforts de répression sur le lien entre le système devadasi et la pratique de la traite des jeunes filles aux fins d’exploitation sexuelle commerciale. La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations détaillées sur les progrès de telles mesures, et notamment le texte des législations interdisant ces pratiques cultuelles, ainsi que des informations sur les actions engagées en justice et les peines infligées, avec copie des jugements pertinents.

Article 2, paragraphe 2 c). Travail obligatoire de marins condamnés et mis à la disposition d’armateurs privés. La commission note que, en vertu de l’article 207 de la loi de 1958 sur la marine marchande, tout marin engagé hors du territoire de l’Inde, qui est emprisonné pour une infraction d’une durée maximale de trois mois sur décision rendue par un magistrat à la demande du maître d’équipage/de l’armateur ou de son agent, doit être ramené à bord du navire pour les besoins du déroulement du voyage si les services de ce marin y sont nécessaires, sans considération de ce que la période d’emprisonnement imposée est achevée ou non.

La commission rappelle que l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention n’exclut de son champ d’application le travail ou service exigé d’une personne par suite d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire qu’à la condition que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Si cet article interdit rigoureusement que des personnes condamnées soient mises à la disposition d’employeurs privés, la commission a considéré que l’emploi par des entités privées de personnes condamnées peut être compatible avec la convention à la condition que ces personnes se soient portées volontaires pour cet emploi sans avoir été soumises à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque. Cela présuppose nécessairement le consentement formel de l’intéressé, ainsi que l’existence de conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre (voir les explications données aux paragraphes 59 et 60 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé).

La commission exprime l’espoir que les mesures nécessaires seront prises afin de rendre la législation conforme à la convention sur ce point, par exemple en modifiant l’article 207 de la loi de 1958 sur la marine marchande, de manière à exprimer clairement que le marin ne peut être ramené à bord pour y accomplir ses fonctions que s’il y a consenti, sans la menace d’une peine quelconque et sous réserve que les conditions d’accomplissement du travail qui lui est imposé se rapprochent de celles d’une relation d’emploi libre. En l’attente d’une telle modification, la commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations sur l’application de cette disposition dans la pratique, en indiquant en particulier si des personnes condamnées dans de telles circonstances ont librement consenti à travailler à bord et si les conditions dans lesquelles elles ont accompli leur travail se rapprochent de celles d’une relation d’emploi libre, notamment en termes de salaire et de sécurité sociale.

Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

La commission a pris note des rapports du gouvernement reçus en septembre 2008 et août 2009 ainsi que de la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) datée du 29 août 2008 et de la réponse du gouvernement à cette communication. Elle a également pris note de la discussion ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence à sa 97e session, en juin 2008.

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Travail en servitude pour dettes; ampleur du problème. Dans son rapport de 2008, le gouvernement indique que, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1976 sur l’abolition du système de travail en servitude (BLSA), 287 555 travailleurs ont été recensés comme étant en situation de servitude, dont 267 593 ont été réinsérés. Le gouvernement déclare en outre qu’il «réserve son avis» quant aux estimations sur le nombre total de travailleurs en servitude annoncé par d’autres sources. La commission note cependant que, d’après la communication susmentionnée de la CSI, les résultats des études et enquêtes menées dans ce domaine indiqueraient que le travail en servitude dans l’agriculture et dans des activités telles que les industries extractives, les briqueteries, la production de soie et de coton, la fabrication de bidis toucherait des millions de travailleurs dans le pays. Dans son observation précédente, la commission avait appelé instamment le gouvernement à procéder d’urgence à une enquête exhaustive à l’échelle nationale sur le travail en servitude, en recourant aux méthodes statistiques appropriées. Le gouvernement, dans son rapport et à travers les déclarations faites par son représentant devant la Commission de la Conférence, a de nouveau affirmé que les instruments ou méthodologies statistiques utilisés pour la collecte de données macronomiques ou consolidées étaient inappropriés pour une enquête sur le travail en servitude. Le gouvernement a également réitéré qu’il avait accordé des subsides aux gouvernements des Etats pour la conduite d’enquêtes sur le travail en servitude au niveau du district et qu’un grand nombre de ces enquêtes avaient été menées par les autorités des Etats. Vu les disparités notables que présentent les évaluations de la prévalence globale du travail en servitude dans l’économie nationale et l’importance de cette question au regard du processus de contrôle, par la commission, de l’application de la convention en Inde, la commission demande instamment que le gouvernement explore les moyens possibles d’entreprendre une enquête sur le travail en servitude à l’échelle nationale, avec la participation des partenaires sociaux et des autres organismes parties prenantes, en utilisant toutes les méthodes statistiques appropriées et, pour autant que cela soit praticable, toutes les données existantes provenant des enquêtes réalisées au niveau des districts. Elle exprime l’espoir que le prochain rapport du gouvernement contiendra des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard. Dans cette attente, la commission prie le gouvernement de fournir des copies de tout rapport disponible sur les enquêtes conduites par les gouvernements des Etats.

Comités de vigilance

S’agissant du fonctionnement des comités de vigilance établis conformément à la BLSA et de leur efficacité, entre autres, dans l’aide apportée aux tribunaux pour assurer la bonne application de la loi, le gouvernement réaffirme que tous les gouvernements des Etats confirment que ces comités de vigilance ont été constitués aux niveaux du district et de la subdivision et qu’ils se réunissent régulièrement. La commission note cependant que, d’après la communication de la CSI mentionnée ci-dessus, les conclusions des recherches effectuées par le Centre pour l’éducation et la communication (CEC) et par la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) indiquent que, dans de nombreux Etats, les comités restent des instances inefficaces, ne se réunissent pas régulièrement, n’ont jamais été opérationnels et ne sont pas constitués convenablement, si bien que les situations de travail en servitude restent indécelables. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour combler les lacunes des comités de vigilance en vue d’en assurer le fonctionnement adéquat et la pleine efficacité. Elle espère que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés dans l’adoption de ces mesures et, notamment des copies de tout rapport, étude ou enquête pertinent.

Affranchissement et réinsertion

S’agissant des programmes et politiques du gouvernement concernant l’affranchissement et la réinsertion des travailleurs en servitude pour dettes, la commission note qu’un groupe spécial présidé par le secrétaire d’Etat de l’Union au travail et à l’emploi supervise la mise en œuvre de la BLSA et du Régime à financement centralisé (CSS) de réinsertion des travailleurs en servitude, et a tenu une série de 15 réunions au niveau des régions, avec la participation des gouvernements des Etats, de 2004 à 2009; que le ministère du Travail et de l’Emploi a pris des mesures concrètes pour améliorer le processus de planification et de renforcement du mécanisme de suivi; et que les gouvernements des Etats ont émis des directives précises pour la mise en œuvre du CSS et conseillé d’intégrer le régime dans les autres régimes de lutte contre la pauvreté déployés simultanément.

Tout en prenant note de ces développements positifs, la commission note cependant que, d’après la communication de la CSI, les résultats des recherches de la NHRC, investie judiciairement du mandat de veiller à l’application de la BLSA, montrent: que certains gouvernements des Etats sont un obstacle à l’éradication du travail en servitude; que nombre d’entre eux continuent de nier l’existence du travail en servitude; que des fonctionnaires d’Etat ont souvent une piètre compréhension de la définition légale du travail en servitude; que les gouvernements des Etats ne compilent pas de données sur les travailleurs en servitude; et que, par conséquent, l’identification de ces situations et la libération de ces travailleurs en servitude ces dernières années ont été particulièrement faibles. La commission note que les conclusions des recherches du CEC font apparaître que les travailleurs soustraits à la servitude ne perçoivent pas toujours la totalité des allocations qui leur sont destinées au titre de leur réinsertion; que la corruption et les retards dans la délivrance des modules de réinsertion sont monnaie courante; que les retards qui se produisent peuvent avoir pour effet de renvoyer les familles dans la servitude pour dettes; et enfin que l’aide à la réinsertion ne s’est pas toujours avérée très efficace.

La commission exprime l’espoir que le gouvernement veillera à ce que les mesures susvisées de mise en œuvre des programmes d’affranchissement et de réinsertion au niveau des Etats soient véritablement centrées sur les problèmes graves mis en exergue dans la communication de la CSI et soient effectivement mises en œuvre, et que les mécanismes de suivi mis en place soient pleinement opérationnels et répondent pleinement à leur finalité. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées à cet égard, ainsi que les informations les plus récentes que la Commission nationale des droits de l’homme demande au sujet de l’identification, l’affranchissement et la réinsertion de travailleurs en servitude.

Application effective de la loi

S’agissant de l’imposition des sanctions pénales prévues par la BLSA et par la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants (CLPRA), la commission note que le représentant gouvernemental a déclaré devant la Commission de la Conférence que la première des priorités du gouvernement est l’identification, l’affranchissement et la réinsertion des travailleurs en servitude mais que, néanmoins, 5 893 poursuites judiciaires et 1 289 condamnations sur le fondement de la BLSA ont été signalées à ce jour par les Etats, et que la NHRC a organisé des séminaires de sensibilisation au niveau des Etats, en collaboration avec le ministère du Travail et de l’Emploi. La commission note cependant avec préoccupation que, d’après les constatations de la NHRC, auxquelles la CSI se réfère dans sa communication, les gouvernements des Etats négligent d’exercer des poursuites contre les auteurs d’infractions relevant du système de servitude pour dettes, et qu’il ressort clairement des statistiques que la loi est peu appliquée et que les poursuites éventuellement engagées contre des employeurs aboutissent rarement.

La commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures efficaces pour continuer à renforcer les mécanismes d’application des lois, y compris les mesures recommandées par la Commission nationale des droits de l’homme et d’autres organismes officiels, et de veiller à ce que ces mesures répondent aux problèmes identifiés dans la communication de la CSI. Elle exprime l’espoir que le gouvernement fournira dans son prochain rapport des informations détaillées à cet égard et demande à nouveau qu’il communique des statistiques et autres informations faisant apparaître non seulement le nombre des poursuites et des condamnations mais aussi les sanctions pénales spécifiques imposées à l’égard des employeurs condamnés sur le fondement de la BLSA, avec copie de tout jugement pertinent.

Travail des enfants

S’agissant de l’application de la loi sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants (CLPRA), modifiée en octobre 2006 de manière à couvrir toute une série de nouvelles activités économiques, la commission note que le gouvernement indique qu’il a mené des réunions de sensibilisation et des campagnes dans les médias et qu’il a aussi adressé des instructions aux gouvernements des Etats sur la mise en œuvre effective de l’interdiction et sur la préparation de plans d’action à ce niveau. La commission note que, si l’annexe au rapport du gouvernement inclut des statistiques au niveau des Etats sur les inspections, les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les acquittements dans le contexte de la mise en œuvre de la loi CLPRA, les informations communiquées ne comportent pas de statistiques sur la nature des sanctions ou des peines imposées dans les cas de condamnation.

La commission exprime l’espoir que le gouvernement poursuivra et amplifiera ses efforts de sensibilisation du public par rapport à la CLPRA, et que cette loi sera pleinement appliquée à travers les plans d’action au niveau des Etats. Elle prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées à cet égard, ainsi que des statistiques et autres informations sur les peines et autres sanctions spécifiquement imposées dans les cas de condamnation sur la base de la CLPRA, avec copie de tout jugement pertinent. Elle le prie également de donner des informations sur l’état d’avancement du projet de loi sur les délits commis à l’encontre des enfants de 2006.

S’agissant du projet national sur le travail des enfants (NCLP), un programme d’action selon lequel des enfants qui travaillent sont retirés d’une situation d’emploi dangereuse et placés dans des écoles spéciales pour une période maximale de trois ans, la commission prend note des statistiques communiquées par le gouvernement concernant les établissements en question et les enfants qui y sont intégrés. Elle exprime l’espoir que le gouvernement développera et renforcera ce programme dans le cadre du onzième plan (2007-2012), et qu’il communiquera des informations à cet égard, notamment en provenance des comités de surveillance mis en place pour superviser, contrôler et évaluer le projet national sur le travail des enfants.

Prostitution et exploitation sexuelle commerciale

La commission prend note des indications données par le gouvernement selon lesquelles le projet de loi de 2006 de prévention du trafic immoral vise à modifier la loi de 1956 sur la prévention du trafic immoral (ITPA) en prévoyant, entre autres mesures, un relèvement de l’âge de la majorité de 16 à 18 ans; l’abrogation de l’article 8, qui incrimine la sollicitation à des fins de prostitution, et aussi de l’article 20, relatif à l’évacuation des prostituées de tout lieu public; la redéfinition de l’infraction de «traite des personnes» afin de l’harmoniser avec celle donnée par les protocoles facultatifs concernant la traite qui se rapportent à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée; et enfin l’incrimination pénale de la conduite des personnes qui fréquentent les maisons closes à des fins d’exploitation sexuelle. La commission exprime l’espoir que le projet de loi sera adopté prochainement et prie le gouvernement de communiquer copie de la nouvelle législation dès que celle-ci aura été promulguée.

La commission prend note de la référence faite à Ujjawala, un «système intégré de prévention de la traite et de sauvetage, de réadaptation et de réinsertion des victimes de la traite et d’une exploitation sexuelle commerciale», programme fédéral lancé le 4 décembre 2007, s’appuyant sur cinq composantes: la prévention, le sauvetage, la réadaptation, la réinsertion et le rapatriement. Le gouvernement mentionne également la Commission consultative centrale (CAC) de prévention et de répression de la traite des femmes et des enfants pour une exploitation sexuelle commerciale, mise en place par le ministère de la Femme et du Développement de l’enfant, et du projet d’établir une autorité de coordination au niveau central et au niveau des Etats. La commission considère que ces mesures représentent des évolutions positives et elle exprime l’espoir qu’elles se poursuivront et se révéleront efficaces. Elle espère que le gouvernement communiquera des informations actualisées sur le fonctionnement d’Ujjawala, de la CAC et des autorités coordinatrices, notamment tout rapport officiel permettant d’apprécier l’efficacité de leur action et de leur impact dans la pratique, contre la traite des femmes et des enfants aux fins d’exploitation sexuelle commerciale.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

Pratiques cultuelles comportant un esclavage sexuel. La commission prend note de la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) de 2007, qui se réfère à une pratique cultuelle et rituelle connue sous le vocable de Devadasi, pratique aux termes de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une divinité ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des Devadasis, sont soumises sans leur consentement à des rapports sexuels avec un ou plusieurs adorateurs de cette divinité dans la communauté locale. La commission note les indications suivantes, données par la CSI dans sa communication:

–           le système des Devadasis constitue un travail forcé au sens de la convention, puisque les jeunes filles sont vouées à être des Devadasis sans leur consentement et sont de ce fait contraintes à avoir des rapports sexuels non consentis et à fournir sous la contrainte des prestations sexuelles non consenties à des membres de leur communauté;

–           des études révèlent que la pratique est de plus en plus liée au problème de la traite des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle;

–           les cérémonies et rituels Devadasis ont été interdits par la loi. La pratique a été formellement interdite après l’Indépendance et les Etats de Karnataka et de l’Andrha Pradesh ont adopté eux aussi au cours des années quatre-vingt des lois interdisant les pratiques cultuelles Devadasis;

–           la législation en vigueur prévoit des peines d’amende et d’emprisonnement à l’encontre de ceux qui provoquent l’embrigadement d’une jeune fille dans cette vocation, mais ne prévoit aucune sanction à l’encontre de ceux qui exploitent sexuellement les Devadasis;

–           alors qu’au cours des années quatre-vingt-dix les interdictions légales semblaient avoir eu peu d’effet, l’action déployée par la police à la fin des années quatre-vingt-dix s’est révélée efficace contre ces pratiques. Néanmoins, les recherches menées n’ont pas permis de découvrir de cas dans lesquels des personnes ayant recruté des filles ou organisé des vocations auraient fait l’objet de poursuites sur le fondement de ces lois;

–           les pratiques Devadasis et leurs variantes régionales, loin d’avoir disparu, demeurent répandues, malgré les dispositions constitutionnelles et législatives qui les interdisent;

–           si quelques progrès ont pu être enregistrés dans le sens d’un recul de ces pratiques, ce succès a engendré un certain degré de complaisance de la part des autorités, notamment par rapport aux vocations qui ont un lien avec l’industrie du sexe;

–           il est urgent d’organiser une prise de conscience chez les enseignants, le personnel de santé, les autorités locales et la police, et de parvenir à un plus grand degré d’engagement de la part des autorités locales et de celles de l’Etat;

–           les groupes d’entraide et les organisations non gouvernementales ont largement contribué à une prise de conscience chez les Devadasis et à assurer une certaine assistance; toutefois, leurs moyens doivent être renforcés et leur efficacité dépend d’une motivation correspondante du côté des autorités chargées de faire appliquer la loi.

La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport ses observations à ce sujet, de même que sur les autres points soulevés dans la communication de la CSI de 2007, ceci à la lumière des dispositions de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 25 de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

1. La commission prend note des rapports du gouvernement reçus en 2005 et en 2006, ainsi que de ses deux réponses aux communications reçues de la-Confédération internationale des syndicats libres (CISL), désormais Confédération syndicale internationale (CSI), en date du 31 août 2005. La commission prend également note de la communication ultérieure de la CSI datée du 30 août 2007, transmise au gouvernement le 17 septembre 2007 afin que celui-ci puisse faire ses commentaires sur les questions soulevées.

Travail en servitude et nécessité de déterminer
l’ampleur de cette pratique

2. La commission s’est référée, à de nombreuses reprises, à la nécessité de réaliser d’urgence une étude exhaustive du travail en servitude à l’échelle de tout le pays, en faisant appel à des méthodes appropriées, de manière à évaluer la portée et l’ampleur de ces pratiques et définir l’action à déployer pour identifier les situations de travail en servitude, libérer et réinsérer les travailleurs exploités et aussi assurer que ceux qui les ont exploitées soient traduits en justice. La communication de la CISL de 2005 visée au paragraphe 1 ci-dessus évoque à nouveau cette question.

3. Dans cette communication, la CISL fait ressortir les éléments suivants:

–           d’après le rapport de l’OIT publié en 2005 intitulé «Une alliance mondiale contre le travail forcé», la Cour suprême a constitué en 1995 une commission chargée d’enquêter sur les affaires de travail en servitude au Tamil Nadu, et cette commission a conclu que, dans ce seul Etat, il y avait plus d’un million de personnes travaillant en servitude répartis dans quelque 23 districts et 20 métiers différents;

–           alors que le gouvernement nie l’existence du travail d’enfants en servitude dans l’industrie de la soie, un rapport du Centre pour l’éducation et la communication (CEC) établi en conjonction avec Anti-Slavery International évoque un rapport du Commissaire au travail de 1998 signalant 3 077 affaires d’enfants travaillant en servitude dans des ateliers de bobinage de la soie de certains secteurs du district de Bangalore, dans le Karnataka;

–           le nombre officiellement reconnu des personnes victimes du travail en servitude depuis 1976 ne correspond pas au nombre total des personnes victimes du travail en servitude dans le pays. Le gouvernement se réfère toujours à l’étude systématique sur le travail en servitude menée en 1978-79 par la Ghandi Peace Foundation (GPF) et le National Labour Institute (NLI), organe autonome du ministère du Travail, d’après laquelle l’agriculture à elle seule emploierait 2,6 millions de travailleurs journaliers en servitude.

4. La commission prend note de la réponse faite par le gouvernement dans son rapport de 2006 et de l’annexe jointe à ce rapport, dont il ressort les éléments suivants:

–           des études locales financées par les autorités au cours de la période 2000-01 à 2005-06 ont permis d’identifier 15 111 travailleurs journaliers en servitude dans 149 districts, et toutes ces personnes ont bénéficié d’une réinsertion;

–           le nombre de travailleurs en servitude, d’après les informations communiquées par les gouvernements des Etats, est passé de 2 465 pour la période 2003-04 à 866 pour la période 2004-05 et à 397 pour la période 2005-06. Selon le gouvernement, ce recul «est le résultat de ses efforts concertés, à travers divers programmes de lutte contre la pauvreté, de sensibilisation et de prise de conscience, etc.»;

–           le gouvernement considère que les chiffres relatifs au travail en servitude cités par les organismes non gouvernementaux sur lesquels s’appuie la CISL ne sont pas valables car ils n’ont pas été établis en recourant aux instruments statistiques appropriés pour la collecte des données primaires;

–           le gouvernement réaffirme qu’il ne juge pas nécessaire de mener une étude sur le travail en servitude à l’échelle nationale parce que le gouvernement central accorde déjà des subventions aux Etats pour que ceux-ci mènent de telles études au niveau des districts, et parce qu’une étude n’est pas réalisable à l’échelle nationale, eu égard aux méthodes qualitatives devant être appliquées pour recueillir les données appropriées.

5. S’agissant de la nécessité d’une étude nationale exhaustive, la commission note que le rapport annuel 2004-05 de la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC), publié sur le site Internet de cet organisme, fait ressortir que, suite aux recommandations de son Groupe d’experts sur le travail en servitude, la commission a organisé depuis 2003 des ateliers orientés vers la sensibilisation et l’éducation des magistrats de district, des cadres de la police, des ONG et des autres autorités de terrain concernés par la mise en œuvre de la loi sur le système de travail en servitude (abolition), de 1976 (BLSA); que ces ateliers se sont «révélés utiles en ce qui concerne l’identification des difficultés liées à l’identification des travailleurs en servitude, leur libération et leur réinsertion»; et que, parmi les «points importants» qui sont ressortis de ce processus, figure la nécessité d’une «étude exhaustive nouvelle, qui permettrait de déterminer l’ampleur du phénomène du travail en servitude».

6. La commission note également que, d’après un bulletin d’information daté du 28 juin 2007 publié sur le site Internet de la NHRC, au cours d’un atelier national qui a eu lieu le 28 juin 2007, un ancien rapporteur spécial de la NHRC qui présidait une séance consacrée à l’examen de l’adéquation et de l’efficacité des mécanismes administratifs a préconisé la réalisation «d’études propres à une évaluation effective du travail en servitude».

7. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de procéder à titre de priorité à une étude sur le travail en servitude à l’échelle nationale, en utilisant des méthodes statistiques valables et appropriées, et de communiquer dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées à cette fin.

Comités de vigilance

8. Dans sa précédente observation, la commission avait demandé que le gouvernement continue de fournir des informations sur les comités de vigilance, créés par les gouvernements des Etats pour opérer au niveau des districts et des subdivisions en application de l’article 13 de la loi BLSA, ces comités ayant notamment pour mission de conseiller les magistrats de district afin que les dispositions de la loi BLSA soient appliquées de manière adéquate, d’observer la fréquence des délits de travail en servitude et de veiller à la réinsertion des travailleurs libérés. Elle avait également demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées en vue d’améliorer l’efficacité des comités de vigilance dans l’exercice de leur mission.

9. La commission note que, dans sa communication de 2005, la CISL se réfère au rapport annuel 2001-02 de la NHRC selon lequel, dans de nombreux endroits, les comités de vigilance ne sont pas en place et que, même là où ils ont été constitués, «ils ont périclité au fil des ans» et «n’ont apporté nulle part une contribution valable en termes d’identification, de libération et de réinsertion des travailleurs en servitude».

10. Dans son rapport de 2006, le gouvernement indique que les gouvernements des Etats ont tous confirmé que des comités de vigilance ont été constitués, que les «réunions ont lieu régulièrement» et qu’ils sont eux-mêmes fréquemment sollicités pour s’assurer que les comités sont dûment constitués ou reconstitués. Dans sa réponse aux commentaires de la CISL, le gouvernement déclarait, dans son rapport de 2005, «qu’il peut y avoir quelques cas dans lesquels les comités de vigilance ne se réunissent pas régulièrement [mais] ces cas isolés ne sauraient conduire à la conclusion que, d’une manière générale, [les comités de vigilance] n’obtiennent pas de résultats tangibles».

11. Pour ce qui est du fonctionnement des comités de vigilance, la commission note, d’après le rapport annuel 2004-05 de la NHRC, les éléments suivants:

–           au Rajasthan, le comité du travail en servitude de cet Etat ne s’est pas réuni régulièrement et n’a pas tenu de réunions après le 10 septembre 2001;

–           au Maharashtra, les comités de vigilance «ne se réunissent pas régulièrement et l’identification des travailleurs en servitude est pratiquement nulle dans cet Etat»; et

–           au Pundjab, il n’a pas été signalé de travail en servitude depuis l’examen précédent et, malgré les conseils de la NHRC, le gouvernement de l’Etat «ne semble pas être enclin à mettre en œuvre le programme de sensibilisation».

12. La commission note en outre que les recommandations générales qui ont été formulées à l’issue de la série d’ateliers organisés par la NHRC sur la sensibilisation de l’opinion, mentionnés ci-dessus, ont souligné la nécessité de s’orienter vers:

–           la convergence de l’action des organismes gouvernementaux et des ONG;

–           la constitution de comités de vigilance au niveau du district et de la subdivision;

–           le suivi de la situation des travailleurs libérés de la servitude, la planification de la réadaptation des travailleurs affranchis et le contrôle étroit des comités de vigilance sur les zones et les industries dans lesquelles la servitude est fréquente; et

–           l’évaluation périodique des comités de vigilance et de leurs fonctions.

13. La commission exprime l’espoir que le gouvernement abordera dans son prochain rapport les insuffisances des comités de vigilance dans l’accomplissement de leur mandat tel que défini dans la loi BLSA, insuffisances mises en évidence par l’abondance des informations convergentes émanant de sources gouvernementales et autres, dont celles citées ci-dessus, et qu’il donnera son point de vue sur les recommandations soulignant qu’il est nécessaire que d’autres institutions locales assument les fonctions des comités de vigilance.

Application de la loi

14. Dans ses précédents commentaires, la commission se référait au problème de l’application effective de la loi en matière d’éradication du travail en servitude et elle demandait des informations sur le nombre de poursuites, condamnations – ou acquittements – concernant les affaires portées devant la justice des différents Etats sur le fondement de la loi BLSA. La commission s’était également interrogée sur l’adéquation des sanctions imposées. Elle avait fait observer que, au regard de l’article 25 de la convention, le nombre des cas dans lesquels des poursuites ont été engagées sur les fondements de la loi BLSA ne semblait pas être en rapport avec le nombre de cas de travailleurs en servitude identifiés et libérés, tel qu’indiqué par le gouvernement.

15. La commission note que, dans sa communication de 2005, la CISL se réfère aux conclusions publiées par la NHRC dans son rapport annuel 2001-02, selon lesquelles «l’exercice de poursuites contre les auteurs, dans les affaires de travail en servitude, a en fait été complètement négligé dans chacun des Etats examinés».

16. Le gouvernement, dans son rapport de 2005, s’est référé à l’article 21 de la loi BLSA, en vertu duquel le pouvoir des magistrats du judiciaire de connaître des infractions de cet ordre peut être transféré aux magistrats exécutifs, et a indiqué que la loi «comporte suffisamment de dispositions pénales pour permettre de traiter du problème du travail en servitude», soulignant qu’en Inde «le pouvoir judiciaire se montre prompt à intervenir lorsqu’il est question de travail en servitude».

17. La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport de 2006 que, même si l’on ne dispose pas d’information exacte sur le nombre de cas dans lesquels des poursuites ont été exercées dans le cadre d’affaires relevant du travail en servitude au cours de la période considérée, d’après les statistiques émanant des gouvernements des Etats, 5 893 poursuites ont été engagées dans le cadre d’affaires relevant de la loi BLSA et 1 289 condamnations ont été prononcées avec un montant total d’amendes infligées de 107 millions de roupies. Le gouvernement ajoute que le taux relativement faible des poursuites peut s’expliquer en partie par l’existence, dans les sociétés rurales et informelles, d’un système informel de règlement des conflits qui s’appuie sur des instances villageoises connues sous les vocables de «Nyaya Panchayat» ou «Lok Adalats».

18. La commission note que la NHRC formule dans son rapport annuel de 2004-05 les constatations suivantes:

–           en Uttar Pradesh, en 2004-05, 55 travailleurs en servitude ont été libérés, mais «le volet concernant les poursuites a été totalement négligé»;

–           au Madhya Pradesh, il y a eu au total 22 affaires pénales basées sur la loi BLSA depuis 1999-2000 et 20 affaires sont en instance de jugement, mais les magistrats exécutifs usent avec parcimonie du pouvoir de juger ces infractions, que leur confère l’article 21 de la loi BLSA;

–           au Jharkhand, les ordonnances déléguant aux magistrats exécutifs les pouvoirs conférés aux magistrats du judiciaire par la loi BLSA n’ont toujours pas été prises.

19. La commission note en outre que, selon le rapport annuel 2004-05 de la NHRC, parmi les «points importants» ressortis du cycle d’ateliers sur la sensibilisation au travail en servitude, organisés depuis 2003 par la commission en association avec le ministère du Travail et de l’Emploi et les gouvernements des Etats concernés, figure la nécessité «d’engager des poursuites contre les employeurs coupables».

20. La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations exhaustives sur le fonctionnement pratique des instances villageoises mentionnées plus haut, notamment:

–           des informations précises sur leur implantation géographique, avec des statistiques, pour chaque Etat, concernant le nombre de plaintes pour travail en servitude dont ces instances ont été saisies;

–           le nombre d’affaires de travail en servitude que ces instances ont jugées; et

–           les résultats de ces procédures.

La commission demande également au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour apporter une réponse aux graves lacunes constatées en ce qui concerne les poursuites dans les affaires de travail en servitude et, d’une manière plus générale, l’application des sanctions prévues au chapitre VI de la loi BLSA. Prière également de fournir des informations sur les résultats pratiques obtenus suite aux ateliers de sensibilisation organisés par la NHRC à l’intention des membres du système judiciaire et de tous les fonctionnaires chargés du contrôle de l’application de la loi.

Libération et réinsertion des travailleurs en servitude

21. La commission note que, dans sa communication de 2005, la CISL faisait état de graves problèmes dans les politiques et programmes de libération et réinsertion des travailleurs en servitude, notamment de problèmes de corruption affectant la répartition des crédits alloués à la réinsertion; de discrimination dans l’attribution des prestations de réinsertion aux travailleurs en servitude identifiés par les organisations non gouvernementales; et enfin les ressources prévues pour la réinsertion des travailleurs libérés ne permettent pas de leur assurer la sécurité économique ni le minimum vital.

22. La commission note que, dans son rapport de 2005, le gouvernement a répondu aux commentaires de la CISL en indiquant que des efforts étaient déployés afin de procurer aux bénéficiaires une réactualisation des compétences requises pour la profession exercées antérieurement, que des instructions ont été données aux gouvernements des Etats tendant à ce que ceux-ci fassent coïncider les mesures prévues pour la réinsertion avec les programmes de lutte contre la pauvreté et qu’aucun bénéficiaire de ces mesures n’était retombé dans la servitude.

23. La commission note que, d’après le bulletin d’information de la NHRC du 28 juin 2007 précité, lors d’un atelier national organisé le 28 juin 2007, le Secrétariat du ministère du Travail et de l’Emploi a déclaré qu’«aucune donnée concernant les travailleurs en servitude libérés n’est disponible, et la question de savoir comment leur réinsertion s’est opérée reste ouverte». Il a appelé les responsables gouvernementaux à mettre en œuvre des projets tendant à faire converger les régimes de développement prévus pour les travailleurs en servitude libérés.

24. La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures relatives à la réactualisation des compétences des travailleurs en servitude libérés et sur sa politique d’intégration des mesures prévues pour la réinsertion dans les programmes de lutte contre la pauvreté, notamment des informations sur la mise en œuvre et les résultats obtenus par cette politique et ces programmes.

25. La commission demande également au gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour répondre aux problèmes et aux insuffisances, mentionnés dans les rapports évoqués ci-dessus, de la politique et des programmes déployés par le gouvernement pour libérer les travailleurs en servitude et assurer leur réinsertion.

Travail des enfants

26. Dans ses précédents commentaires, la commission avait soulevé un certain nombre de questions concernant les mesures prises pour éliminer le travail des enfants relevant du champ d’application de la convention (c’est-à-dire un travail effectué dans des conditions suffisamment dangereuses ou pénibles pour ne pas pouvoir être considéré comme étant volontaire). La commission avait exprimé l’espoir que le gouvernement redoublerait d’efforts dans ce domaine, notamment en ce qui concerne l’identification du travail des enfants et le renforcement des mécanismes d’application de la législation, de manière à éradiquer l’exploitation des enfants, en particulier leur exploitation dans le cadre d’activités dangereuses. Elle avait également demandé au gouvernement de communiquer les résultats du plus récent décompte du nombre des enfants qui travaillent dans le pays.

27. La commission note que le gouvernement communique dans son rapport de 2006 les informations suivantes:

–           d’après les chiffres du recensement de 2001, il y avait 12,63 millions d’enfants de 5 à 14 ans au travail dans l’ensemble du pays, contre un chiffre estimé à 11,28 millions lors du recensement de 1991;

–           dans le cadre du 10e Plan quinquennal (2002-2007), le programme des projets nationaux concernant le travail des enfants (NCLP), lancés par le ministère du Travail et de l’Emploi le 15 août 1994 dans le but d’assurer la réinsertion des enfants soustraits à des occupations dangereuses, a été étendu pour couvrir 250 districts contre 100 précédemment;

–           le gouvernement central a augmenté les crédits budgétaires consacrés au NCLP, qui sont ainsi passés de 2 500 millions de roupies lors du plan précédent à 6 670 millions de roupies avec le plan quinquennal actuel;

–           les programmes publics d’élimination du travail des enfants font désormais l’objet d’une supervision plus étroite au niveau des Etats et des districts.

28. La commission note avec intérêt que la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants (CLPRA) a été modifiée en octobre 2006 de manière à étendre l’interdiction de l’emploi des enfants aux activités relevant du travail domestique, de l’hôtellerie et des emplois de services dans les hôtels, restaurants, salons de thé, stations balnéaires et centres de loisirs.

29. La commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations sur la mise en œuvre et l’application dans la pratique des interdictions instaurées par cette modification de la CLPRA.

30. La commission note que, s’agissant de l’application de la loi CLPRA, le gouvernement déclare dans son rapport de 2006 qu’il «s’achemine» vers la mise en place d’un mécanisme d’application approprié. Elle note cependant les statistiques publiées sur le site Internet du Projet national sur le travail des enfants du ministère du Travail et de l’Emploi (telles que communiquées par les gouvernements des Etats et par le Haut Commissaire au travail). Les données comprennent des statistiques comparables pour les périodes 2004-05 et 2002-03 suivantes:

–           en 2004-05, il a été procédé à 242 223 inspections, qui ont mis au jour 16 632 infractions, contre 26 411 en 2002-03;

–           en 2004-05, il y a eu 2 609 poursuites engagées, contre 9 159 en 2002-03;

–           en 2004-05, il y a eu 1 385 condamnations et 447 acquittements, contre 4 013 condamnations en 2002-03.

31. La commission constate que ces chiffres accusent une chute marquée tant dans la constatation des infractions que dans l’exercice des poursuites en 2004-05, alors que, pour cette même période, les estimations montrent une augmentation continue du travail des enfants. La commission note également qu’aucune donnée n’a été communiquée quant à la nature des sanctions imposées ou des condamnations prononcées dans les cas où les poursuites ont été menées à leur terme.

32. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur la nature des condamnations prononcées ou des sanctions infligées à la suite des poursuites engagées, en communiquant copie des décisions de justice, y compris celles de la Cour suprême, relatives au travail dangereux des enfants. Elle demande également au gouvernement de faire part de ses commentaires concernant la chute marquée du nombre des infractions constatées et du nombre des poursuites engagées en 2004-05 et de fournir toute explication pertinente quant au niveau particulièrement élevé des acquittements. Enfin, la commission prie le gouvernement de bien vouloir préciser ce qu’il entend quand il déclare qu’il s’engage à «aller dans le sens» de l’instauration d’un mécanisme approprié d’application de la loi.

33. La commission note que, d’après deux bulletins d’information du ministère du Travail et de l’Emploi datés des 20 août et 22 août 2007, publiés sur le site Internet du Bureau d’information publique du gouvernement, ce ministère s’emploie actuellement à mettre en œuvre son programme de NCLP dans 250 districts, soit au total dans 20 Etats. Dans le cadre de ce programme, les enfants sont placés dans des écoles spéciales où ils bénéficient d’un enseignement de rattrapage accéléré, d’une formation professionnelle, de repas à midi, d’un pécule et d’un suivi médical. A ce jour, 343 000 enfants sont déjà passés par ces écoles spéciales et 457 000 ont déjà été insérés dans le système d’éducation formel depuis le début du programme. Un élargissement de ce programme et une extension de sa portée à travers l’adjonction d’autres composantes dans le cadre du 11e Plan quinquennal (2007-2012) sont à l’étude. Le programme a permis de toucher les enfants travaillant dans certaines occupations reconnues comme dangereuses, notamment dans l’agriculture. En outre, un système de dotations des organismes volontaires agissant dans l’intérêt des enfants soustraits à des occupations dangereuses a été mis en œuvre dans plusieurs districts non couverts par le programme NCLP.

34. La commission exprime l’espoir que le gouvernement fournira dans son prochain rapport des informations actualisées et détaillées sur la mise en œuvre, dans les 20 Etats concernés, du programme NCLP de réinsertion des enfants soustraits à des activités dangereuses et sur la concrétisation effective des projets d’extension de programme dans le cadre du prochain plan quinquennal.

Prostitution et exploitation sexuelle

35. Dans ses précédents commentaires, la commission avait accueilli favorablement l’adoption du Plan d’action national de lutte contre la traite des femmes et des enfants et contre leur exploitation sexuelle, entre autres mesures positives prises par le gouvernement, de même que la déclaration selon laquelle il avait l’intention de réviser le cadre légal en vigueur, notamment la loi sur la prévention de traite immorale, le Code pénal, le Code de procédure pénale et la loi sur les preuves, en vue à la fois de réprimer plus fermement les infractions et de mieux prendre en compte les intérêts des victimes. La commission avait également exprimé l’espoir que des mesures seraient prises afin de compiler des statistiques fiables sur la nature et l’ampleur du problème de la traite et de l’exploitation sexuelle, y compris du problème de la prostitution d’enfants.

36. La commission prend note avec intérêt de l’adoption de la loi de 2005 sur les commissions de protection des droits de l’enfant (CPCRA), à laquelle le gouvernement s’est référé dans son rapport de 2006. Elle note que cette loi tend à l’instauration d’une commission nationale et de commissions analogues au niveau des Etats, qui auront pour mission d’«assurer un traitement diligent des affaires concernant des infractions commises contre des enfants». La commission note que, dans les fonctions et attributions que lui confère la loi CPCRA, cette commission nationale doit notamment:

–           enquêter sur les violations des droits de l’enfant et, le cas échéant, recommander l’ouverture de poursuites (art. 13(1)(c));

–           étudier tous les facteurs qui ont pour effet de porter atteinte aux droits de l’enfant, comme la traite et la prostitution, et formuler des recommandations appropriées quant aux mesures correctives (art. 13(1)(d));

–           examiner les plaintes concernant les dénis et les violations des droits de l’enfant et en saisir les autorités compétentes (art. 13(1)(j));

–           transmettre toute affaire devant le juge, afin que celui-ci l’instruise au même titre que s’il avait été saisi en vertu de l’article 346 du Code de procédure pénale (art. 14(2));

–           dans les cas où l’enquête révèle une «grave violation ou une infraction caractérisée aux dispositions d’une loi quelle qu’elle soit», recommander l’ouverture de l’action pénale (art. 15(i));

–           les commissions constituées par les gouvernements des Etats à ce même niveau sont investies des fonctions et des pouvoirs analogues à ceux de la commission nationale (art. 24).

37. La commission note que le gouvernement se réfère au projet de loi de 2006 concernant les infractions commises sur des enfants (DOCB). Le gouvernement déclare que ce projet de loi tend à combler les lacunes du Code pénal indien, lequel ne permet pas de connaître séparément de diverses infractions commises sur des enfants, et il ajoute que ce texte intègre expressément l’infraction d’exploitation sexuelle d’enfants et de traite d’enfants, avec les sanctions correspondantes.

38. La commission exprime l’espoir que le gouvernement fournira dans son prochain rapport des informations concernant l’application pratique des dispositions de la loi de 2005 sur les commissions de protection des droits de l’enfant susmentionnée, notamment celles relatives à la traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou de prostitution. Elle exprime l’espoir que le gouvernement fera état de l’adoption prochaine du projet de loi concernant les infractions contre les enfants et le prie de fournir des informations actualisées à cet égard.

39. La commission note également que, d’après le site Internet du parlement de l’Inde, le projet de modification de la loi relative à la prévention de la traite immorale a été soumis au Lok Sabha en mai 2006 et a été adopté par la Commission parlementaire permanente sur le développement des ressources humaines en novembre 2006, puis renvoyé devant les deux Chambres du parlement. Ce texte tend à modifier la loi de 1956 sur la prévention de la traite immorale (ITPA) qui incrimine et sanctionne la traite et l’exploitation sexuelle des personnes. Le nouveau projet introduit des sanctions plus rigoureuses à l’égard des auteurs d’infractions; supprime les dispositions relatives à la répression du racolage; définit les termes «traite de personnes»; punit ce crime, notamment lorsqu’il est commis sur des enfants à des fins de prostitution; alourdit les peines prévues pour certaines infractions relevant de la traite; et enfin prévoit la mise en place d’autorités chargées de la lutte contre la traite au niveau national et au niveau des Etats.

40. En outre, la commission note que, d’après un communiqué de presse daté du 20 août 2007 publié sur le site Internet du Bureau de presse et d’information du gouvernement (PIB), un projet pilote de lutte contre la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle a été mis en œuvre; un «Système global de prévention de la traite et de libération, réadaptation et réinsertion des victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle a été inclus dans le Plan annuel 2007-08; et que la Commission consultative centrale de lutte contre la prostitution des enfants, sous la direction du Secrétaire du ministère de la Femme et de l’Enfant, procède chaque trimestre à un réexamen de l’action déployée par les Etats au titre de la lutte contre la traite et la prostitution.

41. La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations actualisées et détaillées sur: l’avancement du projet de 2006 portant modification de la loi relative à la prévention de la traite immorale; les progrès de la mise en œuvre des projets pilotes de lutte contre la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle; l’action déployée par les commissions consultatives centrales au sein des ministères compétents en vue de prévenir et réprimer la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution, et de réexaminer l’action déployée par les Etats dans ce domaine.

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission a pris note des rapports du gouvernement reçus en 2003 et 2004, qui contiennent des réponses à ses précédents commentaires, ainsi que de la discussion ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes, à la 91e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2003). La commission a également pris note d’une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en date du 20 août 2003, qui contient des observations sur l’application de la convention par l’Inde, de même que de la réponse du gouvernement à ces observations, reçue en octobre 2004.

Travail en servitude

1. La commission rappelle avoir signaléà de nombreuses reprises la nécessité urgente de compiler des statistiques précises, suivant une méthodologie valable, sur le nombre de personnes qui continuent àêtre soumises à un travail en servitude en vue de leur identification et libération. Cette question est encore le sujet de chacune des communications et de la discussion évoquées ci-dessus dans le premier paragraphe.

Rapport du gouvernement de 2003

2. La commission a pris note de l’ensemble du rapport du gouvernement et, en particulier, des aspects suivants, que le gouvernement met en relief:

-           le gouvernement a la volonté et l’intention ferme d’éradiquer le travail en servitude et il a mis en place les mécanismes et l’infrastructure nécessaires pour opérer dans ce sens au niveau le plus élémentaire;

-           depuis l’adoption de la loi de 1976 portant abolition du système de travail en servitude et jusqu’au 31 mars 2003, non moins de 282 970 personnes ont été identifiées comme étant en servitude et 262 952 ont été réinsérées (les chiffres correspondants étant, d’après le rapport du gouvernement de 2001, de 280 411 personnes reconnues comme étant en servitude et 251 569 qui avaient été réinsérées au 31 mars 2000);

-           l’action déployée pour identifier le travail en servitude et réinsérer les victimes représente un progrès considérable et, sur une certaine période, l’incidence du travail en servitude marque un recul;

-           une assistance centrale a été fournie aux différents gouvernements des Etats pour que des enquêtes soient menées dans 120 districts;

-           les chiffres concernant l’incidence du travail en servitude, cités par des organismes non gouvernementaux, ne reposent pas sur des faits étant donné qu’aucun instrument statistique approprié n’a été mis en place pour recueillir les données de base.

Communication de la CISL

3. Dans la communication susmentionnée reçue en 2003, la CISL soulève un certain nombre de questions, notamment les suivantes:

-           elle réitère que le nombre de personnes que le gouvernement a reconnues depuis 1976 comme étant en servitude ne représente pas le nombre total de ces personnes dans le pays. Elle se réfère à l’enquête menée par la Fondation Ghandi pour la paix et l’Institut national du travail (NLI) en 1978-79 (désignée ci-après «l’enquête de la Fondation Ghandi pour la paix»), selon laquelle il y avait 2,6 millions de travailleurs en servitude, chiffre qui avait été rejeté par le gouvernement au motif que la méthode suivie n’était pas scientifique;

-           elle estime que, même à supposer que le chiffre avancé recèle une surestimation de 10 pour cent, cela laisse plus de 2 millions de travailleurs en servitude que le gouvernement n’a pas reconnus comme tels;

-           elle ajoute que l’enquête de la Fondation Gandhi pour la paix ne concerne que le travail en servitude dans l’agriculture et ne donne aucune estimation du nombre de travailleurs en servitude dans d’autres secteurs, comme les industries extractives, les briqueteries, la production de soie et de coton et la fabrication de bidis, activités qui concernent probablement des millions d’autres individus en Inde.

Commission de la Conférence, juin 2003

4. Au cours de ses discussions, la commission de la Conférence a appelé une fois de plus instamment le gouvernement à prendre des mesures pour renforcer son système statistique et à assurer la pleine application de la convention.

Rapport du gouvernement de 2004 et réponse

5. La commission a noté que, dans sa réponse à la CISL, le gouvernement a fait les commentaires suivants:

-           il nie l’existence du travail en servitude des enfants dans l’industrie de la soie et dans la production du coton en Inde et il exprime l’avis que l’assistance fournie aux enfants et à leurs familles dans la production des bidis n’a aucun lien avec le travail en servitude ou le travail forcé;

-           il admet que certains cas de travail en servitude/travail forcé ont été signalés dans les briqueteries et dans les mines et carrières mais il déclare que les plaintes sont systématiquement transmises aux autorités de l’Etat concerné pour qu’une enquête soit menée par les comités de vigilance afin de déterminer s’il y a effectivement travail en servitude et, dans cette éventualité, de procéder à la libération et à la réinsertion des personnes concernées;

-           il déclare que le gouvernement conseille aux autorités de l’Etat concerné de mener périodiquement des études pour établir l’existence éventuelle d’un travail en servitude;

-           il exprime l’avis que l’Inde, qui est un vaste pays à structure fédérale, très diversifié sur les plans religieux, linguistique et culturel, ne pourrait envisager de manière réaliste ou praticable une enquête centralisée sur l’existence du travail en servitude. C’est pourquoi le gouvernement central a enjoint les gouvernements des Etats de mener des études sur l’existence du travail en servitude au niveau local, avec le concours de leurs organismes de terrain, des ONG locales et des institutions de recherche;

-           il indique à nouveau que le Système centralisé de réinsertion des travailleurs libérés d’une servitude a été modifié en mai 2000 afin que les gouvernements des Etats bénéficient des crédits pour mener des enquêtes de manière régulière, une fois tous les trois ans, dans tous les districts sensibles.

6. Prenant note avec intérêt de ces informations sur les progrès réalisés, la commission réaffirme l’espoir qu’une enquête statistique sur le travail en servitude dans l’ensemble du pays sera enfin menée, en s’appuyant également sur les résultats obtenus grâce aux mesures ci-dessus mentionnées qui ont été prises aux niveaux des Etats et des districts. Elle prie le gouvernement de communiquer, dans son prochain rapport, les conclusions de ces enquêtes et de fournir des informations sur les activités menées par la Commission nationale des droits de l’homme dans le cadre de son suivi des progrès réalisés par les gouvernements des Etats en termes d’identification du travail en servitude et de réinsertion des travailleurs concernés.

Comités de vigilance

7. La commission avait également demandé des informations sur le fonctionnement des comités de vigilance, créés en application de la loi de 1976 sur le Système de travail en servitude (abolition) pour traiter de ce problème.

8. En ce qui concerne le fonctionnement des comités de vigilance, la commission prend note de ce qui suit:

-           dans son rapport de 2001, le gouvernement a indiqué qu’il existe des comités de cette nature dans 29 Etats et territoires de l’Union; qu’il en a été constitué au niveau du district et de la sous-division et que ces instances se réunissent régulièrement;

-           dans sa réponse aux commentaires de 2002 de la CISL (qui exprimait ses doutes quant au fonctionnement satisfaisant de ces comités), le gouvernement déclare qu’au cours des six derniers mois de 2002, ces comités de vigilance ont tenu 221 réunions et aucun cas de travail en servitude n’a été portéà leur connaissance;

-           dans sa réponse aux commentaires de la CISL de 2003, le gouvernement indique que, dans l’Etat du Pendjab, par exemple, il y a 84 comités de vigilance (17 au niveau du district et 67 au niveau de la sous-division) et que ces instances se réunissent régulièrement;

-           l’OIT met en œuvre un programme sous-régional (désigné en anglais par le sigle PEBLISA) tendant à prévenir et éliminer le travail en servitude dans le Sud asiatique, programme qui s’étend à quatre pays de la région, dont l’Inde. Ce programme traite des questions de libération et de réinsertion de travailleurs réduits en servitude, notamment au Tamil Nadu, en s’appuyant sur l’action de renforcement des capacités exercées par les comités de vigilance aux niveaux des panchayats et des districts.

9. A la lumière de ces éléments, la commission exprime l’espoir que le gouvernement continuera de fournir des informations sur le fonctionnement dans la pratique des comités de vigilance et sur les mesures prises ou envisagées pour accroître leur efficacité.

Application effective de la loi

10. Dans ses précédents commentaires, la commission se référait aux difficultés rencontrées pour faire appliquer la loi et venir à bout de la servitude pour dettes. Elle avait demandé des informations sur les poursuites engagées dans les différents Etats sur la base de la loi de 1976 portant abolition du système de servitude et sur les condamnations, non-lieux ou acquittements prononcés et s’était également interrogée sur le caractère adéquat des sanctions infligées. La commission avait fait observer que, vu sous l’angle de l’article 25 de la convention, le nombre de ces poursuites ne présentaient pas, apparemment, un rapport adéquat avec le nombre de personnes reconnues par le gouvernement comme ayant été réduites en servitude.

11. A cet égard, la commission prend note de ce qui suit:

-           dans sa communication reçue en 2003, la CISL se réfère à Anti-Slavery International, qui se déclare préoccupé par le fait que, dans certains Etats, les tribunaux de districts n’opèrent pas de manière efficace pour ce qui est de la libération des travailleurs en servitude ou du déclenchement de poursuites à l’encontre des individus ayant pratiqué cette forme de d’exploitation;

-           dans ses rapports de 2003 et 2004, le gouvernement indique que les chiffres exacts des poursuites engagées dans les cas d’infraction touchant au travail forcé ou au travail en servitude au cours de la période examinée ne sont pas disponibles mais qu’il a été demandé au gouvernement des Etats de les fournir, de manière à disposer d’informations authentiques;

-           dans sa réponse reçue en octobre 2004 aux observations formulées par la CISL en 2003, le gouvernement déclare que 4 859 cas de poursuite concernant du travail en servitude ont été recensés jusqu’à présent (contre 4 743 en décembre 2001). De l’avis du gouvernement, l’une des principales raisons pour lesquelles le nombre de poursuites et de condamnations en matière de travail forcé ou de travail en servitude est moins élevé, réside dans le système social et anthropologique de l’Inde et dans la mentalité des populations vivant dans le secteur rural et informel, où s’est instauré«de manière officieuse un équilibre» qui répond aux besoins de ces populations et qui comprend un système de règlement des conflits par voie de conciliation.

12. La commission exprime l’espoir que le gouvernement continuera de fournir, dans ses prochains rapports, des informations complètes sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions infligées, en communiquant copie des décisions de justice pertinentes.

Travail des enfants

13. Dans ses commentaires précédents, la commission avait soulevé un certain nombre de questions concernant les mesures prises pour éliminer le travail des enfants au sens de la convention (notamment le travail s’effectuant dans des conditions assez dangereuses ou assez pénibles pour qu’il ne puisse pas être considéré comme volontaire). La commission a pris note des éléments suivants:

-           dans ses rapports de 2001 et 2003, le gouvernement a indiqué que les données issues du recensement de 1991 situent le nombre des enfants qui travaillent dans le pays à 11,28 millions;

-           une enquête menée par le National Sample Survey Organization (NSSO) en 1999-2000 situe ce chiffre à 10,4 millions, les résultats du recensement de 2001 étant toujours attendus;

-           d’après la communication reçue de la CISL en juin 2002, les estimations du nombre d’enfants qui travaillent en Inde varient de 22 millions à 50 millions et les efforts déployés pour faire reculer ces chiffres n’ont pas produit beaucoup d’effets et doivent être considérés comme inadéquats eu égard à l’ampleur du problème, même si quelques progrès ont pu être constatés;

-           les informations présentées par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en juin 2003 concernant les efforts déployés par son gouvernement pour traiter de ce problème;

-           la réponse du gouvernement, reçue en août 2003, à son observation précédente;

-           les informations concernant l’application de la loi de 1986 sur le travail des enfants (interdiction et réglementation), laquelle prévoit la poursuite et la répression des employeurs qui font travailler des enfants dans des activités et selon des procédés qui sont interdits par cette loi;

-           les indications données par le gouvernement dans son rapport de 2003, selon lesquelles des inspections menées par les organes de répression ont révélé 21 246 infractions au cours des cinq dernières années, lesquelles ont donné lieu à 12 348 poursuites, qui ont abouti à 6 305 condamnations;

-           s’agissant de la mise en œuvre de projets nationaux sur le travail des enfants (dont le nombre a été portéà 100 en 1999), le gouvernement indique que ces projets contribuent activement à la réinsertion de 210 000 enfants retirés du travail, grâce à 4 002 écoles spécialisées et que près de 170 000 enfants ont à ce jour été insérés dans le système éducatif ordinaire grâce à ces écoles spécialisées;

-           dans son rapport de 2003, le gouvernement indique que près de 164 projets ont été mis en œuvre sous l’égide du Programme international pour l’élimination du travail des enfants (IPEC) dans divers districts où ce phénomène est endémique et que cela couvre environ 110 000 enfants;

-           qu’une Conférence nationale sur le travail des enfants s’est tenue le 22 avril 2003 (avec la participation des secrétaires d’Etat et des Hauts Commissaires des Etats au Travail, de fonctionnaires des ministères centraux, d’ONG et d’organisations internationales), pour se pencher plus particulièrement sur l’élimination du travail des enfants dans les activités dangereuses et sur le renforcement des mécanismes de mise en œuvre de la législation;

-           les observations finales formulées par le Comité des Nations Unies des droits de l’enfant suite à l’examen du rapport soumis par le gouvernement de l’Inde à ce même comité (document des Nations Unies CRC/C/15/Add.228, 26 février 2004), dans lequel le comité se déclare «vivement préoccupé par le nombre considérable d’enfants soumis à une exploitation économique, dont bon nombre travaillent dans des conditions dangereuses y compris dans des conditions d’asservissement, particulièrement dans le secteur informel, dans des entreprises familiales, comme domestiques, et dans l’agriculture. Le comité est en outre très préoccupé par le fait que les règles relatives à l’âge minimum d’admission à l’emploi sont rarement appliquées et qu’il n’est pas imposé d’amendes et de sanctions suffisantes pour amener les employeurs à respecter la loi». Le Comité des droits de l’enfant recommande également que la loi de 1986 sur le travail des enfants soit modifiée de manière à ce que les entreprises familiales, de même que les écoles et centres de formation publics, ne soient plus exemptées des interdictions d’employer des enfants et que l’Inde ratifie les conventions nos 138 et 182.

14. Tout en prenant note avec intérêt de l’engagement du gouvernement àéliminer le travail des enfants, engagement qui est exprimé dans les rapports du gouvernement et dans les déclarations faites par son représentant devant la Commission de la Conférence en 2003, ainsi que des efforts déployés par le gouvernement à cette fin, la commission:

-           exprime l’espoir que le gouvernement redoublera d’efforts dans ce domaine, notamment en ce qui concerne l’identification du travail des enfants et le renforcement des mécanismes d’application de la législation, de manière àéradiquer l’exploitation des enfants, notamment dans les activités dangereuses;

-           prie le gouvernement de communiquer, dans son prochain rapport, les résultats du plus récent recensement du nombre d’enfants qui travaillent dans le pays et d’aborder la question des divergences concernant les statistiques;

-           note que, selon les rapports du gouvernement de 2003, l’examen des conventions nos 138 et 182 dans la perspective de leur éventuelle ratification fait actuellement l’objet d’une discussion très active de la part du gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, les gouvernements des Etats et les autres organes concernés, et une réunion de la commission tripartite constituée pour examiner cette question a eu lieu en décembre 2002. La commission souhaiterait obtenir de plus amples informations à ce sujet.

Prostitution et exploitation sexuelle

15. Dans ses précédents commentaires, la commission avait accueilli favorablement l’adoption du Plan d’action national de lutte contre la traite des femmes et des enfants et leur exploitation sexuelle à des fins commerciales, parmi d’autres mesures positives prises par le gouvernement, de même que l’intention exprimée par ce dernier de revoir le cadre légal en vigueur, notamment la loi sur la traite immorale (prévention), le Code pénal de l’Inde, le Code de procédure pénale et la loi sur les preuves, en vue d’une répression plus ferme des auteurs d’infraction et d’une meilleure prise en compte des victimes. Cependant, la commission avait noté que, selon le rapport de la Commission sur la prostitution, la prostitution d’enfants et les enfants de prostituées (1998), il n’existe pas d’estimation fiable de l’ampleur du phénomène de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle en Inde. La commission avait exprimé l’espoir que des mesures seraient prises afin qu’il soit établi de telles statistiques, notamment en ce qui concerne les enfants qui se prostituent, ce qui contribuerait au processus de leur réinsertion.

16. La commission note que, dans son rapport de 2003, le gouvernement fait état de l’adoption de plusieurs mesures notamment:

-           une enquête sur la traite des êtres humains a été lancée dans le pays de manière à connaître les causes et les aspects comportementaux de toutes les parties prenantes, de saisir l’ampleur du phénomène et d’estimer le nombre de personnes concernées, de même que les itinéraires suivis;

-           une autre enquête a été commanditée pour connaître l’ampleur du phénomène de la prostitution dans le pays;

-           des statistiques communiquées par le gouvernement concernant le secours et la réadaptation des victimes de la traite sur le territoire de la capitale de Delhi et dans d’autres Etats et villes où ce phénomène sévit (Andhra Pradesh, Mumbai, Kolkata, Karnataka, Tamil Nadu, Radjastan, Bihar);

-           neuf projets-modèles dans le cadre du programme Grant-in-Aid, d’un coût approximatif de 4,2 millions de roupies, ont été approuvés pour l’exercice 2002-03 au titre de la lutte contre la traite, de la réinsertion des victimes; un certain nombre de services d’appui (centres d’hébergement de courte durée, crèches et centres de conseil familial) et un certain nombre de programmes de sensibilisation en faveur des femmes ont également été développés;

-           en matière de réforme législative, le gouvernement signale l’ouverture de consultations, suite aux recommandations formulées par la Commission législative de l’Inde dans son 172e rapport, l’objectif étant d’assurer que les victimes disposent de voies de recours et d’alourdir les sanctions prévues.

17. La commission prend note avec intérêt de ces informations et exprime l’espoir que le gouvernement continuera de fournir dans ses futurs rapports des informations sur l’action déployée pour lutter contre la traite des femmes et des enfants et leur exploitation sexuelle à des fins commerciales, dans le cadre du Plan d’action national susmentionné, notamment en ce qui concerne la révision et le développement du cadre législatif, de même que les projets de réinsertion.

Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

1. La commission prend note des rapports détaillés du gouvernement et de leurs annexes, reçus en janvier et en août 2001, qui répondent à ses commentaires précédents, et du rapport du gouvernement reçu en août 2002, qui répond à son observation générale de 2000 sur la traite de personnes. La commission prend également note de la discussion qui a eu lieu, pendant la 89e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2001), à la Commission de l’application des normes. Elle prend aussi note d’une communication, en date du 29 août 2001, de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), qui contient des commentaires d’Anti-Slavery International sur l’application de la convention en Inde, ainsi que la réponse du gouvernement à propos des ces commentaires. La commission prend aussi note des commentaires du Front national des syndicats indiens (NFITU), qui sont joints aux rapports de 2001 et de 2002 du gouvernement.

2. La commission prend note de deux nouvelles communications, en date des 11 juin et 2 septembre 2002, adressées par la CISL, qui contiennent des observations sur l’application de la convention en Inde. Elle relève que ces communications ont été adressées au gouvernement les 29 juillet et 2 octobre 2002 pour qu’il puisse formuler les commentaires qu’il jugerait utiles. La commission espère que le gouvernement joindra à son prochain rapport ses commentaires à propos de ces observations.

Travail en servitude

3. Dans ses commentaires précédents, la commission a maintes fois attiré l’attention sur l’impérieuse nécessité de réunir des données statistiques précises sur le nombre de personnes encore réduites en servitude, à l’aide de méthodes statistiques fiables, dans le but d’identifier et de libérer ces personnes. Elle note que, selon les données fournies dans les rapports du gouvernement de 2001, entre l’adoption en 1976 de la loi sur l’abolition du travail en servitude et le 31 mars 2000, 280 411 travailleurs en servitude ont été recensés et 251 569 ont été réinsérés. Toutefois, selon la communication de la CISL reçue en juin 2002, la grande majorité des estimations du nombre de travailleurs forcés en Inde va de 5 millions au chiffre beaucoup plus élevé, selon des recherches récentes d’Anti-Slavery International, de 20 millions. Dans la communication de la CISL, Anti-Slavery International insiste sur la nécessité de réaliser une enquête nationale approfondie pour déterminer le nombre total de travailleurs en servitude dans le pays, en recourant aux services d’un organe indépendant qui contribuera à l’élaboration d’une méthodologie et à la réalisation de l’enquête.

4. La commission note que le gouvernement, à nouveau, indique dans ses rapports qu’il ne reconnaît pas les résultats de l’enquête réalisée en 1978-79 par la Fondation Gandhi pour la Paix et l’Institut national du Travail. Cette enquête fait état de 2,6 millions de travailleurs en servitude. Le gouvernement estime que la méthodologie d’enquête n’était pas scientifique. Le gouvernement déclare aussi que le recensement de ces travailleurs a donné lieu à beaucoup de problèmes et de difficultés; il ne s’agit pas d’un simple comptage, qui peut être normalement effectué par le biais de tout autre type de recensement, mais d’une tâche difficile qui requiert un effort exceptionnel, compte étant tenu de la situation sociale et psychologique délicate des victimes. De l’avis du gouvernement, le problème du travail en servitude a des aspects dynamiques: un système de travail en servitude peut apparaître et réapparaître à tout moment dans n’importe quel secteur ou profession. Une vigilance et une surveillance permanentes, ainsi que des mesures institutionnelles, sont donc nécessaires. Ayant précédemment noté l’indication du gouvernement, à savoir qu’il incombe directement aux gouvernements des Etats du pays intéressés d’identifier et de libérer les travailleurs en servitude, et que les gouvernements des Etats du pays sont réticents à participer à ce type d’activité, la commission avait enjoint le gouvernement de prendre des mesures efficaces pour faire en sorte qu’ils s’associent rapidement à un effort coordonné dans ce sens. La commission note que, selon le rapport du gouvernement de 2001 et la déclaration que le représentant gouvernemental a formulée en 2001 à la Commission de la Conférence, tous les gouvernements des Etats ont réalisé d’octobre à décembre 1996 des enquêtes, lesquelles ont permis à sept gouvernements d’Etats d’identifier 28 916 travailleurs en servitude, à partir de dépositions enregistrées par la Cour suprême. La commission note également que le représentant gouvernemental, au cours de la discussion de la Commission de la Conférence, a déclaré que l’on comptait 172 districts sensibles dans 13 Etats où des cas de travail en servitude ont été signalés. A cet égard, la commission prend note avec intérêt des mesures constructives dont le gouvernement fait mention, entre autres la modification en mai 2000 du système centralisé de patronage pour la réinsertion des travailleurs en servitude, en vertu de laquelle une aide financière complète sera fournie au gouvernement des Etats pour qu’ils réalisent régulièrement, tous les trois ans, des enquêtes sur le travail en servitude dans chaque district sensible. Par ailleurs, des bourses seront accordées en vue d’activités de sensibilisation et d’études d’évaluation (cinq études par an et par gouvernement) sur l’impact des questions relatives aux dettes foncières qui lient des travailleurs en servitude, et sur l’impact des programmes et de l’aide financière destinés à alléger la pauvreté que prévoient plusieurs programmes gouvernementaux. Le gouvernement indique dans son rapport de 2001 que, pendant l’exercice financier en cours (2001-02), des enquêtes sur le travail en servitude ont été menées dans 57 districts en tout et qu’il a été demandé aux gouvernements des autres Etats de formuler des propositions en vue de la réalisation d’enquêtes sur ce sujet. Les résultats des enquêtes devront être communiqués au ministère du Travail.

5. Tout en prenant note de ces informations et des difficultés dont le gouvernement fait état pour l’élaboration d’une enquête visant à identifier les travailleurs en servitude, la commission souligne de nouveau qu’il est essentiel de disposer de données précises, tant pour élaborer les systèmes les plus efficaces possibles pour lutter contre le travail en servitude que pour évaluer de façon fiable l’efficacité de ces systèmes. Prenant également note des conclusions de la Commission de la Conférence, dans lesquelles celle-ci, une fois de plus, a demandé instamment au gouvernement de réaliser une étude statistique dans tout le pays sur le travail en servitude en recourant à une méthodologie fiable, en collaboration avec les organisations de travailleurs et d’employeurs et avec les organisations et institutions de défense des droits de l’homme, la commission espère que cette étude sera enfin préparée (en prenant également compte des résultats obtenus grâce aux mesures susmentionnées qui ont été prises à l’échelle d’Etats et de districts). Prière également de continuer de fournir des informations sur le système centralisé de patronage pour la réinsertion de travailleurs forcés dont la modification a étéévoquée plus haut.

6. Dans ses commentaires précédents, la commission a demandé des informations sur le fonctionnement des comités de surveillance qui, en vertu de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes, doivent être établis à cette fin. Selon les informations que le gouvernement a fournies dans son rapport de 2001, des comités sont en place dans 29 Etats et territoires de l’Union. Institués à l’échelle des districts et des sous-divisions, ils se réunissent régulièrement. Toutefois, la commission note que, en réponse aux commentaires d’Anti-Slavery International que la CISL a transmis et qui mettaient en doute le bon fonctionnement de ces comités, le gouvernement a reconnu que, dans certains cas, les comités ne peuvent pas se réunir régulièrement, étant donné le nombre énorme de districts dans le pays et les nombreuses autres tâches que les fonctionnaires de districts doivent effectuer. Cela étant, ces cas sont exceptionnels. La commission espère que le gouvernement apportera des éclaircissements à ce sujet dans son prochain rapport, ainsi que des informations sur les mesures prises ou envisagées pour garantir le bon fonctionnement des comités de vigilance.

7. En ce qui concerne d’autres initiatives que le gouvernement a prises pour éliminer la servitude pour dettes partout dans le pays, la commission prend note avec intérêt des initiatives suivantes: l’augmentation, de 10 000 à 20 000 roupies, de la bourse de réintégration versée à chaque travailleur en servitude qui a été libéré, au moyen de la modification du système centralisé de patronage pour la réinsertion des travailleurs en servitude; des visites sur le terrain de hauts fonctionnaires (entre juillet 1999 et avril 2000) pour superviser l’utilisation des fonds alloués à la réinsertion de travailleurs en servitude, et pour examiner et suivre les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude; des réunions organisées régulièrement par le ministère du Travail, avec des représentants des gouvernements des Etats (la dernière s’étant tenue en février 2002), pour examiner l’application de la loi et du système susmentionné; les efforts que la Commission nationale des droits de l’homme déploie pour superviser l’application de la loi susmentionnée, sur les instructions de la Cour suprême de l’Inde.

8. Tout en prenant note avec intérêt de ces informations, la commission souligne de nouveau que plus de 25 ans se sont écoulés depuis l’adoption de la loi portant l’abolition du système de servitude mais que ce système persiste dans le pays. Le gouvernement devrait donc redoubler d’efforts pour l’éliminer. La commission espère que le gouvernement continuera de fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cette fin.

9. Dans ses précédents commentaires, la commission s’était référée aux difficultés rencontrées pour faire appliquer la loi et pour éliminer la servitude pour dettes. Elle avait demandé des renseignements sur le nombre des poursuites engagées et des condamnations et acquittements prononcés dans les différents Etats, conformément à la loi de 1976 portant abolition du système de servitude. Elle s’était aussi interrogée sur l’adéquation des sanctions infligées. La commission prend note des commentaires du Front national des syndicats indiens, qui ont été joints au rapport de 2001 du gouvernement, dans lesquels cette organisation souligne que l’une des raisons qui expliquent l’existence de la servitude pour dettes est le fait que les mécanismes d’application de la loi sont inefficaces et ne fonctionnent pas bien. Elle prend note également, à la lecture des commentaires transmis par la CISL, qu’Anti-Slavery International s’est dit préoccupée par le fait que, le plus souvent, les personnes reconnues coupables d’avoir recouru à la servitude pour dettes ne sont pas poursuivies. Selon la réponse du gouvernement à propos de ces commentaires, depuis l’adoption en 1976 de la loi susmentionnée, des poursuites ont été engagées dans le cadre de cette loi dans 4 743 cas. Cela étant, on ne dispose pas d’informations sur les condamnations et les sentences qui ont été prononcées. Selon le gouvernement, réunir ces informations est difficile et prend beaucoup de temps. La commission fait observer que, au regard de l’article 25 de la convention, le nombre de poursuites engagées en vertu de la loi en question ne semble pas suffisant si on le compare au nombre de travailleurs en servitude, dont le gouvernement a fait état, qui ont été identifiés et libérés. La commission espère donc que des mesures appropriées seront prises pour engager des poursuites à l’encontre des auteurs de ces actes, et que le gouvernement l’informera sur le nombre de condamnations prononcées et de sanctions appliquées, et transmettra copie des décisions de justice pertinentes. Le jugement et l’imposition des sanctions doivent faire partie d’une approche cohérente pour combattre le travail en servitude.

Travail des enfants

10. Dans ses commentaires précédents, la commission avait soulevé plusieurs questions concernant les mesures prises pour éliminer le travail des enfants au sens de la convention (notamment, le travail dans des conditions assez dangereuses ou pénibles pour qu’il ne puisse pas être considéré comme volontaires). A cet égard, la commission prend note des informations du Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) et des observations finales que le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a formulées à la suite de son examen du rapport de l’Inde sur l’application de la convention relative aux droits de l’enfant (document des Nations Unies CRC/C/15/Add.115, 23 février 2000). Dans ses observations finales, le Comité des droits de l’enfant s’est dit préoccupé par le fait que «de très nombreux enfants travaillent, notamment dans des conditions d’asservissement, tout particulièrement dans le secteur informel, dans des entreprises familiales, comme domestiques, et dans l’agriculture, et qu’ils sont très souvent exposés à des risques». Le comité s’est dit aussi préoccupé par le fait que «les règles relatives à l’âge minimum à l’emploi sont rarement appliquées et qu’il n’est pas imposé d’amendes et des sanctions suffisantes pour amener les employeurs à respecter la loi».

11. La commission a reçu en juin 2002 des observations de la CISL sur ce point et sur d’autres, qu’elle a transmises au gouvernement en juillet 2002. Le gouvernement n’y a pas encore répondu. Selon ces observations, le nombre d’enfants qui travaillent en Inde serait compris entre 22 et 50 millions, et les efforts déployés pour faire reculer le travail des enfants n’ont pas encore eu assez d’impact et sont jugés insuffisants pour faire face à l’ampleur du problème. Néanmoins, selon ces observations, des progrès ont été enregistrés. Le gouvernement indique dans son rapport de 2001 que le recensement de 1991 montre qu’environ 11 280 000 enfants travaillent dans le pays. Par ailleurs, on attend les résultats du recensement du début de 2001. La commission espère que le gouvernement répondra à propos de ces observations dans son prochain rapport et qu’il fournira les résultats du dernier recensement.

12. La commission prend note des informations que le représentant gouvernemental a données en juin 2001 à la Commission de la Conférence sur les efforts que le gouvernement déploie pour traiter cette question, et de la réponse reçue en août 2001 du gouvernement à son observation précédente. La commission prend note des renseignements suivants:

-           à la suite de mesures directes que le ministère du Travail a prises en application des instructions que la Cour suprême a données dans son jugement du 10 décembre 1996, au 31 mars 2001 on dénombrait 130 210 enfants qui effectuaient des tâches dangereuses et 392 139 enfants occupés à des tâches sans danger, dans les 30 Etats et territoires de l’Union qui ont donné des informations à ce sujet; des fonds en vue de la réinsertion des enfants qui travaillent et de leur protection ont été constitués à l’échelle du district par les gouvernements des Etats intéressés et, outre les mesures prises pour obtenir des indemnités (20 000 roupies par enfant au travail et par employeur), des poursuites au pénal ont été engagées contre ces employeurs;

-           en vertu d’une notification émise le 10 mai 2001, six procédures dans la catégorie des tâches dangereuses ont été ajoutées à l’annexe de la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants. Ainsi, le nombre total de ce type de tâches et de procédures est de 13 et de 57 respectivement (le nombre de types de tâches dangereuses étant resté inchangé);

-           à la demande du ministère du Travail, le règlement de conduite de 1984 dans la fonction publique centrale et le règlement de conduite de 1961 dans les services de l’ensemble de l’Inde ont été modifiées en vertu des notifications du 14 octobre 1999 et du 1er février 2000, lesquelles interdisent l’emploi d’enfants de moins de 14 ans en tant que fonctionnaires; les gouvernements des Etats apporteront également des modifications aux règlements de conduite dans le service civil du gouvernement de l’Etat;

-           l’application des projets nationaux sur le travail des enfants (dont le nombre est passéà 100 en 1999) est régulièrement supervisée par un comité central constituéà cette fin, qui comprend entre autres des représentants du gouvernement central et les secrétaires du travail des gouvernements des Etats;

-           en tout, 160 programmes d’action ont été lancés pour mettre en œuvre le programme de l’IPEC de 1992 à 2000; le nombre total d’enfants couverts est de 90 574;

-           une conférence nationale sur le travail des enfants s’est tenue à New Delhi le 22 janvier 2001. L’accent a été mis en particulier sur l’élimination du travail des enfants (tâches dangereuses) et sur le renforcement des mécanismes d’application de la loi.

13. Tout en prenant note de ces informations, ainsi que de l’engagement que le gouvernement a pris, par la voix de son représentant à la discussion de la Commission de la Conférence en 2001, d’éliminer le travail des enfants, la commission espère que le gouvernement poursuivra ses efforts dans ce domaine, en particulier pour identifier les enfants qui travaillent et pour renforcer les mécanismes de la loi, de façon à mettre un terme à l’exploitation d’enfants, en particulier dans des tâches dangereuses. Elle demande au gouvernement de l’informer en détail sur ces questions dans son prochain rapport.

14. En ce qui concerne, plus particulièrement, le travail des enfants dans le secteur informel, le gouvernement indique dans son rapport de 2001 qu’il n’envisage pas d’étendre la portée de la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants et de la loi de 1948 sur les fabriques. En effet, il estime que le travail des enfants ne peut pas être éliminé par le biais de mesures coercitives et d’inspections mais par une approche globale, intégrée et convergente qui se souciera de l’épanouissement physique et mental de l’enfant, des mesures effectives et rigoureuses devant être prévues pour atténuer la pauvreté de la famille, à savoir l’application résolue et effective de programmes de développement. A propos de la loi sur les fabriques, le gouvernement estime que, d’un point de vue logistique et économique, il est impossible de contrôler toutes les entreprises et ateliers, quelle que soit leur taille, dans le but d’éliminer le travail des enfants. La commission souligne à cet égard, après avoir pris note des recommandations contenues dans les observations finales du Comité des droits de l’enfant, qu’il est essentiel d’élaborer des dispositions législatives et de renforcer les dispositions existantes et les mécanismes d’application de la loi, et de prendre des mesures socio-économiques pour éliminer véritablement le travail des enfants. Elle espère que les mesures appropriées seront prises pour étendre la portée de la législation. Elle demande au gouvernement de continuer de l’informer sur les mesures prises pour lutter contre le travail des enfants dans le secteur informel, par exemple dans les petites entreprises qui ne sont pas encore couvertes par la loi sur les fabriques, dans le secteur artisanal et, en particulier, dans les tâches dangereuses pour les enfants.

15. La commission prend note des indications du gouvernement qui figurent dans son rapport de 2001, ainsi que de la déclaration du représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 2001, à savoir que l’examen des conventions nos 138 et 182, en vue de leur ratification, a été entamé et qu’une réunion interministérielle s’est tenue pour évaluer les incidences de la ratification de la convention no 182. La commission espère que le gouvernement tiendra le BIT informé de tout fait nouveau à cet égard.

Prostitution et exploitation sexuelle

16. La commission prend note des informations que le gouvernement a fournies dans les rapports de 2001 et de 2002 à propos de ses commentaires précédents, de l’indication donnée par le représentant gouvernemental en juin 2001 à la Commission de la Conférence, et du rapport de 1998 du Comité sur la prostitution, les enfants prostitués et les enfants de prostituées qu’a élaboré le Département de la femme et de l’enfance du ministère du Développement des Ressources humaines, rapport que le gouvernement a fourni. Elle prend note en particulier des mesures suivantes que le gouvernement a prises:

-           élaboration d’un plan national d’action, en 1998, pour lutter contre la traite de femmes et d’enfants et contre leur exploitation sexuelle à des fins commerciales;

-           constitution d’une commission nationale consultative, ainsi que de commissions consultatives à l’échelle des Etats, pour lutter contre la traite de personnes et réinsérer les victimes de cette traite et les victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales; le gouvernement envisage aussi de créer une cellule centrale au sein du ministère de l’Intérieur pour superviser et coordonner les mesures prises par divers organismes nationaux ou dans le cadre de programmes de prévention, de libération et de réinsertion de femmes et d’enfants victimes de ces pratiques;

-           création de foyers, en application de l’article 21 de la loi de 1956 sur la prévention des trafics immoraux, à l’intention exclusive des jeunes filles et des femmes détenues en application de cette loi et des personnes qui souhaitent être protégées contre la prostitution forcée;

-           réexamen du cadre juridique en vigueur, y compris la loi sur la prévention des trafics immoraux, le Code pénal indien, le Code de procédure pénale et la loi sur la présentation de preuves, afin d’appliquer des sanctions plus sévères aux auteurs de trafic et de rendre la loi plus favorable aux victimes;

-           adoption d’une législation pour interdire les traditions Devdasi et Jogin d’exploitation sexuelle (dans les Etats d’Andra Pradesh, Karnataka et de Maharashtra);

-           mise en place de projets de réinsertion des femmes Devdasi et Jogin victimes de cette exploitation, dans le cadre de programmes de formation et d’emploi des femmes, par exemple le Pogramme d’aide à la formation et à l’emploi;

-           réalisation d’enquêtes dans plusieurs Etats pour identifier et réinsérer les femmes Devdasis et Jogins victimes de cette exploitation;

-           ratification par l’Inde du protocole international visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, et ratification de la Convention de l’Association sud-asiatique de coopération régionale sur la lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle à des fins commerciales de femmes et d’enfants.

17. La commission se félicite des mesures susmentionnées et de l’engagement que le gouvernement a pris de lutter contre ce problème. Toutefois, elle note à la lecture du rapport de la Commission sur la prostitution, les enfants prostitués et les enfants de prostituées dont il est question plus haut que, malgré l’existence de plusieurs études et rapports sur l’exploitation sexuelle à des fins commerciales de femmes et d’enfants, on ne dispose pas de données fiables sur l’ampleur de la traite de personnes et de l’exploitation à des fins commerciales en Inde. La commission espère que, malgré les difficultés qui existent pour estimer l’ampleur de ce problème, dont le gouvernement fait état, des mesures seront prises pour collecter des statistiques fiables, y compris en ce qui concerne les enfants prostitués, afin de faciliter la réinsertion de ces personnes. Elle demande aussi au gouvernement de continuer de l’informer sur les mesures prises pour lutter contre la traite et l’exploitation sexuelle à des fins commerciales de femmes et d’enfants et, en particulier, sur la révision du cadre législatif en vigueur, sur l’élaboration d’un nouveau cadre législatif et sur la mise en œuvre des projets de réinsertion.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2003.]

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

1. La commission prend note de la réponse orale donnée par le gouvernement à ses observations antérieures lors de la 88esession (juin 2000) de la Commission de l’application des normes de la Conférence. Elle regrette toutefois que le gouvernement n’ait pas fourni de rapport écrit pour examen à sa présente session à la suite du long débat qui a eu lieu au sein de la Commission de la Conférence. Elle espère que le gouvernement soumettra très prochainement un rapport écrit qui contiendra des informations détaillées en réponse aux observations formulées ci-dessous.

Travail en servitude

2. La commission rappelle qu’elle a maintes fois attiré l’attention sur l’impérieuse nécessité de réunir des données statistiques précises sur le nombre de personnes toujours réduites en servitude, à l’aide de méthodes statistiques fiables dans le but d’identifier et de libérer ces personnes. Elle rappelle que les estimations vont de 280 340 personnes identifiées par le gouvernement au 31 mars 1999 à une dizaine de millions mentionnée par les organisations non gouvernementales. Dans le passé, des chiffres officiels beaucoup plus élevés que ceux récemment cités par le gouvernement ont été avancés en Inde, par exemple à la suite de l’enquête conduite en 1978-79 par la Fondation Gandhi pour la paix et l’Institut national du travail, qui faisait état de 2,6 millions de personnes. Constatant que les gouvernements des Etats du pays sont réticents à participer à ce type d’exercice, la commission  enjoint à nouveau au gouvernement de prendre des mesures efficaces pour faire en sorte qu’ils s’associent rapidement à un effort coordonné dans ce sens. Elle note par exemple que les Etats ont tardéà réagir ou n’ont pas répondu du tout à la proposition que leur a récemment faite le gouvernement central de leur attribuer le financement nécessaire pour recenser les districts dans lesquels le travail en servitude existe encore, examiner les raisons de cette situation et envisager des moyens d’abolir la pratique. Elle rappelle que la Commission de la Conférence a instamment invité le gouvernement à entreprendre une enquête complète et faisant autorité.

3. Le gouvernement est revenu sur les problèmes techniques qui rendent difficile le recensement des travailleurs réduits en servitude. La commission note que, devant la Commission de la Conférence, le gouvernement a fait référence à une récente décision de la Cour suprême, en vertu de laquelle, lorsqu’une personne travaille gratuitement, la présomption est qu’elle y est contrainte en raison d’une dette ou d’une autre forme d’exploitation économique. Le représentant du gouvernement a précisé que cette décision avait été communiquée au district et aux autres subdivisions administratives dans l’espoir qu’elle contribuera à libérer ces travailleurs. La commission prie le gouvernement de communiquer le texte de cette décision et d’indiquer si elle a été mise en œuvre au niveau des Etats en contribuant à l’identification des travailleurs en servitude.

4. En l’absence de rapport écrit, la commission ne dispose pas d’informations en réponse à ses précédentes demandes d’information concernant, notamment, les mesures prises pour la libération de travailleurs en servitude dans plusieurs Etats pendant l’année 1998-99, mentionnés dans le rapport antérieur; une proposition à l’étude au ministère des Finances visant à octroyer une somme d’argent à chaque travailleur libéré de la servitude; l’envoi de hauts fonctionnaires dans certaines régions pour évaluer et contrôler les progrès accomplis dans l’application de la loi de 1976 sur l’abolition du travail en servitude; et les réunions d’évaluation organisées entre le ministère du Travail et les gouvernements des Etats. La commission réitère par conséquent la demande d’informations écrites sur les progrès réalisés concernant tous ces points qu’elle avait formulée dans sa précédente observation.

5. La commission espère également qu’un projet de l’OIT développéà la suite de l’adoption récente de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail aidera le gouvernement dans sa lutte avec le travail en servitude. Le projet, prévu pour une période initiale de trois ans, vise à induire des institutions de microfinancement existantes à développer, mettre à l’épreuve et proposer des produits d’épargne et de crédit adaptés aux besoins de familles vulnérables risquant de tomber dans la servitude, ou déjà en servitude, ou, après leur libération, des produits aptes à aider leur réinsertion.

Le travail des enfants

6. La commission rappelle que, dans sa précédente observation, elle avait soulevé plusieurs questions concernant les mesures prises pour éliminer le travail des enfants relevant de la convention (notamment, travail dans des conditions assez dangereuses ou pénibles pour que le travail en question ne puisse être considéré comme volontaire). Elle était saisie sur ce point et d’autres d’observations de la Confédération internationale des syndicats libres auxquelles le gouvernement n’a pas répondu. Elle prend note de l’assurance donnée en juin 2000 à la Commission de la Conférence concernant les efforts déployés par le gouvernement pour résoudre ce problème, mais elle demande à nouveau au gouvernement de répondre aux différents points soulevés dans cette observation, à savoir:

8. S’agissant du travail des enfants, la commission prend note des informations en la matière fournies par le Programme international de l’OIT pour l’élimination du travail des enfants (IPEC) ainsi que du rapport du gouvernement à la Commission des Nations Unies sur les droits de l’enfant (doc. ONU.CRC/C/28/Add.10, 7 juillet 1997).

11. La commission prend note de l’information contenue dans la communication de l’Anti-Slavery International [Note: transmise par la Confédération internationale des syndicats libres et donc recevable par la commission] selon laquelle de nombreuses petites unités de production - avec  moins de dix personnes lorsque l’électricité n’est pas utilisée ou moins de 20 lorsque l’électricité est utilisée - ne sont pas sujettes à inspection en vertu de la loi de 1948 sur les fabriques. De telles unités, par exemple dans la production de «pappad» (appalam) ou dans certaines tanneries, emploient des enfants directement ou indirectement, et aussi en tant que travailleurs en servitude.

12. La commission demande au gouvernement de:

-            faire des commentaires sur la communication ci-dessus de l’Anti-Slavery International et d’indiquer quelles mesures ont été prises pour s’attaquer au travail des enfants dans les secteurs non organisés, par exemple dans les petites unités non couvertes par la loi sur les fabriques ou dans les industries familiales, particulièrement lorsque de tels emplois sont dangereux pour l’enfant;

-            établir un rapport sur l’évaluation de l’impact de la notification du 27 janvier 1999 étendant la liste des emplois et procédés dangereux annexée à la loi de 1986 sur l’interdiction et la réglementation du travail des enfants;

-            communiquer des copies des rapports de l’autorité nationale pour l’élimination du travail des enfants sur les actions entreprises pour éliminer le travail des enfants et particulièrement le travail des enfants en servitude;

-            fournir des informations sur la manière dont il est donné effet aux instructions de la Cour suprême dans son jugement mentionné plus haut.

7. En outre, la commission prend note des observations finales formulées par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies après avoir examiné le rapport du gouvernement de l’Inde sur la Convention relative aux droits de l’enfant (doc. ONU.CRC/C/15/Add.15, 23 février 2000). Ce comité indique, entre autres, qu’il «reste préoccupé par le fait que de très nombreux enfants travaillent, notamment dans des conditions d’asservissement, tout particulièrement dans le secteur informel, dans des entreprises familiales, comme domestiques, et dans l’agriculture, et qu’ils sont très souvent exposés à des risques. Le comité est préoccupé par le fait que les règles relatives à l’âge minimum d’admission à l’emploi sont rarement appliquées et qu’il n’est pas imposé d’amendes et de sanctions suffisantes pour amener les employeurs à respecter la loi». Le Comité des droits de l’enfant formule plusieurs recommandations que la commission ne peut que partager: il recommande d’amender la loi de 1986 sur le travail des enfants de manière à ce que les entreprises familiales de même que les écoles et centres de formation publics ne soient plus exemptés des interdictions d’employer des enfants; de modifier la loi de 1948 sur les fabriques pour qu’elle s’applique à toutes les usines et à tous les ateliers employant des enfants; de modifier la loi sur les bidis afin d’éliminer les exemptions applicables à la production familiale. Le Comité des droits de l’enfant formule encore d’autres recommandations et préconise notamment que l’Inde ratifie les conventions nos 138 et 182 de l’OIT.

8. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur tous ces points.

Prostitution et exploitation sexuelle

9. Dans ses précédents commentaires, la commission avait posé une série de questions en réponse auxquelles elle souhaitait recevoir des informations détaillées. Bien que le gouvernement n’ait pas soumis de rapport écrit, le représentant gouvernemental, qui s’est exprimé en juin 2000 devant la Commission de la Conférence, s’est déclaré d’avis que la législation nationale était parfaitement conforme à la convention no29, mais il a ajouté que, malgré ces mesures législatives, la pauvreté et le chômage qui sévissent dans tout le pays pouvaient engendrer des situations d’exploitation des enfants. Il a indiqué qu’il était donc nécessaire de renforcer les mécanismes d’application de ces dispositions de sorte que toutes les plaintes fassent l’objet d’enquêtes appropriées et que les délits soient punis. Il a en outre fait état d’une enquête réalisée dans six villes par le Conseil central de l’assistance sociale, qui a dénombré 70 000 à 100 000 prostituées en Inde dont 30 pour cent sont âgées de moins de 20 ans. Il a également mentionné une stratégie consistant à améliorer les ressources économiques des familles et à sensibiliser l’opinion publique à ce problème. Enfin, il a fait observer que le gouvernement d’Uttar Pradesh avait commandé une étude sur la prostitution des enfants et a assuré que cette étude serait mise à la disposition du BIT dès son achèvement.

10. La commission exprime à nouveau le ferme espoir que le gouvernement prendra des mesures strictes dans les plus brefs délais pour lutter contre les diverses formes de travail forcé qui subsistent dans le pays et qu’il continuera à soumettre des rapports écrits et oraux au BIT sur ces efforts. Elle considère qu’il est particulièrement important de faire participer à la fois le gouvernement central et les gouvernements provinciaux à cet effort et de mobiliser les ressources financières et politiques nécessaires pour aboutir à un résultat.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2001.]

Observation (CEACR) - adoptée 1999, publiée 88ème session CIT (2000)

La commission prend note des réponses détaillées du gouvernement contenues dans le rapport du 18 août 1999 et dans ses annexes ainsi que du rapport daté du 5 novembre 1999 qui répond aux questions soulevées par les communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datées du 23 septembre et du 11 octobre 1999. De plus, la commission prend note des informations dans la communication du gouvernement du 3 décembre 1999.

Les trois importants problèmes de travail forcé auxquels il est fait référence dans les documents ci-dessus concernent le travail en servitude, la situation vulnérable des enfants contraints par de graves difficultés économiques ou autres à travailler dans des industries, des emplois ou de toute autre manière, dans les secteurs formel et informel, et les enfants employés à des fins de prostitution.

Travail en servitude

1. La commission note qu'une des questions controversées en la matière concerne la fiabilité des statistiques sur le nombre de travailleurs en servitude en Inde. Dans la communication d'Anti-Slavery International transmise par la CISL, des critiques ont été émises et ont insisté sur la nécessité d'une enquête approfondie sur le travail en servitude. En recommandant avec insistance une telle action, l'Anti-Slavery International se réfère à la recommandation similaire faite par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à sa soixantième session (Genève, 1997) au paragraphe 29 de son rapport, dans lequel cette commission recommandait qu'une "étude approfondie soit entreprise de manière urgente". Des estimations sur le nombre de travailleurs en servitude en Inde ont varié d'environ 10 millions selon l'Anti-Slavery International à 5 à 10 millions selon les membres employeurs lors de la 86e session de la Conférence internationale du Travail (Genève, 1998) et 280 340 identifiés à la date du 31 mars 1999 selon le gouvernement.

2. Le gouvernement a déclaré que, depuis l'adoption de la loi de 1976 tendant à l'abolition du système du travail en servitude jusqu'en mars 1999, 280 340 travailleurs en servitude ont été recensés par les gouvernements des Etats, 243 375 ont été libérés et réhabilités, 20 000 environ sont morts ou ont émigré vers d'autres régions et 17 000 sont en voie d'être réhabilités. Le gouvernement a également indiqué que, au 31 mars 1999, des mesures avaient été initiées pour libérer et réhabiliter 11 578 travailleurs en servitude sur 24 918 travailleurs en servitude recensés au Tamil Nadu. Le gouvernement se réfère aussi aux études menées par des gouvernements des Etats pendant la période d'octobre à décembre 1996 en exécution des instructions de la Cour suprême et qui ont abouti au recensement de 23 916 travailleurs en servitude. Le gouvernement indique que ses statistiques sont fondées sur des enquêtes détaillées menées par les gouvernements des Etats concernés et qu'il s'agit de chiffres authentiques et réalistes basés sur un travail effectué au niveau de la base.

3. La commission reconnaît que la compilation de données précises peut être difficile. Cela est rendu plus difficile par la structure fédérale du gouvernement et par les difficultés de coordination avec les régions locales. Il y a aussi le problème fréquent de l'absence de visibilité du travail en servitude. Les utilisateurs font des efforts pour déguiser leurs opérations et les victimes sont parfois si effrayées et opprimées qu'elles ne veulent pas en admettre l'existence.

4. Tout en reconnaissant ces difficultés, la commission est préoccupée par la disparité des statistiques au cours des années et invite le gouvernement à entreprendre une enquête approfondie utilisant une méthodologie statistique valable et susceptible d'être ventilée par genre. La commission encourage le gouvernement à recourir aux services d'un organisme indépendant pour l'assister en vue du développement de la méthodologie et de la conduite de l'enquête. La commission note que le gouvernement avait réalisé l'enquête de 1978-79 sous les auspices communs de la Fondation Gandhi pour la paix et de l'Institut national du travail. La commission souligne le fait que des données précises sont une étape indispensable pour le développement des systèmes les plus efficaces pour combattre le travail en servitude ainsi que pour la fourniture d'une base réelle pour l'évaluation de l'efficacité de ces systèmes.

5. S'agissant des initiatives prises par le gouvernement pour éradiquer le travail en servitude dans l'ensemble du pays, la commission note, à partir du rapport du gouvernement, que les actions comprennent les éléments suivants:

-- en 1998-99, 5 960 travailleurs en servitude ont été réhabilités en vertu d'un projet soutenu par le gouvernement central dans les Etats de Tamil Nadu, Uttar Pradesh, Bihar et Orissa;

-- s'agissant de la réhabilitation, le gouvernement a fait une proposition visant à accorder 20 000 roupies de subvention à chaque travailleur en servitude; ce projet est actuellement en cours de consultation avec le ministère des Finances. D'autres primes sont disponibles en vertu de divers programmes antipauvreté, tels que l'Indira Awas-Yojna, le Programme national de travail rural (NREP), le Programme intégré de développement rural (IRDP) et la Pension vieillesse, etc., pour prêter assistance aux travailleurs libérés de la servitude en vue de leur réhabilitation effective;

-- des hauts fonctionnaires ont été chargés de visiter certaines régions pendant la période d'août 1998 à février 1999 pour étudier et contrôler les progrès accomplis par les gouvernements des Etats dans l'application de la loi de 1976 sur l'abolition du système du travail en servitude et du Plan de 1978 de réhabilitation des travailleurs en servitude. La commission a également pris note des copies des instructions et des lignes directrices données aux fonctionnaires des gouvernements des Etats;

-- des réunions d'évaluation sont tenues régulièrement au niveau central par le ministère du Travail avec les représentants des gouvernements des Etats, dont la dernière s'est tenue en décembre 1998. Lors de la réunion de décembre, il fut décidé de mener de nouvelles enquêtes pour identifier les travailleurs en servitude, pour faire divers aménagements après leur identification, tels que délivrer des certificats de libération ou rapatrier les travailleurs lorsqu'ils sont immigrés, etc., pour formuler des propositions pour la réhabilitation et pour intenter des poursuites contre les employeurs en vertu des dispositions de la loi. Il a été demandé aux représentants des gouvernements des Etats d'assurer la mise en place de comités de vigilance au niveau des districts et en dessous, comme prévu par l'article 13 de la loi, de convoquer régulièrement ces comités et de maintenir une surveillance étroite et constante de la survenance et de la réapparition du travail en servitude dans leurs aires de compétence. D'autres réunions furent également tenues avec les gouvernements des Etats du Tamil Nadu, Bihar et Uttar Pradesh en mars et juillet 1999. Lors de ces dernières, les gouvernements des Etats ont été invités à mener des enquêtes périodiques au moyen des structures existantes ainsi que d'indiquer les lieux spécifiques à surveiller, les institutions à sélectionner et la méthodologie à adopter;

-- la question du travail en servitude a été examinée en tant que sujet relevant des droits de l'homme par la Cour suprême de l'Inde qui, par une ordonnance rendue le 11 novembre 1997 sur l'acte de pétition no 3922/85, a chargé la Commission nationale des droits de l'homme de surveiller et de superviser la mise en oeuvre de la loi de 1976 sur l'abolition du travail en servitude ainsi que les progrès accomplis par les gouvernements des Etats en la matière. En vertu de cette instruction, un groupe central d'action a été institué en août 1998 sous la présidence d'un ancien président de la Cour suprême de l'Inde. Ce groupe a tenu quatre réunions et a désigné des rapporteurs spéciaux.

6. La commission se félicite de ces informations mais constate en même temps que, plus de vingt ans après l'adoption de la loi de 1976 sur l'abolition du travail en servitude, le système du travail en servitude existe encore. En conséquence, la commission invite le gouvernement de manière pressante à poursuivre avec vigueur l'éradication du travail en servitude.

7. La commission demande au gouvernement:

-- d'envoyer des informations statistiques détaillées et mises à jour sur l'identification, la libération et la réhabilitation des travailleurs en servitude ainsi que des copies des enquêtes périodiques menées par les gouvernements des Etats, particulièrement celles mentionnées ci-dessus;

-- d'envoyer une copie du rapport des hauts fonctionnaires qui ont étudié et contrôlé les progrès accomplis par les gouvernements des Etats dans l'application de la législation sur le travail en servitude, comme indiqué par le gouvernement, de manière à ce que la commission puisse évaluer la situation et les efforts gouvernementaux faits à tous les niveaux;

-- d'envoyer une copie du rapport sur les réunions d'étude tenues régulièrement au niveau central par le ministère du Travail avec les représentants des gouvernements des Etats, en particulier celui de la réunion de décembre 1998 et de toute réunion ultérieure. En outre, la commission demande au gouvernement d'indiquer comment est contrôlée l'application des décisions prises à la réunion de décembre 1998 et quels furent les effets en pratique des décisions visant à intenter des poursuites contre les employeurs en vertu des dispositions de la loi et à assurer la constitution de comités de vigilance efficaces (comprenant des personnes indépendantes) aux niveaux des régions et encore en dessous;

-- d'envoyer une copie du rapport sur les réunions tenues avec les gouvernements des Etats du Tamil Nadu, Bihar et Uttar Pradesh en mars et juillet 1999;

-- de communiquer des copies de tout rapport sur le travail en servitude par la Commission nationale des droits de l'homme, par le Groupe central d'action et par les rapporteurs spéciaux désignés par ces organismes;

-- enfin, faisant suite à ses précédentes observations, la commission demande au gouvernement de communiquer des détails sur les mesures et programmes poursuivis en coopération avec les organisations d'employeurs et de travailleurs aux niveaux national et local.

Le travail des enfants

8. S'agissant du travail des enfants, la commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement et dans la communication de l'Anti-Slavery International transmise par la CISL. Il ressort de la réponse du gouvernement aux observations de la CISL qu'elle ne traite pas de la question du travail des enfants. La commission prend également note des informations en la matière fournies par le Programme international de l'OIT pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) ainsi que du rapport du gouvernement à la Commission des Nations Unies sur les droits de l'enfant (document CRC/C/28/Add.10, 7 juillet 1997).

9. La commission prend note des indications figurant dans le rapport du gouvernement selon lesquelles:

-- s'agissant de l'industrie, environ 106 000 enfants ont été identifiés comme ayant travaillé dans des industries dangereuses. Environ 400 000 enfants ont été employés dans des industries non dangereuses et placés dans des systèmes formels d'enseignement en tant que mesure de réhabilitation;

-- par notification du 27 janvier 1999, six emplois et 33 procédés ont été ajoutés à la liste annexe à la loi de 1986 relative à l'interdiction et à la réglementation du travail des enfants, portant le total à 13 emplois et 51 procédés;

-- 12 projets nationaux sur le travail des enfants ont débuté en Andra Pradesh, Bihar, Madhaya Pradesh, Maharashtra, Orissa, Rajasthan, Tamil Nadu et Uttar Pradesh, ainsi que 76 projets couvrant 150 000 enfants, dans le cadre de plans nationaux sur le travail des enfants;

-- la Commission des affaires économiques du Cabinet (CCEA) a approuvé, le 20 janvier 1999, une augmentation de 76 à 100 des projets nationaux sur le travail des enfants, augmentation dont il est attendu que 200 000 enfants travailleurs puissent être réhabilités;

-- en 1998-99, 130 projets ont été approuvés pour la couverture de 90 574 enfants. La commission note également que la poursuite des projets nationaux sur le travail des enfants a été approuvée pour la durée du neuvième plan;

-- le gouvernement a entrepris des démarches pour donner effet aux instructions de la Cour suprême dans son jugement, daté du 10 décembre 1996, sur l'acte de pétition no 465 de 1986. A cet égard, la commission note que, dans son jugement, la Cour suprême a réitéré sa précédente décision relative à l'enseignement libre et obligatoire jusqu'à l'âge de 14 ans et a également ordonné que l'employeur qui employait un enfant en contravention des dispositions de la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants devrait payer, en compensation, une somme de 20 000 roupies par enfant, somme devant être déposée dans un fonds spécial pour la réhabilitation.

10. La commission se félicite des actions ci-dessus et reçoit la déclaration du gouvernement qu'il est totalement impliqué dans l'élimination du travail des enfants et que le gouvernement s'efforce de mettre en oeuvre toutes les lois sur le travail des enfants et toutes les autres lois connexes d'une manière soutenue pour prévenir l'exploitation des enfants.

11. La commission prend note de l'information contenue dans la communication de l'Anti-Slavery International selon laquelle de nombreuses petites unités de production - avec moins de dix personnes lorsque l'électricité n'est pas utilisée ou moins de 20 personnes lorsque l'électricité est utilisée - ne sont pas sujettes à inspection en vertu de la loi de 1948 sur les fabriques. De telles unités, par exemple dans la production de "papad" (appalam) ou dans certaines tanneries, emploient des enfants, directement ou indirectement, et aussi en tant que travailleurs en servitude.

12. La commission demande au gouvernement de:

-- faire des commentaires sur la communication ci-dessus de l'Anti-Slavery International et d'indiquer quelles mesures ont été prises pour s'attaquer au travail des enfants dans les secteurs non organisés, par exemple dans les petites unités non couvertes par la loi sur les fabriques ou dans les industries familiales, particulièrement lorsque de tels emplois sont dangereux pour l'enfant;

-- établir un rapport sur l'évaluation de l'impact de la notification du 27 janvier 1999 étendant la liste des emplois et procédés dangereux annexée à la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants;

-- communiquer des copies des rapports de l'autorité nationale pour l'élimination du travail des enfants sur les actions entreprises pour éliminer le travail des enfants, et particulièrement le travail des enfants en servitude;

-- fournir des informations sur la manière dont il est donné effet aux instructions de la Cour suprême dans son jugement mentionné plus haut.

Prostitution et exploitation sexuelle

13. Dans ses précédentes observations, la commission avait présenté des commentaires sur l'exploitation sexuelle des enfants. La commission avait noté qu'une enquête avait été confiée à l'Institut Tata des sciences sociales et que ses résultats seraient communiqués à l'OIT. La commission note une brève mention dans le rapport du gouvernement sur les démarches entreprises par les gouvernements des Etats pour prévenir et combattre le problème de la prostitution, des enfants prostitués et des enfants de prostituées.

14. La commission note que le rapport de la Commission sur les droits de l'enfant mentionne l'absence de statistiques fiables sur le nombre de prostitué(e)s - et encore moins sur les enfants prostitués - et qu'"aucune estimation n'est disponible sur le nombre d'enfants Devadasis et Joginis, alors que ces systèmes existent traditionnellement en tant que forme socialement acceptée d'exploitation des femmes, particulièrement de celles provenant des plus bas groupes socio-économiques des Etats de Karnataka, Maharashtra et Andhra Pradesh". Elle note également que le gouvernement a constitué une commission consultative centrale pour formuler des recommandations et un plan d'action pour le secours et la réhabilitation des enfants prostitués.

15. La commission demande au gouvernement de fournir des informations complètes et détaillées en cette matière, en communiquant une copie de l'enquête mentionnée ci-dessus, en fournissant des informations sur les actions entreprises à l'égard des enfants Devadasis et Joginis dans les Etats de Karnataka, Maharashtra et Andhra Pradesh, une copie des recommandations de la commission consultative centrale et des informations sur l'application des plans d'action concernant le secours et la réhabilitation des enfants prostitués.

La commission apprécierait un rapport complet, détaillé et appuyé sur des documents de la part du gouvernement sur les points mentionnés.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

1. Dans ses observations précédentes, la commission avait examiné plusieurs aspects de l'application des articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la convention, concernant en particulier la question du travail en servitude, et notamment celui des enfants, ainsi que la question des sanctions pénales prévues pour avoir exigé illégalement du travail forcé ou obligatoire, comme le requiert l'article 25 de la convention. La commission a pris note des discussions détaillées de cette question à la Commission de la Conférence en 1998, où a été soulignée l'importance d'obtenir une meilleure information sur l'étendue du travail ou servitude imposé illégalement, ainsi que la nécessité d'adopter des mesures d'application plus efficaces. Une préoccupation particulière y a été exprimée à nouveau en ce qui concerne le travail en servitude et l'exploitation sexuelle des enfants.

2. Le rapport du gouvernement est parvenu au Bureau peu avant la session de novembre 1998 de la commission. Ce rapport reconnaît la gravité du problème, mais il place ce problème dans le contexte de l'économie en développement de l'Inde, caractérisé par l'omniprésence du chômage, de la pauvreté et de l'analphabétisme. Il inclut des copies de jugements rendus par la Cour suprême dans des affaires de travail en servitude se rapportant particulièrement à la persistance du problème de l'absence d'informations fiables de la part du gouvernement central et des gouvernements des Etats. Le rapport présente aussi certaines données sur les visites d'inspection effectuées et sur les travailleurs en servitude qui ont été réinsérés. Il fait état du rôle de la Commission nationale des droits de l'homme et des comités de vigilance au niveau régional. Le gouvernement déclare que, jusqu'à présent, les syndicats n'ont pas joué un rôle déterminant à cet égard, mais qu'il accueillerait favorablement leur engagement -- comme il le fait pour les organisations bénévoles. Le gouvernement répond également à la demande directe précédente de la commission.

3. La commission a pris note également des commentaires formulés par le Front national des syndicats indiens (NFITU) qui souligne les effets adverses de la libéralisation de l'économie et de la mondialisation en termes de chômage et de résignation, de la part des travailleurs les plus pauvres, à se soumettre à accepter toutes sortes de pressions pour s'assurer un peu de travail. Cette organisation appelle à un plus grand effort pour combattre les causes du travail forcé ou obligatoire, qui sont dues aux injustices socio-économiques, exacerbées par une augmentation incontrôlée de la population, et prône l'application de sanctions très sévères afin de faire respecter la législation.

4. La commission rappelle le dialogue ouvert depuis longtemps au sujet de cette convention, à la fois à travers ses propres commentaires et devant la Commission de la Conférence. Elle sait gré au gouvernement d'avoir fourni plus d'informations détaillées, même si elle n'a pas été en mesure d'examiner le rapport de manière approfondie, celui-ci ayant été reçu trop tard. Elle note également avec intérêt, eu égard aux références faites par le gouvernement et la NFITU au problème plus général du chômage, que l'Inde a ratifié la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, s'engageant ainsi à formuler et à appliquer une politique de plein emploi, productif et librement choisi.

5. La commission se réserve de revenir, lors de sa prochaine session, en particulier sur les jugements susmentionnés. En attendant, elle réitère l'avis, entériné par la Conférence et le gouvernement lui-même, qu'une coopération avec le Programme international pour l'abolition du travail des enfants de l'OIT (IPEC) offre une possibilité réelle d'aborder les problèmes d'application de la convention en ce qui concerne les enfants. Elle espère que le gouvernement enverra un complément d'informations statistiques portant sur le travail en servitude lorsque ces informations seront disponibles, ainsi que des précisions sur les mesures et les programmes mis en place en coopération avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et d'autres organisations aux niveaux national et local. Elle espère également que des informations seront apportées en temps opportun sur l'élaboration, comme le prévoit la convention no 122, d'une politique nationale tenant compte de l'objectif du libre choix de l'emploi et de l'abolition du travail forcé ou obligatoire, en coopération éventuellement avec les services consultatifs de l'OIT. Elle prie le gouvernement de fournir en temps utile toute nouvelle information disponible pour sa prochaine session.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1999.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

1. La commission invite à se reporter à son observation sur l'application de cette convention.

2. Dans sa précédente demande directe, la commission se référait à une observation de la Fédération nationale du travail du Pakistan concernant l'application de la convention. Dans cette observation, la fédération alléguait que l'armée indienne soumet des civils à du travail forcé au Cachemire. La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que ces allégations sont totalement fausses et sans fondement.

3. La commission se réfère à ses précédents commentaires concernant la possibilité, pour le personnel des forces armées, de quitter le service en temps de paix, de leur propre initiative, sans considération de la situation individuelle, dans la mesure où une période minimum spécifique a été accomplie et où un préavis a été donné. Elle note que, dans son rapport, le gouvernement déclare que la retraite anticipée ou la démission anticipée n'est pas autorisée, sauf pour certains motifs d'exception, qui sont énumérés, et qu'il n'est pas envisagé d'adopter des mesures qui en disposeraient autrement.

4. La commission se réfère à nouveau aux explications données aux paragraphes 33, 68, 72 et 73 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé. Elle rappelle que le service dans les forces armées, mis à part le service militaire obligatoire prévu par les lois sur la conscription, rentre dans le champ de la convention en particulier lorsqu'il procède d'un engagement volontaire. Elle prie donc le gouvernement de réexaminer cette question en vue de rendre les dispositions concernant le service dans les forces armées conformes aux prescriptions de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

1. La commission rappelle que l'application de cette convention par l'Inde a été examinée à de nombreuses reprises, notamment pour la dernière fois en 1995, par elle-même et par la Commission de la Conférence. Elle avait pris note des informations détaillées présentées par le représentant gouvernemental à cette occasion, ainsi que du rapport reçu en octobre 1996, trop tard pour avoir pu être examiné à la précédente session. Elle rappelle que la Commission de la Conférence, se fondant sur les discussions et les conclusions auxquelles elle est parvenue depuis un certain nombre d'années ainsi que sur l'insuffisance des progrès accomplis, a jugé la situation particulièrement préoccupante et a prié instamment le gouvernement de prendre des mesures effectives pour faire disparaître le travail en servitude.

Identification des travailleurs en servitude et ampleur du problème

2. Cet aspect continue d'être un point controversé depuis plusieurs années. La commission a observé antérieurement que le gouvernement n'a effectué aucune étude approfondie de l'ampleur du problème mais estime à quelque 256 000 le nombre des travailleurs en servitude dans le pays sur la base du nombre de travailleurs ainsi identifiés et libérés. Le gouvernement n'a pas fourni non plus d'estimation du nombre de personnes qui pourraient encore se trouver en servitude. Par contre, certaines organisations non gouvernementales, comme le Front de libération des travailleurs en servitude de l'Inde, avancent le chiffre de 5 millions d'adultes et de 10 millions d'enfants, voire plus. D'autres observateurs dignes de foi avancent des chiffres compris entre ces deux valeurs. La commission s'est déclarée préoccupée, dans son précédent rapport, par le fait que les travaux que doit entreprendre l'Organisme national de sondage (NSSO) sur proposition du ministère du Travail pour recueillir des informations sur la main-d'oeuvre en servitude ne sont pas programmés avant 1998-99 et que, comme indiqué ci-après, le gouvernement n'a toujours pas décidé si une étude complète devait être réalisée.

3. La commission prend note, à cet égard, des observations finales de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (document ONU CCPR/C/79/Add. 81 du 4 août 1997) au sujet du rapport officiel de l'Inde sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques:

29. La commission se déclare préoccupée par l'ampleur du travail en servitude, et par le fait que l'incidence de cette pratique, telle qu'elle a été signalée à la Cour suprême, est bien plus importante que ne le considère le rapport. Elle constate également avec préoccupation que les mesures d'éradication qui ont été prises ne semblent pas se traduire par de réels progrès sur le plan de la libération et de la réinsertion des travailleurs en servitude. Elle recommande donc qu'une étude approfondie soit entreprise d'urgence pour définir l'ampleur de ce problème et pour que des mesures plus efficaces soient prises afin que cette pratique disparaisse, conformément à la loi de 1976 sur le système de travail en servitude (abolition) et à l'article 8 du pacte.

4. Parmi les questions soulevées dans ce contexte apparaît le partage des responsabilités entre gouvernement central et gouvernements des Etats. Le gouvernement déclare que c'est aux Etats qu'il incombe d'identifier et libérer les travailleurs en servitude. Dans chacun de ses derniers rapports, il fait état de consultations entre le ministère du Travail et les autorités du travail des Etats. Dans son précédent rapport, il mentionnait des réunions tenues en 1993 à l'issue desquelles il avait été décidé de constituer un comité des secrétaires au travail, chargé d'étudier et de recommander une définition fonctionnelle du travail en servitude ainsi que les modalités et procédures de réinsertion de ces travailleurs. En 1995, le gouvernement indiquait que ce comité des secrétaires au travail avait rendu son rapport, mais il n'en avait pas communiqué copie lui-même au BIT. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que ce rapport est toujours à l'étude et qu'aucune décision finale n'a encore été prise. Il a néanmoins déclaré que les études ont été envisagées sur la base de la définition actuelle donnée par la loi sur le système de travail en servitude (abolition) et non sur une autre définition plus récente qu'il aurait éventuellement acceptée à une date ultérieure.

5. La commission note que, comme indiqué précédemment, les gouvernements des Etats s'en tiennent tous à la position selon laquelle il ne reste plus, sur leur territoire, de travailleurs en servitude à identifier, libérer et réintégrer, ce qu'ils ont réitéré auprès de la Cour suprême. En mars 1995, la Cour suprême a émis des ordonnances conservatoires pour désigner un avocat et une organisation volontaire dans chacun des 13 Etats afin de vérifier leurs prétentions et de dire si la pratique du travail en servitude a effectivement été éliminée. Le gouvernement déclare dans son rapport qu'il attend le dénouement de cette affaire "avant de prendre une décision finale sur l'opportunité d'une nouvelle étude s'étendant à l'ensemble de l'Inde pour découvrir s'il existe encore des travailleurs en servitude".

6. La commission prend dûment note de cette information et prie le gouvernement de communiquer copie dès que possible de la décision de la Cour suprême ainsi que de toute décision conservatoire que cette instance pourra prendre dans ce domaine. Elle note que, si aucune information n'est parvenue du gouvernement, le Bureau a reçu en mai 1996 et mai 1997 des communications faites en vertu de l'article 23 de la Constitution par l'une des organisations volontaires désignées, le Syndicat des travailleurs en sous-traitance (Palamoori) du district de Mahabugnagar. Le Bureau a communiqué copie de ces communications au gouvernement en le priant de lui adresser ses commentaires à ce sujet, mais aucune réponse n'a été reçue. Ces deux communications font valoir que cet organisme, un parmi plusieurs qui se sont attaqués au problème, a signalé à la Cour suprême l'existence d'un travail en servitude dans des circonstances précises, incluant des rapports sur la libération par les magistrats de certains travailleurs en servitude identifiés. Elle signale qu'un grand nombre d'affaires portant sur du travail en servitude sont en instance de jugement devant les tribunaux de toute l'Inde.

7. La commission se déclare préoccupée par les contradictions incessantes entre les rapports largement diffusés, émanant de nombreuses sources, faisant état de la persistance du travail en servitude dans le pays et la position adoptée par les gouvernements des Etats, dont c'est la responsabilité et qui nient que le phénomène existe encore. Parallèlement, le gouvernement lui-même, comme d'autres sources, continue de déclarer que des travailleurs en servitude sont encore identifiés et libérés dans la pratique. Plusieurs cas de cette nature ont été évoqués de manière assez détaillée dans les précédents commentaires de la commission. Cette dernière prie donc instamment le gouvernement de prendre des mesures efficaces pour identifier et libérer les travailleurs en servitude dans le pays, et de rassembler des données statistiques qui permettraient d'avoir une idée précise du problème et, ainsi, contrôler l'efficacité des mesures prises pour y faire face.

Organes responsables

8. Comme indiqué précédemment, il existe un partage des responsabilités dans ce domaine. La commission a évoqué précédemment la proposition de création d'une commission nationale sur le travail en servitude, qui serait chargée d'appliquer la loi de 1976. Elle a également évoqué la décision selon laquelle cette démarche n'est pas nécessaire du fait de la création, en 1993, de la Commission nationale des droits de l'homme. Le gouvernement a à nouveau déclaré que la réunion des secrétaires au travail des différents Etats est elle aussi toujours de cet avis. Il déclare en outre qu'il n'est pas nécessaire de constituer un réseau d'organismes chargés de superviser et de coordonner l'abolition du travail en servitude, comme l'avait recommandé la Commission nationale sur le travail rural en 1991. Prenant note de ces indications, la commission déplore une fois de plus que l'on ne dispose plus, désormais, d'un tableau d'ensemble de la situation publié régulièrement par un organisme public, comme c'était antérieurement le cas jusqu'à la suppression du poste de Commissaire aux castes et tribus recensées et son remplacement par une commission du même nom qui, apparemment, n'a publié aucun rapport.

9. Notant que le gouvernement estime que c'est à la Commission nationale des droits de l'homme de s'occuper de ce problème au niveau national, la commission le prie d'indiquer de quels pouvoirs cette commission est investie en la matière, en précisant si elle a reçu et examiné des plaintes pour travail en servitude ou encore mené d'autres activités dans ce domaine. Prière d'indiquer également les mesures prises par la Commission nationale des droits de l'homme pour mettre en oeuvre la loi de 1976 sur l'abolition du système du travail forcé.

10. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé des informations sur le fonctionnement des comités de vigilance dont la loi de 1976 prévoyait la mise en place pour traiter de ce problème. Dans son précédent rapport, le gouvernement a fourni des informations sur la création de tels comités dans plusieurs Etats. La commission a relevé que, dans un rapport publié en 1991, la Commission nationale sur le travail rural déclarait que, s'il existe quelques comités de vigilance qui font du bon travail, la plupart ne sont pas actifs, voire n'ont même pas été constitués. Le gouvernement déclare à nouveau dans son rapport que, sur la base des rapports soumis par les gouvernements des Etats, de tels comités sont en place et fonctionnent bien. Dans les commentaires susmentionnés reçus du Syndicat des travailleurs en sous-traitance (Palamoori) du district de Mahabugnagar, il est indiqué que, presque partout, il n'existe pas de tels comités de vigilance. En raison du caractère contradictoire des informations reçues, la commission prie le gouvernement de fournir des éclaircissements à ce sujet dans son prochain rapport, en se fondant aussi bien sur les informations reçues des gouvernements des Etats que sur d'autres sources.

11. En ce qui concerne la participation des syndicats à l'élimination du travail en servitude, la commission rappelle que le gouvernement a indiqué que, du fait que cette forme de travail sévit en général dans les secteurs non structuré et non syndiqué, l'implication des syndicats n'est pas concevable. La commission d'experts comme la Commission de la Conférence ont évoqué à cet égard l'existence de travailleurs en servitude dans plusieurs secteurs, tels que les carrières de pierre, les briqueteries, la construction et les travaux publics, la foresterie, la fabrication de bidis, le tissage des tapis, etc. Le gouvernement déclare dans son rapport que les travailleurs de ces secteurs ont en fait le droit de se syndiquer et la commission note avec intérêt la mise en place d'un Conseil central d'éducation des travailleurs. Ce conseil organise des réunions de sensibilisation et des programmes de formation à l'intention des travailleurs du secteur des petites entreprises et du secteur non syndiqué, afin de les informer de leurs droits. Ces programmes ont été déployés, en 1995-96, dans plusieurs des secteurs précités. Le gouvernement précise qu'il ne s'agit pas là de programmes ayant une vaste envergure. Néanmoins, la commission invite le gouvernement à encourager, à l'avenir, ce type de formation et à étudier les modalités d'une collaboration avec les syndicats comme avec les organisations d'employeurs dans le but d'identifier et éliminer le travail en servitude où qu'il sévisse.

12. De même, il a été mentionné antérieurement de la nécessité d'associer les organismes volontaires à la lutte contre le travail en servitude. Le gouvernement fait savoir dans son rapport que le mécanisme centralisé de patronage chargé de l'assistance financière de ces organismes a été transféré aux Etats, mais il ne donne aucune indication quant à son fonctionnement sous leur autorité. Elle le prie donc de fournir des informations détaillées avec le prochain rapport sur ce point.

Réinsertion

13. La commission a précédemment fait observer qu'il existe un décalage de temps considérable entre la libération des travailleurs en servitude et leur réintégration, constatant les carences du suivi et les rechutes qui en ont résulté. Les chiffres donnés par le gouvernement dans son plus récent rapport indiquent une amélioration, avec environ 7 500 travailleurs en servitude en instance de réinsertion en mai 1995, contre plus de 10 000 lors du précédent rapport. Ce chiffre de 10 000 avait été retenu comme cible pour l'exercice 1995-96, mais le gouvernement a déclaré qu'en mars 1996 seulement 1 115 de ces travailleurs avaient été réinsérés. Comme le gouvernement devait prochainement se concerter avec les gouvernements des Etats à ce sujet, la commission le prie de fournir des informations plus précises sur les problèmes rencontrés, les raisons de la lenteur des progrès et de la situation actuelle, compte tenu également de toute nouvelle découverte de travailleurs en servitude.

14. La commission prend note des informations données en réponse à sa précédente demande au sujet des travailleurs en servitude classés comme "non disponibles pour la réintégration", réputés morts ou ayant émigré après leur libération. Cet aspect pourrait être un indice supplémentaire de la lenteur de la réinsertion.

15. La commission a noté précédemment qu'avec le système centralisé de patronage de la réinsertion une somme de 6 250 roupies est consacrée à la réinsertion de chaque travailleur en servitude. Ayant demandé si cette somme était suffisante pour les besoins de cette réinsertion, elle se félicite de constater que cette somme a été désormais portée à 10 000 roupies.

16. La commission avait pris note avec intérêt des indications détaillées données par le gouvernement sur les mesures prises dans neuf Etats en vue d'intégrer le système centralisé de patronage de la réinsertion avec d'autres programmes. Elle avait demandé au gouvernement un complément d'information à ce sujet. Elle note que le gouvernement fait état de plusieurs types de mesures envisageables pour la réinsertion des travailleurs en servitude, y compris l'attribution d'un logement et de terres, l'offre d'un emploi dans le cadre du système d'assurance de l'emploi, une couverture de sécurité sociale dans plusieurs domaines, l'admission dans les établissements scolaires, l'organisation de coopératives et un système de crédit. La commission note que, selon les déclarations du gouvernement, les systèmes d'attribution de terres se sont révélés efficaces pour la réinsertion et que, compte tenu des pressions s'exerçant sur le patrimoine foncier et de la nécessité d'abréger les attentes, les gouvernements des Etats ont été habilités à engager des dépenses d'assistance dans le cadre du système centralisé de patronage. Elle note qu'il est difficile de dégager une impression générale de la façon dont ces différents systèmes de réinsertion fonctionnent dans la pratique. Elle prie donc le gouvernement de fournir dans son prochain rapport une évaluation sur le fonctionnement des différents programmes de réinsertion.

Respect de la législation

17. Dans ses précédents commentaires, la commission analysait en détail le nombre des poursuites engagées, des condamnations ou des acquittements prononcés dans les différents Etats sur le fondement de la loi de 1976 sur le travail en servitude (abolition). Elle s'interrogeait sur l'adéquation des sanctions infligées (les amendes prévues par la loi de 1976 ne s'élèvent qu'à 2 000 roupies) et demandait des informations à jour sur ces deux questions. Le gouvernement indique qu'il n'a pas été engagé de nouvelles procédures parce qu'il n'a pas été découvert de nouveaux cas de travail en servitude. Il indique également que les dispositions pénales prévues par la loi sont assez contraignantes, mais il ne fait aucun commentaire sur le montant de l'amende prévue par la législation. La commission ne peut que prendre note de cette information et prier le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport si de nouvelles actions ont été introduites et quelle en a été l'issue, compte tenu notamment de la requête précitée devant la Cour suprême. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations sur les sanctions prévues en cas de non-respect de la loi de 1976 sur le travail en servitude (abolition).

Enfants en servitude et autres formes de travail obligatoire

18. La commission note que des observations ont été reçues de la Confédération mondiale du travail (CMT) à propos de travail forcé d'enfants dans une communication datée du 23 octobre 1997 qui a été transmise au gouvernement afin que celui-ci formule, à ce sujet, tels commentaires qu'il estimera appropriés. Comme le gouvernement n'a pas eu le temps de faire parvenir sa réponse, ces informations comme les commentaires que le gouvernement aurait éventuellement formulés à leur sujet seront considérés la prochaine fois que la commission examinera ce dossier.

19. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport et devant la Commission de la Conférence, au sujet du travail forcé d'enfants et d'autres formes de travail obligatoire s'appliquant à des enfants, pratique qu'il convient de distinguer dans le contexte de la présente convention de l'existence d'un grand nombre d'enfants qui travaillent sans être soumis à une contrainte au sens de cette convention. Elle note que le gouvernement bénéficie d'une assistance dans le cadre du Programme international de l'OIT sur l'élimination du travail des enfants (IPEC) et de la part d'autres donateurs.

20. La commission note -- en ce qui concerne le travail en servitude en général -- qu'il n'existe pas d'ordre de grandeur communément admis quant au nombre d'enfants en servitude ou soumis à d'autres formes de travail obligatoire en Inde, même si certaines estimations se chiffrent en millions. La commission envisage deux situations visées par cette convention: les enfants assujettis à une servitude pour dettes et, d'autre part, ceux qui sont soumis à d'autres formes de travail obligatoire, notamment aux formes de travail les plus dangereuses s'effectuant sous la contrainte. Il ne ressort pas toujours clairement des informations reçues que telle situation relève du travail en servitude ou telle autre du travail forcé d'enfants, ce qui rend les estimations numériques d'autant plus difficiles. Mais il ne semble pas faire de doute que l'assujettissement d'enfants à du travail forcé se pratique sur une vaste échelle dans le pays.

21. La commission prend note des informations complémentaires présentées devant la Commission de la Conférence au sujet de la mise en oeuvre d'un projet gouvernemental intitulé "Identification, libération et réinsertion d'enfants soumis au travail", qui prévoit tout un éventail d'initiatives devant permettre de s'attaquer au problème, notamment dans les activités dangereuses. Constatant qu'aucune information n'est donnée sur l'impact de ces activités, la commission prie le gouvernement d'en fournir une évaluation dans son prochain rapport, en précisant leur incidence dans la pratique et les plans d'action retenus pour l'avenir.

22. La commission a appris que la Cour suprême de l'Inde a rendu son jugement dans l'affaire M.C. Mehta contre Etat du Tamil Nadu le 10 décembre 1996, soit après la réception du rapport du gouvernement. Dans cette décision, la Cour suprême a ordonné un certain nombre de mesures touchant à la convention, notamment les suivantes:

-- une intervention simultanée, dans tous les districts du pays, pour que les enfants soient retirés du travail dans les domaines d'activité dangereux et pour qu'ils soient scolarisés dans des établissements appropriés;

-- une enquête pour identifier les enfants travaillant dans des secteurs d'activité dangereux et une amende de 20 000 roupies par enfants, à verser par l'employeur contrevenant d'un secteur d'activité dangereux à un fonds constitué pour assurer l'éducation des enfants;

-- la fourniture d'un emploi à un membre adulte de la famille de l'enfant ayant été retiré du travail ou, à défaut, contribution de 5 000 roupies à verser au nouveau fonds devant être constitué par le gouvernement de l'Etat;

-- une aide financière aux familles d'enfants retirés du travail, à prélever sur les intérêts produits par la masse des contributions de 20 à 25 000 roupies déposées sur le fonds tandis que l'enfant est scolarisé.

23. Le gouvernement est prié de fournir dans son prochain rapport des informations sur la manière dont cette décision est appliquée, sous l'angle de la présente convention, et de communiquer copie de cette décision.

24. En ce qui concerne la protection contre l'exploitation sexuelle, la commission a noté antérieurement qu'il a été conseillé à l'ensemble des gouvernements des Etats et des administrations territoriales de l'Union indienne de constituer des comités consultatifs pour l'éradication de la prostitution d'enfants, et de concevoir et mettre en oeuvre des programmes sociaux assurant leur encadrement, leur protection, leur traitement, leur épanouissement et leur réinsertion. Le gouvernement est prié d'indiquer si de tels comités consultatifs ont été constitués et quelle forme de travail ils ont accomplie. Elle souhaiterait recevoir tous les rapports de ces comités décrivant éventuellement leur action.

25. La commission a également noté que le gouvernement de l'Uttar Pradesh devait mener une étude sur le problème de la prostitution qui mettrait en cause des enfants. Elle constate que cette étude a été confiée par le gouvernement de cet Etat à l'Institut Tata des sciences sociales, ce dernier étant chargé d'étudier, entre autres aspects, l'ampleur du problème, le profil type des victimes et les moyens existants de réinsertion des enfants prostitués. Cette étude devait être réalisée dans un délai d'un an et les résultats communiqués à l'OIT. La commission attend de recevoir ce rapport, ainsi que toute autre information disponible sur l'ampleur du problème dans le pays et sur les mesures qui ont été prises ou envisagées pour le résoudre.

26. La commission note que ce problème semble dépasser le cadre des enfants. Elle invite à nouveau à se reporter aux conclusions formulées par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies en 1997:

31. La commission déplore la forte incidence de la prostitution d'enfants et du trafic de femmes et de jeunes filles contraintes à la prostitution. Elle regrette l'absence de mesures efficaces tendant à prévenir de telles pratiques, protéger les victimes et assurer leur réinsertion. Elle déplore en outre que les femmes ayant été contraintes à la prostitution se trouvent sous le coup de la loi sur la prévention des trafics immoraux, et qu'en outre l'article 20 de cet instrument fasse peser sur la femme la charge de la preuve de ce qu'elle n'est pas prostituée, ce qui est incompatible avec la présomption d'innocence. La commission recommande donc que l'application de cette loi aux femmes se trouvant dans cette situation soit abrogée et que des mesures soient prises pour protéger les femmes et les enfants dont les droits ont été bafoués de cette manière et pour les réinsérer.

27. La commission prend à son compte les conclusions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, qui dénonce une prostitution forcée incompatible avec la présente convention, et prie le gouvernement de prendre des mesures pour abroger la législation en cause et de communiquer les informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer le respect de la convention.

28. La commission estime que les commentaires que les organisations d'employeurs et de travailleurs pourraient formuler sur l'application de cette convention seraient utiles à l'examen des questions soulevées dans cette observation. A cet égard, la commission saurait gré au gouvernement d'obtenir de ces organisations leurs commentaires et de les communiquer avec son prochain rapport.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

1. La commission a pris note d'un commentaire sur l'application de la convention formulé par la Fédération nationale pakistanaise du travail dans une communication datée du 15 février 1995 dont copie a été transmise au gouvernement le 24 février 1995. Dans sa communication, la fédération allègue que l'armée de l'Inde impose du travail forcé à des civils au Cachemire, notamment pour le portage. La commission espère que le gouvernement communiquera ses observations sur ces allégations.

2. La commission a relevé dans ses commentaires antérieurs que l'amendement de 1985 à la loi de 1965 du Nagaland sur la réquisition de porteurs n'a pas modifié la définition de la "situation d'urgence" donnée à l'article 2 (a) de cette loi qui inclut des situations prévoyant "le déplacement des matières premières, stocks et équipements jugés essentiels pour l'existence d'une communauté, le maintien de la loi et de l'ordre public ou la prévention de toute menace contre la paix en un lieu non relié par la route ou le rail et dont la desserte nécessite des porteurs", ou "le transport des forces de police, des fusilliers de l'Assam ou d'unités des forces armées régulières en un lieu non relié par la route ou le rail pour faire face à une rupture de la paix ou toute menace contre la loi et l'ordre public, et dont la desserte nécessite des porteurs pour transporter tous les équipements ou bagages essentiels". La commission a prié le gouvernement de prendre des mesures pour limiter le recours à la réquisition de porteurs aux seuls cas où il est nécessaire de faire face à une catastrophe ou à une menace de catastrophe mettant en danger l'existence ou le bien-être d'une partie ou de l'ensemble de la population. La commission note la déclaration réitérée par le gouvernement dans son rapport selon laquelle les commentaires de la commission ont été portés à l'attention du gouvernement du Nagaland. Elle exprime de nouveau l'espoir que le gouvernement pourra bientôt indiquer que des mesures ont été prises pour modifier la législation de manière à assurer le respect de l'application de la convention.

3. La commission note les informations fournies par le gouvernement sur le nombre des personnels de la marine et de l'aviation ayant quitté le service de leur propre initiative, y compris les indications statistiques sur les cas où les demandes de libération ont été refusées.

La commission note que, selon le rapport du gouvernement, les directives concernant la retraite anticipée et la démission des officiers des services de la défense prévoient que les demandes de retraite anticipée et de démission sont examinées en tenant compte des mérites personnels. Les raisons pour lesquelles il devrait être normalement donné suite aux demandes sont la rétrogradation, des motifs humanitaires extrêmes, un mauvais état de santé, un meilleur emploi dans la vie civile et l'incapacité d'acquérir des qualifications techniques. Les demandes des officiers ayant reçu une formation par des cours spécialisés aux frais du gouvernement ne sont examinées qu'à l'expiration d'une période minimale ci-dessous précisée:

i) cours à l'étranger, d'une durée jusqu'à six mois: trois ans;

ii) cours à l'étranger, d'une durée supérieure à six mois: cinq ans;

iii) congé d'études en Inde et à l'étranger: cinq ans;

iv) cours en Inde d'une durée supérieure à six mois: cinq ans.

Les aviateurs peuvent obtenir leur libération du service pour des motifs humanitaires; pour accéder à des postes ou services dans la catégorie A de la fonction publique du gouvernement central ou des Etats et dans des entreprises; pour raison d'études ou pour un emploi civil au cours de la dernière année de service.

Le gouvernement souligne que les troupes des forces armées sont levées exclusivement sur la base du volontariat et qu'après leur entrée dans les forces de la défense de l'Inde les recrues servent pour une période spécifiée.

La commission prend bonne note de ces indications. En l'absence des textes sur les règlements des services de la défense et de la marine, elle prie le gouvernement de fournir des indications concernant les périodes pour lesquelles sont engagés les officiers et les militaires des catégories inférieures. Se référant aux explications figurant aux paragraphes 33, 68 et 72-73 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la commission prie le gouvernement d'indiquer également toutes mesures prises ou envisagées pour permettre aux membres des forces armées, en temps de paix, de quitter le service sur leur propre initiative, sans considération de mérite personnel, sous la condition d'avoir servi pendant une période minimale spécifiée et de donner un préavis d'une durée raisonnable.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

1. A la suite de la discussion qui a eu lieu sur le problème de la servitude pour dette en Inde à la Commission de la Conférence en 1994, la commission a pris note des rapports détaillés fournis par le gouvernement en juin 1994 et février 1995 sur l'application de la convention.

2. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que des années se sont écoulées depuis que les autorités de l'Inde ont pris la décision, en 1976, d'abolir la servitude pour dette et que la Cour suprême a adopté sa décision de 1983 qui fait autorité. Cependant, dans la pratique, la situation ne semblait pas avoir progressé beaucoup, et un certain nombre de propositions et de recommandations formulées par la Commission nationale sur le travail rural visant à améliorer la situation n'avait pas encore été mis en oeuvre.

3. La commission avait noté la déclaration d'un représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence en 1993, selon laquelle il existait déjà en Inde un niveau de sensibilisation élevé au sujet du problème de la servitude pour dette et le gouvernement ne ménageait aucun effort pour l'éradiquer. En 1994, la Commission de la Conférence a noté qu'en dépit des efforts accomplis, il restait beaucoup à faire pour surmonter les problèmes déjà discutés au cours de nombreuses sessions précédentes concernant notamment l'identification, la libération et la réadaptation des personnes en servitude, y compris les enfants, ainsi que, en particulier, l'introduction d'un système efficace de mise en oeuvre. A cet égard, la commission est restée très profondément préoccupée par la situation.

Identification des travailleurs en servitude et dimension du problème

4. Estimations divergentes. La commission a précédemment noté qu'il n'existe pas d'enquête complète sur la dimension du problème. Une enquête organisée en 1978-79 sous les auspices de la Fondation Gandhi pour la paix (GPF) en coopération avec l'Institut national du travail (NLI), couvrant dix des 21 Etats mais uniquement les domaines traditionnels, a estimé que le nombre des travailleurs asservis était de l'ordre de 2,6 millions; un rapport de la Sous-commission de la servitude pour dette, créée par la Commission centrale permanente de la main-d'oeuvre rurale, a estimé qu'en 1979 le nombre de travailleurs asservis du secteur rural s'élevait à environ 2 millions. En 1980, selon les estimations des gouvernements de neuf Etats, le nombre des travailleurs soumis à la servitude pour dette était de 120 000, alors qu'en 1990 il est passé à 240 000 dans 12 Etats. Le Front de libération des travailleurs asservis de l'Inde a avancé le chiffre d'environ 5 millions d'adultes et de 10 millions d'enfants asservis.

5. Instructions de 1992 du gouvernement. Dans sa déclaration à la Commission de la Conférence en 1992, le gouvernement s'est référé à des difficultés dans la collecte d'informations de différents gouvernements d'Etats. Notant que l'identification des travailleurs en servitude était principalement entreprise par le ministère du Revenu et l'agent de développement régional des gouvernements des Etats, il a indiqué que selon les statistiques disponibles au 31 mars 1991, le nombre total des travailleurs en servitude identifiés était de 255 608, dont 222 985 ont bénéficié de programmes de réadaptation. Afin d'accélérer le processus d'identification, le gouvernement central a donné des instructions par voie circulaire aux différents gouvernements d'Etats, soulignant la nécessité d'entreprendre périodiquement de nouveaux efforts pour l'identification des travailleurs en servitude. Il a suggéré les mesures suivantes:

a) le ministère du Revenu devait effectuer des enquêtes à domicile avec l'aide des agences locales, comme la Direction de l'économie et des statistiques, la Direction locale du bien-être des classes défavorisées et les organismes similaires, sur le modèle des études effectuées par l'Institut national de sondages lors de son 32e exercice;

b) l'identification devait être faite durant les recensements pour l'attribution des sites de construction de maisons, dans le cadre de l'IRDP;

c) des études approfondies devaient être entreprises dans les carrières d'extraction de pierres et les briqueteries.

A cette fin, le Secrétaire au travail de l'Union s'est adressé le 7 février 1992 aux secrétaires en chef de tous les gouvernements des Etats concernés afin qu'ils prennent des mesures vigoureuses pour l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis, et un système de contrôle trimestriel a été mis en place.

6. En 1993, la commission, tout en notant que dans son rapport pour la période se terminant le 30 juin 1985, le gouvernement s'était déjà référé au même genre de mesures, a exprimé l'espoir que le gouvernement fournirait des informations détaillées sur les résultats obtenus à la suite de ces instructions, en particulier sur toute augmentation sensible du nombre des travailleurs asservis identifiés et réadaptés, sur les mesures prises au niveau de l'Etat et communiquées au gouvernement central et sur toute nouvelle évaluation de la situation effectuée par le gouvernement central.

7. Définition à utiliser. La commission a cependant observé que le rapport de la Commission sur le travail rural indiquait que la définition de la servitude pour dette adoptée par l'Institut national de sondage lors de son 32e exercice (1977-78) était restrictive, ne portant pas sur l'intégralité de la servitude telle que définie par la loi, bien qu'elle s'appliquât aux zones traditionnelles et non traditionnelles. La commission a exprimé l'espoir que toutes les enquêtes à domicile et tous les recensements et études entrepris prendraient en compte la définition complète de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette telle qu'interprétée par la Cour suprême de l'Inde en 1983 et avec les amendements adoptés en 1985. Elle a demandé au gouvernement de fournir des informations à cet égard, y compris toutes instructions adoptées à cet effet.

8. Absence de suite donnée aux instructions de 1992 du gouvernement. La commission note, selon la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence en 1993, que le travail que l'Organisation nationale de récolte de données (NNSO) doit entreprendre sur la proposition du ministre du Travail pour rassembler les informations sur le travail en servitude n'est pas prévu avant 1998-99. Avec son rapport reçu en juin 1994, le gouvernement a fourni une indication du nombre de travailleurs en servitude identifiés, libérés et réadaptés dans 12 Etats à la date du 31 mars 1993, et les objectifs provisoires de réadaptation fixés pour 1993-94. Le nombre total indiqué est de 251 069 pour les personnes identifiées et libérées et de 224 074 réadaptées, c'est-à-dire pour quelque raison 1 pour cent de moins de personnes identifiées que deux années auparavant et 1 pour cent de plus ayant bénéficié de mesures de réadaptation (avec un objectif provisoire de réadaptation pour 2 179 travailleurs en sept Etats en 1993-94). Aucune information n'a été donnée sur la méthodologie ou la définition utilisée ni sur une suite donnée aux instructions précitées adoptées par le gouvernement central en février 1992.

9. Nouvelles discussions préliminaires. Dans le même rapport, le gouvernement a indiqué que le 15 avril 1993, lors d'une réunion tenue par le ministre d'Etat du Travail avec les secrétaires au travail des Etats dans lesquels le problème de la servitude pour dette est endémique, il a été décidé de créer un comité comprenant des secrétaires au travail de cinq Etats pour étudier et recommander une définition praticable de la servitude pour dette et les modalités et la procédure pour l'identification des travailleurs asservis. La réunion est tombée d'accord pour que tous les gouvernements des Etats mènent une nouvelle enquête pour identifier les travailleurs asservis dans leurs Etats respectifs. Lors de l'enquête, les recommandations du comité précité, nommé pour développer une définition praticable de la servitude pour dette, seront gardées à l'esprit. Il a également été décidé que tous les Etats devraient s'efforcer de compléter l'enquête en septembre 1993. Deux réunions du Comité des secrétaires au travail ont été tenues le 18 juin et le 23 juillet 1993, où la méthodologie pour l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis dans les différents Etats et les difficultés rencontrées par eux ont été discutées. Le comité a été unanime sur l'adoption d'une définition simple praticable de la servitude pour dette. Le mandat du comité a été prorogé et le gouvernement a indiqué, dans son rapport reçu en février 1995, que le rapport du comité a été reçu par le gouvernement de l'Inde et fait l'objet de consultations avec les gouvernements des Etats. Il n'a pas été communiqué à l'OIT. Le gouvernement ajoute que, en septembre-octobre 1994, le ministre du Travail a tenu trois conférences séparées avec 15 ministres du Travail des Etats qui ont recommandé que les Etats entreprendront des enquêtes pour identifier les travailleurs qui peuvent se trouver en servitude malgré la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette. Ces études devaient être complétées dans un délai de six mois. Les Etats devaient aussi sélectivement entreprendre des études complémentaires pour évaluer si des travailleurs asservis ayant bénéficié de mesures de réadaptation étaient depuis lors retombés en servitude.

10. Le gouvernement indique en outre que certains députés au Parlement ont signalé l'existence de servitude pour dette dans la région de Dehradun de l'Etat d'Uttar Pradesh. Le gouvernement de l'Etat d'Uttar Pradesh a nié toute nouvelle apparition du problème. Pour vérifier l'existence éventuelle de servitude pour dette dans la région de Dehradun, l'Académie nationale d'administration Lal Bahadur Shastri à Mussoorie a accepté de mener une enquête.

11. Absence continue de progrès. La commission a pris bonne note de ces indications. Elle note qu'aucune des enquêtes par Etat annoncée à plusieurs reprises par le gouvernement, avec des délais déjà passés, ne semble à ce jour avoir été entreprise par les gouvernements des Etats, et que les ministres du Travail des Etats semblent avoir décidé de ne pas utiliser la définition de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette, telle qu'interprétée par la Cour suprême de l'Inde en 1983 et avec les amendements adoptés en 1985, mais une "simple, praticable", qui n'a pas été communiquée au BIT.

12. Emplois à examiner. Dans son observation de 1994, la commission a également noté à la lecture du rapport de la Commission nationale sur le travail rural que des éléments de travail en conditions de servitude ont été décelés dans les emplois non agricoles énumérés ci-après, mais n'ont pas été examinés de manière adéquate par des enquêtes et études: les carrières de pierres, les travailleurs migrants, les travailleurs des briques, les Joginis et Devadasis, les pêcheurs, la main-d'oeuvre du bâtiment et de la construction de routes, les travailleurs des forêts, la fabrication des bidis, le tissage des tapis, la poterie, le tissage, le portage, le travail des enfants dans les fabriques d'allumettes et de feux d'artifice, etc. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur toutes études ou enquêtes dans ces secteurs et sur le nombre de travailleurs asservis identifiés libérés et réadaptés.

13. Etudes de cas. Carrières du Haryana: les vues du gouvernement. Le gouvernement a fourni en février 1995 le texte du rapport daté du 30 mars 1993 du Sous-comité sur l'élimination du travail des enfants dans les fabriques d'allumettes et de feux d'artifice du Tamil Nadu et, en juin 1994, le texte du rapport du comité nommé par la Cour suprême, par son ordonnance du 21 février 1991, pour enquêter sur l'identification de travailleurs en servitude dans l'Etat de Haryana (la Cour suprême avait statué sur le principal, à savoir le recours no 2135/1982 Bandhua Mukti Morcha v. the Union of India, par son jugement du 16 décembre 1983). En commentant le rapport de ce comité, le gouvernement, dans son rapport reçu en juin 1994, se réfère à l'évaluation par le comité de 2 000 travailleurs employés dans les carrières d'extraction de pierres du district de Faridabad et allègue que, si le comité s'est référé de manière critique aux conditions de travail insatisfaisantes dans les carrières et à des litiges concernant les salaires minima payés aux travailleurs, il n'a pas considéré ces travailleurs comme des travailleurs en servitude; dans son dernier rapport, le gouvernement ajoute que l'issue de cette affaire, dans laquelle s'est engagée une des ONG les plus actives dans le domaine du travail en servitude, révèle que, tout en étant bien intentionnées, leurs revendications/plaintes peuvent être hautement exagérées.

14. Carrières de Haryana: non-pertinence des chiffres avancés par le gouvernement. Ces allégations ne sont pas étayées par les conclusions formulées par le comité nommé par la Cour suprême. Ce comité a relevé que, si un rapport soumis par le gouvernement de Haryana a indiqué que le nombre des travailleurs en servitude était de 544 dont 21 avaient bénéficié de mesures de réadaptation au 30 novembre 1990, ces chiffres concernaient les travailleurs en servitude identifiés dans tout le Haryana et principalement dans les briqueteries, alors que le requérant se référait au seul cas des travailleurs des carrières d'extraction de pierres du district de Faridabad; pour ce seul cas, le nombre de personnes sur la liste fournie à l'origine par le requérant était de 2 800 parmi lesquelles 1 983 ont ensuite été identifiées; la liste finale de 2 000 personnes, dressée par le comité, comprend certaines personnes qui ne figuraient pas sur la liste première. En outre, le comité estime que quelque 200 personnes ont été omises de la liste finale qui n'étaient pas disponibles pour être identifiées, soit par peur de l'entrepreneur, soit parce qu'elles étaient sorties le jour de la visite du comité.

15. Critères d'identification. Le comité nommé par la Cour suprême a adopté les critères suivants d'identification:

Article 23 de la Constitution de l'Inde qui interdit la traite des êtres humains et le travail forcé.

La définition du "régime de la servitude pour dette" à l'article 2(g) de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette, les définitions de dette impliquant la servitude à l'article 2(d), travail en servitude à l'article 2(e), travailleurs asservis à l'article 2(f), salaires nominaux à l'article 2(i) et d'autres principes inscrits dans ladite loi.

Les différents principes définis par la Cour suprême sur le concept du travail forcé aux termes de l'article 23 de la Constitution et son rapport avec le salaire dans People's Union for Democratic Rights v. the Union of India, 1982 (8) SCC 235 et Bandhua Mukti Morcha v. the Union of India, 1984 (3) SCC 161. (Ci-après cités comme, respectivement, le jugement PUDR et le jugement sur le travail en servitude.)

Une note juridique a été préparée pour aider le comité en résumant tous les principes en question et les conclusions qui s'en dégagent sont les suivantes:

a) toute forme de travail forcé qui comprend le travail en servitude est interdite en vertu de l'article 23 de la Constitution et toute violation de cette disposition qui est opposable à l'Etat et à toute personne est un délit (jugement PUDR);

b) la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette a été adoptée pour donner effet à l'article 23 (jugement sur le travail en servitude);

c) toute forme de travail forcé relève de l'interdiction de l'article 23, que la personne contrainte à donner son travail à une autre soit rémunérée ou non (jugement PUDR);

d) "être forcé" signifie simple contrainte juridique ou physique mais inclut également la contrainte économique qui ne laisse à une personne d'autre choix que de travailler pour moins que le salaire minimum (jugement PUDR);

e) lorsqu'une personne fournit du travail ou des services pour moins que le salaire minimum, le travail ou le service qu'elle fournit relève clairement du "travail forcé" aux termes de l'article 23 (jugement PUDR);

f) chaque fois qu'il est démontré qu'un travailleur est amené à fournir du travail forcé, la présomption est qu'il doit le faire en raison d'une contrepartie économique qu'il a reçue et il est de ce fait un travailleur asservi (jugement sur le travail en servitude).

16. Carrières de Haryana: rôle de la structure de salaire. Le comité nommé par la Cour suprême a appliqué tous les critères susmentionnés pour l'identification des personnes sur la liste des requérants ainsi que pour des cas nouveaux ou cas omis antérieurement. Dans ses conclusions, le comité a noté que la Cour suprême a indiqué dans le jugement PUDR, entre autres, que, lorsqu'une personne fournit du travail ou des services pour moins que le salaire minimum, le travail ou service qu'elle fournit relève clairement du "travail forcé" sous l'article 23 de la Constitution. La Cour suprême a indiqué dans le jugement sur le travail en servitude que, chaque fois qu'il est démontré qu'un travailleur est amené à fournir du travail forcé, la présomption serait qu'il doit le faire en raison d'une contrepartie économique qu'il a reçue et qu'il est donc un travailleur asservi. La Cour suprême, dans son jugement sur le travail en servitude, a aussi ordonné dans le cadre de ses 21 directives déjà notoires, entre autres, que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour assurer le paiement des salaires dus aux travailleurs (directives 5, 6 et 8). Le comité s'est donc appuyé sur la structure salariale qui était clairement identifiable aux fins de qualifier les travailleurs pour les prestations auxquelles ils peuvent prétendre aux termes de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette. D'autres critères tels que l'endettement ou la possibilité de changer d'employeur étaient variables et non nécessairement constants.

17. Action à entreprendre. La commission espère que les mesures nécessaires seront bientôt prises aux niveaux national et étatique, conformément à la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette, pour l'identification systématique des travailleurs asservis, pratiquement bloquée depuis plusieurs années, et que le gouvernement fournira des informations sur la suite donnée à ses instructions de 1992 et sur des résultats concrets en tenant compte également des indications de la Commission nationale sur le travail rural concernant les emplois qui n'ont pas été examinés de manière adéquate par des enquêtes ou études.

Rôle des comités de vigilance

18. Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé des informations sur le fonctionnement des comités de vigilance et sur la mise en oeuvre effective des compétences qui leur sont confiées par la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dette pour l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis. Le gouvernement a transmis des informations spécifiques communiquées par les gouvernements de dix Etats sur le nombre de comités de vigilance constitués au niveau des districts et sous-divisions avec quelques indications sur leurs composition et activités. Dans son rapport reçu en juin 1994, le gouvernement a indiqué que le gouvernement central ne surveille pas directement le fonctionnement des comités de vigilance à présent et que le gouvernement central n'a reçu aucune proposition des gouvernements des Etats pour améliorer le fonctionnement des comités de vigilance. En février 1995, le gouvernement a ajouté que les comités de vigilance ont été constitués dans tous les Etats dans lesquels le problème du travail en servitude est considéré comme endémique, et le gouvernement estime que les succès obtenus par les comités de vigilance au cours des années en entreprenant l'identification et la réadaptation d'un très grand nombre de travailleurs asservis qui sont très largement dispersés dans des régions rurales et de l'intérieur fournissent la preuve de leur fonctionnement effectif.

19. La commission considère que cette évaluation n'est pas étayée par les statistiques fournies par le gouvernement pour ces dernières années, mentionnées au point 8 plus haut. Dans son rapport publié en 1991, la Commission nationale sur le travail rural a indiqué que, si quelques comités de vigilance avaient réalisé un bon travail, la plupart d'entre eux n'avaient pas été institués ou reconstitués ou bien n'avaient exercé aucune activité, n'ayant pas tenu de réunion régulière. Aucune surveillance n'avait été exercée sur le fonctionnement de ces comités et, ces dernières années, il n'avait pratiquement plus été procédé à l'identification de travailleurs asservis. La commission note qu'il en est toujours ainsi, bien que des comités de surveillance existent à présent aux niveaux de district et de sous-division dans un certain nombre d'Etats. Ainsi que l'a relevé la commission nationale, il semble nécessaire de stimuler l'activité des comités de vigilance et de veiller à leur composition telle que prescrite. En outre, le concours d'organisations bénévoles et la création d'une autorité nationale sur le travail en servitude, tels que recommandés par la Commission nationale sur le travail rural en 1991, peuvent aider en amenant les comités de vigilance à rendre des comptes et en accélérant le processus d'identification, de libération et de réadaptation des travailleurs asservis.

Concours d'organisations bénévoles

20. Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement du programme visant à associer des organisations bénévoles à l'identification et à la réadaptation des travailleurs asservis. Dans ses rapports reçus en juin 1994 et février 1995, le gouvernement a fourni les noms de dix organisations bénévoles travaillant le plus souvent au niveau de un ou de deux districts dans six Etats, et les informations reçues de huit des gouvernements des Etats concernant les activités d'organisations bénévoles. Au Bihar, Antyodaya Ashram de Santhal Pargana et T. Chakkalakar de Rampura Ashram ont aidé à l'identification de 2 662 travailleurs asservis dans le district de Dumka et 317 dans le district de Bettiah. Au Tamil Nadu, l'Organisation pour la réadaptation et le développement des travailleurs asservis, de Madras, a mené une enquête sur la réadaptation de travailleurs asservis libérés de langue tamil et a soumis son rapport et des propositions d'amélioration au ministre de l'Union en 1990. En Uttar Pradesh, Bandhua Mukti Morcha et Bandhua Mukti travaillent dans le district de Mirzapur; dans aucun des autres districts les magistrats n'ont soumis de réponse positive au gouvernement de l'Etat qui leur a demandé de prendre contact avec les organisations bénévoles. Le gouvernement de l'Etat de l'Andhra Pradesh a accepté d'entreprendre de nouveaux efforts en vue d'associer les organisations bénévoles à la tâche d'identifier les travailleurs asservis, "bien que dans le passé la réponse n'a pas été encourageante". Le gouvernement de l'Etat de Maharasthra a été catégorique en rejettant le concours des organisations bénévoles "parce qu'elles tendent à adopter une vue exagérée de l'existence de travail en servitude"; la commission note qu'au Maharashtra 1 382 travailleurs ont été identifiés et 1 300 réadaptés, tandis que 82 ne sont pas censés avoir besoin d'une aide à la réadaptation. En revanche, le gouvernement de l'Etat de Karnataka a adressé des directives aux Vice-commissaires pour l'identification des travailleurs asservis dans lesquelles il est souligné que les organisations non gouvernementales et les institutions bénévoles devraient être associées à cette tâche. Bien que les détails des résultats obtenus lors de cet exercice n'ont pas été mentionnés, il a été relevé qu'ils font un travail remarquable. Karnataka se trouve être l'Etat où, au 31 mars 1993, le plus grand nombre de travailleurs asservis avaient été identifiés et libérés (62 708 personnes) et réadaptés (54 078 personnes).

21. La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement prendra des mesures tendant à s'assurer le concours de davantage d'institutions bénévoles, notamment celles qui se préoccupent du travail en servitude depuis des années, telles que le Front de libération des travailleurs asservis, AWARE et Vidhayak Samsad, et qu'il fournira des informations détaillées sur les mesures prises et les résultats obtenus.

Concours des syndicats

22. Dans ses commentaires précédents, la commission a souligné l'importance de l'association des syndicats dans la procédure d'identification et de réadaptation des travailleurs asservis. Dans son rapport reçu en juin 1994, le gouvernement déclare que les syndicats se trouvent dans le secteur organisé et leur association à l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis qui se trouvent principalement dans le secteur non organisé ne peut pas être une proposition praticable. La commission en prend bonne note. Rappelant l'indication par la Commission nationale sur le travail rural que des éléments de travail en condition de servitude ont été décelés mais non examinés de manière adéquate, entre autres, dans des emplois non agricoles tels que les carrières de pierres, les briqueteries, le bâtiment et la construction des routes, les travaux forestiers, la fabrication des bidis, le tissage des tapis, la poterie, le tissage, la commission espère que des mesures seront prises où cela est nécessaire pour assurer le respect du droit d'organisation des travailleurs dans ces emplois.

Proposition en vue de l'institution d'une autorité nationale sur le travail en servitude

23. La commission avait précédemment noté qu'au cours des débats de la 15e session du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage, tenue en juillet 1990, Anti-esclavage international a indiqué que la gravité et l'ampleur persistantes de la servitude pour dette découlaient en partie des faiblesses inhérentes au fonctionnement et à la conception de la mise en oeuvre de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette, et a demandé que soit créée une commission nationale sur le travail en servitude. La commission avait en outre noté que, dans son rapport publié en 1991, la Commission nationale sur le travail rural a recommandé d'améliorer la mise en oeuvre de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dette par la création d'un réseau d'institutions aux niveaux national et des Etats en tant qu'institutions nodales chargées de surveiller et coordonner l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis, et d'accroître le sens des responsabilités de l'administration et des comités de vigilance. Une autorité nationale ou une commission nationale sur la servitude pour dette devrait être constituée sur le modèle de la Commission nationale des castes et tribus protégées et, au niveau des Etats, des commissaires au travail en servitude devraient être nommés.

24. En réponse, le gouvernement a indiqué à la Commission de la Conférence en 1992 que la question de créer une commission nationale sur le travail en servitude a été examinée en détail par le ministre du Travail à la lumière des recommandations de la Commission nationale sur le travail rural et qu'il a été décidé que la création d'une telle commission n'était pas nécessaire à ce stade. Ce qu'il fallait était une meilleure mise en oeuvre des dispositions de la loi par les gouvernements des Etats qui devait être étroitement suivie chaque mois.

25. En 1993, la commission avait noté que le Parlement avait été saisi d'un projet de loi tendant à la création d'une commission des droits de l'homme, et elle a estimé que cette commission pourrait être chargée des questions touchant à la servitude. A la suite de la création d'une Commission nationale des droits de l'homme, en octobre 1993, en application de la loi de 1993 sur la protection des droits de l'homme, la commission a prié le gouvernement en 1994 de fournir des informations sur toute mesure envisagée pour étendre les compétences de cette commission en conséquence ou pour créer une commission nationale sur le travail en servitude.

26. La commission note la déclaration du gouvernement dans son rapport reçu en février 1995 selon laquelle la Commission nationale des droits de l'homme devra s'acquitter d'un large éventail de fonctions et son champ d'activité n'est pas limité aux infractions commises par les agents de l'Etat. Le gouvernement est toujours d'avis qu'une meilleure mise en oeuvre de la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dette par les gouvernements des Etats éradiquera le mal. Cependant, divers groupes d'intérêt ont plaidé en faveur de la création d'une commission nationale sur le travail en servitude. En conséquence, un comité de ministres du Travail, présidé par le ministre du Travail du gouvernement de Maharashtra, a été constitué pour examiner cette question. Il y a eu un retard dans la présentation du rapport de ce comité en raison de changements fréquents à la tête du ministère du Travail de Maharashtra. Il a été demandé au gouvernement de l'Etat de Maharashtra d'accélérer la présentation du rapport du comité.

27. La commission prend bonne note de ces indications. Elle note que quatre années se sont écoulées depuis que la Commission nationale sur le travail rural a publié son rapport. Depuis lors, la recommandation tendant à créer un réseau d'institutions chargées de surveiller et coordonner l'abolition du travail en servitude aux niveaux national et étatique n'a pas été suivie d'effets et, avec quelques exceptions principalement dues à l'initiative d'organisations bénévoles, l'identification des travailleurs asservis ne semble plus avancer. En même temps, la commission note l'absence d'une présentation régulière d'une vue d'ensemble de l'état du problème telle qu'elle avait été donnée jusqu'en 1989, dans une certaine mesure, dans les rapports du Commissaire aux castes et tribus protégées (29e rapport, 1987-1989) et, dernièrement, dans le rapport de la Commission nationale sur le travail rural publié en 1991. La commission relève que, s'il existe déjà un niveau de sensibilisation élevé au sujet du problème du travail en servitude, il n'est pas évident qu'aucun effort n'est ménagé pour maintenir cette sensibilisation, voire résoudre le problème. La commission espère prendre bientôt connaissance d'une suite donnée à la proposition formulée par la Commission nationale sur le travail rural en 1991 en vue de l'institution d'une autorité nationale sur le travail en servitude pour surveiller et coordonner aux niveaux national et étatique l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis et accroître le sens des responsabilités de l'administration et des comités de vigilance.

Réadaptation

28. Délai entre libération et réadaptation. La commission avait précédemment noté que la Commission nationale sur le travail rural avait relevé le délai considérable entre la libération et la réadaptation et un mauvais suivi de la réadaptation, menant à la misère et à une rechute en servitude. Se référant aux statistiques fournies par le gouvernement sur le nombre de travailleurs asservis qui ont été identifiés, le nombre de travailleurs réadaptés et les objectifs pour 1993-94, la commission avait constaté que dans certains Etats de nombreux travailleurs asservis identifiés attendaient encore d'être réadaptés. Ainsi, dans l'Etat d'Andhra Pradesh, sur 35 934 travailleurs asservis identifiés, 25 753 avaient été réadaptés et il en restait encore 10 181 qui devaient être réadaptés mais, regrettablement, l'objectif provisoire pour une réadaptation en 1993-94 était seulement de 1 000 personnes.

29. La commission note avec intérêt, selon le dernier rapport du gouvernement, que la réadaptation des travailleurs asservis qui tendait à tarder en Andhra Pradesh a été accélérée à la suite d'efforts conjoints du ministère du Travail et du gouvernement de l'Etat, et des problèmes rencontrés sur le terrain ont été résolus. Le flux d'aides financières du gouvernement de l'Inde au gouvernement de l'Etat d'Andhra Pradesh pour la réadaptation des travailleurs asservis est passé de 0 roupie en 1991-92 à 2,7 millions de roupies en 1992-93, et même 10,1 millions de roupies en 1993-94. L'objectif annuel de réadapter 1 000 travailleurs asservis en Andhra Pradesh en 1993-94 a été pratiquement atteint; comparé à l'année précédente, l'objectif pour 1994-95 pour la réadaptation de travailleurs asservis en Andhra Pradesh a été augmenté de 100 pour cent. La commission se réjouit de ce progrès et note que, même au taux de 2 000 personnes réadaptées par an, les derniers travailleurs asservis attendant leur réadaptation au 31 mars 1993 ne bénéficieraient de mesures de réadaptation qu'en 1999. La commission espère prendre connaissance d'autres mesures adoptées pour accélérer la procédure de réadaptation des travailleurs asservis identifiés en Andhra Pradesh et Karnataka, de même que dans d'autres Etats où de nouveaux travailleurs asservis sont identifiés.

30. Notant que, pour certains Etats, un nombre considérable de travailleurs asservis ont été désignés dans le rapport du gouvernement comme n'étant pas disponibles pour réadaptation, la commission saurait gré au gouvernement de fournir une explication par rapport à la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dette.

31. Adaptation du programme soutenu par le gouvernement central. La commission avait précédemment noté qu'en exécution du programme de réadaptation soutenu par le gouvernement central une somme de 6 250 roupies est dépensée pour la réadaptation de chaque travailleur asservi. Un montant de 500 roupies est prélevé sur cette somme pour être remis en espèces à l'intéressé pour lui permettre de subsister jusqu'à sa réadaptation. La commission avait demandé si un tel montant s'était révélé suffisant pour éviter que le travailleur qui vient d'être libéré ne retombe en servitude par manque de moyen de subsistance d'autant qu'une longue période s'écoule entre sa libération et sa réadaptation.

32. Le gouvernement note l'indication fournie par le gouvernement dans son rapport reçu en juin 1994 selon laquelle les gouvernements des Etats ont exprimé des avis divergents: Haryana considère que, puisque aucun travailleur asservi n'a été identifié pour être libéré, il n'y a pas eu lieu de faire le paiement de 500 roupies. Maharashtra et Tamil Nadu ont déclaré qu'il n'y a pas eu de plainte au sujet d'une insuffisance de fonds ou de rechute en servitude; en revanche Gujarat, Uttar Pradesh, Karnatka et Bihar ont considéré l'allocation de subsistance de 500 roupies insuffisante; pour Gujarat et Uttar Pradesh elle devrait maintenant être portée à 1 000 roupies et à Bihar, le gouvernement a suggéré qu'elle devrait être de 1 500 roupies payées à raison de 250 roupies par mois pendant six mois, la durée que la procédure de réadaptation prend normalement. Selon le gouvernement d'Uttar Pradesh, le montant global de 6 250 roupies devrait être porté à 15 000 roupies. Le gouvernement de Karnataka ajoute que la réadaptation des travailleurs asservis est entreprise par la promotion de leur emploi indépendant. En 1992-93 le gouvernement de Karnataka a commencé à fournir des terres agricoles pour la réadaptation par groupes des travailleurs asservis. La dimension minimale des domaines agricoles et de 20 hectares pour 12 travailleurs asservis réadaptés. Cet exercice a démarré dans six districts; il permet de fournir des services communs, d'obtenir la synergie des programmes gouvernementaux groupés et de surveiller correctement le travail accompli.

33. La commission espère que le gouvernement sera en mesure d'augmenter les fonds versés en vertu du programme soutenu par le gouvernement central et qu'il fournira des informations sur toutes mesures prises à cet égard.

34. Intégration du programme de réadaptation soutenu par le gouvernement central dans d'autres programmes de lutte contre la pauvreté. La commission a noté avec intérêt les détails fournis par le gouvernement sur les mesures prises dans neuf Etats pour l'intégration du programme soutenu par le gouvernement central dans d'autres programmes tels que le programme de développement rural intégré, Jawahar Rozgar Vojana, le programme d'assurance emploi, la formation des jeunes ruraux pour des emplois indépendants, le plan spécial composé/sous-plan pour les castes et tribus protégées. Elle espère que le gouvernement sera en mesure de faire état de nouvelles démarches dans ce domaine.

35. Suite donnée à d'autres recommandations. La commission avait précédemment noté que dans sa déclaration à la Conférence en 1993 le représentant du gouvernement a mentionné des subsides à la réadaptation, à vocation agraire, non agraire ou artisanale. Elle avait également noté que la Commission nationale sur le travail rural a fait ressortir certaines lacunes, telles que la qualité médiocre des terres attribuées dans le cadre de la réadaptation en milieu rural, et avait souligné la nécessité de tenter la réadaptation des travailleurs migrants soit dans l'Etat où ils travaillent soit dans leur Etat d'origine. La commission nationale avait suggéré que le système de réadaptation soit choisi en consultation avec les intéressés et bien aménagé; que les terres devant être allouées dans le cadre des programmes de réadaptation agraire soient de bonne qualité; que les établissements bancaires publics aient pour consigne d'octroyer des prêts à la consommation, étant donné que la principale cause de rechute dans la servitude est l'endettement contracté pour les besoins de la consommation. La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement fera état de mesures prises ou envisagées à la suite des propositions formulées par la Commission nationale sur le travail rural.

36. Notant avec intérêt les informations fournies par le gouvernement sur le programme alternatif de développement indépendant des travailleurs asservis libérés, soumis à la Cour suprême de l'Inde par le Mukti Niketan, ayant été invité à le faire dans l'intérêt public (recours no 483 de 1987), la commission espère que le texte du jugement sera bientôt communiqué. Elle attend également avec intérêt le résultat du recours no 121215 de 1984 à la Cour suprême.

Sanctions pénales et respect de la législation.

37. La commission a noté dans ces précédents commentaires à la lecture du rapport de la Commission nationale sur le travail rural que bien peu de poursuites avaient été engagées contre des personnes coupables d'asservissement. La commission nationale a souligné que le processus d'identification et de libération des travailleurs asservis ainsi que la traduction en justice des coupables devraient autant que possible s'exercer simultanément, et elle a formulé un certain nombre de propositions pour améliorer la situation. La commission a noté la déclaration du gouvernement devant la Commission de la Conférence en 1993 que les poursuites pénales doivent respecter la procédure judiciaire régulière et ne peuvent s'exercer dans des délais artificiels. La commission avait demandé combien de temps était requis par la procédure régulière dans les conditions nationales pour engager une poursuite pénale. Faisant observer que la loi portant abolition du régime de servitude pour dette a été adoptée en 1976 et s'appuyant sur l'évaluation de la Commission nationale sur le travail rural, la commission avait demandé des informations détaillées sur les mesures prises pour garantir une procédure judiciaire régulière. Relevant par ailleurs que les sanctions pénales prévues par la loi de 1976 comportent, à côté d'une peine de prison allant jusqu'à trois ans, une amende plutôt insignifiante de 2 000 roupies, la commission avait demandé des informations sur les mesures prises pour assurer une punition efficace des coupables avec une indication notamment du nombre des procédures engagées, des condamnations prononcées et des peines infligées depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1976.

38. Efficacité des sanctions pénales. La commission note que le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur les sanctions pénales infligées en application de la loi de 1976. Rappelant qu'aux termes de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement forcé ou obligatoire devra être passible de sanctions pénales, et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées sont réellement efficaces et strictement appliquées, la commission exprime à nouveau l'espoir que les mesures nécessaires seront prises pour assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces, et que le gouvernement fournira des informations sur tout amendement correspondant de la loi de 1976. En attendant ces mesures, la commission espère que des informations complètes seront fournies sur le nombre des cas dans lesquels des simples amendes, des peines de prison fermes ou des peines avec sursis ont été infligées aux personnes condamnées.

39. Statistiques judiciaires. La commission note les statistiques fournies par le gouvernement sur le nombre de poursuites engagées dans 12 Etats en application de la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dette jusqu'en mars 1993, avec une indication du nombre de délinquants poursuivis (dans trois Etats) et condamnés (en Uttar Pradesh). La commission note que dans le seul Uttar Pradesh avec 27 489 travailleurs asservis identifiés au 31 mars 1993, 2 305 poursuites ont été engagées, suivies de 1 031 acquittements et 1 190 condamnations, avec 84 cas encore en suspens; en revanche pour 11 autres Etats, avec plus de 220 000 travailleurs asservis identifiés, les indications du gouvernement font état d'un total de seulement 2 354 poursuites engagées avec 987 personnes effectivement poursuivies (dans trois Etats).

40. Mesures visant à assurer le respect de la législation: rapidité et efficacité. Au sujet de la synchronisation de l'identification et réhabilitation des travailleurs asservis et de l'engagement de poursuites judiciaires contre les personnes coupables d'asservissement, le gouvernement indique dans son dernier rapport que certains des gouvernements d'Etat redoutent que la crainte d'une action punitive peut s'avérer contre-productive puisqu'elle peut empêcher les coupables de coopérer volontairement au processus d'identification. La commission note que le processus d'identification semble être au point mort en attendant la coopération volontaire de ceux qui violent la loi. La commission note également l'indication du gouvernement que l'ouverture de poursuites en justice ne prend pas de temps mais que, étant donné le fonctionnement indépendant de la justice il n'est pas possible pour les autorités administratives de prescrire un délai pour la conclusion de procédures judiciaires. A cet égard, la commission note toutefois aussi la déclaration du gouvernement dans son rapport reçu en juin 1994 selon laquelle l'article 21 de la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dette prévoit le jugement sommaire des violations de la loi. La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement prendra bientôt les mesures nécessaires pour assurer, conformément à son obligation au titre de l'article 25 de la convention, que pour le fait d'exiger illégalement du travail forcé des sanctions pénales efficaces soient imposées à ceux qui violent la loi et strictement appliquées. Elle espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises, ainsi que des statistiques à jour sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées, avec une indication du genre de peine imposée, tel que demandé.

41. Assistance juridique. A la suite d'une proposition faite par la Commission nationale sur le travail rural, la commission note avec intérêt l'indication du gouvernement dans son rapport reçu en juin 1994 qu'il existe déjà dans différents Etats des dispositions visant à fournir une assistance juridique aux pauvres et que des instructions supplémentaires seront données à cet égard. Elle espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises et leur incidence sur l'application de la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dette. A cet égard, rappelant la proposition de la Commission nationale sur le travail rural que des dispositions juridiques soient prises pour assurer le paiement d'arriérés de salaire dûs aux travailleurs asservis libérés ainsi que la restitution de terres appartenant à des travailleurs asservis mais accaparés par des usuriers ou des propriétaires terriens plus puissants pour cause de prêts à des taux usuraires, la commission note l'indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle les dispositions de la loi sur les salaires minima s'appliquent aux revendications salariales des travailleurs asservis libérés et qu'il existe déjà une disposition dans la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dette visant à ce que les terres appartenant aux travailleurs asservis leur soient restituées après leur libération, libres de toute charge. La commission espère que le gouvernement fournira des données sur les mesures pratiques prises par le moyen de programmes d'assistance juridique, ou autrement, pour assurer l'application en pratique des dispositions légales en question.

Servitude pour dette des enfants

42. Dans ses commentaires précédents, la commission s'est référée aux déclarations faites devant la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, selon lesquelles les enfants seraient en servitude dans l'agriculture, la fabrication de briques, les carrières de pierres, le tissage des tapis, le tissage au métier, la fabrication des allumettes et feux d'artifice, la verroterie, et la taille et le polissage des diamants; la servitude pour dette et le travail forcé des enfants allant de pair avec le trafic, les enlèvements, l'oppression, le déni de la liberté de se déplacer, les voies de fait, les sévices sexuels, la faim, les horaires de travail exténuants et les conditions de travail dangereuses. La commission a noté l'indication du gouvernement selon laquelle il n'est pas fait de distinction entre la servitude des enfants et la servitude des adultes dans le cadre du mécanisme d'identification et de réadaptation créé à cette fin. Considérant toutefois la vulnérabilité particulière des enfants et leurs besoins spécifiques, la commission a demandé des informations sur toutes mesures particulières prises pour leur identification, libération et réadaptation.

La commission a également demandé un rapport complet sur la situation des enfants en servitude.

43. Salaire minimum. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement indique son ferme engagement d'éliminer progressivement le fléau que constitue le travail des enfants. Dans le cadre du programme d'action législatif, le gouvernement a déposé devant le Parlement un projet de loi visant à modifier la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants. Le projet consiste à écarter toute disposition en matière de fixation du salaire minimum qui tendrait à encourager le travail des enfants. Le texte du projet de loi fait actuellement l'objet de consultations avec le ministère compétent. La commission espère apprendre l'adoption de ce projet.

44. Statistiques sur l'application de la loi. Bien que des données particulières sur les cas de travail forcé des enfants ne soient ni recueillies ni traitées, le gouvernement signale une augmentation non négligeable au cours des deux dernières années du nombre des inspections, des poursuites et des condamnations en vertu de la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants et de la loi de 1948 sur les fabriques. La commission note toutefois que, d'après les données fournies par le gouvernement en juin 1994 concernant l'année 1993 et couvrant 15 Etats, des poursuites en application de la loi sur le travail des enfants n'ont été engagées que dans l'Uttar Pradesh (4 770), le Tamil Nadu (16) et le Maharashtra (37) et que des condamnations ne sont intervenues que dans l'Uttar Pradesh (567) et le Tamil Nadu (2).

D'après les rapports communiqués par les gouvernements des Etats, environ 1 400 enfants en servitude ont été identifiés. D'après le recensement national de 1987, 17,02 millions d'enfants sont au travail. Parmi eux, 2 millions sont employés à des activités dangereuses.

Le Premier ministre, dans sa déclaration à la nation pour célébrer le jour de l'indépendance (le 15 août 1994), a annoncé la mise en place d'un nouveau programme visant à éliminer la pratique illégale de l'emploi des enfants dans des occupations dangereuses. Dans le cadre de ce programme, il est prévu que d'ici l'an 2 000 environ 2 millions d'enfants employés dans des conditions dangereuses auront cessé de travailler.

45. L'action du gouvernement. Le 1er octobre 1994, l'Autorité nationale pour l'élimination du travail des enfants a été instituée, sous la présidence du ministère du Travail. Afin de s'attaquer au problème du travail des enfants, l'autorité a adopté au cours de sa troisième réunion, le 16 janvier 1995, un programme d'action intitulé "Identification, libération et réadaptation des enfants qui travaillent". Une circulaire a été soumise aux Etats et territoires de l'union pour adoption.

Cette circulaire comprend les actions nécessaires pour s'attaquer au problème du travail des enfants, particulièrement dans les emplois dangereux. Il prône le rapprochement des services et des structures de l'administration centrale et des administration des Etats en vue de coordonner efficacement la mise en oeuvre, au niveau des districts, les projets d'élimination du travail des enfants. Dans l'ensemble, il a pour but de:

a) mieux faire respecter les lois devant assurer la protection des enfants;

b) retirer les enfants du travail et les orienter vers des écoles spéciales, où ils recevront un enseignement primaire et pré-professionnel, un supplément de nourriture et des bourses;

c) prêter assistance aux parents au moyen de programmes de lutte contre la pauvreté et d'augmentation des revenus, en vue d'éviter qu'ils ne recourent au travail de leurs enfants;

d) empêcher de nouvelles entrées d'enfants dans le monde du travail par l'intensification des activités visant à fournir une éducation pré-scolaire, protéger la santé et assurer l'alimentation des enfants âgés de 0 à 6 ans, par des programmes tels que les services intégrés de développement des enfants, des programmes d'alimentation communautaires, etc.

Le gouvernement poursuit activement l'objectif d'élimination du travail des enfants dans l'industrie de l'ardoise à Mandsaur (Madhyar Pradesh) et dans la tuilerie à Jaggampet (Andhra Pradesh). Ces deux projets nationaux sur le travail des enfants ont été identifiés par la commission nationale consultative sur le travail des enfants.

46. La commission espère connaître les résultats de ces programmes et plans d'actions, ainsi que sur le suivi du rapport du Sous-comité sur l'élimination du travail des enfants dans les fabriques d'allumettes et de feux d'artifice du Tamil Nadu, dont une copie a été fournie par le gouvernement en février 1995.

47. Protection contre l'exploitation sexuelle. Le gouvernement a indiqué, dans le rapport reçu en juin 1994, qu'il a été demandé aux instances gouvernementales des Etats et des territoires de l'Union d'instituer des comités consultatifs au niveau des Etats, pour prendre des mesures en vue d'éradiquer la prostitution des enfants, et d'élaborer et mettre en oeuvre des programmes d'assistance sociale pour prodiguer des soins aux enfants concernés et assurer leur protection, développement et réadaptation.

48. La commission note que le gouvernement indique, dans son dernier rapport, que le gouvernement de l'Uttar Pradesh est saisi des allégations concernant le problème de la prostitution des enfants et qu'il réalisera une enquête dans les zones concernées. Des commissariats de police dont le personnel est exclusivement féminin ont été créés, des "fonctionnaires de sauvetage" ("rescues officers") ont été nommés dans certains quartiers sensibles pour organiser des opérations de sauvetage des victimes avec l'assistance de la police et suivre les procès. Font partie des mesures visant à s'attaquer au problème, la sensibilisation de la police dans le cadre de leur formation, le renversement de la charge de la preuve de la victime sur l'accusé, l'implication des ONG dans la réadaptation des victimes de prostitution enfantine. En ce qui concerne l'allégation spécifique de vente aux enchères et d'exploitation sexuelle des enfants, les magistrats des districts d'Agra, de Saharanpur et de Varanasi ont indiqué qu'aucun cas de la sorte n'avait été signalé. Dans ces trois districts, au cours des trois dernières années, 57 opérations de sauvetage ont été menées, et 465 cas de répression d'activités immorales ont été enregistrés par les tribunaux, avec des condamnations dans 131 cas.

La commission espère que le gouvernement communiquera une copie du rapport de l'enquête qui doit être réalisée ainsi que des informations sur les mesures supplémentaires prises par l'Uttar Pradesh et par les autres Etats et territoires de l'Union.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

Se référant à son observation sous la convention, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les points suivants:

1. La commission note que le document relatif au programme et budget de l'IPEC pour l'exercice 1994-95 fait mention du programme tendant à l'élimination progressive du travail des enfants dans un secteur d'activité dangereux, le tissage des tapis, dans l'Uttar Pradesh (où un grand nombre d'enfants travaillent en servitude) grâce à une démarche globale de renforcement de l'application de la loi de 1986 sur le travail des enfants (interdiction et réglementation) et de réinsertion des enfants ainsi soustraits à ce travail.

La commission note également que les autorités du Tamil Nadu ont élaboré un rapport définissant une stratégie d'élimination totale du travail des enfants dans les fabriques d'allumettes et d'artifices.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés dans l'application de la loi de 1986 susmentionnée, les sanctions prises et les mesures de réadaptation.

La commission prie le gouvernement de communiquer copie du rapport des autorités du Tamil Nadu.

2. La commission prie également le gouvernement de communiquer copie des décisions rendues par la Cour suprême à la suite des recours nos 483 de 1987 et 12125 de 1984, une fois que ces décisions auront été rendues.

3. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté que le Groupe de travail des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage avait appelé l'attention, au cours de ses débats, sur la situation des enfants exploités pour la prostitution. Il a été déclaré à cette occasion que ces enfants étaient vendus aux enchères comme du bétail et qu'il existe des centres de transit dans les environs d'Agra, de Saharanpur, de Banaras, de Calcutta, etc., certaines régions étant davantage "spécialisées" dans la prostitution des fillettes, et d'autres dans le commerce homosexuel.

La commission exprime à nouveau le ferme espoir que le gouvernement fournira les informations en réponse à ces déclarations et sur toutes mesures prises ou envisagées pour éradiquer cette forme d'exploitation des enfants.

4. Dans ses précédents commentaires, la commission a relevé que les modifications apportées en 1985 à la loi du Nagaland de 1965 sur la réquisition de porteurs ne changeaient pas la définition de "situation d'urgence" de l'article 2 a) de cette loi, qui inclut les situations prévoyant "le déplacement de matières premières, stocks et équipements jugés essentiels pour l'existence d'une communauté, le maintien de la loi et de l'ordre, ou la prévention de toute menace contre la paix, en un lieu non relié par la route ou le rail et dont la desserte nécessite des porteurs", ou "le transport de forces de police, des fusilliers de l'Assam ou d'unités des forces armées régulières pour faire face à une rupture de la paix, à une menace contre la loi ou l'ordre public, en un lieu non relié par la route ou le rail et dont la desserte nécessite des porteurs pour transporter tous équipements ou bagages essentiels". La commission a prié le gouvernement de prendre des mesures pour limiter le recours à la réquisition de porteurs aux seuls cas où il est nécessaire de faire face à une catastrophe ou une menace de catastrophe menaçant l'existence d'une partie ou de l'ensemble de la population. La commission note la déclaration du gouvernement selon laquelle, depuis les récentes élections législatives au Nagaland, la question a été à nouveau soulevée, à titre prioritaire, au plus haut niveau, auprès du Premier ministre du gouvernement de ce territoire.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.

5. Dans des précédents commentaires, la commission a noté les dispositions de la loi sur la marine de guerre et certaines dispositions de la loi sur l'armée de terre, le règlement de cette armée, la loi sur les forces aériennes et le règlement de ces forces concernant la cessation de service des personnes auxquelles ces instruments s'appliquent. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l'application dans la pratique des dispositions concernant la cessation de service de ces personnels de leur propre initiative, en incluant des statistiques sur les cas dans lesquels les demandes ont été refusées, ainsi que sur tout lien existant entre la durée de service accompli et la durée de l'enseignement ou de la formation reçue gratuitement pendant ou avant le service dans les forces armées.

La commission note les informations du gouvernement concernant le nombre des personnels de la marine ayant quitté le service de leur propre initiative et le nombre de cas dans lesquels la demande a été refusée. Elle souhaiterait obtenir des précisions sur les motifs de ces refus.

La commission note également la déclaration réitérée du gouvernement, selon laquelle les règlements régissant la cessation de service à l'initiative des intéressés sont confidentiels. Elle exprime néanmoins l'espoir que le gouvernement communiquera copie de ces règlements, afin d'être en mesure de juger de la liberté dont dispose cette catégorie de personnel au service de l'Etat de quitter le service de sa propre initiative, après un délai raisonnable, soit à des intervalles déterminés, soit moyennant préavis.

Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

La commission constate que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle a cependant pris note des informations fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence en 1993, et des débats ayant eu lieu au sein de la commission.

Dans ses précédents commentaires, la commission se référait à la situation en droit et en pratique de l'abolition de la servitude pour dettes.

La commission note la déclaration du représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence, selon laquelle il existe un niveau de sensibilisation élevé au sujet du problème de la servitude pour dettes. La volonté du gouvernement et de la population de résoudre ce problème trouve son expression dans des dispositions législatives interdisant la servitude pour dettes, une action de suivi effective, des sanctions pénales, des débats au Parlement et dans les législatures des Etats, la publicité accordée par les médias à cette question et l'action des organismes volontaires dans ce domaine.

La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle se référait à l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs soumis à servitude, ainsi qu'au rôle des comités de vigilance, au respect de la législation et à la création éventuelle d'une autorité compétente en matière de servitude pour dettes ainsi qu'à la servitude des enfants. Elle a examiné le rapport de la Commission nationale sur le travail rural (1991), celui du commissaire aux castes et tribus recensées (1987-1989) et le Programme d'action contre la servitude des enfants, adopté par le Séminaire régional asien sur la servitude des enfants (23-26 novembre 1992).

Identification

En 1992, le gouvernement a fait état de circulaires soulignant la nécessité de redoubler d'efforts pour identifier les travailleurs asservis, en particulier par des enquêtes auprès des ménages, des recensements et un contrôle intensif dans les carrières et dans la fabrication de briques.

La commission note la déclaration du représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence selon laquelle les recommandations de la commission nationale sur le travail rural ont été communiquées aux ministères et départements du gouvernement central pour être examinées en consultation avec les gouvernements des Etats, lesquels ont également été saisis de copies de ces recommandations, pour examen et suite à donner. Il est procédé périodiquement à un bilan des progrès accomplis. Le gouvernement a indiqué que le ministre d'Etat au Travail a organisé une réunion avec ses homologues des Etats de l'Union dans lesquels le problème de la servitude pour dettes est endémique. Il a été conclu, à l'issue de cette réunion, qu'une nouvelle étude devrait être réalisée dans ces Etats avant septembre 1993.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats obtenus ainsi qu'un exemplaire de toute étude réalisée.

La commission note également à la lecture du rapport de la Commission nationale sur le travail rural que des éléments de travail en condition de servitude ont été décelés dans les emplois non agricoles énumérés ci-après, mais n'ont pas été examinés de manière adéquate par des études: les carrières de pierres, les travailleurs migrants, les travailleurs des briques, les Joginis et Devadasis, les pêcheurs, le bâtiment et la construction de routes, les travailleurs des forêts, la fabrication des bidis, le tissage des tapis, la poterie, le tissage, le portage, le travail des enfants dans les fabriques d'allumettes et de feux d'artifice, etc. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes études ou enquêtes dans ces secteurs, et sur le nombre de travailleurs asservis identifiés, libérés et réadaptés. Elle espère que le gouvernement fournira une copie de telles études ou enquêtes.

Rôle des comités de vigilance

La commission a noté précédemment que la Commission nationale sur le travail rural déclarait dans son rapport que la plupart des comités de vigilance n'avaient pas été constitués, n'avaient pas été reconduits dans leurs fonctions ou n'avaient pas exercé leur action parce qu'ils ne se réunissaient pas régulièrement ou que leur fonctionnement ne faisait pas l'objet d'un suivi. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour garantir l'existence et le fonctionnement de ces comités de vigilance et fournirait des informations sur leurs travaux, notamment sur toute initiative prise par eux ou suggérée aux gouvernements des Etats pour assurer qu'ils fonctionnent de manière efficace et contribuent à l'abolition de la servitude pour dettes.

La commission note que le gouvernement s'est référé aux informations suivantes communiquées par certains Etats:

Gujarat: (19 comités de vigilance au niveau du district et 44 au niveau subdivisionnaire; une commission de contrôle au niveau de l'Etat); Maharastra: (sur 31 districts et 106 subdivisions: 27 comités de district et 19 comités subdivisionnaires); Uttar Pradesh: (sur 63 districts et 294 subdivisions: 54 comités au niveau du district et 220 au niveau subdivisionnaire); Karnataka: (comités de vigilance constitués dans un district à forte densité de travailleurs asservis: 9 sur 20 districts. Un système d'information a été constitué pour maintenir une surveillance étroite des zones rurales; les comités, dirigés par les magistrats de district, sont composés notamment de représentants des castes recensées et des tribus recensées, de travailleurs sociaux et de représentants d'organismes non officiels et d'institutions financières); Harayna: (sur 16 districts et 39 subdivisions: 12 comités au niveau du district et 35 au niveau subdivisionnaire).

La commission espère que le gouvernement sera en mesure de fournir des informations sur le fonctionnement de ces comités et sur l'exercice effectif des compétences dont elles sont investies par la loi no 19 de 1976 sur l'abolition de la servitude pour dettes pour l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis.

La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur la création de comités de vigilance et leur fonctionnement dans les Etats suivants: Andra Pradesh, Bihar, Madhia Pradesh, Orissa, Rajasthan et Tamil Nadu.

Réadaptation

La commission note que, dans sa déclaration à la Conférence, le représentant du gouvernement a mentionné des subsides à la réadaptation, à vocation agraire, non agraire ou artisanale. Le gouvernement a indiqué que la loi prévoit la restitution de leurs biens aux travailleurs asservis après leur libération.

La commission s'est référé précédemment à divers subsides à la réadaptation, intégrés dans d'autres programmes de lutte contre la pauvreté. Elle a noté que la Commission nationale sur le travail rural a fait ressortir certaines lacunes, telles que les délais considérables entre la libération et la réadaptation et le manque de suivi dans le cadre de la réadaptation, débouchant sur l'appauvrissement et la rechute dans la servitude; la non-intégration des programmes de réadaptation dans les autres programmes de lutte contre la pauvreté; la qualité médiocre des terres attribuées dans le cadre de la réadaptation en milieu rural; l'absence de mesures de réadaptation pour les travailleurs migrants soit dans leur Etat d'origine, soit dans l'Etat oû ils travaillent, etc. La commission nationale a souligné la nécessité d'améliorer les mesures de réadaptation et de corriger les lacunes. Elle a suggéré par exemple que le système de réadaptation soit choisi en consultation avec les intéressés et bien aménagé; que les terres devant être allouées dans le cadre des programmes de réadaptation agraire soient de bonne qualité; que les subsides soient versés dans leur totalité et que les plafonds soient relevés; que les établissements bancaires aient pour consigne d'octroyer des prêts à la consommation, étant donné que la principale cause de rechute dans la servitude est l'endettement contracté pour les besoins de la consommation; que des dispositions juridiques soient prises pour la restitution des terres appartenant à des travailleurs asservis mais accaparées par des usuriers ou des propriétaires terriens plus puissants pour cause de prêts à des taux usuraires.

La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises ou envisagées pour améliorer la qualité de la réadaptation, compte tenu des propositions de la Commission nationale sur le travail rural.

La commission prend note des statistiques fournies par le gouvernement sur le nombre de travailleurs asservis qui ont été identifiés, le nombre de travailleurs réadaptés et les objectifs pour 1993-94. Elle constate que dans certains Etats de nombreux travailleurs asservis identifiés attendent encore d'être réadaptés. Ainsi, dans l'Etat d'Andhra Pradesh, sur 35.934 travailleurs asservis identifiés, 25.753 ont été réadaptés, mais il en reste encore 10.181 qui doivent être réadaptés alors que l'objectif pour 1993-94 est seulement de 1.000.

La commission exprime l'espoir que les mesures nécessaires seront prises pour accélérer l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis. Le gouvernement pourrait également envisager de faire passer ses mesures de réadaptation par des organisations bénévoles ayant l'expérience du terrain et qui travaillent avec la population concernée.

A propos de la participation de ces organisations bénévoles, la commission note que certains gouvernements des Etats ont fourni au gouvernement central des informations: certains déclarent que cette participation s'est révélée inutile ou n'a pas été efficace; d'autres, au contraire, indiquent que l'assistance a été demandée à certaines organisations bénévoles pour procéder à l'identification et que les résultats obtenus ont été appréciables. La commission note que, de l'avis du gouvernement, il serait inutile de faire appel aux syndicats étant donné que la plupart des travailleurs asservis se trouvent dans le secteur non organisé.

La commission prie le gouvernement de fournir d'autres informations sur la situation dans ceux des Etats oû la participation des organisations bénévoles a été jugée par ces Etats inutile ou non efficace. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre des travailleurs encore en servitude, le nombre des travailleurs identifiés et libérés et de ceux réadaptés dans ces Etats.

Proposition de création d'une autorité nationale sur la servitude pour dettes

Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que le gouvernement n'envisageait pas alors de suivre la recommandation de la Commission nationale sur le travail rural tendant à la création d'une autorité nationale sur la servitude pour dettes. La commission avait noté que le Parlement avait été saisi d'un projet de loi tendant à la création d'une commission des droits de l'homme, et elle a estimé que cette commission pourrait être chargée des questions touchant à la servitude.

La commission note qu'une Commission nationale des droits de l'homme a été créée en octobre 1993 en application de la loi de 1993 sur la protection des droits de l'homme. Son activité se limite toutefois aux atteintes aux droits de l'homme commises par des agents de l'Etat, et n'englobe pas les atteintes commises par des particuliers, des sociétés, etc.

La commission rappelle que l'exaction de travail forcé et en particulier l'asservissement sont le plus souvent le fait de particuliers, sociétés, etc. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure envisagée pour étendre les compétences de la Commission des droits de l'homme ou bien pour créer une commission nationale sur la servitude pour dettes.

Respect de la législation

La commission a noté, dans ses précédents commentaires, à propos du rapport de la Commission nationale sur le travail rural, que bien peu de poursuites ont été engagées contre des personnes coupables d'asservissement. La commission nationale a souligné que le processus d'identification et de libération des travailleurs asservis ainsi que la traduction en justice des coupables devraient autant que possible s'exercer simultanément, et elle a formulé un certain nombre de propositions pour améliorer la situation.

La commission note la déclaration du gouvernement devant la Commission de la Conférence que les poursuites pénales doivent respecter la procédure judiciaire régulière et ne peuvent donc s'exercer dans des délais artificiels. La commission prie le gouvernement d'indiquer le temps requis par la procédure régulière applicable pour engager une poursuite pénale.

Faisant observer que la loi supprimant le système de servitude pour dettes a été adoptée en 1976 et s'appuyant sur l'évaluation de la Commission nationale sur le travail rural, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour garantir une procédure judiciaire régulière. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et le gouvernement a l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. Relevant par ailleurs que les sanctions pénales prévues par la loi de 1976 comportent une peine de prison allant jusqu'à trois ans et une amende plutôt insignifiante de 2.000 roupies, la commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises pour assurer une punition efficace des coupables et qu'il indiquera notamment le nombre de procédures engagées, de condamnations prononcées et d'amendes infligées depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1976.

Servitude pour dettes des enfants

Dans ses précédents commentaires, la commission s'est référée aux déclarations faites devant la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, selon lesquelles des enfants seraient en servitude dans l'agriculture, la fabrication de briques, les carrières de pierre, le tissage des tapis, le tissage au métier, la fabrication des allumettes et feux d'artifices, la verroterie, et la taille et le polissage des diamants; la servitude pour dettes et le travail forcé des enfants allant de pair avec le trafic, les enlèvements, l'oppression, le déni de la liberté de se déplacer, les voies de fait, les sévices sexuels, la faim, les horaires de travail exténuants et les conditions de travail dangereuses.

Des enfants doivent travailler au-delà de leurs capacités physiques, dans des emplois mettant en danger leur santé, leur sécurité, leur développement physique et psychique, pendant de longues heures, ce qui compromet leur éducation et ne leur laisse ni loisirs ni repos et bien souvent pour un salaire de misère, sans commune mesure avec la quantité de travail fournie; des enfants travaillent dans des conditions d'exploitation n'ayant aucun rapport avec une relation libre de travail. Ils sont exploités parce qu'ils sont jeunes et sans défense; ils sont privés du droit à une enfance normale, privés d'éducation, privés d'un avenir.

La commission avait noté que le Séminaire régional asien sur la servitude des enfants (23-26 novembre 1992), auquel l'Inde a participé, a formulé et adopté un programme d'action contre la servitude des enfants. Aux termes de ce programme, la lutte contre la servitude des enfants exige un ferme engagement politique - une condamnation nette et sans équivoque de la servitude - une politique nationale d'ensemble et un programme d'action englobant des réformes législatives, une application effective de la législation et un système d'enseignement obliglatoire et gratuit, soutenu par une mobilisation de la collectivité et des campagnes d'information.

La commission note que le Programme d'action législatif, inclus dans la politique nationale sur le travail des enfants adoptée en 1987, a notamment pour objectif de faire respecter les dispositions de la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants, la loi de 1948 sur les fabriques et la loi de 1952 sur les mines; que ce programme prévoit que le gouvernement adoptera une législation abrogeant les dispositions de la loi sur le salaire minimum permettant de fixer des rémunérations à des taux différents pour les enfants, les adolescents et les adultes. La commission espère que le gouvernement communiquera le texte de toute disposition adoptée à cet effet. Constatant également que le programme prévoit un renforcement des services d'inspection au niveau central et au niveau des Etats, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats obtenus pour démasquer l'exploitation du travail forcé des enfants, par l'amélioration des services d'inspection, et sur le nombre de cas constatés d'exploitation du travail forcé des enfants.

Notant également que le rapport sur la mise en oeuvre du Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) pour 1992-93 indique que le gouvernement envisage un amendement qui obligerait les employeurs à verser à un enfant le même salaire minimum qu'à un adulte, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure adoptée à cette fin.

La commission note également, d'après le rapport susmentionné, qu'il existe une sensibilisation accrue dans les instances gouvernementales et parlementaires de l'Union et de ses Etats, ainsi que des médias, sur les questions de travail des enfants et que les syndicats commencent à s'intéresser à cette question. La commission note aussi que le gouvernement a déclaré devant la Commission de la Conférence en 1993 que le Comité consultatif national sur le travail des enfants a défini deux projets nationaux tendant à l'élimination complète du travail des enfants en un an. Un programme de formation de quelque 600 inspecteurs du travail a été lancé en coopération avec l'IPEC. La commission prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour la mise en oeuvre des deux projets nationaux mentionnés ci-dessus.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur le résultat obtenu par les initiatives susmentionnées. Elle note que le gouvernement indique qu'il ne fait pas de distinction entre la servitude des enfants et la servitude des adultes dans le cadre du mécanisme d'identification et de réadaptation créé à cette fin. Considérant toutefois la vulnérabilité particulière des enfants et leurs besoins spécifiques, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures spécifiques prises ou envisagées pour l'identification, la libération et la réadaptation des enfants asservis.

La commission veut croire que le gouvernement fournira un rapport complet sur la situation des enfants en servitude, sur les objectifs définis et les stratégies adoptées ainsi que sur les mesures d'application prises (études, recensements, déclarations, etc.). Le respect de la loi exige, de la part du gouvernement, la volonté politique de donner les moyens nécessaires à une action efficace. La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les inspections, et sur leurs résultats, sur les poursuites engagées et les sanctions appliquées.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

Se référant également à son observation sous la convention, la commission prend note des informations et de la documentation fournies par le gouvernement.

1. La commission avait relevé que le MUKTI-NIKETAN a présenté un "projet de remplacement de développement autonome des travailleurs asservis libérés" au Tribunal suprême de l'Inde, y ayant été invité lors d'un litige d'intérêt public (demande d'assignation no 483 de 1987). La commission prend note de l'information fournie dans le rapport du gouvernement selon laquelle cette demande est "sub judice". La commission exprime l'espoir que le gouvernement fournira des informations sur l'issue de cette procédure. Elle souhaiterait également que soient communiquées des informations sur d'autres demandes d'assignation devant le Tribunal suprême et la Haute Cour de l'Etat en ce qui concerne la servitude pour dettes, en particulier lorsque des questions de principe sont en jeu.

2. Dans de précédentes informations, la commission a noté qu'au cours des débats du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage des Nations Unies l'attention a été attirée sur la situation des enfants exploités en tant qu'enfants prostitués. Il a été allégué que ces enfants étaient vendus aux enchères comme du bétail, qu'il existe des centres de transit situés à proximité d'Agra, de Saharanpur, de Banaras, de Calcutta, etc., certaines régions étant plus "spécialisées" dans la prostitution des petites filles, d'autres dans le trafic homosexuel.

La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement fournira des informations sur ces allégations et sur toutes les mesures prises ou envisagées pour abolir cette forme de travail forcé et l'exploitation des enfants.

3. Dans ses observations antérieures, la commission a signalé que l'amendement à la loi de 1965 Nagaland (réquisition des porteurs) ne modifie pas la définition de "l'urgence" de l'article 2 a) de la loi qui couvre certains cas où "l'absence de porteurs fait obstacle au mouvement de marchandises, de vivres et d'équipement considérés essentiels à la vie de la communauté ou au maintien de la loi et de l'ordre ou à la prévention de toute menace pour la paix, dans un lieu où il n'existe pas de communications routières ou ferroviaires", ou bien lorsque "l'absence de porteurs chargés du transport de l'équipement et des bagages indispensables fait obstacle au mouvement des forces de police, "Assam Rifles" ou unités des forces armées régulières en direction d'un lieu dépourvu de communications routières ou ferroviaires afin d'y ramener la paix ou combattre toute menace contre la loi ou l'ordre". La commission a demandé au gouvernement de bien vouloir prendre d'autres mesures pour limiter le recours à la réquisition des porteurs aux cas où il est nécessaire de faire face à une calamité ou à la menace d'une calamité mettant en danger l'existence ou le bien-être de tout ou partie de la population. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il a été conseillé au gouvernement de l'Etat d'abroger les dispositions pertinentes de la loi afin de se conformer aux dispositions de la convention. La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises.

4. Dans ses observations précédentes, la commission a pris note du texte de la loi sur la marine et d'extraits de la loi sur l'armée, du règlement de l'armée, de la loi relative aux forces aériennes et du règlement des forces aériennes traitant de la libération des personnes couvertes par ces instruments. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l'application pratique des dispositions pertinentes relatives à la cessation du service du personnel due à sa propre initiative, y compris les données statistiques portant sur des cas où les demandes de libération n'ont pas été acceptées, de même que sur tout lien existant entre la durée du service et la période consacrée volontairement à l'étude ou à la formation au cours ou avant le service dans les forces armées.

La commission prend note des statistiques relatives à la retraite définitive des officiers des forces armées et des aviateurs au cours des années allant de 1989 à 1991. La commission prend également note de la déclaration du gouvernement dans son rapport, selon laquelle le règlement portant sur la cessation de service à l'initiative de l'intéressé est confidentiel. La commission souhaiterait cependant que le gouvernement fournisse un exemplaire des dispositions concernant les conditions et la cessation de service des officiers et des aviateurs afin que la commission soit dans une position qui lui permette d'évaluer la situation en ce qui concerne l'application de la convention.

La commission note qu'il est procédé à la collecte des informations relatives aux personnels de la marine et des forces armées; les règlements des forces armées, de 1962, et de la marine sont épuisés, mais on s'efforce de les obtenir afin de les communiquer au BIT.

La commission espère que le gouvernement fournira les informations en question.

Observation (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

La commission note que plus de quinze ans se sont écoulés depuis que les autorités de l'Inde ont pris la décision, en 1976, d'abolir le système de la servitude pour dettes, que dix ans ont passé depuis que la Cour suprême a adopté sa décision de 1983 qui fait autorité. Cependant, dans la pratique, la situation ne semble pas avoir progressé beaucoup. La Commission nationale sur le travail rural a formulé un certain nombre de propositions et de recommandations visant à améliorer la situation. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour mettre en oeuvre ces propositions et recommandations.

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence en 1992, et des débats qui ont eu lieu en commission.

La commission a également pris note du rapport de la Commission nationale sur le travail rural, publié par le gouvernement de l'Inde en 1991, de même que du rapport du Commissaire sur les castes et les tribus protégées (29e rapport, 1987-1989), documents qui ont été fournis par le gouvernement en même temps que les informations soumises à la Commission de la Conférence. La Commission sur le travail rural, créée en 1987, a été chargée d'examiner en profondeur les problèmes nationaux et régionaux spécifiques au travail rural avec un mandat étendu comprenant des questions relatives à la servitude. Le 31 juillet 1991, la commission a présenté son rapport dont les conclusions et recommandations concernant la servitude se reflètent dans le chapitre 8. La commission définit la servitude comme un "système inhumain, d'un autre temps" qui "combine les caractéristiques les pires et les plus extrêmes de l'exploitation et de la discrimination".

La commission a pris également note du Programme d'action contre l'exploitation des enfants en situation servile adopté par les participants du Séminaire régional asien sur la servitude des enfants, qui s'est tenu à Islamabad (Pakistan) du 23 au 26 novembre 1992.

Abolition de la servitude pour dettes

Législation

1. La commission avait observé, précédemment, que, conformément à l'article 23 1) de la Constitution de l'Inde, la traite des êtres humains et le travail forcé sous toutes ses formes sont interdits et punissables aux termes de la loi. En vertu de la loi no 19 de 1976 portant abolition de la servitude pour dettes, ce régime est aboli. Par décision du 16 décembre 1983, la Cour suprême de l'Inde a considéré qu'un travailleur soumis au travail forcé entre dans le champ d'application de la loi et que l'élément prêt/dette/avance est présumé présent jusqu'à preuve du contraire. Un amendement adopté en 1985 étend la portée de la loi au travail sous contrat et aux travailleurs migrants.

Identification et importance du problème de la servitude pour dettes

2. Il n'existe pas d'enquête complète sur l'importance du problème. Ainsi que la commission l'a indiqué dans ses observations précédentes, différentes estimations ont été effectuées au cours des années 1977-1979. Une enquête organisée en 1978-79 sous les auspices de la Fondation Gandhi pour la paix (GPF) en coopération avec l'Institut national du travail (NLI), concernant dix des vingt et un Etats mais uniquement les domaines traditionnels, a estimé que le nombre des travailleurs asservis était de l'ordre de 2.600.000; un rapport de la Sous-commission de la servitude pour dettes, créée par la Commission centrale permanente de la main-d'oeuvre rurale, a estimé qu'en 1979 le nombre des travailleurs asservis du secteur rural s'élevait à environ 2 millions. En 1980, selon les estimations de neuf gouvernements des Etats, le nombre des travailleurs soumis à la servitude pour dettes était de 120.000 alors qu'en 1990 il est passé à 240.000 dans 12 Etats.

Le Front de libération des travailleurs asservis a avancé le chiffre d'environ 5 millions d'adultes et de 10 millions d'enfants asservis.

Les derniers chiffres fournis par le gouvernement, sur la base de rapports émanant des Etats, indiquent que, en mars 1991, 250.000 travailleurs asservis avaient été identifiés (dont 220.000 réadaptés).

Selon le rapport de la Commission nationale sur le travail rural, en ce qui concerne l'agriculture, l'importance de la main-d'oeuvre asservie est particulièrement élevée dans les Etats d'Andhra Pradesh, Bihar, Gujarat, Karnataka, Madhya Pradesh, Maharashtra, Orissa, Rajasthan, Tamil Nadu et Uttar Pradesh; la servitude pour dettes existe également dans des secteurs non agricoles, tels que l'exploitation des carrières dans différentes parties du pays, les briqueteries, parmi les travailleurs migrants, les "joginis" et "devadasis", les pêcheurs, les travailleurs du bâtiment et de la construction, de la foresterie dans certains Etats, la fabrication des "bidi", le tissage des tapis, la poterie, les travailleurs employés au chargement, les enfants travaillant dans l'industrie des allumettes et des feux d'artifice, etc. Le retard économique, la mauvaise qualité des infrastructures et la faiblesse du taux de l'emploi caractérisent les régions où existe la servitude pour dettes. Les moyennes pour l'ensemble de l'Inde indiquent que les travailleurs asservis appartiennent d'une façon caractéristique aux castes (61 pour cent) et aux tribus protégées (25 pour cent), sont analphabètes et ne possèdent pas de terres. Le Commissaire aux castes et tribus protégées mentionne que la servitude pour dettes existe dans les plantations de café de Tamil Nadu, dans les zones agricoles de Daltanganj et de Champaran, dans les carrières de pierre d'Uttar Pradesh et de Madhya Pradesh.

La commission note la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence selon laquelle l'identification des travailleurs asservis est principalement entreprise par le ministère du Revenu et l'agent du développement régional des gouvernements des Etats. Le ministère du Travail a émis des circulaires soulignant la nécessité d'entreprendre de nouveaux efforts pour identifier ces travailleurs. Il a suggéré les étapes suivantes:

a) enquêtes à domicile, sur le modèle des études effectuées par l'Institut national de sondage lors de son 32e exercice;

b) identification au cours des recensements pour l'attribution des sites de construction de maisons;

c) études approfondies devant être entreprises dans les carrières d'extraction de pierre et les fours à briques.

La commission observe que, dans son rapport pour la période se terminant en juin 1985, le gouvernement s'était déjà référé au même genre de mesures.

La commission espère que le gouvernement fournira des informations complètes sur les mesures prises par les gouvernements des Etats à la suite de ces instructions. La commission observe, cependant, que le rapport de la Commission sur le travail rural indique que la définition de la servitude pour dettes adoptée par l'Institut national de sondage lors de sa 32e session (1977-78) était restrictive, ne portant pas sur l'intégralité de la servitude telle que définie par la loi, bien qu'elle s'appliquât aux zones traditionnelles et non traditionnelles. La commission espère que toutes les enquêtes sur les ménages et tous les recensements et études entrepris prendront en compte la définition complète de la loi de 1976 sur l'abolition du système de servitude pour dettes telle qu'interprétée par la Cour suprême de l'Inde en 1983 et amendée en conséquence en 1985. Elle demande au gouvernement de fournir des informations à cet égard, y compris toutes instructions adoptées à cet effet.

Identifications et rôle des comités de vigilance

3. Dans ses observations antérieures, se référant à l'article 14 de la loi de 1976 sur l'abolition du système de servitude pour dettes et au Règlement de 1976 sur l'abolition du système de servitude pour dettes, la commission a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l'institution, les activités entreprises et les résultats obtenus par les comités de vigilance qui sont censés, en particulier, conseiller sur les mesures à prendre pour la mise en application des dispositions de la loi, prévoir la réadaptation économique et sociale et contrôler les infractions commises à l'égard de la loi.

La commission note la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence selon laquelle des comités de vigilance sont institués par les gouvernements des Etats dans la plupart des districts et des sous-divisions où le problème de la servitude pour dettes sévit de façon endémique. Ces comités tiennent des réunions périodiques afin d'examiner comment la loi est appliquée et d'assister les autorités. Le gouvernement ajoute qu'aucun rapport n'est communiqué par les comités et que leurs activités sont contrôlées par les gouvernements des Etats. Etant donné le grand nombre de comités de vigilance, le gouvernement central n'a guère la possibilité d'examiner leur fonctionnement.

Cependant, la commission note que le rapport de la Commission nationale sur le travail rural indique que si quelques comités de vigilance ont réalisé un bon travail, la plupart d'entre eux n'ont pas été institués ou reconstitués ou bien n'ont exercé aucune activité, n'ayant pas tenu de réunions régulières. Aucune surveillance n'a été exercée sur le fonctionnement de ces comités et, ces dernières années, il n'a pratiquement plus été procédé à l'identification de travailleurs asservis. La Commission nationale considère qu'il est nécessaire de stimuler les comités de vigilance, en tenant compte de leur composition telle qu'elle est prescrite.

La commission espère que le gouvernement prendra des mesures de façon à pouvoir contrôler l'existence et le fonctionnement des comités de vigilance. Elle exprime une fois de plus l'espoir que le gouvernement pourra fournir des informations détaillées sur le travail des comités de vigilance, y compris toutes initiatives prises ou suggérées par les gouvernements des Etats pour assurer que ces comités fonctionnent efficacement et contribuent à l'abolition de la servitude pour dettes.

Réadaptation

4. Dans ses observations précédentes, la commission s'est référée au programme, appuyé par le gouvernement central, institué pour la réadaptation des travailleurs asservis et à la participation des institutions bénévoles ainsi qu'à l'intégration du système des travailleurs asservis à d'autres programmes de lutte contre la pauvreté (tels que le Programme national d'emploi rural, le Programme de création d'emplois pour les paysans sans terre et le Programme intégré de développement rural). La commission a souligné l'importance d'une réadaptation rapide et adéquate des travailleurs asservis libérés, afin de leur procurer des moyens d'existence et éviter qu'ils retombent en servitude.

La commission prend note des informations données par le gouvernement à la Commission de la Conférence selon lesquelles, jusqu'ici, quatre institutions bénévoles ont été associées au programme dans les Etats de Madhya Pradesh, Maharashtra et Rajasthan.

La commission observe que la Commission nationale sur le travail rural souligne les lacunes qu'on observe dans la plupart des cas en matière de réadaptation et la nécessité d'améliorer, dans le sens de la qualité, les mesures de réadaptation. Elle propose un certain nombre d'actions à cet effet. En ce qui concerne la participation d'institutions bénévoles, la Commission nationale considère que l'organisation des travailleurs asservis peut être reconnue en tant qu'institution bénévole pour la mise en oeuvre des programmes de réadaptation.

La commission espère que le gouvernement prendra des mesures pour stimuler la participation d'un plus grand nombre d'institutions bénévoles, en particulier celles qui, depuis des années, s'attaquent au problème de la servitude pour dettes, telles que le Front de libération des travailleurs asservis, et qu'il fournira des informations détaillées sur les mesures prises à la suite des recommandations de la Commission nationale, et sur les résultats obtenus.

La commission souligne à nouveau l'importance de la participation des syndicats au processus d'identification et de réadaptation des travailleurs asservis.

Proposition en vue de l'institution d'une autorité nationale sur la servitude pour dettes

5. La commission note que, dans son rapport, la Commission nationale sur le travail rural a recommandé d'étendre la mise en oeuvre des structures existantes par la création d'un réseau d'institutions aux niveaux national et des Etats, en tant qu'institutions nodales chargées de coordonner l'identification, la libération et la réadaptation des travailleurs asservis, d'accroître le sens des responsabilités de l'administration et des comités de vigilance. Une autorité nationale ou une commission nationale sur la servitude pour dettes devrait être constituée sur le modèle de la Commission nationale des castes et tribus protégées et, au niveau des Etats, des commissaires à la servitude pour dettes devraient être nommés.

La commission prend note des indications du gouvernement à la Commission de la Conférence selon lesquelles la question de la création d'une commission nationale sur la servitude pour dettes a fait l'objet d'une étude détaillée du ministère du Travail à la lumière des recommandations de la Commission nationale sur le travail rural. Il a été décidé que la création d'une telle commission n'était pas nécessaire à ce stade, mais que l'application des dispositions de la loi par les gouvernements des Etats devrait être contrôlée de près, et un système de contrôle trimestriel a été introduit. Le 7 février 1992, le secrétaire au Travail de l'Union s'est adressé aux gouvernements des Etats afin que des mesures énergiques soient prises pour l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis.

La commission a pris note du modèle de document relatif au contrôle, fourni par le gouvernement. La commission espère que le gouvernement fournira des informations détaillées sur les résultats obtenus à la suite de ces instructions, en particulier sur toute augmentation sensible du nombre des travailleurs asservis identifiés et réadaptés, sur les mesures prises au niveau de l'Etat et communiquées au gouvernement central et sur toute nouvelle évaluation de la situation effectuée par le gouvernement central.

La commission a été informée de ce qu'un projet de loi établissant une Commission des droits de l'homme a été soumis au Parlement. Cette commission pourrait se voir confier les questions concernant la servitude pour dettes.

Application des sanctions

6. En vertu de la loi de 1976 portant abolition de la servitude pour dettes, l'exaction de la servitude pour dettes, ou la mise en demeure de remboursement d'une dette sous peine de servitude, et toutes mesures visant à assurer l'exécution d'une coutume, d'une tradition, d'un contrat, d'un accord ou de tout autre instrument exigeant une prestation de service en vertu du régime de servitude pour dettes seront passibles d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à trois ans et d'une amende de 2.000 roupies (art. 16, 17 et 18 de la loi); la loi prévoit diverses mesures à prendre par les autorités des Etats afin de punir les coupables. La commission a noté précédemment que peu de cas d'emprisonnement ont été relevés, et elle a demandé au gouvernement, compte tenu de la gravité du problème, de prendre des mesures efficaces afin d'assurer la stricte application des textes interdisant la servitude pour dettes et punissant ceux qui emploient des travailleurs asservis.

La Commission nationale sur le travail rural indique, dans son rapport, que pour faire prendre confiance dans le système de l'abolition une mise en application efficace de la loi s'impose. La Commission nationale fait référence aux rapports traitant des laps de temps excessifs qui s'écoulent entre l'identification, la libération et la réadaptation et note que les personnes qui gardent les travailleurs en servitude n'ont guère été poursuivies. La même commission souligne que le processus d'identification, de libération et de poursuite criminelle devrait, dans toute la mesure possible, faire l'objet d'activités simultanées et elle formule un certain nombre de propositions visant à améliorer la situation.

La commission rappelle que, en vertu de l'article 25 de la convention, l'exaction illégale du travail forcé ou obligatoire doit être passible de sanctions pénales et que le gouvernement doit s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.

La commission espère que le gouvernement indiquera les mesures envisagées ou adoptées pour renforcer le mécanisme d'application.

Se référant à ses observations précédentes, la commission espère également que le gouvernement fournira une copie du rapport de la commission instituée pour effectuer une enquête sur la servitude pour dettes à Haryana, rapport présenté à la Cour suprême en juin 1991.

Servitude pour dettes des enfants

7. Dans ses observations précédentes, la commission a fait référence aux allégations présentées aux 14e, 15e et 16e sessions (1989-1991) de la Sous-commission des Nations Unies pour la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités. Selon ces allégations, plusieurs millions d'enfants sont asservis dans les activités suivantes: agriculture, briqueteries, carrières de pierre, tissage des tapis, métiers à tisser manuels, industrie des allumettes et des feux d'artifice, verrerie et bimbeloterie, taille et polissage des diamants; la servitude et le travail forcé des enfants s'accompagnent de trafic et d'enlèvement d'enfants, de répression, d'absence de liberté de mouvement, de coups, d'exploitation sexuelle, de privation de nourriture, d'une durée abusive du travail imposé, de conditions malsaines et périlleuses exposant les enfants à de graves atteintes à leur santé.

La commission avait également noté le rapport de la commission d'enquête instituée le 1er août 1991 par décision de la Cour suprême de l'Inde (requête no 12125 de 1984) qui décrit dans leurs détails certains cas d'enfants soumis à la servitude pour dettes de la région de tissage de tapis des Etats d'Uttar Pradesh et de Bihar. La commission d'enquête a émis plusieurs recommandations visant à améliorer la situation, y compris l'application rigoureuse de la loi sur l'abolition de la servitude pour dettes et des mesures destinées à s'assurer que les sommes devant être remises au moment de la libération sont utilisées pour une réelle réadaptation. La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement fournira une copie de l'arrêt de la Cour suprême dès qu'il aura été rendu.

La commission note que, dans sa déclaration à la Commission de la Conférence, le gouvernement se référant au travail des enfants en général a indiqué qu'il est proposé d'étendre la politique nationale concernant le travail des enfants pour y intégrer non seulement les services chargés d'assurer l'application de la loi, mais également les organisations non gouvernementales, l'ensemble de la communauté ainsi que les organisations de travailleurs et d'employeurs. Dans le cadre du Programme international du BIT pour l'élimination du travail des enfants, l'Inde s'engagerait, notamment, dans la formation des inspecteurs et la mise en place d'une vaste campagne de sensibilisation.

La commission espère que le gouvernement pourra fournir des informations sur les résultats obtenus à la suite de ces initiatives en ce qui concerne la servitude pour dettes des enfants.

8. La commission note qu'un Séminaire régional asien sur la servitude des enfants s'est tenu à Islamabad (Pakistan) du 23 au 26 novembre 1992. Ce séminaire était organisé par le BIT en collaboration avec le gouvernement du Pakistan et le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme. Les participants venaient du Bangladesh, de l'Inde, du Népal, du Pakistan, de Sri Lanka et de la Thaïlande; ils étaient magistrats, juristes, fonctionnaires des ministères du Travail, représentants d'organisations d'employeurs et de travailleurs et d'organisations non gouvernementales nationales et régionales engagées dans la luttre contre la servitude. Les participants ont élaboré et adopté un Programme d'action contre l'exploitation des enfants en situation servile.

Ce programme se réfère à l'asservissement de millions d'enfants dans plusieurs pays de la région. Ces enfants sont souvent victimes de fléaux sociaux qui touchent des catégories ou groupes plus larges de la population, en particulier leurs parents. Ils travaillent dans divers secteurs et activités, notamment dans l'agriculture, le tissage des tapis, les briqueteries, les carrières de pierre et la construction. Ils sont parfois contraints de travailler seuls, séparés de leurs familles: ils travaillent soustraits aux regards comme domestiques; on les "recrute" pour les faire travailler dans les plantations; on les enlève à leur famille; on les enferme dans des ateliers-bagnes ou des maisons de prostitution; on les envoie dans d'autres pays comme prostitués ou comme jockeys pour la monte des dromadaires; on les mutile délibérément et on les force à se livrer à la mendicité ou à d'autres trafics organisés par des bandes de malfaiteurs. Ce sont, dans le monde du travail, les êtres les plus isolés, les plus vulnérables, ceux dont le sort est le plus tragique.

Le programme souligne que la lutte contre l'asservissement des enfants requiert un engagement politique ferme, une prise de position claire et sans ambiguïté contre l'asservissement, reposant, au plan national, sur une politique d'ensemble et un programme d'action comprenant des réformes législatives, la stricte application de la loi et l'éducation gratuite et obligatoire, s'appuyant sur la mobilisation de la communauté et des campagnes d'information.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour l'abolition de la servitude des enfants et pour l'application effective de la loi de 1976 portant abolition de la servitude pour dettes, en ce qui concerne les enfants asservis.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

La commission note que le rapport n'a pas été reçu. Elle espère qu'un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu'il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans sa précédente demande directe:

1. Servitude pour dettes. Se référant à son observation au titre de cette convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations et la documentation voulue en ce qui concerne les points qui suivent:

a) La commission prie le gouvernement d'indiquer si des institutions bénévoles telles que le Front de libération des travailleurs asservis sont impliquées dans le programme de réadaptation des travaileurs asservis qui sont libérés, si d'autres institutions sont impliquées et, dans l'affirmative, de quelle manière.

b) La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures ou dispositions prises au niveau de l'Union ou par les gouvernements des Etats pour vérifier que les travailleurs asservis libérés mènent une vie libre et normale ou, au contraire, sont retombés en servitude; elle le prie de fournir toutes statistiques existant en la matière.

c) La commission note que les responsables du MUKTI-NIKETAN ont soumis une "Contre-proposition de développement autonome des travailleurs asservis libérés" à la Cour suprême de l'Inde, ayant été appelés à le faire dans le cadre d'un litige d'intérêt public (pétition judiciaire no 483 de 1987). La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur la suite donnée à ce litige, en y joignant le texte de la décision de la Cour suprême. Elle souhaiterait également des informations sur toute pétition judiciaire soumise à la Cour suprême en matière de servitude pour dettes, notamment si des questions de principe sont en jeu.

d) La commission prie le gouvernement de joindre à son prochain rapport copie des rapports les plus récents du Commissaire aux castes et tribus protégées, de la Commission nationale du travail rural et du Comité consultatif technique du travail des enfants.

2. La commission a noté que l'attention du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de l'ONU avait été appelée sur l'exploitation sexuelle des enfants. Il a été allégué que ceux-ci sont mis aux enchères et vendus comme du bétail, qu'il existe des centres de transit près de villes comme Agra, Saharanpur, Bénarès et Calcutta, certaines régions étant davantage spécialisées dans la prostitution des filles, tandis que d'autres le sont dans celle des garçons.

La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur ces allégations et sur toute mesure prise ou envisagée, notamment moyennant poursuites, pour mettre fin à cette forme de travail forcé des enfants.

3. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l'amendement de 1985 à la loi de 1965 du Nagaland sur la réquisition des porteurs ne modifie pas la définition du terme "urgence", donnée à son article 2 a), qui inclut des situations où l'absence de porteurs empêche le transport, vers un lieu non desservi par route ou par rail, de marchandises, de provisions et d'équipement considérés comme essentiels à la vie de la communauté, au maintien de la loi et de l'ordre ou aux actions préventives contre une menace à la paix, ou dans les cas où l'absence de porteurs pour le transport de pièces essentielles d'équipement ou de bagages empêche le déplacement, par route ou par rail, des forces de police, du régiment de l'Etat d'Assam ou des unités des formes armées régulières vers un tel lieu pour faire face à des troubles ou à une menace à la loi ou à l'ordre. La commission avait prié le gouvernement de prendre des mesures supplémentaires afin de limiter le recours à la réquisition de porteurs à des situations où elle est nécessaire pour faire face à des sinistres ou menaces de sinistre mettant en danger la vie ou les conditions normales d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population. La commission a noté, d'après la déclaration réitérée figurant dans le rapport du gouvernement pour la période se terminant au 30 juin 1989, que ses commentaires ont été portés à l'attention du gouvernement de l'Etat du Nagaland. Elle exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement sera bientôt en mesure d'indiquer que l'action nécessaire a été entreprise pour modifier la législation afin de garantir l'observation de la convention.

4. Dans sa demande directe précédente, la commission a pris note de la loi sur la marine, des extraits de la loi sur l'armée, du règlement de l'armée, de la loi sur l'armée de l'air et du règlement de l'armée de l'air, pour ce qui a trait à la libération des personnes visées par ces textes. Elle note la déclaration du gouvernement dans son rapport pour la période se terminant au 30 juin 1989, selon laquelle le règlement de 1962 sur le Service de la défense et le règlement de la marine sont toujours en cours de révision et seront communiqués en temps voulu. Elle prie de nouveau le gouvernement de fournir également des informations sur l'application pratique des dispositions relatives à la cessation de service à la demande d'un membre de l'un des personnels susvisés, notamment des statistiques concernant les cas où des libérations sollicitées ont été refusées. La commission souhaiterait des informations sur tout lien existant entre la durée du service et la période d'éducation ou de formation gratuites reçues avant ou pendant le service dans les forces armées.

Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

La commission note que le gouvernement n'a pas communiqué de rapport. La commission a toutefois pris note des discussions ayant eu lieu à la Commission de la Conférence.

La commission a également noté le rapport de la commission d'investigation instituée par décision de la Cour suprême le 1er août 1991, dans le cas no 12125 de 1984.

La commission a aussi pris note des discussions qui ont eu lieu à la 16e session du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités (juillet-août 1991).

Abolition de la servitude pour dettes

Dans son observation de 1991, la commission a examiné de manière approfondie la situation en droit et en pratique de l'abolition de la servitude pour dettes.

1. Portée de la législation. La commission a précédemment noté que, selon l'article 23 1) de la Constitution de l'Inde, la traite des êtres humains et le travail forcé sous toutes ses formes sont interdits et qu'en vertu de la loi de 1976 portant abolition de la servitude pour dettes, ce régime est aboli. La portée de la loi a été clarifiée par une décision de la Cour suprême du 16 décembre 1983 et par des amendements adoptés en 1985.

La commission note la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence que, à la suite de la décision de la Cour du 16 décembre 1983, une commission d'enquête chargée d'identifier les cas de servitude pour dettes a été instituée dans l'Etat de Haryana et qu'elle est en train de terminer son rapport pour soumission à la Cour suprême.

La commission espère que le gouvernement communiquera des informations complètes sur les constatations et les recommandations de la commission susmentionnée ainsi qu'une copie du rapport.

2. Identification, libération et réadaptation des travailleurs asservis. En ce qui concerne le nombre des travailleurs asservis, la commission s'est référée précédemment à des estimations selon lesquelles il y a environ 2 à 2,6 millions de travailleurs asservis dans l'agriculture ou le secteur rural (1981, Fondation Gandhi pour la paix en coopération avec l'Institut national du travail - estimations pour 11 des 21 Etats; 1979, Sous-commission de la servitude pour dettes, créée par la Commission centrale permanente de la main-d'oeuvre rurale) et que le Commissaire aux castes et tribus protégées estimait que la servitude pour dettes existe également dans d'autres secteurs tels que dans l'exploitation des carrières, le tissage, les services domestiques; l'existence de la servitude pour dettes dans les carrières et le tissage fut confirmée par le jugement de 1983 de la Cour suprême et par le commissaire nommé par la Cour sur les conditions de travail des enfants dans l'industrie du tissage de tapis de Mirzapur.

La commission note que, dans les informations qu'il a soumises à la Conférence en 1991, le gouvernement s'est référé à ses déclarations antérieures, selon lesquelles il n'accepte pas ces estimations car il considère que la méthodologie appliquée est fondée sur des extrapolations d'exemples non suffisamment représentatifs. Le gouvernement a rappelé ses indications selon lesquelles ce sont les Etats qui sont essentiellement responsables de l'identification et de la réadaptation; qu'ils avaient été invités de faire des enquêtes afin d'identifier tous les travailleurs asservis dès que possible, qu'au 31 mars 1989, 242.532 travailleurs asservis avaient été identifiés, et qu'au 31 mars 1990, 245.636 dont 218.028 avaient été réadaptés.

La commission note que le rapport du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage se réfère à des informations soumises par Anti-Esclavage International selon lesquelles la servitude pour dettes touchait quelque 5 millions d'adultes et 10 millions d'enfants.

La commission observe qu'une infrastructure large et développée pour la collecte de statistiques semble exister dans le pays, comme le gouvernement l'a indiqué lors du débat général à la Commission de la Conférence en 1991. La commission espère que le gouvernement central et les gouvernements des Etats prendront avantage des moyens existants pour accélérer l'identification des travailleurs asservis.

Se référant aux assurances données par le gouvernement à la Commission de la Conférence que des informations récentes seraient communiquées sur l'ensemble des questions, et rappelant également la déclaration antérieure du gouvernement selon laquelle le concours actif des syndicats et des institutions sociales est d'une importance cruciale, la commission espère que le gouvernement communiquera des informations sur les mesures prises et les résultats atteints dans l'identification des travailleurs asservis.

La commission a précédemment pris note d'un certain nombre de plans et projets adoptés en vue de l'identification, de la libération et de la réadaptation des travailleurs asservis, soit concernant spécifiquement ces travailleurs soit intégrant comme un élément constitutif. En ce qui concerne l'application de la loi de 1976, notamment en rapport avec ces différents programmes, la commission, en s'appuyant sur des extraits du rapport de la Sous-commission de la Commission parlementaire près le ministère du Travail, a noté un certain nombre de points sur lesquels elle a prié le gouvernement de communiquer des informations.

a) Identification et rôle des comités de vigilance. Se référant aux indications sur la lenteur du processus d'identification et à l'article 14 de la loi de 1976 prévoyant l'institution de comités de vigilance, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur la constitution de ces comités, leurs activités, les résultats atteints, les fonds mis à disposition des comités de vigilance de même que sur les mesures prises par les gouvernements de l'Union et les gouvernements des Etats pour soutenir et promouvoir leurs activités, et sur toutes études récentes faites pour évaluer le nombre réel de travailleurs asservis qu'il reste à identifier et à réadapter.

La commission note la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence que les comités de surveillance ont un rôle important à jouer et avaient été institués dans presque tous les Etats aux niveaux des districts et des subdivisions; ceux déjà en place conseillent les magistrats de districts et des subdivisions et s'efforcent d'identifier, de libérer et de réadapter les travailleurs asservis. Le gouvernement n'a pas reçu d'informations de la part de ces comités ou des gouvernements des Etats faisant état de problèmes dans le processus d'identification et de réadaptation. Le gouvernement n'a pas pris de mesures spécifiques pour fournir des mesures incitatives pour les comités et n'a pas non plus reçu de propositions à cet égard de la part des Etats. Aucune nouvelle étude à cet égard n'a été menée. Cependant, lorsque des plaintes sont reçues concernant l'existence de travailleurs asservis, des enquêtes sont menées pour établir la nature et l'existence d'un tel système, et des mesures sont prises pour libérer et réadapter les travailleurs concernés.

Rappelant les indications antérieures du gouvernement selon lesquelles les gouvernements des Etats ont été priés de veiller à ce que les comités de vigilance soient constitués et se réunissent régulièrement et tiennent à jour des registres, la commission espère que le gouvernement communiquera les informations qu'elle a énumérées de manière détaillée dans ses commentaires de 1991, y compris des rapports et études.

b) Plan tendant à s'assurer le concours des institutions bénévoles. La commission s'est référée précédemment au plan tendant à s'assurer le concours d'institutions bénévoles pour l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis, mis en route le 30 octobre 1987, en vertu duquel les institutions bénévoles peuvent se voir attribuer des subventions (une somme forfaitaire pour les frais de fonctionnement et une certaine somme pour chaque travailleur libéré au-delà de 20 jusqu'à un maximum déterminé).

La commission note la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence qu'il y a eu deux cas d'institutions bénévoles qui se sont fait connaître pour bénéficier de la subvention administrative durant l'année 1989-90. Toutefois, lorsque de telles institutions bénévoles portent à l'attention du gouvernement l'existence de travail asservi dans le secteur où elles opèrent, des efforts sont faits pour obtenir la libération des personnes concernées ainsi que leur réadaptation.

La commission prie le gouvernement d'indiquer combien d'institutions bénévoles il a contactées et quelle était leur réponse, et dans quelle mesure le gouvernement entend inclure les institutions bénévoles actives dans ce domaine et rechercher leur aide.

La commission espère que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur d'autres cas et, comme la commission l'a demandé précédemment, des informations sur le fonctionnement de ce plan et sur les résultats enregistrés, en précisant dans quelle mesure ledit plan a accéléré le processus d'identification et de réadaptation en indiquant les progrès qui pourraient être envisagés, les commentaires et suggestions avancées par les institutions bénévoles concernées telles que le Front de libération des travailleurs asservis, y compris des rapports de ces institutions ou en provenance de sources officielles.

c) Programme de réadaptation. Dans son observation de 1991, la commission a examiné de manière approfondie le programme de réadaptation financé par le gouvernement central et s'est référée aux sommes remises au travailleur pour sa réadaptation ainsi qu'au moment où le don lui est remis. Etant donné que la réadaptation à temps des travailleurs asservis identifiés et libérés est d'une importance capitale, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour accélérer le processus de réadaptation des travailleurs asservis identifiés, afin notamment de réduire le danger que court tout travailleur libéré depuis peu de retomber en servitude par manque de moyens de subsistance. La commission espère que le gouvernement indiquera les catégories d'activités dans lesquelles les travailleurs libérés sont réadaptés et les mécanismes qui existent pour le suivi des mesures de réadaptation.

d) Intégration du programme de réadaptation dans d'autres programmes de lutte contre la pauvreté. La commission s'est référée précédemment aux difficultés rencontrées et aux défauts constatés dans l'application des instructions du gouvernement central tendant à intégrer le système central de réadaptation des travailleurs asservis dans les autres programmes de lutte contre la pauvreté (tels que le Programme national d'emploi rural, le Programme de création d'emplois pour les paysans sans terre, le Programme intégré de développement rural).

Compte tenu de l'extrême importance que revêtent la nature et la qualité de la réadaptation, la commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement fournira des informations détaillées sur tous plans d'action tendant à promouvoir l'intégration du Système central de réadaptation des travailleurs asservis dans les autres programmes de lutte contre la pauvreté, sur les mesures effectivement prises et les résultats obtenus.

e) Proposition visant à l'institution d'une commission nationale sur la servitude pour dettes. La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur toutes dispositions prises pour instituer une commission chargée de veiller à l'application de la loi de 1976 sur l'abolition de la servitude pour dettes.

3. Application des sanctions. En vertu de l'article 25 de la convention, le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. En vertu de la loi de 1976 sur l'abolition de la servitude pour dettes, l'exaction de la servitude pour dettes ou la mise en demeure de remboursement d'une dette sous peine de servitude ou l'exécution d'une coutume, d'une tradition, d'un contrat, d'un accord ou de tout autre instrument exigeant une prestation de service en vertu du régime de servitude pour dettes sera passible d'emprisonnement jusqu'à trois ans et d'une amende de 2.000 roupies au maximum (art. 16, 17 et 18 de la loi); la loi prévoit diverses mesures à prendre par les autorités des Etats afin de sanctionner les coupables. La commission a noté précédemment que peu de cas d'emprisonnement avaient été relevés et elle a demandé au gouvernement, compte tenu de la gravité du problème, de prendre des mesures efficaces afin d'assurer la stricte application des textes interdisant et sanctionnant la servitude pour dettes.

La commission avait noté les indications du gouvernement dans son rapport pour la période se terminant au 30 juin 1989, selon lesquelles le ministre du Travail de l'Union a souligné, à l'adresse des gouvernements des Etats, la nécessité d'intenter des poursuites contre les exploiteurs de travailleurs asservis immédiatement après l'identification et la libération de ceux-ci, et le gouvernement de l'Union a clairement affirmé que, si désormais une identification n'était pas immédiatement suivie de poursuites contre le coupable, il pourrait refuser d'assumer sa part des frais de réadaptation. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations quant aux résultats acquis par ces mesures qui ont pour objet de réprimer la corruption et le détournement de fonds, mais ne doivent pas avoir pour effet d'entraver le processus d'identification, de libération et de réadaptation des travailleurs asservis.

La commission avait également pris note des informations communiquées à la 14e session du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage en ce qui concerne les actions intentées devant la Cour suprême de l'Inde par des groupements d'action sociale et ayant eu notamment pour effet la libération de plusieurs milliers de travailleurs asservis du district de Raipur en avril-mai 1988. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les actions intentées devant la Cour suprême de l'Union et devant les cours supérieurs des divers Etats pour ce qui touche à la servitude pour dettes, sur les décisions rendues par ces instances et sur l'exécution de celles-ci par les autorités des Etats. Elle le prie également à nouveau de fournir des données, notamment statistiques, sur le nombre de poursuites intentées et sur les sanctions infligées, ainsi que toute autre information lui permettant de se prononcer sur l'efficacité des mécanismes d'exécution.

La commission note les informations communiquées au Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage à sa 16e session par Anti-Esclavage International que la commission d'enquête sur la situation des travailleurs asservis dans l'Etat de Haryana a soumis son rapport à la Cour suprême en juin 1991 et qu'elle avait identifié plus de 2.000 travailleurs asservis devant être réadaptés (alors que le gouvernement de Haryana avait nié l'existence de travailleurs asservis). La commission espère que le gouvernement communiquera copie du rapport.

Servitude pour dettes des enfants

4. Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note des discussions qui ont eu lieu aux 14 et 15e sessions (1989 et 1990) du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités. La commission avait noté que les rapports de ce groupe (documents E/CN.4/Sub.2/1989/39 du 28 août 1989 et E/CN.4/Sub.2/1990/44 du 23 août 1990) se réfèrent aux informations communiquées par Anti-Esclavage International concernant l'exploitation du travail des enfants liée à la servitude pour dettes dans les pays de l'Asie du Sud; ces informations figurent dans le rapport du Séminaire de l'Asie du Sud sur la servitude des enfants, tenu en juin-juillet 1989, auquel assistaient des représentants d'organisations non gouvernementales de cinq pays. Pour ce qui est de la situation en Inde, le rapport se réfère à des enfants asservis à de nombreux travaux en indiquant que la servitude pour dettes, la force ou la contrainte sont caractéristiques de presque toutes formes de travail des enfants. Selon des estimations contenues dans le rapport, plusieurs millions d'enfants, âgés de 5 à 14 ans, sont chroniquement asservis dans le secteur agricole, environ un million dans les briquetteries, les carrières de pierre et le bâtiment, des centaines de milliers dans le tissage des tapis, les métiers à tisser manuels, l'industrie des allumettes et des feux d'artifice, la verrerie et la bimbeloterie, la taille et le polissage des diamants, ainsi que dans la serrurerie. La servitude et le travail forcé des enfants s'accompagnent de trafic et d'enlèvement d'enfants, de répression, d'absence de liberté de mouvement, de coups, d'exploitation sexuelle, de privation de nourriture, d'une durée abusive du travail imposé, de conditions de travail malsaines et périlleuses exposant les enfants à de graves atteintes à leur santé.

Selon le rapport, des dispositions législatives et constitutionnelles ont été adoptées pour protéger les enfants, mais elles ne sont pas appliquées, et la situation des enfants asservis ne change guère dans la pratique; par exemple, dans la région de Mirzapur Bhadohi, qui est la région de fabrication des tapis dans l'Uttar Pradesh, des bandes organisées enlèvent des enfants par la contrainte ou la ruse pour les forcer à tisser.

Il est allégué que, en dépit des pénalités prévues par la loi, les exploiteurs ne craignent pas d'être punis ou sanctionnés en raison de la faiblesse des voies et moyens d'application, de l'indolence des autorités, de la collusion et de la corruption qui empêchent l'identification, la libération et la réadaptation des enfants asservis.

La commission note le rapport de la commission d'enquête institué le 1er août 1991 par décision de la Cour suprême dans le cas no 12125 de 1984.

L'enquête s'est déroulée dans des villages de la région de tissage de tapis dans le Sud-Est de l'Etat d'Uttar Pradesh ainsi qu'au Bihar, en particulier dans la région de Mirzapur Bhadohi. Elle fournit une description détaillée des enfants en servitude et de leurs conditions et contient une liste et des photos d'enfants libérés, de même que des certificats de libération.

La commission note que la commission d'enquête s'est référée, entre autres, aux cas suivants:

- un grand nombre d'enfants, quelques-uns âgés de 6 à 9 ans, travaillent en servitude à des métiers à tisser les tapis;

- beaucoup sont amenés d'ailleurs, notamment du Bihar;

- parfois les enfants sont entraînés par des groupes organisés;

- lorsque les parents reçoivent de l'argent d'avance, l'agent, le tisserand et l'exploitant réduisent le salaire déjà maigre de l'enfant pour le punir ou lui faire payer ses fautes;

- l'intérêt de la somme avancée continue à croître et l'enfant doit rester;

- les enfants sont souvent surveillés de près, n'ont pas le droit de sortir ou d'avoir des contacts avec d'autres personnes ou de leur parler; - les enfants travaillent pendant de nombreuses heures;

- lorsqu'ils ne travaillent pas ou font des fautes, ils sont enfermés dans des endroits clos et parfois torturés;

- des enfants qui ont tenté de s'échapper ont été battus;

- les enfants qui sont exposés à des dangers tels que se couper les doigts sont obligés de travailler à nouveau après un court repos.

La commission d'enquête a fait plusieurs propositions pour améliorer la situation: enregistrement obligatoire des métiers; descentes pour libérer les enfants, lorsqu'il est possible de les réadapter rapidement; application stricte de la loi sur l'abolition de la servitude pour dettes; mesures pour assurer que les sommes remises au moment de la libération sont utilisées pour une réelle réadaptation et ne sont pas détournées.

La commission espère que le gouvernement communiquera une copie de la décision de la Cour suprême dans ce cas, de même que sur les mesures prises suite à la décision de la Cour. Se référant à l'article 25 de la convention, la commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes sur les mesures prises ou envisagées pour abolir dans la pratique le travail forcé des enfants.

La commission espère que le gouvernement, tenant compte également des commentaires détaillés formulés sous la convention en 1991, fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1992.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

1. Servitude pour dettes. Se référant à son observation au titre de cette convention, la commission prie le gouvernement de fournir des informations et la documentation voulue en ce qui concerne les points qui suivent:

a) Se référant au point 2 b) et c) de son observation sous la convention, la commission prie le gouvernement d'indiquer si des institutions bénévoles telles que le Front de libération des travailleurs asservis sont impliquées dans le programme de réadaptation des travaileurs asservis qui sont libérés, si d'autres institutions sont impliquées et, dans l'affirmative, de quelle manière.

b) La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures ou dispositions prises au niveau de l'Union ou par les gouvernements des Etats pour vérifier que les travailleurs asservis libérés mènent une vie libre et normale ou, au contraire, sont retombés en servitude; elle le prie de fournir toutes statistiques existant en la matière.

c) La commission note que les responsables du MUKTI-NIKETAN ont soumis une "Contre-proposition de développement autonome des travailleurs asservis libérés" à la Cour suprême de l'Inde, ayant été appelés à le faire dans le cadre d'un litige d'intérêt public (pétition judiciaire no 483 de 1987). La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur la suite donnée à ce litige, en y joignant le texte de la décision de la Cour suprême. Elle souhaiterait également des informations sur toute pétition judiciaire soumise à la Cour suprême en matière de servitude pour dettes, notamment si des questions de principe sont en jeu.

d) La commission prie le gouvernement de joindre à son prochain rapport copie des rapports les plus récents du Commissaire aux castes et tribus protégées, de la Commission nationale du travail rural et du Comité consultatif technique du travail des enfants.

2. La commission note que l'attention du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de l'ONU a été appelée sur l'exploitation sexuelle des enfants. Il y a été allégué que ceux-ci sont mis aux enchères et vendus comme du bétail, qu'il existe des centres de transit près de villes comme Agra, Saharanpur, Bénarès et Calcutta, certaines régions étant davantage spécialisées dans la prostitution des filles, tandis que d'autres le sont dans celle des garçons.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur ces allégations et sur toute mesure prise ou envisagée, notamment moyennant poursuites, pour mettre fin à cette forme de travail forcé des enfants.

3. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l'amendement de 1985 à la loi de 1965 du Nagaland sur la réquisition des porteurs ne modifie pas la définition du terme "urgence", donnée à son article 2 a), qui inclut des situations où l'absence de porteurs empêche le transport, vers un lieu non desservi par route ou par rail, de marchandises, de provisions et d'équipement considérés comme essentiels à la vie de la communauté, au maintien de la loi et de l'ordre ou aux actions préventives contre une menace à la paix, ou dans les cas où l'absence de porteurs pour le transport de pièces essentielles d'équipement ou de bagages empêche le déplacement, par route ou par rail, des forces de police, du régiment de l'Etat d'Assam ou des unités des formes armées régulières vers un tel lieu pour faire face à des troubles ou à une menace à la loi ou à l'ordre. La commission avait prié le gouvernement de prendre des mesures supplémentaires afin de limiter le recours à la réquisition de porteurs à des situations où elle est nécessaire pour faire face à des sinistres ou menaces de sinistre mettant en danger la vie ou les conditions normales d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population. La commission note, d'après la déclaration réitérée figurant dans le rapport du gouvernement, que ses commentaires ont été portés à l'attention du gouvernement de l'Etat du Nagaland. Elle espère que le gouvernement sera bientôt en mesure d'indiquer que l'action nécessaire a été entreprise pour modifier la législation afin de garantir l'observation de la convention.

4. Dans sa demande directe précédente, la commission a pris note de la loi sur la marine, des extraits de la loi sur l'armée, du règlement de l'armée, de la loi sur l'armée de l'air et du règlement de l'armée de l'air, pour ce qui a trait à la libération des personnes visées par ces textes. Elle a pris note de la déclaration du gouvernement dans son rapport, selon laquelle le règlement de 1962 sur le Service de la défense et le règlement de la marine sont toujours en cours de révision et seront communiqués en temps voulu. Elle prie de nouveau le gouvernement de fournir également des informations sur l'application pratique des dispositions relatives à la cessation de service à la demande d'un membre de l'un des personnels susvisés, notamment des statistiques concernant les cas où des libérations sollicitées ont été refusées. La commission souhaiterait des informations sur tout lien existant entre la durée du service et la période d'éducation ou de formation gratuites reçues avant ou pendant le service dans les forces armées.

Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

Se référant à ses commentaires précédents sur la situation, dans la législation et dans la pratique, en ce qui concerne l'abolition de la servitude pour dettes, la commission prend note du rapport du gouvernement pour la période se terminant en juin 1989, auquel étaient annexés des extraits du rapport d'une sous-commission de la Commission consultative parlementaire près le ministère du Travail, de même que de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1989. Elle a également noté les débats de la 14e et de la 15e session (1989 et 1990) du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.

Abolition de la servitude pour dettes

1. Portée de la législation. La commission a précédemment noté que, selon l'article 23 (1) de la Constitution de l'Inde, la traite des êtres humains et le travail forcé sous toutes ses formes sont abolis et que toute infraction est punissable conformément à la loi. En vertu de l'article 4 1) de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes, ce régime est aboli et toute personne astreinte au travail sous ce régime est libre et déchargée de toute obligation d'accomplir un travail pour dettes. L'article 2 f) définit le "travailleur asservi" comme celui qui contracte, a contracté ou est présumé avoir contracté une dette impliquant la servitude, c'est-à-dire un prêt obtenu ou présumé avoir été obtenu par un travailleur asservi, sous le régime ou conformément au régime de la servitude pour dettes (art. 2 d)); la définition du "régime de servitude pour dettes" donnée à l'article 2 g) se réfère, entre autres, aux obligations sociales et coutumières et à la naissance dans une caste ou communauté particulière en tant que raisons possibles de la servitude. Dans son jugement du 16 décembre 1983, la Cour suprême a rejeté l'argument de l'Etat de Haryana selon lequel, en l'absence d'une dette, certains travailleurs fournissent peut-être du travail forcé mais ne sont pas asservis dans le sens de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes, de sorte que l'Etat ne pourrait pas être obligé d'assurer leur réadaptation. La Cour suprême a relevé que, en vertu de l'article 12 de la loi, chaque magistrat de district doit entreprendre des recherches pour savoir si la servitude pour dettes ou quelque autre forme de travail forcé est imposée et, dans ce cas, doit prendre les mesures nécessaires pour éradiquer un tel travail forcé. La portée de la loi a été clarifiée par des amendements adoptés en 1985. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la portée de la législation sur l'abolition de la servitude pour dettes.

2. Identification, libération et réadaptation des travailleurs asservis. La commission s'est précédemment fondée, quant au nombre des travailleurs asservis, sur une étude réalisée en 1981 par la Fondation Gandhi pour la paix, en coopération avec l'Institut national du travail, limitée à dix des vingt-et-un Etats et au secteur agricole uniquement, qui a abouti à une estimation de 2.600.000 travailleurs asservis, et sur le rapport de 1979 de la Sous-commission de la servitude pour dettes, créée par la Commission centrale permanente de la main-d'oeuvre rurale non organisée, concluant à un nombre de travailleurs asservis aux alentours de 2.000.000 dans le secteur rural. Elle a aussi noté que le commissaire aux castes et tribus protégées considère que la pratique du régime de la servitude pour dettes existe dans l'exploitation des carrières, dans le tissage, dans les services domestiques, etc., en plus de l'agriculture. L'existence de la servitude pour dettes dans les carrières et le tissage a été confirmée par la Cour suprême dans son jugement susmentionné du 16 décembre 1983 et par le rapport du commissaire nommé par la Cour sur les conditions de travail des enfants dans les unités de tissage de tapis de Mirzapur.

La commission note la déclaration réitérée du gouvernement dans son rapport ainsi qu'à la Commission de la Conférence en 1989, selon laquelle il ne peut accepter aucune des estimations sur les chiffres de la servitude pour dettes, notamment parce que les interprétations sur le champ d'application de la loi portant abolition du régime de la servitude pour dettes varient considérablement, car toutes les estimations avancées ont été faites avant les modifications qui en ont précisé les dispositions. La commission note cependant à cet égard que le jugement de la Cour suprême de décembre 1983 et les modifications de 1985, loin de restreindre la portée de la loi, ont au contraire établi que le travail forcé tombait également dans son champ d'application. Il s'ensuit que les estimations précédentes devraient être révisées en hausse plutôt qu'en baisse.

Selon l'indication donnée par le gouvernement en 1989 à la Commission de la Conférence, 242.532 travailleurs soumis à la servitude pour dettes avaient été recensés, parmi lesquels 218.272 avaient bénéficié d'un programme de réadaptation jusqu'en mars 1989, l'objectif étant d'arriver à ce qu'en mars 1990 l'ensemble des travailleurs asservis soit réadapté; si d'autres travailleurs soumis à la servitude sont découverts, il peut s'agir soit de nouveaux cas de servitude, soit d'anciens cas qui n'avaient pas encore été découverts malgré les efforts du gouvernement. Selon les derniers chiffres soumis par le gouvernement en juillet 1990 à la 15e session du Groupe de travail des Nations Unies des formes contemporaines d'esclavage, le nombre total de travailleurs asservis qui avaient été identifiés et affranchis était de 242.160, au 31 mars 1990, et 210.091 d'entre eux avaient été réinsérés dans la société. Le gouvernement réitère dans son rapport son engagement d'abolir le régime de servitude pour dettes; il déclare également, comme il l'avait auparavant indiqué, que l'application de la loi de 1976 est du ressort des gouvernements des Etats, responsables en premier lieu de l'identification et de la réadaptation des intéressés, que ces gouvernements n'ont pas su évaluer la situation à sa juste mesure et que le concours actif des syndicats et des institutions sociales est d'une importance cruciale.

La commission rappelle qu'elle avait précédemment pris note d'un certain nombre de plans et projets adoptés en vue de l'identification, de la libération et de la réadaptation des travailleurs asservis soit concernant spécifiquement la servitude pour dettes, soit intégrant celle-ci dans un ensemble, à savoir: le Programme en 20 points de 1986, qui prévoit notamment la pleine application de la législation abolissant la servitude pour dettes et le concours d'institutions bénévoles dans les programmes de réadaptation; le Système central de réadaptation des travailleurs asservis et les instructions du gouvernement central tendant à intégrer ce programme aux autres programmes de lutte contre la pauvreté; la création en 1987 de la Commission nationale sur le travail rural, chargée également de la servitude pour dettes. En ce qui concerne l'application de la loi de 1976, notamment en rapport avec ces différents programmes et initiatives, la commission note les points suivants, en s'appuyant sur des extraits du rapport de la sous-commission de la Commission parlementaire près le ministère du Travail, communiqué par le gouvernement:

a) Identification et rôle des comités de vigilance. La commission observe que, selon le rapport de la sous-commission parlementaire, la procédure d'identification, que le gouvernement lui-même considère comme le premier pas important de la solution du problème de la servitude pour dettes, s'est ralentie au cours de l'exercice 1986-87 par rapport aux années précédentes; les objectifs d'identification à atteindre ne sont pas précisés à l'intention des gouvernements des Etats (alors que des objectifs chiffrés de réadaptation figurent dans le Programme en 20 points), des critiques s'élèvent sur l'évaluation officielle du nombre de travailleurs asservis identifiés, considérée comme inférieure à la réalité, et sur le fait que cette identification se fait lentement. La sous-commission parlementaire juge nécessaire que des études soient menées à ce sujet et souligne l'importance des comités de vigilance, du fait en particulier que ces organes ont pour objet de s'assurer le concours, à des tâches d'identification et de réadaptation, de personnes autres que des fonctionnaires; au cours de visites sur le terrain, elle a noté que les comités de vigilance n'avaient pas été institués ou reconstitués dans toutes les régions ou districts où le problème de la servitude pour dettes est reconnu et qu'ils ne se réunissent pas toujours de façon régulière.

La commission rappelle qu'en vertu de l'article 14 de la loi de 1976 les comités de vigilance ont notamment pour attributions de fournir des conseils sur l'application correcte de cette loi, pourvoir à la réadaptation économique et sociale des travailleurs libérés, coordonner les fonctions des banques et coopératives rurales afin d'offrir des crédits adéquats aux travailleurs libérés, etc. En vertu du règlement de 1976 sur la servitude pour dettes, les comités de vigilance doivent tenir des registres contenant, entre autres, les noms et adresses des travailleurs libérés et des données détaillées sur les avantages dont ils bénéficient, notamment sous forme de terres, d'équipements agricoles, de formation dans des domaines tels que l'artisanat ou des activités de même nature, ou encore de prêts. Prenant en considération le rapport précité de la sous-commission parlementaire et notant, comme l'indique le gouvernement, que les gouvernements des Etats ont été priés de veiller à ce que des comités de vigilance soient constitués, se réunissent régulièrement et tiennent à jour des registres, la commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes et détaillées sur le nombre de ces comités constitués ou rétablis dans chaque Etat, eu égard au nombre de districts et subdivisions du pays, sur leurs activités, en particulier quant aux résultats acquis dans l'identification et la réadaptation des intéressés, sur les problèmes rencontrés et les remèdes suggérés ou appliqués (par exemple la composition de ces comités et leurs méthodes de travail) et sur toutes propositions d'amélioration pour permettre à ces comités d'exister, de fonctionner efficacement et de contribuer à l'abolition du régime de servitude pour dettes. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur les mesures éventuellement prises, notamment sur toutes instructions écrites adressées par le gouvernement de l'Union aux gouvernements des Etats ou initiatives tendant à les stimuler, afin qu'ils appuient et promeuvent les activités des comités de vigilance, de même que sur les mesures prises par lesdits gouvernements à cet égard. La commission prie en outre le gouvernement de communiquer des informations sur toutes études et enquêtes récentes, que ce soit à l'échelon de l'Union ou de ses Etats, menées pour évaluer le nombre réel des travailleurs asservis qu'il reste à identifier et à réadapter.

b) Plan tendant à s'assurer le concours des institutions bénévoles. En ce qui concerne le plan tendant à s'assurer le concours des institutions bénévoles pour l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis, la commission relève l'information fournie par le gouvernement dans son rapport en ce qui concerne les subventions qui leur sont versées: toute institution bénévole reçoit une somme forfaitaire de 5.000 roupies pour ses frais généraux; pour chaque ordre de libération acquise en sus de 20, elle perçoit en outre 100 roupies à titre d'encouragement, à concurrence de 5.000 roupies; le montant total de la subvention ne saurait donc dépasser la somme de 10.000 roupies. Selon le gouvernement, ce plafond a été fixé afin d'éviter tout abus; cependant, aucune limite n'est fixée quant au nombre des travailleurs à réadapter. Notant aussi, selon la déclaration du gouvernement dans son rapport, que ce plan avait été mis en route le 30 octobre 1987 et qu'il était prématuré d'en évaluer le fonctionnement, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement de ce plan et sur les résultats enregistrés, en précisant dans quelle mesure ledit plan a accéléré le processus d'identification et de réadaptation, en indiquant les progrès qui peuvent être envisagés, compte tenu de tous commentaires et suggestions avancés par les institutions bénévoles concernées, telles que le Front de libération des travailleurs asservis, et en joignant aux informations ainsi recueillies des rapports émanant de ces institutions ou en provenance de sources officielles.

c) Programme de réadaptation. La commission note qu'en exécution du programme de réadaptation dirigé par le gouvernement central une somme de 6.250 roupies est dépensée pour la réadaptation de chaque travailleur asservi. Un montant de 500 roupies est prélevé sur cette somme pour être remis en espèces à l'intéressé pour lui permettre de subsister jusqu'à sa réadaptation. La commission prie le gouvernement d'indiquer si un tel montant s'est révélé suffisant pour éviter que le travailleur qui vient d'être libéré ne retombe en servitude par manque de moyens de subsistance, d'autant qu'une longue période s'écoule entre sa libération et sa réadaptation. Le rapport de la sous-commission parlementaire signale que l'intervalle entre l'identification et la réadaptation peut être de très longue durée: l'objectif fixé pour l'exercice 1987-88 quant à la réadaptation des travailleurs asservis dans les Etats d'Andhra Pradesh, Bihar, Karnataka, Madhya Pradesh, Maharashtra, Orissa et Rajasthan est inférieur au nombre de travailleurs asservis qui avaient été identifiés mais qui n'avaient pas encore été réadaptés au 31 mars 1987. La sous-commission parlementaire juge anormal que, dans le contexte du retard considérable pris dans la réadaptation, les objectifs annuels de réadaptation aient diminué progressivement. Elle insiste pour qu'aucun effort ne soit épargné pour qu'à la fin de l'exercice 1988-89 tous les travailleurs asservis identifiés soient réadaptés.

Etant donné que la réadaptation à temps des travailleurs asservis identifiés et libérés est d'une importance capitale, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour accélérer le processus de réadaptation des travailleurs asservis identifiés, afin notamment de réduire le danger que court tout travailleur libéré depuis peu de retomber en servitude par manque de moyens de subsistance.

d) Intégration du programme de réadaptation dans d'autres programmes de lutte contre la pauvreté. Pour ce qui concerne les instructions du gouvernement tendant à intégrer le Système central de réadaptation des travailleurs asservis dans les autres programmes de lutte contre la pauvreté, la commission note l'indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle les résultats en sont difficiles à évaluer. Elle relève cependant l'information contenue dans le rapport de la sous-commission parlementaire sur le fonctionnement de quelques-uns de ces programmes. Selon ce rapport, le Département du développement rural a édicté des instructions aux termes desquelles les maisons construites en application du Programme national d'emploi rural ou du Programme de création d'emplois pour les paysans sans terre devraient être mises gratuitement à la disposition des travailleurs libérés; cependant, au cours de ses visites sur le terrain, la sous-commission a constaté qu'en dépit des efforts d'intégration accomplis il restait beaucoup à faire pour que des maisons soient mises à la disposition de tous les travailleurs libérés. Quant à l'intégration du système susmentionné dans le cadre des autres programmes de lutte contre la pauvreté, tels que le Programme intégré de développement rural, la sous-commission a jugé que, de façon générale, des plans d'action n'avaient pas été établis.

Selon le rapport de la sous-commission, le Système central de réadaptation des travailleurs asservis prévoit des formes d'assistance foncière et non foncière; or des plaintes font état que l'assistance foncière n'a pas eu d'utilité lorsque la terre distribuée n'était pas arable; de même, il a été allégué que parfois le bétail attribué était de valeur médiocre; enfin, d'après la Commission de planification, 42 pour cent des bénéficiaires ont déclaré que l'assistance qui leur avait été fournie n'était pas celle de leur choix, mais leur avait été imposée.

Compte tenu de l'extrême importance que revêtent la nature et la qualité de la réadaptation, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur tous plans d'action tendant à promouvoir l'intégration du Système central de réadaptation des travailleurs asservis dans les autres programmes de lutte contre la pauvreté, sur les mesures effectivement prises et les résultats obtenus.

e) Projet de constitution d'une commission nationale sur la servitude pour dettes. La commission note qu'au cours des débats de la 15e session du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage, tenue en juillet 1990, Anti-Esclavage International a souligné que la gravité et l'ampleur persistantes de la servitude pour dettes découlaient en partie des faiblesses inhérentes au fonctionnement et à la conception de la mise en oeuvre de la loi de 1976. Anti-Esclavage International a demandé que soit créée une commission nationale sur la servitude pour dettes. La commission espère que le gouvernement communiquera des informations au sujet de cette proposition.

3. Application des sanctions. Aux termes de l'article 25 de la convention, le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La loi de 1976 prévoit que l'exaction de la servitude pour dettes ou la mise en demeure de remboursement d'une dette sous peine de servitude ou d'exécution d'une coutume, d'une tradition, d'un contrat, d'un accord ou de tout autre instrument exigeant une prestation de service en vertu du régime de servitude pour dettes sera passible d'emprisonnement jusqu'à trois ans et d'une amende de 2.000 roupies au maximum (art. 16, 17 et 18 de la loi); la loi prévoit diverses mesures qui pourront être imposées par les autorités des Etats afin de sanctionner les coupables. Dans son observation précédente, la commission a fait observer que peu de cas d'emprisonnement avaient été relevés et demandait au gouvernement, compte tenu de la gravité du problème, de prendre des mesures efficaces afin d'assurer la stricte application des textes interdisant et sanctionnant la servitude pour dettes.

La commission note les indications du gouvernement dans son rapport, selon lesquelles le ministre du Travail de l'Union a souligné, à l'adresse des gouvernements des Etats, la nécessité d'intenter des poursuites contre les exploiteurs de travailleurs asservis immédiatement après l'identification et la libération de ceux-ci, et le gouvernement de l'Union a clairement affirmé que, si désormais une identification n'est pas immédiatement suivie de poursuites contre le coupable, il refusera d'assumer sa part des frais de réadaptation. La commission prie le gouvernement de fournir des informations quant aux résultats acquis par ces mesures, qui ont pour objet de réprimer la corruption et le détournement de fonds, mais ne doivent pas avoir pour effet d'entraver le processus d'identification et de libération des travailleurs asservis.

4. La commission a également pris note des informations communiquées à la 14e session du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage en ce qui concerne les actions intentées devant la Cour suprême de l'Inde par des groupements d'action sociale et ayant eu notamment pour effet la libération de plusieurs milliers de travailleurs asservis du district de Raipur en avril-mai 1988. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les actions intentées devant la Cour suprême de l'Union et devant les cours supérieures des divers Etats pour ce qui touche à la servitude pour dettes, sur les décisions rendues par ces instances et sur l'exécution de celles-ci par les autorités des Etats. Elle le prie également de fournir des données, notamment statistiques, sur le nombre de poursuites intentées et sur les sanctions infligées, ainsi que toute autre information lui permettant de se prononcer sur l'efficacité des mécanismes d'exécution.

Servitude pour dettes des enfants

5. La commission a pris note des discussions qui ont eu lieu aux 14e et 15e sessions (1989 et 1990) du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités. La commission note que les rapports de ce groupe (documents E/CN.4/Sub.2/1989/39 du 28 août 1989 et E/CN.4/Sub.2/1990/44 du 23 août 1990) se réfèrent aux informations communiquées par Anti-Esclavage International concernant l'exploitation du travail des enfants liée à la servitude pour dettes dans les pays de l'Asie du Sud; ces informations figurent dans le rapport du Séminaire de l'Asie du Sud sur la servitude des enfants, tenu en juin-juillet 1989, auquel assistaient des représentants d'organisations non gouvernementales de cinq pays. Pour ce qui est de la situation en Inde, ces informations se réfèrent à des enfants asservis à de nombreux travaux exercés dans des conditions inhumaines et dangereuses. Ce rapport indique que la servitude pour dettes, la force ou la contrainte sont caractéristiques de presque toutes formes de travail des enfants. Des relations semi-féodales de maître à serf, le cercle vicieux de l'endettement, la structure de castes donnent lieu à la forme d'exploitation la plus grave de la servitude des enfants, tant dans l'agriculture que dans d'autres secteurs. Selon des estimations contenues dans le rapport, plusieurs millions d'enfants, âgés de 5 à 14 ans, sont chroniquement asservis dans le secteur agricole, environ un million dans les briqueteries, les carrières de pierre et le bâtiment, des centaines de milliers dans le tissage des tapis, les métiers à tisser manuels, l'industrie des allumettes et des feux d'artifice, la verrerie et la bimbeloterie, la taille et le polissage des diamants, ainsi que dans la serrurerie. La servitude et le travail forcé des enfants s'accompagnent de trafic et d'enlèvement d'enfants, de répression, de coups, d'exploitation sexuelle, de privation de nourriture, d'une durée abusive du travail imposé, de privation de la liberté de mouvement, de conditions de travail malsaines et périlleuses, exposant les enfants à de graves atteintes à leur santé.

Selon ces informations, des dispositions législatives et constitutionnelles ont été adoptées pour la protection des enfants, mais elles ne sont pas appliquées. La commission note qu'aux termes de l'article 24 de la Constitution de l'Inde aucun enfant âgé de moins de 14 ans ne peut être employé dans une fabrique ou une mine, ou occupé à un emploi dangereux; aux termes de l'article 39, l'Etat doit tendre à assurer que l'enfant d'âge tendre ne soit victime d'aucun abus et que les enfants disposent des possibilités et facilités voulues pour que leur croissance se fasse dans un milieu sain et des conditions de liberté et de dignité, l'enfance et l'adolescence devant être protégées contre l'exploitation et l'abandon moral ou matériel. Des dispositions pourvoyant au bien-être de l'enfance, en fixant un âge minimum d'admission à l'emploi, en interdisant le travail de nuit des enfants et en exigeant des examens médicaux obligatoires, figurent dans une série de textes législatifs, notamment dans la loi no 61 de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants. Le régime de servitude pour dettes de la main-d'oeuvre enfantine a été déclaré illégal dès 1933 par la loi sur l'interdiction du louage des services des enfants au travail et, comme il a été dit plus haut, le régime de servitude pour dettes a été aboli par la loi no 19 de 1976.

Le rapport du séminaire susmentionné déclare qu'en dépit de la législation protectrice existante la situation des enfants asservis ne change guère dans la pratique: par exemple, dans la ceinture de Mirzapur Bhadohi, qui est la région de l'Uttar Pradesh où se fabriquent les tapis, la législation sur le bien-être de l'enfance continue à être ouvertement violée, nonobstant le jugement de 1983 rendu par la Cour suprême de l'Inde et le rapport du commissaire désigné par cette Cour, suivi de la libération de plus d'un millier d'enfants asservis, et des bandes organisées enlèvent des enfants par la contrainte ou la ruse pour les forcer à tisser des tapis. La commission note, dans un projet du gouvernement indien communiqué au BIT (ILO, "Conditions of Work Digest", vol. 7, no 1/1988, p. 125), qu'en violation de la loi de 1986 précitée, en vertu de laquelle il est interdit d'occuper de la main-d'oeuvre enfantine au tissage des tapis, ceux-ci n'en continuent pas moins à être employés clandestinement; ils se subdivisent en trois catégories: les enfants des tisserands eux-mêmes; ceux des régions environnantes; et ceux qui viennent de loin, dont certains ont été vendus par leurs parents ou par des intermédiaires sans scrupules et sont par conséquent asservis. Le projet prévoit que seront éduqués en priorité les enfants les plus jeunes et ceux qui proviennent d'autres Etats et soit sont asservis, soit ont perdu tout contact avec leurs familles.

Le rapport du séminaire ajoute qu'en dépit des pénalités prévues par la loi les exploiteurs ne craignent pas d'être punis ou sanctionnés, en raison de la faiblesse des voies et moyens d'application, de l'indolence des autorités, de la collusion et de la corruption qui empêchent l'identification, la libération et la réadaptation des enfants asservis. En ce qui concerne en particulier la réadaptation, le rapport souhaite l'adoption de mesures plus globales telles qu'un régime de réinsertion séparée pour les enfants asservis et l'école gratuite et obligatoire au moins pour ces enfants.

La commission rappelle qu'en vertu de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle espère que le gouvernement fournira des commentaires détaillés en réponse aux allégations susvisées, ainsi que des informations complètes sur les mesures adoptées ou envisagées pour abolir dans la pratique l'exploitation du travail des enfants, notamment de ceux qui sont asservis. Notant qu'en vertu de l'article 16 de la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants toute personne, un officier de police ou un inspecteur peut déposer une plainte en violation de la loi, elle souhaite être informée des plaintes déposées, en particulier pour ce qui concerne les enfants asservis, des poursuites intentées et des sanctions infligées, avec copie des décisions de justice. Elle prie également le gouvernement d'indiquer dans quelle mesure il a été possible de se fonder sur les plaintes et poursuites aux termes de la loi de 1986 pour engager également des actions en vertu de la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dettes, afin d'identifier, de libérer et de réadapter les enfants asservis. La commission rappelle à cet égard qu'en vertu de cette dernière loi les sanctions en cas d'infraction sont l'emprisonnement pour une durée jusqu'à trois ans et une amende de 2.000 roupies au maximum, tandis que la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants prévoit un emprisonnement de trois mois à un an ou une amende de 10.000 à 20.000 roupies.

6. La commission a pris note avec intérêt de la politique nationale concernant le travail des enfants et de divers projets et intiatives portant sur ce sujet, auxquels il est fait référence dans la publication "Conditions of Work Digest" précitée. La commission note en particulier avec intérêt que cette politique comporte un plan d'action législative, un programme de développement tendant à combattre la pauvreté et un plan spécifique d'action régionale. Elle espère que le gouvernement fournira des informations sur l'activité d'ores et déjà déployée pour mettre cette politique en pratique et sur les résultats acquis, de même qu'en ce qui concerne d'autres mesures concrètes envisagées pour être appliquées dans un proche avenir.

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