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Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Belgique (Ratification: 1953)

Autre commentaire sur C098

Observation
  1. 1989
Demande directe
  1. 2023
  2. 2020
  3. 2019
  4. 2013
  5. 2011
  6. 2009
  7. 2006
Réponses reçues aux questions soulevées dans une demande directe qui ne donnent pas lieu à d’autres commentaires
  1. 2016

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La commission prend note des informations complémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). La commission a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires reçues du gouvernement et des partenaires sociaux cette année, ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019.
La commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Fédération des employeurs de Belgique (FEB) en date du 28 septembre et du 1er octobre 2020 relatives à des questions examinées dans le présent commentaire. Elle prend également note des observations émises par la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) et la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB) en date du 1er octobre et du 9 novembre 2020 qui, outre les questions examinées dans le présent commentaire, dénoncent le manque de négociation avec les syndicats s’agissant de l’élaboration des mesures visant à faire face à la crise sanitaire. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires sur ce point.
Article 1 de la convention. Protection des délégués du personnel contre la discrimination antisyndicale. La commission prend note des allégations de la FGTB, de la CSC et de la CGSLB, qui dénoncent l’absence de sanctions suffisamment dissuasives en cas de licenciement abusif de représentants du personnel, et de la réponse du gouvernement à cet égard, fondée sur la loi du 19 mars 1991, modifiée en août 2002, portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d’entreprise et aux comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel.
Article 4. Droit de négociation collective. Fixation des salaires. La commission prend note des observations des organisations syndicales précitées qui portent sur la loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité, telle que modifiée par la loi du 19 mars 2017. Les organisations syndicales considèrent que ses dispositions conduisent à la fixation d’une marge salariale maximale qui limite fortement les possibilités de négocier collectivement et ne permet pas réellement d’augmenter les salaires, non seulement au niveau national, mais encore au niveau sectoriel ainsi que dans les entreprises. La commission note que, selon le gouvernement: i) l’objectif du dispositif législatif en question est de diminuer l’écart des coûts salariaux avec les pays voisins, afin de favoriser la compétitivité des entreprises et le développement de l’emploi; et ii) le mécanisme des négociations de la marge salariale et des salaires n’a pas été réformé, le rôle des partenaires sociaux restant essentiel dans la fixation des salaires. Le gouvernement explique que la norme salariale est déterminée par le Groupe des dix qui réunit les instances dirigeantes des organisations syndicales et patronales, dans le cadre de l’accord interprofessionnel (AIP), sur la base du rapport technique du secrétariat du Conseil central de l’économie (CCE). Le gouvernement précise que: i) cet AIP doit être conclu avant le 15 janvier des années impaires; ii) la norme salariale est ensuite fixée dans une convention collective du travail conclue au sein du Conseil national du travail (CNT), rendue obligatoire par le Roi; iii) si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord, le gouvernement doit convoquer ceux-ci à une concertation et formuler une proposition de médiation; iv) à défaut d’accord dans le mois suivant cette convocation, le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la marge maximale pour l’évolution des coûts salariaux pour les deux années qui auraient dû être visées par l’AIP; et v) des négociations au niveau des secteurs et des entreprises ont lieu par la suite, dans le respect de la marge salariale déterminée au niveau interprofessionnel. Ainsi, pour le gouvernement, les partenaires sociaux ont un rôle décisionnel important dans la fixation des salaires, l’autorité publique n’intervenant qu’à défaut d’accord de ces derniers. La commission note que, pour la période 2017/18, un AIP a été conclu, tandis que, pour 2019/20, il n’y a pas eu d’accord, en raison de l’absence d’unanimité au sein du Groupe de dix, ce qui avait déjà été le cas pour les années 2013/14 et 2015/16. À cet égard, la commission rappelle que le système avait déjà fait l’objet de critiques de la part de la FGTB, de la CSC et de la CGSLB en 2013. Le gouvernement avait alors expliqué que le système accordait une large place à la participation des partenaires sociaux et que, dans les cas où elle avait dû fixer la marge salariale du fait de l’absence d’unanimité, l’autorité publique avait respecté le projet d’accord conclu par la majorité des partenaires sociaux. La commission avait pris note de ces éléments. La commission note également que, pour leur part, l’OIE et la FEB soulignent que: i) les partenaires sociaux restent pleinement compétents pour négocier les évolutions salariales et le gouvernement n’intervient qu’à titre supplétif, et ii) cette décision politique éventuelle ne vaut que pour une durée limitée. Elle s’applique pendant une durée maximum de deux ans, au terme de laquelle les partenaires sociaux retrouvent, à chaque fois, leur liberté de négociation collective. Tout en notant la divergence d’appréciation entre les organisations syndicales, d’une part, et le gouvernement et les organisations d’employeurs, d’autre part, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’application des dispositions de la loi du 26 juillet 1996, telles que modifiées par la loi du 19 mars 2017, afin de pouvoir évaluer leurs effets sur la possibilité de mener des négociations salariales, à quelque niveau que ce soit.
Harmonisation des commissions paritaires et travailleurs de l’économie de plateformes. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les allégations des organisations syndicales précitées selon lesquelles les travailleurs de l’économie de plateformes sont exclus du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968, organisant la négociation et la conclusion des conventions collectives du travail, ce qui implique qu’ils ne peuvent participer à la négociation de conventions collectives de travail. À cet égard, la commission avait noté les indications du gouvernement selon lesquelles le régime de l’économie dite «collaborative», instauré par la loi programme du 1er juillet 2016 et modifié par la loi du 18 juillet 2018 relative à la relance économique et au renforcement de la cohésion sociale est un régime limité et encadré légalement par un certain nombre de conditions cumulatives. Ainsi, l’activité doit notamment: i) être prestée via une plateforme agréée qui est également l’intermédiaire pour le paiement de la prestation; ii) n’être effectuée que par un particulier pour le compte d’un autre particulier (les services de livraison à des particuliers de repas préparés par des restaurants sont, par exemple, exclus); iii) être exercée en dehors de toute activité professionnelle; et iv) ne pas générer d’indemnités d’un montant supérieur à 6 250 euros par an. Le gouvernement explique par ailleurs que: i) lorsque ces conditions sont respectées, le régime de l’économie collaborative est applicable, car les prestations se situent en dehors de la sphère professionnelle et de tout lien de subordination; ii) compte tenu du montant limité des indemnités, les prestataires ne se trouvent pas dans une situation de dépendance économique ni vis-à-vis des plateformes agréées ni vis-à-vis des donneurs d’ordre; iii) lorsque les conditions de l’économie collaborative ne sont pas remplies, les revenus sont qualifiés fiscalement de revenus d’indépendant (avec comme conséquence l’assujettissement à ce statut) sauf si le prestataire prouve qu’il ne s’agit pas de revenus professionnels (pas d’assujettissement à la sécurité sociale) ou que l’activité est exercée dans le cadre d’un lien de subordination (assujettissement à la sécurité sociale des salariés); et iv) si l’activité est exercée dans le cadre d’un lien de subordination, l’ensemble des dispositions du droit du travail est d’application, y compris les règles garantissant la liberté d’association, d’organisation et de négociation collective. Le gouvernement avait fait observer que les indépendants peuvent s’affilier auprès d’organismes qui défendent les droits des travailleurs indépendants notamment vis-à-vis des autorités gouvernementales. La commission avait noté que les informations fournies par le gouvernement en réponse aux allégations des organisations syndicales portaient principalement sur les personnes relevant du régime de l’économie dite collaborative (concernant, selon la loi du 18 juillet 2018, des prestations de faible valeur économique se situant en dehors de la sphère professionnelle) qu’il distingue des autres travailleurs de plateformes. La commission avait toutefois relevé que, selon le gouvernement, les travailleurs de plateformes ne relevant pas du régime de l’économie collaborative sont considérés par défaut comme indépendants et que c’est seulement si l’activité est exercée dans le cadre d’un lien de subordination que s’appliqueront les règles propres au droit du travail, y compris le droit de négociation collective. La commission note les informations fournies par le gouvernement et les organisations syndicales FGTB, CSC et CGSLB selon lesquelles, le 23 avril 2020, dans son arrêt n° 2020/53, la Cour constitutionnelle a annulé la loi du 18 juillet 2018 à la demande, entre autres, des organisations les plus représentatives des travailleurs et de quelques fédérations d’employeurs. Sollicitée pour se prononcer sur la question de la conformité des aspects fiscaux et sociaux de la loi précitée aux principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination en ce que ladite loi établit une différence de traitement (au niveau social et fiscal) relative à l’exercice d’une activité dans le cadre du travail associatif, des services occasionnels entre les citoyens ou des services de l’économie collaborative, la Cour a estimé, pour chacune des trois activités, que cette différence de traitement était injustifiée. Ainsi, la Cour constitutionnelle précise que «bien que l’incertitude quant à la qualification correcte puisse le cas échéant justifier l’instauration d’un statut distinct, un tel statut a déjà été créé par la loi-programme du 1er juillet 2016. En outre, ce manque de clarté quant à la qualification correcte ne justifie pas que les dispositions attaquées lient à ce statut l’exonération totale de la législation sur le travail, du régime de sécurité sociale et des obligations fiscales» (point B.7.7 de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 23 avril 2020). La commission note par ailleurs l’indication du gouvernement que dans l’attente d’une réaction du législateur, les revenus du travail associatif, des services occasionnels et de l’économie collaborative suivront les qualifications et les règles fiscales et de sécurité sociale ordinaires à partir du 1er janvier 2021.
La commission relève toutefois que le gouvernement ne fournit pas de nouveaux éléments concernant les droits collectifs des travailleurs de plateformes par rapport à ceux déjà communiqués en 2019, à savoir que les travailleurs de plateformes ne relevant pas du régime de l’économie collaborative sont considérés par défaut comme indépendants et que c’est seulement si leur activité est exercée dans le cadre d’un lien de subordination que s’appliqueront les règles propres au droit du travail, y compris le droit de négociation collective.
Sans préjuger de la qualification juridique applicable aux différents travailleurs de plateformes, la commission rappelle que, dans la mesure où tous les travailleurs, à la seule exception possible des membres des forces armées et de la police ainsi que des fonctionnaires commis à l’administration de l’État, sont couverts par la convention, le droit à la négociation collective devrait inclure également les organisations représentant des travailleurs indépendants (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 209). La commission rappelle également qu’elle est consciente du fait que les mécanismes de négociation collective appliqués dans les relations traditionnelles de travail risquent de ne pas être adaptés aux circonstances et aux conditions spécifiques dans lesquelles exercent les travailleurs indépendants. Au vu des différents éléments précédemment décrits, et tout en prenant dûment note des informations communiquées quant à la décision de la Cour constitutionnelle du 23 avril 2020, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les différentes structures organisationnelles au sein de l’économie des plateformes numériques et sur la manière dont sont susceptibles de s’organiser et de négocier collectivement les travailleurs concernés. La commission invite à cet égard le gouvernement à tenir des consultations avec les parties concernées dans le but de garantir que tous les travailleurs de plateformes couverts par la convention, quel que soit leur statut contractuel, sont autorisés à participer à une négociation collective libre et volontaire. Considérant que de telles consultations sont de nature à permettre au gouvernement et aux partenaires sociaux concernés d’identifier les adaptations appropriées à introduire aux mécanismes de négociation collective afin de faciliter leur application aux différentes catégories de travailleurs de plateformes, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard, ainsi que sur toute mesure législative adoptée ou envisagée à la suite de la décision de la Cour constitutionnelle du 23 avril 2020.
Travail de nuit aux fins du commerce électronique. La commission note que les organisations syndicales précitées allèguent que le gouvernement a rendu possible, via la loi programme du 25 décembre 2017 et sans consultation des partenaires sociaux, l’introduction du travail de nuit et du dimanche dans les entreprises engagées dans le commerce électronique, moyennant l’accord d’une seule organisation syndicale représentative au lieu de l’ensemble de celles-ci. La commission note que les centrales syndicales expriment à cet égard leur désaccord sur ce qu’elles considèrent être une utilisation de la négociation collective à des fins de dérégulation. La commission note par ailleurs les indications du gouvernement selon lesquelles, lorsque la législation impose la conclusion d’une convention collective d’entreprise comme condition pour la mise en œuvre d’une mesure, le législateur souhaite ainsi empêcher l’employeur de pouvoir introduire unilatéralement la mesure prescrite et garantir le dialogue social. Le gouvernement précise que: i) selon la réglementation «normale» du droit collectif du travail belge, une convention collective d’entreprise peut être conclue par une seule organisation représentative des travailleurs; ii) en matière de travail de nuit, il existe des règles plus strictes, en ce sens que, pour l’introduction, par exemple, d’un régime de travail avec des prestations de nuit (travail entre 24 heures et 5 heures), une convention collective de travail doit être conclue avec toutes les organisations syndicales représentées au sein de la délégation syndicale de l’entreprise; et iii) afin de faciliter le travail de nuit aux fins du commerce électronique, le législateur belge a réintroduit la règle «normale» ce qui a pour effet que la conclusion d’une convention collective d’entreprise avec un seul syndicat suffit pour introduire le travail de nuit dans les activités de commerce électronique. La commission note que, en matière de travail de nuit, les règles de la négociation collective applicables au commerce électronique ont été modifiées par la loi programme de décembre 2017 et que les organisations syndicales critiquent, d’une part, le manque de concertation à cet égard et, d’autre part, l’utilisation de la négociation collective à des fins de dérégulation. La commission souhaite rappeler que, en vertu de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, ratifiée par la Belgique, les mesures prises par les autorités publiques pour encourager et promouvoir le développement de la négociation collective devraient faire l’objet de consultations préalables et, chaque fois qu’il est possible, d’accords entre les pouvoirs publics et les organisations d’employeurs et de travailleurs (article 7). Au vu des éléments qui précèdent, la commission invite le gouvernement à tenir des consultations avec les parties concernées dans le but d’évaluer les effets de la dérogation apportée, pour le commerce électronique, aux règles de négociation collective en matière de travail de nuit afin de déterminer les éventuelles mesures à prendre à cet égard.
Assignation en justice des organisations syndicales en cas de non-respect d’engagements conclus au titre de la négociation collective. La commission prend note des observations de la FEB et de l’OIE qui contiennent des allégations selon lesquelles les entreprises belges sont régulièrement confrontées à des actions syndicales menées en violation des dispositions des conventions collectives de travail sectorielles, telles que des procédures conventionnelles de conciliation et des formalités liées au préavis de grève. Elles estiment que, dans la mesure où les syndicats n’ont pas la personnalité juridique, toute action devant les tribunaux à leur encontre reste impossible et qu’il conviendrait d’adapter le cadre légal pour résoudre ce problème et améliorer ainsi la confiance mutuelle entre les partenaires sociaux.
La commission note que le gouvernement indique que: i) différentes lois confèrent aux organisations syndicales une personnalité juridique limitée, fonctionnelle et active, telles que la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires qui permet, entre autres, aux syndicats représentatifs de conclure des conventions collectives de travail; ii) selon l’article 4 de cette loi, les organisations représentatives peuvent ester en justice dans tous les litiges auxquels l’application de cette loi donnerait lieu et pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions conclues par elles; et iii) cet article implique que les organisations syndicales puissent agir en justice en tant que demanderesses, mais également être assignées en justice si elles ne respectent pas la loi précitée ou une convention collective de travail.
La commission constate une divergence entre les points de vue des organisations d’employeurs susmentionnées et ceux du gouvernement en cas de non-respect des engagements conclus au titre d’une convention collective. Elle note que l’article 4 de la loi du 5 décembre 1968 prolonge la prérogative reconnue par la loi aux organisations syndicales représentatives, pourtant dépourvues de la personnalité juridique, de conclure des conventions collectives d’une capacité d’agir en justice en vue d’en faire respecter le contenu, et observe que la question soulevée par les organisations d’employeurs porte sur le pendant de ce droit d’ester en justice, à savoir la possibilité d’assigner les organisations syndicales devant les tribunaux. Tout en soulignant que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un aspect central du droit de négociation collective, la commission prie le gouvernement d’indiquer les obstacles légaux qui peuvent éventuellement s’opposer à l’introduction de recours en justice contre les syndicats en cas de violation des engagements qu’ils ont pris dans des conventions collectives, et d’apporter tout commentaire utile sur l’impact de la situation actuelle sur l’application effective des conventions collectives.
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