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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2022, Publication : 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Nicaragua (Ratification: 1967)

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Cas individuel
  1. 2023
  2. 2022
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  4. 1987

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2022-NIC-087-Fr

Discussion par la commission

Représentante gouvernementale, ministre du Travail – Je prends la parole au nom de l’État du Nicaragua. Je veux évoquer le rapport sur l’application des normes internationales du travail de 2022 dans lequel la commission d’experts prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre et le 25 octobre 2021, dénonçant des actes de persécution, d’intimidation et de répression visant MM. José Adán Aguerri Chamorro, Michael Healy et Álvaro Vargas Duarte, et prie le Nicaragua d’indiquer si leur détention est liée de quelque manière que ce soit à l’exercice de leurs fonctions de soi-disant dirigeants patronaux.

À ce propos, l’État du Nicaragua précise que la détention de MM. José Adán Aguerri Chamorro, Michael Healy et Álvaro Vargas Duarte n’est aucunement liée aux activités qu’ils menaient dans le cadre de leurs fonctions en tant que dirigeants du Conseil supérieur de l’entreprise privée (COSEP).

Il est inacceptable que le contenu de ce rapport s’éloigne de l’esprit et des objectifs de la convention, dans la mesure où les personnes qu’il mentionne ont fait l’objet d’une enquête et ont été inculpées et condamnées pour des actes criminels contre le peuple nicaraguayen en application du système juridique national en vigueur. L’État du Nicaragua continue de refuser toutes formes de commentaires et d’intervention dans ses affaires intérieures qui portent atteinte à sa souveraineté et menacent la sécurité de l’emploi des familles nicaraguayennes. À cet égard, nous demandons à l’OIT de faire avancer la discussion et de rechercher des solutions ayant trait au monde du travail et encourageant le développement social des familles.

En ce qui concerne la recommandation de l’OIT de modifier les articles 389 et 390 du Code du travail, l’État du Nicaragua fait savoir que, conformément au principe de souveraineté établi dans la Constitution politique, cette décision appartient au peuple nicaraguayen. Le gouvernement de réconciliation et d’unité nationale, dans le respect de la législation du travail, continue de renforcer le droit à la liberté syndicale des travailleuses et des travailleurs nicaraguayens pour qu’ils jouissent pleinement du droit de constituer des organisations syndicales et d’organiser librement leurs activités et de formuler leur programme d’action. Ce faisant, il respecte la législation nationale du travail, les conventions internationales de l’OIT que le Nicaragua a ratifiées et l’article 81 de la Constitution politique du Nicaragua en vertu duquel les travailleuses et les travailleurs ont le droit de participer à la gestion des entreprises par le truchement de leurs organisations syndicales.

En outre, au travers des rapports qu’il soumet au BIT, l’État du Nicaragua communique en temps opportun des informations sur le respect du droit à la syndicalisation et ses progrès en la matière dans tous les secteurs de l’économie nationale.

Enfin, nous réaffirmons que l’objectif commun du gouvernement de réconciliation et d’unité nationale est de restituer les droits aux familles nicaraguayennes, dont le droit à la stabilité de l’emploi, à la liberté syndicale et à la paix sociale.

Membres employeurs – Nous sommes confrontés à une situation dans laquelle, s’agissant de l’exercice de la liberté d’association et, partant, de la liberté d’expression, les plus hauts dirigeants de l’organisation la plus représentative des employeurs que le Nicaragua n’ait jamais eu ces derniers temps ont été arbitrairement détenus.

Ces événements appellent l’attention de la commission non seulement pour qu’elle se penche sur la situation des employeurs, mais aussi pour qu’elle adopte la position générale toujours suivie dans cette maison de respecter tant les travailleurs que les employeurs lorsqu’ils s’organisent aux fins du libre exercice de leurs activités.

Je vais essayer de fournir une explication et j’invite les gouvernements et les représentants des travailleurs à comprendre pour quelle raison le groupe des employeurs a considéré qu’il s’agit d’une affaire extrêmement grave qui porte atteinte au sens le plus profond de l’exercice des libertés que prône cette Organisation.

Madame la ministre du Travail, que je remercie pour sa participation et son exposé, a effectivement mentionné la détention de ces dirigeants.

À cela s’ajoute le fait que d’autres personnes que MM. José Adán Aguerri et Michael Healy sont actuellement arbitrairement détenues au Nicaragua: il s’agit de MM. Álvaro Vargas Duarte, Luis Rivas, membre de l’Association des banques du Nicaragua et Juan Lorenzo Hollman, ancien président de l’Institut nicaraguayen de développement (INDE); soit cinq hauts responsables en prison. M. José Adán Aguerri a déjà été condamné à treize ans de prison pour des actes qui, d’après ce que nous a dit la représentante gouvernementale, n’ont rien à voir avec la liberté syndicale. Mais je vais montrer qu’il y a un grand nombre de précédents qui poussent à penser qu’il y a effectivement un lien.

L’an dernier, l’OIE a déposé une réclamation dans le cadre de laquelle des informations très éclairantes ont été données. Tout d’abord, citons le harcèlement à l’endroit de ces dirigeants d’organisations professionnelles. Dans une décision de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, des mesures de protection ont été octroyées à MM. José Adán Aguerri et Michael Healy, car il a été démontré qu’ils couraient de grands risques dans l’exercice de leurs activités.

Le 3 août 2018, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a décidé de demander des mesures de protection. Le 17 juin 2018, 15 individus cagoulés et armés sont entrés chez M. Michael Healy, à Chacatilla y Zopilote, et ont violemment pris possession des lieux. Les faits remontent donc à cette date.

Ensuite, le 3 septembre 2019, un attentat a eu lieu dans la ville de León contre le président et le vice-président du COSEP de l’époque. Puis, un groupe de personnes proches du gouvernement ont écrit des messages et apposé des inscriptions sur les installations du COSEP comportant des menaces bien précises relatives à l’exercice légitime de leurs activités. Ils ont écrit des phrases telles que «putschistes, patrons du chômage» et apposé d’autres inscriptions.

À cela est venu s’ajouter, en 2020, un attentat dans la ville de León contre le président du COSEP. Le 25 mars 2021, M. Michael Healy, président du COSEP, alors en déplacement professionnel pour connaître le système de production industrielle et les cultures, et M. Mateo Daniel Capitanich, ambassadeur de l’Argentine au Nicaragua, qui faisait partie des personnes qui l’accompagnaient, ont été verbalement agressés et poursuivis par des agents civils proches du gouvernement.

Le gouvernement et la famille du président s’en sont également pris au secteur des entreprises affiliées au COSEP. De plus, des groupes proches du gouvernement se sont emparés de terres dans le but d’intimider et de réprimer directement le secteur privé affilié au COSEP. Des terres privées ont été prises et envahies, en violation de la Constitution politique du Nicaragua.

De la même manière, outre la détention de ces chefs d’entreprises du COSEP et, en particulier, des cinq personnes que j’ai mentionnées, des campagnes de dénigrement et de persécution du COSEP et de ses dirigeants ont été menées. Depuis le 11 juin 2021, une campagne de dénigrement est menée contre l’ancien président du COSEP, M. José Adán Aguerri, pour ses activités.

Il y a une série d’histoires que je ne vais pas détailler ici et que le Bureau connaît bien grâce à la plainte que nous avons soumise.

Il nous semble important de souligner d’autres aspects s’agissant des limites au bénéfice de la coopération internationale. Concrètement, la loi no 1040 sur la réglementation des agents étrangers, qui n’est pas uniquement objet de préoccupation pour une organisation comme celle dont disposent les entrepreneurs au Nicaragua, est applicable à toute organisation qui, d’une manière ou d’une autre, reçoit des ressources étrangères. Elle peut s’appliquer aussi bien aux organisations non gouvernementales qu’aux syndicats. Il y a d’énormes restrictions sur ces points; en particulier, les rapporteurs d’organismes internationaux ont expliqué comment cette loi est contraire aux décisions et normes convenues au niveau international.

Il existe donc une très longue série de faits présentés par ces rapporteurs spéciaux. Je souhaite simplement lire comment, dans leurs conclusions, ils évoquent la question: «Cette loi présente des problèmes graves et fondamentaux de compatibilité avec les obligations du Nicaragua en vertu du droit international, car elle pose problème au regard du droit international, en général, et des droits de l’homme, en particulier.»

Ces rapporteurs ont instamment prié le gouvernement du Nicaragua de réviser la loi no 1040, d’ouvrir un espace public de discussion et de garantir que les normes internationales sont alignées sur les droits de l’homme et les normes qu’ils décrivent.

De la même manière, le 26 février 2021, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a prononcé des décisions relatives à des sujets visés par cette loi qui disposent en particulier que «la loi adoptée imposera des restrictions indues à des personnes physiques et morales et peut compromettre la liberté d’association, le droit à la vie privée et la liberté d’expression».

À cela s’ajoutent également les points de vue d’organisations internationales et nicaraguayennes dont nous avons donné des détails dans notre réclamation.

En dernier lieu, nous souhaitons dire qu’il y a d’autres aspects liés au rapport de la commission d’experts qui concernent des questions relatives à la grève dont nous ne parlerons pas pour les raisons que vous savez.

Membres travailleurs – C’est la première fois que la commission discute de l’application de cette convention par le gouvernement du Nicaragua, qui l’a ratifiée en 1967, il y a de cela cinquante-cinq ans, un peu plus d’un demi-siècle.

Nous prenons note avec préoccupation des allégations d’arrestation et de détention de trois dirigeants d’organisations d’employeurs, en juin et octobre 2021, et nous notons que la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont condamné leur détention et ont ordonné au gouvernement de les remettre immédiatement en liberté.

La commission d’experts a exprimé ses vives préoccupations concernant l’arrestation et la détention de ces dirigeants. Elle a aussi répété à plusieurs reprises que le respect des libertés fondamentales, notamment la sécurité et l’intégrité physique des personnes, le droit à la protection contre les arrestations et détentions arbitraires et le droit à un procès équitable, est essentiel à l’exercice des droits syndicaux.

Il nous faut dire que le respect de l’autorité, des interprétations, des observations et des demandes de la commission d’experts est une pierre angulaire du fonctionnement efficace du système de contrôle et, à cet égard, nous devons souligner et rappeler à la commission d’experts que le droit à la liberté syndicale est vide de tout sens si les droits humains fondamentaux, la primauté du droit et les libertés civiles ne sont pas respectés. Nous réitérons que la détention de dirigeants employeurs et travailleurs pour des activités en rapport d’une manière ou d’une autre avec l’exercice de leurs fonctions de dirigeants est contraire à la convention. La commission d’experts a formulé cette observation de manière répétée à propos de la convention.

Nous prions instamment le gouvernement du Nicaragua de fournir à la commission d’experts toutes les informations matérielles relatives aux chefs d’accusation portés contre ces dirigeants, aux procédures légales ou judiciaires engagées et à l’issue de ces procédures.

Nous relevons dans le rapport de la commission d’experts que celle-ci souligne depuis plusieurs années la nécessité de modifier les articles 389 et 390 du Code du travail, en vertu desquels un conflit collectif est soumis à un arbitrage obligatoire à l’échéance d’un délai de trente jours à compter de la déclaration de la grève. La commission d’experts a insisté sur la nécessité de modifier ces dispositions. Elle a signifié clairement que le fait d’imposer un arbitrage obligatoire pour mettre fin à une grève, en dehors des cas dans lesquels une grève peut être limitée, est contraire au droit des travailleurs d’organiser librement leurs activités et de formuler leurs programmes.

Nous respectons les observations et les interprétations de la commission d’experts et nous prions instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 389 et 390 du Code du travail, en faisant en sorte que l’arbitrage obligatoire ne soit possible que dans les cas où une grève peut être limitée, par exemple dans des conflits dans la fonction publique impliquant des fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’État, dans des services essentiels au sens strict du terme, ou en cas de crise nationale aiguë.

Nous invitons instamment le gouvernement à fournir à la commission d’experts des informations sur tout fait nouveau survenu à cet égard, comme cela lui a été demandé.

Nous avons aussi noté avec satisfaction que le gouvernement du Nicaragua a mis en chantier diverses initiatives visant à promouvoir le droit d’organisation, en garantissant les droits des travailleurs à la liberté syndicale, en supprimant les obstacles à l’enregistrement des organisations syndicales, en promouvant l’organisation des travailleurs pour compte propre et en dispensant une formation à des dirigeants syndicaux.

Nous notons avec intérêt que, du fait de ces initiatives, 111 nouvelles organisations syndicales ont vu le jour entre 2018 et 2021, comptant 3  902 adhérents, et que 2  884 organisations syndicales ont été remaniées, pour un total de 222  370 adhérents. Les membres travailleurs se félicitent des efforts déployés par le gouvernement et des résultats obtenus, et ils l’exhortent à continuer de mettre en route des initiatives et à poursuivre des activités pour la promotion de la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit d’organisation.

Membre travailleur, Nicaragua – Une fois de plus, je suis surpris de me retrouver dans cette commission pour un cas qui concerne mon pays, le Nicaragua. Surpris, car le cas présenté par les employeurs, de nature politique et ne concernant pas le travail, porte sur un sujet politique dans lequel la commission n’a rien à voir.

Au Nicaragua, la pleine liberté d’organisation existe. Elle est encadrée, comme dans tout pays, par des normes et lois qui régissent la société. On applique à toute personne ayant commis une infraction, indépendamment de son statut social, la procédure prévue par la législation nationale pour la sanctionner.

Les messieurs mentionnés dans ce cas font partie des idéologues d’un coup d’État raté qui a conduit à des assassinats, des enlèvements et des tortures dans les «barrages de la mort»; nous pouvons pardonner, mais non oublier.

Ces messieurs, élevés au rang de saints innocents, sont responsables de répercussions préjudiciables qui ont pesé sur l’économie nationale et qui se sont traduites par une perte de plus de 27 milliards de dollars des États-Unis et le licenciement, dans le secteur privé, de 250  000 travailleurs. Nous ne pouvons pas l’oublier.

Les personnes qui présentent ce cas fondent leurs allégations sur des mensonges diffusés par des instruments de désinformation à la solde de ceux qui se prennent pour les maîtres du monde. C’est un sujet à l’ordre du jour politique de l’administration nord-américaine qui nous applique les mal nommées sanctions qui ont des effets néfastes sur l’emploi des travailleuses et des travailleurs nicaraguayens. Il faut donc rejeter les propos du porte-parole des employeurs.

Depuis 2007, le gouvernement, par l’entremise du ministère du Travail, a privilégié le dialogue, les accords et le consensus, permettant ainsi de régler les conflits à la table des négociations. Ce modèle, élevé au rang constitutionnel, a été brisé par ceux qui aujourd’hui se plaignent de leurs mauvaises actions antipatriotiques et ont emprunté la voie de la destruction et de l’autoexclusion en renonçant à tous les espaces de concertation, de négociation et de consensus.

Nous, travailleuses et travailleurs, avec le gouvernement, présidé par le Président Daniel Ortega, sommes les sujets des transformations économiques, avons la pleine liberté d’exercice syndical, pouvons négocier des conventions collectives, négocions des hausses de salaire et assurons le suivi des questions de santé et de sécurité au travail par l’intermédiaire des comités prévus à cet effet.

Nous pensons que, au sein de la commission, nous devons aborder et examiner des questions du travail et non des sujets de nature politique caractérisés par une ingérence. Il ne faut pas dévoyer le rôle de la commission et la transformer en un instrument portant atteinte à la souveraineté et à l’ordre interne de notre pays.

Aujourd’hui, nous avons retrouvé le chemin de la croissance économique malgré la tentative de coup d’État, la pandémie, les effets dévastateurs de deux ouragans de catégorie 5 et les mal nommées sanctions économiques imposées de manière arbitraire et interventionniste par l’administration des États-Unis et l’Union européenne. Les effets néfastes sur notre économie ont pu être surmontés grâce à l’effort consenti par les travailleuses et les travailleurs, les chefs d’entreprise et le gouvernement pour retrouver le chemin de l’alliance, du dialogue et du consensus.

Comme le reconnaît la commission d’experts, le Nicaragua a fourni les informations demandées par le Bureau en temps voulu. Nous le savons parce que nous participons à l’élaboration des rapports dans le cadre des consultations menées par le ministère du Travail. Nous avançons d’un pas ferme et assuré vers le plein redressement économique, même si des facteurs externes frappent notre économie, ralentissant ainsi le rythme de notre avancée.

Nous réaffirmons que rien ne justifie que le Nicaragua figure parmi les cas examinés par la commission; aucun élément ne le justifie et aucun argument convaincant n’étaye ce cas. Le fait même d’introduire des éléments étrangers à la convention nous conforte dans l’idée que le Nicaragua ne devrait pas répondre ici à des mensonges. Je rappelle que la convention nous permet bien de parler de la question de la grève, même si cela ne plaît pas à ces messieurs les chefs d’entreprise.

Membre gouvernementale, France – Je m’exprime au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. Le Monténégro, pays candidat, la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange, membre de l’Espace économique européen, ainsi que la Géorgie et l’Ukraine s’alignent sur la présente déclaration.

L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits du travail, le droit d’organisation et la liberté d’association.

Nous encourageons activement la ratification et la mise en œuvre universelles des normes internationales fondamentales du travail, y compris cette convention. Nous soutenons l’OIT dans son rôle indispensable d’élaboration, de promotion et de contrôle de l’application des normes internationales du travail ratifiées et des conventions fondamentales en particulier.

L’UE et le Nicaragua ont entretenu des relations étroites. Certains des objectifs de l’accord d’association signé entre l’UE et l’Amérique centrale étaient de développer un partenariat politique privilégié fondé sur des valeurs, des principes et des objectifs communs, notamment le respect et la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, le développement durable, la bonne gouvernance et l’état de droit, et de contribuer à un développement économique durable et inclusif, au plein emploi productif et au travail décent.

Nous sommes profondément préoccupés par la poursuite de la détérioration des droits de l’homme, notamment des droits du travail et du niveau de vie au Nicaragua.

Nous sommes gravement préoccupés par le fait que, depuis 2018, le gouvernement du Nicaragua a procédé à l’incarcération, au harcèlement et à l’intimidation systématiques des précandidats à l’élection présidentielle, des dirigeants de l’opposition, des dirigeants étudiants et ruraux, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des représentants des entreprises, notamment des actes de persécution, d’intimidation et de répression à l’encontre des dirigeants du COSEP et du secteur des entreprises affilié au COSEP, ainsi que la détention arbitraire de dirigeants patronaux, sans mandat ni procédure légale régulière. Le respect des libertés fondamentales, telles que la sécurité et l’intégrité physique des personnes, le droit à la protection contre l’arrestation et la détention arbitraires et le droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial sont essentiels à la réalisation des droits consacrés par la convention.

Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de Michael Edwin Healy Lacayo, Álvaro Javier Vargas Duarte, Luis Rivas, José Adán Aguerri Chamorro et d’autres dirigeants patronaux, ainsi que de tous les autres prisonniers politiques, et l’annulation de toutes les procédures judiciaires engagées contre eux, y compris leurs condamnations. L’arrestation de dirigeants patronaux pour des raisons liées à l’exercice de leurs fonctions constitue une grave violation de la liberté d’association.

Non seulement le gouvernement du Nicaragua a privé son peuple du droit civil et politique de voter lors d’une élection crédible, inclusive, juste et transparente en novembre 2021, mais il continue également à ne pas respecter ses propres engagements en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales. En outre, le peuple nicaraguayen continue d’être privé de sa liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Les voix dissidentes sont réduites au silence, plus de 200 organisations de la société civile ont été interdites pour des motifs politiques peu convaincants et la répression de l’État est implacable. Nous demandons au gouvernement nicaraguayen de mettre fin à cette répression et de rétablir le plein respect des droits de l’homme, y compris des droits du travail, notamment en autorisant le retour des organismes internationaux dans le pays.

En outre, nous soutenons pleinement les appels de la commission d’experts demandant au gouvernement nicaraguayen de revoir d’autres restrictions inacceptables à la liberté d’association, notamment la modification des articles 389 et 390 du Code du travail, qui violent actuellement le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités en toute liberté, ainsi que la loi no 1040 sur la réglementation des agents étrangers. Tout en prenant note des initiatives rapportées par le gouvernement du Nicaragua en matière de promotion du droit d’organisation, nous observons toujours de graves violations de la convention et du droit fondamental à la liberté d’association, en droit comme en pratique.

L’UE continuera à suivre de près la situation et à soutenir le peuple du Nicaragua dans son aspiration légitime à la démocratie, au respect des droits de l’homme, y compris les droits du travail et à l’état de droit.

Membre gouvernementale, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, s’exprimant également au nom du Canada – Le Royaume-Uni et le Canada condamnent sans équivoque les abus et violations des droits de l’homme qui se produisent au Nicaragua. Sous le Président Ortega et le vice-président Murillo, les autorités nicaraguayennes ont systématiquement et de manière répétée enfreint les normes internationales des droits de l’homme et ont fonctionné en marge de la Constitution de leur propre pays. La communauté internationale a le devoir d’exiger des autorités nicaraguayennes qu’elles rendent compte de leurs actes.

Le Royaume-Uni et le Canada regrettent qu’aucun progrès vérifiable n’ait été accompli depuis que la commission d’experts a publié son rapport. S’agissant en particulier de la liberté d’association, de la négociation collective et des relations au travail, le Royaume-Uni et le Canada regrettent que les autorités nicaraguayennes continuent de se livrer à des actes de persécution, d’intimidation et de répression contre de nombreux acteurs du secteur des entreprises.

Le Royaume-Uni et le Canada notent que les autorités nicaraguayennes n’ont toujours fourni aucune information précise et aucun élément matériel à propos des chefs d’accusation retenus contre les dirigeants d’organisations d’employeurs, sur les procédures légales ou judiciaires engagées à leur encontre, ou sur l’issue de celles-ci. Le gouvernement nicaraguayen doit encore faire connaître ses commentaires sur la loi sur la réglementation des agents étrangers et sur l’allégation selon laquelle elle impose des restrictions inacceptables à la liberté syndicale.

Le Royaume-Uni et le Canada ont appelé de manière répétée le Nicaragua à s’acquitter de ses obligations internationales, notamment en respectant les droits de l’homme de tous ses citoyens et en mettant un terme à la répression dans le pays. Nous avons fait entendre notre voix en condamnant les contraintes que le gouvernement fait peser sur la liberté politique et nous avons exhorté les autorités à libérer immédiatement et sans condition tous ceux qui sont détenus de manière arbitraire, comme les responsables politiques et dirigeants des milieux d’affaires, les syndicalistes, les journalistes, les étudiants, les militants des droits de l’homme et tous ceux qui ont participé à des actions de protestation pacifiques, et à cesser leur intimidation visant la société civile.

Nous appelons le gouvernement nicaraguayen à remplir ses obligations au titre de la convention, à faire en sorte que les travailleurs et les employeurs soient en mesure d’exercer leurs droits à la liberté d’association, sans devoir craindre la violence, l’arrestation et la détention arbitraires. Nous soutenons donc résolument l’OIT lorsqu’elle demande aux autorités nicaraguayennes des informations plus complètes et spécifiques sur le droit d’organisation, la promotion de la négociation collective et sur les conventions collectives.

Président – On m’informe que le gouvernement du Nicaragua souhaite soulever une motion d’ordre.

Représentante gouvernementale, ministre du Travail – La motion d’ordre que nous soulevons est la suivante. De toute évidence, les interventions que nous avons entendues, que nous avons écoutées, n’ont absolument rien à voir avec le thème de la convention, à savoir la liberté syndicale.

Les efforts dont fait preuve le Nicaragua et les informations fournies témoignent que la question de la liberté syndicale a fait de réels progrès dans le pays. Au Nicaragua, tous les secteurs économiques, publics et privés, jouissent du droit à la liberté d’association. Ces interventions sont totalement en dehors de l’ordre juridique et ne correspondent pas à l’esprit de la convention et encore moins à l’esprit de la Constitution et du Règlement de l’Organisation internationale du Travail.

Pour cette raison, nous demandons de faire preuve de modération et de nous concentrer sur la question à débattre, à savoir la liberté syndicale.

Membre gouvernemental, République bolivarienne du Venezuela – Nous avons pris note que, selon le gouvernement du Nicaragua, la détention des personnes citées dans ce cas est due au fait qu’ils font l’objet de poursuites pour divers actes criminels, visés et sanctionnés par la législation nationale, et qu’elle n’est pas liée à leurs activités en tant qu’employeurs.

À cet égard, compte tenu des arguments du gouvernement du Nicaragua, il convient de noter que les actes criminels prévus et punis par le droit national ne sont pas couverts par la convention. Nous rappelons que l’article 8 de la convention dispose de manière claire et catégorique que la liberté syndicale doit être exercée conformément à la législation de chaque pays et que, par conséquent, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives, à l’instar des autres personnes ou collectivités organisées, sont tenus de respecter la loi.

Nous apprécions le fait que, comme l’a exprimé le gouvernement nicaraguayen, la collaboration étroite entre la chambre d’entreprise et le gouvernement permet de renforcer son plan national de lutte contre la pauvreté. Nous ne pouvons pas ignorer le fait qu’au Nicaragua, entre 2018 et 2021, 111 nouvelles organisations syndicales ont été constituées, regroupant plus de 3900 travailleurs, et plus de 2800 organisations syndicales ont été remaniées, représentant 222370 travailleurs.

Comme toujours, nous demandons aux organes de contrôle de se garder de toutes considérations politiques et d’éviter que les commentaires n’aillent trop loin, car cela nuit à leur sérieux et à leur crédibilité et compromet l’objectif que nous poursuivons au sein de l’OIT. Nous l’avons déjà dit en d’autres occasions et nous sommes préoccupés par la dérive permanente à laquelle donne lieu l’examen des cas qui se transforment inutilement en réquisitoire politique.

Le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela espère que les conclusions de cette commission seront objectives et équilibrées, afin que le gouvernement du Nicaragua puisse continuer à progresser et à renforcer l’application de la convention.

Membre travailleur, Argentine – Le cas que nous examinons comporte deux volets. Le premier tient au fait que le gouvernement du Nicaragua n’a fourni aucune information pour répondre à la demande de la commission d’experts concernant les motifs précis de la détention des dirigeants d’une organisation d’employeurs.

Le gouvernement fait valoir que les arrestations ont été effectuées pour des actes criminels, alors que la plainte des employeurs, pour sa part, indique que les arrestations ont été motivées par une action de revendication contre le gouvernement. La commission d’experts demande, à juste titre, davantage d’informations avant de se prononcer.

Il est nécessaire, d’après nous, que le gouvernement se conforme à la demande de la commission d’experts dans les plus brefs délais et qu’il fournisse des informations plus détaillées, qu’il communique le rapport judiciaire officiel, nous donnant ainsi les éléments nécessaires pour analyser les faits grâce à une meilleure compréhension de la situation.

La position des travailleurs est claire: nous voulons la vérité et la justice, toujours, et de manière absolue. C’est pourquoi toutes les informations doivent être clarifiées par les moyens appropriés. Ensuite, avec les informations en notre possession, nous nous prononcerons.

Personne n’ignore ici que les événements se sont déroulés dans le cadre de la crise de 2018 et ses conséquences; un conflit multidimensionnel qui a eu un impact sur l’économie, les institutions et la société dans son ensemble. La restauration de la paix passe par un processus de dialogue auquel doivent participer tous les secteurs. Les acteurs sociaux, les gouvernements et les organisations internationales doivent travailler ensemble pour que le peuple nicaraguayen puisse retrouver la paix et l’harmonie. Le mouvement des travailleurs au Nicaragua et dans la région contribue, comme il se doit, à ce processus difficile, et nous exigeons la même chose des employeurs, ainsi qu’une mission spéciale d’accompagnement du Bureau.

Le deuxième volet porte sur des aspects techniques des normes du travail et se réfère aux articles 389 et 390 du Code du travail, qui prévoient qu’un conflit collectif est soumis à un arbitrage obligatoire à l’échéance d’un délai de trente jours à compter de la déclaration de la grève. Nous pensons que cette disposition doit être modifiée en consultation avec les acteurs sociaux. Le gouvernement soutient qu’elle est dépassée, pour ainsi dire abrogée pour défaut d’usage dans la pratique; cependant, cette disposition doit être supprimée de manière à ce qu’elle ne constitue pas une menace latente.

Une paix durable ne peut être garantie que par la justice sociale, telle est notre devise, et nous devons travailler ensemble pour atteindre une paix durable au Nicaragua à la faveur d’un processus de développement économique avec une distribution équitable des revenus.

Membre gouvernemental, État plurinational de Bolivie – Pour mon pays, il s’agit d’une question très importante. L’État plurinational de Bolivie respecte les libertés syndicales établies dans notre Constitution, de sorte que l’ensemble des travailleuses et des travailleurs ont le droit de s’organiser en syndicats selon les principes syndicaux d’unité, de démocratie syndicale et de pluralisme politique, d’autosuffisance, de solidarité et d’internationalisme. À cet égard, nous avons écouté attentivement les informations fournies concernant la protection du droit de s’organiser librement et les efforts déployés par le gouvernement du Nicaragua pour garantir ce droit.

Nous prenons note de vos efforts que nous saluons et nous vous encourageons à continuer à prendre des mesures pour renforcer cet aspect dans les faits.

Nous soulignons à cet égard, selon les informations officielles, la constitution entre 2018 et 2021 de plus d’une centaine de nouvelles organisations syndicales comptant plus de 4  000 travailleurs. Nous prenons également note de la coopération entre la chambre d’entreprise et le gouvernement pour mettre en œuvre le plan national de lutte contre la pauvreté.

En revanche, nous rejetons les allusions à des cas particuliers qui n’ont rien à voir avec l’application de la convention et qui cherchent à politiser les débats, compromettant toute possibilité de dialogue constructif au bénéfice de toutes les parties. À cet égard, nous encourageons la commission à continuer de travailler avec le gouvernement pour la mise en œuvre des engagements pris au titre de la convention dans le cadre du respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures du pays.

Ma délégation réitère sa solidarité et son soutien au peuple frère du Nicaragua.

Membre travailleur, République bolivarienne du Venezuela – Nous réfutons les arguments avancés par les employeurs, car il s’agit bien d’une question politique et non d’un cas lié au travail. Chaque pays applique sa propre législation en cas de délits.

Le Nicaragua subit constamment des pressions et des ingérences de la part de puissances extérieures et de telles actions limitent l’entrepreneuriat, le développement et la croissance économique du peuple nicaraguayen.

Dans le cadre de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), nous constatons que les travailleuses et les travailleurs du Nicaragua jouissent pleinement de la liberté syndicale. Il n’y a aucune raison de penser que ce principe est violé.

La commission d’experts prend note du respect et des progrès accomplis en matière de conventions collectives, ainsi que de la soumission d’informations de la part du gouvernement. Les points signalés peuvent être réglés et, d’après les informations communiquées, ils n’empêchent pas les parties de s’entendre.

À cet égard, nous exprimons notre solidarité envers la classe ouvrière de ce pays et sa population, et nous espérons qu’il poursuivra sa quête de solutions aux problèmes soulevés.

Membre gouvernementale, Cuba – Ma délégation a pris note des informations que le gouvernement du Nicaragua a fournies à propos de ses lois nationales et de la convention. Les informations qu’il a communiquées apportent un éclairage sur l’exercice de la liberté syndicale dans le pays.

Il convient aussi de souligner que le gouvernement nicaraguayen n’a cessé de communiquer et de coopérer avec la commission d’experts, honorant ainsi ses engagements envers l’Organisation.

À diverses reprises, Cuba a indiqué qu’il refusait que l’on se serve du mécanisme de contrôle de l’OIT pour formuler des allégations de nature politique. Nous estimons qu’il convient d’examiner de façon impartiale les politiques de soutien des travailleurs du gouvernement du Nicaragua, un pays fondateur de l’OIT dans lequel 119 nouvelles organisations syndicales, représentant 3  902 travailleurs, ont vu le jour ces quatre dernières années.

Enfin, nous soulignons une nouvelle fois l’importance de continuer d’encourager le tripartisme et le dialogue social dans tous les pays pour favoriser l’esprit de dialogue et de coopération. Nous espérons que, compte tenu des informations fournies par les autorités nicaraguayennes, les conclusions que la commission formulera à l’issue de cette discussion seront objectives, d’ordre technique et équilibrées.

Membre gouvernementale, Sri Lanka – Le gouvernement du Sri Lanka salue l’engagement pris par le gouvernement du Nicaragua de veiller à la mise en œuvre des dispositions de la convention. Le Sri Lanka félicite le gouvernement du Nicaragua pour son engagement constructif auprès de la commission d’experts. Pour le Sri Lanka, les initiatives spécifiques à un pays devraient se fonder sur les principes universels de la souveraineté et de l’égalité de tous les États, tout en tenant compte des lois et des institutions du pays concerné. Nous invitons la commission à entamer un dialogue constructif avec le gouvernement du Nicaragua sur les questions qui ont été soulevées.

Membre travailleur, Cuba – Nous estimons que les représentants du groupe des employeurs ont présenté un cas qui n’est pas lié au plein exercice du droit à la liberté d’association des employeurs nicaraguayens qui font l’objet d’une procédure d’enquête pour la commission présumée de délits. En effet, si la liberté syndicale implique d’autres libertés reconnues dans la législation nationale, elle est aussi limitée par le respect de la légalité, la Constitution et les lois du Nicaragua.

Le Nicaragua est un pays frère de notre région, sans cesse agressé, menacé et bloqué par des politiques impérialistes qui s’accompagnent de sanctions qui nuisent à son économie et à ses travailleurs. Par conséquent, aucun partenaire social ne peut se permettre de perturber la paix sociale et le bien-être des Nicaraguayens.

Par ailleurs, nous reconnaissons la pertinence de la position du gouvernement du Nicaragua estimant que l’exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective sont des axes stratégiques de l’OIT, alors que les observations formulées dans le rapport de la commission d’experts ne constituent pas, dans la pratique, un obstacle au développement d’un véritable dialogue social à l’échelle nationale et à la résolution des problèmes soulevés dans ce cas.

Le Nicaragua est un État souverain qui défend les principes et droits fondamentaux au travail tant des travailleurs que des employeurs, et qui lutte pour un développement humain durable et aspire à une plus grande justice sociale pour tous.

Interprétation du chinois: Membre gouvernementale, Chine – Nous avons lu attentivement le rapport de la commission d’experts et ses observations sur l’application de la convention par le gouvernement du Nicaragua. Nous remercions la représentante du gouvernement pour son exposé.

Nous avons noté que le gouvernement a toujours attaché de l’importance à la liberté d’association et d’organisation, et l’a protégée. Au fil des ans, le gouvernement s’est attaché à créer un rapport de confiance entre les membres de différents syndicats, en promouvant et protégeant leur liberté syndicale, en simplifiant les procédures d’enregistrement des syndicats et en dispensant des formations à des dirigeants syndicaux. Ces mesures ont beaucoup contribué au développement syndical. En effet, 111 organisations syndicales ont vu le jour entre 2018 et 2021, comptant 3902 adhérents, portant leur nombre à 2884 organisations syndicales, pour un total de 222370 adhérents. Nous avons également noté que les tables rondes de dialogue permettent au gouvernement de régler les conflits entre secteurs public et privé, ce qui a permis d’obtenir des résultats positifs.

Nous pensons que l’examen de ce cas devrait se concentrer sur l’état d’avancement de la mise en application de la convention par le Nicaragua. Le mandat principal de cette commission consiste à examiner l’avancement de la mise en application des conventions ratifiées par les États Membres, pas de s’ingérer dans leurs affaires internes. Il est nécessaire d’insister sur le fait qu’il incombe à tous les gouvernements de maintenir l’état de droit et l’ordre social, et de protéger la sécurité de leurs citoyens dans leurs pays respectifs.

Les activités illicites et criminelles sont interdites, quel que soit le pays. Toutefois, si quelqu’un viole la loi en exerçant ses droits et affecte les droits et intérêts légitimes d’autres citoyens, il doit être sanctionné par la loi.

Nous voulons croire que la commission, lorsqu’elle formulera ses conclusions, fera montre d’objectivité et d’impartialité et rendra compte de la situation telle qu’elle est sur le terrain ainsi que des progrès accomplis par le gouvernement dans la mise en application de la convention, afin de l’encourager à faire mieux en la matière.

Interprétation du russe: Membre gouvernemental, Fédération de Russie – La Fédération de Russie partage le point de vue du gouvernement du Nicaragua en ce qui concerne la liberté d’association. Nous estimons que les accusations portées contre le gouvernement sont sans fondement. Elles ne reflètent pas la situation réelle s’agissant de l’application des dispositions de la convention dans le pays où les organisations syndicales jouissent du droit syndical.

Représentante gouvernementale, ministre du Travail – J’ai écouté attentivement les interventions des représentantes et des représentants au cours de cette séance et, avant tout, je demande très respectueusement que les propos des représentantes du Royaume-Uni et de l’Union européenne ne figurent pas dans le procès-verbal. Elles sont délétères et s’éloignent de l’esprit de dialogue qui convient à cette Conférence.

Le gouvernement de réconciliation et d’unité nationale remercie les délégués et les pays qui ont fait part de leur soutien au Nicaragua devant cette commission. Une nouvelle fois, l’État du Nicaragua rejette catégoriquement le contenu d’un rapport qui n’est pas conforme à l’esprit de la convention. De même, nous refusons toutes formes de commentaire et d’intervention dans nos affaires intérieures qui portent atteinte à la souveraineté, à notre souveraineté, et menacent la sécurité de l’emploi des familles travailleuses nicaraguayennes. En effet, il convient de rappeler que l’article 8 de la convention dispose clairement que les organisations d’employeurs et de travailleurs, dans l’exercice de leurs fonctions, sont tenues de respecter la législation nationale.

En conclusion, nous réaffirmons que notre gouvernement continuera de respecter les lois du travail, renforçant ainsi le droit à la liberté d’association, la stabilité de l’emploi, la liberté d’entreprise, la paix sociale et le tripartisme.

Nous demandons de ne pas faire figurer dans le procès-verbal les interventions de la représentante de la France, s’exprimant au nom de l’Union européenne, et de la représentante du Royaume-Uni, s’exprimant également au nom du Canada, sur des points qui ne sont pas liés à la convention, s’agissant de questions qui ne devraient pas être abordées dans le cadre de cette commission.

Un autre point important qui nous préoccupe fortement est l’exclusion du représentant des employeurs qui a pourtant été légalement accrédité pour participer et s’exprimer à cette 110e session de la Conférence. Nous estimons que c’est un manque de respect qui porte également atteinte à notre famille, à nos travailleurs et à nos travailleuses.

Je demande que le représentant des employeurs se voie accorder la possibilité d’adresser quelques mots à la commission, un droit qu’il a respectueusement et légalement obtenu puisque, comme nous l’avons déjà mentionné, il a été dûment accrédité pour participer à la Conférence avec tous les pouvoirs prévus par la Constitution et le Règlement de l’OIT.

Membres employeurs – Nous remercions infiniment la ministre du Travail du Nicaragua d’être venue devant cette commission. Nous devons toutefois exprimer notre profonde préoccupation, car elle n’a pas donné d’informations détaillées sur la détention des dirigeants que j’ai mentionnés ni préciser si celle-ci est liée à la liberté d’association. Le simple fait qu’un gouvernement dit qu’il ne dispose pas d’informations ne suffit pas. Bien au contraire, cette attitude de la part d’un gouvernement qui comparaît devant cette commission laisse beaucoup à désirer.

L’attitude dont le gouvernement du Nicaragua a fait preuve montre précisément qu’il refuse d’écouter les points de vue différents de sa propre pensée. Nous le voyons à l’égard d’interventions de gouvernements qui ont pris la parole au sein de cette commission dont il demande qu’elles ne figurent pas dans le procès-verbal, et, en particulier, quant au fait de vouloir imposer un représentant des employeurs.

Nous n’avons inscrit aucun employeur, alors que beaucoup souhaitent intervenir sur ce cas. Je suis le porte-parole de ces personnes, de tous les employeurs, et en particulier de celui que l’on souhaitait imposer au nom des employeurs: tout d’abord, il n’est pas enregistré dans cette commission; ensuite, le groupe des employeurs a déposé une protestation formelle à la Conférence s’agissant de cette représentativité qu’il prétend avoir au nom des employeurs.

Cet élément dénote également cette attitude.

Il y a une loi, la loi no 1055, qui comporte un seul article, dont je ne vais pas donner lecture en entier, qui parle de la défense des droits du peuple et qui dit que les Nicaraguayens qui demandent, encouragent ou applaudissent l’imposition de sanctions contre l’État nicaraguayen et ses citoyens ou tout acte qui porte atteinte aux intérêts suprêmes de la nation sont considérés comme des «traîtres à la patrie» et ne peuvent occuper de fonction publique, ne peuvent être élus et encourent des poursuites pénales.

Il y a également la loi no 1040 sur la réglementation des agents étrangers qui, en son article 14 dispose que les personnes physiques ou morales nicaraguayennes ou d’une autre nationalité qui agissent comme des agents étrangers doivent s’abstenir, sous peine de sanctions légales, d’intervenir dans des questions ou activités ou sujets de politique interne ou externe.

Les Nicaraguayens ne peuvent pas parler de politique interne: telle est la restriction de pensée qu’il y a au Nicaragua.

En ce qui concerne l’article 8 de la convention que la ministre a mentionné, elle a oublié d’en mentionner le paragraphe 2, qui se lit comme suit: «La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.» Au Nicaragua, on utilise les lois pour porter atteinte aux libertés des employeurs, mais nous en appelons aux travailleurs pour qu’ils comprennent qu’il peut leur arriver la même chose s’ils ne suivent pas la ligne idéologique du gouvernement.

En 1989, la dernière fois que ce cas a été abordé par la commission, le porte-parole des employeurs parlait quasiment de toutes les années depuis 1981, mais ces propos donnent l’impression d’être actuels, et c’est le même gouvernement, le même président.

Les dirigeants des organisations patronales, en particulier du COSEP, sont systématiquement arrêtés, muselés, emprisonnés et assassinés.

Trente ans plus tard, les faits sont les mêmes. C’est un sujet extrêmement grave.

La liberté syndicale est totalement dénuée de sens quand il n’y a pas de libertés civiles. Les droits conférés aux organisations de travailleurs et d’employeurs se fondent sur le respect des libertés civiles, notamment la sûreté des personnes et le non-recours aux arrestations et détentions arbitraires.

La détention de dirigeants employeurs pour des raisons liées à des actions revendicatives légitimes constitue une entrave grave à leurs droits et viole la liberté syndicale.

Nous souhaitons commencer par demander au gouvernement qu’il facilite le dialogue social, avec la présence de l’OIT. Il est fondamental de reconstruire des processus de confiance et d’avancer sur la voie des revendications des acteurs de la société.

Nous demandons cela dans tous les États, et en particulier au Nicaragua.

Nous exigeons la libération immédiate de MM. Michael Healy, Álvaro Vargas Duarte, José Adán Aguerri, Luis Rivas et Juan Lorenzo Hollman. Nous demandons également que soit abrogée la loi no 1040 sur la réglementation des agents étrangers, la loi spéciale sur la cybercriminalité et la loi no 1055 pour la défense des droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix, qui limitent l’exercice de la liberté syndicale et de la liberté d’expression.

Enfin, il est nécessaire qu’une mission de haut niveau se rende dans le pays et qu’elle constate directement les faits. Pour conclure, compte tenu des éléments que nous avons entendus, en particulier la réponse du gouvernement, il est nécessaire que les conclusions de cette affaire figurent dans un paragraphe spécial.

Membres travailleurs – Les membres travailleurs ont pris note des informations et des réponses fournies par le gouvernement et ils ont aussi écouté avec attention tous les orateurs et leurs précieuses interventions. Une discussion franche et ouverte utilisant un langage parlementaire est essentielle au bon fonctionnement de notre système de contrôle. Comme nous l’avons dit dans notre exposé liminaire, notre groupe prend note avec inquiétude des allégations d’arrestation et de détention de trois dirigeants d’organisations d’employeurs et de la nécessité de la liberté d’association, qui recouvre le respect des libertés civiles, l’état de droit et la régularité des procédures.

Nous prions instamment le gouvernement de fournir toutes les informations demandées par la commission d’experts à ce propos, y compris sur les procédures légales ou judiciaires engagées et sur leur issue. Nous exhortons aussi le gouvernement à modifier la législation du travail de telle sorte que le droit de grève soit totalement respecté, conformément à la convention et aux observations de la commission d’experts. Il faut en particulier amender les articles 389 et 390 du Code du travail, et aussi modifier la loi no 1040 sur la réglementation des agents étrangers adoptée le 15 octobre 2020, sans oublier de répondre aux allégations disant que plusieurs articles de celles-ci restreignent de manière inacceptable la liberté d’association.

S’agissant des efforts déployés par le gouvernement pour protéger et promouvoir le droit d’organisation, nous prenons note avec intérêt des résultats obtenus entre 2018 et 2021, et nous invitons instamment le gouvernement à continuer à lancer des initiatives et réaliser des activités pour la promotion de la syndicalisation et la protection du droit de constituer des organisations syndicales et d’y adhérer.

Président – Le gouvernement du Royaume-Uni a demandé à pouvoir exercer son droit de réponse en ce qui concerne l’intervention du gouvernement du Nicaragua.

Membre gouvernementale, Royaume-Uni – Le Royaume-Uni remercie la ministre du Travail du Nicaragua et les autres éminents délégués pour leurs interventions au cours de la discussion. Le Royaume-Uni souhaite demander respectueusement que la déclaration du Royaume-Uni et du Canada soit retranscrite dans son intégralité dans l’intérêt de la commission. Cette déclaration s’inscrit complètement dans la mission de la commission et dans le cadre de cette discussion sur le respect de la convention par le Nicaragua.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par la représentante du gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a déploré le climat persistant d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des organisations indépendantes de travailleurs et d’employeurs.

La commission a pris note avec préoccupation des allégations faisant état de l’arrestation et de la détention de dirigeants employeurs.

Ayant pris en compte la discussion, la commission prie instamment le gouvernement du Nicaragua, en consultation avec les partenaires sociaux, de:

- cesser immédiatement tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation, intimidation – ou toute autre forme d’agression à l’encontre d’individus ou d’organisations, au motif de l’exercice d’activités syndicales légitimes et d’activités d’organisations d’employeurs, et prendre des mesures pour garantir que ces actes ne se reproduisent pas;

- libérer immédiatement tout employeur ou membre de syndicat qui serait détenu dans le cadre de l’exercice des activités légitimes de leurs organisations, comme c’est le cas de MM. Michael Healy, Álvaro Vargas Duarte, José Adán Aguerri, Luis Rivas et Juan Lorenzo Hollman;

- promouvoir sans autre délai le dialogue social en créant une instance de dialogue tripartite, sous les auspices du BIT, présidée par une personnalité indépendante ayant la confiance de tous les secteurs, dont la composition respecte dûment la représentativité des organisations d’employeurs et de travailleurs, et qui se réunisse périodiquement;

- abroger la loi no 1040 sur la réglementation des agents étrangers, la loi spéciale no 1055 sur la cybercriminalité, et la loi pour la défense des droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix, qui limitent l’exercice de la liberté d’association et de la liberté d’expression.

La commission recommande au gouvernement de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau pour assurer le plein respect de ses obligations au titre de la convention, en droit et dans la pratique.

La commission recommande également au gouvernement d’accepter, dès que possible, une mission de contacts directs pour enquêter sur les faits et ayant pleinement accès en ce qui concerne la situation de violation des droits syndicaux des travailleurs et des organisations d’employeurs, et de permettre ainsi au BIT d’évaluer la situation.

La commission prie le gouvernement de soumettre, d’ici au 1er septembre 2022, un rapport à la commission d’experts contenant des informations sur l’application de la convention, en droit et dans la pratique, en consultation avec les partenaires sociaux.

Représentante gouvernementale, ministre du Travail – Le gouvernement du Nicaragua a écouté attentivement les conclusions de la commission à la suite de l’examen du cas individuel du Nicaragua relatif à la violation présumée de la convention.

L’État du Nicaragua maintient sa position et exprime son désaccord total avec la décision de la commission de ne pas autoriser le représentant des employeurs, dûment accrédité par le Nicaragua, à s’exprimer lors de la 110e session de la Conférence internationale du Travail.

En outre, le 6 juin 2022, le gouvernement du Nicaragua a demandé que le projet de procès-verbal sur la discussion du cas du Nicaragua soit modifié, estimant que certaines phrases prononcées par la représentante de la France, s’exprimant au nom de l’Union européenne, et de la représentante du Royaume-Uni, s’exprimant également au nom du Canada, étaient hors de propos, mais la commission n’a pas tenu compte de cette requête.

Nous sommes frappés que les conclusions fassent état d’intimidations et de harcèlement à l’encontre des organisations de travailleurs, ce qui est complètement faux. De fait, jamais les organisations de travailleurs du Nicaragua ni le porte-parole des travailleurs n’ont dénoncé de tels actes.

Enfin, et compte tenu de ce qui précède, le gouvernement du Nicaragua rejette intégralement les conclusions de la commission qu’il estime politisées, dignes d’une ingérence et irrespectueuses. Elles ne reflètent nullement la réalité ni ne sont liées au contenu ou à l’esprit de la convention que le Nicaragua respecte et sur laquelle il présente des rapports en temps opportun à l’Organisation internationale du Travail.

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