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Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Ethiopie (Ratification: 1963)

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La commission prend note des informations communiquées par l’Internationale de l’éducation (IE), reçues le 20 septembre 2019, se rapportant au refus d’enregistrement de l’Association nationale des enseignants (ANE).
La commission prend note de l’adoption de la Proclamation sur les organisations de la société civile no 1113/2019 du 7 mars 2019, et de la Proclamation sur le travail no 1156/2019 du 5 septembre 2019.
Dans ses précédents commentaires, la commission s’était félicitée de la déclaration commune sur la visite de travail de la mission du BIT en Ethiopie, qu’avaient signée en mai 2013 le ministre du Travail et des Affaires sociales et le BIT, considérant qu’elle représentait un pas important vers le règlement, dans le sens des dispositions de la convention, de questions depuis longtemps en suspens.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations. Enseignants. Dans ses précédents commentaires, la commission, encouragée par l’engagement pris par le gouvernement dans la déclaration commune d’enregistrer l’ANE, avait exprimé le ferme espoir que celle-ci serait enregistrée rapidement et sans conditions. La commission note avec regret que le gouvernement se contente de réitérer simplement dans son rapport les informations qu’il lui avait données auparavant sur la question ainsi qu’au Comité de la liberté syndicale (CLS) dans le cas no 2516. La commission note que, dans ses observations, l’IE déclare que le ministère éthiopien du Travail et des Affaires sociales devrait encore réagir aux demandes de reconnaissance de l’ANE en tant qu’organisation syndicale et que l’ANE devrait être enregistrée au titre de la Proclamation sur les organisations de la société civile no 1113/2019 qui a remplacé la Proclamation sur les organisations caritatives et les sociétés no 621/2009. Rappelant que le droit à la reconnaissance officielle par l’enregistrement légal est une facette essentielle du droit d’organisation, dans la mesure où il s’agit de la première démarche que doivent entreprendre les organisation de travailleurs ou d’employeurs pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres de façon adéquate, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’ANE soit immédiatement enregistrée, de telle sorte que les enseignants puissent exercer pleinement leur droit de constituer des organisations de leur choix afin de promouvoir et défendre les intérêts professionnels des enseignants. La commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard.
Articles 2, 3 et 4. Questions d’ordre législatif. Proclamation sur les organisations de la société civile (no 1113/2019). Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté avec préoccupation que la Proclamation sur les organisations caritatives et les sociétés no 621/2009 prévoyait une surveillance étroite et permanente des organisations constituées sus ses bases et conférait aux autorités gouvernementales de larges pouvoirs discrétionnaires leur permettant de s’ingérer dans le droit d’organisation des travailleurs et des employeurs, principalement pour ce qui est de l’enregistrement, de l’administration interne et de la dissolution des organisations tombant dans son champ d’application. Par conséquent, la commission avait prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que cette proclamation ne s’applique pas aux organisations de travailleurs et d’employeurs et que soit garantie à ces organisations une reconnaissance effective par un texte de loi, en totale conformité avec la convention. La commission note que la Proclamation sur les organisations caritatives et les sociétés a été remplacée par la Proclamation sur les organisations de la société civile no 1113/2019. La commission note aussi avec satisfaction que la Proclamation sur les organisations de la société civile no 1113/2019 répond à certains de ses précédents commentaires restés en suspens en supprimant certaines dispositions de la Proclamation sur les organisations caritatives et les sociétés qui n’étaient pas conformes à la convention, à savoir:
  • -l’article 2(2) et (3) qui opérait une distinction entre les organisations obligées de s’enregistrer, sur base de la nationalité de leurs membres et de l’importance des fonds qu’elles reçoivent de sources étrangères;
  • -l’article 76(1), suivant lequel la licence de l’organisation devrait être renouvelée tous les trois ans;
  • -les articles 84(1) et (2), 85(1)(a), 86, 88(1) et 90 qui conféraient des pouvoirs excessifs à l’Agence sur les organisations caritatives et les sociétés (rebaptisée depuis Agence de la société civile et des organisations, conformément aux articles 2(10) et 4 de la nouvelle proclamation, et ci-après dénommée l’agence) lui permettant de s’ingérer dans une série de matières administratives, financières et comptables concernant le fonctionnement interne des organisations;
  • -les articles 92(2)(e) et 93, suivant lesquels la violation par une organisation de l’une ou l’autre disposition de la proclamation pouvait entraîner l’annulation de sa licence et sa dissolution;
  • -l’article 102 qui instaurait de lourdes sanctions pour les infractions aux dispositions de la proclamation.
La commission observe toutefois que les questions suivantes restent largement sans réponse:
  • -Alors que la commission se félicite de la diminution des motifs de refus d’un enregistrement (ancien article 69(2) qui disposait que l’agence précédemment responsable devait refuser d’enregistrer une organisation caritative ou une société qui était «susceptible d’être utilisée à des fins illicites ou à des fins préjudiciables à la paix publique, au bien-être ou au bon ordre»), elle observe que la nouvelle disposition reste excessivement large. L’article 59(b) de la Proclamation sur les organisations de la société civile dispose que l’agence doit refuser d’enregistrer une organisation lorsqu’elle constate que son but ou la description de ses activités figurant dans son règlement sont contraires à la loi ou à la morale publique. A cet égard, la commission rappelle que l’enregistrement doit être une simple formalité et que les motifs de morale publique sont vagues par nature et peuvent donner lieu à des décisions susceptibles d’altérer les garanties énoncées dans la convention. La commission prie le gouvernement de réviser l’article 59(b) de la Proclamation sur les organisations de la société civile en concertation avec les partenaires sociaux. Elle le prie de fournir des informations sur tout fait nouveau survenu à cet égard.
  • -Tandis que la commission prend note de la suppression de l’article 104(4) de la Proclamation sur les organisations caritatives et les sociétés (qui n’accordait pas d’effet suspensif aux appels contre les décisions de refus d’enregistrement ou d’annulation), elle observe que l’article 78(5) de la Proclamation sur les organisations de la société civile dispose que les membres, fondateurs ou gérants de l’organisation dissoute par décision du Conseil peuvent faire appel auprès de la Cour suprême fédérale dans les trente jours suivant la décision, mais reste muette quant aux effets de ce recours en appel. La commission rappelle à cet égard que la suspension, le retrait ou l’annulation de l’enregistrement d’une organisation syndicale constituent des formes extrêmes d’ingérence des autorités dans les activités d’organisations et devraient, de ce fait, s’accompagner de toutes les garanties nécessaires, y compris le droit de faire appel à la justice, ce qui devrait avoir pour effet de suspendre l’exécution jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu sur l’affaire. La commission prie le gouvernement d’indiquer si la procédure d’appel prévue à l’article 78(5) de la Proclamation sur les organisations de la société civile a un effet suspensif et, sinon, de prendre les mesures nécessaires pour instituer un tel effet suspensif.
Fonctionnaires et agents de l’administration de l’Etat. Dans ses précédents commentaires, la commission, compte tenu de la réforme complète en cours de la fonction publique, s’était fermement attendue à ce que, dans le cadre de la réforme, le droit d’organisation soit accordé à tous les fonctionnaires, y compris aux enseignants des écoles publiques et aux agents de l’administration de l’Etat, ce qui inclut les travailleurs de la santé, les juges, les procureurs, et le personnel de direction. La commission note que le gouvernement réaffirme sa volonté de s’attaquer à la question et que, en pleine concertation avec les partenaires sociaux, il prendra toutes les mesures nécessaires afin d’accorder aux fonctionnaires et aux agents de l’administration de l’Etat le droit de créer des organisations de leur choix et d’y adhérer. Prenant note de l’absence d’informations concrètes sur la réforme de la fonction publique dans le rapport du gouvernement, la commission réitère sa précédente demande et prie le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau survenu à cet égard.
Proclamation sur le travail no 1156/2019. Depuis plusieurs années, la commission exprime ses préoccupations à propos de nombreuses dispositions de la Proclamation sur le travail no 377/2003. La commission note qu’elle a été remplacée par la Proclamation sur le travail no 1156/2019, qui pose elle aussi des problèmes de compatibilité avec la convention:
  • -Travailleurs couverts. La commission avait noté précédemment qu’aux termes de l’article 3 de la Proclamation sur le travail no 377/2003, les catégories de travailleurs suivantes sont exclues de son champ d’application: les travailleurs liés par un contrat relatif à l’éducation d’un enfant, au traitement, aux soins ou à la réadaptation; les personnes régies par un contrat d’enseignement ou de formation professionnelle autre que d’apprentissage; les travailleurs fournissant bénévolement des services aux particuliers; les personnes exerçant des fonctions de direction ainsi que les agents de l’administration de l’Etat; les juges et les procureurs, auxquels s’appliquent des lois spécifiques. La commission avait donc prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir le droit d’organisation pour les catégories de travailleurs précitées, et elle n’avait reçu aucune indication suivant laquelle ces droits seraient garantis par d’autres textes de loi. La commission note que l’article 3 de la Proclamation sur le travail no 1156/2019 exclut de son champ d’application les catégories de travailleurs précitées. Rappelant que les seules exceptions possibles à l’application de la convention concernent les membres de la police et des forces armées, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires soit pour modifier l’article 3 de la nouvelle Proclamation sur le travail, soit pour adopter d’autres dispositions légales adéquates qui reconnaissent et garantissent les droits syndicaux inscrits dans la convention aux catégories de travailleurs précitées. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau survenu à cet égard.
  • -Services essentiels. La commission avait demandé précédemment au gouvernement de supprimer le transport aérien et les services d’autobus urbains de la liste des services essentiels figurant à l’article 136(2)(d) de la Proclamation sur le travail no 377/2003. Tandis que la commission se félicite de l’annonce faite par le gouvernement qu’il a organisé une consultation tripartite afin de réduire au minimum la liste des entreprises et que, en conséquence, les services d’autobus urbains en ont été exclus, elle observe qu’aux termes de l’article 137(2)(d) de la nouvelle Proclamation sur le travail, les services de métro léger urbain figurent dans la liste des services essentiels dans lesquels la grève est interdite. La commission rappelle que ces services ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire des services dont l’interruption peut mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les services de transport précités soient supprimés de la liste des services essentiels figurant à l’article 137(2)(d) de la Proclamation sur le travail, et rappelle qu’il pourrait envisager comme mesure de remplacement la mise en place d’un système de service minimum dans ces services d’utilité publique. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
  • -Quorum requis pour un scrutin de grève. La commission avait noté précédemment que, selon, l’article 158(3) de la Proclamation sur le travail no 377/2003, la majorité des travailleurs concernés devaient participer à un scrutin de grève lors d’une réunion à laquelle assistaient les deux tiers au moins des membres du syndicat. La commission avait prié le gouvernement de modifier l’article 158(3) en abaissant le quorum requis pour un scrutin de grève. La commission note que le gouvernement indique que, après consultation des partenaires sociaux, il ne considère pas qu’il y ait manque de conformité avec la convention, à moins que la commission donne à son article une autre interprétation. A cet égard, la commission rappelle que, si la loi requiert un vote des travailleurs avant la tenue d’une grève, il y a lieu de s’assurer que soient seuls pris en compte les votes exprimés et que le quorum imposé et la majorité requise soient fixés à un niveau raisonnable, et elle considère que le quorum des deux tiers est de nature à entraver indument la possibilité d’appeler à la grève. La commission réitère ses précédentes recommandations et prie le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau survenu à cet égard.
La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en totale conformité avec la convention, et de fournir des informations sur les progrès accomplis en la matière. A ce propos, la commission rappelle au gouvernement qu’il peut solliciter l’assistance technique du Bureau. En outre, la commission prie à nouveau le gouvernement de veiller à ce que les dispositions de la Proclamation sur le travail no 1156/2019 qui, comme il est indiqué ci-dessus, apportent des restrictions au droit des travailleurs d’organiser leurs activités, ne soient pas invoquées pour annuler l’enregistrement d’une organisation en application de l’article 121(1)(c) jusqu’à ce qu’elles soient mises en conformité avec les dispositions de la convention.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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