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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2024, Publication : 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Nicaragua (Ratification: 1967)

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Cas individuel
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Discussion par la commission

Président – J’invite la représentante gouvernementale du Nicaragua, Son Excellence Madame la ministre du Travail, à prendre la parole.
Représentante gouvernementale – Monsieur le président de la commission, Mesdames et Messieurs les participants à cet événement important, je vous transmets les salutations du Président de la République du Nicaragua, le commandant Daniel Ortega Saavedra, et de la Vice-présidente, la camarade Rosario Murillo Zambrana.
Aujourd’hui, au nom de l’État du Nicaragua, je reviendrai sur le rapport publié par la commission d’experts, dans lequel nous avons constaté qu’il est pris note à plusieurs reprises de la plainte de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), qui allègue de manquements présumés à la convention. Je prends la parole au titre du suivi des conclusions de la commission dans lesquelles notre gouvernement est instamment prié de mettre en œuvre les recommandations de la commission et de fournir des informations, en concertation avec les partenaires sociaux du pays.
Ainsi, au nom du gouvernement de réconciliation et d’unité nationale, je tiens à dire que nous réaffirmons notre position et que nous rejetons entièrement la teneur du rapport de la commission d’experts qui parle de violations de la convention. Nous estimons que les éléments qui y figurent ne relèvent pas de la compétence juridique en matière de travail tel qu’établi par la Constitution de l’OIT et les règles de fonctionnement, mais qu’ils sont dans le droit fil de la politisation, avec des arguments illogiques, contraires à l’esprit et à la lettre de l’OIT. En effet, cette question a déjà été examinée, des informations ont été fournies et des discussions approfondies ont eu lieu à cet égard aux 110e et 111e sessions de la Conférence. C’est pour cela que nous exigeons que la commission d’experts retire cette plainte du rapport, car elle est hors sujet à cette importante Conférence au cours de laquelle nous, États Membres, nous présentons pour examiner et régler des questions liées à la vie des Nicaraguayennes et des Nicaraguayens au travail.
En outre, l’État du Nicaragua, comme suite à la recommandation de l’OIT relative à la modification des articles 389 et 390 du Code du travail, précise une fois de plus que, conformément au principe de souveraineté établi dans sa Constitution, il appartient uniquement au peuple souverain de décider des réformes, de rédiger les lois, les normes ou les dispositions juridiques. Ce ne sont pas des recommandations qui doivent décider, car celles-ci affectent en fin de compte les droits au travail, rétablis au bénéfice des familles nicaraguayennes, qui bénéficient des améliorations apportées par un plan national de lutte contre la pauvreté et en faveur du développement humain, dont l’objectif est strictement de garantir le bien-être des familles nicaraguayennes et, par conséquent, leur stabilité dans le monde du travail.
Ainsi, l’alinéa 2 de l’article 98 de la Constitution dispose que les travailleurs nicaraguayens participent aux processus de dialogue et de grève. Notre code dispose que les travailleurs ont le droit de faire grève. Ces processus de dialogue permettent de régler immédiatement des conflits au travail ou des grèves. Ils constituent une stratégie extrêmement importante pour avancer sur la voie de l’éradication de la pauvreté pour défendre la paix au travail et la paix sociale dans notre pays. En effet, en cas de grève, non seulement les entreprises arrêtent leur développement économique, mais les travailleurs et leur famille sont aussi pénalisés.
C’est ainsi que l’État du Nicaragua assure le respect de nos lois, de la Constitution, de notre législation nationale du travail et des conventions de l’OIT ratifiées. Et c’est ainsi que nous continuerons de procéder et de garantir le droit des travailleurs nicaraguayens de s’organiser librement, pour qu’ils puissent exercer pleinement leur droit de constituer des organisations syndicales ainsi que le droit d’organiser librement leurs activités syndicales et de formuler leurs programmes d’action au sein de chaque fédération, ou confédération centrale ou syndicale. Les travailleurs peuvent participer et c’est ce qu’ils font: ils participent à la gestion des entreprises par l’intermédiaire de leurs organisations syndicales, ce qui signifie qu’ils font pleinement et activement partie de chaque entreprise.
L’État du Nicaragua a envoyé des informations au BIT dans les délais prévus sous la forme de rapports sur le respect de la question de la syndicalisation dans tous les secteurs de l’économie nationale et les avancées permanentes à cet égard. Ces rapports, comme nous l’avons dit et montré, ont été communiqué aux organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives du pays.
Ainsi, l’État du Nicaragua reste attaché à œuvrer en faveur du bien-être des Nicaraguayens qui ont pleinement le droit de s’organiser dans le syndicat de leur choix. Nous affirmons que nous refusons toute forme de mise à l’index et d’intervention dans les affaires intérieures portant atteinte à la paix, à la souveraineté et à la stabilité du travail et sociale des familles nicaraguayennes.
En dernier lieu, nous réaffirmons notre engagement permanent en faveur du développement de nos avancées auquel notre gouvernement de réconciliation et d’unité nationale s’emploie, dans l’unité avec les travailleurs du Nicaragua, afin d’atteindre l’objectif commun qu’est le rétablissement des droits au travail et sociaux du peuple nicaraguayen, notamment le droit à la stabilité, comme nous l’avons dit, du travail, c’est-à-dire à une stabilité permanente, à la liberté syndicale; c’est ainsi que nous pouvons vous assurer qu’aucune demande n’est en instance auprès du ministère du Travail. Toutes les organisations syndicales ont reçu leur accréditation.
Nous garantissons également ainsi la défense de la paix, la défense sociale et le renforcement du tripartisme moyennant les différentes formes de dialogue au sein des commissions nationales sur le salaire minimum, du Conseil national sur la santé et la sécurité au travail et des commissions territoriales afin d’échanger directement avec les travailleurs, ainsi que dans tous les processus de dialogue et de conciliation menant à rétablir les travailleurs dans leur droit, en garantissant également le véritable renforcement d’une convention collective conduisant à des améliorations permanentes, dans chaque secteur, pour les travailleurs, y compris les travailleuses.
Nous pouvons affirmer que la liberté syndicale au Nicaragua est un fait. Nous disposons de rapports clairs depuis 2007 et nous avons les informations correspondant au premier trimestre de 2024.
Du fait de l’élaboration de politiques de promotion de la syndicalisation lancées par notre gouvernement de réconciliation et d’unité nationale, nous pouvons affirmer qu’entre 2007 et le premier trimestre de 2024, 1 649 nouvelles organisations ont été constituées, auxquelles se sont affiliés 56 266 travailleurs, fondateurs d’organisations syndicales.
Le statut de 18 391 organisations syndicales auxquelles sont affiliées 656 137 travailleurs et 571 096 travailleuses, soit un total de 1 234 000 affiliés aux différentes organisations qui, elles aussi, jouissent de la liberté syndicale, a été mis à jour; les femmes et les jeunes sont des membres actifs au sein de leurs organisations syndicales depuis lesquelles elles défendent ce droit sacré à la stabilité du travail, ce qui nous permettra d’éradiquer la pauvreté.
Tous ces éléments l’attestent, et c’est cela la liberté syndicale: quand il n’est pas fait obstacle à une demande d’accréditation pour un syndicat; quand aucun travailleur ne se plaint d’avoir été privé de l’autorisation d’exercer son plein droit à la liberté syndicale. Le gouvernement affirme ainsi clairement sa position, que nous maintenons: nous menons les affaires en vue du développement d’un peuple qui n’a cessé de travailler, indépendamment des situations rencontrées.
Membres travailleurs – Permettez-moi tout d’abord de dire qu’un grand nombre des questions que notre commission examinera concernant le Nicaragua sont déjà examinées par le Conseil d’administration.
En effet, à la dernière Conférence, plusieurs délégués employeurs ont demandé que soit constituée une commission d’enquête au titre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT. Depuis lors, le Conseil d’administration a adressé au gouvernement un certain nombre de recommandations concernant l’application des conventions nos 87, 98, 111 et 144, recommandations qui ne diffèrent ni des conclusions de notre commission, ni des recommandations de la commission d’experts.
C’est la troisième année consécutive que notre commission examine l’application de la convention par le gouvernement. À sa dernière session, notre commission est parvenue à un certain nombre de conclusions, demandant notamment au gouvernement de mettre fin à tous les actes de violence et de persécution à l’encontre des partenaires sociaux et de promouvoir le dialogue social en créant une instance de dialogue tripartite.
Le Nicaragua a également été invité à se prévaloir de l’assistance technique du BIT. Comme l’a noté la commission d’experts, rien n’indique que le gouvernement ait pris des mesures pour mettre en œuvre les recommandations formulées par notre commission en 2022 et 2023.
En particulier, rien ne semble avoir été fait pour mettre en place une instance de dialogue tripartite, sous les auspices du BIT. À cet égard, comme nous l’avons dit l’année dernière, nous prions instamment le gouvernement de fournir à la commission d’experts toutes les informations concernant les mesures prises pour assurer le respect des recommandations.
Nous voudrions réitérer ce qui a toujours été la position du groupe des travailleurs, tant au sein de notre commission que du Conseil d’administration, en ce qui concerne le Nicaragua.
Si nous soutenons pleinement le principe selon lequel tous les gouvernements doivent respecter le droit à la liberté syndicale, nous devons souligner, comme l’a rappelé la commission d’experts, que les droits protégés par la convention n’ont de sens que si les libertés fondamentales, le droit à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires ainsi que le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, sont respectés.
La commission d’experts a noté avec inquiétude une série d’arrestations arbitraires à l’encontre de dirigeants du Conseil supérieur des entreprises privées (COSEP). En outre, la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont toutes deux instamment prié le gouvernement de procéder à leur libération immédiate.
C’est pourquoi nous demandons, une fois de plus, au gouvernement de fournir à la commission d’experts toutes les informations matérielles relatives aux chefs d’accusation portés contre ces dirigeants d’entreprise, aux procédures légales ou judiciaires engagées et à l’issue de ces procédures.
Nous devons souligner, en écho à la commission d’experts, l’importance capitale du dialogue social tripartite pour aller de l’avant. Par conséquent, notre groupe demande également au gouvernement de permettre un tel dialogue et de prendre en compte les conseils donnés par le BIT.
Nous réitérons notre recommandation de l’année dernière, exhortant le gouvernement à établir sans délai une instance de dialogue tripartite et à se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour s’acquitter pleinement des obligations qui lui incombent au titre de la convention.
Un élément essentiel des commentaires de la commission d’experts sur l’application de la convention concerne la nécessité de modifier les articles 389 et 390 du Code du travail, qui prévoient que les conflits collectifs doivent être soumis à un arbitrage obligatoire au terme d’un délai de trente jours à compter de la déclaration de la grève.
Nous faisons écho aux commentaires de la commission d’experts selon lesquels l’imposition d’un arbitrage obligatoire pour mettre fin à une grève, à l’exception des cas dans lesquels la grève peut être limitée, voire interdite, est contraire au droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action en toute liberté.
Nous prenons note, une fois de plus, des efforts déployés par le gouvernement pour renforcer le droit à la liberté syndicale, dans le cadre desquels il a fourni au BIT des informations sur le nombre d’organisations syndicales constituées et le nombre de travailleurs qui y sont affiliés; toutefois, le groupe des travailleurs rappelle qu’un climat de violence, de coercition et de menaces de toute nature à l’encontre des organisations de travailleurs et d’employeurs n’est pas propice au libre exercice et à la pleine jouissance des droits et des libertés énoncés dans les conventions.
À cet égard, nous appelons le gouvernement à cesser tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation et intimidation – en rapport avec l’exercice d’activités syndicales légitimes des partenaires sociaux.
Nous prions donc instamment le gouvernement de fournir toutes les informations demandées par la commission d’experts à cet égard et, avec l’assistance technique du BIT, de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer à ses recommandations.
Membres employeurs – Nous remercions la représentante gouvernementale pour ses salutations et les informations présentées.
Malheureusement, nous ne pouvons que constater, depuis le début de leur participation, un rejet exprès des rapports de la commission d’experts, des recommandations formulées par cette commission; or nous observons tous, tant les travailleurs que les employeurs et la commission d’experts, une situation extrêmement grave qui porte atteinte à la liberté syndicale.
Le gouvernement devrait prendre en compte cette divergence de vues et permettre réellement d’instaurer, grâce aux outils dont dispose l’OIT, un dialogue, de comprendre le problème et de chercher des solutions si nécessaire. Se retrancher sur une position et déclarer qu’il n’y a pas de problème ne fait pas avancer les choses. Le Bureau de l’OIT, organisme de bonne foi, présent aux côtés des partenaires associés de manière tripartite, peut véritablement contribuer à résoudre ce problème.
Ce cas revêt une importance particulière pour nous tous, et certainement pour notre groupe, en raison des violations graves et récurrentes de la convention qui sont commises et qui ressortent très clairement du rapport de la commission d’experts.
Ce cas a été discuté au sein de la commission à maintes reprises, plus que nous ne le souhaiterions et, malheureusement, sans aucun résultat positif. Et ce, malgré les activités menées, les différentes déclarations faites, les mesures prises et les conclusions qui ont été formulées à cet égard, notamment en 2022 et 2023, pour ne pas remonter plus loin; et, malgré la cohérence entre les demandes adressées au gouvernement, les vives préoccupations et les encouragements exprimés, le gouvernement n’a rien fait pour assurer pleinement et librement l’exercice de la liberté syndicale tant pour les travailleurs que pour les employeurs. Aucune réponse constructive n’a en outre été apportée aux 19 observations formulées par la commission d’experts sur cette seule convention depuis 1991 et de nouveau au sein de la commission en 2022, 2023, et maintenant 2024.
Malheureusement, cette année encore, la commission d’experts se dit à nouveau vivement préoccupée par le manque de progrès et l’absence de rapports positifs de la part du gouvernement face au manquement flagrant aux obligations contractées devant cette Organisation, les différents rapports reçus montrant que les conditions examinées demeurent exactement les mêmes, voire s’aggravent, et nous ne doutons pas que tout le monde ici partage la profonde préoccupation qui en résulte.
Le cas que nous examinons aujourd’hui n’est pas différent de celui des années précédentes, les principaux faits et conditions observés en 2023 étaient les suivants: arrestation et engagement de poursuites contre des dirigeants d’organisations de travailleurs et d’employeurs, saisie de biens privés appartenant aux dirigeants d’entreprise, interdiction de séjour assortie d’une déchéance de nationalité de plusieurs dirigeants syndicaux, campagnes de dénigrement contre l’organisation patronale, annulation de la personnalité juridique de 19 organisations d’employeurs, dont le COSEP, l’ancienne organisation qui représente les employeurs depuis de nombreuses années au sein de l’OIT, et bien sûr le non-respect des lois qui les régissent, la confiscation de propriétés privées et le gel des comptes bancaires d’organisations syndicales dissoutes, l’accréditation à la Conférence d’organisations proches du gouvernement dans le but de remplacer, s’agissant des employeurs, le COSEP, qui est l’organisation la plus représentative du pays.
À cet égard, la commission, dans ses conclusions précédentes, notamment celles de 2023, a noté avec une profonde inquiétude la persistance d’un climat d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des organisations de travailleurs et d’employeurs indépendantes, ainsi que les allégations concernant l’arrestation et la détention de dirigeants d’employeurs, et la dégradation de la situation.
Le gouvernement, dont l’absence de progrès et de coopération est manifeste, a été prié, entre autres, de: garantir aux travailleurs et aux employeurs le droit de créer leurs propres organisations afin qu’elles puissent fonctionner sans ingérence du gouvernement; mettre fin aux actes de violence et d’intimidation à l’encontre d’individus ou d’organisations dans le cadre de l’exercice d’activités syndicales légitimes et d’activités d’organisations d’employeurs; libérer les employeurs et les syndicalistes qui ont été emprisonnés pour avoir mené des activités légitimes de leurs organisations; établir sans délai une instance de dialogue tripartite avec l’aide du BIT, qui respecte la représentativité des organisations, qui utilise l’assistance technique du BIT, proposée par les travailleurs et que nous approuvons pleinement.
Ces accords étaient tripartites mais ce que nous constatons aujourd’hui, comme l’a exprimé la commission d’experts, c’est que rien ne s’est passé, que les recommandations n’ont pas été prises en compte, alors qu’elles étaient le résultat de la discussion de la commission et qu’elles ont également été traitées dans d’autres instances de l’Organisation, ainsi que dans le cadre des Nations Unies et au sein d’autres organismes.
Non seulement aucune suite n’a été donnée aux faits allégués, mais le gouvernement nie la plupart d’entre eux quand il affirme que, dans le pays, la liberté syndicale est totale, sans discrimination d’aucune sorte, qu’aucun dirigeant syndical n’est privé de sa liberté pour avoir exercé son droit syndical ou son droit de mener des activités syndicales, qu’il n’y a ni restriction au droit syndical, ni persécution, ni répression antisyndicale. Des problèmes qui ne sont pas reconnus ne peuvent être réglés.
Entre-temps, le COSEP n’a pas récupéré sa personnalité juridique, il est toujours dissous, ce qui est contraire à l’article 4 de la convention. Ses dirigeants n’ont pas pu récupérer leur nationalité nicaraguayenne, ni leurs biens, ni ceux des organisations dissoutes, et de plus, nous avons récemment eu à déplorer la mort de l’un de ses dirigeants en exil, M. Michael Hayley.
Il s’agit de faits qui démontrent que les partenaires sociaux ne sont pas protégés par les dispositions de la convention examinées par la commission. En outre, comme le souligne la commission d’experts, les violations des droits de l’homme les plus flagrantes ont été alléguées dans ce contexte, situation qui a été traitée par divers organes des Nations Unies, dont le Conseil des droits de l’homme, le Groupe d’experts sur les droits de l’homme au Nicaragua et la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
Nous souscrivons à tous les commentaires formulés par la commission d’experts et qui figurent dans le rapport, même si je ne vais pas les répéter, ni faire de déclaration sur la question de la grève, car vous connaissez la position des employeurs à cet égard et je pense que cela ne nous aiderait en rien.
Nous demeurons très préoccupés et nous espérons que le gouvernement prendra conscience et qu’il comprendra ce que fait la commission, à savoir tendre la main pour trouver un moyen, grâce à l’assistance technique proposée, d’identifier les problèmes de beaucoup plus près, en parlant aux interlocuteurs, à ceux qui sont directement concernés et, de cette façon, en comprenant les problèmes. Ainsi, nous pourrons trouver des solutions légitimes à ces problèmes.
J’insiste sur le fait que nous ne devons pas camper sur nos positions et que nous pouvons continuer à progresser grâce aux outils que nous offre la Constitution. Toutefois, les problèmes persistent et la situation des travailleurs et des employeurs perdure et, franchement, cela n’aide personne.
Je vais écouter les autres orateurs qui se sont inscrits sur la liste puis ferai une deuxième intervention et une proposition concrète sur cette question.
Membre travailleur, Nicaragua – Je m’exprime au nom de toutes les centrales syndicales de notre pays et, d’emblée, nous disons clairement que nous n’acceptons pas que notre pays soit traité comme un cas de violation de la convention devant la commission. C’est encore une façon d’agresser politiquement notre pays. Malheureusement, on continue d’utiliser cette enceinte pour propager les messages de désinformation formulés par ceux qui se considèrent comme les maîtres du monde.
Notez que ces personnes refusent de considérer que le droit de grève est inscrit dans la convention, alors qu’il est le droit essentiel de la liberté syndicale. Obsédées par les attaques contre notre gouvernement, elles défendent cette position devant la commission.
Il serait bon de rappeler que ce sont les employeurs privés qui restreignent la liberté des travailleurs et qui les attaquent lorsqu’ils décident de s’organiser en syndicats.
Souvenez-vous que ces personnes qui prétendent parler au nom des employeurs de notre pays ne présentent rien de plus que des analyses et des informations que les mercenaires de la désinformation manipulent? Leurs affirmations s’apparentent en tous points à celles des gouvernements qui prônent une politique d’agression et d’intervention contre notre pays.
Notez également que ces personnes qui disent représenter les employeurs de notre pays émettent des affirmations sans connaître la réalité du Nicaragua. Nous, employeurs et travailleurs, respectons le principe du tripartisme car nous estimons que la paix est essentielle au développement de notre pays. Mais une poignée d’individus a tenté d’anéantir les progrès accomplis dans les secteurs économique, social et politique de notre pays en tentant un coup d’État, en s’arrogeant des pouvoirs qui ne s’inscrivent pas dans l’ordre juridique national.
Ces personnes qui prétendent représenter les employeurs de notre pays affirment, sans en apporter la preuve, que des dirigeants syndicaux ont été arrêtés pour leurs activités syndicales. C’est entièrement faux et nous mettons ces personnes au défi d’étayer leurs accusations. Nous pouvons affirmer que les individus qu’ils défendent ont assassiné M. Bismark Martínez, dirigeant syndical dans le secteur public municipal, et M. Alfredo Jirón, dirigeant syndical dans le secteur de l’éducation.
Nous pouvons aussi énumérer le nom des travailleurs qui ont été enlevés et torturés par les putschistes que ces personnes défendent avec tant d’ardeur. Pour servir leurs intérêts politiques et déstabiliser le pays, plus de 250 000 travailleurs ont été licenciés dans le secteur privé, portant atteinte à autant de familles.
Il convient de noter que notre modèle de développement s’articule autour du dialogue et du consensus qu’ont bafoués celles et ceux qui ont répondu à l’appel des impérialistes pour déstabiliser le pays et fragiliser l’économie.
Si vous prenez le temps de feuilleter les journaux de 2018, vous trouverez des traces d’une grande action des putschistes appelant leurs représentants à abandonner les commissions tripartites.
Ceux qui exigeaient, lors du dialogue national promu par le gouvernement, la démission du Président et disaient que l’économie importait peu alors qu’on leur demandait de lever les «barrages de la mort» installés à l’instigation des putschistes pleurnichent aujourd’hui et s’érigent en victimes.
On affirme que les droits humains des Nicaraguayens et des Nicaraguayennes sont violés? C’est le monde à l’envers! Comment parler de violations des droits humains au Nicaragua quand 99 foyers sur 100 disposent d’électricité; quand l’éducation publique, depuis l’éducation préscolaire jusqu’à l’université, est gratuite et que 1 200 000 enfants reçoivent tous les jours une ration alimentaire; quand 70 hôpitaux – et 7 autres en construction – soignent gratuitement la population; quand des projets portent sur l’accès à l’eau potable ou la construction de routes pour favoriser la mobilité de personnes et des marchandises. Vous me demanderez pourquoi nous faisons allusion à tout cela. Simplement parce que ce sont là des sources de travail pour les travailleurs bénéficiaires de ces projets sociaux, pour leurs familles et leurs enfants. Nous parlons de droits humains en vous présentant des données réelles, et non en nous appuyant sur des suppositions infondées.
Chers membres de la commission, l’obsession qui semble animer les personnes qui affirment représenter les employeurs de notre pays les pousse à se servir de cet espace pour déverser leur malveillance à l’encontre d’un pays à qui l’on doit le respect. Elles ne condamnent ni ne dénoncent les agressions économiques que les pays européens – qui pensent être les maîtres du monde – appliquent à notre pays, portant ainsi atteinte à notre économie et, par conséquent, à notre population.
Le gouvernement sandiniste présidé par le commandant Daniel Ortega a fait preuve de souplesse et s’est montré ouvert à un dialogue empreint de respect, dans le cadre de la souveraineté et de l’autodétermination. C’est pour cette raison que, malgré les critiques et les tentatives de discrédit, les travailleurs soutiennent sans réserve les politiques et les actions du gouvernement de notre pays.
Pendant que nous discutons d’accusations non fondées comme c’est le cas ici, des milliers d’enfants meurent sous les bombes et les coups des sionistes contre le peuple palestinien. Les Nations Unies et leurs instruments sont incapables de mettre un terme à ce génocide; les résolutions qui appellent au cessez-le-feu ne sont pas respectées par les gouvernements qui fournissent des armes ni par le gouvernement qui assassine la population civile à Gaza.
Notez que ceux qui se considèrent les gardiens du monde, invoquant la protection de leur sécurité nationale, encouragent des coups d’État en douceur et se servent des Nations Unies pour sanctionner. Le Nicaragua, digne et fier de son histoire, tient bon et ne se soumettra pas aux diktats des impérialistes, ni aujourd’hui ni demain.
(Le président interrompt l’orateur.)
Président – Monsieur, en ma qualité de Président, je souhaiterais vous rappeler que selon les règles de bienséance que toutes les personnes présentes dans la salle ont accepté de suivre, votre intervention doit porter sur le sujet de notre discussion. Je vous remercie et je compte sur votre compréhension.
(Le membre travailleur du Nicaragua reprend son intervention.)
Nous répétons que nous regrettons que des personnes qui disent représenter les employeurs de notre pays se servent de la commission pour faire valoir des intérêts qui ne sont pas liés au travail. Leur objectif politique vise à dénigrer toute information qui ne sert pas leurs intérêts ou ne s’intègre pas à leur stratégie contre notre pays.
Je vous prie de noter que nous, dirigeantes et dirigeants syndicaux, continuons de croire au dialogue et à la paix, deux éléments essentiels au développement du pays. Lorsque je lis et entends les arguments avancés, je me demande si ces personnes connaissent quoi que ce soit à la situation du travail dans notre pays. Je m’interroge parce que nous continuons de négocier et d’appliquer un salaire minimum avec les employeurs, nous continuons de négocier et de conclure des conventions collectives, y compris avec des entreprises multinationales par l’intermédiaire de leurs représentants, et nous honorons toujours notre responsabilité de veiller à l’environnement de travail avec les représentants dans les entreprises. Ces personnes savent-elles qu’au Nicaragua, la majorité des employeurs ne connaissent pas l’OIE et n’ont aucune information à son sujet? Pour eux, ça s’apparente plus à un monde fermé réservé à des privilégiés.
Personne ne peut s’arroger le droit de représenter un secteur sans en avoir été expressément mandaté par les personnes qui le composent; nul ne peut se dire majoritaire sans disposer d’éléments pour le prouver.
Nous, syndicats, nous représentons nos membres et échangeons avec eux, mais les organisations non gouvernementales sont individualistes et n’interagissent avec aucun secteur au Nicaragua.
Il existe un cadre juridique que le mouvement syndical respecte, au même titre que les dispositions de notre Code du travail, mais nous savons qu’il existe des organisations à but non lucratif qui ne respectent pas le cadre juridique qui les régit.
Nous demandons que notre processus de dialogue et notre approche du consensus, que nous suivons en toute souveraineté et en tant que peuple libre, soient respectés et appuyés.
Nous réglerons les difficultés et les problèmes que nous rencontrons sur notre chemin en dialoguant et en respectant notre interlocuteur. L’ennemi principal du Nicaragua est la pauvreté, héritage des politiques néolibérales. Nous sommes sur la voie de la croissance économique, ce qui signifie que nous allons continuer d’améliorer le niveau de vie des Nicaraguayens et des Nicaraguayennes.
Le Nicaragua aime la paix et, parce que nous aimons la paix, nous prônons la tranquillité et demandons à la commission de nous écouter, de se poser des questions et de ne pas rejeter les arguments que nous avons présentés, car ce sont des réalités que nous, Nicaraguayens, vivons. Nous les vivons dans la paix, la tranquillité et l’harmonie, et nous avons pris la voie de la croissance économique pour améliorer le niveau de vie du peuple nicaraguayen. Mais il semble impossible d’entendre d’autres arguments lorsque l’esprit est déjà aveuglé par une idéologie. C’est la raison pour laquelle nous prions tous les membres de la commission d’écouter le Nicaragua, d’écouter les travailleurs parce qu’il n’y a pas de développement plus authentique que la révolution populaire sandiniste. C’est pour cela que nous la défendons, parce qu’elle nous donne, à nous, travailleurs, la possibilité de faire valoir notre point de vue, d’influencer et de formuler les politiques qui permettent à notre pays de se développer.
Si vous voulez savoir comment les travailleurs exercent le pouvoir, venez au Nicaragua, à la rencontre du Nicaragua. Venez-y avec l’esprit ouvert, ne vous laissez pas influencer par les flux de désinformation internationaux qui ont affirmé tant de mensonges. Nous allons respecter, protéger, sauvegarder et défendre notre révolution à tout prix.
Membre employeur, Nicaragua – Par l’intermédiaire du ministère du Travail, sur la base de l’invitation à la 112e session de la Conférence internationale du Travail, adressée par l’OIT en date du 7 février 2024, nous avons été invités en tant que mandant employeur, pour la quatrième année consécutive.
J’ai entendu plusieurs intervenants dire leur vive préoccupation sur des aspects concernant le Nicaragua qui n’ont rien à voir avec l’objectif de la Conférence.
Nous avons examiné les éléments liés à notre participation à la Conférence et nous avons notamment constaté qu’étaient signalés des éléments partiaux et très éloignés de la réalité du pays, témoins de la méconnaissance totale de l’activité économique et du monde du travail de notre pays, ou motivés par des intérêts les déformant, et ce à un point tel que, en tant que membre employeur, je ne peux que formuler certaines recommandations de la part des entrepreneurs nicaraguayens à la commission d’experts quant au non-respect présumé de la convention, afin qu’elle ne soit pas polluée par des considérations politiques.
À ce propos, je vais vous livrer quelques éléments sur des aspects pertinents concernant notre pays, relatifs à la participation du secteur privé, des travailleurs et du gouvernement.
Depuis plusieurs années, nous définissions le salaire minimum des travailleurs au sein de la commission tripartite à laquelle participent les organisations les plus représentatives.
Le socle de la situation économique et sociale de la nation continue d’enregistrer une croissance solide en 2024, avec une tendance à la hausse à hauteur de 4,5 pour cent, d’après le dernier indicateur économique officiel, ce qui signifie que l’année devrait se conclure sur une augmentation de 5,6 pour cent; le développement et les perspectives économiques sont bons pour cette année et les projections initiales ont été dépassées, ce qui est le reflet d’une perspective positive, aussi bien s’agissant de la consommation que de l’investissement.
L’investissement privé est important et se reflète dans le commerce et les services, ainsi que dans les investissements étrangers qui ont fortement augmenté, en particulier dans les travaux d’infrastructures routières, la construction de ponts, la santé, les hôpitaux de proximité, les stades, les projets d’eau potable et l’assainissement. D’autres projets de développement stratégique sont prévus, par exemple des ports en eaux profondes dans l’Atlantique, un nouvel aéroport et un plan de développement ferroviaire, sans oublier la dotation en moyens de transport.
En ce qui concerne l’abandon de l’indexation du cordoba sur le dollar des États-Unis (dollar É.–U.), cette mesure, adoptée en début d’année, a renforcé la stabilité financière, dopé le crédit et fait augmenter la consommation; elle a également contribué à l’augmentation des réserves de change, ce qui atteste d’une plus grande solidité économique. Ces réserves dépassent les 5,7 milliards de dollars É.–U., ce qui est du jamais vu dans notre pays. Le B+ attribué par l’agence de notation Fitch Ratings confirme cela.
Nous ne cessons de suivre la situation économique du pays, le développement de l’entrepreneuriat, ainsi que tout ce qui a trait au bien-être et à l’environnement de travail, en vue d’améliorer la compétitivité, l’efficacité et l’efficience, éléments nécessaires au renforcement des entreprises.
Nous constatons que l’ensemble des entreprises et des acteurs du pays prennent des mesures encourageant le syndicalisme et le droit syndical. Les griefs portés auprès de l’OIT comportent une lourde charge politique: de ce fait, face à l’absence d’éléments probants concrets, vérifiables et crédibles, l’ensemble des entrepreneurs les rejetons unanimement.
En ce qui concerne la liberté syndicale et la protection du droit syndical, nous pouvons affirmer que c’est au cours de cette période que le nombre de syndicats a le plus augmenté; l’institution cheffe de file en matière de travail garantit la libre organisation au sein des entreprises, en créant des conditions propices à leur développement par la conclusion de conventions de travail protégeant les intérêts des travailleurs.
Nous avons organisé des réunions et conclu des accords associant l’ensemble du tissu économique, exempts de considérations ou de credos politico-religieux, afin de renforcer, ensemble, l’action menée en faveur du développement socio-économique et de la durabilité du Nicaragua, dans le but de donner du poids aux avancées considérables de l’économie et des entreprises ces dernières années.
Nous continuerons d’apporter un soutien aux programmes socio-économiques déployés par le gouvernement, en participant activement aux investissements, dans les différents secteurs de l’économie nationale, en particulier dans ceux qui renforcent le développement, les capacités techniques des travailleurs et la croissance durable de nos entreprises.
Avant de conclure, je tiens à saluer l’équipe du BIT et à la féliciter pour son dur labeur; afin d’obtenir les résultats visés par les objectifs de l’OIT, nous recommandons à l’Organisation de définir les actions à mener pour que les membres de la commission concernée bannissent les perspectives politiques, ce qui évitera les pertes de temps, les discussions inutiles et, pire encore, l’immixtion dans des questions que seul le peuple et le gouvernement concernés, souverains, ont le droit de régler.
Membre gouvernementale, Belgique – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. L’Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la République de Moldova et l’Ukraine, pays candidats, et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange et membre de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration.
L’UE et ses États membres sont attachés au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits au travail. Nous encourageons la ratification universelle et la mise en œuvre efficace des conventions fondamentales de l’OIT et nous soutenons l’OIT dans l’élaboration et la promotion des normes internationales du travail et dans le contrôle de leur application.
L’UE et l’Amérique centrale, y compris le Nicaragua, ont conclu un accord d’association, récemment entré en vigueur, dont l’objectif est de développer un partenariat politique privilégié fondé sur des valeurs, des principes et des objectifs communs.
Nous demeurons préoccupés par la situation en matière de droits au travail au Nicaragua, y compris par les informations faisant état d’actes d’intimidation et de harcèlement à l’égard des organisations de travailleurs et d’employeurs indépendantes, ainsi que par les allégations d’arrestations et de détentions arbitraires. Plusieurs organes des Nations Unies, dont le Conseil des droits de l’homme, se sont également dits préoccupés par la situation des droits de l’homme, notamment par la destruction de l’espace civique et démocratique au Nicaragua. Nous regrettons que des violations des droits de l’homme soient toujours commises dans le pays.
Nous regrettons que les autorités n’aient jusqu’à présent pas donné suite aux conclusions de 2022 et de 2023 de la commission. Nous réitérons les conclusions adoptées l’année dernière dans lesquelles le gouvernement était instamment prié de cesser immédiatement tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation et intimidation – ou toute autre forme d’agression à l’encontre d’individus ou d’organisations, en raison de l’exercice d’activités syndicales légitimes et d’activités d’organisations d’employeurs.
Nous notons que le gouvernement redit que, depuis 2007, il s’emploie à garantir le rétablissement et la protection des droits au travail des travailleurs par la voie du dialogue tripartite mais nous regrettons que, bien que la commission ait instamment prié le gouvernement, en 2022 et en 2023, de promouvoir sans autre délai le dialogue social en créant une instance de dialogue tripartite sous les auspices du BIT, aucun progrès tangible n’ait été réalisé sur cette question. Nous invitons donc le gouvernement à établir sans autre délai l’instance de dialogue tripartite.
Constatant le non-respect grave de cette convention fondamentale de l’OIT et l’absence de progrès malgré plusieurs discussions au sein de la commission et, plus récemment, du Conseil d’administration, nous prions instamment le gouvernement d’adopter, dès que possible, en consultation avec les partenaires sociaux, toutes les mesures que la Commission de la Conférence l’a invité à prendre. Nous prions le gouvernement de fournir des informations au BIT à ce sujet. Nous invitons également le gouvernement à accepter l’assistance technique du BIT à cet effet.
Nous réitérons l’appel de la commission d’experts en faveur de la modification des articles 389 et 390 du Code du travail, en vertu desquels un conflit collectif est soumis à un arbitrage obligatoire au terme d’un délai de 30 jours à compter de la déclaration de la grève. En vertu de la convention, l’imposition d’un arbitrage obligatoire en vue de mettre un terme à une grève, au-delà des cas dans lesquels une grève peut être limitée, voire interdite, est contraire au droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes en toute liberté.
Tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement, selon lesquelles il continue d’encourager les initiatives à l’appui du droit syndical, des politiques ont été adoptées pour promouvoir et encourager l’organisation syndicale et, entre 2018 et le premier trimestre de 2023, 156 nouveaux syndicats ont été établis, nous rappelons que, pour garantir les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs protégés par la convention, il est essentiel de respecter les libertés fondamentales, le droit de protection contre l’arrestation et la détention arbitraires et le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial. Comme la commission d’experts, nous invitons le gouvernement à fournir des informations détaillées au BIT sur les initiatives déployées pour garantir le libre exercice du droit syndical aux travailleurs et aux employeurs. L’UE et ses États membres continueront à suivre de près la situation au Nicaragua.
Membre gouvernemental, Cuba – Je prie le secrétariat de ne pas enclencher le chronomètre tout de suite, car je souhaiterais commencer par ceci. Je suis surpris par le traitement réservé au représentant des travailleurs du Nicaragua qui me semble, à tout le moins, irrespectueux. Si un élément caractérise bien l’OIT depuis des décennies, c’est le dialogue. Si l’on ne peut dialoguer, si l’on ne peut exprimer librement notre pensée, quel est donc l’objectif de ces discussions? C’est pourquoi, au nom de l’ensemble de la communauté diplomatique, et je le dis en tant qu’ambassadeur et représentant permanent de Cuba à Genève, je présente nos excuses au représentant des travailleurs pour cette interruption.
Monsieur le président, j’en viens à mon intervention. Nous remercions le gouvernement d’avoir donné des informations supplémentaires. Nous saluons le fait que les informations fournies par le gouvernement sandiniste apportent des éléments sur l’exercice de la libre syndicalisation dans le pays qui atteste de la volonté du gouvernement de préserver la communication et la coopération avec la commission d’experts et de sa décision d’honorer ses engagements à l’égard de l’OIT et du peuple nicaraguayen dans le cadre de son ordre juridique et dans le plein respect de sa souveraineté.
Au cours des discussions tenues lors du Conseil d’administration, nous avons entendu plusieurs représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs, insister sur des aspects tels que la coopération des pays concernés eu égard à l’envoi de rapports, et surtout sur la nécessité d’éviter la politisation. À ce sujet, ma délégation souhaiterait souligner que la commission doit accorder davantage d’importance aux informations transmises par les gouvernements, compte tenu des efforts déployés par les autorités nationales pour répondre aux exigences des mécanismes de contrôle de l’OIT.
Par ailleurs, à maintes reprises, Cuba a dit refuser la politisation des mécanismes de contrôle de l’OIT et leur utilisation pour faire entendre des allégations qui n’ont pas pour objectif la défense des intérêts des travailleurs ou des employeurs, mais la remise en question de l’action des gouvernements dans le domaine du travail. Nous estimons qu’il convient d’analyser en toute impartialité les politiques d’appui aux travailleurs mises en œuvre par le gouvernement sandiniste.
D’après les informations fournies par le gouvernement, le nombre de nouvelles organisations syndicales constituées ces dernières années est considérable et le statut d’autres organisations syndicales représentatives a été mis à jour. Je tiens à insister sur le fait que l’on ne peut demander au gouvernement d’aller à l’encontre de sa Constitution, de ses lois ou de ses politiques nationales, car cela porterait atteinte aux principes de la souveraineté et de l’autodétermination.
Je conclus en rappelant l’importance de continuer à promouvoir le tripartisme et l’échange respectueux avec chaque pays, ainsi que l’esprit de dialogue et de coopération.
Nous espérons que les conclusions qui découleront de cet exercice seront objectives, techniques et équilibrées et qu’elles tiendront compte des opinions et des informations fournies par les autorités nicaraguayennes.
Membre employeuse, Colombie – Tout d’abord, je voudrais revenir sur les graves allégations formulées à plusieurs reprises quant à l’existence de persécutions et d’actes de répression systématique de la part du gouvernement à l’encontre des partenaires sociaux les plus représentatifs, en particulier du COSEP.
L’année dernière, la commission a noté avec une profonde préoccupation que persistait un climat d’intimidation et de harcèlement à l’égard des organisations de travailleurs et d’employeurs indépendantes et a pris note avec une profonde préoccupation des allégations concernant l’arrestation et la détention de dirigeants employeurs et de la dégradation de la situation, ainsi que l’absence de tout progrès et de toute coopération de la part du gouvernement.
Malheureusement, aujourd’hui, la situation est encore plus dégradée. Le gouvernement n’a adopté aucune mesure concernant les faits allégués et n’a mis en œuvre aucune recommandation formulée par les organes de contrôle de l’OIT; la liberté syndicale et la garantie des droits des partenaires sociaux sont toujours attaquées.
Face à cette situation grave, il convient de rappeler que la liberté syndicale est vidée de son sens lorsque les libertés publiques ne sont pas respectées. Les droits octroyés aux organisations de travailleurs et d’employeurs sont fondés sur la reconnaissance, la protection et la garantie des libertés publiques telles que la sécurité des personnes et l’interdiction de la détention arbitraire.
Il est impératif de demander au gouvernement de s’acquitter de ses obligations en tant qu’État Membre de l’OIT. Nous appelons de nouveau le Nicaragua à reconstruire les processus de confiance et à parvenir au plein respect de la liberté syndicale.
Par ailleurs, il convient de souligner que les représentants des travailleurs et des employeurs doivent être librement élus et être représentés sur la base de l’égalité, comme établi à l’article 3 des conventions nos 87 et 144.
À plusieurs reprises, la commission d’experts a dit qu’il incombait aux organisations de travailleurs et d’employeurs de définir les conditions applicables à l’élection de leurs dirigeants. Les autorités devraient s’abstenir de toute ingérence indue dans l’exercice de ce droit.
Les faits graves qui persistent au Nicaragua à l’encontre des dirigeants d’entreprise entament la possibilité de construire un dialogue social tripartite et empêchent de disposer de représentants des employeurs du Nicaragua conformément aux termes des normes internationales du travail.
Membre travailleur, Honduras – Le rapport de la commission d’experts doit être lu dans son intégralité, car il aborde certains sujets qui ne devraient pas être masqués par les aspects les plus couramment mentionnés dans les commentaires de la commission au sujet du cas du Nicaragua. J’entends par là deux éléments figurant dans le rapport que je souhaite mettre en exergue dans ma brève intervention.
Premier élément: depuis plus de dix ans, il a été dit et répété qu’il est nécessaire de modifier les articles 389 et 390 du Code du travail, en vertu desquels un conflit collectif est soumis à un arbitrage obligatoire au terme d’un délai de 30 jours à compter de la déclaration de la grève.
La figure de l’arbitrage que l’on souhaite utiliser pour régler des conflits doit être convoquée avec l’accord des parties et non imposée par l’une d’entre elles: cela permet d’éviter la fracture entre les acteurs du monde du travail. Ce n’est que dans des situations extrêmes, par exemple en cas de conséquence sur les services essentiels au sens strict du terme ou de risque pour la vie, la santé et la sécurité de l’ensemble ou d’une partie de la population, que l’on pourrait décider qu’une solution soit imposée par un tiers, position largement étayée par le Comité de la liberté syndicale du BIT.
Deuxième élément: le nombre de syndicats récemment reconnus, d’après les informations fournies par le gouvernement. Il est important de disposer des chiffres relatifs à la création de nouveaux syndicats pour que continue l’exercice de la liberté syndicale afin que celle-ci puisse entièrement se déployer. Toutefois, face aux exemples de cas de nombreux pays que nous avons examinés, que nous examinerons sûrement encore au sein de la commission et qui portent sur des situations restreignant fortement le droit de créer des organisations syndicales, le fait que l’organisation de syndicats est encouragée au Nicaragua, grâce à des moyens en facilitant la reconnaissance, reste une nouvelle prometteuse.
Nous l’avons toujours dit, et nous souhaitons le rappeler: la liberté syndicale va au-delà du droit à la création d’organisations et du droit de s’affilier. C’est une mesure essentielle qu’il ne faut pas non plus passer sous silence.
Interprétation du russe: Membre gouvernemental, Bélarus – Nous sommes reconnaissants au Nicaragua pour les informations qu’il a communiquées sur la question mise à l’examen. Nous prenons note de la volonté du gouvernement d’entamer une coopération constructive avec l’OIT. Nous nous félicitons des efforts qu’il a consentis pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs par le biais du dialogue tripartite et du consensus qui constituent un principe fondamental et une manière d’atteindre la stabilité sociale et du travail dans le pays ainsi qu’un développement pacifique.
Par la même occasion, nous aimerions soulever les points suivants. Être membre d’un syndicat ou d’une organisation d’employeurs, comme le dit la convention, n’exonère personne de sa responsabilité en cas d’action illégale sans rapport avec la protection des droits et des intérêts des travailleurs et des employeurs inscrits dans la loi.
Nous prions instamment l’OIT d’en tenir compte et de faire montre de neutralité et d’impartialité lorsque nous examinons un cas individuel. Nous pensons que les recommandations des organes de contrôle et les appels de certaines délégations pour que le Nicaragua révise une partie de sa législation nationale, notamment la loi sur la protection du pays, sa souveraineté indépendante et son autodétermination au nom de la paix, ne sont pas l’affaire de l’OIT et constituent une ingérence dans les affaires internes du Nicaragua.
Membre employeur, Mexique – En l’espèce, il convient de rappeler qu’aux sessions de la Conférence de 2022 et de 2023, la commission a pris note avec une profonde préoccupation que persistait un climat d’intimidation et de harcèlement à l’égard des organisations de travailleurs et d’employeurs indépendantes.
C’est également avec une profonde préoccupation qu’il a été pris note de l’arrestation et de la détention de dirigeants d’organisations d’employeurs et que la commission a instamment prié le gouvernement de cesser immédiatement tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation et intimidation – ou toute autre forme d’agression à l’encontre d’individus ou d’organisations.
Malheureusement, comme cela a déjà été dit, ce climat et cet environnement persistent, bien qu’ils aient été dénoncés avec force détails ces dernières années.
Nous tenons à rappeler que la commission a recommandé au gouvernement de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau pour assurer le plein respect de ses obligations au titre de la convention et surtout d’accepter la mission de contacts directs chargée de mener une enquête, en ayant plein accès aux élément relatifs aux violations des droits syndicaux des organisations de travailleurs et des organisations d’employeurs.
On ne peut parler d’immixtion lorsque, malheureusement, les violations des droits de l’homme relatifs à la liberté, consacrés par la convention, existent et persistent.
Il convient de souligner que, dans le rapport du Groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua, le Conseil des droits de l’homme, organisme intergouvernemental chargé de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme dans le monde entier, a indiqué que le groupe d’agents et de fonctionnaires publics de différents organismes et structures du gouvernement et des acteurs non étatiques ont participé, et continuent de participer à la date de rédaction du rapport, à des violations graves et systématiques des droits de l’homme contre un pan de la population nicaraguayenne, en procédant notamment à des exécutions extrajudiciaires et à des détentions arbitraires.
C’est pour cela que nous insistons sur l’urgence de l’assistance technique du Bureau, du dialogue social.
Membre travailleur, Togo – L’observation que la commission d’experts a faite sur le cas du Nicaragua et la convention met en évidence entre autres choses le travail que l’OIT réalise en matière de contrôle de l’application et de l’amélioration des normes régissant le travail. En particulier, je tiens à me référer aux contributions de la commission en ce qu’elle réitère une position très positive de la commission d’experts sur le droit des organisations syndicales d’organiser librement leur activité et de formuler leur programme d’action conformément à l’article 3 de la convention.
Il est bien connu que l’arbitrage obligatoire constitue une limitation très sévère à l’autonomie syndicale et, en cas de conflit collectif, peut mener à supprimer le mécanisme de garantie de l’applicabilité d’autres droits qui sont défendus par des mesures de lutte. Cela signifie que l’arbitrage obligatoire restreint la liberté syndicale en limitant les mesures et restreint également les garanties des droits qui sont défendus par le conflit. Cette double atteinte aux droits des travailleurs amène la commission à considérer que l’imposition de l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à une grève en dehors des cas où celle-ci peut être limitée et même l’interdire est contraire aux droits des organisations de travailleurs d’organiser librement leur activité et de formuler leur programme d’action.
Nous, les travailleurs, partageons pleinement la demande adressée au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 389 et 390 du Code du travail afin de garantir que l’arbitrage obligatoire n’est possible que dans le cas où la grève peut être limitée dans des circonstances absolument exceptionnelles, comme les services essentiels au sens strict du terme, ou en cas de crise nationale aiguë.
Nous avons des attentes positives quant au traitement de ce sujet par la commission qui devrait promouvoir un changement tendant à la reconnaissance pleine et entière de la liberté syndicale au Nicaragua.
Interprétation du chinois: Membre gouvernemental, Chine – Nous remercions le Nicaragua pour son exposé. Après avoir examiné attentivement le rapport de la commission d’experts, nous prenons note des informations et des faits importants communiqués par le gouvernement. Le Nicaragua s’est acquitté scrupuleusement des obligations qui lui incombent en vertu de la convention en progressant continuellement en matière de liberté syndicale et de protection du droit syndical. Cette démarche mérite l’entière reconnaissance de la commission.
Le gouvernement a travaillé en étroite collaboration avec des entreprises et d’autres parties prenantes pour lutter contre la pauvreté. Rien qu’entre 2018 et 2021, 111 nouveaux syndicats ont vu le jour, représentant près de 4 000 travailleurs; tandis le statut de près de 3 000 syndicats existants, représentant plus de 220 000 travailleurs, a été mis à jour.
Le pays a renforcé les consultations tripartites pour tirer pleinement parti du système de salaire minimum. Nous saluons ces efforts. Nous soulignons que toute organisation de travailleurs ou d’employeurs doit se conformer à la Constitution et au droit de son pays et agir dans les limites de la législation nationale.
Le système de contrôle des normes de l’OIT a pour but de permettre aux États Membres de mieux s’acquitter de leurs obligations au titre des conventions internationales. Les mesures qu’il adopte doivent être constructives et positives plutôt que destructrices. L’examen des cas individuels doit se fonder sur les fonctions essentielles et le mandat principal de l’OIT, dans le respect des principes d’équité et d’impartialité. Il est également primordial de tenir compte comme il se doit des informations officielles et des positions des États Membres.
Nous encourageons le gouvernement à continuer de renforcer sa communication et ses échanges avec l’OIT et avec son système de contrôle des normes. Nous demandons également à la commission d’accorder l’importance qu’elles méritent aux informations soumises par le gouvernement et d’engager un dialogue constructif de manière rationnelle et pratique avec le Nicaragua. En outre, nous encourageons la commission à faire davantage en matière de soutien technique pour aider les autorités nicaraguayennes à surmonter les divergences, à parvenir à un consensus et à régler les problèmes avec leurs partenaires grâce au dialogue social et dans le respect de leurs obligations au titre des conventions internationales du travail.
Membre employeuse, Espagne – Les employeurs d’Espagne regrettent profondément les faits dont nous discutons ici qui évoquent des violations graves des conventions fondamentales – dont la convention no 87 – par le gouvernement qui ne semble pourtant pas reconnaître les faits allégués.
On ne peut parler de dialogue social au Nicaragua lorsque les organisations d’employeurs les plus représentatives ont été arbitrairement dissoutes et que leurs membres ont été emprisonnés ou contraints à l’exil. Nous condamnons fermement ces agissements contraires aux conventions fondamentales de l’OIT et en violation flagrante des droits humains internationalement reconnus.
La convention garantit la liberté des employeurs et des travailleurs de constituer leurs propres organisations et d’élire leurs propres représentants, et il n’appartient pas au gouvernement de choisir les représentants avec lesquels il mènera le dialogue social. Le gouvernement devrait mettre en œuvre rapidement et efficacement les conventions fondamentales en droit et dans la pratique, et doit honorer ses obligations en tant que Membre de l’OIT.
Membre gouvernemental, Honduras – Nous saluons le rapport présenté par la commission d’experts dont la fonction est de promouvoir la ratification et l’application universelles des normes internationales fondamentales du travail, y compris la présente convention.
Nous soutenons l’OIT dans son rôle qui consiste à élaborer, à promouvoir et à contrôler l’application des normes internationales du travail ratifiées, en particulier les conventions fondamentales.
De même, nous remercions le gouvernement pour les informations fournies au sujet de sa législation nationale et en lien avec la convention. Nous saluons l’engagement du Nicaragua à adopter des mesures conformes à la convention. Nous estimons qu’il convient de souligner le travail accompli par le gouvernement en ce qui concerne la création de nouvelles organisations syndicales et la mise à jour du statut des syndicats existants, ainsi que les autres progrès que les délégués représentant le Nicaragua ont présentés aux membres de la commission. Par conséquent, nous reconnaissons les efforts déployés par le Nicaragua pour promouvoir le dialogue social et le tripartisme, et appliquer la convention.
Le Honduras espère que les conclusions de la commission seront techniques et équilibrées, qu’elles tiendront compte des informations fournies par l’État nicaraguayen et qu’elles viseront toujours la promotion du travail décent et des principes et droits fondamentaux au travail.
Membre gouvernementale, République bolivarienne du Venezuela – La République bolivarienne du Venezuela remercie la République du Nicaragua pour les informations fournies qui font état des progrès significatifs réalisés en matière de liberté syndicale et de protection du droit syndical.
En outre, nous nous félicitons que le gouvernement s’acquitte de ses obligations en encourageant la coopération avec les partenaires sociaux, comme en témoignent, ces dernières années, son rapprochement avec les organisations d’employeurs, ainsi que la création d’organisations syndicales et la mise à jour du statut de syndicats existants qui représentent un nombre important de travailleurs du pays. Nous saluons la détermination et la volonté du gouvernement de continuer à progresser comme il l’a fait jusqu’à présent dans le domaine du travail, dans le respect des principes de souveraineté, d’autodétermination et de non-ingérence.
Enfin, nous demandons à l’OIT de promouvoir le dialogue social entre partenaires sociaux en République du Nicaragua, et de le soutenir par des mesures constructives, objectives et adaptées au droit national pour consolider des relations de travail harmonieuses et garantir la protection des travailleurs nicaraguayens.
Interprétation du russe: Membre gouvernementale, Fédération de Russie – Nous remercions la représentante gouvernementale d’avoir fourni des explications sur le fond de la question examinée ce jour: le respect de la convention no 87.
Nous estimons que les allégations portées concernant la violation du droit à la liberté syndicale et du droit syndical sont infondées. Nous aussi nous disons préoccupés par la composante politique en l’espèce.
Nous pensons que ni la commission ni l’OIT dans son ensemble n’ont le pouvoir de prendre position sur les agissements des organes concourant à l’application de la loi ou des tribunaux nationaux. Nous ne pensons pas non plus qu’il est acceptable d’avoir des prétendues recommandations sur la nécessité de revoir les dispositions de la législation nationale, en particulier certains articles du Code du travail. Ces «recommandations» ressemblent davantage à une ingérence indue dans les affaires internes de l’État.
De ce fait, nous prions instamment la commission de prendre note avec satisfaction des informations fournies aujourd’hui par la représentante gouvernementale.
Nous tenons à ce que soit consigné le fait que ce cas montre, une fois de plus, la tendance à la politisation des travaux de l’OIT et la tentative de relier des rapports nationaux techniques à des événements nationaux dans un pays donné. Cette pratique conduit à la politisation des décisions prises et amoindrit considérablement leur éventuelle mise en œuvre. En fin de compte, elle sape aussi l’autorité de l’OIT.
Membre employeur, Honduras – Une fois de plus, nous constatons avec une vive préoccupation que le gouvernement ne respecte toujours pas la convention, malgré l’examen de ce cas au cours des deux précédentes sessions de la commission. Cette situation exige que la commission prenne des mesures énergiques et exemplaires à l’égard du gouvernement, car il s’agit là d’un précédent néfaste eu égard au respect des normes internationales du travail par les États.
Aux termes de la convention, les organisations syndicales de travailleurs et d’employeurs n’ont pas besoin de l’autorisation des gouvernements quant à leur mode de constitution: il s’agit d’un droit fondamental qui doit être garanti par chaque État Membre de l’OIT. Les gouvernements n’ont pas le droit de déterminer quelle organisation peut agir ou non dans son pays. Or, dans le cas du Nicaragua, nous avons vu comment, à plusieurs reprises, ont été dénoncés des agissements du gouvernement à l’endroit de la forme d’organisation des organisations syndicales de travailleurs et d’employeurs, ce qui a éliminé entièrement le dialogue social, qui est l’essence même du tripartisme et la pierre angulaire de la paix sociale.
Je tiens à signaler qu’il est inacceptable que le gouvernement ait arbitrairement engagé des poursuites judiciaires contre les représentants des employeurs et des travailleurs, et qu’il ait, sur décret, liquidé leurs organisations. Il s’agit là de l’une des violations les plus graves que la commission a jamais traitées. Nous demandons donc à la commission de nommer une commission tripartite de haut niveau afin que soient mises en œuvre les conclusions adoptées par la commission.
Nous devons nous interroger sur la liquidation des organisations d’employeurs, 19 très exactement, et du COSEP, ainsi que sur l’expulsion de nombreux représentants des employeurs, déchus même de leur nationalité, ce qui non seulement contrevient à la convention mais constitue aussi une violation des droits humains de ces personnes, qui n’ont fait que lutter pour leurs droits.
Nous regrettons que le gouvernement n’ait montré aucun signe d’ouverture au dialogue. Il a fait preuve d’une grande intransigeance face aux conclusions de la commission. Nous espérons que, cette fois-ci, les choses iront mieux et que l’OIT veillera au respect des droits fondamentaux des partenaires sociaux, employeurs et travailleurs.
Interprétation de l’arabe: Membre gouvernementale, Arabie saoudite – Mon pays tient à remercier le BIT d’avoir établi le document et nous remercions la représentante gouvernementale pour les informations fournies et les précisions apportées au sujet des progrès accomplis quant au respect de la liberté syndicale et de la protection du droit syndical. Compte tenu des efforts déployés pour lutter contre la pauvreté, nous saluons les mesures constructives prises par la République du Nicaragua et nous attachons de l’importance à sa coopération étroite et aux réponses qu’elle a envoyées aux organes chargés du contrôle de l’application. Parmi les exemples du tripartisme, citons l’augmentation des salaires de 10,1 pour cent, négociée par les travailleurs, les employeurs et le gouvernement. À ce sujet, l’Arabie saoudite prie instamment l’OIT d’accorder suffisamment de temps à la République du Nicaragua et prie le BIT de fournir l’assistance technique nécessaire pour parvenir à atteindre les objectifs de l’Organisation.
Membre gouvernementale, Algérie – La délégation algérienne a écouté attentivement la déclaration de la représentante gouvernementale. Nous avons pris bonne note des informations fournies selon lesquelles des actions concrètes ont été engagées à l’effet de préserver les droits syndicaux, permettant la pleine création et le libre fonctionnement des organisations syndicales, la promotion de la négociation collective, ainsi que la tenue de consultations tripartites conformément aux dispositions des conventions internationales. Nous notons avec satisfaction que le gouvernement demeure résolu à assurer le respect de sa Constitution, ainsi que de l’ensemble de sa législation nationale du travail. Dans ce cadre, la délégation algérienne est convaincue que le Nicaragua, malgré les défis auxquels il fait face, reste fermement engagé en faveur du respect de ces conventions. L’Algérie prône vivement le maintien d’un dialogue ouvert entre le Nicaragua et les organes compétents de l’OIT afin d’aboutir à une compréhension mutuelle et à la résolution des préoccupations exprimées dans un esprit de collaboration et de respect mutuel.
Membre gouvernementale, Tunisie – Nous souhaitons la bienvenue à Son Excellence, Madame la ministre du Travail du Nicaragua, et nous la remercions pour les informations fournies sur les progrès accomplis sur la voie de l’application de la convention.
Nous insistons sur l’importance que la Tunisie accorde aux droits et aux principes protégés par la convention et nous saluons le travail accompli par la commission en matière d’examen de leur application en droit et dans la pratique.
Nous saluons l’attachement du gouvernement à la communication et à la coopération avec l’OIT et ses organes de contrôle et considérons qu’il s’agit là d’une marque d’ouverture et d’engagement à l’égard de l’application des normes internationales du travail. Nous nous félicitons de l’engagement renouvelé exprimé aujourd’hui en faveur du tripartisme et du dialogue social en tant qu’outil de promotion des droits sociaux et du travail.
Nous prenons bonne note des informations fournies par la délégation nicaraguayenne au sujet de la coopération qui existe entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs en vue de mettre en œuvre le plan national de lutte contre la pauvreté, ainsi que de l’augmentation du nombre d’organisations syndicales. Une telle coopération avec les partenaires sociaux est nécessaire pour la justice sociale, ainsi que pour le succès et la mise en œuvre pérenne des politiques sociales. Nous invitons donc le gouvernement à poursuivre et à élargir cette coopération, ainsi qu’à redoubler d’efforts sur la voie de la mise en œuvre des politiques nationales, compte tenu de leurs priorités nationales et des observations de la commission d’experts.
Membre gouvernementale, État plurinational de Bolivie – Je souhaiterais tout d’abord souscrire à l’intervention du membre gouvernemental de Cuba: les membres gouvernementaux, travailleurs et employeurs doivent être traités avec le même respect. C’est un principe fondamental de cet espace tripartite.
L’État plurinational de Bolivie souhaite la bienvenue à la délégation du gouvernement du Nicaragua et la remercie pour les informations fournies au sujet du respect de la convention.
Mon pays promeut le respect du droit de tous les travailleurs de s’organiser en syndicats en vertu des principes syndicaux de l’unité, de la démocratie syndicale, de la solidarité et de l’internationalisation. Nous avons donc écouté attentivement les informations fournies et pris connaissance des efforts déployés par le gouvernement pour garantir le respect de ces droits.
Nous saluons ces efforts et encourageons le gouvernement à continuer de renforcer les mesures adoptées pour protéger le droit syndical et la liberté syndicale. Nous saluons la bonne coopération entre les entreprises et les pouvoirs publics qui enrichit la mise en œuvre du plan national de lutte contre la pauvreté. Nous soulignons également qu’entre 2018 et 2021, plus de 111 nouvelles organisations syndicales ont été constituées. Nous estimons qu’il est important de mettre ces avancées en exergue.
Nous prenons note du rapport de la commission et vous invitons à encourager les rapprochements, le dialogue et la coopération afin de susciter la confiance auprès des gouvernements, des travailleurs et des employeurs. Il est nécessaire de repousser hors de ces espaces toute tentative de politisation et d’œuvrer à l’application de la convention, comme celle-ci le dit, dans le respect et le droit fil des lois et des règles de chaque pays.
Président – Je vous remercie. Je ne vois pas d’autre demande de parole. J’invite à présent la représentante gouvernementale du Nicaragua, Son Excellence Madame la ministre du Travail, à prononcer ses remarques finales.
Représentante gouvernementale – Les interventions des représentants des employeurs aujourd’hui ont appelé notre attention, surtout lorsqu’ils affirment, sans arguments à l’appui, que la convention est violée au Nicaragua et qu’ils précisent qu’il y a violation parce que des travailleurs, des syndicalistes ou des représentants des syndicats ou de fédérations syndicales sont arrêtés ou privés de liberté.
Permettez-moi de vous dire – avec tout le respect qui caractérise le peuple nicaraguayen, le modèle de gouvernement que nous développons et nos autorités – qu’aucun travailleur syndicaliste n’a été arrêté, que ces informations ne sont pas avérées. En effet, lorsque nous nous présentons à ces rencontres, où nous essayons de tirer au clair la situation et de trouver la solution à un prétendu conflit du travail, nous devons y parvenir en nous fondant surtout sur la vérité.
Nous sommes très surpris. En effet, au Nicaragua, nous disons qu’il y a la liberté syndicale, car nous avons des éléments probants, la voix des travailleurs, et ici le Bureau n’a reçu aucune plainte d’un secteur des travailleurs nicaraguayens, d’une centrale syndicale ou d’un syndicat. S’agissant du cas mentionné par un ou deux représentants des employeurs relatif à la violation des droits d’une association d’employeurs, laissez-moi vous dire que, s’il s’agit de ce qu’était le COSEP, qui n’existe plus du point de vue juridique, et non parce qu’il aurait été radié, mais parce qu’en tant qu’organisme, il ne s’est pas acquitté de ses obligations et de ses responsabilités financières, et non parce qu’on lui aurait porté atteinte. Le COSEP n’a jamais été une organisation syndicale d’employeurs. C’était une organisation non gouvernementale à but non lucratif. Que les choses soient claires, afin que nous comprenions bien l’origine de la situation. C’est pour cela que l’on ne peut politiser cette question en la soumettant ici, alors que ce n’est pas une question qui relève de la convention relative à la liberté syndicale.
Ce n’étaient pas des syndicalistes. Ce ne sont pas des syndicalistes. Ce sont des employeurs constitués en organisation non gouvernementale. Les choses sont claires. Si je le précise, c’est parce que cela a été dit et répété. Or, je crois que nous sommes ici pour éviter les préjugés, inévitables lorsque l’on ne dit rien. Nous sommes tenus de préciser aux employeurs que le COSEP et ses 18 chambres n’étaient pas des employeurs syndiqués, qu’ils n’avaient jamais été enregistrés auprès du ministère du Travail, ni eux, ni encore moins leurs chambres.
Toutes les entreprises opèrent librement au Nicaragua, parce que les organisations syndicales y jouissent de l’autonomie totale que leur confère la loi en matière d’action et de gestion auprès des entreprises. Il faut bien comprendre cette réalité au moment de se positionner lors de l’examen de la question de fond qu’est la liberté syndicale, sans apporter d’éléments qui n’ont rien à voir ni les mêler à une discussion qui va s’éterniser. Le gouvernement de réconciliation et d’unité nationale que dirige dignement le commandant Daniel Ortega est prêt à dialoguer et le dialogue est un instrument efficace pour régler les conflits du travail au Nicaragua. Nous n’avons ainsi pas connu de conflit majeur entraînant une grève et nous n’avons pas eu vent de grèves. Les ministères, le gouvernement et l’ensemble des acteurs concernés par la relation de travail échangent jour et nuit avec les travailleurs, dialoguent avec les employeurs pour parvenir à un consensus, qui est la forme efficace de parvenir à un règlement rapide des conflits sans que l’employeur ou le travailleur n’en sorte perdant. Et c’est à cela que nous nous employons. Nous nous concentrons sur la réalité. Nous souhaitons faire éclater la vérité, et nous l’avons étayée de données, présentée dans des rapports. Nous espérons qu’au moment de parvenir à une conclusion, la distinction entre le sujet à l’ordre du jour et le reste sera intelligemment faite.
Nous sommes ouverts au dialogue pour autant que l’on examine l’esprit de la loi, l’esprit de la convention. Et c’est ce que nous demandons à la commission.
Maintenant que nous avons précisé les choses sur ce point qui nous a ému et surpris, nous souhaitions vous dire que notre gouvernement, dans le cadre de la politique du travail complète qui fait partie intégrante du Plan national de lutte contre la pauvreté et en faveur du développement, mène des activités de formation, de sensibilisation à l’intention des différents secteurs de travailleurs, des syndicats, des femmes syndiquées, des jeunes syndiqués, afin qu’ils puissent mieux créer ou développer leur activité syndicale en ce qui concerne les droits au travail, ainsi que la santé et l’hygiène au travail.
Nous sommes très préoccupés par le développement des travailleurs. C’est pour cela que la santé est gratuite au Nicaragua et que les travailleurs bénéficient de bonnes conditions de sécurité sociale.
Compte tenu des commentaires que j’ai entendus, il est important de préciser, et le Bureau devrait clairement le dire, qu’aucune plainte de travailleurs n’a été reçue; et celles qui avaient été déposées ont été traitées de manière très responsable et en faisant preuve d’une grande maturité.
Nous ne pouvons donc pas venir ici débattre de la réalité ou non de la persécution syndicale: elle n’existe pas au Nicaragua, et je ne le dis pas parce que je me trouve ici face aux délégués et à la commission, mais parce qu’à l’heure actuelle, au Nicaragua, aucune demande de personnalité juridique de la part d’un syndicat n’est en instance au Nicaragua. Les demandes sont traitées sous huit jours: nous ne pouvons donc pas dire qu’il y a persécution syndicale.
Notre gouvernement travaille main dans la main avec les organisations syndicales afin que soient conclues des conventions améliorant les conditions de travail et contenant des dispositions améliorant la situation des travailleuses et des travailleurs des différents secteurs de l’économie, car cela n’existait pas avant 2007. Nous entendons par là l’éradication de la pauvreté.
Éradiquer la pauvreté ne signifie pas participer à une grève et ne rien faire. Éradiquer la pauvreté signifie s’occuper d’un conflit du travail en apportant des solutions clés, aussi bien aux travailleurs qu’à l’employeur. Et c’est exactement ce que nous faisons au Nicaragua.
Nous sommes donc très surpris que vous nous disiez ici que nous violons la convention et le droit syndical.
Mesdames et Messieurs, travaillons dans le respect des lois, des lois qui régissent la vie au Nicaragua, qui sont déjà écrites, que connaissent les travailleurs, que connaissent les employeurs et que connaît le peuple nicaraguayen, car c’est lui qui les élabore, les rédige et les adopte.
Respectez-nous. Respectez cette souveraineté unique et absolue des peuples. Et c’est ce que nous vous demandons, au moment de conclure sur ce point relatif à la convention: tenez compte des avancées réalisées par le Nicaragua, qui s’engage de façon permanente auprès du peuple nicaraguayen à continuer d’œuvrer pour que les travailleurs aient chaque jour de meilleures conditions de travail.
Au Nicaragua, aucun dirigeant syndical n’est licencié de façon arbitraire: il existe une procédure administrative très claire pour se séparer d’un dirigeant syndical.
Le gouvernement dispose de lois protégeant les travailleurs, car c’est de cela que dépendent le développement et l’avenir des familles nicaraguayennes. C’est pour cela que nous devons tous lutter, parce que certains d’entre nous vivent des situations similaires. Il faut œuvrer pour que la famille de ces travailleurs, ce peuple et les générations futures, vivent librement et dignement, et qu’ils tiennent à chérir et à défendre la paix, ainsi qu’à défendre la souveraineté.
Nous demandons ce respect, cet examen et nous demandons que ces questions ne soient plus politisées, afin de ne pas nous éloigner du sujet. Le Nicaragua est engagé: il s’assoit tous les jours à la table des négociations avec les travailleurs.
Mais, attention! Ce dialogue doit être sain, de qualité, et ne pas nous faire sortir de notre cadre. Nous allons négocier avec qui de droit, avec les travailleurs du pays et les employeurs qui participent activement à l’économie pour faire avancer le Nicaragua, car tel est notre objectif commun, n’est-ce pas?
En outre, nous affirmons clairement que nous sommes ouverts et prêts à continuer de travailler, unis, avec les travailleurs, pour avancer sur la voix de l’éradication de la pauvreté. Nous n’allons toutefois pas nous laisser imposer des questions qui ne sont pas du ressort de la commission.
Avec tout le respect que nous vous devons, nous vous disons cela, car nous sommes préoccupés par l’attitude des représentants des employeurs lorsqu’ils apportent des informations, qui ne sont pas exactes: avant toute chose, il faut connaître la situation et savoir si l’on dispose d’éléments permettant d’affirmer qu’il y a violation ou non de la liberté syndicale. Autrement, sans fondement, on ne peut pas dire et répéter «il faut»: le Nicaragua est libre, souverain et indépendant.
Nous remercions l’ensemble des pays qui nous aident à cette fin pour le bien-être de nos nations, pour le bien-être du Nicaragua.
Membres employeurs – Je commencerai par une question d’ordre. Tout d’abord, je voudrais vous demander, Monsieur le Président, que ne figurent pas dans le compte rendu les déclarations inappropriées qui ont été faites par le représentant des travailleurs du Nicaragua et qui ne sont pas liées à l’affaire. Nous estimons que le commentaire relatif à l’OIE est inapproprié et nous voulons qu’il en soit fait mention dans le compte rendu.
Nous l’avons écouté avec tout le respect qui lui est dû, et il me semble que le Bureau doit prendre note de l’invitation faite par le représentant des travailleurs visant à prendre connaissance de ce qui se passe sur le terrain. C’est précisément ce que nous avons dit, peut-être avec des mots ou des expressions auxquels nous sommes habitués et que nous comprenons bien, mais en clair, voilà en quoi consiste l’assistance technique.
Il y a donc une invitation du représentant des travailleurs – j’ai écouté tout ce qu’il a dit avec beaucoup de respect –, mais il me semble qu’il y a des expressions inappropriées qui devraient être retirées du compte rendu, et ce d’autant plus qu’elles ne correspondent pas au cas que nous traitons. Je vous demande donc également de prendre note de cette invitation, qui me semble de bonne foi, et c’est en toute bonne foi que nous devons trouver un moyen d’y donner suite.
D’autre part, et avant de faire la déclaration que j’ai préparée, je vais revenir sur certaines questions que la représentante gouvernementale – que j’ai également écoutée avec beaucoup de respect –, a mentionnées. Il me semble que, fondamentalement, la portée de la convention est mal comprise. En effet, si je me félicite que ces dialogues, ces négociations, ces enregistrements de syndicats, etc. existent – je m’en félicite vraiment –, c’est une bonne chose que cela existe, c’est l’exercice des droits des travailleurs, mais ces droits doivent pouvoir être exercés également par les employeurs. La convention a une portée pour les deux parties et elle ne se réfère pas à l’enregistrement des syndicats, mais au droit des employeurs et des travailleurs de constituer des organisations. Elle précise que ce droit s’exerce sans autorisation préalable. Elle prévoit également que ces organisations ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative. En d’autres termes, il ne s’agit pas de l’enregistrement des syndicats – me félicitant bien entendu que vous le fassiez de manière aussi efficace et que les syndicats soient tous à jour dans ce domaine –, mais la convention a une portée plus large, à savoir la capacité que nous avons tous, travailleurs et employeurs – car de nombreux travailleurs sont des employeurs, et de nombreux employeurs sont des travailleurs –, de constituer nos propres organisations et de nous organiser, de créer ces entités tierces qui permettent de partager des intérêts communs et de défendre des droits et intérêts mutuels.
Je me dois donc d’apporter cette précision, car il me semble que l’assistance technique du Bureau serait essentielle à la compréhension de la portée de la convention, compte tenu de la situation.
Je tiens à dire, et je suis désolé de le répéter, mais il me semble que la commission d’experts dit très clairement les choses: les représentants des travailleurs et le gouvernement ont salué le travail du Bureau et le travail du Bureau est reflété dans le travail de la commission d’experts, donc ce que dit la commission d’experts, ce sur quoi se base tout ce que nous avons dit au cours de cette réunion, et non pas nos conjectures ou ce que nous croyons ou ce que nous prétendons croire, ce sur quoi se basent ces discussions, c’est le rapport de la commission d’experts. Et ce rapport contient tous les faits que tous ceux d’entre nous, ici présents, ont relatés cet après-midi, à quelques exceptions près, bien sûr, que je respecte également.
La commission d’experts déclare que les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs que protège la convention sont totalement dénués de sens si ne sont pas respectées les libertés fondamentales, toutes les libertés. Nous ne parlons pas de l’enregistrement des syndicats, mais des libertés fondamentales, dont le droit à la liberté syndicale, le droit à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires et le droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial. C’est très important et c’est de cela que nous parlons aujourd’hui, sur la base du rapport de la commission d’experts et non sur des spéculations.
Il me semble donc qu’il est important de préciser à cet égard que nous avons essayé de faire comprendre au gouvernement que notre intention au cours de ces deux années, soit une discussion entre ceux qui pensent une chose et ceux qui en pensent une autre, ne se résume pas à cela. J’ai le sentiment que nous tous, ici présents, partageons des principes et des valeurs: c’est pourquoi nous sommes ici, c’est pourquoi nous sommes liés par les conventions que nous avons volontairement ratifiées, et ces conventions confèrent certains droits et créent certaines limites et obligations pour les gouvernements.
C’est pourquoi je regrette vivement que, malgré l’invitation constructive que nous avons faite aujourd’hui dans notre première intervention, nous constations cette même résistance et ce rejet de toute formule permettant de résoudre les problèmes posés par le gouvernement en dépit du fait que, quoi qu’en pense le gouvernement, l’on constate, à la lecture du rapport de la commission d’experts, que la situation est très grave et que nous devons y faire face.
Dans ces conditions, nous voulons que les conclusions adoptées en 2023 soient réitérées avec beaucoup plus de force, beaucoup plus de vigueur, et nous voulons proposer, et nous demandons aux travailleurs de se joindre à cette demande, et si ce n’est pas le cas, que nous en discutions dans les conclusions, nous avons besoin d’une mission tripartite de haut niveau. C’est la seule façon de cerner le problème, d’en considérer tous les aspects. Il ne faut pas le voir comme une sanction, mais comme un mécanisme pour comprendre les raisons pour lesquelles certains aspects des conventions ne sont pas respectés et comme le moyen d’y apporter une solution le cas échéant. S’il est établi sur le terrain que de tels cas n’existent pas, la mission tripartite de haut niveau en tiendra certainement compte et le signalera, sinon elle offrira une solution aux problèmes par le biais de l’assistance technique.
D’autre part, et compte tenu de la gravité du cas, nous demandons également qu’un paragraphe spécial soit établi. Il est très important que ces deux éléments figurent dans les conclusions. J’ai entendu que la majorité de cette assemblée est d’accord pour dire que la solution à ce problème ne peut attendre plus longtemps, et nous pensons qu’il est essentiel d’agir immédiatement et de manière décisive, sinon nous courons le risque de retrouver en 2025 une situation identique, voire pire.
Je pense qu’il est essentiel que nous abordions cette question, non seulement en priant le gouvernement, en l’invitant, en attendant de lui qu’il traite tous les aspects mentionnés dans les conclusions de 2023, mais que nous puissions réellement établir cette mission tripartite de haut niveau et que nous ajoutions un paragraphe spécial. J’espère qu’en 2025 nous n’aurons que de bonnes nouvelles et que le gouvernement sera prêt à coopérer afin que nous puissions, une fois pour toutes, comprendre le problème, le traiter et le résoudre, lui apporter une solution. Comme je l’ai dit auparavant, les problèmes qui ne sont pas reconnus ne peuvent pas être réglés.
Nous formulons donc cette position du côté des employeurs et nous vous demandons de prendre bonne note de nos demandes dans les conclusions.
Membres travailleurs – Nous prenons note des informations et des réponses fournies par le gouvernement. Nous remercions également tous les autres orateurs pour leurs précieuses interventions.
Nous voudrions rappeler que la convention couvre à la fois les employeurs et les travailleurs et que ce principe doit être respecté.
Notre groupe souligne, une fois de plus, l’importance de continuer à promouvoir le dialogue social tripartite au niveau national et encourage le gouvernement à prendre des mesures pour faciliter le dialogue social, avec l’aide du BIT.
Nous invitons le gouvernement à poursuivre la mise en œuvre d’initiatives et d’activités visant à garantir le libre exercice du droit syndical. À cet égard, nous demandons également au gouvernement de mettre fin à tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation et intimidation - liés à l’exercice des activités légitimes des partenaires sociaux.
Nous prions également instamment le gouvernement de modifier les articles 389 et 390 du Code du travail de manière à ce que l’arbitrage obligatoire ne se justifie que si la grève est susceptible d’être limitée, voire interdite, c’est-à-dire dans les cas de conflit dans la fonction publique en ce qui concerne les fonctionnaires qui exercent une autorité au nom de l’État, dans les services essentiels au sens strict du terme, ou encore dans le contexte d’une crise nationale aiguë, et nous invitons le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT.
Les membres travailleurs encouragent le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des recommandations de la commission et l’invitent à recourir à l’assistance technique du BIT.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi. 
La commission a profondément déploré la persistance d’un climat d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des organisations d’employeurs et de travailleurs indépendantes.
La commission a noté avec une profonde préoccupation les allégations concernant l’arrestation et la détention de dirigeants employeurs depuis l’année dernière et la nouvelle dégradation de la situation.
La commission a également noté avec une profonde préoccupation l’absence de tout progrès et de toute coopération de la part du gouvernement depuis la discussion de l’année dernière.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a prié instamment le gouvernement, dans les termes les plus forts, de:
  • garantir que les travailleurs et les employeurs puissent constituer des organisations de leur choix et fonctionner sans ingérence, et veiller à cet égard à ce que le Conseil supérieur de l’entreprise privée (COSEP) puisse à nouveau fonctionner sans autorisation préalable, conformément à l’article 2 de la convention;
  • cesser immédiatement tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation, intimidation – ou toute autre forme d’agression à l’encontre d’individus ou d’organisations, en raison d’activités légitimes exercées par des syndicats et des organisations d’employeurs, et prendre des mesures pour garantir que ces actes ne se reproduisent pas;
  • veiller à ce que les représentants des organisations d’employeurs qui ont été déchus de la nationalité nicaraguayenne la récupèrent dans les plus brefs délais;
  • prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un climat exempt de peur et d’intimidation dans le cadre de l’exercice des droits liés à la liberté syndicale;
  • libérer immédiatement tout employeur ou tout syndicaliste qui pourrait être emprisonné pour avoir exercé les activités légitimes de son organisation, et fournir des informations sur toutes les mesures prises pour garantir le respect de cette demande;
  • rétablir sans autre délai le dialogue social avec ses partenaires sociaux indépendants, y compris en créant une instance de dialogue tripartite sous les auspices du BIT, comme l’a recommandé la Commission de la Conférence en 2022 et 2023;
  • fournir des informations sur toutes les mesures adoptées pour garantir le respect de chacune des recommandations formulées par la Commission de la Conférence et sur tout progrès réalisé dans l’application de ces mesures.
La commission a prié instamment le gouvernement de respecter intégralement les conclusions de la commission sur cette question et de se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour s’y conformer pleinement.
Représentante gouvernementale – L’État du Nicaragua regrette profondément le contenu des conclusions de la commission. Nous les regrettons parce que nous les considérons comme totalement excessives et constituant une ingérence manifeste dans les décisions internes et souveraines de notre pays.
À cet effet, nous exprimons ce qui suit: partant du droit et de l’engagement que nous avons envers notre peuple, notre pays et notre gouvernement affirment que ces conclusions sont totalement étrangères aux travaux de cette honorable organisation et de cette honorable commission.
Tenant compte du contenu et de l’esprit de la convention, qui constituent l’objet de notre discussion, le Nicaragua s’est conformé à la convention et a démontré, documenté et rendu compte à travers les rapports transmis à l’Organisation, des progrès et du travail réalisé pour garantir la liberté syndicale au Nicaragua.
C’est pourquoi nous disons très respectueusement, une fois de plus, que le Nicaragua, son peuple travailleur et son gouvernement, rejettent totalement le contenu de ces conclusions parce que nous considérons qu’elles constituent une attaque à la paix, la souveraineté et l’autodétermination de notre peuple.
Nous affirmons également que notre peuple, notre gouvernement, les travailleurs et les travailleuses et les employeurs du Nicaragua, sommes disposés à continuer à garantir un dialogue de qualité, un dialogue profond qui s’inscrit dans les droits strictement professionnels des travailleurs et des travailleuses. C’est pourquoi nous vous disons que le dialogue continue, tant que ce dialogue n’est pas détourné et ne dévie pas de notre intention, tant que ce dialogue n’interfère pas dans les affaires intérieures du Nicaragua, le cadre législatif et l’application de nos lois, et qu’il ne menace pas la paix et la souveraineté nationale.
Voilà ce que nous avons à dire aujourd’hui. Dire et demander à l’OIT, avec tout le respect qui lui est dû, que nous travaillions pour garantir et valoriser les résultats et les progrès que le Nicaragua a réalisés afin de restaurer les droits en matière de liberté syndicale. Et comme nous l’avons déjà dit, nous apprécions à leur juste valeur ces résultats parce que nous savons que nous avons travaillé pour assurer la stabilité de l’emploi d’un peuple travailleur et pour assurer la confiance des employeurs afin que nous puissions continuer à développer le pays et à générer des sources d’emploi qui apportent le développement aux familles nicaraguayennes. Nous donnons de la valeur à ces résultats car nous sommes sûrs qu’ils sont bel et bien là, mais ils ont été mis de côté laissant la place à des préjugés politiques.
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