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Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cambodge (Ratification: 1999)

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La commission prend note des observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2021, relatives à des points examinés dans le présent commentaire et dans lesquelles elle dénonce également qu’en août 2021: i) Rong Chhun, le président de la Confédération cambodgienne des syndicats (CCU) et l’ancien président de l’Association cambodgienne des enseignants indépendants (CITA), arrêté en juillet 2020 après avoir pris parti pour des villageois dans un différend foncier le long de la frontière entre le Cambodge et le Viet Nam, a été condamné à deux ans de prison; et ii) Sar Kanika, la présidente de l’Association des travailleurs informels du Cambodge, qui avait également participé à ces activités syndicales en défense des intérêts économiques des fermiers, a été condamnée à 20 mois de prison. La commission se félicite de l’annonce de la libération de M. Chhun et de Mme Kanika, en novembre 2021.
La commission note que la CSI dénonce par ailleurs qu’au cours de l’année écoulée, plusieurs lois et décrets d’urgence ont été adoptés, restreignant l’exercice de la liberté syndicale. En particulier, la CSI fait référence à: i) la loi sur l’administration de la nation dans les situations d’urgence, affirmant qu’elle accorde au gouvernement de larges pouvoirs lui permettant d’interdire les réunions et les rassemblements, de surveiller les télécommunications et d’interdire ou de limiter les médias susceptibles de nuire à la «sécurité nationale», définit une série d’autres mesures «appropriées et nécessaires» et prévoit que toute infraction est passible de lourdes peines d’emprisonnement et d’amendes; et ii) la loi sur les mesures visant à prévenir la propagation de la COVID-19 et d’autres maladies graves, dangereuses et contagieuses, qui comprend l’interdiction des rassemblements, ainsi que des «mesures administratives et autres non spécifiées, nécessaires pour répondre à la propagation de la COVID-19 et la prévenir». La CSI allègue que des dispositions aussi vagues permettent des abus et autorisent les autorités à cibler arbitrairement les personnes et les organisations qui protestent contre les politiques gouvernementales. En outre, toujours selon la CSI, un projet de loi sur l’ordre public, très problématique, exigerait l’autorisation des autorités pour utiliser des espaces publics et leur permettrait de mettre un terme à tout événement pour lequel aucune autorisation n’aurait été demandée. La CSI allègue par ailleurs que le 3 avril 2020, Mme Soy Sros, la présidente d’un syndicat local affilié au Syndicat collectif du mouvement des travailleurs (CUMW), a été arrêtée par la police de la province de Kompong Speu à la suite d’une plainte déposée au pénal par son employeur pour des messages publiés sur les réseaux sociaux liés à un conflit du travail dû au licenciement injuste de plusieurs membres syndicaux. La commission note qu’en ce qui concerne la nécessité d’enquêter sur les allégations de répression violente d’activités syndicales et d’arrestations ou de poursuites judiciaires de dirigeants syndicaux pour des activités syndicales légitimes, le gouvernement: i) indique que des procédures de dépôt de plaintes et de réclamation existent à tous les niveaux et toute personne, y compris des syndicalistes, peut y recourir et en bénéficier; ii) note que d’une façon générale, les syndicats et les syndicalistes doivent présenter leurs réclamations aux autorités compétentes qui prendront des mesures immédiates, conformément aux règles et procédures applicables, et feront suivre les informations pertinentes pour que le ministère du Travail et de la Formation professionnelle puisse fournir une assistance juridique appropriée; et iii) affirme que les dirigeants syndicaux qui commettent des infractions pénales doivent répondre de leurs actes. Tout en observant, à partir des informations publiquement disponibles, qu’il y a eu une certaine évolution concernant la libération de Mme Soy Sros, la commission regrette que le gouvernement n’ait pas fourni davantage d’informations quant aux autres allégations spécifiques d’organisations de travailleurs qui lui ont été soumises et le prie de fournir ses commentaires détaillés sur toutes ces allégations graves.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 109e session, juin 2021)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail (ci-après, la Commission de la Conférence) concernant l’application de la convention par le Cambodge. La commission observe que la Commission de la Conférence a exprimé sa profonde préoccupation devant la poursuite des actes de violence contre des travailleurs, les arrestations de nombreux syndicalistes en rapport avec leurs activités, ainsi que devant l’absence d’enquêtes efficaces et en temps opportun sur ces incidents, et a prié instamment le gouvernement: i) d’enquêter sur toutes les allégations de répression violente de l’activité syndicale et de détention de dirigeants syndicaux; ii) de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’accélérer les enquêtes sur les meurtres des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth (en 2004) et Hy Vuthy (en 2007), et d’assurer que les auteurs de ces crimes sont traduits en justice; iii) d’engager tous les efforts nécessaires pour conclure les procédures judiciaires intentées à des syndicalistes dans le cadre des incidents des manifestations de janvier 2014, d’assurer qu’aucune inculpation ou sanction ne soit imposée pour l’exercice pacifique d’activités syndicales et d’abandonner tous les chefs d’inculpation pénale contre les syndicalistes accusés dans le cadre des manifestations de janvier 2014; et iv) de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux arrestations arbitraires, aux détentions et poursuites de syndicalistes pour avoir mené des activités syndicales légitimes. La Commission de la Conférence a également noté que, si des mesures positives ont été prises pour mettre la législation en conformité avec la convention, des problèmes graves de conformité restent sans réponse et a demandé au gouvernement cambodgien: 1) de communiquer à la commission d’experts les rapports des trois commissions chargées d’enquêter sur les violences visant des dirigeants syndicaux et les meurtres de certains d’entre eux; 2) d’assurer que des enquêtes sont promptement diligentées contre les actes de discrimination antisyndicale et que, si les faits sont avérés, des réparations adéquates et des sanctions dissuasives sont appliquées; 3) avec l’assistance technique du BIT, d’élaborer des lignes directrices, un code de bonne pratique ou un manuel sur le maintien de l’ordre et le traitement des actions collectives et actions de protestation; 4) de modifier la loi sur les syndicats en consultation avec les partenaires sociaux pour garantir sa conformité avec la convention; 5) d’assurer que les travailleurs peuvent enregistrer des syndicats par le biais d’une procédure simple, objective et transparente; 6) de continuer à identifier, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures légales appropriées pour garantir que les enseignants, les travailleurs domestiques et les fonctionnaires qui ne sont pas couverts par la loi sur les syndicats jouissent des droits à la liberté syndicale au sens de la convention; 7) d’abroger, dans la loi sur les syndicats, le critère d’alphabétisation figurant dans les articles 20, 21 et 38 de la loi sur les syndicats, le paragraphe 2 de l’article 28 sur la dissolution automatique des organisations de travailleurs en cas de fermeture totale d’une entreprise ou d’un établissement, et l’article 29 sur la dissolution des organisations d’employeurs et de travailleurs à l’initiative de membres de ces organisations; 8) de discuter avec les partenaires sociaux de la possibilité d’autoriser la constitution d’organisations d’employeurs et de travailleurs par secteur ou profession; et 9) d’intensifier ses efforts pour faire du Conseil d’arbitrage une institution efficace et pérenne pour traiter les conflits du travail, et de faire en sorte que les décisions contraignantes du Conseil d’arbitrage soient effectivement appliquées en droit et dans la pratique. Enfin, la Commission de la Conférence a recommandé que le gouvernement accepte dès que possible une mission de contacts directs. À cet égard, la commission accueille favorablement que, par une communication datée du 10 août 2021, le gouvernement accepte la mission de contacts directs et ait pris en contact avec le BIT pour l’organiser dès que possible dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Droits syndicaux et libertés publiques

Meurtres de syndicalistes. S’agissant de la recommandation qu’elle fait depuis longtemps de procéder à des enquêtes complètes et indépendantes sur les meurtres des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth (en 2004) et Hy Vuthy (en 2007), la commission note que: i) en ce qui concerne le meurtre de Chea Vichea, le gouvernement indique que la police de Phnom Penh a rouvert l’enquête, note que malgré les difficultés, la police fait tout son possible pour clore l’affaire et répète qu’il est indispensable que les membres de la famille et toutes les parties concernées collaborent étroitement; ii) en ce qui concerne le meurtre de Ros Sovannareth, le gouvernement rappelle que la Cour d’appel a réexaminé l’affaire et a rendu son verdict en juillet 2019, condamnant le suspect, Thach Saveth, à 15 ans de prison pour meurtre prémédité; et iii) en ce qui concerne le meurtre de Hy Vuthy, le gouvernement rappelle que Chan Sophon, le suspect qui avait été arrêté en septembre 2013, a fait appel et a été libéré en février 2014 et indique que l’autre suspect, Phal Vannak, a aussi été condamné par contumace et est sous le coup d’un mandat d’arrêt. La commission note par ailleurs que la CSI déplore une fois encore que ces meurtres ne soient pas résolus, ainsi que l’impunité persistante 17 et 14 ans plus tard. La commission réitère sa profonde préoccupation face à l’absence de progrès concernant les enquêtes et renvoie à cet égard aux conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale lors de son examen du cas no 2318 (voir 396e rapport, novembre 2021, paragr. 166 à 172). Rappelant une nouvelle fois la nécessité de conclure les enquêtes et de traduire en justice les auteurs et les instigateurs de ces crimes, la commission prie instamment et fermement les autorités compétentes de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’accélérer la procédure d’enquête et de communiquer des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Incidents durant les manifestations de janvier 2014. En ce qui concerne les syndicalistes faisant l’objet de procédures pénales pour les incidents survenus au cours des manifestations de janvier 2014, dans son précédent commentaire, la commission avait noté avec intérêt que les six dirigeants syndicaux initialement condamnés à une peine de trois ans et demi de prison avec sursis avaient été acquittés de tous les chefs d’accusation le 28 mai 2019. Elle avait aussi noté que pour les autres syndicalistes faisant encore l’objet de procédures judiciaires, un groupe de travail avait été mis en place pour suivre les affaires en cours devant les tribunaux en vue d’accélérer leur résolution. Enfin, elle avait pris note de statistiques détaillées relatives aux efforts visant à résoudre les affaires et avait demandé au gouvernement de continuer de fournir des informations sur les procédures en cours. La commission note que dans son dernier rapport, le gouvernement: i) réaffirme qu’on ne peut pas considérer que les émeutes survenues s’inscrivaient dans le cadre de l’exercice pacifique d’activités syndicales et qu’il s’agissait d’un acte à motivation politique; ii) déclare que les plaintes ont été déposées auprès des tribunaux compétents qui ont statué à leur discrétion en fonction des preuves fournies (certains suspects ont été relaxés s’ils étaient innocents en application des règles de procédure); iii) indique qu’en novembre 2021, peu d’affaires pénales étaient en instance devant les tribunaux et aucune ne concernait la liberté syndicale; et iv) rappelle que le ministère du Travail et de la Formation professionnelle et le ministère de la Justice ont collaboré pour apporter un soutien juridique aux syndicalistes dont les affaires étaient toujours en cours. La commission note par ailleurs que la CSI: i) rappelle que les travailleurs du secteur de l’habillement protestaient pour obtenir un salaire minimum leur permettant de vivre et qu’en réponse, la police militaire a ouvert le feu sur les manifestants, faisant plusieurs morts et blessés; ii) déplore que sept ans après les manifestations de 2014, des cas d’arrestation et de détention arbitraires de syndicalistes ne soient toujours pas résolus; et iii) dénonce que plusieurs syndicalistes font toujours l’objet de poursuites civiles ou pénales pour avoir pacifiquement participé aux manifestations. La commission note également qu’en réponse à la demande de la Commission de la Conférence de communiquer à la commission d’experts les rapports des trois commissions chargées d’enquêter sur les violences visant des dirigeants syndicaux et les meurtres de certains d’entre eux, le gouvernement répète qu’il ne peut pas partager les rapports détaillés des commissions, car ils relèvent des affaires internes du pays, mais que, comme cela a été rapporté à la mission de contact directs de 2016, les conclusions des trois commissions ont été soumises aux tribunaux compétents pour la suite de la procédure et le gouvernement fera part de l’issue de la procédure judiciaire lorsqu’elle sera terminée. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les procédures judiciaires en cours visant des syndicalistes, notamment sur tout verdict rendu. Elle le prie également de communiquer des informations détaillées sur toute décision de justice résultant des conclusions des commissions qui ont enquêté sur les allégations de meurtres, de violences physiques et d’arrestations de travailleurs qui manifestaient, de même que tous les documents liés aux rapports des commissions qui ne mettent pas directement en cause les affaires internes du pays.
Formation des forces de police en ce qui concerne les actions collectives et de protestation. Dans ses commentaires précédents, rappelant que l’intervention de la police devrait être proportionnée à la menace pour l’ordre public et que les autorités compétentes devraient recevoir des instructions adéquates pour éviter l’écueil d’un usage disproportionné de la force lorsqu’elles tentent de contrôler des manifestations susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, la commission avait encouragé le gouvernement à envisager de solliciter l’assistance technique du Bureau en rapport avec la formation des forces de police dans le but, par exemple, d’élaborer des lignes directrices, un code de bonne pratique ou un manuel sur l’attitude à avoir lors d’actions collectives et de protestation. La commission prend bonne note que le gouvernement fait savoir que: i) 120 policiers de quatre unités différentes ont reçu une formation organisée par le ministère du Travail et de la Formation professionnelle et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, avec le soutien du BIT; ii) des formations complémentaires ont eu lieu en 2020 et un total 550 policiers ont participé à des formations sur le droit de faire grève et de manifester pacifiquement; et iii) compte tenu des résultats de ces formations, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle maintiendra ses contacts avec les institutions concernées pour engager des consultations en vue d’élaborer des lignes directrices sur l’attitude à avoir lors de conflits du travail et d’actions collectives, et une demande d’appui technique sera présentée au BIT en temps voulu. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations à cet égard, surtout sur l’élaboration, avec l’assistance du BIT, de lignes directrices, d’un code de bonne pratique ou d’un manuel sur le maintien de l’ordre et le traitement des actions collectives et actions de protestation, ainsi que sur le nombre de policiers qui participent aux formations, leur durée et les sujets qu’elles abordent, y compris la question de savoir si les conséquences disciplinaires de l’usage excessif de la force font partie de la formation.

Questions législatives

La commission note que le gouvernement répète les informations qu’il avait fournies sur les amendements à la loi sur les syndicats, qui est entrée en vigueur en janvier 2020, et indique qu’ils ont donné lieu à une augmentation du nombre d’organisations professionnelles enregistrées. Il précise que sur 5 650 organisations inscrites, 5 352 sont des syndicats locaux de travailleurs, 247 des fédérations de syndicats de travailleurs, 40 des confédérations de syndicats de travailleurs et 11 des organisations d’employeurs. La commission note, d’après l’indication du gouvernement, qu’il n’est pas nécessaire de modifier davantage la loi sur les syndicats; que l’une des principales priorités est de sensibiliser les syndicalistes aux dispositions de la loi sur les syndicats; qu’il accueille favorablement que de futures consultations se tiennent pour revoir le contenu de la loi et sa mise en œuvre; et qu’il souhaite demander le soutien du BIT pour organiser des formations sur la loi sur les syndicats afin de renforcer les capacités des partenaires sociaux. Le gouvernement encourage une fois encore les travailleurs et les syndicalistes à déposer plainte auprès du ministère du Travail et de la Formation professionnelle en cas d’irrégularités liées à l’enregistrement, à la représentation ou à l’exercice de la liberté syndicale en application de la loi sur les syndicats. D’autre part, la commission note que la CSI allègue que les modifications apportées à la loi sur les syndicats ne permettent pas une mise en conformité de la législation avec la convention et des syndicats ont fait savoir que le gouvernement n’avait mené aucun dialogue constructif avec eux et avait refusé d’examiner les propositions d’amendement des syndicats alors qu’ils auraient permis d’assurer le respect de la convention.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations et de s’y affilier. Dans ses commentaires précédents, la commission avait instamment prié le gouvernement de prendre des mesures appropriées, en concertation avec les partenaires sociaux, pour garantir que les fonctionnaires (dont les enseignants), qui ne sont pas couverts par la loi sur les syndicats, peuvent pleinement bénéficier de leurs droits syndicaux tels que conférés par la convention et que la législation est modifiée en conséquence. La commission note que le gouvernement répète que la loi sur les syndicats est applicable aux enseignants qui travaillent dans des établissements privés et que les fonctionnaires et les enseignants des écoles publiques peuvent jouir de la liberté syndicale conformément à la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales. Le gouvernement ajoute que la convention n’exige pas que la liberté syndicale de tous les individus soit couverte par un instrument législatif unique et indique que ces différents régimes sont dus au système administratif et à la répartition des compétences des institutions étatiques chargées de l’enregistrement des organisations professionnelles. À cet égard, la commission se doit de rappeler qu’elle avait déjà souligné que certaines dispositions de la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales contreviennent aux droits que la convention reconnaît aux fonctionnaires en matière de liberté syndicale, car elle ne confère pas aux associations de fonctionnaires le droit de rédiger des statuts et un règlement, le droit d’élire des représentants, le droit d’organiser des activités et de formuler des programmes sans l’ingérence des autorités publiques, ni le droit de s’affilier à des fédérations ou confédérations, y compris à l’échelon international, et soumet l’enregistrement de ces associations à l’autorisation du ministère de l’Intérieur. En outre, la commission avait noté que les organisations et associations de travailleurs étaient particulièrement inquiètes face au manque de protection des droits syndicaux des enseignants (mentionnant en particulier les sanctions et les menaces visant des enseignants qui cherchent à s’organiser). La commission note que les observations de la CSI allèguent une nouvelle fois que le cadre régressif de la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales n’est pas conforme à la convention. Regrettant l’absence persistante de progrès à cet égard, la commission se doit une fois encore de prier urgemment le gouvernement de prendre des mesures appropriées, en concertation avec les partenaires sociaux, pour garantir que les fonctionnaires (dont les enseignants), qui ne sont pas couverts par la loi sur les syndicats, peuvent pleinement exercer leurs droits syndicaux tels que conférés par la convention et que la législation est modifiée en conséquence.
En ce qui concerne les travailleurs domestiques, la commission note que le gouvernement déclare que la loi sur les syndicats est applicable à cette catégorie de travailleurs. De plus, pour ce qui est de la possibilité d’autoriser la formation d’organisations par secteur ou profession, le gouvernement indique qu’il n’est pas interdit de constituer des organisations par secteur ou profession tant que les conditions de la loi sur les syndicats sont remplies et affirme que la convention n’exige pas qu’une loi nationale énonce précisément cette disposition. Le gouvernement ajoute qu’il souhaiterait solliciter l’assistance du BIT pour organiser des formations en vue de sensibiliser davantage les travailleurs et les employeurs à ce sujet. Ayant dûment pris note de ces indications, la commission rappelle que les organisations syndicales continuent d’exprimer une profonde préoccupation face aux difficultés que rencontrent les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle en général qui cherchent à constituer des syndicats et à s’y affilier, car la loi sur les syndicats préconise un modèle de syndicat d’entreprise dont les conditions sont très difficiles à remplir pour ces travailleurs et n’autorise pas la création de syndicats par secteur ou profession. Elle note également que, dans ses observations, la CSI souligne de nouveau que l’une des lacunes les plus importantes de la législation nationale est que les travailleurs domestiques, les travailleurs de l’économie informelle et les autres travailleurs qui ne sont pas organisés selon un modèle de syndicat d’entreprise ne peuvent toujours pas, dans la pratique, constituer des syndicats ni s’y affilier. La commission encourage le gouvernement à promouvoir l’exercice complet et effectif par les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle des droits que confère la convention. Pour ces travailleurs et les autres travailleurs qui ne sont pas facilement organisés sur un modèle au niveau de l’entreprise, la commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour autoriser la formation de syndicats par secteur ou profession, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance du BIT.
Article 3. Droit d’élire librement des représentants. Conditions à respecter pour les dirigeants, les gestionnaires et les responsables de l’administration des syndicats et des associations d’employeurs. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 20, 21 et 38 de la loi sur les syndicats afin de supprimer l’obligation de savoir lire et écrire le khmer de la liste des conditions d’éligibilité pour les étrangers. La commission note, d’une part, que le gouvernement indique à cet égard que la loi sur les syndicats a été modifiée par un consensus tripartite et que cette condition n’est pas incompatible avec la convention. Elle note d’autre part que les observations de la CSI dénoncent encore cette exigence comme l’un des obstacles importants à la mise en conformité de la loi sur les syndicats avec la convention. La commission rappelle aussi que l’imposition de l’obligation de savoir lire et écrire en tant que condition d’éligibilité des représentants est incompatible avec la convention (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 104). La commission prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour supprimer l’obligation de savoir lire et écrire le khmer des articles 20, 21 et 38 de la loi sur les syndicats. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau à cet égard.
Article 4. Dissolution des organisations représentatives. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de modifier le paragraphe 2 de l’article 28 de la loi sur les syndicats qui prévoit la dissolution automatique d’un syndicat en cas de fermeture complète de l’entreprise ou de l’établissement. Elle avait observé que les modifications de 2019 à la loi sur les syndicats prévoyaient toujours, à son paragraphe 2 de l’article 28, la dissolution automatique d’un syndicat en cas de fermeture complète de l’entreprise ou de l’établissement, mais incluaient une condition supplémentaire, à savoir le versement intégral aux travailleurs des salaires et autres prestations. La commission note que le gouvernement réaffirme que l’objectif des modifications apportées était de veiller aux intérêts des travailleurs et des syndicats en cas de fermeture d’une entreprise; qu’à l’époque, les modifications avaient été favorablement accueillies par les syndicats; et qu’étant donné que les syndicats locaux sont légalement liés aux entreprises dans lesquelles ils se constituent, lorsque celle-ci n’existe plus légalement, le syndicat est amené à disparaître également. À cet égard, la commission se doit de rappeler que si le versement des salaires et des autres prestations peut en effet constituer une raison légitime pour un syndicat de rester en activité après la dissolution de l’entreprise concernée, il en existe d’autres (comme la défense d’autres revendications légitimes, y compris à l’encontre de tout successeur légal de l’ancienne société). Rappelant que la dissolution d’une organisation de travailleurs ou d’employeurs ne peut être décidée que dans le cadre des procédures définies par ses statuts ou par le jugement d’un tribunal, la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier en conséquence l’article 28 de la loi sur les syndicats en supprimant entièrement son paragraphe 2.
Motifs de demande de dissolution par un tribunal. La commission avait également demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 29 de la loi sur les syndicats, qui accorde à toute partie concernée ou à 50 pour cent du nombre total des membres du syndicat ou de l’association d’employeurs le droit de déposer au tribunal du travail une demande de dissolution. Observant que les modifications de 2019 à la loi sur les syndicats ne modifiaient pas la disposition en question et notant que les membres pouvaient toujours décider de quitter le syndicat, la commission avait rappelé sa précédente observation, à savoir que la seule manière pour les membres de demander la dissolution devait être celle prévue dans les statuts de l’organisation. Notant que le gouvernement ne formule pas de commentaires supplémentaires à cet égard, la commission le prie de nouveau de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 29 de la loi sur les syndicats afin de laisser aux statuts et règlements des syndicats ou des associations d’employeurs le soin de déterminer la procédure de dissolution par leurs membres.

Application de la convention dans la pratique

Indépendance du pouvoir judiciaire. Dans ses commentaires précédents, la commission avait rappelé combien il était important de veiller au bon fonctionnement du système judiciaire en tant que garantie contre l’impunité et moyen efficace de protéger les droits syndicaux des travailleurs pendant les conflits du travail, ainsi que de répondre aux vives préoccupations soulevées quant à l’indépendance du pouvoir judiciaire et son effet sur l’application de la convention. Elle s’était également félicitée de l’engagement du gouvernement à renforcer le Conseil d’arbitrage et avait voulu croire qu’il resterait facilement accessible et continuerait à jouer un rôle important dans le traitement des conflits collectifs et que les éventuelles mesures nécessaires seraient prises en vue de l’application effective de ses sentences lorsqu’elles sont contraignantes. La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement selon laquelle la nouvelle modification apportée à la loi sur le travail a étendu la compétence du Conseil d’arbitrage pour qu’il entende également les conflits individuels et la réaffirmation du gouvernement de son engagement ferme à soutenir les activités du conseil et à garantir la pérennité de cette institution. Elle note aussi qu’il signale qu’en ce qui concerne les décisions du Conseil d’arbitrage, les parties au différend sont priées de choisir dès le début si la sentence est ou non contraignante et en cas de non-respect d’une sentence contraignante, la partie concernée peut déposer plainte auprès du tribunal compétent pour qu’il fasse appliquer la décision. Soulignant l’importance de l’indépendance du pouvoir judiciaire, la commission invite le gouvernement à continuer de fournir des informations sur le fonctionnement du Conseil d’arbitrage, notamment sur le nombre et la nature des litiges portés devant lui et sur le niveau de respect des sentences du Conseil d’arbitrage qui ne sont pas contraignantes, ainsi que sur le recours aux tribunaux pour garantir que les sentences du conseil, lorsqu’elles sont contraignantes, sont dûment exécutées, y compris le nombre de décisions de justice rendues à cette fin.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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