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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Nigéria (Ratification: 2002)

Autre commentaire sur C182

Observation
  1. 2023
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  3. 2018
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Articles 3 a) et 7, paragraphe 2 b), de la convention. Toutes formes d’esclavage et pratiques analogues et mesures efficaces assorties de délais. Recrutement obligatoire d’enfants aux fins de leur utilisation dans un conflit armé et fourniture de l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté, à la lecture du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, qu’un plan d’action avait été signé entre la Civilian Joint Task Force (CJTF) et les Nations Unies pour faire cesser et empêcher le recrutement et l’utilisation d’enfants et qu’un ordre permanent avait été émis par la CJTF à cet égard. Elle a toutefois noté que, malgré une diminution du nombre total de cas vérifiés de recrutement et d’utilisation d’enfants pour des conflits armés, le rapport du Secrétaire général indiquait que les graves violations et abus commis par Boko Haram à l’encontre d’enfants restaient très préoccupants, en particulier l’utilisation d’enfants comme porteurs d’engins explosifs improvisés portés par des personnes ainsi que le grand nombre d’enlèvements.
En réponse à ses précédents commentaires, la commission prend note de la déclaration du gouvernement dans son rapport selon laquelle il a été identifié que les personnes qui recrutent de force des enfants dans les conflits armés sont des membres du groupe terroriste Boko Haram. Afin de mettre un terme à cette pratique, le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de la Défense, organise régulièrement des ateliers de sensibilisation et veille à l’enregistrement des membres des groupes d’autodéfense qui sont étroitement surveillés par le Corps nigérian de sécurité et de défense civile. Le gouvernement indique également que les enfants victimes qui ont été libérés des enclaves de Boko Haram sont réhabilités de manière adéquate grâce à l’opération «Safe Corridor» menée par le ministère de l’Aide humanitaire, de la Gestion des catastrophes et du Développement social et le ministère de la Défense.
La commission note également, d’après le rapport de juillet 2022 de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, que le gouverneur de l’État de Borno (qui est resté l’épicentre d’un conflit armé prolongé pendant plus de douze ans) a promulgué une loi sur les droits de l’enfant, qui prévoit la protection des enfants contre leur recrutement et leur utilisation dans les conflits armés et d’autres formes de violence et d’exploitation (paragr. 22). La commission note en outre que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, dans son rapport de juin 2022 sur les enfants et les conflits armés, a félicité la Force civile mixte (CJTF) pour avoir fait progresser de façon soutenue la mise en œuvre du plan d’action de 2017 visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants, notamment par un plan de formation à la protection de l’enfance et la création d’unités de protection de l’enfance dans les formations de la CJTF dans l’État de Borno, en collaboration avec les Nations unies (paragr. 271). Cependant, le rapport du Secrétaire général indique que l’ONU a confirmé 444 violations graves contre 356 enfants dans le nord-est du Nigéria. Au total, 63 enfants (9 garçons et 54 filles), certains âgés d’à peine 6 ans, ont été recrutés et utilisés par des groupes affiliés à Boko Haram ou qui s’en sont séparés: Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad (JAS) (45) et «Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (ISWAP)» (18) dans l’État de Borno, la plupart à la suite d’un enlèvement (paragr. 263 et 264).
Tout en prenant note de certaines mesures prises par le gouvernement concernant l’utilisation d’enfants dans des conflits armés, la commission doit une fois de plus déplorer profondément la persistance de cette pratique, d’autant plus qu’elle entraîne d’autres violations des droits de l’enfant, telles que des enlèvements, des meurtres et des violences sexuelles. Tout en reconnaissant la complexité de la situation sur le terrain et la présence de groupes armés dans le nord-est du pays, la commission exhorte le gouvernement à continuer de prendre des mesures, en utilisant tous les moyens disponibles, pour assurer la démobilisation complète et immédiate de tous les enfants et pour mettre fin, dans la pratique, au recrutement forcé ou à l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans dans les groupes armés. Elle prie également instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces pour veiller à ce que des enquêtes approfondies soient menées et des poursuites engagées contre toutes les personnes qui recrutent de force des enfants de moins de 18 ans pour les utiliser dans des conflits armés, et à ce que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées dans la pratique. Elle prie le gouvernement de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour assurer leur réadaptation et leur intégration sociale et de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard et sur les résultats obtenus.
Articles 5 et 7, paragraphe 1. Mécanismes de surveillance et sanctions. La commission prend note de l’information que le gouvernement lui a fournie en réponse à ses précédents commentaires, selon laquelle l’Agence nationale de prévention de la traite des personnes (NAPTIP) engage des actions systématiques de lutte contre la traite des personnes, notamment en mettant en œuvre à l’intention de la magistrature et des institutions chargées du maintien de l’ordre des programmes de sensibilisation et de renforcement des capacités, portant sur les enquêtes et les sanctions appropriées pour les infractions prévues par la loi de 2015 sur l’application du droit en matière de traite des personnes (interdiction). Le gouvernement indique également que les enquêtes sur les cas de traite d’enfants ont permis de sauver 2 966 enfants victimes de la traite. La commission note également que dans sa déclaration de fin de visite de septembre 2018, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, a salué les efforts de la NAPTIP tant au niveau fédéral qu’au niveau des États, ainsi que l’initiative récente du gouverneur de l’État d’Edo de mettre en place le «Groupe de travail de l’État d’Edo contre la traite des personnes», qui est présidé par le procureur général de l’État d’Edo.
Toutefois, ce document indique que le Nigéria reste un pays d’origine, de transit et de destination pour les victimes de la traite et que la traite interne des filles à des fins de servitude domestique et d’exploitation sexuelle et des garçons à des fins de mendicité infantile est endémique. En outre, la commission note avec préoccupation, d’après l’analyse de la situation des enfants au Nigéria effectuée par l’UNICEF en 2022, que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) signale que 18 pour cent des victimes de la traite au Nigéria sont des filles de moins de 18 ans. Des milliers d’enfants issus de foyers pauvres, âgés pour la plupart de 15 à 17 ans, sont engagés dans le travail domestique (p. 17). La commission prie le gouvernement de renforcer son action de lutte contre la traite des enfants en veillant à ce que les auteurs de tels actes soient identifiés et poursuivis, et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées. Elle le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures prises à cet égard, notamment par la NAPTIP. La commission prie en outre le gouvernement de continuer à fournir des statistiques sur les cas identifiés de traite d’enfants de moins de 18 ans, les poursuites engagées, les condamnations obtenues et les sanctions imposées.
Article 7, paragraphe 2 a) et e). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants. Accès à l’éducation de base gratuite et situation particulière des filles. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des différentes mesures et politiques mises en œuvre au Nigéria pour améliorer l’accès à l’éducation, telles que: la politique nationale d’éducation pour tous; l’initiative pour des écoles sûres lancée dans le nord-est pour les élèves touchés par le conflit; le Programme de tutorat, de mentorat et de conseil aux écoliers; et la campagne de scolarisation. La commission a toutefois noté, à la lecture du rapport 2018 de l’UNICEF sur l’éducation au Nigéria, que même si le taux d’inscription à l’école primaire s’était accru ces dernières années, le taux net de scolarisation était resté faible, à environ 70 pour cent. Le Nigéria compte encore 10,5 millions d’enfants non scolarisés, soit le chiffre le plus élevé au monde, dont 60 pour cent dans le nord du pays, où le conflit a empêché de nombreux enfants d’accéder à l’éducation. La commission a également noté qu’environ 60 pour cent des enfants non scolarisés sont des filles, et que beaucoup de celles qui s’inscrivent à l’école abandonnent ensuite.
La commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur cette question. Elle note, d’après un communiqué de presse de l’UNICEF de juin 2022, que le gouvernement de l’État de Katsina, en partenariat avec l’UNICEF, a lancé un programme de transfert d’argent en juin 2022, qui offrira des possibilités d’apprentissage à plus de 20 000 enfants non scolarisés dans l’État et améliorera le bien-être socio-économique des bénéficiaires et de leurs foyers. Ce communiqué de presse indique également qu’il y a actuellement 536 132 enfants non scolarisés dans l’État de Katsina. Un communiqué de presse de l’UNICEF de janvier 2022 indique en outre qu’un bon tiers des enfants nigérians ne sont pas scolarisés et qu’un enfant non scolarisé sur cinq dans le monde est nigérian. Des millions d’enfants nigérians n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe. On estime que 35 pour cent des enfants nigérians qui vont à l’école primaire ne vont pas à l’école secondaire. En mars 2021, environ 618 écoles ont été fermées dans six États du Nord par crainte d’attaques et d’enlèvements d’élèves et de personnel. Selon l’analyse de la situation des enfants au Nigéria effectuée par l’UNICEF en 2022, la proportion d’enfants non scolarisés au niveau de l’école primaire était de 27,2 pour cent (26,5 pour cent de garçons et 27,9 pour cent de filles) et de 25,8 pour cent au niveau de l’école secondaire (24,4 pour cent de garçons et 27,3 pour cent de filles). Le taux le plus élevé d’enfants non scolarisés a été signalé dans le nord-est (39,8 pour cent dans le primaire et 37,3 pour cent dans le secondaire). La commission note en outre que, selon les estimations de l’UNESCO, les taux bruts de scolarisation en 2018 dans le primaire et le secondaire étaient respectivement de 87,45 pour cent et 43,51 pour cent.
Tout en prenant note de certaines mesures prises par le gouvernement, la commission se doit d’exprimer sa profonde préoccupation devant le nombre important d’enfants qui ne suivent pas l’enseignement de base. La commission prie donc instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts pour améliorer le fonctionnement du système éducatif et faciliter l’accès de tous les enfants à une éducation de base gratuite, en particulier pour les filles et les enfants des zones touchées par la guerre dans le nord-est du Nigéria. À cet égard, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour augmenter les taux d’inscription et de fréquentation scolaires aux niveaux primaire et secondaire et pour réduire les taux d’abandon scolaire. Elle le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard et de communiquer des statistiques actualisées sur les résultats obtenus, notamment en ce qui concerne la réduction du nombre d’enfants non scolarisés aux niveaux primaire et secondaire.
Alinéa d). Identifier les enfants particulièrement exposés à des risques et entrer en contact avec eux. Enfants des rues. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté une augmentation du nombre d’enfants vivant dans la rue, notamment des enfants almajiris (enfants d’écoles islamiques qui sont également obligés de mendier). Elle a également pris note des informations du gouvernement concernant le lancement du projet spécial d’éducation des almajiris, qui vise à intégrer l’éducation de base dans les écoles coraniques.
La commission note une absence d’informations dans le rapport du gouvernement à ce sujet. Elle note avec préoccupation, à la lecture de l’analyse par l’UNICEF de la situation des enfants au Nigéria, 2022, que 62 pour cent des plus de 10,1 millions d’enfants non scolarisés au Nigéria sont des garçons, dont la majorité, surtout dans le nord, sont des enfants almajiris qui se voient refuser le droit à l’éducation (page 55). Considérant que les enfants des rues courent un risque plus élevé d’être engagés dans les pires formes de travail des enfants, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour protéger tous les enfants des rues, y compris les almajiris, contre les pires formes de travail des enfants et pour assurer leur réadaptation et leur réinsertion. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur les résultats obtenus. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enfants almajiris qui ont été intégrés grâce au projet spécial d’éducation des almajiris.
Compte tenu de la situation décrite ci-dessus, la commission déplore la poursuite du recrutement et de l’utilisation d’enfants dans les conflits armés par des groupes armés, d’autant plus que cela entraîne d’autres violations des droits de l’enfant, telles que des enlèvements, des meurtres et des violences sexuelles. La commission observe également avec préoccupation le grand nombre de garçons et de filles de moins de 18 ans qui sont victimes de la traite transfrontalière et interne à des fins de travail et d’exploitation sexuelle. Enfin, la commission doit exprimer sa profonde préoccupation quant au nombre important d’enfants privés d’éducation de base dans le pays, y compris les enfants almajiris (enfants des écoles islamiques qui sont également obligés de mendier). La commission considère que ce cas répond aux critères énoncés au paragraphe 114 de son rapport général pour être soumis à la Conférence.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 111e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]
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