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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Chili (Ratification: 1999)

Autre commentaire sur C087

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La commission prend note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020), qui font état des mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19 afin de mettre en œuvre la convention. À ce sujet, la commission fait bon accueil aux mesures indiquées par le gouvernement pour prolonger les mandats des directions syndicales pendant l’état d’exception (les organisations ayant la possibilité d’élire leurs représentants si elles estiment que les conditions sont réunies pour mener à bien le processus électoral), et pour veiller à ce que les travailleurs qui fournissent des services à distance soient informés de l’existence de syndicats dans l’entreprise. La commission fait bon accueil aussi à d’autres initiatives visant à faciliter l’action et la consultation des organisations de travailleurs au sujet de mesures liées à la pandémie, par exemple leur participation aux accords de réduction de la journée de travail en raison de l’urgence sanitaire, ou leur capacité de défendre leurs membres contre d’éventuelles irrégularités dans la suspension de relations de travail.
La commission prend également note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 15 septembre 2020, qui font état d’une répression violente de la manifestation organisée contre une réforme antisyndicale à la fin de 2019, notamment de la détention provisoire de plusieurs dirigeants syndicaux et de lésions qu’ils ont subies, et de la tentative de pénétrer dans le siège de la Centrale unitaire des travailleurs du Chili (CUT). La commission prend également note des observations de la CUT, reçues le 6 octobre 2020 alléguant également des limitations à l’exercice du droit de manifestation et aux activités syndicales, et la détention arbitraire et injustifiée de 24 dirigeants syndicaux dans plusieurs villes, ainsi que la mort d’un dirigeant syndical de pêcheurs artisanaux (contestant la version officielle du suicide comme cause de sa mort), des raids et tentatives d’entrée dans des locaux syndicaux (en particulier le siège de la CUT, également allégué par la CSI), et l’espionnage et la surveillance de dirigeants syndicaux. La commission prie le gouvernement de transmettre ses commentaires sur ces graves allégations.
La commission note, concernant la plainte présentée par un délégué des travailleurs à la Conférence internationale du Travail en 2019 sur les fondements de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, plainte alléguant l’inexécution de la présente convention et d’autres conventions de l’OIT par la République du Chili, que le Conseil d’administration a: i) décidé de ne pas renvoyer la question à une Commission d’enquête et de clore la procédure engagée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT; et ii) invité le gouvernement à continuer de rendre compte au système de contrôle régulier de l’OIT des mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre les conventions en question dans la législation et dans la pratique.
En ce qui concerne les autres questions en suspens, la commission répète le contenu de ses commentaires adoptés en 2019 dont le texte suit.
La commission prend note d’observations ayant trait à l’application de la convention en droit et dans la pratique (alléguant notamment d’atteintes aux libertés syndicales dans le secteur public et dans les secteurs de l’alimentation, des transports et du cuivre) venant des organisations suivantes: l’Association nationale des employés de l’administration (ANEF) (29 août 2019); la Confédération des travailleurs du cuivre (CTC); la Confédération générale des travailleurs des secteurs public et privé (CGTP); la Fédération syndicale mondiale (FSM, qui reprend les observations de la CGTP) (30 août 2019); la Confédération syndicale internationale (CSI) (1er septembre 2019); la Fédération des syndicats des travailleurs du Chili (FESINTRACH) (2 septembre 2019); le Syndicat de l’entreprise no 1 Promoter CMR Falabella (20 septembre 2019); et la Centrale unitaire des travailleurs du Chili (CUT) (26 octobre 2019).  La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires à ce sujet.  Observant que le gouvernement n’a pas donné suite à de multiples demandes de commentaires faites précédemment, notamment au sujet de diverses observations faites par les partenaires sociaux en 2016, la commission veut croire qu’il communiquera les informations encore attendues dans le prochain rapport.
Articles 2 et 3 de la convention. Questions d’ordre législatif non couvertes par la réforme du Code du travail. Dans ses commentaires précédents, tout en prenant note avec satisfaction de la modification ou de l’abrogation de diverses dispositions du Code du travail qui n’étaient pas conformes à la convention, la commission avait observé que les instruments suivants n’étaient toujours pas en adéquation avec la convention:
  • – Amendement de l’article 23 de la Constitution politique, qui dispose que la fonction de dirigeant syndical n’est pas compatible avec l’appartenance à un parti politique et que la loi devra prévoir des sanctions à l’encontre des dirigeants syndicaux qui interviennent dans les activités d’un parti politique. Dans ses commentaires précédents, la commission s’était félicitée de la présentation en octobre 2014 d’un projet de loi de réforme constitutionnelle tendant à supprimer ces restrictions, mais l’instrument en question n’a toujours pas été adopté.
  • – Amendement de l’article 48 de la loi no 19296, qui confère à la Direction du travail des pouvoirs particulièrement étendus de contrôle des livres comptables et états financiers et patrimoniaux des associations. La commission avait noté que, de l’avis du gouvernement, la politique de la Direction du travail en la matière est conforme aux principes de la liberté syndicale puisqu’elle laisse aux organisations le soin de contrôler leurs livres comptables et autres documents financiers et patrimoniaux, mais néanmoins que, dans le cadre d’un protocole d’accord conclu en 2014 entre le gouvernement et le Bureau du secteur public, un compromis a été trouvé qui permettra de procéder à des modifications de la loi no 19296.
  • – Abrogation de l’article 11 de la loi no 12927 sur la sécurité intérieure de l’État, en vertu duquel toute interruption ou suspension collective du travail ou toute grève dans certains services constitue un délit passible d’emprisonnement ou de relégation; et l’article 254 du Code pénal, qui prévoit des sanctions pénales en cas d’interruption de service public ou de service d’utilité publique ou en cas d’abandon de leur poste par des agents de la fonction publique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des indications du gouvernement selon lesquelles il n’avait pas été fait application de ces dispositions au cours de la période considérée, et la commission avait rappelé que les États ne devraient pas pouvoir imposer de sanctions pénales à un travailleur qui participe à une grève de manière pacifique, dès lors qu’il ne fait qu’exercer un droit fondamental et ne devrait pas encourir à ce titre une peine d’amende ou d’emprisonnement.
La commission observe que, dans son dernier rapport, le gouvernement ne fournit aucune information nouvelle sur l’application, la modification ou l’abrogation de ces dispositions, alors que plusieurs organisations syndicales en dénoncent l’incompatibilité avec la convention.  La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement prendra dans les meilleurs délais les mesures nécessaires afin que ces instruments soient rendus conformes à la convention et elle prie à nouveau le gouvernement de la tenir informée de toute évolution à cet égard.
Article 3. Droit des organisations d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d’action. Interdiction de la grève dans les entreprises déclarées stratégiques. L’article 362 du Code du travail, s’agissant de la détermination des entreprises dans lesquelles le droit de grève ne pourra s’exercer, place dans cette catégorie les sociétés ou les entreprises, quelle que soit leur nature, leur finalité ou leur fonction, qui s’occupent de services d’utilité publique ou dont la paralysie des activités entraînerait un grave préjudice pour la santé, pour l’économie du pays, pour l’approvisionnement de la population ou pour la sécurité nationale. Dans ses précédents commentaires, la commission avait rappelé qu’une telle détermination des entreprises dans lesquelles le droit de grève ne peut s’exercer, même si elle a été approuvée conjointement par divers ministères et qu’elle reste susceptible de recours devant la Cour d’appel, englobe potentiellement des services dont la définition ne coïncide pas avec celle de services essentiels au sens strict du terme (ceux dont l’interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de tout ou une partie de la population). Rappelant que l’interdiction de la grève eu égard à la nature des services assurés devra se limiter aux services essentiels au sens strict du terme, la commission réitère que la notion d’utilité publique et celle de dommage à l’économie sont l’une et l’autre plus large que la notion de services essentiels. Elle observe que les «services d’utilité publique» sont déjà couverts par le système de services minimums prévu à l’article 359 qui est distinct du concept de services essentiels au sens strict du terme. Observant que le gouvernement n’a pas communiqué les informations demandées précédemment quant à l’application de cet article dans la pratique, la commission observe que, selon la CSI, sur les fondements de ce même article, une liste de 100 entreprises considérées comme stratégiques et exclues à ce titre de l’exercice du droit de grève a été approuvée en août 2017 et, dans cette liste, sont incluses des entreprises des secteurs de la santé et de l’énergie, décision contre laquelle 14 syndicats ont déposé des réclamations devant la Cour d’appel. La commission observe également qu’une nouvelle liste d’entreprises considérées comme stratégiques et exclues à ce titre de l’exercice du droit de grève a été adoptée en août 2019 (et qu’ainsi, on a enlevé 43 entreprises de l’ancienne liste et on en a ajouté 15 nouvelles).  Considérant qu’il y aurait lieu de modifier l’article 362 du Code du travail de manière à assurer que l’interdiction de l’exercice du droit de grève ne puisse concerner que les services essentiels au sens strict du terme, la commission prie à nouveau le gouvernement de donner des informations sur l’application dans la pratique de l’article 362 du Code du travail, en précisant les différentes catégories de services assurés par les entreprises où il est exclu d’exercer le droit de grève, ainsi que sur les suites faites aux réclamations présentées à ce sujet. La commission rappelle que sans remettre en cause le droit de grève de la plus grande partie des travailleurs, le maintien d’un service minimum négocié peut être établi dans les services publics d’importance primordiale qui ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme.
Remplacement de grévistes. Dans ses précédents commentaires, alors que, d’une part, la commission avait noté avec satisfaction l’introduction dans le Code du travail d’une interdiction de remplacer des travailleurs en grève, ainsi que des sanctions dans le cas d’un tel remplacement (articles 345, 4.3 et 409), d’autre part, elle avait noté que, selon la CGTP, d’autres dispositions récemment introduites pourraient priver de leur effet les dispositions interdisant le remplacement de travailleurs en grève ou introduire de la confusion dans ces dispositions. La CGTP évoquait en particulier la possibilité offerte par le nouvel article 306 du Code du travail, qui permet à une entreprise ayant sous-traité des travaux ou un service à une autre d’exécuter directement ou par l’intermédiaire d’un tiers les travaux ou services sous-traités mais non exécutés en raison de la grève (la CGTP précisait à ce propos que plus de 50 pour cent des travailleurs du pays sont employés par des entreprises sous-traitantes). La commission avait prié le gouvernement de faire part de ses commentaires sur ces aspects signalés par la CGTP et de donner des informations sur l’application dans la pratique des articles 306, 345, 403 et 407 du Code du travail, notamment sur les sanctions imposées lorsque des travailleurs en grève ont été remplacés. La commission note que le gouvernement donne des informations sur un certain nombre d’avis juridiques formulés par la Direction du travail à propos de ces règles, y compris sur une circulaire clarifiant qu’il n’est pas conforme au droit qu’une entreprise de services intermédiaires fournisse des travailleurs à une entreprise principale pour l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’un service qui se trouve interrompu en raison de la grève des travailleurs de l’entreprise sous-traitante chargée de leur exécution. La commission se félicite de ces éclaircissements, mais elle observe que le gouvernement n’a pas fourni d’informations additionnelles sur l’application en pratique des dispositions susmentionnées. La commission note également que la question du remplacement de travailleurs grévistes fait l’objet d’observations additionnelles des partenaires sociaux. À cet égard, la CTC déclare que les termes même de l’article 403 du Code du travail encouragent de fait le remplacement interne de travailleurs en grève et la CGTP dénonce que les autorités permettent le remplacement de travailleurs en grève dans le secteur des transports publics de passagers de Santiago.  La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires sur ces observations des partenaires sociaux et elle le prie de donner de plus amples informations sur l’application dans la pratique des articles 306, 345, 403 et 407 et du Code du travail, y compris sur les sanctions imposées dans les cas de remplacement de travailleurs grévistes, et aussi sur l’impact de l’engagement, en application de l’article 306, de travailleurs de remplacement par rapport aux travailleurs en grève ou aux services interrompus en raison d’une grève.
Exercice du droit de grève par-delà ce qui a été convenu dans le cadre de la négociation collective. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, dans des termes généraux, l’exercice du droit de grève est réglementé dans le cadre de la négociation collective. Elle avait évoqué les recommandations suivantes adressées au gouvernement par le Comité de la liberté syndicale: i) étant donné que la législation ne permet pas l’organisation de grèves en dehors du contexte de la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, pour modifier la législation afin que celle-ci cadre avec les principes de la liberté syndicale (voir 367e rapport, mars 2013, cas no 2814, paragraphe 365); et ii) rappelant le principe selon lequel les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent par le droit de grève se rapportent non seulement à l’obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d’ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politiques économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l’entreprise et qui intéressent directement les travailleurs, le comité a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris, au besoin, sur le plan législatif, pour assurer le respect de ce principe, et il a porté à l’attention de la présente commission les aspects législatifs de ce cas (cas no 2963, 371e rapport, paragr. 238).
Dans ce contexte, plusieurs organisations de travailleurs (voir, par exemple, les observations de la CSI en 2016, de la CGTP en 2016 et en 2019, et de la CTC en 2019) ont dénoncé l’absence de protection de la grève en dehors du contexte de la négociation collective. La commission a observé d’autre part qu’un jugement rendu par la Cour d’appel de Santiago le 23 octobre 2015 fait valoir que le seul fait que la loi réglemente la grève dans une circonstance – celle de la négociation collective «réglée» – ne permet pas de soutenir qu’en dehors de cette circonstance la grève est interdite, considérant que ce que le législateur a omis de réglementer ou de définir ne saurait être considéré comme étant interdit (voir également d’autres décisions judiciaires récentes dans le même sens, comme l’arrêt de la Chambre de jugement du Tribunal du travail d’Antofagasta du 6 août 2019 faisant valoir que le droit de grève est un droit essentiel régulé par la convention et que la Cour suprême a considéré que le droit de grève est garanti, y compris en dehors des processus de négociation collective).  À la lumière des décisions judiciaires susmentionnées, la commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer ses commentaires sur les observations des partenaires sociaux dénonçant l’absence de protection de la grève en dehors du contexte de la négociation collective «régulée», et de fournir des informations sur les mesures prises pour faire suite aux recommandations émises à ce sujet.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement, laquelle reprend le contenu de sa demande précédente adoptée en 2019.
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