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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2024, Publication : 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cambodge (Ratification: 1999)

Autre commentaire sur C087

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Informations écrites communiquées par le gouvernement

Obstacles à l’enregistrement des syndicats

  • La loi sur les syndicats a été modifiée en 2020 après une série de processus consultatifs tripartites complets avec les syndicats et les associations d’employeurs, grâce à l’appui technique du BIT. Cet amendement visait notamment la simplification des procédures d’enregistrement des syndicats ou des associations d’employeurs.
  • Avant l’adoption de la loi sur les syndicats en 2016, seules 3 626 organisations professionnelles étaient enregistrées auprès du ministère. En 2017, soit un an après l’adoption de la loi sur les syndicats, ce nombre était passé à 4 307, soit une augmentation de 18,78 pour cent. Ensuite, après l’amendement de la loi sur les syndicats de 2020, 5 484 organisations professionnelles étaient enregistrées, soit une augmentation de 27,33 pour cent. En mars 2024, leur nombre a atteint 6 317, ce qui correspond à une augmentation de 74,21 pour cent par rapport au nombre d’organisations professionnelles avant 2016. En ce qui concerne la liberté syndicale au Cambodge, les statistiques parlent d’elles-mêmes et les inquiétudes d’un ou deux syndicats qui s’opposent au changement ne sont pas justifiées.
  • Une fois de plus, le Cambodge souhaiterait réitérer sa demande de collaboration et de soutien techniques de la part du BIT, afin d’organiser la formation des confédérations et des fédérations syndicales concernant le processus d’enregistrement de sorte qu’elles puissent, à leur tour, dispenser la formation à leurs membres. Dans l’intervalle, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a mis sur pied trois équipes de travail de 7 h à 22 h 30, a mobilisé des fonctionnaires pendant le week-end et a mis en place une ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ainsi que des canaux Telegram pour que les travailleurs et les employeurs puissent s’adresser à lui en cas de doute ou d’inquiétude sur des conflits du travail et sur l’enregistrement de syndicats.

Qualification erronée des conflits collectifs du travail et Conseil d’arbitrage

  • Les conflits individuels et les conflits collectifs du travail sont très clairement définis dans la loi sur le travail. Leur définition n’est pas subjective.
  • En cas de conflit du travail, il convient de se concentrer sur la manière de le régler pacifiquement et rapidement, de manière transparente et avantageuse pour tous, pour rétablir la paix sociale au niveau de l’entreprise, plutôt que de déterminer qui doit le régler.
  • Le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a renforcé son mécanisme de résolution de conflit, ce qui a abouti à une augmentation du nombre de conflits réglés par le ministère.
  • Ciaprès les statistiques relatives aux conflits du travail réglés par le ministère:
1 Règlement de conflits du travail
Conflits individuels du travail 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Jusqu’en avril 2024
Nombre de cas Cas 417 571 552 695 681 818 378
Conciliation Cas 197 287 329 453 389 670 309
Sans conciliation Cas 163 254 182 182 227 120 42
Rejet Cas 57 30 41 60 65 28 27
Conflits collectifs du travail 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Jusqu’en avril 2024
Nombre de cas Cas 163 257 247 154 225 187 82
Conciliation Cas 99 128 156 100 153 159 73
Sans conciliation Cas 61 123 86 48 68 28 8
Rejet Cas 3 6 5 6 4 1
2 Conseil d’arbitrage
2018 2019 2020 2021 2022 2023 Jusqu’en avril 2024
Nombre de cas renvoyés au Conseil d’arbitrage Cas 53 121 66 43 53 22 5
Prononciation de la sentence arbitrale Cas 41 83 53 35 41 16 2
Règlement par le biais d’accords Cas 12 38 13 8 12 6 1
  • Il est essentiel de souligner que la diminution du nombre de conflits renvoyés au Conseil d’arbitrage n’entraîne pas de remise en question du rôle de cet organe quasi judiciaire. Au contraire, la loi sur le travail a été modifiée en 2021 en vue d’élargir ses compétences aux conflits individuels. Le Conseil d’arbitrage sera en mesure de traiter les conflits individuels d’ici la fin 2024 ou le début 2025. Dès lors, il n’y aura plus d’inquiétude quant à la qualification erronée des conflits collectifs du travail.
  • Le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a assisté à plusieurs réunions avec la Fondation du Conseil d’arbitrage et d’autres parties prenantes concernant la mise à disposition de nouveaux bureaux, le renforcement des capacités des arbitres et la contribution au fonctionnement de l’institution.
  • En mars 2024, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a tenu une réunion avec le Conseil d’arbitrage et la Fondation du Conseil d’arbitrage afin de discuter de leur pérennité. Ils sont convenus que le Conseil d’arbitrage et la Fondation du Conseil d’arbitrage deviendraient tous deux des institutions publiques. Le gouvernement royal s’est félicité de cette avancée.

Violences policières, arrestations et emprisonnements de représentants syndicaux

  • Si des représentants syndicaux subissent une éventuelle violence, ceux-ci sont encouragés à porter plainte auprès des autorités compétentes et du ministère du Travail et de la Formation professionnelle. Toutefois, les syndicalistes sont également des citoyens et sont donc aussi responsables de leurs actes devant la loi. En tout état de cause, l’appartenance à un syndicat ne peut être interprétée comme un bouclier permettant d’enfreindre la loi.
  • En 2020, le ministère, en collaboration avec le Haut-Commissariat des droits de l’homme et l’Académie royale de police du Cambodge, et avec le soutien de l’OIT, a organisé une formation des formateurs sur le droit de grève et de manifestation pacifique à l’intention de 120 officiers de police de différentes unités de la police nationale. À la suite de cette formation, les formateurs ont formé à leur tour 550 officiers de police de leurs unités respectives. En outre, une série d’exercices a été organisée avec 161 participants.
  • Le ministère du Travail et de la Formation professionnelle réitère sa demande d’assistance technique du BIT afin d’élaborer des lignes directrices à l’intention des officiers de police sur la manière de gérer les grèves et les manifestations pacifiques.

Poursuite de dirigeants syndicaux pour avoir participé à des grèves pacifiques

  • Au Cambodge, aucun syndicaliste n’a jamais été arrêté ou poursuivi pour avoir participé ou organisé une grève pacifique. En revanche, mener des grèves violentes en détruisant des biens publics ou privés, bloquer les portes des usines pour empêcher d’autres travailleurs d’entrer sur leur lieu de travail, bloquer les routes publiques et violer les mesures sanitaires pendant la pandémie de COVID19 ne constituent pas une grève pacifique. Il s’agit d’une infraction pénale au regard du droit pénal parce qu’elle viole les droits d’autrui, en particulier le droit à la vie. À cet égard, la convention n’accorde aucun privilège spécial d’impunité aux syndicalistes pour de telles actions. L’action en justice est conforme à la décision du Comité de la liberté syndicale de l’OIT, qui prévoit que «[d]es sanctions pénales ne devraient être imposées que si, dans le cadre d’une grève, des actes de violence contre les personnes et les biens ou d’autres graves violations du droit pénal ordinaire sont commis, et cela sur la base des lois et règlements qui sanctionnent de tels actes.»

Progrès dans la mise en œuvre des recommandations de la mission de contacts directs de 2022

  • Le présent rapport présente les progrès dans la mise en œuvre des recommandations portant sur les poursuites pénales engagées contre des syndicalistes ayant participé aux manifestations de 2014, sur l’enregistrement des syndicats, sur le Conseil d’arbitrage, sur la pénalisation et la politisation de l’activité syndicale, telles que formulées dans le rapport de la mission de contacts directs de 2022.
  • S’agissant de la recommandation relative à la convention collective, les procédures permettant aux syndicats d’obtenir le statut d’organisation la plus représentative pour pouvoir signer la convention collective ont été simplifiées par la modification de l’article 55 de la loi sur les syndicats. À la suite de l’amendement de cet article, le nombre de syndicats au statut le plus représentatif a augmenté au fil du temps, passant de 525 en 2019 à 624 en mars 2024.

Meurtre de syndicalistes

  • Nous comprenons les inquiétudes de toutes les parties prenantes sur le besoin de conclure les enquêtes en cours et de traduire en justice les auteurs et les instigateurs de ces crimes. Toutefois, nous prions instamment toutes les parties prenantes de comprendre que ce dossier présente de grandes difficultés pratiques, en particulier du fait que la famille de la victime et les témoins ne collaborent pas au réexamen de l’affaire.
  • Néanmoins, la Commission nationale chargée d’examiner la mise en œuvre des conventions internationales du travail ratifiée par le Cambodge (NCRILC), qui est un mécanisme tripartite chargé de répondre à toutes les préoccupations et demandes liées à la mise en œuvre des conventions internationales du travail ratifiées par le Cambodge, notamment les cas no 2318 et no 3424, a récemment fait l’objet d’une modification en vertu d’une décision du 2 janvier 2024 adoptée par le nouveau gouvernement. La première réunion de cette commission est prévue pour le 28 mai 2024.

Procédures pénales à l’encontre de syndicats pour des incidents survenuslors des manifestations de janvier 2024

  • S’agissant des violences qui se sont produites début 2024 dans la rue Veng Sreng, nous tenons à souligner à nouveau qu’il ne s’agissait pas d’une action de grève, mais d’une émeute.
  • Les charges retenues contre les six dirigeants syndicaux impliqués dans cette émeute ont été abandonnées par la Cour d’appel. Par conséquent, cette affaire a été classée.
  • En ce qui concerne les autres dossiers, le 27 avril 2022, la Confédération cambodgienne du travail a envoyé une lettre au ministère du Travail et de la Formation professionnelle afin de lui communiquer les informations relatives à huit procédures judiciaires en cours. Toutefois, d’après le rapport du ministère de la Justice, aucune d’entre elles n’était liée à l’exercice d’activités syndicales légitimes.
  • Depuis le début 2024, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a tenu quatre réunions avec la Confédération cambodgienne du travail afin de réexaminer toutes les procédures judiciaires et extrajudiciaires en cours, à la demande de la Confédération. Pour accélérer le processus, il a été décidé que la réunion se tiendrait une fois par semaine, de manière consécutive.

Droits à la liberté syndicale des fonctionnaires et des travailleurs domestiques

  • Au Cambodge, l’exercice de la liberté syndicale est régi par la loi sur les syndicats mais aussi par la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales. Dès lors, les travailleurs domestiques et les enseignants des écoles privées peuvent exercer leur liberté syndicale conformément à la loi sur les syndicats, alors que les enseignants des écoles publiques sont libres de constituer des associations conformément à la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales. La différence de cadre juridique régissant la liberté syndicale s’explique par le système administratif et la séparation des pouvoirs des institutions publiques chargées de l’enregistrement des organisations professionnelles.

Audits financiers et maintien de l’enregistrement

  • Sur ce point, nous souhaiterions préciser que l’article 17 de la loi sur les syndicats a déjà été amendé afin de supprimer l’obligation pour les syndicats de soumettre leurs rapports financiers au ministère du Travail et de la Formation professionnelle. Le rapport est uniquement destiné à leurs membres et donateurs. Les donateurs ou les membres des syndicats peuvent demander un audit de ce rapport financier. Cette exigence ne revêt pas un caractère inhabituel, car les syndicats sont normalement tenus par leurs donateurs de présenter un rapport financier audité. Elle n’est pas non plus en contradiction avec la décision du Comité de la liberté syndicale.

Droit d’élire librement des représentants

  • En ce qui concerne l’obligation de savoir lire et écrire le khmer pour les travailleurs étrangers souhaitant devenir dirigeants syndicaux, nous souhaiterions informer la commission que les modifications apportées aux articles 20 et 21 de la loi sur les syndicats ont été le résultat de consultations et d’accords tripartites visant à tenir compte des préoccupations des syndicats. Cette obligation est conforme à la décision du Comité de la liberté syndicale qui prévoit que «[l]’obligation d’alphabétisation pour les travailleurs étrangers qui souhaitent devenir dirigeants syndicaux et responsables administratifs n’est pas contraire à la convention no 87. Il y a inégalité uniquement si la réglementation exige qu’au moins 60 pour cent des syndicalistes sachent lire et écrire avant de pouvoir former un syndicat.»

Dissolution de syndicats

  • Concernant la dissolution de syndicats, à l’inverse d’autres pays, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle ne dispose pas du pouvoir de dissoudre un syndicat.
  • D’autre part, en vertu de la modification de la loi sur les syndicats, les syndicats locaux ne peuvent être dissous que lorsque l’employeur s’est acquitté de ses obligations à l’égard des travailleurs. Manifestement, cette modification vise à protéger les intérêts des travailleurs et des syndicats en cas de fermeture d’une entreprise. Les syndicats ont également salué cet amendement. De plus, dès lors que l’entreprise est fermée, il ne reste plus de travailleurs que le syndicat puisse représenter. Il n’est donc pas possible de maintenir ce syndicat lorsque l’entreprise est définitivement fermée.
Pour résumer, le Cambodge s’engage fermement à favoriser un environnement propice au maintien et à la sauvegarde de la liberté syndicale. Dans le but de promouvoir des relations industrielles harmonieuses, des réunions trimestrielles entre toutes les fédérations et confédérations syndicales et le ministère du Travail et de la Formation professionnelle ont été programmées. Deux réunions se sont déjà tenues depuis la fin de 2023.
Compte tenu des progrès et de l’engagement dont il a fait preuve, le Cambodge demande respectueusement à la commission d’envisager de retirer le cas individuel du Cambodge concernant la convention no 87 de la liste des 24 cas individuels.

Discussion par la commission

Président J’invite le représentant du gouvernement du Cambodge, le Secrétaire d’État à prendre la parole.
Représentant gouvernemental – Avant toute chose, je tiens à féliciter chaleureusement M. le Président pour sa nomination. Je souhaiterais formuler les observations suivantes pour répondre aux préoccupations de la commission concernant l’application de la convention et pour fournir des informations actualisées sur les progrès que nous avons réalisés dans la mise en œuvre des recommandations de la mission de contacts directs de 2022.
En ce qui concerne le cas nº 2318, en instance depuis longtemps, les autorités ont mené l’enquête et arrêté les suspects immédiatement après les incidents, et tous les cas ont également fait l’objet d’une procédure judiciaire en bonne et due forme.
Le Cambodge est un pays où l’impunité n’a pas sa place et où toute tentative visant à la promouvoir sera vivement découragée. C’est pourquoi le gouvernement a accueilli sans enthousiasme trois missions de contacts directs de l’OIT en 2008, 2017 et 2022, respectivement, pour enquêter sur le cas nº 2318. Au cours de ces missions, les délégués ont bénéficié d’un soutien total dans la rencontre des différentes parties prenantes, notamment les mandants tripartites de l’OIT, les familles des victimes et les organisations de la société civile.
D’autre part, en réponse aux recommandations de la deuxième mission de contacts directs en 2017, le gouvernement a décidé de mettre en place la Commission nationale chargée d’examiner la mise en œuvre des conventions internationales du travail ratifiées par le Cambodge (NCRILC) en 2018, qui est un mécanisme national tripartite remplaçant le Comité interministériel pour l’enquête spéciale sur le cas nº 2318.
Après avoir revu sa composition en février 2024, la NCRILC s’est réunie le 28 mai 2024, le mois dernier, et est parvenue aux résultats suivants.
Concernant le cas du meurtre de M. Chea Vichea, la police nationale a réaffirmé son engagement à renforcer sa coopération avec les parties concernées, y compris la famille de la victime, afin d’achever sans tarder la nouvelle enquête et de clore cette affaire, bien qu’elle se heurte à de nombreux obstacles.
Concernant le cas de M. Hy Vuthy, la police nationale demandera l’aide de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) pour rechercher l’auteur du crime, qui est toujours en liberté, afin de le traduire en justice.
Concernant le cas de M. Ros Sovannareth, étant donné que l’auteur, M. Thach Saveth, a été condamné et purge actuellement sa peine en prison, ma délégation souhaite réitérer sa demande à la commission de le retirer du cas nº 2318.
Au sujet de l’incident survenu début 2014, nous restons convaincus que cette protestation ne pouvait être appelée «grève» au sens de l’OIT. Elle a en fait été qualifiée d’émeute. D’autre part, selon notre rapport précédent à la commission d’experts, les poursuites à l’encontre de six dirigeants syndicaux ayant participé à la manifestation ont été abandonnées par la Cour d’appel. Par conséquent, ce cas est complètement classé. En ce qui concerne les autres cas, la Confédération cambodgienne du travail (CLC) a fourni des informations sur huit procédures judiciaires en cours dans une lettre datée du 27 avril 2022, envoyée au ministère du Travail et de la Formation professionnelle. Toutefois, après examen approfondi par le ministère de la Justice, il a été confirmé qu’aucun de ces cas n’était lié à des activités syndicales. Néanmoins, depuis le début 2024, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle, que je représente, a participé à quatre réunions productives avec le président de la CLC afin de réévaluer toutes les procédures judiciaires et extrajudiciaires en cours, à la demande de la confédération. Pour accélérer le processus, il a été convenu que nos réunions se tiendraient une fois par semaine.
S’agissant du droit de grève, nous souhaiterions souligner que le gouvernement s’engage à protéger les droits des syndicats qui participent à une action collective légale, conformément à la législation. En outre, la différence entre une action collective légale et une action criminelle est clairement définie, et cette appréciation est à la discrétion du tribunal. À l’exception de ceux qui ont commis un acte criminel, au Cambodge, aucun syndicaliste n’a jamais été arrêté ou poursuivi pour avoir agi dans le respect de la loi. À cet égard, nous souhaiterions rappeler que la convention n’accorde aucun privilège spécial d’impunité aux syndicalistes qui commettent des actions illégales et j’insiste sur leur caractère illégal. La décision du Comité de la liberté syndicale de l’OIT, qui stipule que «[d]es sanctions pénales ne devraient être imposées que si, dans le cadre d’une grève, des actes de violence contre les personnes et les biens ou d’autres graves violations du droit pénal ordinaire sont commis, et cela sur la base des lois et règlements qui sanctionnent de tels actes», le confirme.
Concernant les questions législatives, ma délégation souhaiterait rappeler que plusieurs législations nationales sont en place pour garantir que chacun, y compris les enseignants du secteur public, les fonctionnaires et les travailleurs domestiques, puisse bénéficier de la liberté syndicale. Ces législations sont la Constitution, la loi sur le travail, la loi sur les syndicats, la loi portant statut commun de la fonction publique, la loi sur l’éducation et la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales (LANGO). À moins qu’une disposition expresse de la convention ne prévoie le contraire, nous ne sommes pas convaincus que la liberté syndicale doive être exercée dans le cadre d’une seule et même loi. Nous considérons la loi comme un moyen et non comme un objectif. C’est pourquoi le Cambodge offre divers moyens aux travailleurs, aux enseignants du secteur public et aux fonctionnaires, pour mettre en œuvre leur liberté syndicale. On estime qu’en décembre 2023, il y avait 2 747 associations et 3 532 organisations non gouvernementales (ONG), soit un total de 6 279 associations et ONG locales en activité au Cambodge. Bien que les enseignants du secteur public et les travailleurs domestiques ne puissent pas former de syndicats au sens de la loi sur les syndicats, ils sont libres de constituer d’autres associations au titre d’autres législations. L’Association indépendante des enseignants cambodgiens (CITA) en est la preuve.
Concernant l’enregistrement des syndicats, la modification de la loi sur les syndicats en 2022, qui a fait suite à une série de processus consultatifs tripartites complets avec les syndicats et les associations d’employeurs, avec le soutien technique du BIT, visait à prendre en compte de nombreuses préoccupations des syndicats, notamment la simplification des procédures d’enregistrement des organisations professionnelles en permettant aux syndicats de s’enregistrer au niveau départemental, la formation professionnelle, le raccourcissement de la période d’enregistrement de 60 à 30 jours, la suppression de l’exigence de soumettre un rapport financier audité et une procédure de dissolution des syndicats appropriée. Aucune demande d’enregistrement n’a jamais été refusée si les critères administratifs étaient respectés. Notre loi sur le travail et celle sur les syndicats permettent aux travailleurs de constituer autant de syndicats qu’ils le souhaitent dans une entreprise. Actuellement, une entreprise compte en moyenne quatre à cinq syndicats. C’est bien sûr inédit.
De toute évidence, le nombre d’enregistrements d’organisations professionnelles continue d’augmenter, même après l’adoption de la loi sur les syndicats en 2016 et de ses modifications en 2020. En mars 2024, leur nombre atteignait 6 317, ce qui correspond à une augmentation de 74,21 pour cent par rapport au nombre d’organisations professionnelles enregistrées avant l’adoption de la loi en 2016. L’importante augmentation du nombre d’organisations professionnelles qui a suivi l’adoption et la modification de la loi sur les syndicats témoigne incontestablement qu’il est possible pour les travailleurs et les employeurs de constituer librement leurs organisations professionnelles. La procédure d’enregistrement ne pose donc pas problème. Dès lors, la préoccupation de quelques syndicats qui refusent de se conformer à la loi est injustifiée.
Concernant le Conseil d’arbitrage, sur recommandation de la mission de contacts directs, nous souhaiterions informer la commission que le gouvernement s’est engagé à renforcer les mécanismes de règlement de conflits du travail en modifiant la loi sur le travail de décembre 2021 en vue d’élargir les compétences du Conseil d’arbitrage afin qu’il puisse également examiner les conflits individuels en plus des conflits collectifs du travail. À la suite de cette modification, une série d’ateliers consultatifs tripartites ont été organisés afin d’examiner le fonctionnement actuel du Conseil d’arbitrage et sa capacité à traiter les différents conflits. En outre, le gouvernement s’est fermement engagé à soutenir l’institutionnalisation du Conseil d’arbitrage en tant qu’organe judiciaire bénéficiant de confiance, transparent et financièrement viable pour le règlement des conflits du travail au Cambodge.
D’autre part, nous souhaiterions indiquer qu’au titre de la loi sur le travail, telle que modifiée en dernier lieu, les inspecteurs du travail seront qualifiés d’officiers de police judiciaire afin de garantir l’application de la loi sur le travail, y compris la sentence arbitrale contraignante.
Bien qu’elle prenne toutes ces préoccupations au sérieux, ma délégation souhaite attirer votre attention sur le fait que ce qui s’est passé au cours des 20 dernières années ne reflète pas la situation actuelle de la liberté syndicale au Cambodge. Il est insensé de regarder le passé alors que nous vivons dans le présent. Alors, regardez le présent et vous verrez comme nous les preuves de nombreux progrès positifs au Cambodge, tant en termes de protection que de promotion des droits des syndicats. Le mouvement syndical est désormais parvenu à une certaine maturité et nous avons adopté des approches de dialogue dans notre communication. À cet égard, de nombreux mécanismes bipartites et tripartites ont été mis en place. Par exemple, le Comité consultatif du Travail, le Comité consultatif du projet de l’OIT Better Factories Cambodia, le Conseil national du salaire minimum, etc.
Plus important encore, dans le cadre de cette septième législature de l’Assemblée nationale, le gouvernement s’engage à poursuivre et à renforcer plus encore le dialogue social. C’est pourquoi le ministère a fait de l’organisation de réunions trimestrielles avec l’ensemble des fédérations et confédérations syndicales une priorité de notre Plan de développement stratégique 2024-2028, qui permet de discuter des défis qu’elles rencontrent. Parallèlement, le Premier ministre continuera à organiser des réunions publiques avec les travailleurs, les superviseurs et les responsables administratifs du secteur de l’habillement, du textile, des chaussures, des articles de voyage et des sacs, qui constitue le secteur à plus forte intensité de maind’œuvre, afin de renforcer les relations avec eux, de sorte que le gouvernement puisse répondre à leurs besoins en temps utile. À cet égard, nous aimerions signaler à la commission que, lors de la sixième législature de l’Assemblée nationale, notre ancien Premier ministre a tenu plusieurs réunions avec des travailleurs, près d’un million de travailleurs, et après la formation du nouveau gouvernement, le nouveau Premier ministre a poursuivi sur cette lancée, et est allé à la rencontre des travailleurs à dix reprises de septembre à décembre 2023, soit plus de 170 000 travailleurs. Au cours de ces réunions, le Premier ministre a formulé de nombreuses recommandations au ministère afin d’améliorer les conditions de vie des travailleurs et les conditions de travail, et de promouvoir des relations professionnelles pacifiques, notamment par le biais de la campagne gouvernementale «Une entreprise, une communauté pacifique».
En outre, pour répondre à la demande de clarification et de soutien concernant la réglementation du travail, le ministère a étendu ses heures d’ouverture de 7 heures à 22 h 30 en semaine et a mis sur pied des services de permanence le weekend et les jours fériés, afin de continuer à fournir des services à nos travailleurs même pendant le weekend et les jours fériés. Nous avons également mis en place une ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ainsi que des canaux Telegram dédiés, afin d’aider les travailleurs, les employeurs et les syndicalistes en cas de questions, de préoccupations ou de conflits du travail.
Pour conclure, je tiens à rassurer la commission sur le fait que le Cambodge reste déterminé à promouvoir, à protéger et à respecter toutes les obligations énoncées dans les instruments pertinents auxquels il est partie. À cet égard, la collaboration et le soutien de toutes les parties prenantes, y compris l’OIT, sont indispensables.
Membres employeurs – Merci au gouvernement pour ces remarques dont nous avons soigneusement pris note. Le Cambodge a ratifié cette convention, une des conventions fondamentales, en 1999. Son cas a été discuté par la commission à huit reprises dans le passé. Je ne vais pas passer en revue la liste des années, mais la plus récente était 2021. Il a fait l’objet de nombreuses observations de la commission d’experts, 16 en tout, et a donné lieu à trois missions de contacts directs, dont la plus récente en 2022.
Il s’agit d’un cas de double note de bas de page, qualifié comme tel par la commission d’experts parce qu’il suscite de plus vives préoccupations que les autres cas, mais il est parfois difficile de voir comment, dans les faits, les experts ont forgé leur jugement. Toutefois, dans le cas présent, la commission d’experts a tenu compte de la persistance des problèmes, de l’absence de progrès ou de l’absence de progrès ressentie comme telle dans plusieurs domaines, de nouvelles allégations de violations graves de libertés civiles fondamentales essentielles à l’exercice de la liberté syndicale, avec notamment des arrestations et détentions de syndicalistes et l’absence de rapport du gouvernement pour la Conférence de cette année.
Plusieurs de ces questions sont en rapport avec le droit de grève et nous rappelons que les employeurs sont en désaccord avec le point de vue de la commission d’experts à propos de cette convention pour ce qui est du droit de grève et nous tenons à souligner que ni la convention ni aucune autre convention de l’OIT ne renferme de règles relatives au droit de grève et que le groupe gouvernemental du Conseil d’administration a confirmé dans sa prise de position de mars 2015 que la portée et les conditions d’exercice de ce droit sont réglementées au niveau national.
Intéressonsnous maintenant à certaines questions principales, à savoir celles des meurtres de syndicalistes. Une fois de plus, la commission d’experts a rappelé sa recommandation de longue date pour que soient bouclées les enquêtes sur les meurtres de trois dirigeants syndicaux en 2004 et 2007, et elle a pris note des indications données par le gouvernement suivant lesquelles les instructions sont en cours mais sont compliquées par divers facteurs, dont le manque de coopération de personnes concernées et de témoins. Les employeurs s’associent à la commission d’experts pour prier instamment le gouvernement de conclure les instructions. Cela dit, les employeurs font également remarquer qu’il n’appartient pas à la commission de formuler des conclusions sur des procédures civiles ou pénales qui n’auraient pas un rapport direct et évident avec la liberté syndicale. Ainsi, les enquêtes devraient aussi soulever la question de savoir si ces décès sont directement liés à l’exercice du droit à la liberté syndicale.
S’agissant des incidents survenus pendant les manifestations de janvier 2014, les employeurs ont pris note de l’information donnée par le gouvernement suivant laquelle l’action en question était en réalité une émeute, que les chefs d’accusation retenus contre six des dirigeants syndicaux ont été abandonnés par la cour d’appel, que huit autres cas ne concernaient en rie l’exercice d’activités syndicales légitimes, et que, depuis le début de 2024, le gouvernement a rencontré à quatre reprises la Fédération cambodgienne du travail pour réexaminer tous les cas en suspens et ceux qui n’ont pas donné lieu à des poursuites.
Cependant, beaucoup reste à faire. Les employeurs prient instamment le gouvernement de continuer à fournir des informations sur ces procédures et, en particulier, sur les verdicts qui seraient prononcés, et de mettre tout en œuvre pour s’assurer qu’aucune inculpation pénale ou condamnation ne vienne sanctionner l’exercice d’activités syndicales légitimes.
De manière plus générale, on note depuis longtemps une liste de plaintes pour des violences, de l’intimidation, des arrestations et des emprisonnements de syndicalistes pour le fait d’avoir mené des actions collectives pacifiques. Les employeurs condamnent de telles mesures. Or, pour que la commission s’en saisisse, encore faudrait-il que l’objet des plaintes constitue des violations de la convention et pas des situations relevant de la justice civile ou pénale. À ce propos, nous prenons note des commentaires du gouvernement qui a notamment déclaré qu’aucun syndicaliste n’a jamais été arrêté ou persécuté au Cambodge pour avoir participé à une grève pacifique ou l’avoir organisée, et que les grèves violentes, accompagnées de destructions de biens publics ou privés, de blocages d’accès à des usines visant à empêcher les travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail, de blocages des voies publiques, de non-respect des mesures de santé pendant la pandémie de COVID19, constituent en fait des délits pénaux relevant du droit national. Quoi qu’il en soit, l’absence ou le peu de progrès dans les enquêtes sur la situation des travailleurs arrêtés fait qu’il est difficile à la commission de dégager des conclusions qui aient un sens. C’est pourquoi nous prions instamment le gouvernement d’accélérer les enquêtes et de faire rapport à la prochaine session de la Conférence internationale du Travail.
Sur ce point toujours, la commission d’experts a attiré l’attention sur la nécessité de veiller à ce que l’intervention de la police soit proportionnelle à la gravité de la menace pour l’ordre public. Il faut que les autorités compétentes reçoivent des instructions et une formation adéquates pour éviter un recours excessif à la force pour endiguer des manifestations susceptibles de présenter une menace pour l’ordre public.
Nous notons qu’en réalité une certaine formation a été dispensée. Suivant les informations fournies par le gouvernement à la commission en 2020, le ministère a organisé, avec le soutien du BIT, une formation des formateurs pour 120 policiers de diverses unités de la police nationale et, à l’issue de cette formation, les formateurs ont formé 550 policiers dans leurs unités respectives.
Bien qu’il faille s’en féliciter, une telle initiative ne suffit pas si elle est isolée. Idéalement, cette formation devrait faire partie de la formation générale dispensée aux membres des organes chargés de l’application des lois. C’est pourquoi nous appelons le gouvernement à continuer de fournir des informations sur les efforts qu’il accomplit pour faire en sorte que les membres des organes chargés de l’application des lois reçoivent une formation adéquate et continue. Nous notons aussi que le gouvernement a sollicité l’assistance technique du Bureau pour élaborer des principes directeurs à l’intention des policiers sur la manière de traiter les grèves et les manifestations pacifiques, et nous voulons croire que le BIT répondra à cette demande.
Tournonsnous maintenant vers les questions de législation. S’agissant de l’article 2 de la convention, les employeurs se font l’écho des commentaires de la commission d’experts et de ses demandes pour que le gouvernement prenne, en concertation avec les partenaires sociaux, des mesures visant à garantir les droits constitutionnels des fonctionnaires, dont les enseignants, qui ne sont pas couverts par la loi sur les syndicats. Les employeurs notent que le gouvernement indique que les enseignants du secteur public peuvent exercer leur droit à la liberté syndicale au travers de la LANGO, et ils le prient d’indiquer si et dans quelle mesure les droits inscrits dans la LANGO correspondent à ceux de la loi sur les syndicats.
S’agissant des travailleurs domestiques et des travailleurs de l’économie informelle, les employeurs prient le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures destinées à leur permettre d’exercer effectivement de leurs droits en matière de liberté syndicale. Un des problèmes en l’espèce semble être que la loi sur les syndicats propose des modèles de syndicats d’entreprise qui ne correspondent pas à la situation d’emploi des travailleurs domestiques. Les membres employeurs considèrent que, alors que les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle ont déjà du mal à s’organiser en raison de la nature de leur travail, il ne faudrait pas que le cadre légal constitue un obstacle supplémentaire.
À propos de l’enregistrement des syndicats, en 2021, la commission avait demandé au gouvernement de s’assurer que les travailleurs puissent enregistrer des syndicats. La mission de contacts directs avait recommandé de s’attaquer aussi aux obstacles pratiques à leur formation et leur fonctionnement. Nous constatons que les dernières informations en date communiquées par le gouvernement laissent apparaître une forte augmentation du nombre de syndicats qui est passé de plus de 3 600 en 2016 à 6 300 cette année, soit une progression de plus de 75 pour cent. Cela semble aller à l’encontre de l’opinion défendue par la commission d’experts qui fait état de difficultés à l’enregistrement des organisations syndicales; une telle augmentation suggérerait plutôt qu’il y a très peu de difficultés. Nous proposons donc que la commission d’experts tienne compte de cette information lors de son prochain examen. Entretemps, nous invitons aussi le gouvernement à fournir davantage d’informations pertinentes sur la question.
S’agissant de l’obligation faite aux dirigeants et autres cadres de syndicats de savoir lire et écrire, nous apprenons du gouvernement que cela est le fruit de consultations et accords tripartites devant répondre aux préoccupations des organisations syndicales. Nous nous en remettons aussi à l’avis du Comité de la liberté syndicale qui estime que le fait d’exiger de travailleurs étrangers qu’ils sachent lire et écrire pour devenir dirigeant syndical n’est pas contraire à la convention. Ainsi, une fois encore, nous laissons à la commission d’experts le soin d’examiner ces éléments et de les concilier mais, en ce qui nous concerne, nous tenons à dire que les critères d’alphabétisation ne devraient pas poser problème aux organisations d’employeurs dans la pratique.
Quant à la dissolution des organisations représentatives dans le respect de l’article 3, c’est aux associations de travailleurs et d’employeurs qu’il appartient d’arrêter les règles en la matière, cette question n’ayant pas à être régie par la loi. C’est pourquoi nous nous associons à la requête de la commission d’experts qui demande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour modifier l’article 28 de la loi sur les syndicats et aussi de modifier l’article 29 pour faire en sorte que ce soient les statuts et règlements des employeurs et associations qui définissent les règles de procédure en matière de dissolution.
Enfin, s’agissant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, nous invitons le gouvernement à fournir des informations sur la manière dont il agit pour prendre les mesures réclamées par la mission de contacts directs en 2022. Nous prenons note de la déclaration que vient de faire le gouvernement disant qu’il a pris une série de mesures à cet égard; nous saluons ces mesures et préconisons leur poursuite.
À titre de conclusion, nous rappelons que la mission de contacts directs de 2022 préconisait une simplification de la feuille de route et de son rapport de situation ainsi qu’une consultation totale avec les partenaires sociaux et avec l’assistance du BIT pour identifier les domaines prioritaires pour une action d’urgence sur la base de ces recommandations et, par conséquent, un réexamen régulier de l’adéquation des mesures prises devrait être réalisé avec toutes les parties concernées.
Cela devrait inclure les mesures prises afin d’associer les partenaires sociaux concernés et un ordre de priorités pour les domaines d’action en tenant compte de tous les critères de la mission de contacts directs, avec une définition claire des objectifs à atteindre, des instances responsables et des calendriers.
Membres travailleurs – Nous avons traité l’année dernière le cas du Cambodge sur la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, alors qu’il porte cette année sur la convention no 87. Les violations de la convention no 105 constatées l’année dernière ne sont pas étrangères aux manquements à la convention dont nous allons discuter. Lorsque les principes fondamentaux de la liberté syndicale ne sont pas respectés, c’est l’ensemble des droits et libertés des travailleurs qui se retrouvent menacés. L’examen de ce cas en sera la parfaite illustration.
La commission avait adressé l’année dernière une recommandation invitant le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations formulées au sujet de l’application de la convention à la suite d’une mission de contacts directs organisée en mars-avril 2022. Cette mission de contacts directs avait été recommandée par la commission à l’issue du dernier examen de l’application de la convention par le gouvernement du Cambodge en 2021. L’application de cette convention au Cambodge a fait jusqu’à aujourd’hui l’objet d’un examen par la commission à pas moins de huit reprises depuis 2007. Nous nous joignons à la commission d’experts et regrettons profondément que le gouvernement n’ait pas transmis de rapport. Il est évident que la persistance et la gravité des violations de la convention dans le pays sont source d’une profonde préoccupation pour le groupe des travailleurs. L’environnement au Cambodge est très loin de permettre l’exercice des libertés civiles, et en particulier l’exercice de la liberté syndicale. Il règne au Cambodge un climat antisyndical répandu dans tout le pays et de nombreux obstacles juridiques et pratiques à l’exercice de la liberté syndicale perdurent depuis bien trop longtemps. Parmi les plus graves conséquences de ce climat délétère figurent les meurtres de syndicalistes perpétrés dans le pays. Le rapport fait mention des meurtres des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth en 2004 et Hy Vuthy en 2007. Nous devons regretter qu’aucune enquête complète et indépendante n’ait été menée à ce jour sur ces faits. Quant à la commission nationale d’examen de l’application des conventions internationales du travail, il convient de noter qu’elle ne se réunit qu’une fois par an et ne semble pas encore avoir permis d’engranger des avancées décisives.
Les travailleurs qui mènent des actions collectives au Cambodge sont bien souvent exposés aux violences, aux intimidations, aux arrestations ainsi qu’aux détentions. Le rapport de la commission d’experts fait mention des événements survenus en 2014 à la suite de manifestations pacifiques pour réclamer une hausse des salaires. Les syndicalistes ayant participé à ces événements ont fait l’objet de poursuites pénales. Cette pratique de poursuites pénales a toujours cours actuellement au Cambodge. Alors que de nombreuses recommandations adressées au gouvernement l’invitent à fournir des informations sur les procédures en cours et à lister les syndicalistes faisant l’objet de telles procédures en consultation avec le syndicat concerné, le gouvernement n’a transmis aucune information à cet égard à la commission d’experts. Il existe toujours une discordance entre le listing des procédures judiciaires tenu par les organisations syndicales et celui tenu par le ministère du Travail. Le gouvernement annonce dans ses observations écrites que des réunions hebdomadaires se tiennent depuis le début de l’année 2024 pour réexaminer l’ensemble des procédures judiciaires en cours. Il sera important que le gouvernement transmette des informations à ce sujet à la commission d’experts pour examen. Le rapport fait mention des arrestations de travailleurs survenues dans le cadre d’un conflit social survenu dans la région de Phnom Penh à la suite du licenciement de plus de 1 300 travailleurs et de pratiques de discrimination syndicale. Ces faits ont également fait l’objet d’une saisine du Comité de la liberté syndicale qui a prié instamment le gouvernement de veiller à la libération immédiate et inconditionnelle des syndicalistes concernés. Selon nos informations, la Cour suprême du Cambodge a confirmé les peines de prison prononcées à l’encontre de ces syndicalistes au début du mois de mai de cette année. La récurrence des incidents avec les forces de l’ordre est le signe d’un environnement peu propice à l’exercice des libertés civiles et de la liberté syndicale. Le recours excessif à la force nous fait craindre un manque de formation des forces de l’ordre sur ces questions. Il nous paraît évident, comme l’a recommandé la mission de contacts directs, qu’il est nécessaire de donner des instructions claires pour que l’intervention de la police en cas d’actions collectives soit proportionnée à la menace pour l’ordre public et évite le danger d’une violence excessive.
La législation cambodgienne contient un certain nombre d’éléments incompatibles avec la convention. La législation sur les syndicats ne s’applique pas aux fonctionnaires, dont les enseignants. Elle trouve difficilement à s’appliquer aux travailleurs domestiques et à ceux de l’économie informelle. Le modèle de syndicat d’entreprise promu par la loi sur les syndicats impose des exigences auxquelles ce public peut difficilement satisfaire. Le gouvernement n’avait jusqu’à ce jour apporté aucun élément permettant de saisir dans quelle mesure les droits consacrés par la convention sont garantis pour les fonctionnaires, les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle. Les informations écrites transmises par le gouvernement se bornent à préciser que les enseignants privés et les travailleurs domestiques peuvent se prévaloir de la loi sur les syndicats tandis que les enseignants publics peuvent se prévaloir de la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales. Aucune précision n’est apportée quant aux mesures prises pour surmonter les obstacles évoqués. La question de la procédure d’enregistrement des syndicats pose toujours des difficultés. Bien que le nombre de syndicats enregistrés ait connu une augmentation entre 2016 et 2024, nous constatons toujours des difficultés dans le processus d’enregistrement. Le maintien de l’enregistrement est aussi conditionné par des obligations d’audits financiers particulièrement lourdes qui peuvent constituer des obstacles disproportionnés à l’exercice de la liberté d’association.
La commission d’experts avait indiqué au paragraphe 104 de l’Étude d’ensemble de 2012 que l’exigence de savoir lire et écrire pour devenir dirigeant syndical est incompatible avec la convention. La législation cambodgienne prévoit pourtant que les étrangers doivent savoir lire et écrire le khmer pour devenir dirigeants syndicaux. Le gouvernement n’a fourni aucune information écrite au sujet de l’article 326 de la loi sur le travail aux termes duquel le ministère du Travail et de la Formation professionnelle est habilité à déterminer les modalités d’un service minimum en l’absence d’un accord entre les parties. Des sanctions pour faute grave peuvent aussi être imposées aux travailleurs. Nous regrettons qu’il soit courant de remplacer des travailleurs qui mènent des actions collectives et de prononcer des injonctions pour empêcher une action revendicative, même lorsque les syndicats respectent toutes les procédures. Le rôle du comité chargé de la gestion des conflits collectifs doit être clarifié de sorte qu’il ne restreigne pas le droit légitime des organisations de travailleurs de mener des actions collectives pour défendre les intérêts de leurs membres. Le paragraphe 2 de l’article 28 de la loi sur les syndicats prévoit la dissolution automatique d’un syndicat en cas de fermeture de l’entreprise. L’article 29 de la même loi permet également à toute personne de demander la dissolution du syndicat devant le tribunal. Or il conviendrait de laisser aux statuts et règlements des syndicats le soin de déterminer la procédure de dissolution par leurs membres.
En ce qui concerne le fonctionnement du conseil d’arbitrage, nous regrettons le refus du ministère du Travail et de la Formation professionnelle d’autoriser les syndicats de niveau supérieur à représenter ou à soutenir leurs membres dans les conflits collectifs. La qualification de certains conflits pose également problème puisqu’un certain nombre de conflits qui étaient clairement des conflits collectifs ont été qualifiés de conflits individuels et n’ont par conséquent pas pu être traités par le conseil d’arbitrage.
Membre employeur, Cambodge – Il est regrettable que, alors que nous avons réalisé des progrès significatifs et démontrables, la commission d’experts ait demandé que le Cambodge soit présent cette année. Nous avons noté que le rapport de la commission d’experts de 2024 contient un grand nombre de demandes adressées au gouvernement, y compris à propos de faits qui remontent à deux décennies. En raison de contraintes de temps et d’autres considérations pratiques, nous ne sommes pas en mesure d’aborder chaque point du rapport. Nous préférons faire part de nos points de vue et de nos observations devant une assemblée de haut niveau comme celle-ci, et nous nous concentrerons sur certains des cas soulevés dans le rapport.
Les conditions du milieu de travail et du bienêtre de nos travailleurs ont changé avec le temps. Les employeurs agissent en collaboration avec les fonctionnaires et d’autres parties pour assurer un travail décent, productif et durable à toutes les femmes et hommes au Cambodge. Nous sommes conscients que beaucoup reste à faire pour concrétiser pleinement notre vision et nos objectifs communs. Mais nous sommes honorés que notre action conjointe et les progrès réalisés, dans le sens de l’amélioration et du renforcement du milieu de travail et du bienêtre de nos travailleurs, soient reconnus.
Permettez-moi de ne citer que quelques exemples des résultats obtenus ces dernières années. Le salaire minimum des effectifs des secteurs de l’habillement, de la chaussure et du textile, dont environ 90 pour cent sont des femmes, a été multiplié par 19 depuis 1997, et s’élève aujourd’hui à 204 dollars par mois. Il est fixé chaque année à la suite d’une négociation tripartite. Respectueux des critères établis à l’article 3 de la convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970, le salaire minimum actuel au Cambodge est plus élevé que dans certains pays comparables de la région. Et le salaire net réel des travailleurs en 2024 dépassera 260 dollars américains par mois. Autres exemples: la mise en place d’un cadre et l’élargissement de la couverture de la sécurité sociale nationale qui bénéficiera directement aux travailleurs et à leurs familles (notamment par le biais du régime des accidents du travail, du régime de soins de santé et, plus récemment, du régime de retraite, sans oublier le déploiement des mesures de protection sociale destinées à atténuer l’impact socioéconomique de la pandémie de COVID19) (régime de subventions salariales qui prévoit des allocations de chômage pour les travailleurs dont les activités ont été suspendues pendant la pandémie); l’extension et l’établissement de normes pour assurer le respect de la législation et de la réglementation du travail et des principes relatifs aux droits au travail et aux droits de l’homme, comme l’indique et le souligne le programme de l’OIT «Better Factories Cambodia».
Nous attribuons ces résultats aux employeurs qui ont contribué à mieux faire connaître et comprendre le droit et les normes du travail, ainsi que les bonnes pratiques, et à la capacité accrue du ministère du Travail d’introduire et de faire respecter le droit et les réglementations du travail. Nous, employeurs, nous reconnaissons pleinement les droits des syndicats d’organiser et de représenter leurs membres. Toutefois, nous restons préoccupés par la multiplicité des syndicats, leur manque de représentativité, la fragmentation et les conflits incessants qui ne cessent d’opposer entre eux les syndicats, ce qui perturbe les activités des entreprises et sapent les progrès, durement acquis, des relations professionnelles. Ces problèmes persistent alors que les syndicats continuent de proliférer ces dernières années. Comme l’a indiqué le ministère du Travail, leur nombre s’est accru de plus de 70 pour cent: on en comptait plus de 6 000 en mars de cette année, contre environ 3 600 en 2016, lorsque la loi sur les syndicats a été adoptée.
Concentrons-nous à présent sur certaines questions essentielles soulevées spécifiquement dans le rapport à propos des cas de meurtres de syndicalistes. Nous condamnons l’incitation à la violence ainsi que tout acte de violence à l’encontre de tout individu, en particulier de syndicalistes. Les auteurs de ces crimes doivent être jugés conformément au système judiciaire national du Cambodge. En ce qui concerne le meurtre de M. Chea Vichea, nous constatons que la nouvelle enquête pose de grandes difficultés aux autorités compétentes, cela pour la raison suivante: beaucoup de temps s’est écoulé entre le moment de la perpétration de ce meurtre et le moment où le tribunal a ordonné une nouvelle enquête. En ce qui concerne le meurtre de M. Ros Sovannareth, nous soutenons le gouvernement qui a demandé que ce cas soit examiné à nouveau, étant donné que le tribunal a condamné l’auteur du meurtre, lequel a été incarcéré pour purger sa peine. Nous souhaitons attirer l’attention de la commission sur le fait que les meurtres de MM. Chea Vichea et Ros Sovannareth ont eu lieu en 2004 et celui de M. Hy Vuthy en 2007. Ces cas sont graves. Pour autant, nous demandons à la commission de ne pas se prononcer sur la situation actuelle de la liberté syndicale et des relations professionnelles au Cambodge en se fondant sur des actes qui ont été commis il y a près de vingt ans.
À propos de l’arrestation de dirigeants et de militants syndicaux, nous savons que le Cambodge reconnaît le droit de mener pacifiquement des actions collectives. Cela étant, la législation cambodgienne sanctionne les actes contraires à la loi, par exemple les faits de violence pendant des manifestations ou d’autres actes. Nous invitons le gouvernement à communiquer régulièrement des informations à la commission d’experts sur l’état d’avancement et les progrès des questions essentielles qui sont soulevées dans le rapport, pour que notre commission dispose d’informations récentes, et aussi pour éviter tout malentendu afin que la commission comprenne mieux les réalités nationales et les progrès tangibles accomplis au Cambodge. Malgré ces progrès, les employeurs et les autres partenaires sociaux ne cessent d’être confrontés à des difficultés. Nous estimons que le soutien technique et l’expertise de l’OIT seront utiles aux partenaires sociaux du Cambodge. Nous demandons ici à l’OIT de fournir et d’accroître son soutien technique aux employeurs et aux autres partenaires sociaux du pays de façon à renforcer et à améliorer les relations professionnelles et la viabilité des entreprises au Cambodge. Ce soutien technique devrait viser à faire mieux connaître et comprendre non seulement les droits mais aussi les obligations légales des partenaires sociaux en ce qui concerne la liberté syndicale, la négociation collective et la viabilité des entreprises.
Membre travailleur, Cambodge – En tant que Secrétaire général de la Confédération cambodgienne des syndicats (CCTU), je vais aborder divers points relevés par la commission d’experts, comme les cas de meurtres de syndicalistes, les poursuites pénales de syndicalistes ayant mené une action collective pacifique lors de la manifestation de janvier 2014, l’application de la loi sur les syndicats aux fonctionnaires et enseignants du secteur public, aux travailleurs domestiques et de l’économie informelle, l’enregistrement des syndicats et la mission de contacts directs de l’OIT de 2022.
Concernant les cas de meurtre de syndicalistes, permettezmoi de saluer les engagements pris par le gouvernement, particulièrement après avoir participé, le 28 mai 2024, à la discussion lors de la réunion de la Commission nationale d’examen de l’application des conventions internationales du travail ratifiée par le Cambodge. Nous reconnaissons les efforts du gouvernement et entendons toutes les difficultés, les défis et les complexités de ces cas. Néanmoins, nous partageons le point de vue de la commission d’experts selon lequel il est nécessaire de mener l’enquête et de clore ces cas.
S’agissant de la clarification apportée sur la conclusion de l’affaire contre les six syndicalistes liés aux incidents de janvier 2014, nous avons appris que le gouvernement avait fourni une assistance juridique à ces syndicalistes. Nous souhaitons que ce traitement soit appliqué à tous les cas concernant des syndicalistes.
Au sujet de la protection des droits des syndicalistes à mener des actions collectives pacifiques, ces droits n’étant pas absolus, le gouvernement devrait fournir des orientations claires et définir la nature de l’exercice légal de l’action collective afin d’éviter toute confusion entre l’action collective légitime et l’infraction pénale. Les autorités concernées devraient connaître le rôle qu’elles ont à jouer en cas d’action collective légitime et d’actes criminels afin de garantir que les syndicats puissent mener des actions collectives pacifiques sans crainte de représailles. Même si nous saluons les efforts réalisés par le gouvernement pour former les policiers en matière de droit de grève et de manifestation pacifique depuis 2020, nous le prions instamment d’accélérer l’élaboration de lignes directrices sur la gestion des grèves et des manifestations pacifiques destinées, elles aussi, aux policiers.
Nous remercions également le gouvernement pour le soutien juridique apporté lors des procédures judiciaires en cours impliquant des syndicalistes, bien que ces cas ne concernent pas l’exercice de droits syndicaux, mais plutôt des actes criminels. Nous prions donc instamment le ministère du Travail, les travailleurs et tous ceux qui sont en formation, ainsi que le ministère de la Justice, de poursuivre leurs efforts de collaboration afin d’offrir un soutien juridique dans toutes les affaires encore en cours devant le tribunal et liées à des syndicats. Il est impératif que le gouvernement et les employeurs respectent et protègent les droits des syndicalistes à mener des actions collectives sans risque de violence, d’intimidation, d’arrestation ou d’emprisonnement. Il est essentiel de faire respecter ces droits pour promouvoir un environnement de travail juste et équitable, qui respecte la dignité de tous les travailleurs et qui constitue la pierre angulaire de la promotion de relations professionnelles harmonieuses.
Nous prenons note des progrès réalisés par le gouvernement concernant la mise en œuvre de la loi sur les syndicats. Nous prenons également note de la clarification du gouvernement concernant le fait que les fonctionnaires et les enseignants du secteur public peuvent aussi exercer leurs droits au titre de différentes législations, notamment la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales.
Nous apprécions les modifications apportées à la loi sur les syndicats en 2020, dans le cadre desquelles nous, en tant que membres tripartites, avons participé activement au processus d’évaluation des contributions lors des processus consultatifs tripartites. Nous souhaitons une mise en œuvre plus efficace de cette loi grâce à la multiplication d’ateliers sur l’enregistrement des syndicats. Ceuxci permettront d’améliorer la sensibilisation et la compréhension des procédures d’enregistrement, garantissant que toutes les parties concernées puissent réellement exercer leurs droits à la liberté syndicale.
Nous reconnaissons les efforts et les réalisations du gouvernement dans la mise en œuvre des recommandations de la mission de contacts directs de 2022, en faveur de la liberté syndicale. Nous prenons également note des défis qui nécessitent que toutes les parties prenantes travaillent ensemble à une solution.
Nous félicitons également le gouvernement pour le récent lancement de la sixième phase du programme par pays de promotion du travail décent (PPTD) de 2024 à 2028, qui est le fruit d’un dialogue constructif et continu entre toutes les parties prenantes au Cambodge.
Pour conclure, alors que nous réfléchissons aux progrès et aux défis actuels des droits syndicaux au Cambodge, il est évident que le dialogue est très important. Les syndicats s’engagent à mener un dialogue et des actions constructifs avec le gouvernement et les autres partenaires sociaux. Nous sommes déterminés à faire progresser les principes de la liberté syndicale.
Membre gouvernementale, Belgique – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. L’Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la République de Moldova, l’Ukraine, pays candidats, l’Islande et la Norvège, pays membres de l’Association européenne de libreéchange et membres de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration.
L’UE et ses États membres sont attachés au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits au travail. Nous promouvons la ratification universelle et la mise en œuvre effective des conventions fondamentales de l’OIT et soutenons l’OIT dans l’élaboration et la promotion des normes internationales du travail et le contrôle de leur application.
L’UE et ses États membres sont des partenaires de développement engagés visàvis du Cambodge, notamment par l’accord «Tout sauf les armes» (EBA) dans le cadre du système de préférences généralisées qui garantit un accès aux marchés de l’UE en franchise de droits et sans contingent, ayant eu pour effet une croissance soutenue et la création d’emplois au cours des dernières décennies.
Les avantages commerciaux accordés dans le cadre de l’accord EBA sont soumis à la condition que le Cambodge respecte les principes internationaux fondamentaux, inscrits dans les conventions fondamentales des Nations Unies et de l’OIT. Toutefois, en raison de violations graves et systématiques des droits de l’homme, en particulier du droit à la participation politique et des libertés fondamentales, ce traitement préférentiel est partiellement suspendu depuis août 2020.
Nous regrettons profondément que les autorités cambodgiennes n’aient pas fourni de rapport cette année sur l’application de la convention ni sur les progrès réalisés en ce qui concerne les recommandations de la mission de contacts directs. Les informations écrites récemment communiquées par les autorités ne répondent qu’à quelquesunes des principales préoccupations et ne reflètent pas la réalité sur le terrain.
Nous prenons note avec une profonde préoccupation des nouvelles allégations concernant la violation de libertés publiques fondamentales, sous la forme de violence, d’intimidation, d’arrestation et d’emprisonnement de syndicalistes, et nous demandons au Cambodge de faire rapport sur ces questions. Nous prions instamment les autorités de mettre un terme aux arrestations arbitraires, aux détentions et poursuites de syndicalistes et de libérer immédiatement les personnes détenues pour avoir mené des activités syndicales légitimes.
La formation régulière des forces de police en ce qui concerne les actions collectives et de protestation reste fondamentale, afin de garantir que les actions syndicales pacifiques ne sont pas réprimées, et d’éviter les excès de violence. Nous notons que le Cambodge a demandé l’assistance technique du BIT en vue d’approfondir et d’étendre ces formations. Nous demandons aux autorités de faire rapport sur les futures mesures prises à cet égard.
Nous regrettons également vivement l’absence d’informations sur des questions graves et de longue date, comme les enquêtes sur le meurtre de dirigeants syndicaux en 2004 et 2007. À cet égard, nous prions instamment les autorités d’accélérer le processus d’enquête et de traduire en justice les auteurs et les instigateurs de ces crimes.
En ce qui concerne les syndicalistes qui font toujours l’objet de poursuites pénales dans le contexte des manifestations de janvier 2014, nous prions instamment les autorités cambodgiennes d’examiner la liste des affaires en cours avec les syndicats concernés et de fournir des informations détaillées sur les affaires faisant l’objet de poursuites pénales.
La persistance d’obstacles juridiques et pratiques à la liberté syndicale est également particulièrement regrettable. Nous prions instamment les autorités cambodgiennes de modifier la législation, en consultation avec les partenaires sociaux, afin que les fonctionnaires, y compris les enseignants du secteur public, les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle puissent jouir des droits garantis par la convention. Nous encourageons également les autorités à agir rapidement pour éliminer les nombreux obstacles à l’enregistrement des syndicats.
En outre, nous nous faisons l’écho de la demande de la commission d’experts aux autorités cambodgiennes de modifier les articles pertinents de la loi sur les syndicats et de la loi sur le travail, en consultation avec les partenaires sociaux, en ce qui concerne l’audit financier et le maintien de l’enregistrement, le droit d’élire librement des représentants, le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et la dissolution des organisations représentatives. Nous réitérons l’importance d’engager un dialogue tripartite approfondi sur la légalité des actions revendicatives afin de réexaminer la réglementation existante.
Nous soulignons la nécessité de garantir des mécanismes de décision indépendants, comme le Conseil d’arbitrage, en tant que gardefou contre l’impunité et moyen efficace de protéger les droits syndicaux des travailleurs pendant les conflits du travail.
Enfin, nous encourageons vivement les autorités cambodgiennes à mettre en œuvre toutes les recommandations issues de la mission de contacts directs de l’OIT de 2022, ainsi que celles des organes de contrôle de l’OIT, afin de mettre un terme aux violations des droits du travail et de s’engager sur la voie d’une réforme constructive. À cette fin, nous attendons des autorités de progresser dans l’élaboration de la feuille de route, en pleine consultation avec les partenaires sociaux et avec l’appui du BIT, afin d’identifier les domaines prioritaires d’action urgente, en précisant clairement les résultats attendus et le calendrier.
L’UE et ses États membres resteront très attentifs à la situation au Cambodge.
Membre gouvernemental, Indonésie – J’ai l’honneur de prononcer cette déclaration au nom des États membres de l’Association des nations de l’Asie du SudEst (ASEAN). Nous saluons l’engagement inébranlable du Cambodge et son dialogue constructif avec les organes de contrôle de l’OIT, en particulier dans la mise en œuvre de la convention.
Nous reconnaissons et saluons les progrès importants que le Cambodge a réalisés jusqu’à présent, dans le cadre de consultations tripartites approfondies, pour renforcer son cadre juridique et assurer la mise en œuvre effective de la législation pertinente, en particulier la loi sur le travail et la loi sur les syndicats. L’amendement simplifie la procédure d’enregistrement des syndicats et supprime l’obligation pour les syndicats de présenter un rapport financier au gouvernement. Ces progrès essentiels ont permis d’augmenter le nombre de syndicats enregistrés d’environ 74 pour cent entre 2016 et 2024. En outre, les partenaires sociaux ont été encouragés à se développer, afin de mener leurs activités avec un professionnalisme accru. Ces progrès mettent en évidence l’engagement ferme du Cambodge à créer un environnement propice à l’exercice de la liberté syndicale, ce qui témoigne de relations professionnelles harmonieuses au sein du Royaume.
L’ASEAN salue les efforts déployés par le Cambodge pour promouvoir la liberté syndicale dans le cadre de son mécanisme de traitement des plaintes qui sont présentées par les travailleurs et les employeurs sur les questions liées au travail, via différents moyens comme Telegram, Facebook, la ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ainsi que l’extension des horaires de travail des fonctionnaires chargés des questions liées au travail jusqu’à 22 h 30 du lundi au dimanche.
L’ASEAN considère le tripartisme cambodgien comme une bonne pratique qui permet d’améliorer les relations professionnelles et la participation active au dialogue social. L’initiative prise par le Cambodge à l’occasion du 1er mai, consistant pour le gouvernement à accepter les retours d’information pour discuter et aborder toutes les questions relatives au travail, y compris la liberté syndicale et les droits du travail connexes, est pour nous un mécanisme concret qui favorise le dialogue social et le partenariat tripartite. Nous encourageons le Cambodge et ses partenaires sociaux à poursuivre ce processus de dialogue pour promouvoir en permanence la liberté syndicale.
L’ASEAN prend note des progrès réalisés par le Cambodge dans la promotion de l’état de droit et la mise en œuvre des obligations découlant des conventions de l’OIT ratifiées, y compris la liberté syndicale et les droits du travail connexes, depuis 1999. Le Cambodge a démontré qu’en aucun cas des syndicalistes n’avaient été arrêtés uniquement pour avoir exercé leurs activités syndicales, et que les accusations pénales avaient été portées dans le cadre de procédures judiciaires menées par les autorités compétentes contre des individus qui avaient commis des actes criminels.
L’ASEAN félicite le Cambodge pour son rôle de premier plan dans la collaboration avec les parties prenantes pour mettre en œuvre les grands projets de l’OIT, notamment le programme Better Factories Cambodia, le programme par pays de promotion du travail décent et l’initiative relative au Pacte mondial.
Compte tenu des progrès susmentionnés dans l’application de la convention, l’ASEAN appelle l’OIT et tous les partenaires internationaux à soutenir le Cambodge et à s’engager à ses côtés pour continuer à favoriser un environnement propice à l’exercice de la liberté syndicale et à enrichir des relations professionnelles harmonieuses.
Membre gouvernemental, Cuba – Nous remercions le gouvernement du Cambodge pour les informations complémentaires qu’il nous a communiquées et notons qu’il exprime sa volonté de continuer à faire progresser le dialogue social tripartite dans le pays et à collaborer avec l’OIT; ces informations et arguments démontrent la volonté du gouvernement d’honorer les engagements pris au sein de cette Organisation.
Nous réaffirmons que les mécanismes communs de coopération et de travail doivent primer sur les mécanismes de coercition. Lorsque nous examinons un cas, nous devons tous privilégier la négociation, le dialogue respectueux, l’aide et la coopération. Les mesures prises contre la volonté des gouvernements, loin de promouvoir la poursuite du dialogue et la coopération, entretiennent la confrontation. Je termine en réaffirmant l’importance de respecter le dialogue tripartite et la recherche d’un consensus, deux principes fondamentaux de cette Organisation.
Membre travailleuse, France – Je m’exprime au nom des travailleurs français, et se joignent également à cette déclaration les travailleurs australiens. À ce jour, aucune mesure n’a été prise pour répondre aux préoccupations de la mission de contacts directs de 2022 concernant la pratique systématique du ministère du Travail qui consiste à classer de manière erronée les conflits collectifs. En effet, nous observons une tendance à la mauvaise classification des conflits du travail, ceci dans le but d’éviter le recours au Conseil d’arbitrage. Cette pratique est très préoccupante pour les travailleurs et les syndicats.
Si l’on se réfère aux statistiques officielles, nous constatons que les recours collectifs sont gravement sous-estimés. Ces statistiques nous révèlent pour 2023 une augmentation remarquable des cas individuels canalisés vers le ministère du Travail, et une chute des cas transférés au Conseil d’arbitrage de 80 pour cent par rapport au pic de 2019, et de 58 pour cent comparé à 2022.
Depuis 2021, aucun sous-décret n’a été pris pour faire appliquer le mandat étendu du Conseil d’arbitrage sur les conflits du travail individuels, ce qui conduit à l’absence de solution apportée pour traiter le problème du nombre croissant de cas de violations de la liberté d’association qui ont fait l’objet d’une mauvaise classification.
Il faut également souligner que la liberté d’association ne peut être exercée pleinement, du fait de la pratique courante de non-réintégration de syndicalistes, puisque le syndicat se dissout avant d’avoir obtenu son enregistrement. Ainsi, alors que l’enregistrement d’un syndicat était en cours au ministère du Travail, le président du syndicat a été licencié et 15 dirigeants et membres de ce syndicat ont été contraints de démissionner. Le ministère du Travail n’a pas traité cette affaire comme un cas de discrimination antisyndicale et ne l’a pas soumise à l’arbitrage.
L’accès à un mécanisme d’arbitrage des conflits du travail indépendant, efficace, accessible et bénéficiant de la confiance des partenaires sociaux est essentiel pour faire respecter les droits de la convention et garantir la non-impunité.
Pour conclure, je voudrais rappeler trois des recommandations et préoccupations de la mission de contacts directs de 2022:
  • premièrement, les licenciements abusifs doivent être rapidement transmis au Conseil d’arbitrage;
  • deuxièmement, toute évolution du fonctionnement du Conseil d’arbitrage envisagée par le gouvernement ne doit avoir lieu qu’après des consultations complètes et significatives avec toutes les parties et tous les acteurs concernés;
  • enfin, troisièmement, des mesures urgentes doivent être prises pour recruter et former de nouveaux arbitres et les confédérations et fédérations syndicales doivent pouvoir représenter leurs membres sans avoir à obtenir l’approbation préalable du ministère du Travail et de la formation professionnelle.
Nous demandons instamment au gouvernement cambodgien de mettre en œuvre, de manière prioritaire, les recommandations de la mission de contacts directs.
Membre gouvernemental, Suisse – La Suisse soutient la déclaration faite par l’Union européenne et souhaite faire part des points suivants. La Suisse est vivement préoccupée par les observations de la Confédération syndicale internationale faisant état d’un climat répressif à l’égard des syndicalistes au Cambodge. Les actes de violence et de répression policières, les arrestations et les détentions arbitraires de représentants syndicaux sont des violations graves des droits fondamentaux reconnus dans la convention.
La Suisse condamne ces actes et rappelle que les travailleurs doivent pouvoir exercer pleinement leurs droits à la liberté d’association et d’expression sans que cela ne puisse porter atteinte à leur intégrité physique ou psychique. Elle appelle le gouvernement cambodgien à mener des enquêtes indépendantes sur les actes antisyndicaux et à engager des poursuites judiciaires à l’encontre de leurs auteurs.
Les nombreux obstacles législatifs, juridiques et pratiques auxquels sont confrontés les travailleurs pour constituer, enregistrer ou s’affilier à des syndicats sont également préoccupants. Ces obstacles restreignent fortement l’exercice plein et entier de la liberté syndicale. À cet égard, le gouvernement suisse appelle le gouvernement cambodgien à adapter sa législation conformément à la convention et à s’assurer, en consultation avec les partenaires sociaux, de son application effective. Ceci afin de garantir, en droit et en pratique, la jouissance effective de la liberté syndicale.
La Suisse regrette également l’absence d’informations transmises par le gouvernement cambodgien quant à l’application de la convention, notamment sur les mesures prises en réponse aux recommandations de la mission de contacts directs ayant eu lieu en 2022. Ce manque de communication, couplé aux nombreuses observations et demandes directes répétées de la commission d’experts, a conduit à ce que ce cas soit discuté, aujourd’hui, pour la huitième fois au cours des quinze dernières années devant la commission.
Eu égard aux remarques précédentes, et afin de rétablir un climat de confiance entre le gouvernement et les partenaires sociaux cambodgiens, la Suisse encourage urgemment le gouvernement du Cambodge à prendre toutes les mesures nécessaires pour créer un environnement propice au dialogue social constructif et à la liberté syndicale.
Membre employeuse, Indonésie – Je suis ravie de prendre la parole au nom de l’Association des employeurs d’Indonésie (APINDO). La liberté syndicale est un moyen essentiel d’améliorer les conditions de travail, d’instaurer la paix sociale et de soutenir le progrès. Nous nous associons au Cambodge pour réaffirmer notre adhésion et notre soutien aux conventions sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Nous estimons que le Cambodge a présenté des informations et des faits importants sur l’amélioration constante des conditions travail et du bienêtre des travailleurs. Nous considérons que ce pays a présenté des arguments solides et convaincants justifiant le respect de ses obligations, tout en fournissant des informations contextuelles et des faits précieux sur ce cas et en mettant en évidence l’analyse importante de la manière dont la convention est appliquée, qui tient compte des différentes réalités nationales et des systèmes juridiques existants. Les incidents spécifiques mentionnés dans le rapport s’étant produits il y a une vingtaine d’années, nous comprenons le défi auquel le Cambodge est confronté en ce qui concerne l’enquête sur ces affaires. Nous saluons l’engagement du gouvernement à continuer de fournir des informations à jour au BIT. Nous soulignons la valeur et l’efficacité des systèmes nationaux des États Membres pour traiter les questions importantes. Le système que nous avons mis en place pour nousmême, y compris les systèmes de dialogue social, qu’ils soient formels ou informels, tripartites ou bipartites ou adaptés au contexte, contribue à promouvoir le consensus, à établir de meilleures relations de travail et à faire progresser la paix sociale, ce qui, en fin de compte, profite aux travailleurs, aux employeurs et au développement économique et social de nos pays.
Membre travailleuse, Japon – La mission de contacts directs du BIT au Cambodge en 2022 a pris note des obstacles pratiques à la formation et au fonctionnement des syndicats, en particulier en ce qui concerne l’enregistrement des syndicats ou la reconnaissance de leur statut le plus représentatif, et a indiqué qu’ils devraient être rapidement résolus. La mission a également recommandé des moyens d’améliorer la transparence, d’éliminer les procédures et de démontrer la cohérence de l’application.
Le gouvernement a informé la commission de l’augmentation du nombre de syndicats enregistrés et de la simplification de la procédure d’enregistrement. En réalité, de nombreux syndicats sont confrontés à d’importants obstacles pratiques. L’approbation de l’enregistrement reste soumise au pouvoir discrétionnaire des autorités du travail. Trentetrois demandes d’enregistrement de syndicats déposées en 2018 sont toujours en attente auprès du ministère du Travail en raison d’erreurs insignifiantes dans les demandes, ou de documents manquants. Parmi eux, 20 dirigeants de 6 syndicats du secteur de l’habillement ont été licenciés par l’employeur alors que les demandes d’enregistrement de leurs syndicats, déposées entre 2019 et 2020, étaient toujours en attente. L’administration n’a rien fait pour leur réintégration.
Dans un autre cas, le ministère retarde l’enregistrement de deux syndicats depuis 2019 au motif que le contrat de travail de l’un de ses dirigeants a été suspendu, bien que cela soit acceptable en vertu du statut du syndicat et ne soit pas interdit par la loi sur les syndicats.
Une autre fédération a demandé l’octroi du statut d’organisation la plus représentative dans deux usines au début de cette année. Entretemps, la société a changé le nom de l’entreprise et a annulé la demande du syndicat.
Les travailleurs prient instamment le gouvernement d’enregistrer les syndicats et d’octroyer le statut d’organisation la plus représentative de manière rapide, juste et équitable, conformément aux recommandations de la mission de contacts directs du BIT et à la législation du travail de leur pays.
Membre employeur, Philippines – Je m’exprime au nom de la Confédération des employeurs des Philippines (ECOP). Nous estimons que le Cambodge a communiqué de précieuses informations et des faits utiles quant aux progrès accomplis dans le pays en ce qui concerne les conditions de travail et le bienêtre des travailleurs dans le cadre de l’application de la convention.
De notre point de vue, le Cambodge s’est engagé dans la bonne voie pour ce qui est de la mise en œuvre de la convention. Il n’a cessé de prendre des mesures pour enquêter sur les cas répertoriés de meurtres de syndicalistes et entamer des procédures judiciaires à leur sujet. Malgré les difficultés d’enquêter sur l’un des cas, survenu il y a presque vingt ans, l’enquête continue de progresser, ce qui est, pour nous, une preuve de la volonté des autorités de s’acquitter de leurs obligations au titre de la convention.
Il est particulièrement louable que le gouvernement s’emploie à créer des emplois décents et à respecter ses engagements en matière de liberté syndicale envers le peuple cambodgien. Nous voyons que le gouvernement a mis en place divers mécanismes de dialogue social avec les syndicats, les employeurs et l’OIT – dont le programme Better Factories Cambodia – et y participe activement pour faire face aux difficultés et aux enjeux auxquels il est confronté. L’approche inclusive suivie et les dispositifs de dialogue social en place aideront grandement et efficacement le Cambodge à poursuivre vers le règlement des questions et des difficultés relevées dans le rapport.
Enfin, l’information et la sensibilisation des mandants tripartites sont essentielles à la mise en œuvre efficace de la convention. À cet égard, nous appuyons les appels des employeurs du Cambodge en faveur d’un appui technique accru du BIT aux employeurs et aux autres partenaires sociaux au Cambodge pour consolider les relations professionnelles et accroître la pérennité des entreprises dans le pays.
Membre travailleuse, Suisse – La commission d’experts a très justement exprimé sa profonde préoccupation à propos des arrestations de syndicalistes et des poursuites dont ils sont victimes au Cambodge.
Un exemple récent et classique est celui de M. Chan, arrêté le 14 février 2024 sur son lieu de travail, une usine de chaussures, et accusé, sur la base d’allégations de son employeur, de «conspiration en vue de commettre un vol» pour un incident qui s’est produit il y a très longtemps. M. Chan a été élu président du syndicat de son usine un mois avant son arrestation. Dans un premier temps, la direction de l’usine a tenté de l’en dissuader. Toujours décidé à créer un syndicat sur son lieu de travail, M. Chan a ensuite été menacé par l’intermédiaire d’un collègue et prévenu qu’il aurait des ennuis s’il poursuivait ses activités syndicales et ne coopérait pas avec la direction. À ce jour, M. Chan est en détention provisoire depuis trois mois.
En ce qui concerne les syndicats nationaux, M. Morm Rithy, président de la Fédération cambodgienne des travailleurs du tourisme et des services (CTSWF) et viceprésident de la CLC, a été arrêté dans les locaux du syndicat le 7 mai 2024 en application d’un verdict que le tribunal avait rendu plus tôt dans la journée en l’absence de M. Rithy. Reconnu coupable d’incitation à commettre un délit et de discrédit d’une décision de justice, il a été immédiatement envoyé en prison. Il a été condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement pour avoir critiqué et dénoncé, deux ans auparavant, les licenciements arbitraires de dirigeants syndicaux d’une société de casinos, de même que leur détention et les pratiques de discrimination antisyndicale qu’ils avaient subies. Il avait indiqué avoir «perdu confiance dans la justice» dans un message publié sur sa page Facebook. L’arrestation et la condamnation de M. Rithy ne sont en rien fortuites vu la plainte qu’il venait de déposer contre le même groupe de casinos.
Ce ne sont là que deux exemples qui attestent des graves menaces, actes d’intimidation et de harcèlement auxquels les défenseurs des droits au travail sont exposés dans un environnement où les libertés publiques et l’indépendance de la justice sont limitées.
Du reste, les travailleurs indiquent qu’ils ont parfois été menacés de licenciement pour avoir simplement pris contact avec des délégués syndicaux sur leur lieu de travail ou adhéré librement à des syndicats. Compte tenu de la pauvreté et du fort endettement de nombreuses familles de travailleurs au Cambodge, la perte de leur emploi représente un risque grave pour leur ménage.
Nous demandons instamment au gouvernement cambodgien de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les syndicalistes détenus pour leurs activités syndicales légitimes soient immédiatement libérés et que les travailleurs puissent exercer pleinement leurs droits conformément à la convention.
Membre gouvernemental, États-Unis d’Amérique – Les ÉtatsUnis restent profondément préoccupés par les témoignages qui continuent de faire état de violences à l’encontre de syndicalistes et de l’impunité dont jouissent leurs auteurs, ainsi que d’arrestations, de détentions et de condamnations arbitraires de syndicalistes pour l’exercice de la liberté syndicale et du droit de réunion pacifique.
Nous sommes particulièrement préoccupés par la décision de la Cour suprême du Cambodge, rendue le 3 mai 2024, de confirmer la condamnation de la dirigeante syndicale, Mme Chhim Sithar, condamnée avec huit autres membres du Syndicat pour les droits du travail des employés khmers de NagaWorld (LRSU) pour leur participation à une grève pacifique en 2021.
Nous demandons la libération immédiate de Mme Chhim Sithar et prions instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux arrestations, détentions et poursuites arbitraires dont sont victimes les syndicalistes pour des activités syndicales légitimes.
Nous exhortons également le gouvernement cambodgien à prendre toutes les mesures nécessaires pour régler des problèmes de longue date et donner pleinement suite aux recommandations de la mission de contacts directs de 2022, ce qui inclut:
  • de lever les obstacles pratiques à la création, au fonctionnement et à l’enregistrement des syndicats en mettant en place une procédure simple, objective et transparente;
  • de revoir les articles 17 et 27 de la loi sur les syndicats, de sorte que les audits des états financiers et des rapports d’activité ne soient requis qu’en cas de crainte sérieuse d’irrégularité de la part d’une organisation;
  • d’annuler le paragraphe 2 de l’article 28 et de veiller à ce que les organisations de travailleurs ou d’employeurs ne soient dissoutes qu’en application des dispositions de leurs statuts ou d’une décision de justice.
Nous rappelons la recommandation des organes de contrôle de l’OIT de réexaminer la réglementation existante et son application dans la pratique, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que cette réglementation promeut, respecte et assure la réalisation des droits du travail internationalement reconnus, dont les droits à la liberté syndicale et à la négociation collective.
Nous insistons sur l’importance de l’indépendance des mécanismes d’arbitrage – y compris le rôle capital du Conseil d’arbitrage. À cet égard, nous prenons note des conclusions de la mission de contacts directs concernant la qualification erronée des différends devant le Conseil d’arbitrage qui empêche certaines plaintes d’être entendues, comme la qualification du licenciement d’un dirigeant syndical en tant que conflit individuel, ainsi que de la recommandation de la mission de contacts directs selon laquelle le licenciement de dirigeants syndicaux avant ou après l’enregistrement du syndicat devrait être considéré comme un conflit collectif.
Nous encourageons le gouvernement à travailler en étroite collaboration avec les partenaires sociaux pour identifier les domaines prioritaires d’action urgente sur la base des recommandations de la mission de contacts directs et des organes de contrôle de l’OIT, en déterminant clairement les résultats à atteindre et les délais à respecter en vue de garantir la responsabilisation et d’assurer la transparence.
Les États-Unis restent attachés à la collaboration avec le gouvernement cambodgien pour faire progresser les droits des travailleurs dans le pays.
Interprétation du chinois: Membre gouvernemental, Chine – Je remercie le représentant du gouvernement cambodgien pour les informations détaillées qu’il a fournies. Nous avons également lu le rapport de la commission d’experts avec attention ainsi que les informations supplémentaires fournies par le gouvernement.
Le gouvernement cambodgien a coopéré et communiqué au fil des ans avec l’OIT et ses organes de contrôle en faisant preuve d’une attitude positive et en jouant un rôle constructif. Nous saluons les efforts accomplis. Nous notons que, avec l’assistance technique du BIT, le Cambodge a modifié sa loi sur les syndicats après de vastes consultations, simplifiant les procédures d’enregistrement et renforçant la protection des intérêts et des droits des travailleurs. Le ministère a pris une série de mesures pour renforcer le mécanisme de règlement des différends.
Dans un pays où règne l’état de droit, aucune personne ni aucun droit n’est audessus des lois. La Constitution cambodgienne garantit expressément les droits civils, notamment la liberté syndicale, et reconnaît le droit des citoyens de constituer des syndicats et d’y adhérer, tout en précisant que l’exercice de ces droits ne doit pas violer les droits légitimes de tiers.
Le gouvernement cambodgien s’est acquitté scrupuleusement de ses obligations et a veillé à ce que ses pratiques dans tous les domaines soient conformes aux dispositions des conventions. Nous notons que le gouvernement cambodgien attend du BIT qu’il continue à lui fournir une assistance technique.
Les organes de contrôle de l’OIT ont pour objet d’aider les États Membres à mettre en œuvre leurs obligations internationales. Nous espérons que cette commission prêtera attention aux informations officielles fournies par le gouvernement, qu’elle examinera ce cas de manière objective et impartiale et qu’elle parviendra à une conclusion positive et constructive dans le but de promouvoir un meilleur respect des obligations.
Nous encourageons le Bureau de l’OIT à renforcer la communication et les échanges avec le gouvernement cambodgien, à accroître son assistance technique et à l’aider à appliquer plus efficacement la convention, de manière à protéger les intérêts des travailleurs et à promouvoir le développement économique et social.
Membre gouvernementale, Australie – Le gouvernement australien est très attaché au système multilatéral et à l’OIT, seul organisme tripartite spécialisé des Nations Unies qui rassemble des gouvernements, des employeurs et des travailleurs du monde entier.
Nous remercions la commission d’experts pour son rapport 2024. Tout en notant avec inquiétude les allégations de nonrespect de la convention, l’Australie se félicite de la coopération continue sur ces questions avec le gouvernement du Royaume du Cambodge.
L’Australie travaille en partenariat avec le Cambodge dans le cadre de son programme de développement qui a pour but d’offrir un appui pratique pour promouvoir les droits des syndicats et des travailleurs au Cambodge. Par exemple, nous appuyons le programme Better Work au Cambodge de l’OIT/Care International – saluant notamment la place qu’il accorde à la lutte contre la violence fondée sur le genre et aux travailleurs d’usine par l’intermédiaire d’ActionAid afin de faciliter l’Agenda du travail décent.
Notre déclaration devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (10 octobre 2023) invitait le Cambodge à libérer les défenseurs des droits de l’homme et les dirigeants syndicaux détenus et à abandonner les charges retenues contre eux. Dans le cadre du quatrième cycle de l’Examen périodique universel du Cambodge, le 8 mai de l’année en cours, nous avons fait part de nos préoccupations concernant les restrictions imposées à l’espace civique, à la liberté d’expression, à la liberté syndicale et à la liberté de réunion.
Nous continuons d’encourager le Cambodge à veiller à ce que les lois et leur mise en œuvre soient conformes aux obligations internationales, notamment en révisant la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales et la loi sur les syndicats.
Nous demandons aux autorités cambodgiennes de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux préoccupations soulevées dans ce cas et de veiller à ce que les droits fondamentaux que sont la liberté syndicale et le droit d’organisation soient respectés et mis en œuvre conformément aux obligations de la convention.
Observateur, IndustriALL Global Union (IndustriALL) – Mon organisation représente neuf syndicats de branche, dont les industries du textile et de l’habillement au Cambodge. Il existe encore des obstacles à l’exercice du droit d’adhérer librement à un syndicat dans le pays.
L’utilisation de contrats à durée déterminée à des fins antisyndicales reste très répandue et systématique. Les dispositions du droit du travail relatives à la transformation des contrats à durée déterminée en contrats permanents ou en contrats à durée indéterminée après deux renouvellements en l’espace de quatre ans, en vertu du décret 50, ne sont pas appliquées. Le nonrenouvellement des contrats à durée déterminée reste le moyen le plus commode de licencier des syndicalistes et de démanteler les syndicats.
Les données recueillies cette année auprès de 11 fédérations syndicales de différents secteurs montrent qu’au moins 49 usines employant 34 000 travailleurs n’appliquent pas la disposition relative à la transformation des contrats à court terme en contrats permanents. En outre, 630 responsables syndicaux élus, sous contrat à durée déterminée, n’ont pas été réembauchés après avoir créé un syndicat.
Dans le cadre des contrats à court terme, de nombreux travailleurs ne reçoivent pas de primes d’ancienneté, ne sont pas couverts par la réglementation sur le salaire minimum et sont davantage exposés à la discrimination, au harcèlement et au licenciement s’ils adhèrent à un syndicat. Les travailleuses sont en outre victimes de discriminations liées à la grossesse, se voient refuser des prestations de maternité et de congés de maladie, et sont souvent licenciées pour avoir refusé de faire des heures supplémentaires. Le recours généralisé à des contrats de courte durée dans les usines rend l’activité syndicale plus difficile.
Nous attendons du gouvernement cambodgien qu’il réponde aux observations de la commission d’experts concernant les nombreux obstacles aux processus d’enregistrement et de certification des syndicats, ainsi que les menaces et les actes de harcèlement à l’égard des syndicalistes.
Parallèlement, des efforts considérables sont déployés à l’étranger pour appuyer le développement économique et social dans le pays.
Du côté positif, je tiens à signaler à la commission qu’IndustriALL et de grandes marques mondiales concluent des accords juridiquement contraignants en faveur de la négociation collective et de l’amélioration des salaires dans l’industrie du textile et de l’habillement au Cambodge. Ces accords contraignants sans précédent sont actuellement conclus par de grandes marques de vêtements et IndustriALL afin de soutenir les salaires négociés collectivement pour les travailleurs de l’industrie de l’habillement au Cambodge.
Cette avancée majeure, résultat d’un processus de collaboration entre les grandes marques, les employeurs et les syndicats au Cambodge, prévoit des engagements juridiquement contraignants pour appuyer la négociation collective au niveau national. Les marques internationales sont légalement tenues de maintenir leur volume de production au Cambodge et se sont engagées à sanctuariser les coûts de maind’œuvre tout en augmentant le prix des produits.
Les employeurs et les syndicats ont négocié un modèle d’accord visant à améliorer les relations industrielles, les salaires et les conditions de travail.
Nous appelons le gouvernement du Cambodge à prendre les mesures nécessaires pour garantir le plein respect de la liberté syndicale, conformément aux recommandations de la commission d’experts.
Observateur, Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerierestauration, du tabac et des branches connexes (UITA) – Je m’exprime au nom de l’UITA, qui compte des affiliés dans 126 pays et représente plus de 10 millions de travailleurs, pour dénoncer la détention qui se prolonge de Chhim Sithar, qui est la présidente d’une organisation qui nous est affiliée, le LRSU. En mai 2023, un tribunal l’a condamnée à deux ans de prison. Cinq autres personnes ont été condamnées à des peines d’un an et demi, et trois personnes à des peines d’un an avec sursis. Son placement en détention, ainsi que les poursuites judiciaires engagées contre d’autres dirigeants syndicaux, illustre ce qui a été entrepris depuis dix ans pour mettre fin aux activités du syndicat dans cet hôtelcasino.
Sa détention a été dénoncée par presque toutes les commissions du système de contrôle de l’OIT. Cette année, la commission d’experts, se référant à ce cas, a prié «instamment le gouvernement de veiller à ce que tous les syndicalistes détenus pour avoir mené une activité syndicale légitime soient immédiatement libérés». En octobre 2023, le Comité de la liberté syndicale a également «réitér[é] au gouvernement de veiller à la libération immédiate et inconditionnelle de Chhim Sithar […] et de fournir toutes les décisions judiciaires relatives à la condamnation des dirigeants et des membres du Syndicat pour les droits au travail des employés khmers de l’hôtel Naga». L’année dernière encore, la commission d’experts s’est déclarée «profondément préoccupée par l’arrestation et l’emprisonnement de syndicalistes et d’autres personnes pour avoir exercé leurs libertés civiles et exprimé des opinions politiques différentes de celles du gouvernement». En outre, le HautCommissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et plusieurs gouvernements ont demandé sa libération immédiate. Pourtant, le gouvernement reste inflexible.
L’UITA n’a donc eu d’autre choix que de déposer des plaintes en vertu des Principes directeurs de l’OCDE contre les banques d’investissement qui ont acheté des obligations et des actions de la société mère de l’hôtelcasino. Les banques d’investissement sont préoccupées. Dans une déclaration formulée à la suite de la médiation avec une banque, les parties ont convenu que les travailleurs devraient pouvoir exercer, sans crainte de représailles, le droit à la liberté syndicale, le droit de négociation collective et le droit de grève. De plus, les parties ont déclaré que l’emprisonnement au motif d’un mouvement de grève ne saurait être accepté.
Les syndicats, les gouvernements, les investisseurs et les organisations de la société civile sont tous dans l’expectative, et nous attendons du Cambodge qu’il change de cap et revienne au respect des normes internationales relatives à la liberté syndicale. L’UITA prie instamment le gouvernement à libérer immédiatement Chhim Sithar. Le gouvernement doit également veiller à ce que les travailleurs de l’hôtelcasino puissent s’organiser et mener leurs activités en toute liberté, sans ingérence du gouvernement ni représailles de l’employeur. Des questions urgentes se posent dans cet hôtelcasino. Le syndicat souhaite les résoudre par la négociation collective et il a demandé la réintégration de plus d’un millier de ses membres, qui ont été licenciés injustement. Les travailleurs cambodgiens méritent d’exercer librement leur droit d’organisation et de négociation collective. Nous prions instamment le gouvernement royal du Cambodge de veiller à la protection de ces droits.
Représentant gouvernemental – Ma délégation prend bonne note des points de vue et commentaires des délégués et des intervenants. Les observations et les points de vue constructifs, exprimés au sein de la commission, seront relayés au Cambodge qui les examinera sérieusement, afin d’améliorer encore l’environnement dans lequel s’exerce la liberté syndicale, même si nous sommes en désaccord avec certains d’entre eux.
Ma délégation souhaite vous assurer que, dans le cadre du respect de nos obligations au titre de la convention, nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec nos partenaires sociaux pour promouvoir l’exercice de la liberté syndicale et maintenir des relations professionnelles harmonieuses, avec le soutien technique du BIT. Ma délégation souhaite réaffirmer son engagement à poursuivre ces efforts de collaboration. En ce qui concerne les questions législatives soulevées au cours de la discussion, nous souhaitons souligner que le processus d’élaboration s’est caractérisé par une série de consultations tripartites approfondies, qui ont permis aux représentants des employeurs et des travailleurs d’apporter leurs contributions. Cellesci ont été soigneusement examinées et évaluées afin de garantir une approche équitable. Nous vous assurons que nos processus sont méticuleusement équilibrés et qu’aucun problème ou défi important n’a été signalé.
Nous avons constaté que certains orateurs, dans leurs observations et commentaires, ne se référaient pas à la dernière modification de notre loi sur les syndicats. Leurs préoccupations concernaient l’ancienne version de la loi. Par conséquent, je souhaiterais humblement demander à nos orateurs préoccupés par la législation sur les syndicats de se référer à la dernière version modifiée.
Soucieux de poursuivre le dialogue et de répondre à toute préoccupation, nous avons mis en place de multiples plateformes où nos partenaires sociaux peuvent exprimer leurs préoccupations et participer à de nouvelles consultations, notamment dans le cadre de la réunion trimestrielle avec les syndicats, qui s’est tenue à deux reprises depuis la formation du nouveau gouvernement de la septième législature de l’Assemblée nationale, en septembre 2023. L’adoption de la loi sur les syndicats en 2016 et son amendement en 2020 en sont d’autres preuves. Ces trois étapes ont été franchies grâce à des consultations tripartites approfondies, enrichies par les avis des experts de l’OIT. Ces changements ont été essentiels pour simplifier et rationaliser la procédure d’enregistrement des syndicats, ce qui a entraîné une augmentation significative du nombre de syndicats enregistrés. En mars 2024, comme indiqué précédemment, nous comptions 6 317 organisations professionnelles enregistrées, dont 1 061 l’ont été depuis la modification de la loi sur les syndicats en 2020. Il convient de noter que depuis cette modification, le nouveau taux d’enregistrement est resté stable voire en progression, avec 228 nouvelles organisations professionnelles enregistrées en 2020, 262 en 2021, 268 en 2022 et 258 autres en 2023. Rien qu’entre janvier et mars 2024, 45 nouvelles organisations professionnelles ont été enregistrées. Ces chiffres témoignent non seulement de l’existence d’une situation solide pour les organisations professionnelles, mais aussi de notre engagement indéfectible en faveur de la liberté syndicale. En vue de répondre aux préoccupations de quelques syndicats, qui pourraient encore exprimer leur mécontentement face aux difficultés d’enregistrement, ma délégation aimerait lancer un nouvel appel au BIT afin qu’il fournisse un soutien technique au ministère du Travail et de la Formation professionnelle dans l’organisation d’une formation visant le renforcement des capacités des syndicats en matière de processus d’enregistrement.
En ce qui concerne le cas no 2318, nous comprenons parfaitement les préoccupations relatives à la nécessité de clore cette affaire en instance depuis longtemps, mais nous voudrions également exhorter les autres parties à prendre en considération la difficulté de ce cas puisque la victime n’a pas coopéré à la procédure de réexamen de l’enquête. La situation sur le lieu de l’incident a déjà changé et les témoins ont disparu parce que certains d’entre eux sont décédés, d’autres sont partis vivre dans d’autres pays et d’autres encore n’ont pas pu être retrouvés. Malgré cet obstacle, nous restons déterminés à faire en sorte que les victimes obtiennent justice et que les responsables répondent de leurs actes.
Concernant le droit de grève, ma délégation souhaite réaffirmer que le Cambodge défend fermement le droit de grève constitutionnel, un engagement qui se reflète également dans notre législation nationale et qui est conforme aux instruments internationaux. Toutefois, il est essentiel de reconnaître que ces droits ne sont pas absolus et qu’ils doivent être exercés dans les limites des cadres juridiques, en veillant à ce qu’ils ne compromettent pas la sécurité publique ou ne portent pas atteinte aux droits d’autrui. Ces conditions sont en fait conformes au principe de la convention et d’autres instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme.
S’agissant de la protection des syndicats, nous restons convaincus que le principe de la liberté syndicale ne peut servir de cadre à des activités criminelles prétendument liées à l’exercice des droits des travailleurs. Nos procédures judiciaires sont régies par les principes du respect de la légalité et de l’indépendance, les décisions étant également fondées sur des preuves. Nous sommes fermement convaincus que les syndicalistes ne doivent pas subir d’intimidations ni être arrêtés ou poursuivis en raison de leurs activités légales, j’insiste, en raison de leurs activités légales. Cependant, nous ne sommes pas convaincus qu’ils devraient bénéficier de l’impunité pour leurs activités illégales. Aucun d’entre nous n’a le pouvoir de décider de la légalité ou de l’illégalité de l’activité syndicale dans quelque juridiction que ce soit. Il appartient au tribunal d’en décider, en fonction du bienfondé de l’affaire et des lois en vigueur. À cet égard, la décision du tribunal au Cambodge est prise, non pas en fonction de l’identité des auteurs, mais de leurs actes. Cette position est soutenue par le Comité de la liberté syndicale, qui a reconnu que le respect des lois était obligatoire. En outre, je souhaiterais citer l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui étaye notre point de vue: «Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.» Je tiens à souligner à nouveau qu’aucune personne n’a été arrêtée ou condamnée uniquement pour avoir participé à des activités syndicales. Chaque citoyen est soumis à la loi de la même manière et l’action en justice se fonde uniquement sur la nature de l’infraction pénale, indépendamment de l’identité ou de l’affiliation de l’individu. Le principe de la responsabilité est essentiel pour garantir que les droits syndicaux ne soient pas interprétés à tort comme des impunités. Ce principe doit être respecté.
Cette approche équilibrée souligne l’indépendance de nos pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et réaffirme l’engagement du gouvernement à ne pas intervenir dans les procédures judiciaires. Grâce à ces principes, le Cambodge continue de préserver les droits légitimes des syndicats tout en protégeant les droits des autres et en maintenant l’ordre et la sécurité du pays. Cela garantit un environnement stable et juste où toutes les parties peuvent prospérer.
En ce qui concerne le recours à la police pendant la grève, nous aimerions préciser que, comme dans d’autres pays, les forces de police ont la responsabilité d’assurer la sécurité et l’ordre public. Au Cambodge, la police n’intervient pas si la grève est pacifique, mais si la grève devient violente en bloquant la voie publique et en détruisant des biens publics et privés, il incombe à la police de faire respecter la loi afin de rétablir l’ordre social. Cependant, pour répondre à cette préoccupation, nous voudrions, une fois encore, prier instamment le BIT de fournir un soutien technique au gouvernement dans l’établissement de lignes directrices destinées aux forces de police en matière de grèves et de manifestations pacifiques.
Au sujet de la dissolution des syndicats, je voudrais préciser qu’à ce jour, aucun syndicat n’a été dissous, d’après nos données. La loi sur les syndicats prévoit la dissolution d’un syndicat uniquement lorsque l’entreprise est totalement fermée et que tous les avantages de travailleurs ont été totalement supprimés. À l’instar de la loi sur le travail, la loi sur les syndicats prévoit que le syndicat de l’entreprise est établi pour représenter les travailleurs au niveau de l’entreprise. Ainsi, lorsque l’entreprise n’existe plus, il est inutile d’exiger que le syndicat continue d’exister, car il n’y a plus de travailleurs à représenter, plus de membres, plus d’employeurs. Il s’agit de savoir si nous privilégions la qualité des syndicats ou leur nombre. Je crois que tout le monde veut la qualité et non la quantité. Dès lors, il n’est pas pratique de suggérer, d’exiger, de demander au syndicat de continuer à exister lorsque l’entreprise est totalement fermée et que tous les travailleurs bénéficiaires ont été licenciés, conformément à la loi.
Concernant la manifestation pacifique de 2014, je ne parviens pas à saisir la définition du mot «pacifique» dès lors que des travailleurs bloquent les routes pendant la nuit et détruisent des propriétés publiques et privées. Je voudrais donc suggérer à la commission de revoir la qualification de «manifestation pacifique» en ce qui concerne l’incident qui s’est produit au début de l’année 2014.
S’agissant des fonctionnaires et des travailleurs domestiques, je souhaiterais insister sur le fait que le Cambodge ne prévoit pas qu’une seule façon pour les travailleurs de former un syndicat. Nous disposons de nombreux moyens. Les fonctionnaires, les travailleurs domestiques, bien qu’ils n’aient pas le droit de constituer ou de diriger un syndicat, en vertu de la loi sur les syndicats, ont le droit de former une association conformément à la législation. Ce n’est pas non plus ce que prévoit la convention. S’il existe une disposition dans la convention prévoyant que l’exercice du droit à la liberté syndicale doit se faire dans le cadre d’une seule loi, alors le Cambodge envisagerait de réécrire la loi sur les syndicats pour s’y conformer. Mais en l’absence d’une telle exigence, ce que nous voulons, c’est un syndicat ou la liberté syndicale. Si nous voulons des syndicats, alors les fonctionnaires et les travailleurs domestiques ne peuvent pas constituer de syndicats. Mais si nous voulons que la liberté syndicale soit exercée librement dans le pays, elle ne doit pas se limiter à une seule loi, dans la mesure où la législation prévoit le droit d’exercer la liberté de constituer sa propre association ou son propre syndicat.
En ce qui concerne les audits financiers, je voudrais souligner que la loi sur les syndicats, depuis sa modification, n’exige plus que les syndicats soumettent leur rapport financier au gouvernement et que l’audit financier ne peut être demandé que par leurs membres ou leurs donateurs. Le gouvernement n’a pas le droit d’ordonner l’audit du rapport financier du syndicat, cela appartient à leurs membres ou à leurs donateurs, et cette obligation ne constitue pas une exception. Toute organisation reçoit des fonds de donateurs et des contributions de ses membres et doit rendre des comptes à ses donateurs. Il n’y a rien d’inhabituel à ce qu’un donateur demande un audit du rapport financier. Nous ne comprenons donc pas en quoi cela pose problème, car il s’agit en fait d’une pratique courante. Je crois que même l’OIT fait l’objet d’audits financiers à la demande des donateurs. Dès lors, le fait que la loi sur les syndicats exige que le rapport financier du syndicat fasse l’objet d’un audit à la demande de ses membres ou de ses donateurs n’est pas exceptionnel.
En ce qui concerne le Conseil d’arbitrage, les mêmes préoccupations nous sont adressées, mais la situation est totalement différente. Nous apprécions le fait que de nombreux pays soulèvent des questions au sujet du Conseil d’arbitrage. Nous essayons toutefois d’expliquer que le Conseil d’arbitrage est aujourd’hui en danger car le financement de deux donateurs, la Suède et l’USAID, s’achèvera à la fin de cette année. Dès lors, à partir de janvier 2025, il ne disposera plus que d’un financement couvrant 15 pour cent de ses dépenses totales. Dans un avenir proche, le Conseil d’arbitrage risque donc de disparaître faute de financement. Aujourd’hui, nous parlons de préserver l’indépendance du Conseil d’arbitrage, mais pourquoi n’abordonsnous pas la question de sa pérennité? Pour répondre à cette question, à titre informatif, le gouvernement s’est réuni avec le Conseil d’arbitrage à plusieurs reprises et il a été convenu que le gouvernement continuerait à financer cet organisme traditionnel, en l’absence de financement de la part d’un donateur, afin d’en assurer la pérennité après la fin 2024. En ce qui concerne l’indépendance du Conseil d’arbitrage, je voudrais souligner que le gouvernement comprend que la valeur du Conseil d’arbitrage réside dans l’impartialité et l’indépendance de ses décisions. Nous ne mettrons pas en péril cette valeur en lui apportant simplement un soutien financier afin de prendre en charge son indépendance et son impartialité, et cela doit être pris en compte lorsque nous parlons du Conseil d’arbitrage.
Membres travailleurs – Nous réitérons notre profonde préoccupation face à la persistance des actes de violence commis à l’égard des travailleurs et des arrestations de syndicalistes en lien avec leurs activités légitimes et pacifiques. Nous regrettons qu’aucune action sérieuse et rapide n’ait été entreprise pour enquêter sur ces actes et que les coupables ne soient pas poursuivis et condamnés pour leurs crimes. Il est temps que le gouvernement enquête sur l’ensemble des faits de violence à l’égard de travailleurs et de syndicalistes qui lui sont rapportés, sur les détentions arbitraires subies par les travailleurs et leurs représentants syndicaux, ainsi que sur les faits de meurtre commis à l’encontre des leaders syndicaux Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy. Le gouvernement doit garantir que l’exercice pacifique de la liberté syndicale ne soit soumis à aucune forme de répression dans le pays.
Nous avons entendu que les actes de violence ou de dégradation au cours d’actions collectives n’échappent pas à l’application de la loi. Ce que nous dénonçons, c’est l’utilisation abusive par les autorités de dispositions pénales pour réprimer l’exercice légitime et pacifique d’activités syndicales couvert par la convention. Et nous regrettons de devoir constater que c’est bien trop souvent le cas au Cambodge. Beaucoup de syndicalistes font l’objet de poursuites judiciaires. Les derniers exemples en date sont la condamnation et l’emprisonnement de la présidente du LRSU, Chhim Sithar. Il en est de même pour le président d’une fédération syndicale, Morn Rithy. Le groupe des travailleurs leur adresse toute sa solidarité.
Il conviendra que le gouvernement fasse le point sur l’ensemble des poursuites en cours à l’encontre de syndicalistes, en consultation avec les organisations syndicales concernées. Toutes les charges retenues ou les condamnations prononcées contre des syndicalistes ayant mené des activités syndicales légitimes doivent être abandonnées. Le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour que de telles poursuites et condamnations n’interviennent plus à l’avenir, en assurant notamment une formation régulière et systématique des inspecteurs du travail, des agents chargés de la résolution des conflits du travail, ainsi que des officiers de police. Des lignes directrices sur la police et la gestion des actions collectives ou de protestation seront développées à l’attention des forces de l’ordre, rappelant la nécessité de garantir l’exercice pacifique de la liberté syndicale.
Le gouvernement veillera à ce que tous les actes de discrimination syndicale fassent l’objet d’une enquête, que des réparations adéquates soient prévues et que des sanctions dissuasives soient appliquées. Nous recommandons au gouvernement de modifier la loi sur les syndicats, de sorte à garantir la conformité de la loi avec la convention. Le gouvernement abrogera l’exigence de connaissance du khmer pour accéder à une fonction dirigeante d’une organisation syndicale. Il abrogera également le paragraphe 2 de l’article 28 de la loi, qui prévoit la dissolution automatique d’un syndicat en cas de fermeture d’entreprise, ainsi que l’article 29, qui prévoit la possibilité pour toute personne de demander au tribunal la dissolution du syndicat. Enfin, les articles 17 et 27 de cette loi seront également revus de sorte que les exigences disproportionnées en matière d’audits financiers soient levées. Nous demandons également au gouvernement de prendre toutes les mesures législatives qui s’imposent de sorte à garantir le bénéfice de tous les droits dérivés de la liberté syndicale aux enseignants, aux travailleurs domestiques, aux fonctionnaires ainsi qu’aux travailleurs de l’économie informelle.
Le gouvernement examinera également avec les partenaires sociaux la possibilité de permettre la constitution de syndicats sectoriels ou par profession.
Il mettra en place des procédures d’enregistrement des syndicats qui sont simples, objectives et transparentes, notamment par la mise en place d’une base de données en ligne, en levant les obstacles pratiques à la formation et au fonctionnement des syndicats, en supprimant toute autorité discrétionnaire et en formant les fonctionnaires du ministère du Travail. Le gouvernement mettra en œuvre la feuille de route établie et simplifiera les modalités de suivi de sa mise en œuvre, en consultation avec les partenaires sociaux. Il veillera à identifier les domaines d’actions prioritaires et à établir un calendrier de réalisation des objectifs fixés.
Le gouvernement transmettra à la commission d’experts des informations sur les mesures prises pour modifier l’article 326 de la loi sur le travail et fournir des informations sur son application dans la pratique.
Il sera fondamental que le gouvernement revoie les règles qui régissent l’exercice d’actions collectives, notamment en mettant fin à la pratique courante du remplacement des travailleurs menant des actions collectives et en cessant de prononcer des injonctions pour empêcher une action revendicative, alors que les syndicats ont respecté toutes les procédures. Le rôle du comité chargé de la gestion des conflits collectifs devra également être clarifié de sorte qu’il ne puisse pas restreindre le droit légitime des organisations de travailleurs à mener des actions syndicales pour défendre les intérêts de leurs membres.
Le gouvernement veillera enfin à garantir que le conseil d’arbitrage soit une institution efficace et durable dans la résolution des conflits collectifs et que ses décisions soient contraignantes et effectivement mises en œuvre en droit et en pratique. De nouveaux arbitres seront recrutés et formés, et les confédérations et fédérations syndicales seront habilitées à y représenter leurs membres sans autorisation préalable.
Il nous paraît important que le gouvernement du Cambodge sollicite le soutien technique du BIT pour mettre en œuvre les recommandations que lui adressera la commission. Afin de pouvoir assurer le suivi de la situation dès l’année prochaine, il conviendra que le gouvernement fournisse un rapport complet à la commission d’experts pour le 1er septembre 2024.
Enfin, le cas du Cambodge a été identifié comme un cas de double note de bas de page par la commission d’experts, sur la base de critères qui établissent la gravité de la situation. Nous avons souligné et entendu, au cours de nos discussions, le caractère persistant des graves violations de la convention au Cambodge. Le climat de violence et d’impunité qui perdure reste une source de profonde préoccupation pour le groupe des travailleurs. C’est pourquoi nous demandons que le gouvernement accepte la venue d’une mission tripartite de haut niveau avant la prochaine Conférence.
Membres employeurs – Nous avons entendu tous les commentaires de tous les participants, des travailleurs, des gouvernements et de divers autres intervenants, et nous en avons soigneusement pris note. C’est, comme vient tout juste de le dire le porteparole des travailleurs, un cas de longue date, et je crois que nous en sommes tous conscients; les archives montrent qu’il a été discuté et commenté à de nombreuses reprises. Mais nous parlons aussi, pas tout à fait d’une question de prescription, mais de certaines choses qui, avec le temps, attirent moins l’attention que ce qui se passe maintenant. Comme je l’ai dit auparavant, la durée de ce cas est un des facteurs qui font qu’il est affecté d’une double note de bas de page cette année. Une absence de progrès aux yeux de la commission d’experts, de nouvelles allégations de violences et de répression contre les droits syndicaux et, probablement le plus révélateur à mes yeux, l’absence de rapport pour cette année, sont des facteurs qui, je crois, ont pesé dans la balance lorsque la commission d’experts a décidé de lui attribuer une double note de bas de page. Cela dit, lorsque vous vous penchez sur chaque élément de ces facteurs, outre les allégations de répression grave contre les syndicalistes et leurs droits, un certain nombre d’autres facteurs ont été examinés à plusieurs reprises au fil des ans et on voit mal comment ils s’aggraveraient alors que les mêmes effets continuent de se produire. Donc, compte tenu de cela, en passant en revue quelquesuns des points que j’ai évoqués en particulier, et j’ai insisté sur ce point précédemment lors de l’analyse de certains cas ou allégations, il s’avère extrêmement nécessaire de faire la distinction entre ce qui a été fait et qui l’a fait.
Le fait qu’une personne qui a été arrêtée soit un syndicaliste ne prouve pas, en soi, que cette personne a été arrêtée parce qu’elle était syndicaliste, et il est absolument nécessaire pour nous, en tant que commission, d’étudier ces faits en sachant si oui ou non nous avons la compétence requise pour nous en saisir. Si, par exemple, la personne en question a été appréhendée parce qu’elle jetait un cocktail Molotov en direction des policiers, je dirais alors que ce n’est pas une chose pour laquelle nous avons la compétence ou le mandat pour intervenir. Cela relève de la justice pénale du pays concerné. En revanche, si elle a été arrêtée purement et simplement parce qu’elle se trouvait sur une estrade face à un rassemblement pacifique de syndicalistes, il s’agit alors d’une mesure de suppression de la liberté syndicale. Il est donc nécessaire d’examiner ces éléments avant que la commission saisisse les rênes et entame son examen, et je dois dire que dans certains cas, y compris dans le cas présent, nous ne sommes pas tellement sûrs, nous ne disposons pas de suffisamment d’informations et nous formulons donc des commentaires sur quelque chose qui, en fin de compte, n’est peut-être pas de notre ressort.
Ainsi, une fois encore, nous devons vraiment effectuer une remise en contexte, lorsque nous nous penchons sur le cas du Cambodge, lorsque nous nous penchons sur d’autres cas qui nous sont soumis. C’est pourquoi je reprends à mon compte la demande des travailleurs pour davantage d’information. Les travailleurs ont dressé une longue liste de demandes d’information et je crois que cellesci sont en majorité fondées parce que, dans cette commission, nous devons fonder les jugements que nous portons et les appels que nous lançons sur une représentation fidèle du fait que quelque chose constitue ou non une transgression de la convention que nous examinons.
Pendant l’examen de la situation générale du Cambodge, nous avons vu et entendu des cas de progrès. Nous avons vu le travail accompli par le gouvernement dans une série de domaines, et je pointe en particulier la question de l’aptitude des forces de l’ordre et du maintien de la loi à distinguer ce qui est pacifique et ce qui ne l’est pas. Par exemple, la formation exigée de la police et des organes chargés de l’application des lois pour les manifestations publiques. Nous notons avec plaisir que le gouvernement a en fait pris des mesures en vue de former le personnel. Ce que nous aimerions voir, et dont nous n’avons encore vu aucun signe, c’est qu’il s’agit d’une particularité récurrente des missions quotidiennes normales et de la formation de ces organes.
Ce dont on nous a parlé, ce sont des activités et des programmes qui ont eu lieu pour dispenser une formation à un certain nombre de personnes. Ce que nous voudrions voir, du côté des employeurs, c’est que ce genre de formation et de connaissances soit dispensé en tant qu’élément normal du perfectionnement des compétences des agents chargés de l’application des lois, de sorte qu’elles soient constamment actualisées et qu’ils aient les connaissances leur permettant de juger à bon escient face à, par exemple, un rassemblement public. Quant aux questions de légalité, il y en a toute une variété, à croire le gouvernement et, à ce sujet, je voudrais revenir un peu en arrière, sur la question de la dissolution des syndicats. Un des éléments intrigants à propos du Cambodge est le nombre des syndicats d’entreprise. En d’autres termes, une entreprise, un groupe de travailleurs, un syndicat, un employeur. Cela n’est pas aussi répandu dans le reste du monde et une des choses que la commission doit apprécier est qu’il ne s’agit pas tout à fait d’une singularité, mais qu’il s’agit d’un trait relativement singulier du syndicalisme, qui est en soi un facteur du fonctionnement des choses. Je peux certainement accepter l’argument du gouvernement suivant lequel un syndicat disparaît parce que l’entreprise qui emploie ses adhérents a fermé ses portes, mais cela non plus ne suffit pas pour justifier une loi qui dit que le syndicat disparaît automatiquement. Parce qu’il peut arriver que ces travailleurs se remettent de nouveau ensemble sous l’égide d’un autre employeur, et le mécanisme qui les a protégés dans le passé pourrait facilement être le mécanisme qui les protège à l’avenir. Je pense qu’un réexamen ou une abrogation des dispositions rendant le processus de dissolution automatique est préconisé. Il faudrait plutôt refléter la convention lorsqu’elle prescrit que c’est aux organisations syndicales et aux employeurs qu’il appartient de réglementer leurs affaires, y compris la dissolution. Ce sont donc là les principaux points concernant la loi. S’agissant de l’enregistrement des syndicats, je pense qu’il s’agit presque d’un commentaire repris de la commission d’experts dans la mesure où son commentaire selon lequel l’enregistrement continue à poser des problèmes ne correspond pas à la réalité au vu de l’augmentation considérable du nombre des syndicats au Cambodge. On pourrait croire que l’enregistrement est presque trop facile du fait que le taux de progression, pas juste leur nombre, suggère qu’il n’y a pas autant d’obstacles qu’on pourrait le croire. Cela dit, la mission de contacts directs a recommandé de chercher des formules pour simplifier la procédure. De l’avis général, une partie des démarches bureaucratiques requises est peutêtre trop lourde pour être efficace, mais quant à dire qu’il s’agit d’un obstacle délibéré, cela ne se vérifie pas dans les faits. Nous demandons donc que le gouvernement s’attèle à la simplification de la procédure et, bien sûr, nous prions la commission d’experts de revoir sa position sur cette question en particulier. D’une manière générale, les recommandations de la mission de contacts directs consistent à revoir et appliquer la feuille de route et remettre des rapports d’avancement. Cette semaine ont été réclamés d’autres rapports sur cette question pour la date à laquelle doivent être remis les rapports pour la Conférence de l’année prochaine, à savoir le 1er septembre de cette année. Sachant tout cela, il s’agit vraiment d’un cas qui ne méritait pas une double note de bas de page, et je soupçonne que le fait de ne pas avoir remis de rapport l’an dernier est ce qui a fait pencher la balance. C’est un cas qui dure depuis trop longtemps et il a des caractéristiques qui peutêtre devraient être envisagées sous un jour différent, comme je l’ai dit, la nécessité de faire la distinction entre ce qui est pacifique et ce qui ne l’est pas. Mais tous ces éléments repris ensemble ne témoignent pas d’une dégradation grave de ce cas, il s’agit peutêtre d’un cas de frustration, le fait que les choses durent depuis si longtemps, nous avons eu la mission de contacts directs en 2022.
Il semble qu’il soit nécessaire de pousser le gouvernement pour qu’il fasse ce qui a été recommandé par la mission de contacts directs, de poursuivre avec les choses qu’il a déjà entreprises, et nous avons pris connaissance de la démonstration des choses qu’il a faites, mais en ayant toutes ces choses présentes à l’esprit, je pense qu’il serait sans doute prématuré de réclamer quelque chose aussi clinique qu’une mission tripartite de haut niveau, puisqu’il s’agit d’une procédure réservée aux situations qui présentent des problèmes particuliers et graves qui rentrent incontestablement dans le mandat de la commission. Même s’il se peut en réalité que le gouvernement ne soit pas capable d’apporter une solution à certaines de ces questions, je pense que, à la lumière de la dernière mission en date, cet appel serait prématuré.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi. La commission a également pris note des conclusions et des recommandations de la mission de contacts directs de l’OIT au Cambodge, qui a eu lieu du 28 mars au 1er avril 2022.
La commission a constaté que ce cas était à l’examen depuis longtemps et a profondément regretté que le gouvernement n’ait pas fourni le rapport relatif à l’application de la convention à la commission d’experts dans les délais voulus. Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a instamment prié le gouvernement du Cambodge de:
  • prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des syndicalistes ne soient arbitrairement arrêtés, détenus et poursuivis pour avoir exercé une activité syndicale légitime;
  • conclure les enquêtes en cours sur le meurtre des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth (en 2004) et Hy Vuthy (en 2007) et achever sans tarder les enquêtes sur toutes les autres allégations de violences perpétrées à l’encontre de syndicalistes;
  • revoir la liste des cas en instance liés aux manifestations de janvier 2014 avec les syndicats concernés;
  • veiller à ce que l’exercice pacifique d’activités syndicales n’entraîne pas de poursuites ni de sanctions pénales et à ce que les syndicalistes détenus pour avoir mené des activités syndicales légitimes soient immédiatement libérés;
  • élaborer des lignes directrices et former régulièrement et systématiquement tous les fonctionnaires concernés afin de garantir que l’activité syndicale légitime ne sera pas réprimée;
  • prendre d’autres mesures appropriées pour faciliter l’enregistrement des syndicats par une procédure simple, objective et transparente;
  • promouvoir l’exercice effectif des droits prévus par la convention pour les fonctionnaires, y compris les enseignants du secteur public, et pour les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle;
  • modifier les articles 17 et 27 de la loi sur les syndicats, afin que les audits financiers et les rapports d’activité ne soient requis que s’il existe des motifs sérieux de penser que les actions d’une organisation sont contraires à son règlement ou à la loi;
  • modifier les dispositions pertinentes de la loi sur les syndicats afin de garantir que les organisations de travailleurs ou d’employeurs ne puissent être dissoutes que sur la base des procédures prévues par leurs statuts, ou par une décision de justice, et que les procédures de dissolution par les membres soient à la discrétion des associations d’employeurs ou des syndicats, dans le cadre de leurs propres règlements et statuts;
  • prendre les mesures appropriées pour garantir que tous les syndicats aient le droit de représenter leurs membres dans les conflits collectifs, dans les procédures de traitement des plaintes au niveau de l’entreprise et au niveau ministériel, ainsi que devant le Conseil d’arbitrage; et
  • redoubler d’efforts pour faire du Conseil d’arbitrage une institution efficace et pérenne dans le traitement des conflits du travail.
La commission a appelé le gouvernement du Cambodge à communiquer toute information manquante demandée par la commission d’experts avant sa prochaine session, ainsi que des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations et les résultats obtenus.
La commission a également prié le gouvernement de mettre pleinement en œuvre la feuille de route et de simplifier son rapport d’avancement en consultation étroite avec les partenaires sociaux et avec le soutien du BIT.
La commission a pris note de la volonté du gouvernement de coopérer avec l’OIT et l’a invité à se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour mettre en œuvre efficacement toutes les recommandations de la commission.
Représentant gouvernemental – Ma délégation prend bonne note des commentaires et recommandations formulées par cette commission. Nous les prendrons sérieusement en considération et déploierons tous nos efforts pour les mettre en œuvre dans la mesure du possible, sur la base de nos lois et règlements en vigueur et des conventions internationales du travail auxquelles le Cambodge est partie.
Permettezmoi de saisir cette occasion pour réaffirmer l’engagement du Cambodge à promouvoir la liberté syndicale par le biais de notre loi sur le travail et de la loi sur les syndicats, qui offrent de meilleures conditions que celles de certains pays de la région, ainsi que des recommandations de l’OIT.
Après avoir enduré des décennies de guerre civile, le Cambodge accorde une grande importance à la paix et à la stabilité sociale qu’il a durement gagnées. La paix n’a pas de prix. Elle est tout pour le Cambodge et son peuple. C’est pourquoi nous sommes déterminés à la protéger coûte que coûte. À cet égard, il est indispensable de promouvoir une paix sociale durable. Pour protéger la paix sociale et celle du pays en général, les efforts conjoints du gouvernement, des employeurs et des travailleurs sont nécessaires.
Nul ne peut mener des actions criminelles sous le couvert de la liberté syndicale. Les droits syndicaux ne peuvent porter atteinte aux droits d’autrui, comme le prévoit l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Cambodge souscrit à ce principe et considère les droits des travailleurs comme des droits de l’homme. Par conséquent, aucun syndicaliste n’a été et ne sera poursuivi pour des activités légales, mais les actions illégales seront traitées au regard de la loi.
Nous sommes convaincus que l’impunité syndicale n’a pas sa place dans la convention no 87, que le Cambodge défend. En ce qui concerne le cas de M. Ros Sovannareth, je tiens à souligner que l’auteur du crime, M. Thach Saveth, a été condamné et purge actuellement sa peine en prison. Par conséquent, ma délégation souhaite réitérer sa demande à la commission de retirer le cas no 2318. En outre, il n’y a pas de cas en instance concernant l’émeute de janvier 2014, mais si les syndicats ont des informations, ils devraient les soumettre au ministère du Travail et de la Formation professionnelle. Sinon, ces préoccupations ne sont que des rumeurs.
En ce qui concerne la dissolution des syndicats, nous tenons à souligner que notre loi sur les syndicats n’accorde pas à l’autorité le pouvoir de dissoudre les syndicats; seul le tribunal peut le faire. Notre loi est meilleure que les lois de certains pays, où un syndicat peut être dissous par les autorités administratives.
En ce qui concerne le Conseil d’arbitrage, nous souhaitons à nouveau solliciter le soutien financier des donateurs pour que cette institution quasi judiciaire puisse continuer à fonctionner après la fin de cette année.
En résumé, le Cambodge reste déterminé à collaborer avec les partenaires sociaux pour renforcer les relations professionnelles et espère bénéficier d’une assistance technique supplémentaire de la part du BIT.
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