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Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Turkménistan (Ratification: 1997)

Autre commentaire sur C105

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2021, qui font référence aux questions examinées par la commission dans le présent commentaire. Elle prie le gouvernement de fournir une réponse aux observations de la CSI.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 109e session, juin 2021)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu lors de la 109e session de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2021.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Production de coton. La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2021, la Commission de la Conférence a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures efficaces dans des délais définis pour: i) assurer que, en droit et dans la pratique, nul ne soit contraint, y compris les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé et les étudiants, de participer à la récolte de coton organisée par l’État ni menacé de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints; ii) rendre compte du statut de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, qui porte sur le recrutement de citoyens en vue de les faire travailler dans des entreprises, des institutions et des organisations dans les situations d’urgence; iii) mettre fin aux quotas obligatoires de production et de récolte de coton; iv) poursuivre et sanctionner de manière appropriée tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la culture ou la récolte du coton; v) élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, un plan d’action visant à éliminer, en droit et dans la pratique, le travail forcé dans le cadre de la récolte de coton organisée par l’État, et à améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton, conformément aux normes internationales du travail; et vi) permettre aux partenaires sociaux indépendants, à la presse et aux organisations de la société civile de suivre et de réunir des informations sur les cas de travail forcé lors de la récolte du coton sans craindre de représailles.
Dans ses commentaires précédents, la commission a exprimé sa profonde préoccupation face à la persistance de pratiques de travail forcé dans le secteur du coton. Elle a également noté l’absence de progrès tangible dans le traitement de la question de la mobilisation des personnes à des fins de travail forcé dans la récolte du coton depuis la discussion de ce cas par la Commission de la Conférence en juin 2016 et la visite, qui avait suivi, d’une mission consultative technique du BIT dans le pays.
La commission a également noté que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales de 2018, s’était déclaré préoccupé par les informations selon lesquelles nombre de travailleurs et d’étudiants continueraient à être forcés de travailler pendant la récolte du coton, sous peine de sanctions (E/C.12/TKM/CO/2, paragr. 23). Elle a également noté, à la lecture du Résumé des observations des parties prenantes sur le Turkménistan, de 2018, présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, que des personnes obligées de récolter du coton ont été forcées de signer des déclarations de participation «volontaire» à la récolte (A/HRC/WG.6/30/TKM/3, paragr. 49).
La commission a également pris note des observations de la CSI de 2020 dans lesquelles celle-ci dénonçait la pratique généralisée, imposée par l’État, du travail forcé pour la récolte du coton. La CSI avait indiqué en particulier qu’au cours de la récolte de coton de 2019, des fonctionnaires, y compris des membres du personnel enseignant, des médecins, des employés des services municipaux et des entreprises de services publics avaient une fois encore été mobilisés pour la récolte du coton ou avaient été contraints de payer des cueilleurs pour les remplacer. Pour la seconde fois en 15 ans, les enseignants ont été contraints de passer leurs neuf jours de vacances d’automne à cueillir du coton. Ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas le faire ont dû payer une part importante de leur revenu. En octobre 2019, chaque enseignant concerné a dû payer 285 manats (soit environ 16 dollars des États-Unis) alors que leur revenu mensuel moyen est d’environ 90 dollars É. U.
À cet égard, la commission note l’indication du gouvernement, dans les informations écrites fournies à la Commission de la Conférence, selon laquelle, pour la période 2015-2020, le pourcentage de coton récolté à la main est passé de 71 pour cent à 28 pour cent du fait de la mécanisation des activités. Le gouvernement souligne que l’utilisation généralisée de récolteuses de coton démontre qu’il n’est pas nécessaire de mobiliser d’énormes ressources humaines pour la cueillette du coton.
La commission prend également note de l’indication du gouvernement, dans sa communication en date du 25 octobre 2021, selon laquelle il a accepté la venue d’une mission de haut niveau de l’OIT, comme le lui avait demandé la Commission de la Conférence.
La commission note également que le gouvernement, indique dans son rapport qu’il s’efforce de mettre en place une politique d’automatisation maximale des travaux du secteur agricole et que l’utilisation de fonctionnaires pour la cueillette du coton n’est pas économiquement viable. Le gouvernement précise en outre qu’il n’existe pas de système de quotas obligatoires pour la production de coton au Turkménistan et que les conditions de production du coton, y compris le volume et le prix d’achat, sont régies dans le cadre d’un contrat conclu entre l’État et l’exploitant. Le gouvernement indique également que les organes chargés de l’application de la loi n’ont enregistré aucun cas de contrainte exercée sur des citoyens pour la cueillette du coton ni de paiement par des citoyens de sommes destinées à la récolte du coton.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence a été abrogée par la loi de 2013 sur l’état d’urgence (art. 31(2)) et que l’état d’urgence n’a jamais été décrété au Turkménistan. La commission prend également note du Plan d’action national pour les droits de l’homme (2021-2025) élaboré avec la participation de parties prenantes de tous horizons. Le gouvernement indique que ce plan d’action comporte un article sur la liberté du travail, qui prévoit diverses mesures visant notamment à prévenir le recours au travail forcé en veillant au respect de la législation et en renforçant les contrôles à cet effet. À cet égard, le gouvernement souligne que ce plan d’action pourra servir de point de départ pour traiter les questions soulevées par la Commission de la Conférence.
Toutefois, la commission note que, dans ses observations de 2021, la CSI réitère une fois de plus que l’État recourt de manière systémique au travail forcé pour la cueillette du coton. En particulier, lors de la récolte de 2020, des employés du secteur public et des étudiants ont à nouveau été mobilisés pour travailler dans les champs de coton. La CSI indique que les personnes mobilisées sont contraintes de travailler pendant des heures excessivement longues dans des conditions sanitaires déplorables et sans équipement de protection. Comme elle l’avait précédemment souligné, pour ne pas participer à la récolte du coton, certaines personnes ont dû payer des montants représentant une part importante de leurs revenus pour se faire remplacer. La CSI souligne que la mécanisation du processus de récolte du coton ne semble pas offrir de garanties suffisantes pour que cesse durablement la pratique systématique du travail forcé au Turkménistan.
La Commission note par ailleurs que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, dans la communication datée du 30 août 2021 adressée au gouvernement du Turkménistan, s’est déclaré profondément préoccupé par les conditions de travail et de vie des travailleurs du coton. Le Rapporteur spécial indique que, selon les informations reçues, des dizaines de milliers de citoyens, de travailleurs des secteurs public et privé sont assujettis au travail forcé, étant contraints de travailler dans les champs de coton sous peine d’être licenciés. Les travailleurs du secteur du coton doivent, selon les informations recueillies, payer eux-mêmes leur transport, leur logement et leur nourriture et ils ne perçoivent pas de rémunération ou ont des salaires très bas. En outre, ces travailleurs n’ont pas accès à une assistance médicale en cas de besoin et ne peuvent pas se payer de soins médicaux eux-mêmes en raison de leurs faibles revenus. Si les quotas de production de coton imposés par l’État ne sont pas atteints, les associations agricoles, les entreprises et les organisations, les écoles, les organismes de construction, les services d’utilité publique et les hôpitaux de la région concernée peuvent être obligés de fournir du coton, en l’achetant ailleurs.
Tout en prenant note de certaines mesures adoptées par le gouvernement pour traiter le problème du travail forcé dans le cadre de la récolte de coton, y compris les mesures visant à réduire les travaux effectués manuellement, la commission exprime une fois de plus sa profonde préoccupation face à la persistance du travail forcé dans ce secteur. Prenant dûment note de l’engagement déclaré du gouvernement à collaborer avec le BIT et à mettre en œuvre cette convention, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé ainsi que des étudiants dans le cadre de la production de coton. La commission encourage vivement le gouvernement à continuer de coopérer avec le BIT et les partenaires sociaux afin d’assurer la pleine application de la convention dans la pratique. À cet égard, elle encourage le gouvernement à considérer la possibilité d’élaborer un plan d’action national, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et le BIT, pour améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin et les résultats concrets obtenus en la matière. La commission salue le fait que, comme le lui avait demandé la Commission de la Conférence, le gouvernement ait accepté d’accueillir une mission de haut niveau, laquelle se rendra dans le pays en 2022, et elle veut croire que, dans ce contexte, la mission de haut niveau sera en mesure de constater les progrès tangibles accomplis.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2022.]
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