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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2022, Publication : 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Libéria (Ratification: 1962)

Autre commentaire sur C087

Cas individuel
  1. 2023
  2. 2022
  3. 1990
  4. 1987

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2022-LBR-087-Fr

Discussion par la commission

Représentante gouvernementale – Je vous transmets les salutations du gouvernement du Libéria et vous remercie pour le soutien qui nous a permis d’être présents à cette séance. Le gouvernement du Libéria accorde une grande importance à cette séance qui concerne la convention no 87, une convention fondamentale ratifiée par le Libéria. Le gouvernement a le plaisir d’apporter des réponses à la commission d’experts sur les cas portés devant cette commission au sujet de la convention.

Cas no 3202: le gouvernement du Libéria souhaite faire savoir à la commission que les travailleurs qui auraient été licenciés sur fondement de discrimination antisyndicale ont été pleinement réintégrés, sans perte de prestations. Cela a été réalisé à travers un dialogue social; par conséquent, la discrimination antisyndicale ne peut être établie. Le gouvernement a également demandé à Syndicat national des travailleurs de la santé du Libéria (NAHWUL) de soumettre à nouveau ses statuts, conformément à la recommandation de la commission d’experts, ce qu’elle a fait. Cependant, il ressort de l’examen des statuts que l’affiliation à l’association n’est pas limitée au secteur privé mais inclut des travailleurs régis par le règlement de la fonction publique. Une vérification de la garantie de la protection des droits des agents de la santé nationaux est nécessaire. Le gouvernement a organisé, par l’intermédiaire du ministère du Travail et avec l’aide du bureau régional du BIT, une conférence de trois jours, avec les partenaires sociaux, en novembre 2018, dans le but d’harmoniser un plan de travail décent applicable pour tous les travailleurs. Les délibérations des recommandations de la conférence ont été interrompues à cause de la pandémie de COVID-19, qui a détourné l’attention du ministère du Travail et des partenaires sociaux sur la préservation des emplois existants, en particulier dans les secteurs les plus touchés.

Cas no 3081: le gouvernement du Libéria souhaite faire savoir à la commission que l’enquête sur le cas des deux travailleurs alléguant avoir été victimes d’une discrimination antisyndicale a été rouverte. Les travailleurs ont été invités à participer à l’enquête mais se sont abstenus de se présenter malgré plusieurs convocations. Le gouvernement souhaite désormais se prévaloir de l’assistance technique du Bureau pour donner suite aux recommandations de la commission visant à solutionner le cas no 3081 de manière appropriée.

Membres employeurs – S’agissant du contexte, il s’agit d’examiner une convention fondamentale, la convention no 87, convention à jour, ratifiée par le Libéria en mai 1962. Des observations ont déjà été émises dans ce cas en 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021, ce qui en fait un thème plutôt constant au cours des dernières années.

Les principales questions sur lesquelles la commission d’experts s’est prononcée, sont les suivantes: l’absence de pleine reconnaissance du NAHWUL, les informations demandées sur les dispositions juridiques garantissant que les travailleurs du secteur public jouissent des droits et garanties énoncés dans la convention, une demande similaire concernant les travailleurs maritimes, ainsi que la nécessité de modifier l’article 45.6 de la loi de 2015 sur le travail décent, avec l’objectif de garantir que le droit de constituer des organisations pour défendre leurs intérêts professionnels soit pleinement reconnu aux travailleurs étrangers, tant en droit que dans la pratique.

En ce qui concerne la définition des services essentiels par le Conseil national tripartite, la commission a demandé des informations sur le fonctionnement dans la pratique du processus de désignation, et a demandé au gouvernement de préciser si le président est également lié par la définition de la notion de services essentiels énoncée à l’article 41.4(a) de la loi.

Le Libéria a ratifié 25 conventions dont 6 des 8 conventions fondamentales, 2 conventions de gouvernance et 17 conventions techniques. Le Libéria a ratifié la convention no 87 en 1962.

Nous notons que le gouvernement du Libéria n’a fourni aucune information écrite complémentaire sur ce cas avant cette séance. En ce qui concerne les observations de la commission d’experts, nous notons qu’elles soulèvent des questions concernant le droit de grève et des questions connexes qui ne relèvent pas du champ d’application de la convention. C’est pourquoi, comme il est d’usage de faire, les employeurs ne feront pas de commentaires à leur sujet et les conclusions ne traiteront pas de ces questions.

La commission d’experts a pris note des allégations de l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique) au sujet de la dissolution d’un syndicat par une entreprise publique et l’arrestation de dirigeants syndicaux. Les membres employeurs notent que la dissolution d’organisations d’employeurs et de travailleurs devrait être soit régie par les statuts de l’organisation, soit par un tribunal. Une dissolution automatique par la loi n’est pas conforme à l’article 4 de la convention, qui prévoit que les organisations de travailleurs et d’employeurs ne soient pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. En outre, conformément à l’article 3 de la convention, il appartient aux organisations d’employeurs et de travailleurs de déterminer dans leurs statuts les règlements et procédures de dissolution, à l’initiative de leurs membres. Cela doit être régi par la loi.

En ce qui concerne les arrestations de dirigeants syndicaux, nous exprimons nos préoccupations et appuyons la demande de la commission d’experts au gouvernement de fournir des informations complètes sur la question d’ici le 1er septembre 2022.

Pour ce qui est des allégations concernant le déni de reconnaissance légale du NAHWUL, le gouvernement a répondu que le ministère de la Santé reconnaît depuis 2018 une existence fonctionnelle à cette association en tant qu’organe représentatif de ses membres, dans l’attente de la révision des législations nationales pertinentes. Les membres employeurs demandent au gouvernement de fournir des informations complémentaires au sujet des autres allégations en suspens soulevées par ce syndicat, ainsi que des informations sur les mesures spécifiques prises pour que cette organisation puisse obtenir rapidement la pleine reconnaissance juridique.

S’agissant du champ d’application de la convention, la commission d’experts a noté que l’article 1.5(c)(i) et (ii) de la loi de 2015 sur le travail décent, exclut de son champ d’application tout travail qui relève de la loi sur la fonction publique. Le gouvernement reconnait que la loi ne couvre pas les travailleurs du secteur public ordinaire et indique qu’une conférence nationale du travail s’est tenue en 2018 afin de créer un cadre pour l’harmonisation de la loi et des règlements de la fonction publique. Les membres employeurs invitent le gouvernement à fournir des informations sur les progrès réalisés dans ce but et à préciser quelles dispositions légales garantissent que les travailleurs du secteur public jouissent des droits et garanties énoncés dans la convention, notamment les dispositions élaborées ou envisagées, en vue de leur promulgation, ainsi que les perspectives de délais à cet égard.

En outre, la commission d’experts a noté que les officiers et membres d’équipage, ainsi que toute autre personne employée ou en formation sur les navires, sont également exclus du champ d’application de la loi en vertu de l’article 1.5(c)(i) et (ii). Le gouvernement a indiqué que la question de l’application des dispositions du règlement maritime libérien 10/318.2 est actuellement réexaminée, comme signalé dans le rapport du Libéria de 2022 sur la convention du travail maritime, 2006, telle qu’amendée (MLC, 2006). Les membres employeurs invitent le gouvernement à fournir des informations détaillées sur la manière dont les droits prescrits par la convention sont appliqués en droit et dans la pratique aux travailleurs maritimes.

La commission d’experts a noté que l’article 2.6 de la loi sur le travail décent prévoit que tous les employeurs et travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent constituer les organisations de leur choix et s’y affilier, et que l’article 45.6 de la même loi reconnaît le droit des travailleurs étrangers de s’affilier à ces organisations. Le gouvernement a indiqué que le droit de constituer des organisations est reconnu aux travailleurs étrangers et aux employeurs étrangers et que la création d’organisations composées exclusivement de travailleurs ou d’employeurs étrangers n’est pas interdite. Les membres employeurs invitent le gouvernement à fournir des informations sur la manière dont l’article 45.6 de la loi sur le travail décent garantit que le droit de constituer des organisations et de défendre leurs intérêts professionnels est pleinement reconnu aux travailleurs étrangers, tant en droit que dans la pratique.

S’agissant de la définition des services essentiels, comme déjà indiqué, les membres employeurs ne feront pas de commentaires sur cette question.

Membres travailleurs – Nous souhaitons tout d’abord réitérer notre position, différente de celle des membres employeurs, sur le droit de grève dans le cadre de la convention no 87.

Le Libéria a ratifié la convention en 1962. La dernière fois que notre commission a examiné cette convention sur le Libéria, remonte à l’année 1990. L’espace de liberté d’action des syndicats est de plus en plus restreint au Libéria. Le gouvernement ne cesse de s’immiscer dans les activités syndicales et ne respecte pas ses obligations au titre de la convention no 87, que ce soit en droit ou dans la pratique. Nous voudrions porter à la connaissance de cette commission quelques exemples, qui sont source de préoccupations majeures à cet égard.

En novembre 2019, des travailleurs ont manifesté pacifiquement contre le non-paiement par le gouvernement de leurs indemnités et de leurs salaires depuis le mois de mars 2019. Les forces de sécurité du gouvernement, conjointement avec l’unité de soutien de la police et le service d’immigration du Libéria, ont été déployées pour disperser les manifestants. Nos collègues ont fait état de blessures liées au recours disproportionné aux forces de police pour briser la grève.

Entre décembre 2020 et janvier 2021, 298 dirigeants et membres du Syndicat national des boissons et des travailleurs du Libéria (NBIWUL) ont été licenciés par la direction d’une entreprise étatique. Le syndicat local a légitimement contesté ces licenciements massifs. En réponse, la direction de l’entreprise publique a annoncé qu’elle avait dissous le syndicat local au motif d’actes incompatibles avec la décence et d’une insubordination flagrante au travail, considérant que diriger une organisation syndicale de travailleurs est un privilège et non un droit.

En juin 2021, six travailleurs, membres du syndicat, ont été arrêtés et détenus au siège de la police nationale libérienne pendant quatre jours pour avoir organisé une manifestation pacifique. Dans le courant du mois de mai de cette année, le secrétaire général du NAHWUL a signalé une surveillance de ses activités par l’État ainsi que des menaces de mort contre sa personne. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que le gouvernement se montre de plus en plus intolérant vis‑à‑vis de l’exercice par les travailleurs de leurs libertés civiles et de leurs droits du travail en vertu de la convention, et nous déplorons le recours aux violences policières pour empêcher les travailleurs de manifester pacifiquement et de faire grève dans le cadre de l’exercice légitime de leurs activités syndicales.

De manière plus générale, nous notons avec inquiétude les nombreux actes de discrimination antisyndicale, l’absence de recours possible pour les travailleurs et l’absence totale de volonté du gouvernement de remédier à cette situation.

Le gouvernement doit cesser de saper l’exercice des droits garantis par la convention. Nous exhortons le gouvernement à fournir à la commission d’experts des informations complètes au sujet de la dissolution du syndicat local par une entreprise d’État; du recours à la police pour disperser des grèves pacifiques; de l’arrestation de dirigeants syndicaux; ainsi que du licenciement abusif de travailleurs pour leur participation à des actions de grève.

L’interdiction à certaines catégories de travailleurs de constituer un syndicat ou de s’y affilier est un autre sujet de préoccupation. Tout d’abord, le gouvernement persiste à ne pas reconnaître légalement le NAHWUL. Le gouvernement a expliqué que, depuis 2018, le ministère de la Santé a reconnu une existence fonctionnelle du NAHWUL en tant qu’organe représentant ses membres, dans l’attente de la révision des lois nationales pertinentes. Nous rappelons que, en 2016, le NAHWUL a déposé une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale à ce sujet. Nous déplorons que, contrairement aux informations fournies par le gouvernement, il n’y ait eu aucun progrès en ce qui concerne le statut juridique et l’enregistrement du NAHWUL en tant que syndicat. Un ajournement supplémentaire ne serait pas acceptable.

En outre, la loi sur le travail décent de 2015 ne s’applique pas aux travailleurs couverts par la loi sur la fonction publique. L’article 1.5(c)(i) et (ii) de la loi sur le travail décent exclut de son champ d’application les travaux relevant du champ d’application de la loi sur la fonction publique. Le gouvernement en a convenu et, bien qu’il ait évoqué l’organisation d’une conférence nationale du travail en 2018, dont l’objectif était de créer un cadre pour l’harmonisation de la loi et du règlement intérieur de la fonction publique, rien n’a été fait pour garantir que les travailleurs et les agents publics puissent exercer leur droit de constituer un syndicat ou de s’y affilier, un droit protégé par la convention. Dans une récente jurisprudence, le tribunal a décidé que les associations de fonctionnaires ne sont pas couvertes par la loi sur le travail décent. Dès lors, elles ne sont pas admises comme membres du Congrès du travail du Libéria (LLC), organisation faîtière des syndicats du Libéria. Le tribunal a en conséquence déclaré que la conférence du LLC, qui s’est tenue le 30 mars 2022, et à laquelle l’Association des fonctionnaires a participé, était nulle et non avenue. Il s’agit là d’un revers majeur pour le mouvement syndical du Libéria et d’une interférence dans l’indépendance du LLC. Il ne fait aucun doute, comme l’a indiqué la commission d’experts, que tous les fonctionnaires, à la seule exception possible de ceux de la police et des forces armées, sont couverts par la convention no 87. Nous exhortons à nouveau le gouvernement à prendre immédiatement des mesures pour l’enregistrement de l’Association des fonctionnaires et la réparation de tout préjudice causé au LLC à cet égard.

Troisièmement, l’article 1.5(c)(i) et (ii) de la loi sur le travail décent exclut, lui aussi, de son champ d’application, les officiers, les membres d’équipage, ainsi que toute autre personne employée ou en formation sur les navires. Nous notons que la commission d’experts a demandé au gouvernement d’indiquer de quelle manière les droits inscrits dans la convention sont garantis aux travailleurs maritimes, y compris aux stagiaires, et d’indiquer toute loi ou réglementation adoptée ou envisagée concernant cette catégorie de travailleurs. Malheureusement, le gouvernement n’a pas fourni les informations précises demandées par la commission d’experts à cet égard. Le gouvernement doit fournir des informations détaillées sur la manière dont, tant en droit que dans la pratique, ces droits spécifiques sont garantis aux travailleurs maritimes, y compris aux stagiaires. Nous référant aux commentaires de la commission d’experts, nous prions instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en modifiant l’article 45.6 de la loi sur le travail décent, reconnaissant le droit des travailleurs étrangers de s’affilier à des organisations, afin de garantir que le droit de constituer des organisations de défense des intérêts professionnels des travailleurs étrangers soit pleinement reconnu, tant en droit que dans la pratique.

Enfin, en ce qui concerne la détermination des services essentiels, nous notons que l’article 4.1 de la loi sur le travail décent confère au Conseil national tripartite la mission d’identifier et de recommander au ministre, pour examen et décision, les services à considérer comme services essentiels. Bien que l’article 41.4(a) de la loi définisse les services essentiels comme ceux qui, de l’avis du Conseil national tripartite, s’ils étaient interrompus mettraient en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population, le Président de la République décide de désigner comme essentiel un service sans tenir compte de l’avis de la Conseil national tripartite. La question est donc de savoir si le Président est lié par la définition des services essentiels de l’article 41.4(a). Nous devons affirmer à nouveau que le respect de l’état de droit et des libertés civiles est essentiel à l’exercice de la liberté d’association et nous demandons instamment au gouvernement de veiller à ce que le pouvoir du Président de désigner tout service comme essentiel soit conforme à la convention.

Membre gouvernementale, France – Je m’exprime au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. Le Monténégro et l’Albanie, pays candidats, et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange, membre de l’Espace économique européen, s’alignent sur la présente déclaration.

L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits du travail tels que le droit d’organisation et la liberté d’association.

Nous encourageons activement la ratification et la mise en œuvre universelles des normes internationales fondamentales du travail, notamment la convention no 87 sur la liberté d’association. Nous soutenons l’OIT dans son rôle indispensable d’élaboration, de promotion et de contrôle de l’application des normes internationales du travail ratifiées et des conventions fondamentales en particulier.

L’UE et ses États membres sont des partenaires de longue date du Libéria. Ce partenariat est encore renforcé dans le cadre de notre coopération avec l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ainsi que par l’inclusion du Libéria parmi les bénéficiaires du programme «Tout sauf les armes» (TSA) de l’UE pour les pays les moins avancés.

Nous prenons note avec préoccupation des observations des organisations syndicales concernant les allégations de violations de la liberté syndicale et du droit syndical, y compris le droit de grève, et en particulier le recours aux forces de police pour briser des grèves pacifiques, l’arrestation de dirigeants syndicaux et le licenciement injustifié de travailleurs en raison de leur participation à un mouvement de grève. Nous soutenons l’appel de la commission au gouvernement pour qu’il fournisse sa réponse à ces allégations.

En ce qui concerne le champ d’application de la convention, nous rappelons que tous les travailleurs, sans distinction aucune, sont couverts par la convention, y compris les travailleurs du secteur public. La mesure dans laquelle la convention s’applique aux forces armées et à la police doit être déterminée par les lois ou règlements nationaux.

Nous nous faisons l’écho de la demande de la commission au gouvernement de fournir des informations spécifiques sur l’évolution de la situation à cet égard, en particulier en ce qui concerne les travailleurs du secteur public et les travailleurs maritimes, y compris les stagiaires, qui ne peuvent être considérés comme faisant partie des forces armées ou de la police. Nous demandons également au gouvernement de fournir des informations supplémentaires sur le processus de désignation des services essentiels par le Conseil national tripartite et le Président.

Nous nous félicitons des informations déjà fournies par le gouvernement sur la loi de 2015 sur le travail décent, mais nous tenons également à souligner l’obligation du gouvernement de veiller à ce que le droit de constituer des organisations pour défendre leurs intérêts professionnels soit aussi pleinement accordé aux travailleurs étrangers, tant en droit que dans la pratique.

L’UE et ses États membres continueront à suivre et à analyser la situation et restent attachés à leur coopération et leur partenariat étroit avec le Libéria. Cette coopération pourrait également inclure une assistance technique spécifique dans le cas où le Libéria déciderait d’avancer vers la ratification des deux conventions fondamentales qu’il n’a pas encore ratifiées, à savoir la convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951, et la convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973.

Membre travailleuse, Canada – La loi de 2015 du Libéria sur le travail décent dispose clairement qu’elle s’applique à tous les travaux effectués dans la juridiction de la République. Il existe néanmoins une clause dérogatoire à l’article 1.5 qui en exclut les travaux relevant du champ d’application de la loi sur la fonction publique.

Les questions impactant tous les fonctionnaires sont régies par des règlements qui, selon le LLC et l’Association des fonctionnaires, sont contraires à l’article 17 de la Constitution du Libéria, laquelle reconnaît le droit de libre affiliation à des syndicats.

Les défauts d’application de la convention incluent le refus d’accorder la reconnaissance légale au NAHWUL et l’exclusion par décision de justice du champ d’application de la loi sur le travail décent de l’Association des fonctionnaires du Libéria, de sorte que cette association ne puisse pas s’affilier au LLC. Dans ces cas, les interprétations judiciaires limitées de la loi sur le travail décent, concentrées sur les dispenses dérogatoires, restreignent drastiquement les droits des travailleurs libériens à la liberté d’association.

Le gouvernement, tout en cherchant à faire des employés des services publics des travailleurs de services essentiels, devrait comprendre que la classification en tant que travailleur des services essentiels ne fait pas obstacle au droit à la liberté d’association. La classification et la compilation des listes des services essentiels obéissent à un processus tripartite approfondi qui ne doit pas être utilisé comme un moyen de porter atteinte aux droits des travailleurs et de mettre en péril les relations professionnelles.

En outre, le Libéria est partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dont les articles 6 et 7 protègent le droit au travail et l’article 8 protège les droits des travailleurs de constituer des syndicats et de s’affilier au syndicat de leur choix. Il est également signataire de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dont l’article 10 garantit à chaque individu le droit à la liberté syndicale.

Nous appelons le gouvernement du Libéria à respecter ses obligations en vertu de la convention et des instruments universels relatifs aux droits de l’homme pour garantir aux travailleurs leur droit à la liberté syndicale.

Membre employeur, République démocratique du Congo – Au nom du groupe des employeurs de la République démocratique du Congo, il nous revient de nous appesantir sur le cas individuel d’un pays frère qui est le Libéria, lequel cas se rapportant à la convention nº 87. Nous saluons non seulement le fait que la loi de 2015 sur le travail décent de ce pays frère, sauf erreur de ma part, est la seule au monde dont le titre fait directement référence à l’Agenda de l’OIT pour le travail décent, mais aussi le fait qu’en juin 2006 le Libéria a été le premier pays au monde à ratifier la convention sur le travail maritime de l’OIT.

En s’appesantissant sur ce cas individuel, il y a lieu d’aborder la question du défaut de reconnaissance juridique du NAHWUL par le gouvernement, allégué par ledit syndicat. Il y a une évolution relative à la pleine reconnaissance juridique dudit syndicat. À ce stade-ci, il revient au gouvernement de communiquer à la commission d’experts les informations additionnelles spécifiques et concrètes sur les mesures prises pour accorder cette pleine reconnaissance juridique.

Aussi, l’article 1.5(c) de la loi de 2015 sur le travail décent exclut de son champ d’application une catégorie de travailleurs maritimes et les stagiaires. Mais, contrairement à l’allégation du gouvernement qui soutient que la catégorie des travailleurs susmentionnés bénéficie des droits énoncés par la convention, nous souscrivons pleinement à la position de la commission d’experts, notant que le gouvernement n’a pas fourni des informations additionnelles spécifiques et concrètes démontrant à suffisance comment les prérogatives énoncées dans ladite convention sont garanties à ces travailleurs maritimes. En conséquence, nous invitons le gouvernement à le faire, en droit et dans la pratique.

S’agissant de l’article 45.6 de ladite loi, il ne se conforme pas à l’article 2 de la convention no 87 et, de ce fait, ladite disposition légale nécessite sa suppression, si ce n’est sa modification.

Enfin, il nous revient de marteler que le droit de grève n’est pas prévu dans la convention no 87 de l’OIT. Cette dernière n’a d’ailleurs pas été rédigée dans ce sens par les mandants tripartites à l’époque de son élaboration et de son adoption. L’historique législatif de la convention est indiscutablement clair. Le rapport préparatoire de l’OIT de 1948 précise que la convention en question concerne la liberté syndicale et non le droit de grève. De plus, lors des discussions sur la convention pendant les Conférences internationales du Travail de 1947 et 1948, aucun amendement concernant le droit de grève n’a été adopté ni même soumis.

Membre travailleuse, Afrique du Sud – Je tiens à souligner que la question dont est saisie la commission concerne des violations de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit d’organisation par le gouvernement du Libéria. Je note également dans le rapport de la commission d’experts que les employés de la fonction publique et les travailleurs maritimes, ainsi que d’autres catégories énumérées dans la loi sur le travail décent de 2015, ne jouissent pas du droit à la liberté d’association.

Je note également que le Libéria a ratifié la convention le 25 mai 1962. De 1962 à 2022, se sont écoulés environ soixante ans, sans que les travailleurs de la fonction publique jouissent de leurs droits à la liberté syndicale. Année après année, le gouvernement est présent à la Conférence internationale du Travail; je me demande ce qu’il pense de la conformité de son propre pays.

Je note également que, en 2015, le gouvernement a promulgué la loi sur le travail décent. Cependant, je suis surpris de constater qu’il y a des dispositions indécentes dans la loi, en particulier l’article 1.5(c) qui exclut les fonctionnaires publics et les travailleurs maritimes de son champ d’application. De quel travail décent le gouvernement parle-t-il alors que certaines catégories de travailleurs ne sont pas autorisées à se syndiquer ou à s’affilier à des fédérations et à négocier collectivement.

Nous comprenons tous que l’un des piliers de l’Agenda du travail décent est la promotion et la protection des droits des travailleurs. Comme expliqué par les travailleurs du Libéria et statué par les tribunaux libériens, leurs droits sont bafoués. Six jours avant le début de cette Conférence, le 20 mai 2022, un tribunal du Libéria, du comté de Montserrado, a jugé que les travailleurs de la fonction publique n’avaient aucun droit en vertu de la loi sur le travail décent. Alors, le gouvernement doit nous dire où sont inscrits ces droits.

Permettez-moi de partager certaines des meilleures pratiques de mon pays, l’Afrique du Sud. Nous n’avons ratifié cette convention qu’en 1996, trente-quatre ans après la ratification par le Libéria. C’était peu de temps après le démantèlement du régime d’apartheid et de ses politiques en 1994. Notre Constitution et nos lois du travail reconnaissent le droit à la liberté syndicale de tous les travailleurs, y compris les travailleurs de la fonction publique; ils jouissent tous du droit à la liberté syndicale. Ils ont en outre leurs propres syndicats, qui sont affiliés aux fédérations du pays. Notre gouvernement est allé plus loin en accordant ces droits aux soldats, aux policiers et aux travailleurs des services correctionnels. Ils ont aussi des syndicats qui les représentent et négocient pour leurs membres. Ces syndicats sont affiliés à des fédérations.

Je voudrais par conséquent inviter le gouvernement du Libéria et ses partenaires sociaux à visiter mon pays pour voir par eux-mêmes. Mon appel concerne uniquement la mise en conformité.

Membre travailleur, Ghana – Je prends la parole au nom des Organisation des syndicats d’Afrique de l’Ouest (OTUWA). Les travailleurs de l’Afrique de l’Ouest s’étonnent de ce que le Libéria reste le seul État membre de la CEDEAO et de l’UA qui refuse de reconnaître le droit des travailleurs du secteur public de constituer des syndicats ou de s’affilier à des syndicats de leur choix. À ce jour, le gouvernement ne peut avancer aucune justification valable à cette situation. On ne peut s’attendre à ce que les instruments de l’UA et de la CEDEAO, comme ceux de l’OIT, soient respectés quand le gouvernement continue de les bafouer en toute impunité.

Les dispositions de la convention no 87 ont amplement démontré que la protection et le respect du droit d’organisation et de négociation collective profitent au marché national du travail et contribuent à l’harmonisation du monde du travail. On ne peut admettre que le gouvernement, ainsi que ses responsables actuels, tout comme ceux qui les ont précédés, persistent à considérer et à traiter les travailleurs syndiqués comme une menace. Ces mêmes responsables sont regroupés en tant que politiciens dans le cadre des plateformes des partis politiques.

Cette convention confère aux gouvernements la tâche d’assurer l’application correcte et effective de ses dispositions. Elle ne reconnaît ni n’accorde au gouvernement le pouvoir ou le privilège d’administrer à sa guise les droits de l’homme et du travail sur la libre affiliation syndicale. L’article 1 de la convention met précisément l’accent sur le fait que les travailleurs, sans distinction, doivent jouir du droit de s’organiser librement dans le but de faire avancer leurs droits dans le monde du travail. Il est immoral, dangereux et inacceptable que le ministère de tutelle libérien s’arroge le droit d’appliquer de manière discriminatoire les dispositions de la convention.

À l’occasion de la récente convention du LLC, des invités ont été témoins des menaces proférées par le ministre du Travail, sur les lieux mêmes de l’événement. Il a déclaré de manière péremptoire que les travailleurs du secteur public n’étaient pas admis à participer à la LLC ni à être élus en tant que dirigeants de la Centrale nationale du travail, en conséquence de quoi, le ministère n’a pas désigné les dirigeants élus par le LLC comme représentants légitimes des travailleurs à cette conférence. Ce n’est que grâce à la manifestation organisée par la CSI-Afrique et la CSI auprès du Comité d’accréditation de la Conférence, que le ministère s’est vu obligé de revenir sur sa décision.

Les syndicats sont les organisations représentatives légitimes du monde du travail; ils reflètent ses aspirations et traduisent ses besoins matériels réels dans des actions collectives, en vue de changements. Ce sont des agents de changement et de transformation. Nous sommes convaincus que si le gouvernement revoyait son attitude envers les travailleurs du secteur public, le pays y gagnerait. Nous exhortons cette commission à appeler le gouvernement à prendre des mesures adaptées, assorties de délai, afin d’assurer l’application effective de la présente convention.

Membre travailleuse, France – Des violations graves de la convention ont lieu au Libéria, et ce en contradiction totale avec les engagements pris en 2015. En effet, en juin 2015, la Présidente du Libéria promulguait la loi sur le travail décent, première législation du travail dans ce pays depuis les années cinquante. Avec cet acte, pour la deuxième fois, ce pays africain se montrait précurseur dans la promotion des normes de l’OIT. En juin 2006, le Libéria avait été le premier pays du monde à ratifier la MLC, 2006. En 2015, il adoptait la première législation du travail au monde à faire explicitement référence à l’Agenda du travail décent dans son titre. Qui plus est, l’engagement du Libéria envers cet agenda allait bien au-delà du titre d’une nouvelle loi. Cette dernière énonçait clairement ses objectifs, et le tout premier d’entre eux était de promouvoir le travail décent au Libéria. Entre autres, cela devait correspondre à un environnement favorable à la création d’emplois de qualité et être censé permettre aux travailleurs d’exercer leurs droits au travail.

La loi en gestation faisait explicitement la promotion des droits fondamentaux au travail, y compris la liberté syndicale et le droit à la négociation collective dans son chapitre II section 2.6, spécifiant que chacun était libre d’adhérer à l’organisation de son choix sans autorisation préalable et que chacun pouvait s’engager dans une grève ou un lock‑out en accord avec le chapitre 41.

Mais, à la lecture plus attentive du chapitre 41 de la loi sur le travail décent de 2015, il apparaît que des restrictions importantes au droit de grève étaient déjà prévues, et le titre de ce chapitre, au 41.2 «Interdictions de certaines grèves et lock-out», est tout à fait explicite.

De plus, dans son jugement, prononcé en mars 2020 puis renforcé en mai 2022, la Cour civile de Montserrado réitère le fait que le Syndicat «Civil Servant Association of Liberia» (CSAL) ne peut bénéficier des droits octroyés par la loi sur le travail décent au prétexte que les employés du secteur public du Libéria ne sont pas autorisés à se syndiquer et que leurs organisations ne sont pas autorisées à adhérer au «Liberia Labour Congress».

Au regard de tant de restrictions à la convention no 87, les violations sont avérées, et les jugements rendus par la cour le confirment. Il s’agit donc pour le gouvernement de se mettre en conformité avec la convention, qu’il a ratifié en 1962, et de ne pas se prévaloir d’avancées en matière de travail décent dès lors que des observations de la CSI-Afrique, reçues le 31 août 2021, dénoncent: la dissolution d’un syndicat par une entreprise publique; le recours aux forces de police pour briser des grèves pacifiques; l’arrestation de dirigeants syndicaux; et le licenciement injustifié de travailleurs en raison de leur participation à un mouvement de grève.

Membre travailleuse, République de Corée – Je prends la parole au nom des travailleurs de la République de Corée et des États-Unis d’Amérique. Tout d’abord, je voudrais m’associer aux préoccupations exprimées par mes collègues syndicalistes au sujet de la persistance de l’exclusion des fonctionnaires, des employés des entreprises publiques et des travailleurs maritimes du champ d’application de la loi sur le travail décent de 2015. L’article 2 de la convention couvre tous les travailleurs, à l’exception de ceux des forces armées et de la police.

Ainsi que noté dans le rapport de la commission d’experts, le gouvernement n’a toujours pas harmonisé les dispositions légales existantes, notamment la loi sur la fonction publique, afin de garantir de manière appropriée le droit des travailleurs du secteur public de constituer des syndicats. Les conséquences de cette incertitude législative sont claires puisque le NAHWUL ne jouit toujours pas de la pleine reconnaissance légale qui lui permettrait de négocier avec le ministère de la Santé. Ce retard incompréhensible est particulièrement honteux compte tenu du rôle essentiel et héroïque que les travailleurs de la santé ont endossé dans la lutte contre la pandémie de COVID-19.

Dans le secteur privé, des signalements inquiétants font état d’une grande entreprise multinationale de pneus et de caoutchouc qui a converti ses employés en «entrepreneurs indépendants», démolissant ainsi le syndicat au moyen d’une classification artificielle de ses employés. Nous appelons le gouvernement à accorder au NAHWUL la pleine reconnaissance légale; à mener une enquête au sujet des allégations de classification tendancieuse des emplois dans les plantations de caoutchouc; et à revoir sa législation nationale du travail en suivant les recommandations de la commission d’experts.

Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – Je suis Edwin B. Cisco, représentant le LLC. Je ne peux me joindre à la Conférence internationale du Travail parce que le gouvernement, représenté par le ministère du Travail, a refusé d’admettre les travailleurs du secteur public du Libéria comme faisant partie du LLC; nous ne sommes pas habilités à participer à cette Conférence.

Nous vous présentons nos salutations et vous remercions pour cette opportunité qui nous est donnée de prendre la parole au nom des travailleurs du Libéria.

L’ensemble du corps politique de notre pays, ainsi que sa structure de gouvernance, sont fondés sur la discrimination. Le mouvement ouvrier n’y échappe pas et supporte le poids des lois discriminant les travailleurs du secteur public et ceux de la marine, les empêchant de s’organiser ou de constituer des syndicats. Ceci est prétendument justifié par le souci de protéger l’État, en dépit de la Constitution nationale, et au détriment des travailleurs et du peuple Libérien. La Constitution de notre pays, le plus ancien des États Membres africains de l’OIT, garantit aux travailleurs, sans distinction, la liberté syndicale. La convention dont nous discutons aujourd’hui est sujette à de graves violations par notre gouvernement. Je suis en accord total avec la déclaration de notre porte-parole au sujet des conclusions du rapport de la commission d’experts de 2022. Permettez-moi d’informer cette commission, à l’appui de ces conclusions, qu’au Libéria, les travailleurs du secteur public qui composent le Syndicat national des enseignants, l’Association des fonctionnaires et le NAHWUL se voient refusé le droit de s’organiser, de constituer des syndicats et de s’affilier au LLC. Le gouvernement utilise à cette fin une loi discriminatoire appelée règlement de la fonction publique. En 2015, le gouvernement a adopté la loi sur le travail décent, qui prévoit que, à l’article 1.5(c)«(i) sauf disposition expresse, la loi ne s’applique pas au travail relevant du champ d’application de la loi sur la fonction publique, telle qu’elle figure au chapitre 66 de la loi exécutive, ou dans toute autre loi susceptible de la modifier; et (ii) la présente loi ne doit pas s’appliquer aux officiers, membres d’équipage, marins, graisseurs, pompiers, dockers, bateliers, stewards, cuisiniers, blanchisseurs et toute autre personne employée ou en formation sur des navires immatriculés en vertu des dispositions du chapitre 2 de la loi maritime ou leurs employeurs».

À cet égard, l'Association des fonctionnaires et des autres catégories de travailleurs mentionnées dans la loi ne sont pas autorisés à s’affilier au LLC. Le 27 mars 2020 et le 20 mai 2022, un tribunal a invalidé l’élection du LLC au motif que les associations de fonctionnaires et associations d’enseignants libériens ne sont pas reconnues en tant que syndicats au sens de la loi sur le travail décent et ne sont donc pas éligibles en son sein. Le tribunal a également invalidé l’élection de M. Moibah Johnson à la présidence du LLC du Libéria et déclaré qu’il appartenait au gouvernement du Libéria, représenté par la direction du ministère du Travail, d’organiser une élection pour les travailleurs du Libéria.

Devant une telle violation de nos droits, nous avons tenu à assister à la Conférence internationale du Travail en tant que délégués. Notre demande est pendante devant la Commission de vérification des pouvoirs et le gouvernement est habilité à constituer un organe chargé de réorganiser nos élections. C’est inacceptable.

Le Comité de la liberté syndicale a également relevé que les organisations d’employeur n’avaient pas le statut d’organisations syndicales aux yeux de la législation nationale.

Je demande à cette commission de conclure à la violation de la convention par le gouvernement. Ce dernier doit modifier la loi sur le travail décent pour inclure les travailleurs de la fonction publique et les salariés maritimes dans son champ d’application. Le gouvernement devra reconnaître les dirigeants élus par le LLC et en informer la commission d’experts le 1er septembre 2022.

Enfin, j’implore votre commission de faire figurer le gouvernement du Libéria dans un paragraphe spécial.

Observateur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – Le Libéria, fier d’être une nation maritime, joue un rôle essentiel dans l’industrie mondiale du transport maritime. Le registre de navires libérien est le deuxième plus grand au monde et comprend plus de 5 000 navires, totalisant plus de 200 millions de tonnes brutes. Cela représente près de 15 pour cent de la flotte océanique mondiale.

Par conséquent, il est particulièrement important que les gens de mer nationaux et étrangers, y compris les cadets et les stagiaires, travaillant à bord de navires libériens, aux niveaux national et international, jouissent pleinement des droits syndicaux en vertu de la convention. Comme la commission d’experts et de nombreux orateurs l’ont noté, les articles 1.5(c)(i) et (ii) de la loi sur le travail décent exclut explicitement de son champ d’application les agents, les membres d’équipage et toute autre personne employée ou en formation sur les navires. Il n’existe aucune justification, au regard de la convention, d’exclure de la couverture de la loi ces catégories professionnelles particulièrement vulnérables.

Nous avons observé que plus de 60 pour cent des navires battant pavillon libérien sont couverts par une convention collective validée par la FIT, et nous voulons croire que cette couverture s’étendra à l’avenir. Néanmoins, il est impératif que la législation nationale accorde explicitement les pleins droits syndicaux aux gens de mer.

En vertu de la MLC, 2006, ratifiée par le Libéria en 2006, le gouvernement doit veiller à ce que les dispositions de ses lois et règlements respectent, les droits fondamentaux de liberté syndicale et de négociation collective. C’est donc également à cet égard que nous encourageons le gouvernement à résoudre rapidement cette question afin de mettre ses lois et règlements en conformité avec la convention no 87 et la MLC, 2006.

LITF serait heureuse de s’impliquer dans cette tâche et d’aider le gouvernement, le registre de la marine marchande et les partenaires sociaux nationaux à mettre rapidement en œuvre la révision de la législation du travail.

Observateur, Syndicat international de la fonction publique (PSI) – Je prends la parole au nom du PSI et NAHWUL.

En dépit des recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 3202, de mars 2018, le gouvernement persiste à ne pas reconnaître l’existence officielle du NAHWUL. Pourtant, en septembre 2019, le gouvernement a signé avec cette organisation qu’il ne reconnaît pas un protocole d’entente. Suivant ce protocole, le ministère de la Santé devrait faciliter l’octroi d’un statut juridique au syndicat afin que celui-ci soit considéré comme partie prenante des décisions concernant les agents de la santé. Toutefois, aucune des stipulations de ce protocole n’est respectée par le gouvernement.

À titre d’exemple, pendant la pandémie de COVID-19, le NAHWUL a été exclu de tous les programmes, tout comme pendant l’épidémie d’Ebola. Comme conséquence directe, il n’y eut ni EPI, ni formation, ni médicaments, ni laboratoires fonctionnants correctement, et la plupart de nos collègues et patients ont été exposés à des risques pour la santé qui auraient pu être prévenus et évités.

Le NAHWUL s’étant plaint de cette situation, le gouvernement avait proféré de graves menaces contre les syndicalistes et leurs dirigeants. À l’issue d’un voyage d’études en Allemagne, en 2020, le secrétaire général du NAHWUL, M. George Poe Williams, se sachant exposé à un risque imminent d’arrestation, n’a pas pu retourner dans le pays et vit en exil depuis. En conséquence, outre les nombreux autres inconvénients de vie en exil, M. Williams n’a pas vu sa femme et ses quatre enfants depuis l’automne 2019, presque trois ans et en temps de pandémie.

Je voudrais souligner à l’attention de cette commission les faits suivants:

Le 16 décembre 2021, un projet de loi portant modification de la loi de 2015 sur le travail décent a été déposé auprès de la chambre basse du Parlement libérien, au mépris des syndicats de la fonction publique. Le 28 février 2022, alors que la loi sur le travail décent était en cours de discussion au Sénat, le président de la Commission judiciaire du Sénat, également membre de la Commission du travail a refusé aux travailleurs du secteur public, invités à la séance, le droit de prendre la parole, et leur a conseillé de porter leur demande de modification législative devant les tribunaux.

Pourtant, le 20 mai 2022, il y a deux semaines, le juge Dunbar a rendu une décision interdisant aux travailleurs du secteur public de constituer des syndicats, et ce en vertu de la loi de 2015 sur le travail décent. Nous regrettons que le gouvernement n’ait fait aucun commentaire sur ce développement, comme dans un souci de voiler les faits à la discussion de cette commission.

De plus, le gouvernement est actuellement engagé dans un «dialogue social» – cherchez l’erreur – avec un petit groupe de travailleurs de la santé dénommé, pour les besoins de la négociation, Réseau des travailleurs de santé de la région sud-est. Ils ont demandé puis convenu d’un ajustement de salaire, chose que le NAHWUL réclame depuis de nombreuses années, sans le moindre résultat.

Nous déplorons ces pratiques. Nous demandons au gouvernement de s’engager devant cette commission à cesser de harceler et de menacer les syndicalistes et de s’ingérer dans les affaires syndicales et à donner l’assurance à M. Williams qu’il pourra revenir au pays en toute sécurité. Nous demandons que le gouvernement s’engage également à prendre les mesures nécessaires, en droit et dans la pratique, pour la reconnaissance légale du NAHWUL et des syndicats du secteur public en général.

Représentante gouvernementale – Le gouvernement tient à remercier les représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs qui ont fait des commentaires. Le gouvernement en prend note et s’engage à s’assurer que tous les travailleurs du Libéria seront couverts conformément à la convention. Le gouvernement a conscience du long chemin à parcourir pour le système judiciaire et le système législatif. Des étapes ont déjà été franchies à cet effet.

Le gouvernement tient à souligner que tous les travailleurs du secteur privé sont entièrement couverts par la loi sur le travail décent de 2015 et jouissent de la liberté syndicale. Le gouvernement n’est pas en mesure de vérifier les cas mentionnés par le représentant des travailleurs car ils viennent seulement d’être portés à sa connaissance. Le gouvernement reconnaît que la loi sur le travail décent de 2015 exclut les travailleurs maritimes et les travailleurs du secteur public mais il s’efforce de faire en sorte que la législation soit harmonisée.

C’est un fait connu que le Libéria a souffert de quinze ans de guerre civile et la loi sur le travail décent de 2015 démontre son attachement au principe de travail décent de l’OIT. Dans un contexte de pandémie sur fond d’économie d’après-guerre, le gouvernement progresse vers l’harmonisation du droit du travail.

Outre la loi sur le travail décent de 2015, la constitution du Libéria reconnaît à tout un chacun le droit de s’affilier à un syndicat. Actuellement, le LLC traverse une crise de leadership qui a occasionné le retard de l’arrivée de la délégation à cette Conférence. Le gouvernement est en attente de la décision du tribunal pour pouvoir compléter sa délégation. Le gouvernement demeure libre d’assister à une conférence du LLC et est disposé à travailler avec chacune des parties.

Membres employeurs – Nous avons écouté avec attention les positions des groupes et des participants, et nous partageons les points de vue exprimés par le plus grand nombre dans cette salle quant à la gravité de la situation. Dès lors, le groupe des employeurs ne peut qu’exhorter le Libéria à respecter ses obligations au titre de la convention no 87 et, surtout, à fournir des informations complètes sur la dissolution d’un ou plusieurs syndicats et sur l’arrestation de dirigeants syndicaux. Il devra fournir des informations complémentaires en ce qui concerne les autres allégations soulevées par le NAHWUL et faire état des mesures spécifiques prises pour garantir que cette organisation obtienne sans délai la pleine reconnaissance légale.

Il devra également indiquer de quelle manière l’article 45.6 de la loi garantit pleinement aux travailleurs étrangers, tant en droit que dans la pratique, le droit de constituer des organisations pour défendre leurs intérêts professionnels.

Il devra fournir des informations sur les dispositions légales garantissant que les travailleurs du secteur public jouissent des droits et garanties énoncés dans la convention, qu’il s’agisse de dispositions élaborées ou envisagées, tout en précisant le délai prévu pour leur promulgation.

Enfin, le gouvernement devra fournir des informations détaillées sur la manière dont les droits inscrits dans la convention seront garantis, en droit et dans la pratique, pour la protection des travailleurs maritimes.

Membres travailleurs – Nous prenons note des commentaires du gouvernement et remercions tous ceux qui se sont exprimés pour apporter plus de lumière à la situation concernant l’application de la convention au Libéria. Nous déplorons l’absence de délégués des travailleurs du Libéria à la Conférence internationale du Travail.

À la lumière des commentaires formulés par certains délégués employeurs au cours de la discussion, les membres travailleurs doivent avoir en tête la longue et constante jurisprudence du Comité de la liberté syndicale et les commentaires de la commission d’experts qui affirment que le droit de grève est une composante fondamentale de la liberté syndicale.

Nous avons fait état des graves violations dans l’application de la convention par le gouvernement, tant en droit qu’en pratique. Le gouvernement doit prendre d’urgence, en consultation pleine et entière avec les partenaires sociaux, des mesures visant à mettre sa législation et sa pratique en conformité avec la convention no 87. Nous appelons notamment le gouvernement à:

- veiller à ce que tous les travailleurs puissent, en vertu de la convention, exercer leurs droits au travail dans un climat de respect des libertés civiles, y compris la liberté syndicale, la liberté d’expression, de réunion et de manifestation pacifiques, sans ingérence ni crainte pour leur sécurité personnelle et leur intégrité physique;

- veiller à ce que les dirigeants et les membres d’associations syndicales ne soient pas emprisonnés au motif de leur participation à des activités syndicales, à ce que les menaces à l’encontre de dirigeants syndicaux fassent l’objet d’enquêtes approfondies et à ce que les auteurs d’infraction soient dûment sanctionnés;

- mettre en place des mesures, y compris des sanctions dissuasives, pour garantir que les employeurs ne soient pas autorisés à dissoudre des syndicats et qu’un syndicat ne puisse être dissous que par une décision de justice rendue en dernier ressort, et ce, uniquement en cas de violation grave de la loi;

- enregistrer, sans délai, en tant que syndicat NAHWUL et fournir à la commission d’experts des informations complémentaires au sujet des allégations en suspens, ainsi que, au Comité de la liberté syndicale, des informations relatives au cas no 3202;

- réviser la loi sur le travail décent ainsi que toute autre législation connexe pour garantir que tous les travailleurs, à la seule exception possible de ceux de la police et des forces armées, jouissent du droit de constituer un syndicat ou de s’affilier à un syndicat de leur choix; en particulier, veiller à ce que les travailleurs du secteur public et les fonctionnaires jouissent des droits et garanties énoncés dans la convention;

- fournir à la commission d’experts des informations sur les lois élaborées ou envisagées, ainsi que sur le délai prévu pour leur promulgation;

- réexaminer la législation de manière à garantir que les officiers, les membres d’équipage et toute autre personne employée ou en formation sur les navires soient en mesure d’exercer leurs droits en vertu de la convention et fournir à la commission d’experts des informations sur la manière dont les droits sont assurés aux travailleurs maritimes, y compris les stagiaires;

- réexaminer l’article 45.6 de la loi sur le travail décent dans le but de garantir que le droit de constituer des syndicats pour défendre leurs intérêts professionnels soit pleinement reconnu aux travailleurs étrangers, tant en droit que dans la pratique;

- réviser la loi sur le travail décent pour garantir que la définition des services essentiels soit conforme aux dispositions de la convention;

- fournir à la commission d’experts des informations sur les mesures prises et les résultats atteints pour garantir l’existence de recours adéquats à disposition des travailleurs victimes d’actes discriminatoires antisyndicaux, en particulier des mesures pour leur réintégration.

Le gouvernement devra fournir au 1er septembre 2022 à la commission d’experts des informations sur toutes les mesures prises pour se conformer à ses obligations au titre de la convention, ainsi que sur tout développement à cet égard.

Nous appelons le gouvernement du Libéria à se prévaloir d’une mission consultative de l’OIT en vue de la mise en conformité de sa législation et de sa pratique avec la convention.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations orales fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a regretté que le gouvernement n’ait pas fourni d’informations par écrit.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de:

- faire en sorte que tous les travailleurs soient en mesure d’exercer leurs droits du travail en vertu de la convention dans un contexte de respect des libertés publiques, dont la liberté d’association, la liberté d’expression, de se réunir et protester pacifiquement sans ingérence et sans craindre pour leur sécurité individuelle et leur intégrité physique;

- veiller à ce que les dirigeants et membres syndicaux ne soient pas emprisonnés pour avoir exercé des activités syndicales et que les menaces que subissent des dirigeants syndicaux en raison de leurs activités fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que les coupables soient dûment sanctionnés;

- appliquer des mesures, y compris des sanctions dissuasives, pour garantir que les organisations syndicales ne peuvent être dissoutes que par une autorité judiciaire, en dernier recours, pour violation grave de la loi;

- solutionner la question de l’enregistrement du Syndicat national des travailleurs de la santé du Libéria (NAHWUL) en tant qu’organisation syndicale sans autre délai et fournir des informations complémentaires sur d’éventuelles allégations en suspens;

- réviser la loi sur le travail décent et tout autre texte de loi connexe pour faire en sorte que tous les travailleurs, y compris les travailleurs étrangers, puissent exercer le droit de constituer le syndicat de leur choix ou de s’y affilier;

- veiller à ce que les travailleurs du secteur public jouissent de la protection des droits à la liberté syndicale au sens de la convention.

La commission invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.

La commission prie le gouvernement de soumettre à la commission d’experts, d’ici au 1er septembre 2022, un rapport contenant des informations sur l’application de la convention en droit et dans la pratique, en consultation avec les partenaires sociaux.

Représentante gouvernementale – Le gouvernement du Libéria prend note des conclusions de la commission et tient à lui assurer que son rapport sera soumis à la commission d’experts comme prévu.

Le gouvernement tient également à assurer à la commission qu’il continuera à veiller à ce qu’aucun dirigeant ou membre de syndicat ou d’association ne soit emprisonné pour avoir exercé des activités syndicales ou associatives. S’il existe un seul de ces cas et qu’il n’a pas été porté à notre attention, nous demandons à ce qu’il le soit pour qu’une enquête rapide soit diligentée.

Le gouvernement reconnaît qu’il existe un problème typique de conflit de lois entre la convention, la loi sur la fonction publique et la loi sur le travail décent de 2015. Ces trois instruments ont la même force de loi. Dans tous les systèmes juridiques où un conflit de lois persiste, soit les juridictions, soit le législateur peuvent le résoudre. Dans le cas du Libéria, aucune partie n’a soumis cette question à un tribunal compétent à travers une requête de jugement judiciaire. De même, aucune partie n’a demandé au Parlement national d’amender l’une de ces lois. Cependant, ce que l’on constate régulièrement, c’est la lutte interne pour le leadership au sein du LLC. Ce qui est alarmant et inacceptable, c’est que les factions en conflit essaient toujours de s’aligner sur le gouvernement du Libéria ou sur des influences extérieures pour prendre parti dans la lutte pour le leadership.

L’état de droit est le seul mécanisme à travers lequel ce problème devrait et peut être résolu. Par conséquent, la résolution du comité d’enregistrer le NAHWUL en tant qu’organisation syndicale en dépit des procédures judiciaires porte préjudice au travail du Conseil national tripartite. Aujourd’hui, le gouvernement du Libéria demande l’assistance du BIT pour jouer un rôle supplémentaire dans la gouvernance et la gestion nationale en vue de la cohésion sociale au sein du LLC.

En tant que gouvernement, nous soutiendrons ces réformes, mais pas directement, afin de ne pas être perçus comme compromettant l’indépendance du LLC. Nous remercions la commission pour sa compréhension et son soutien continus.

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