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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1944)

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La commission prend note des observations conjointes de la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Fédération des associations de professeurs d’université du Venezuela (FAPUV), la Centrale des travailleurs Alliance syndicale indépendante (CTASI); l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE), et la Centrale unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV) reçues le 30 août 2023. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à cet égard.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Flux migratoires massifs. La commission prend note de la déclaration du gouvernement, dans son rapport, selon laquelle les mesures coercitives unilatérales imposées au Venezuela se traduisent par un contexte économique incertain et une migration de la population vénézuélienne. Elle observe cependant que le gouvernement ne fournit pas d’informations spécifiques sur les mesures prises pour que cette situation ne conduise pas à une augmentation des cas de traite des Vénézuéliens parmi le nombre important de personnes qui migrent.
La commission note que, dans leurs observations conjointes, la CODESA, la CTV, la FAPUV, la CTASI, l’UNETE et la CUTV soulignent que ce phénomène n’a fait qu’empirer en raison de l’appauvrissement généralisé de la population, du déficit en termes de possibilités de scolarisation et d’emploi et des mauvaises conditions de vie ce qui a provoqué un exode massif de la population, qui voyage souvent de manière irrégulière et dans des conditions périlleuses, en continuant d’être exposée à des abus et des violations des droits humains dans les zones frontalières et sur les routes migratoires, y compris à la traite des personnes. À cet égard, les organisations syndicales indiquent qu’en raison de l’urgence de cette situation la CTASI a lancé une campagne intitulée «Nous avons le droit de ne pas migrer» réclamant la mise en place d’un pacte pour la migration vénézuélienne, avec l’appui de l’OIT et de l’OIM, considérant que la plus grande urgence est de chercher à prévenir et atténuer les causes de la migration et son lien avec la traite des personnes, à travers le dialogue social et une action coordonnée dans le but de valoriser le droit de ne pas migrer. Les organisations syndicales regrettent, en outre, l’absence de mesures prises par le gouvernement pour collecter et publier régulièrement des informations sur le nombre de personnes concernées par ce phénomène et susceptibles d’être affectées par la traite.
À cet égard, la commission note que, d’après la Plateforme régionale de coordination inter-institutions pour les réfugiés et les migrants au Venezuela (R4V), dirigée conjointement par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à ce jour, environ 7,7 millions de personnes ont quitté le territoire vénézuélien, dont plus de 80 pour cent ont migré en Amérique latine et dans les Caraïbes. La commission prend note de l’adoption du plan national pour le retour dans le pays de 2018-2025 («Plan Vuelta a la Patria») qui tend à faciliter le rapatriement de personnes de nationalité vénézuélienne par voie aérienne, maritime ou terrestre. Elle observe à cet égard que, dans ses observations finales de 2022, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants des Nations Unies a constaté avec préoccupation: 1) l’absence de données disponibles sur ces retours, alors que ces informations jouent un rôle déterminant dans l’élaboration des politiques de protection sociale et de réintégration des personnes rapatriées; 2) que les personnes considérées comme ayant participé à des actes de violence publique ou des actes haineux contre le peuple vénézuélien pourraient ne pas pouvoir bénéficier du programme d’aide au retour, compte tenu des conditions d’admissibilité applicables; 3) que la possibilité de bénéficier des mesures de réintégration socioéconomique et de protection sociale semble être subordonnée à l’inscription au système du «carnet de la patrie»; et 4) que des brimades ont été infligées à des personnes qui seraient revenues au Venezuela en dehors du programme d’aide au retour. Le Comité a également noté avec préoccupation la détérioration des services consulaires mis à la disposition des migrants vénézuéliens, en raison de la fermeture de plusieurs consulats à l’étranger, et les difficultés rencontrées pour obtenir ou renouveler un passeport, alors que ce document est indispensable pour que les migrants régularisent leur situation et aient accès aux services de santé, à l’emploi, au système éducatif et aux établissements financiers dans les pays de destination ou les pays d’accueil (CMW/C/VEN/CO/1, 27 octobre 2022).
Compte tenu des flux migratoires massifs et persistants, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures spécifiques pour garantir que les actions prises par les autorités nationales pour faire face à cette situation ne contribuent pas, directement ou indirectement, à augmenter la vulnérabilité des Vénézuéliens au risque de traite, à lintérieur ou à l’extérieur du pays. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout accord bilatéral signé avec les principaux pays d’accueil à cette fin, ainsi que sur la situation des migrants rentrés au pays, dans le cadre du programme daide au retour ou par leurs propres moyens, en précisant le soutien et le suivi dont les rapatriés bénéficient après leur arrivée, notamment pour faciliter leur insertion.
2. Cadre législatif et institutionnel. La commission prend dument note de: 1) l’adoption du Plan national de lutte contre la traite des personnes pour 2021-2025 et la création du Conseil national de lutte contre la traite des personnes, chargé d’assurer le suivi, l’évaluation, l’exécution et le contrôle dudit plan (décret présidentiel no 4.540 du 21 juillet 2021); et 2) de la mise en place, en novembre 2020, de la division spéciale du Bureau du Défenseur du peuple chargée d’assurer la protection des personnes migrantes, réfugiées et victimes de traite. Elle observe que, dans leurs observations conjointes, les organisations syndicales regrettent l’absence d’informations du gouvernement sur les actions spécifiques mises en œuvre par ces institutions pour lutter contre la traite des personnes, notamment dans le cadre du plan national, en particulier dans la région de l’Arco Minero del Orinoco (AMO), qui couvre les États de Bolívar, Amazonas et Delta Amacuro, où la situation est préoccupante et continue à s’aggraver. Les organisations syndicales ajoutent qu’avec la montée de l’exploitation minière illégale à Bolívar, l’État est devenu non seulement un point de transit et d’origine, mais aussi de destination pour la traite des personnes. Les Vénézuéliens venant dans cette région à la recherche de travail se retrouvent forcés à travailler dans les mines dans des conditions proches de l’esclavage et les femmes et les filles de communautés indigènes sont victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle dans les zones minières. Les organisations syndicales ajoutent qu’en juillet 2023, le gouvernement a lancé l’opération «Autana» pour expulser 10 000 mineurs de la région de l’Arco Minero del Orinoco.
La commission note que, dans leurs observations finales de 2023, le Comité des droits de l’homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies se sont tous deux dits préoccupés par l’augmentation des formes contemporaines d’esclavage, notamment la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail des enfants dans les zones minières, en particulier dans la région de l’Arco Minero del Orinoco, compte tenu de la présence de groupes armés et criminels non étatiques liés aux activités d’extraction. Par ailleurs, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a constaté avec préoccupation que la division spéciale du Bureau du Défenseur du peuple chargée d’assurer la protection des personnes migrantes, réfugiées et victimes de traite ne dispose pas des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour exécuter son mandat (CCPR/C/VEN/CO/5, 3 nov. 2023, et CEDAW/C/VEN/CO/9, 31 mai 2023).
La commission prend note avec préoccupation de ces informations. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la traite des personnes, tant à des fins dexploitation au travail que dexploitation sexuelle, notamment dans la région de lArco Minero del Orinoco, en particulier dans les secteurs miniers et agricoles.Observant que le Plan national de lutte contre la traite des êtres humains 2021-2025 n’a toujours pas été publié, la commission prie le gouvernement de communiquer copie dudit Plan ainsi que des informations sur les actions mises en œuvre dans le cadre de ce plan et sur l’évaluation des résultats obtenus et des difficultés rencontrées. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les fonctions et activités du Conseil national de lutte contre la traite des personnes et de la division spéciale du Bureau du Défenseur du peuple, et sur les mesures prises pour s’assurer que des moyens suffisants soient mis à leur disposition. Prière à nouveau dindiquer si ladoption du projet de loi contre la traite des personnes est toujours à lordre du jour.
3. Prévention et sensibilisation. La commission prend note de l’indication générale du gouvernement selon laquelle différentes stratégies, politiques et programmes ont été développés de manière coordonnée entre les différentes agences nationales en vue de prévenir et éliminer la traite des personnes, notamment en identifiant les zones géographiques dans lesquelles ce délit est susceptible de se produire, telles que les zones frontalières, et en renforçant leur présence via des actions de prévention et de sensibilisation destinées à la population en situation de vulnérabilité. La commission note que, dans leurs observations conjointes, les organisations syndicales soulignent l’impact limité des mesures de prévention mises en œuvre par le gouvernement, qui participe selon elles, indirectement, aux flux migratoires massifs de la population. Les organisations syndicales ajoutent que malgré les efforts du Bureau national contre la délinquance organisée et le financement du terrorisme (ONCDOFT), les activités de prévention mises en œuvre par l’ONCDOFT, entre janvier 2022 et avril 2023, auraient permis d’atteindre moins de 2 pour cent de la population, qui ignore donc l’amplitude du phénomène de la traite. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts pour mettre en œuvre des activités de prévention et de sensibilisation à grande échelle, concernant tant la traite des personnes à des fins dexploitation au travail que dexploitation sexuelle, au niveau national et local, en particulier dans les zones où plusieurs cas de traite ont été identifiés. Elle prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur le contenu des activités menées à cette fin, les outils de prévention mis en place, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées.
4. Identification et protection des victimes. La commission note que le gouvernement se réfère à l’Unité d’assistance aux victimes (UAV) au sein du ministère public, qui est un département rattaché au parquet supérieur de chaque État. Le service est entièrement gratuit et vise à fournir des orientations aux victimes de délits, notamment de traite, à les informer de leurs droits et les soutenir de manière personnalisée, en particulier sur le plan psychologique, afin de garantir leur intervention au cours de la procédure pénale. En ce qui concerne plus particulièrement les victimes vénézuéliennes présumées de traite identifiées à l’étranger, le gouvernent indique qu’un mécanisme d’assistance est prévu au sein des consulats afin de leur apporter l’assistance nécessaire et de référer ces cas potentiels aux autorités nationales. Le gouvernement ajoute que le Bureau national de prise en charge intégrale des victimes de violence (ONAIVV) est l’organisme chargé d’établir des politiques institutionnelles en la matière et intervient dans quatre domaines: la santé, le soutien psychologique, le domaine social et le domaine juridique. L’ONAIVV a élaboré un protocole pour l’unification des critères et procédures de prise en charge, de suivi, de contrôle et d’évaluation en matière de prise en charge des victimes de violence. Le gouvernement ajoute que, sur la période 2022-2023, 57 victimes de traite ont été identifiées, dont 47 adultes.
La commission note que, dans leurs observations conjointes, les organisations syndicales soulignent que ces chiffres ne reflètent pas l’ampleur de la traite et témoignent de l’absence de mécanismes adéquats de détection et d’identification des victimes de traite. Elles ajoutent que l’action de l’ONAIVV est dans la pratique limitée car il ne dispose pas d’antennes locales sur l’ensemble du territoire et se consacre principalement à la violence à l’encontre des femmes de manière générale.
La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour garantir que toutes les victimes de traite des personnes bénéficient dune protection et dune assistance adaptées à leur situation. Elle le prie de fournir des informations sur le nombre de victimes identifiées et ayant bénéficié dune assistance et le type dassistance fournie. Elle prie à nouveau le gouvernement de communiquer copie du protocole dassistance aux victimes de traite élaboré par lONCDOFT, une fois quil aura été révisé.
5. Répression et application de sanctions efficaces. La commission salue la création au sein du ministère public, d’une unité spéciale chargée d’enquêter sur la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles ainsi que, au sein du Corps d’investigations scientifiques, pénales et criminelles (CICPC), de la division des enquêtes sur la traite des personnes pour le signalement, l’enquête et le démantèlement des réseaux de traite. En ce qui concerne les activités de l’ONCDOFT, chargé de développer des programmes de formation pour les fonctionnaires du pouvoir judiciaire, du ministère public et des forces de l’ordre, le gouvernement indique qu’une série d’actions a été menée auprès des agents de police et des services d’immigration pour mieux identifier les cas de traite des personnes et les victimes. Par ailleurs, des activités de formation sur la traite ont été menées par le Défenseur du peuple et sa division spéciale créée en 2020, dans le cadre de son plan national de formation aux droits des victimes de la traite des personnes, notamment auprès des fonctionnaires du système judiciaire, des agents de police et des agents de services de l’immigration. Un total de 869 personnes a bénéficié de ces actions jusqu’à présent. Le gouvernement ajoute que des mesures de formation destinées aux agents de l’inspection du travail ont été menées par le ministère du Pouvoir populaire pour le processus de travail social, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans le but de travailler à l’identification, à la détection et à l’orientation des cas de traite présumés. Le gouvernement ajoute qu’il participe à différentes initiatives lancées au niveau régional afin de lutter contre la traite des personnes, telles que notamment la Plateforme régionale contre la traite des personnes et le trafic illicite des migrants, ou encore le Réseau de la traite et du trafic illicite de migrants de la Conférence sud-américaine sur les migrations.
La commission note, d’après les informations statistiques communiquées par le gouvernement, qu’une procédure pénale pour cas de traite des personnes a été ouverte contre 26 personnes en 2022 et 21 personnes en 2023. En outre, au total 51 personnes ont été condamnées pour le délit de traite sur cette période. La commission observe que parmi ces personnes, une seule a été condamnée pour traite à des fins de travail forcé, et note une nouvelle fois que le gouvernement ne précise pas la nature des sanctions imposées en la matière. La commission note que, dans leurs observations conjointes, les organisations syndicales soulignent la nécessité d’accroître le nombre et l’efficacité des activités de lutte contre la traite dans la mesure où ce phénomène continue à s’aggraver et devient plus complexe. Elles soulignent également le manque d’informations concernant les actions mises en œuvre par les nouvelles structures susvisées au sein du ministère public et du CICPC pour remplir leur mandat en matière de lutte contre la traite.
La commission prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de renforcer les capacités et les compétences des différentes autorités participant à la lutte contre la traite des personnes, afin que ces autorités puissent identifier les cas de traite, mener des enquêtes adéquates et engager des poursuites contre les auteurs de traite, ainsi que tout fonctionnaire complice. Rappelant que larticle 25 de la convention dispose que le fait dexiger du travail forcé doit être passible de sanctions réellement efficaces et strictement appliquées, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations précises sur le nombre et la nature des enquêtes menées, des poursuites engagées, des décisions de justice prononcées et des sanctions imposées, en précisant les dispositions de la législation nationale en vertu desquelles les poursuites pénales ont été engagées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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