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Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Türkiye (Ratification: 1952)

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La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires publics (KESK) et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) jointes au rapport du gouvernement. La commission examinera leur contenu une fois que la traduction de ces observations sera disponible.
Observations antérieures des partenaires sociaux. La commission avait antérieurement prié le gouvernement de faire part de ses commentaires sur les observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) alléguant des pratiques partiales de la part du Conseil suprême d’arbitrage (ci-après, le Conseil) et une protection inadéquate des syndicalistes contre la discrimination antisyndicale lorsqu’une organisation attend son habilitation en qualité d’agent à la négociation collective. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement en ce qui concerne la composition du Conseil, ainsi que de ses informations selon lesquelles TÜRK-İŞ, l’organisation qui représente la majorité des travailleurs couverts par la loi (no 6356) sur les syndicats et les conventions collectives, est représentée par deux membres. Le gouvernement fait savoir que, lors de sa prise de décision, le Conseil tient compte de la situation économique du pays, des indicateurs du niveau de subsistance, des salaires réels, des salaires versés dans des lieux de travail comparables, d’autres conditions de travail et des composantes du revenu conformément aux dispositions de l’article 54 de la Constitution, des dispositions pertinentes de la loi no 6356 et de la réglementation y relative. Le gouvernement indique également que le Conseil établit des conventions collectives équilibrées qui tiennent compte de la situation des travailleurs et des employeurs, ainsi que de sa propre jurisprudence. Quant à l’affirmation selon laquelle les membres syndicaux ne sont pas dûment protégés contre la discrimination antisyndicale, le gouvernement renvoie à la législation en vigueur, et en particulier aux articles 23 à 25 de la loi no 6356, qui établissent cette protection, et aux articles 118 et 135 du Code pénal, qui prévoient des sanctions en cas d’obstruction à l’exercice des activités syndicales au moyen de la force, de menaces ou d’autres actes illégaux, ainsi que pour enregistrement illégal de données personnelles, y compris les informations sur l’affiliation syndicale. La commission prend note des informations sur la protection législative contre les actes antisyndicaux et renvoie à ses commentaires ci-après concernant l'efficacité de cette protection dans la pratique.
Champ d’application de la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si le personnel pénitentiaire, à l’instar d’autres fonctionnaires, était couvert par les conventions collectives conclues dans la fonction publique, cette catégorie de travailleurs ne bénéficiait pas du droit d’organisation (art. 15 de la loi (no 4688) sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives). La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris par la révision de textes de loi, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, lors de l’adoption de la loi no 4688, le Parlement n’a pas jugé utile d’octroyer le droit de constituer des syndicats aux personnes travaillant dans les établissements pénitenciers, de façon à ce que, dans l’exercice de leurs fonctions, ces travailleurs restent impartiaux et n’exercent pas de discrimination fondée sur leurs croyances philosophiques, la religion, la langue, la race, ni leur affiliation à un groupe, un parti ou à un syndicat. Le gouvernement répète que le fait qu’un fonctionnaire n’ait pas le droit de constituer un syndicat ne signifie pas qu’il ou elle ne peut pas bénéficier d’une convention collective, et que tous les fonctionnaires publics de Turquie sont couverts par les dispositions des conventions collectives qui les concernent indépendamment du fait ou non qu’ils soient syndicalistes. Rappelant que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat doivent jouir des droits prévus par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la révision de l’article 15 de la loi no 4688, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Suite aux recommandations formulées en juin 2013 par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail (ci-après, la Commission de la Conférence), la commission avait prié le gouvernement de mettre en place un système de compilation de données sur les actes de discrimination antisyndicale signalés dans les secteurs public et privé. Ayant pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle les préparatifs de la mise en place d’un système de compilation de données sont en cours dans le cadre d’un projet intitulé «Amélioration du dialogue social dans le monde du travail», la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place de ce système. La commission note avec regret que le gouvernement indique que, en dépit du fait qu’un rapport intitulé «Méthodes de création d’un système de collecte de données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public et proposition type pour la Turquie» ait été élaboré et qu’un atelier ait été organisé le 3 octobre 2018 au Bureau de l’OIT à Ankara, avec la participation des partenaires sociaux et des représentants des institutions intéressées à contribuer à ces travaux, aucun modèle concret de collecte de données sur la discrimination antisyndicale n’a été établi. La commission se voit donc contrainte de renouveler la demande formulée par la Commission de la Conférence en juin 2013 et espère que le gouvernement fournira dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements en masse dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence. Dans son commentaire précédent, la commission avait pris note des informations sur le nombre important de suspensions et de licenciements de syndicalistes et de responsables syndicaux dans le contexte de l’état d’urgence. Elle avait pris note, à cet égard, de l’allégation selon laquelle l’état d’urgence avait été utilisé par le pouvoir politique pour cibler et punir certains syndicats et pour exercer des pressions sur les syndicats de l’opposition en licenciant leurs membres. Espérant vivement que la commission d’enquête (créée pour réexaminer ces licenciements) a les moyens nécessaires pour examiner les faits pertinents, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement de cette commission et d’indiquer le nombre de demandes de réexamen déposées par des membres et responsables syndicaux, et l’issue de ces demandes. La commission avait également prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours déposés en cas de décision négative de la commission d’enquête concernant des membres et des responsables syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, le 29 août 2019, 126 200 demandes avaient été soumises à la commission d’enquête. Depuis le 22 décembre 2017, celle-ci s’est prononcée sur 84 300 demandes, dont 6 700 ont été acceptées et 77 600 rejetées; 41 900 demandes sont toujours en instance. Le gouvernement indique que la commission d’enquête rend des décisions individualisées et motivées à la suite d’un examen approfondi et rapide. Il indique en outre que, bien que la KESK ait affirmé avoir été ciblée et avoir fait l’objet de discriminations, sur les 125 678 licenciements, la KESK est elle-même concernée par 4 000 licenciements, et sur 588 décisions de la commission d’enquête à ce sujet, 199 demandes de réintégration ont été acceptées. Le gouvernement fait observer que le taux de décisions positives s’agissant des membres de la KESK est d’un pour trois, ce qui est supérieur au taux moyen. En ce qui concerne son observation sur l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission note que selon la Confédération syndicale internationale (CSI), plus de 11 000 représentants et membres de la KESK ont été suspendus de leurs fonctions ou licenciés en raison de leurs activités syndicales. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
Tout en prenant note des statistiques générales fournies par le gouvernement, la commission regrette l’absence d’informations spécifiques, à l’exception de celles concernant les membres de la KESK, sur le nombre de membres et de responsables syndicaux concernés. En ce qui concerne la KESK, la commission exprime sa préoccupation eu égard au fait que, selon le gouvernement, seuls 15 pour cent des cas concernant ses membres ont été examinés et elle observe qu’un tiers seulement ont fait l’objet d’une réintégration. Elle rappelle, d’après l’examen précédent, qu’en cas de décision négative les demandeurs peuvent faire recours auprès des tribunaux administratifs compétents à Ankara. La commission regrette l’absence d’informations concernant le nombre de recours et leur issue par rapport aux décisions négatives de la commission d’enquête concernant les membres et les responsables syndicaux. La commission exprime à nouveau le ferme espoir que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui révisent ses décisions examineront avec soin les motifs pour lesquels les membres et responsables syndicaux du secteur public ont été licenciés et ordonneront la réintégration des syndicalistes licenciés pour discrimination antisyndicale. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur le nombre de demandes reçues émanant de membres et de responsables syndicaux, l’issue de l’examen de leurs cas par la commission d’enquête, et sur le nombre et l’issue des recours intentés contre les décisions négatives de la commission d’enquête en ce qui concerne les membres et responsables syndicaux.
Article 1. Discrimination antisyndicale dans le cadre de l’emploi. La commission rappelle les observations de la KESK et du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la science de Turquie (EGİTİM SEN), qui allèguent que des centaines de leurs membres et affiliés, appartenant principalement au secteur de l’éducation, ont été mutés contre leur volonté en 2016 (au moins 122 mutations, consécutives principalement à une participation à des activités syndicales et des manifestations) et en 2017 (1 267 mutations, dont 1 190 dans le secteur de l’éducation). Elle rappelle en outre les observations de la KESK selon lesquelles les accords dits «d’indemnisation aux fins de l’équilibre social» conclus en application de l’article 32 de la loi no 4688 comportent des dispositions discriminatoires à l’égard des membres de syndicats minoritaires, qui doivent acquitter des droits plus élevés et qui n’accèdent aux prestations prévues que sous réserve de la production d’un dossier exempt de toute sanction disciplinaire. La KESK évoque à ce sujet des accords conclus à Gaziantep et à Kocaeli, lieux dans lesquels Bem Bir Sen, organisation affiliée à la Confédération MEMUR SEN présentée comme progouvernementale, est majoritaire, et où TÜM BEL SEN, organisation affiliée à la KESK, est minoritaire. La KESK déclare en outre qu’un certain nombre de salariés lésés ont saisi la justice d’une action contre lesdites dispositions discriminatoires. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute mesure de mutation ou de rétrogradation de caractère discriminatoire et à motivation antisyndicale et de faire en sorte que, si des mesures de cette nature sont encore en vigueur à ce jour, elles soient annulées immédiatement. Elle l’avait également prié de communiquer sa réponse aux allégations de la KESK selon lesquelles certains accords dits «d’indemnisation aux fins de l’équilibre social» comporteraient des dispositions discriminatoires. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, à la suite de décisions judiciaires sur la question, les cotisations au titre de l’équilibre social sont désormais perçues de la même manière auprès de tous les salariés, indépendamment du fait qu’ils soient syndiqués ou non, et les prestations au titre de l’équilibre social sont versées de la même manière. De plus, les salariés ayant un dossier disciplinaire dans les municipalités susmentionnées bénéficient également des prestations au titre de l’équilibre social. En ce qui concerne la discrimination antisyndicale alléguée, le gouvernement souligne que l’article 18 de la loi no 4688 prévoit une protection et des garanties suffisantes pour les fonctionnaires qui sont membres ou cadres syndicaux. En vertu de cet article, les employeurs publics ne peuvent pas prendre de mesures discriminatoires à l’égard des fonctionnaires membres ou responsables syndicaux. Les fonctionnaires ne peuvent pas être licenciés ou traités différemment en raison de leur participation aux activités légitimes des syndicats ou des confédérations. En outre, les employeurs publics ne peuvent pas changer le lieu de travail des responsables syndicaux (c’est-à-dire les délégués syndicaux, les représentants syndicaux sur le lieu de travail, les représentants aux niveaux des provinces et des districts, les dirigeants des syndicats et de leurs branches) sans en donner des raisons claires et précises. Tout en prenant note des informations fournies sur la protection législative contre les actes antisyndicaux, la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir, dans la pratique, toute mesure de mutation ou de rétrogradation de caractère discriminatoire et à motivation antisyndicale et de faire en sorte que, si des mesures de cette nature sont encore en vigueur à ce jour, elles soient annulées immédiatement.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociations intersectorielles. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si la négociation collective intersectorielle se concrétise par des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public», ce n’est pas le cas dans le secteur privé. Elle avait noté à cet égard que, en vertu de l’article 34 de la loi no 6356, la convention collective peut couvrir un ou plusieurs lieux de travail dans une même branche d’activité, ce qui rend impossible la négociation intersectorielle dans le secteur privé. La commission avait prié le gouvernement de considérer, en consultation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi no 6356, de manière à ce qu’il ne restreigne pas la possibilité pour les parties de conclure des accords intersectoriels de niveau régional ou national dans le secteur privé si elles le souhaitent. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi no 6356 est entrée en vigueur en 2012 à l’issue de négociations avec les partenaires sociaux; l’article 34 de la loi a été rédigé en tenant compte de leurs vues; aucun problème n’a été relevé en ce qui concerne son application et les partenaires sociaux n’ont soumis aucune demande de modification. Rappelant que, conformément à l’article 4 de la convention, la négociation collective doit être encouragée à tous les niveaux, la commission demande à nouveau au gouvernement d’envisager, en consultation avec les partenaires sociaux, de modifier l’article 34 de la loi no 6356 afin que les parties du secteur privé qui souhaitent conclure des accords régionaux ou nationaux intersectoriels puissent le faire sans obstacle. Elle le prie en outre de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Conditions requises pour devenir agent de négociation. La commission rappelle avoir observé dans ses précédents commentaires que l’article 41(1) de la loi no 6356 impose à un syndicat de satisfaire initialement aux conditions suivantes pour pouvoir devenir agent de négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent (puis, progressivement, 3 pour cent) des travailleurs occupés dans la branche d’activité considérée, ainsi que plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs employés dans l’entreprise devront être couverts par la convention collective. La commission rappelle en outre que ce seuil de 3 pour cent a été abaissé à 1 pour cent par la loi no 6552 du 10 septembre 2014. De plus, l’article 1 de la loi no 6356, qui prévoit que ce seuil de 1 pour cent devait être porté à 3 pour cent à l’égard des syndicats non affiliés à des confédérations siégeant au Conseil économique et social, a été abrogé sur décision de la Cour constitutionnelle. De ce fait, ce seuil de 3 pour cent a été rabaissé à 1 pour cent à l’égard de tous les syndicats. La commission rappelle en outre que, jusqu’au 6 septembre 2018, des dérogations aux dispositions légales quant au seuil de représentativité au niveau de la branche ont été accordées à trois catégories de syndicats, qui étaient préalablement habilités, afin qu’ils ne perdent pas leur habilitation aux fins de la négociation collective. Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs à propos de la persistance d’une dualité dans les seuils d’admissibilité et notant que la dérogation accordée aux syndicats habilités antérieurement n’était que provisoire, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer si cette dérogation a été prorogée au-delà du 6 septembre 2018 et quelle a été l’incidence de la décision prise à cet égard quant à la capacité des syndicats habilités antérieurement à participer à la négociation collective. Elle avait en outre prié le gouvernement de continuer d’observer, en concertation avec les partenaires sociaux, l’incidence de la persistance de cette dualité de seuils sur le mouvement syndical et sur le mécanisme de négociation collective dans son ensemble et, dans le cas où il serait avéré que ce seuil de 1 pour cent a un impact négatif sur l’extension du mécanisme national de négociation collective, de réviser la loi en vue de la suppression de ce seuil.
La commission rappelle enfin qu’elle a été saisie par le Comité de la liberté syndicale des aspects juridiques soulevés dans le cas no 3021 (voir 391e rapport, octobre-novembre 2019, paragr. 70) à propos des effets de l’application de la loi no 6356 sur le mouvement syndical et le mécanisme de négociation collective national dans son ensemble. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la dérogation accordée aux syndicats en vertu du deuxième paragraphe de l’article 6 provisoire de la loi no 6356 a pris fin le 6 septembre 2018. Conformément aux dispositions de la loi no 6356, les syndicats dont la dérogation a pris fin recevront un certificat d’habilitation à mener des négociations si le nombre des membres qu’ils représentent dépasse 1 pour cent du nombre total de travailleurs employés dans la branche d’activité à laquelle appartient le lieu de travail ou l’entreprise et représente plus de 50 pour cent des salariés sur le lieu de travail ou plus de 40 pour cent des salariés de l’entreprise. Le gouvernement souligne que la loi no 6356 a été élaborée en consultation avec les partenaires sociaux et en tenant compte des principes universels relatifs aux libertés et aux droits syndicaux. Après l’entrée en vigueur des dispositions de la loi, le gouvernement a entrepris de recueillir les avis et les évaluations des partenaires sociaux. Certains partenaires sociaux ont demandé le maintien du seuil au niveau de la branche, d’autres ont estimé qu’il devait être réduit ou supprimé. Actuellement, il n’y a pas d’accord sur cette question. Le gouvernement indique toutefois qu’en cas de consensus sur cette question, des mesures seront prises pour faire le nécessaire. Notant que la dérogation provisoire n’a pas été prolongée au delà de septembre 2018, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’impact de la non-prolongation de la capacité des organisations précédemment habilitées à participer à la négociation collective et d’indiquer quel est le statut des conventions collectives conclues par ces dernières. Elle le prie également de continuer de contrôler l’incidence de la persistance de la prescription relative au seuil de branche sur le mouvement syndical et le mécanisme national de négociation collective dans son ensemble, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
En ce qui concerne les seuils de représentativité du lieu de travail et de l’entreprise, dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note de l’article 42(3) de la loi no 6356, qui dispose que lorsque aucun syndicat ne satisfait aux conditions d’habilitation à la négociation collective, toute partie ayant sollicité l’attribution de cette compétence doit en être avisée. Elle avait en outre pris note du paragraphe 45(1), qui prévoit qu’une convention conclue sans le certificat d’habilitation est nulle et non avenue. Tout en notant le principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise» adopté par la législation turque, la commission avait rappelé qu’en vertu d’un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, si aucun syndicat n’atteint le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité, conjointement ou séparément, devraient pouvoir prétendre au droit de négocier collectivement, au moins au nom de leurs propres membres. La commission avait souligné qu’en autorisant la négociation conjointe des syndicats minoritaires, la loi pouvait adopter une approche plus favorable au développement de la négociation collective sans porter atteinte au principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise». Elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour que la législation soit modifiée, et de donner des informations à ce sujet. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la question de la modification du système de négociation collective a été examinée avec les partenaires sociaux dans le cadre du projet «Amélioration du dialogue social dans le monde du travail» mais il a été impossible de trouver un accord sur un modèle. Le gouvernement se déclare prêt à examiner la proposition de modification de la législation si elle est présentée par les partenaires sociaux et si une telle proposition fait l’objet d’un consensus. Rappelant qu’il appartient au gouvernement de faire appliquer la convention qu’il a ratifiée, la commission prie de nouveau le gouvernement de modifier la législation de façon à ce que si aucun syndicat n’atteint le pourcentage de travailleurs requis pour être déclaré agent de négociation exclusif, tous les syndicats de l’unité considérée puissent participer à la négociation collective, conjointement ou séparément, tout au moins au nom de leurs propres membres. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises ou envisagées à cet égard.
Dans son commentaire précédent, la commission avait également prié le gouvernement de donner des informations sur toute application qui serait faite des articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3) de la loi no 6356 pour des raisons multiples, qui prévoient toute une série de situations dans lesquelles le certificat d’habilitation à négocier peut être retiré par les autorités (le fait de ne pas appeler l’autre partie à engager les négociations dans les quinze jours qui suivent l’attribution de l’habilitation; l’absence à la première séance de négociation collective ou encore le défaut d’ouverture de la négociation dans les trente jours qui suivent la date de la convocation; la non-déclaration d’un conflit à l’autorité compétente dans un délai de six jours ouvrables; l’omission de la saisine du Haut Conseil d’arbitrage; l’omission de statuer sur une proposition de grève ou d’engager une action de grève conformément aux prescriptions légales; l’impossibilité de parvenir à un accord avant la fin du délai de report du déclenchement d’une grève) et de continuer d’examiner l’application de ces articles, en concertation avec les partenaires sociaux concernés, en vue d’une éventuelle modification visant à favoriser la négociation collective, si les parties le souhaitent. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, bien qu’aucune question n’ait été soulevée concernant la mise en œuvre pratique des dispositions susmentionnées, il envisagerait de les modifier si une telle proposition était soumise par les partenaires sociaux.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat. Portée matérielle de la négociation collective. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 28 de la loi no 4688, dans sa teneur modifiée en 2012, restreint le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée du travail, l’avancement, le développement des carrières et les mesures disciplinaires. Elle note que le gouvernement répète ce qu’il a dit précédemment, à savoir que les revendications des syndicats et confédérations syndicales qui ne portent pas sur les droits sociaux et financiers sont accueillies et étudiées dans d’autres instances, plus appropriées, en dehors de la négociation collective. La commission est donc tenue de rappeler une fois de plus que les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat devraient jouir des garanties prévues par la convention et devraient en conséquence pouvoir négocier collectivement sur leurs conditions d’emploi, et que des mesures prises unilatéralement par les autorités afin de restreindre le champ des questions négociables sont le plus souvent incompatibles avec la convention. Elle souhaite néanmoins rappeler que la convention est compatible avec des systèmes soumettant à l’approbation autorités compétentes certaines clauses de conventions collectives qui ont trait aux conditions de travail ou aux conditions financières dans le secteur public, dès lors que les autorités respectent les accords ainsi conclus. Tout en soulignant que la convention est compatible avec des modalités de négociation particulières dans le secteur public telles que mentionnées ci-dessus, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient abrogées les restrictions concernant les questions sur lesquelles la négociation collective peut porter, afin que le champ concret des droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat soit pleinement conforme à la convention.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que, en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs du secteur public (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans ce secteur. A cet égard, les propositions afférentes à la partie générale de la convention collective sont établies par les membres de la confédération de la PSUD et les propositions afférentes aux conventions collectives pour chaque branche sont élaborées par les membres représentatifs des syndicats de branche de la PSUD. La commission avait également pris note des observations de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye KAMU-SEN) à cet égard, selon lesquelles de nombreuses propositions émanant de syndicats habilités de la branche étaient acceptées en tant que propositions afférentes à la partie générale de la convention collective alors que, conformément aux dispositions de l’article 29, elles devraient être présentées par une confédération, et que ce procédé prive les syndicats de branche de la faculté d’exercer directement leur droit de faire des propositions. Notant que, bien que les syndicats les plus représentatifs de la branche soient représentés dans la PSUD et qu’ils prennent part à la négociation spécifique à une branche, leur rôle au sein de la PSUD se trouve restreint en ce qu’ils ne sont pas habilités à faire des propositions pour les conventions collectives, en particulier lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche, la commission avait prié le gouvernement de faire en sorte que ces syndicats puissent formuler des propositions générales. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les négociations collectives ont lieu tous les deux ans afin de débattre des questions qui concernent les branches de service et les questions générales. A cette occasion, les offres de négociation collective pour toutes les branches de service sont déterminées séparément par les syndicats habilités qui comptent le plus grand nombre de membres dans cette branche de service. Naturellement, les propositions des syndicats sont déterminées exclusivement pour les branches de service en raison des différences entre les branches de service et les fonctionnaires dans le cadre de ces branches et examinées dans les comités spéciaux établis séparément pour les branches de service par les chefs de la PED et de la PSUD. Considérant que, lorsque les instances paritaires au sein desquelles les conventions collectives doivent être conclues et les conditions imposées par la loi pour la participation de ces instances sont telles qu’elles empêchent un syndicat qui serait le plus représentatif de la branche d’activité considérée d’être associé aux travaux desdites instances, il est porté atteinte aux principes établis par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de faire en sorte que la loi no 4688 et son application permettent que les syndicats les plus représentatifs de toute branche fassent des propositions pour les conventions collectives, y compris sur les questions qui peuvent intéresser plus d’une branche, pour les salariés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat.
Négociation collective dans le secteur public. Conseil d’arbitrage de salariés du secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que, en vertu des articles 29, 33 et 34 de la loi no 4688, en cas d’échec de négociations dans le secteur public, le président de la PED (le ministre du Travail), au nom de l’administration publique, et le président de la PSUD, agissant au nom des salariés du secteur public, peuvent solliciter le Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Les décisions de ce conseil sont finales et revêtent alors les mêmes effets et la même force qu’une convention collective. La commission avait noté que sept des onze membres du Conseil d’arbitrage, y compris le président, sont désignés par le Président de la République, et elle a estimé qu’une telle procédure de sélection peut susciter des doutes quant à l’indépendance et l’impartialité de cette institution. Elle avait donc prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réaménager la composition du Conseil d’arbitrage ou le mode de désignation de ses membres pour mieux révéler son indépendance et son impartialité et emporter la confiance des parties. La commission note que le gouvernement confirme qu’outre le chef du Conseil, ses cinq autres membres ayant des connaissances en matière d’administration publique, de finances publiques et de régime du personnel public, ainsi qu’un membre parmi les universitaires proposés par les confédérations compétentes, sont nommés par le Président. La commission prie le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de nomination des membres du Conseil, afin de démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et de gagner la confiance des parties.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2020.]
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