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Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 1969)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 2018)

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La commission prend note des observations de la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIT), reçues le 4 septembre 2019.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. I. Situation de vulnérabilité des travailleurs migrants du secteur de la pêche à l’imposition de travail forcé et de traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, à sa 329e session (mars 2017), le Conseil d’administration avait approuvé le rapport du comité tripartite chargé d’examiner la réclamation présentée par la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIT), alléguant l’inexécution par la Thaïlande de la convention.
La commission a noté que cette réclamation comprenait deux catégories principales d’allégations d’inexécution de la convention, à savoir: i) la situation de travailleurs, en particulier de travailleurs migrants, employés à bord de navires de pêche thaïlandais, soumis à des conditions relevant du travail forcé et de la traite des personnes; ii) la responsabilité de l’Etat de veiller à ce que l’interdiction du travail forcé soit mise en œuvre de manière stricte au moyen de sanctions pénales adéquates et effectivement appliquées. La commission a également noté que le comité tripartite avait examiné les allégations de la CSI et les explications données par le gouvernement quant aux mesures prises pour lutter contre le travail forcé et la traite des personnes dans le secteur de la pêche, notamment sous l’angle: a) des pratiques en matière de recrutement; et b) des pratiques en matière d’emploi.

a) Pratiques en matière de recrutement

La commission a noté que le comité tripartite a, à cet égard, examiné plusieurs questions: i) les intermédiaires et les frais mis à la charge des travailleurs au titre de leur recrutement; ii) la question de la substitution du contrat; et iii) la question de la corruption et des actes relevant de la traite des personnes.
i) Intermédiaires et frais mis à la charge des travailleurs au titre de leur recrutement. Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note des dispositions de l’ordonnance royale B.E. 2560, du 23 juillet 2017, concernant l’administration de l’emploi des travailleurs étrangers (ci-après: «l’ordonnance royale B.E. 2560»), qui prévoit des sanctions plus lourdes à l’encontre des auteurs de délits dans ce domaine et établit de façon plus claire les responsabilités des employeurs et des agences de recrutement agréées. La commission a aussi pris note des observations formulées par la CSI en janvier 2016, selon lesquelles des migrants et des Thaïlandais employés à bord de certains bateaux de pêche avaient dû verser à des intermédiaires des frais au titre de leur recrutement, qui s’élevaient à 742 dollars E.-U. Ces travailleurs avaient déclaré en outre n’avoir reçu avant de s’embarquer aucune information sur leurs conditions de travail, le paiement de leurs salaires ou encore la durée de leur embarquement. Le régime selon lequel ils sont payés consistait en des avances sur salaires que des intermédiaires font parvenir par des transferts, sans aucune trace écrite, au domicile du travailleur et dans le versement d’une somme forfaitaire promise au travailleur à l’achèvement de son travail en mer. A cet égard, la commission a pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle il avait interdit de mettre des frais de recrutement à la charge des travailleurs migrants, exception faite de frais tels que ceux afférents à l’établissement de leurs documents et à leur transport. La commission a prié le gouvernement de poursuivre ses efforts pour s’assurer que les travailleurs migrants du secteur de la pêche ne sont pas exposés à des pratiques de nature à accroître leur vulnérabilité au travail forcé, en particulier en ce qui concerne le paiement de frais au titre de leur recrutement et le recrutement par des intermédiaires illégaux.
La commission note, d’après les observations formulées par la FIT, qu’il est ressorti des entretiens menés avec les pêcheurs membres du Réseau pour la promotion des droits des pêcheurs (FRN) de la FIT au cours des douze derniers mois dans les provinces de Ranong, Songkhla et Trat que 89 pour cent des pêcheurs sont en situation de servitude pour dettes pour un montant de plus de 10 000 baht. Le montant moyen de la dette des pêcheurs en situation de servitude sur l’ensemble du FRN est de 21 000 baht, ce qui représente au moins deux mois de salaire pour la plupart des pêcheurs.
La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle le décret d’urgence relatif à l’administration du travail des étrangers (no 2) B.E. 2561 (2018) (décret FWME de 2018), qui a abrogé certaines dispositions de l’ordonnance royale B.E. 2560, prescrit qu’un employeur qui fait venir un étranger pour travailler avec lui ou elle dans le pays ne peut demander ou accepter d’argent ni d’autres biens de ces travailleurs, sauf s’il s’agit des sommes déboursées préalablement par l’employeur en échange du passeport, du contrôle médical, du permis de travail et autres frais analogues prévus dans une notification du directeur général du Département du travail (art. 24). Tout employeur qui contrevient à cette disposition est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de six mois et d’une amende égale au double du montant ou de la valeur des biens demandés, reçus ou acceptés par l’employeur à cet égard (art. 53). La commission prend note en outre des informations fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour faire intervenir parallèlement divers organismes gouvernementaux tels que le Département de l’emploi, la police royale thaïlandaise, les services de sécurité et les fonctionnaires administratifs dans leurs domaines respectifs en vue de faire appliquer cette loi de manière effective. En outre, le ministère du Travail a collaboré avec la marine, l’armée, le Département de l’immigration et d’autres organismes locaux de sécurité pour intercepter le trafic illicite de travailleurs migrants dans le pays ainsi que pour mener des opérations contre les sociétés de recrutement et les intermédiaires illégaux. En conséquence, la commission note qu’en 2018: i) le Département de l’emploi a inspecté 364 agences et intermédiaires de recrutement de travailleurs migrants, identifié et poursuivi 452 intermédiaires illégaux; ii) la marine royale thaïlandaise a effectué 10 563 patrouilles le long des zones frontalières maritimes territoriales thaïlandaises, recensé 351 migrants illégaux et arrêté neuf intermédiaires illégaux; iii) l’armée royale thaïlandaise a effectué 99 982 patrouilles le long des frontières territoriales et identifié 24 664 migrants en situation irrégulière; iv) le Département de l’immigration a intercepté 6 800 migrants en situation irrégulière qui ont été interdits d’entrée sur le territoire. L’ensemble des opérations s’est soldé par l’expulsion de 28 178 travailleurs migrants en situation irrégulière. Notant le nombre alarmant de pêcheurs en situation de servitude pour dettes au sein du Réseau pour la promotion des droits des pêcheurs (FRN), la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour s’assurer que les travailleurs migrants dans le secteur de la pêche ne soient pas exposés à des pratiques susceptibles d’accroître leur vulnérabilité à l’imposition de travail forcé ou à la servitude pour dettes, en particulier pour ce qui est du paiement de frais de recrutement et du recrutement par des intermédiaires illégaux et de fournir des informations détaillées sur les résultats à cet égard. Elle le prie également de continuer de fournir des informations sur l’application dans la pratique de l’article 53 du décret FWME de 2018, en indiquant le nombre et la nature des infractions relevées et les sanctions imposées en conséquence.
ii) Substitution de contrat. La commission a noté précédemment que le comité tripartite avait observé que la pratique de substitution du contrat des travailleurs migrants avait toujours cours. Elle a noté que, en vertu des articles 14/1 et 17 de la loi B.E. 2541 de 1998 sur la protection du travail et de l’article 6 du règlement ministériel de 2014 concernant la protection des travailleurs dans le secteur de la pêche en mer, la signature d’un contrat en bonne et due forme entre l’employeur et le travailleur est obligatoire et qu’un contrat de travail doit être signé en deux exemplaires, dont un est remis au travailleur. En outre, conformément à la loi de 2017 sur la pêche, une pièce d’identité (appelée «livret du marin») doit être délivrée par l’armateur du bateau de pêche à tout travailleur migrant du secteur de la pêche lors de la signature du contrat type établi par le Département de la protection des travailleurs et de la prévoyance sociale. L’emploi à bord d’un navire de pêche d’un travailleur sans pièce d’identité ou sans autorisation est passible d’une amende de 400 000 baht (12 000 dollars E.-U.). La commission a prié le gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de s’assurer que l’interdiction de la substitution du contrat de travail est effectivement appliquée dans la pratique et que les autorités compétentes enregistrent et vérifient que le contrat signé correspond à l’offre initiale d’emploi que le travailleur a acceptée. La commission prend note des observations de la FIT selon lesquelles 78 pour cent des pêcheurs interrogés par le FRN ont déclaré ne pas être en possession de leur contrat de travail et d’autres ne l’avoir jamais vu. Certains disposent d’une copie du contrat en langue thaïe, qui n’est pas leur langue et ne sont donc pas en mesure d’en comprendre les termes relatifs au salaire ni les autres dispositifs obligatoires de protection dont ils bénéficient. La commission note que, en vertu de l’article 23 du décret FWME de 2018, l’employeur qui emploie un étranger doit établir un contrat écrit contenant tous les détails prescrits par le directeur général et le conserver dans son bureau pour inspection éventuelle par les autorités compétentes. La commission prend note en outre des informations fournies par le gouvernement sur le nombre de livrets du marin qui ont été délivrés aux migrants en vertu de la loi sur les pêches (2017). Ainsi, d’octobre 2017 à juin 2019, 14 722 livrets du marin ont été délivrés et, entre le 30 septembre et le 15 novembre 2017, 13 455 migrants sans permis de travail ont reçu des livrets spéciaux. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts pour s’assurer que l’article 23 du décret FWME est appliqué et que la pratique de substitution de contrat est effectivement interdite. A cet égard, elle encourage le gouvernement à s’assurer que les autorités compétentes enregistrent et vérifient que le contrat signé correspond à l’offre initiale d’emploi que le travailleur a acceptée. Elle le prie en outre de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs migrants reçoivent une copie de leur contrat d’emploi dans leur langue.
iii) Corruption et complicité des fonctionnaires. La commission a précédemment noté que le comité tripartite avait considéré que la corruption de fonctionnaires peut créer un climat d’impunité qui accroît fortement la situation de vulnérabilité des pêcheurs migrants et constitue un obstacle majeur à l’identification des victimes du travail forcé et de la traite. Elle a également pris note des observations formulées par la CSI en 2016 selon lesquelles il n’est pas rare que des fonctionnaires corrompus de la police ou de rangs hiérarchiques supérieurs dans l’administration menacent des témoins, des interprètes ou encore d’autres fonctionnaires de police. La commission a prié le gouvernement de continuer de prendre des mesures proactives pour que les fonctionnaires gouvernementaux qui sont complices dans les affaires de traite des personnes soient poursuivis en justice et que des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives soient imposées dans la pratique pour sanctionner les infractions de cette nature.
La commission note que le gouvernement indique que le nombre de fonctionnaires impliqués ou complices dans des infractions liées à la traite des personnes a diminué en raison des nombreuses mesures de répression qui ont été prises à leur encontre. Selon le rapport du gouvernement, de 2013 à 2016, 44 fonctionnaires en moyenne ont été poursuivis chaque année et des mesures disciplinaires, y compris la saisie ou le gel de leurs avoirs, ont été prises pour sanctionner leur participation à des affaires criminelles. En 2017, ce nombre a été ramené à 11 fonctionnaires et, en 2018, deux fonctionnaires ont été poursuivis. La commission prie le gouvernement de continuer de prendre des mesures proactives pour s’assurer que les fonctionnaires gouvernementaux qui sont complices dans les affaires de traite des personnes sont poursuivis en justice et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives sont imposées dans la pratique pour violation de la législation. Elle le prie également de continuer de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard, notamment des données sur le nombre de fonctionnaires gouvernementaux qui ont été poursuivis et condamnés pour avoir participé à des délits liés à la traite des personnes.

b) Pratiques en matière d’emploi

i) Rétention des pièces d’identité des gens de mer. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que le comité tripartite avait souligné que la rétention des pièces d’identité des gens de mer (PIM) constitue un problème grave dans le secteur de la pêche en Thaïlande. Elle a noté que, en vertu de l’article 68 de l’ordonnance royale B.E. 2560 de 2017, le travailleur migrant doit toujours être en possession de son permis de travail pendant l’exercice de ses fonctions et que la rétention de pièces d’identité, aux termes de l’article 131 de l’ordonnance royale, est passible de sanction. La commission a prié le gouvernement d’intensifier ses efforts afin que l’ordonnance royale B.E. 2560 de 2017 soit appliquée de manière effective.
La commission prend note des observations de la FIT selon lesquelles seulement 13 pour cent des pêcheurs interrogés avaient leur pièce d’identité en leur possession, la plupart d’entre eux ayant déclaré que l’armateur ou le capitaine l’avait confisquée et leur en refusait l’accès. Lorsque les pêcheurs veulent changer de bateau, l’armateur doit signer une décharge avant que les pêcheurs puissent légalement changer d’employeur. L’armateur peut exiger des dizaines de milliers de bahts des pêcheurs pour leurs «frais de document» avant de leur remettre la pièce d’identité ou il peut exiger que le nouvel armateur «achète» la dette de l’armateur précédent, perpétuant ainsi un lourd système de servitude pour dettes ou de travail forcé.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le décret d’urgence relatif à l’administration du travail des étrangers (no 2) B.E. 2561 (2018) (décret FWME), qui abroge de nombreuses dispositions de l’ordonnance royale de 2017, corrige les problèmes découlant des demandes de permis de travail et les difficultés liées au changement d’employeur, en appliquant un système intégré de prévention, protection, recours et exécution, en ligne avec la politique de recrutement des travailleurs migrants. En vertu de l’article 62 du décret FWME, qui abroge l’article 131 de l’ordonnance royale, toute personne qui confisque le permis de travail ou la pièce d’identité d’un travailleur étranger est passible d’une peine de prison maximale de six mois ou d’une amende pouvant atteindre 100 000 baht ou des deux à la fois. La commission prend note en outre de l’indication du gouvernement selon laquelle les dispositions du décret FWME ont été communiquées aux employeurs, afin qu’ils comprennent que les permis de travail ou autres documents des travailleurs migrants ne sauraient être détenus par l’employeur que sur consentement du travailleur et que les employeurs doivent fournir sans délai ces documents dès lors que le travailleur leur en fait la demande. Rappelant que la rétention du permis de travail ou de la pièce d’identité d’un travailleur migrant engagé comme pêcheur constitue un acte grave susceptible d’accroître la vulnérabilité de cette personne face aux abus, du fait qu’elle se retrouve sans pièce d’identité légale, ce qui limite sa liberté de circulation et l’empêche de mettre fin à sa relation d’emploi, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour s’assurer que le décret FWME de 2018 est appliqué de manière effective et que des sanctions suffisamment dissuasives sont prononcées à l’encontre des employeurs qui se livrent à cette pratique, en violation de la législation.
ii) Rétention des salaires. La commission a précédemment noté que le comité tripartite avait encouragé le gouvernement à continuer d’intensifier ses efforts pour traiter le problème du non-paiement des salaires, et assurer l’application effective du règlement ministériel B.E. 2557 de 2014 concernant la protection de la main-d’œuvre dans la pêche hauturière. Elle a noté que la CSI déclarait dans ses observations que la rétention des salaires continuait d’être une pratique courante en Thaïlande et que les lacunes en matière d’application de la législation du travail et d’accès à la justice dans de telles circonstances ne permettaient pas de garantir le paiement des salaires. La commission a aussi pris note de l’article 8 du règlement ministériel B.E. 2557 de 2014 aux termes duquel l’employeur est tenu d’établir en langue thaïe un bulletin de salaire incluant le congé payé et que l’article 11 interdit à l’employeur toute rétention de salaire. Si un employeur omet délibérément de verser le salaire dans un délai de sept jours à compter du terme convenu initialement de son échéance, il ou elle doit verser une somme supplémentaire correspondant à 15 pour cent du montant non acquitté. La commission a prié le gouvernement de s’assurer que le règlement ministériel B.E. 2557 de 2014 est effectivement appliqué et que tous les salaires sont ainsi versés dans les délais et dans leur intégralité et que, en cas d’infraction, des sanctions dissuasives sont imposées.
La commission note, d’après les observations de la FIT, que 82 pour cent des pêcheurs interrogés ont indiqué qu’ils ne sont pas payés mensuellement. Alors que 95 pour cent des pêcheurs savent qu’un compte bancaire a été créé et qu’une carte de retrait automatique y était associée, seulement 3 pour cent ont indiqué qu’ils avaient le contrôle de leur compte bancaire et étaient en possession de leur carte. Dans la majorité des cas, les capitaines ou les armateurs contrôlent l’accès au compte bancaire ou à la carte de retrait automatique et créent des relevés de paiement électroniques fictifs attestant qu’ils respectent les normes de salaire minimum alors qu’en réalité ils paient les travailleurs beaucoup moins.
La commission prend note de l’information du gouvernement selon laquelle le Centre de contrôle des entrées et sorties de ports (Centre PIPO), qui est un mécanisme d’application de la loi chargé de vérifier si les travailleurs reçoivent leurs prestations, effectue une inspection des navires à trois niveaux: navire, matériel et pêcheurs. Avant l’arrivée d’un navire de pêche au port et après son départ, le navire doit être inspecté par un inspecteur du travail du Centre PIPO qui contrôle les bulletins de salaire et vérifie que les travailleurs ont bien reçu leur salaire et leurs indemnités conformément à la loi. La commission prend en outre note des informations fournies par le gouvernement sur les résultats des visites d’inspection du travail effectuées par le Centre PIPO. Toutefois, la commission note avec regret qu’il n’existe pas d’informations spécifiques sur le nombre de cas relatifs aux salaires. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les dispositions du règlement ministériel B.E. 2557 sont mises en œuvre de manière effective et que tous les salaires sont versés dans les délais et dans leur intégralité et que, en cas d’infraction, des sanctions dissuasives sont imposées aux employeurs. Elle le prie également de continuer de fournir des informations sur les activités de contrôle du Centre PIPO, notamment le nombre d’infractions relevées concernant le non-paiement ou la rétention de salaires et les sanctions imposées en l’espèce.
iii) Violences physiques. La commission a noté précédemment que le comité tripartite avait souligné la situation de vulnérabilité des travailleurs engagés dans le secteur de la pêche, qui peuvent être confrontés à des violences physiques pouvant aller parfois jusqu’au meurtre. Elle a noté que, dans ses observations, la CSI donnait plusieurs exemples de cas de pêcheurs ayant subi des violences physiques, eu des problèmes de santé et, même, étant décédés. Ceux qui ont survécu ont déclaré avoir été privés de nourriture pendant plusieurs jours et avoir eu à travailler sans pouvoir faire de pause parfois jusqu’à trois jours d’affilée. A cet égard, la commission avait pris note de l’explication donnée par le gouvernement indiquant que la modification apportée en 2015 (B.E. 2558) à la loi contre la traite avait porté les peines prévues à vingt années d’emprisonnement dans les cas où l’infraction a occasionné des lésions graves à la victime, et à l’emprisonnement à vie ou à la peine de mort lorsque l’infraction a entraîné la mort de la victime. La modification de 2017 (B.E. 2560) apportée à la loi contre la traite introduit des dispositions plus explicites, notamment: i) la révision de la définition de la notion d’«exploitation» à l’effet d’y inclure les pratiques relevant de l’esclavage; et ii) la révision de la définition du «travail forcé ou service forcé» à l’effet d’y inclure la rétention de pièces d’identité et la réduction en servitude pour dettes. La commission a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la loi contre la traite, dans sa teneur modifiée, soit effectivement appliquée.
La commission note que le décret d’urgence de 2019 (B.E. 2562) portant modification de la loi contre la traite (B.E. 2551) inclut les infractions liées au travail ou aux services forcés. Conformément à l’article 5 du décret, quiconque contraint une autre personne à travailler ou à fournir des services en menaçant de porter atteinte à la vie, à l’intégrité physique, à la liberté, à la réputation ou aux biens de la personne menacée, en intimidant, en utilisant la force, en confisquant des pièces d’identité, en utilisant le fardeau de sa dette ou tout autre moyen similaire est puni d’un emprisonnement maximal de quatre ans ou d’une amende pouvant atteindre 400 000 baht ou les deux à la fois. Si l’infraction susmentionnée entraîne des blessures graves ou une maladie mortelle, l’auteur de ces délits est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de vingt ans et d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement à perpétuité et, en cas de décès de la victime, d’une peine d’emprisonnement à vie ou de la peine capitale.
La commission prend également note des informations fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour assurer l’application effective de la loi contre la traite, notamment les diverses activités de formation sur l’identification des victimes organisées à l’intention des enquêteurs, du personnel administratif et des inspecteurs du travail. En outre, un atelier de consultation des équipes multidisciplinaires et des organes chargés du contrôle de l’application de la législation portant sur des victimes a été organisé à Bangkok avec la participation de fonctionnaires du Bureau principal des enquêtes, du Département des enquêtes spéciales et du Département de l’administration locale. Rappelant la nature particulière du travail à bord des navires de pêche, due en partie à leur situation isolée en mer, la commission souligne une fois de plus l’importance de prendre des mesures efficaces pour que cette catégorie de travailleurs ne soit pas placée dans une situation de vulnérabilité accrue, notamment lorsqu’ils sont soumis à des violences physiques. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions du décret d’urgence B.E. 2562 de 2019 soient appliquées de manière effective et fassent l’objet d’une surveillance régulière par les organes chargés du contrôle de l’application de la loi, qui devront enquêter sur toute présomption de violences physiques. La commission prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des sanctions appropriées soient infligées aux employeurs coupables d’infractions de cette nature.
II. Contrôle de l’application des lois et accès à la justice. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que le comité tripartite avait souligné l’importance de: a) renforcer les services de l’inspection du travail; et b) donner accès à la justice et prévoir une protection des victimes pour que les dispositions interdisant le travail forcé puissent être rigoureusement appliquées.
a) Inspection du travail et application de sanctions pénales. La commission a précédemment noté que le comité tripartite avait constaté que le gouvernement avait créé des équipes multidisciplinaires chargées d’effectuer des inspections à bord des navires de pêche, lesquelles étaient habilitées à s’entretenir avec les travailleurs de manière à empêcher que ceux-ci ne risquent de se retrouver dans des situations relevant de la servitude pour dettes et de la traite des personnes. Elle a en outre pris note qu’en sus de l’élaboration du Système de surveillance des navires (VMS), le Centre de commandement pour la répression de la pêche illégale (CCCIF) avait mis en place le Système de messagerie de surveillance électronique et de signalement électronique (EM et ERS) appelé à renforcer les moyens de contrôle des transbordements illégaux en mer et à permettre de déceler tout agissement qui relève de la traite des personnes. Elle a en outre noté que, en vertu de l’ordonnance no 22/2017 sur la répression des opérations de pêche non déclarées et non réglementaires (IUU), tout fonctionnaire habilité qui décèle des pratiques illégales au regard des lois sur la pêche a le droit d’immobiliser le navire et de signaler les faits au Département de la marine dans les vingt-quatre heures. Elle a en outre pris note des diverses formations dispensées aux inspecteurs du travail, et de l’emploi de coordinateurs linguistiques dans les bureaux provinciaux du Département de la protection des travailleurs et de la prévoyance sociale (DLPW), les centres PIPO et les centres d’assistance aux travailleurs migrants, pour faciliter la communication entre travailleurs migrants et fonctionnaires gouvernementaux. La commission a encouragé le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour renforcer la capacité des inspecteurs du travail à l’identification de pratiques de travail forcé et de traite des personnes.
La commission prend note des observations de la FIT selon lesquelles l’utilisation par le Centre PIPO du système de surveillance des navires en remplacement des inspections physiques augmentera le risque que des violations des droits des travailleurs passent inaperçues sous couvert de statistiques attestant à tort une conformité. Les informations provenant du système électronique pourraient être utilisées pour conclure qu’il n’y a aucun problème à bord d’un navire sans que ce navire n’ait jamais été inspecté ni l’équipage interrogé. Un système de surveillance électronique peut aider à lutter contre les opérations de pêche non déclarées et non réglementaires, mais ne peut pas être considéré comme un substitut aux inspections physiques et aux renseignements humains recueillis grâce à des inspections à bord.
La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles le DLPW a fait passer le nombre d’inspecteurs du travail de 1 245 en 2016 à 1 900 en 2018. En ce qui concerne les mesures prises pour renforcer la capacité des responsables de l’application des lois à identifier les victimes de la traite, la commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur les activités de formation et de renforcement des capacités des inspecteurs du travail et autres responsables de l’application des lois, menées entre 2016 et 2018. D’après les informations communiquées par le gouvernement: i) une formation a été dispensée à 185 fonctionnaires des ministères du Travail, de la Marine et de la Police maritime dans le cadre du projet «Ship to Shore Rights» (les droits en mer comme à terre) de l’OIT, afin d’accroître leurs compétences en matière d’inspection, notamment dans le domaine de la pêche maritime et des autres activités connexes; ii) plus de 250 inspecteurs et fonctionnaires ont été formés dans le cadre du projet visant à améliorer l’efficacité des inspecteurs aux fins d’un contrôle de l’application des lois de qualité, qui vise en particulier à prévenir et à résoudre des questions liées au travail forcé, à la servitude pour dettes, à la traite des personnes et au travail des enfants; iii) des activités de formation ont été organisées à l’intention de 52 agents chargés du contrôle de l’application de la législation dans le domaine de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée; iv) des activités de formation sur le travail forcé et la servitude pour dettes ont été organisées à l’intention de 101 inspecteurs du travail; et v) des activités de renforcement des capacités ont bénéficié à 140 participants appartenant aux équipes multidisciplinaires chargées de traiter les cas de traite des personnes.
En outre, la commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles il a amélioré les méthodes d’inspection des travailleurs de la pêche hauturière, en particulier en ce qui concerne l’identification des cas de travail forcé et de traite des personnes, et l’inspection vérifie que les travailleurs ont un contrat de travail tel que spécifié et qu’ils bénéficient des prestations mentionnées dans ce contrat de travail. Le gouvernement indique qu’au cours de la période 2018-19, les armateurs de deux navires de pêche ont été poursuivis et condamnés à une amende à la suite d’un entretien préliminaire avec des travailleurs dans une zone isolée en l’absence de l’employeur et avec l’aide d’un interprète. En 2018, l’équipe multidisciplinaire et les interprètes ont interrogé le personnel de 78 623 navires dans 22 provinces côtières et ont recensé 511 infractions relatives aux temps de repos, aux contrats de travail, aux bulletins de salaire et aux pièces d’identité. Sur ce nombre, 507 affaires ont fait l’objet de poursuites, dont 482 ont été réglées.
La commission prend en outre note des informations fournies par le gouvernement sur les résultats des inspections du travail dans les centres PIPO. Ainsi, en 2018, 74 792 navires de pêche ont été inspectés, 509 infractions ont été relevées, 482 ordonnances ont été rendues, les armateurs de 24 navires ont été condamnés à une amende et trois cas ont fait l’objet de poursuites judiciaires. Elle note en outre que le gouvernement a indiqué que, en 2018, 304 personnes accusées de faits de traite des personnes ont été poursuivis, dont 258 pour exploitation sexuelle, 29 pour des questions liées à l’emploi, huit pour mendicité et six pour travail forcé dans le secteur de la pêche. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de renforcer les capacités des inspecteurs du travail à l’identification des pratiques relevant du travail forcé et de la traite des personnes dans le secteur de la pêche. Elle le prie également de continuer de communiquer des statistiques sur le nombre et la nature des cas d’infractions relevant du travail forcé ou de la traite concernant des travailleurs du secteur de la pêche qui ont été recensés par les inspecteurs du travail et par les centres PIPO ainsi que les sanctions prononcées en l’espèce. Elle le prie en outre de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les navires font l’objet de visites d’inspection par des inspecteurs du travail et les centres PIPO et de fournir les résultats de ces inspections ventilés par infraction.
b) Accès à la justice et assistance aux victimes. La commission a précédemment pris note de l’observation du comité tripartite selon laquelle, si la législation prévoit la mise en œuvre de divers mécanismes de traitement des plaintes, leur mise en œuvre effective par les travailleurs se heurte à un certain nombre de difficultés – durée des procédures, barrières linguistiques et manque d’information sur les mesures de prévention des risques d’être à nouveau victime de traite. La commission a pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle il existe des centres ayant spécialement vocation à aider les travailleurs migrants et qu’un certain nombre de centres, comme les centres de coordination des travailleurs du secteur de la pêche et le Centre pour l’amélioration des conditions de vie des pêcheurs (FLEC) ont été créés à cette fin. En outre, la commission a noté la mise en place de dispositifs d’assistance fonctionnant 24 heures sur 24 auxquels les travailleurs migrants peuvent s’adresser dans leur propre langue ainsi que le mécanisme de plaintes conçu pour les travailleurs étrangers et accessible en ligne. Elle a noté en outre la conclusion de protocoles d’accord avec des pays d’origine tels que la République démocratique populaire lao, le Myanmar et le Viet Nam, ainsi que le fait que le gouvernement de la Thaïlande et le gouvernement du Myanmar ont signé un accord sur une procédure de rapatriement et de réinsertion des victimes qui prévoit des garanties de sûreté du rapatriement et de l’accueil et contre le risque d’être à nouveau victime de situations relevant du travail forcé ou de la traite. La commission a encouragé le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour que les travailleurs migrants employés dans le secteur de la pêche bénéficient d’une meilleure protection et d’une meilleure assistance et qu’ils ne se retrouvent pas dans des situations relevant du travail forcé ou de la traite des personnes.
La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur la mise en place de divers centres de services qui fournissent une assistance aux travailleurs migrants, notamment:
  • -quatre centres d’aide aux travailleurs migrants visant à améliorer la qualité de vie des travailleurs de la pêche et à leur fournir une assistance, des connaissances sur les dispositifs de prévoyance et les avantages sociaux, ainsi qu’à recevoir les plaintes des travailleurs;
  • -le Centre des pêcheurs créé par le DLPW et la Fondation du Réseau pour la promotion des droits des travailleurs, qui fournit une assistance aux pêcheurs étrangers victimes de travail forcé et d’autres abus;
  • -l’application en ligne du Réseau de protection et de contrôle des travailleurs migrants, relevant du ministère du Travail, qui met en place des groupes de discussion chargés d’aider les travailleurs migrants à réclamer leur salaire et une indemnisation et à conseiller les travailleurs sur leurs droits en vertu des dispositions pertinentes (actuellement, il existe 29 groupes de discussion, qui comptent 1 431 membres);
  • -l’application mobile PROTECT-U, qui reçoit les signalements de faits de traite des personnes et fait suivre l’information aux organismes gouvernementaux compétents d’autres fournisseurs de services;
  • -les Centres de services mixtes pour les travailleurs migrants établis dans dix provinces et s’adressant aux travailleurs de 24 secteurs d’activité, qui fournissent des conseils sur les prestations liées à l’emploi et sur le changement d’employeur, ainsi que sur la coordination et l’orientation pour obtenir de l’aide ou faire valoir leurs droits (d’octobre 2018 à juin 2019, les centres ont fourni des services à 31 934 travailleurs migrants);
  • -le dispositif de dépôt de plaintes en ligne du Département de l’emploi («DOE Help me») qui est disponible en six langues et fournit des informations sur l’emploi et la recherche d’emplois et reçoit les plaintes des travailleurs thaïlandais et migrants (d’octobre 2018 à mai 2019, le site Internet a enregistré 213 plaintes de travailleurs et les plaignants ont tous bénéficié d’une assistance);
  • -la permanence téléphonique 1506, qui permet de recevoir les plaintes et les doléances des travailleurs migrants, et qui dispose de trois interprètes.
En outre, le DLPW a employé des coordinateurs linguistiques et des interprètes pour une protection et une assistance efficaces des travailleurs migrants et pour les empêcher de se retrouver victimes de situations relevant du travail forcé ou de la traite des personnes. Le nombre d’interprètes est passé de 72 en 2016 à 153 en 2018. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour améliorer la protection et l’assistance fournies aux travailleurs migrants employés dans le secteur de la pêche afin qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation relevant du travail forcé ou de la traite des personnes. La commission prie également le gouvernement de communiquer des données statistiques sur le nombre de travailleurs migrants employés dans le secteur de la pêche qui ont fait appel à l’assistance juridique ou à toute autre type d’aide fournie par l’un des centres susmentionnés ou à d’autres mécanismes de plaintes en ligne.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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