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Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Mauritanie (Ratification: 1963)

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Article 1, paragraphe 1, de la convention. Définition et interdiction de la discrimination. La commission prend note de l’adoption, le 18 janvier 2018, de la loi no 2018-023 portant incrimination de la discrimination. Elle relève que la définition de la discrimination à l’article 1er semble plus restrictive que la définition de la convention, dans la mesure où elle se réfère à la conformité à la Charia. S’agissant des motifs de discrimination interdits par la nouvelle loi, la commission note que l’interdiction générale de la discrimination figurant à l’article 4 ne porte que sur l’appartenance ou non à une ethnie, la race et la langue alors que l’article 20, qui concerne spécifiquement les discriminations dans tous les aspects de l’emploi, sanctionne non seulement la discrimination fondée sur la race mais aussi sur la couleur, l’ascendance, l’origine, le handicap, le sexe ou la nationalité. La commission note également que les dispositions de la nouvelle loi relatives à la discrimination ne s’articulent pas de manière cohérente avec les dispositions du Code du travail en la matière. En effet, ce dernier pose le principe de non-discrimination uniquement en matière d’accès à l’emploi et couvre la race, l’ascendance nationale, la couleur, le sexe, la religion, les opinions politiques et l’origine sociale (voir les art. 104 et 395) – soient les sept motifs expressément couverts par la convention. Par ailleurs, la commission prend note des craintes exprimées par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans ses observations finales, concernant le fait que «l’absence de clarté juridique de nombreuses dispositions de cette loi puisse ouvrir la voie à des interprétations susceptibles de conduire à des restrictions dans la jouissance de certains droits et libertés et à la persistance de pratiques discriminatoires» (CCPR/C/MRT/CO/ 2, 23 août 2019, paragr. 12). Tout en se félicitant de la volonté affirmée par le gouvernement de renforcer le cadre juridique de lutte contre la discrimination, la commission le prie de revoir la définition de la discrimination à l’article 1er de la loi no 2018-023 afin qu’elle couvre, sans restriction, l’ensemble des discriminations visées à l’article 1 de la convention. En outre, afin d’éviter toute confusion juridique et de clarifier le cadre légal applicable à la discrimination dans l’emploi et la profession, elle le prie également de prendre des dispositions pour modifier les articles 4 et 20 de cette loi concernant les motifs de discrimination interdits afin de les aligner, au minimum, avec le Code du travail et les dispositions de l’article 1, paragraphe 1a), de la convention, en précisant les aspects de l’emploi et de la profession couverts, conformément à l’article 1, paragraphe 3, de la convention.
Observation générale de 2018. La commission souhaiterait appeler l’attention du gouvernement sur son observation générale sur la discrimination fondée sur la race, la couleur et l’ascendance nationale, adoptée en 2018. Dans cette observation générale, la commission note avec préoccupation que les attitudes discriminatoires et les stéréotypes fondés sur la race, la couleur ou l’ascendance nationale des travailleurs et travailleuses continuent d’entraver leur accès à l’enseignement, aux programmes de formation professionnelle et leur accès à un plus large éventail d’opportunités d’emplois, ce qui entraîne une ségrégation professionnelle persistante et des rémunérations inférieures pour un travail de valeur égale. La commission estime donc qu’il est nécessaire d’adopter une approche globale et coordonnée pour s’attaquer aux barrières et obstacles auxquels se heurtent les personnes dans l’emploi et la profession en raison de leur race, de leur couleur ou de leur ascendance nationale, et pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement pour tous. Une telle approche devrait comprendre l’adoption de mesures convergentes visant à combler les lacunes en matière d’éducation, de formation et de compétences, à assurer une orientation professionnelle impartiale, à reconnaître et à valider les qualifications obtenues à l’étranger, et à valoriser et reconnaître les connaissances et compétences traditionnelles qui peuvent être utiles pour accéder à un emploi et progresser dans la vie active et pour exercer une profession. La commission rappelle également que, pour être efficaces, ces mesures doivent comprendre des actions concrètes, telles que l’adoption de législations, de politiques, de programmes, de mécanismes, de processus participatifs, de procédures de recours et de réparation, visant à combattre les préjugés et les stéréotypes et à promouvoir la compréhension mutuelle et la tolérance entre toutes les composantes de la population.
La commission attire l’attention du gouvernement sur son observation générale de 2018 et le prie de fournir des informations en réponse aux questions posées dans ladite observation.
Article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Discrimination fondée sur le sexe. Harcèlement sexuel. Dans son précédent commentaire, la commission soulignait à nouveau l’absence de mesures, en droit et en pratique, pour lutter contre le harcèlement sexuel. La commission note que le gouvernement se réfère dans son rapport à un projet de loi relatif aux violences à l’encontre des femmes et des filles, qui: 1) établirait des mesures de protection intégrale afin de prévenir, sanctionner et éradiquer ces violences et de porter assistance aux victimes; et 2) comprendrait des dispositions définissant, interdisant et sanctionnant le harcèlement sexuel. À cet égard, la commission souligne «l’importance qu’il y a à prendre des mesures efficaces pour prévenir et interdire le harcèlement sexuel au travail » et que « ces mesures doivent viser aussi bien le harcèlement qui s’apparente au chantage sexuel (quid pro quo) que le harcèlement qui résulte d’un environnement de travail hostile». La commission rappelle également que «la protection contre le harcèlement sexuel devrait couvrir l’ensemble des salariés, hommes et femmes, en ce qui concerne non seulement l’emploi et la profession, mais aussi l’éducation et la formation professionnelle, l’accès à l’emploi et les conditions d’emploi» (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 789 et 793) et aussi qu’elle devrait couvrir non seulement le harcèlement commis par l’employeur ou ses représentants mais aussi par celui commis par des collègues ou des personnes tierces (clients, fournisseurs, etc.). La commission note à cet égard que le gouvernement fait état de dispositions dans le projet de loi imposant au chef d’entreprise de prendre des mesures visant à prévenir le harcèlement sexuel, y mettre un terme et sanctionner l’auteur de ces actes. Le gouvernement indique également que, dès l’entrée en vigueur de la loi, un plan national de sensibilisation et de prévention contre les violences à l’égard des femmes et des filles sera mis en œuvre et qu’il prévoira un vaste programme de formation complémentaire et continue à l’attention des professionnels qui interviennent dans les situations de violence. Il ajoute que des campagnes d’information et de sensibilisation seront initiées par les pouvoirs publics. La commission accueille favorablement l’ensemble des mesures envisagées par le gouvernement pour lutter contre la violence, y compris le harcèlement sexuel, et espère que, dans un proche avenir, elles pourront se traduire par des dispositions législatives et des actions fortes pour lutter efficacement contre le harcèlement sexuel dans les domaines de l’emploi et la profession. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) l’état d’avancement des travaux législatifs concernant le projet de loi relatif aux violences à l’encontre des femmes et des filles et des informations spécifiques sur son contenu en matière de harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession; et ii) toutes mesures prises pour informer et sensibiliser les professionnels et le public sur les questions liées au harcèlement sexuel (prévention, traitement des cas, procédure de plaintes, assistance et droits des victimes, etc.).
Articles 2 et 5. Égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes. Mesures positives en faveur des femmes. Dans son précédent commentaire, la commission soulignait la très faible participation des femmes au marché du travail, le taux élevé de femmes qui travaillent sans être rémunérées et la forte ségrégation professionnelle entre hommes et femmes, et demandait au gouvernement de renforcer les mesures positives qu’il avait pris pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes dans l’emploi et la profession. La commission note, d’après les observations formulées en 2019 par la Confédération générale des Travailleurs de Mauritanie (CGTM) sur l’application de la convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951, qu’en 2014 le taux d’activité des hommes (69 pour cent) restait largement supérieur à celui des femmes. Selon l’organisation, les femmes représentaient environ 30 pour cent de l’ensemble des effectifs de la fonction publique et seulement 12 pour cent dans la catégorie A (contre 30 pour cent dans la catégorie B et 58 pour cent dans la catégorie C). La CGTM indique également que les données montrent qu’en dehors de l’enseignement et de la santé publique, les femmes sont peu représentées et elle souligne que les disparités de genre sont non seulement quantitatives mais aussi qualitatives. S’agissant du secteur privé, la CGTM indique que les femmes ne représenteraient que 8 pour cent des effectifs (dont seulement 5,5 pour cent à des postes à responsabilités). Notant que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur ce point, la commission réitère sa demande au gouvernement de prendre des mesures adéquates, en particulier en matière d’orientation et de formation professionnelles, pour promouvoir l’accès des femmes à un plus large éventail d’emplois, notamment aux emplois traditionnellement réservés aux hommes et aux postes à responsabilités; ainsi que des mesures pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès aux ressources productives, notamment au crédit et à la terre. Elle le prie de fournir des informations sur toute mesure prise en ce sens dans les secteurs public et privé ainsi que des données statistiques récentes, ventilées par sexe, sur la participation des femmes et des hommes dans le secteur privé et dans le secteur public (fonction publique et autres).
Article 3 a). Collaboration avec les partenaires sociaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre de la révision du Code du travail, le principe de non-discrimination n’a pas été discuté car il est suffisamment pris en compte dans le Code, conformément aux prescriptions de la convention. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 3 de la convention le gouvernement doit s’efforcer d’obtenir la collaboration des organisations d’employeurs et de travailleurs et d’autres organismes appropriés pour favoriser l’acceptation et l’application de la politique nationale d’égalité. À cet égard, elle souhaite attirer son attention sur le fait que cette collaboration va au-delà des discussions sur la révision du Code du travail. La commission encourage le gouvernement à aborder les questions ayant trait à la non-discrimination et à l’égalité dans l’emploi et la profession dans le cadre du dialogue social.
Article 3 d). Protection des fonctionnaires et agents publics contre la discrimination. La commission rappelle que la loi n° 93-09 du 18 janvier 1993 portant Statut général des fonctionnaires et agents contractuels de l’État interdit la discrimination fondée sur le sexe, la race et les opinions. Dans son commentaire précédent, elle avait prié le gouvernement d’indiquer de quelle manière, dans la pratique, les fonctionnaires et les agents contractuels de l’État étaient protégés contre la discrimination, dans l’emploi et la profession, fondée sur la couleur, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale et l’origine sociale et de préciser si le terme «opinion» tel qu’il apparaît aux articles 15 et 105 de la loi n° 93-09 couvrait la notion d’opinion politique telle que visée dans la convention. La commission prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle: 1) le terme «opinion » couvre la notion d’opinion politique telle que visée dans la convention; et 2) dans la pratique, les fonctionnaires sont protégés contre la discrimination dans l’emploi et la profession fondée sur la couleur, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale et l’origine sociale par la loi n° 93-09 et le code de déontologie de la fonction publique de 2009. Afin de mieux cerner la protection effective accordée aux fonctionnaires contre la discrimination fondée sur la couleur, la religion, l’ascendance nationale et l’origine sociale, la commission prie le gouvernement de fournir: i) des informations sur la manière dont cette protection peut s’exercer, en précisant comment, par exemple, un fonctionnaire ou un candidat à la fonction publique qui s’estime discriminé sur la base de son origine sociale ou de sa couleur peut faire cesser cette éventuelle discrimination et faire valoir ses droits; et ii) une copie des dispositions pertinentes du code de déontologie de la fonction publique de 2009.
Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT). La commission continue à assurer le suivi des recommandations adoptées en 1991 par le Conseil d’administration, suite à une réclamation présentée par la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS) au titre de l’article 24 de la Constitution de l’OIT concernant les travailleurs mauritaniens noirs d’origine sénégalaise qui ont subi, en ce qui concerne leur emploi, les conséquences du conflit avec le Sénégal en 1989. Elle note qu’en réponse à son précédent commentaire mentionnant les allégations de la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM) au sujet de ces travailleurs le gouvernement indique que des milliers de travailleurs victimes des événements de 1989 ont été réintégrés dans la fonction publique ou ont bénéficié de pensions de retraite s’ils ont atteint la limite d’âge. Le gouvernement ajoute que ceux qui n’ont pas été régularisés, s’il en existe encore, doivent se présenter aux services compétents où des mesures seront prises ou envisagées à leur égard. Prenant note de l’engagement du gouvernement à cet égard, la commission lui demande de continuer à prendre des mesures destinées à régulariser les situations des travailleurs mauritaniens d’origine sénégalaise qui se présenteraient et de fournir des informations sur toute mesure prise à cette occasion.
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