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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2019, Publication : 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Kazakhstan (Ratification: 2000)

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 2019-KAZ-C087-Fr

Informations fournies par le gouvernement

Le ministère du Travail et de la Protection sociale de la population de la République du Kazakhstan (ci-après le ministère) saisit cette occasion pour exprimer son respect et sa gratitude à l’Organisation internationale du Travail, ainsi qu’à vous personnellement, et a l’honneur de vous adresser ses félicitations à l’occasion du centenaire de l’OIT.

Dans la perspective d’une longue et étroite coopération avec l’OIT, le 16 mai 2019 s’est tenue à Nur-Sultan, sous l’égide du XIIe Forum économique d’Astana (ci-après le forum) une conférence internationale commémorant le centenaire de l’OIT (ci-après la conférence) pour discuter du rapport de la Commission mondiale sur l’avenir du travail (ci-après le rapport).

Le forum est une des plus grandes et des plus importantes rencontres internationales se tenant chaque année avec la participation du Président de la République du Kazakhstan, de dirigeants du monde entier, d’experts internationaux, de représentants de gouvernements, du monde des affaires, de la communauté scientifique, des médias, etc. On y discute des questions socio-économiques les plus graves, des tendances mondiales, des nouveaux défis et des solutions pour les relever.

Plus de 200 délégués ont assisté à la conférence et, parmi les principaux orateurs figuraient la Vice-Première ministre de la République du Kazakhstan, Mme Gulshara Abdykalikova, le ministre de l’Emploi et des Relations du travail de la République d’Ouzbékistan, M. Sherzod Kudbiyev, et des représentants de l’Association internationale de la sécurité sociale, ainsi que d’autres organisations internationales, des représentants de gouvernements étrangers, des diplomates, des associations nationales et étrangères de travailleurs et d’employeurs.

La conférence a donné lieu à un échange de vues exhaustif et constructif sur les différents aspects soulignés dans le rapport. Après celle-ci ont été adoptées les recommandations de fond du rapport.

En outre, le 20 mai 2019, en application de la feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations de l’OIT, le ministère a soumis au gouvernement de la République du Kazakhstan le projet de loi sur les «amendements et ajouts à certains textes législatifs de la République du Kazakhstan relatifs à des questions de travail» (ci-après le projet de loi).

Le projet de loi supprime l’obligation de verticalité des organisations syndicales, simplifie la procédure d’enregistrement, confère aux organisations syndicales le droit d’organiser, de mettre sur pied des manifestations avec des organisations internationales et de mettre en œuvre des projets visant à protéger les droits et intérêts des salariés, conformément à la législation de la République du Kazakhstan; il abolit aussi dans la législation nationale les dispositions régissant la participation de la Chambre nationale des entrepreneurs de la République du Kazakhstan «Atamek» aux relations sociales et de travail.

Le ministère continuera de promouvoir le projet de loi qu’il soumettra ensuite à la Majilis du Parlement de la République du Kazakhstan.

Nous attachons beaucoup de prix aux activités de l’OIT pour son inestimable contribution et son assistance pour l’amélioration de la législation du travail et sur les questions sociales, sur l’emploi, la sécurité au travail et le dialogue social; une assistance technique qui se manifeste sous la forme de consultations, de recommandations et autres programmes de formation.

A cet égard, nous espérons que se poursuivra une coopération constructive axée sur le développement de partenariats internationaux dans le domaine du travail.

Le ministère profite de l’occasion pour réitérer l’assurance de sa plus haute considération à l’OIT.

Discussion par la commission

Représentant gouvernemental – Le Kazakhstan est Membre de l’OIT depuis 1992 et s’attache à remplir ses engagements, dans le respect des normes et des pratiques nationales. Depuis que nous travaillons avec l’OIT, le Kazakhstan a ratifié 24 conventions, qui ont été mises en œuvre par la législation nationale. Le BIT apporte son soutien au pays en lui fournissant conseils et assistance techniques. Les travaux menés par la mission de haut niveau qui s’est rendue dans le pays en mai 2018 ont débouché sur l’établissement d’une feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations de la présente commission et de la commission d’experts concernant l’application de la convention. Dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route, une analyse de l’application de la loi sur les syndicats et de la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs (NCE) a été effectuée, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs à tous les niveaux – national, territorial et local notamment.

Une série de recommandations ont été préparées sur l’assistance et les procédures à suivre en vue de recevoir une aide financière de la part d’organisations internationales d’employeurs et de travailleurs. Des informations ont été communiquées à la commission d’experts à propos des associations de juges, des syndicats de sapeurs-pompiers et des syndicats du personnel pénitentiaire et sur les conventions collectives qui s’appliquent à ces catégories de travailleurs.

La feuille de route a été établie à la lumière de ces éléments. Un projet de loi de modification de la législation sur le travail a été préparé, et j’aimerais vous informer que ce texte a été remis le 20 mai dernier au Cabinet du Premier ministre et au secrétariat de la Présidence. Nous tenons une nouvelle fois à réaffirmer l’engagement du Kazakhstan vis-à-vis de l’OIT dans le domaine des relations sociales et des relations de travail. A cet égard, permettez-moi de vous faire part des mesures qui ont été prises pour répondre aux observations que nous avons reçues de la commission.

Premièrement, en ce qui concerne le droit de constituer des organisations sans autorisation préalable (refus d’enregistrement, réenregistrement et dissolution de certaines organisations): il y a actuellement trois organisations syndicales nationales, qui représentent environ trois millions de travailleurs, soit pratiquement la moitié des travailleurs salariés du Kazakhstan. Le pays compte 39 organisations syndicales sectorielles, ainsi que 19 organisations au niveau régional, 439 au niveau local et plus de 20 000 syndicats de premier degré.

En vertu d’un décret du ministère du Travail et de la Protection sociale de la population en date du 29 juin 2018, plus de 100 syndicats ont bénéficié de conseils d’experts sur la question de l’enregistrement et des activités des organisations syndicales. La législation du Kazakhstan, conformément à la convention, ne prévoit pas d’autorisation préalable – ni de la part des pouvoirs publics ni de la part de l’entreprise – pour la constitution d’un syndicat. Les syndicats de premier degré n’ont pas besoin de s’enregistrer auprès du département du ministère de la Justice dont ils dépendent. Lorsqu’un syndicat souhaite acquérir la personnalité juridique et obtenir un numéro d’identification des entreprises, il doit s’enregistrer. Si quelque chose s’y oppose, l’organisme chargé de l’enregistrement rejette la demande et motive sa décision.

S’agissant du Congrès des syndicats libres du Kazakhstan (KSPK), il pourra présenter une nouvelle demande d’enregistrement lorsque tous les points problématiques recensés par l’organisme d’enregistrement auront été réglés – et la demande pourra être renouvelée autant de fois que nécessaire. Nous apporterons notre aide à tous les syndicats qui souhaitent s’enregistrer.

Le projet de loi que j’ai mentionné prévoit une simplification des procédures et une extension à un an (contre six mois actuellement) du délai accordé aux syndicats pour confirmer leur statut.

Deuxièmement, en ce qui concerne les observations sur le droit de constituer des organisations de son choix et d’y adhérer, les syndicats au Kazakhstan jouissent du droit de créer des organisations syndicales et de décider de leur statut, de leur structure et de leur domaine d’activité. Ils sont indépendants des organes de l’Etat, ne sont pas soumis à leur autorité et n’ont pas à leur rendre des comptes.

L’obligation de s’associer telle que prévue par la loi sur les syndicats était nécessaire pour permettre aux syndicats de mieux résoudre les problèmes qu’ils ont à traiter dans le cadre de leur mission de défense des intérêts des travailleurs. Les dispositions de cette loi faisaient des syndicats des partenaires sociaux forts dont l’avis, par conséquent, pesait pour la prise de décisions en matière sociale et du travail. Toutefois, compte tenu des observations formulées par l’OIT et de plusieurs consultations tripartites avec les partenaires sociaux, il a été décidé de revoir le système en place s’agissant des structures syndicales. A cette fin, un projet de loi de modification de certains textes législatifs de la République du Kazakhstan a été élaboré. Il prévoit la suppression de l’obligation de s’affilier à une organisation syndicale de niveau supérieur (modification des articles 12, 13 et 14 de la loi sur les syndicats), la simplification de la procédure de confirmation du statut syndical et le passage à un an du délai accordé aux syndicats pour confirmer leur statut d’organisation nationale, régionale ou sectorielle. Nous aimerions bénéficier de l’assistance technique du BIT sur les questions susmentionnées au moment où le projet de loi sera examiné au Parlement.

S’agissant de la participation du gouvernement à la NCE, troisièmement, des propositions de modification du Code du travail ont été formulées en vue de retirer à la NCE son pouvoir de représentation des employeurs aux niveaux national, sectoriel et régional. La période de transition de cinq ans s’est achevée en 2018; le gouvernement s’est retiré de la structure de fonctionnement de la NCE et ne dispose plus d’un droit de veto. Il n’a par conséquent aucun pouvoir d’influence sur les activités de la NCE. Celle-ci ne sera plus la représentante des employeurs et, de ce fait, ne siégera plus à la Commission tripartite sur le partenariat social ni dans d’autres organes. Elle ne fera plus partie des organisations sectorielles et ne sera plus signataire des accords sectoriels. Elle ne siégera plus non plus dans les commissions régionales. Ces changements sont prévus dans le projet de loi que j’ai évoqué plus haut et qui a été transmis au Cabinet du Premier ministre en mai dernier. Nous aimerions, sur ce point aussi, bénéficier de l’appui technique du BIT.

Quatrièmement, en ce qui concerne le droit des organisations d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d’action: un projet de modification de l’article 176 du Code du travail portant sur le droit de faire grève dans les installations dangereuses est en cours de préparation. Aux termes de cet article 176, les grèves sont considérées comme illégales dans les secteurs des chemins de fer, de l’aviation civile et des soins de santé, ainsi que dans les installations dangereuses. Le Code du travail prévoit néanmoins la possibilité de faire grève dans ces secteurs à condition que les services essentiels pour la population soient assurés, c’est-à-dire que la grève ne porte pas préjudice à l’ensemble de la population du territoire concerné et n’ait pas lieu dans des installations dangereuses.

Le cinquième commentaire porte sur la modification de l’article 402 du Code pénal. Cette question a été examinée en septembre 2018 lors d’une réunion entre différents services. La disposition a été modifiée et une peine de travail d’intérêt général a été introduite. Le gouvernement va poursuivre ses travaux à cet égard.

Le sixième commentaire concerne le droit des organisations de recevoir une aide financière d’organisations internationales de travailleurs et d’employeurs. Au Kazakhstan, rien ne s’oppose à ce que des actions de coopération et des activités visant à la formation des responsables syndicaux et au développement du secteur social et du travail soient financées par des organisations internationales; la seule exception concerne les activités anticonstitutionnelles qui portent atteinte à la souveraineté et à l’indépendance du pays. La résolution du gouvernement du 9 avril 2018 dresse une liste des organisations internationales ou étrangères fournissant un appui financier et des subventions; l’Organisation internationale du Travail, entre autres institutions, figure dans cette liste. Nous avons communiqué des explications écrites concernant la législation relative à la coopération avec les organisations internationales. Par ailleurs, le projet de loi que j’ai évoqué plus haut comporte une disposition sur le droit des syndicats de mener des activités avec des organisations internationales sur des projets visant à améliorer la situation des travailleurs de la République du Kazakhstan.

Je voudrais dire pour conclure que la République du Kazakhstan continuera de tout mettre en œuvre pour développer les institutions du partenariat social, afin de protéger les droits des travailleurs et des employeurs. Nous allons en outre procéder à la ratification de la convention (nº 175) sur le travail à temps partiel, 1994. Nous tenons une nouvelle fois à vous assurer que le gouvernement du Kazakhstan continuera de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre l’objectif de garantir le plein respect de la convention no 87.

Membres travailleurs – Le cas du Kazakhstan est un cas récurrent devant notre commission. En 2015, 2016 et 2017 déjà, la situation au Kazakhstan, quant à la conformité à la convention, a été examinée par notre commission. Une mission de contacts directs, une mission tripartite de haut niveau et une feuille de route plus tard, nous revoilà confrontés au cas du Kazakhstan. Et nul est besoin de préciser que la situation dans le pays reste, malgré tout cela, particulièrement préoccupante sur le plan de la liberté syndicale. Nous craignons que le pays ne prenne pas au sérieux les démarches entreprises jusqu’ici par l’OIT et qu’il n’y a pas de réelle volonté d’infléchir sa politique. Nous faisions déjà état lors des années précédentes de violences perpétrées à l’encontre de leaders syndicaux. Outre les violences déjà rapportées à l’encontre de certains leaders syndicaux, de nouvelles violences à l’égard de leaders syndicaux nous sont rapportées, plus précisément des violences à l’encontre du président d’un syndicat de travailleurs du complexe pétrolier et énergétique de la région de Karaganda.

Nous devons vivement déplorer que le gouvernement du Kazakhstan renoue sans cesse avec des pratiques contraires aux libertés fondamentales. A côté de ces faits de violence, les poursuites judiciaires à l’encontre de leaders syndicaux sont également un modus operandi répandu au Kazakhstan.

Le rapport fait état de la libération de MM. Eleusinov et Kushakbaev. C’est un pas dans la bonne direction. Nous soulignons néanmoins qu’ils font encore aujourd’hui, au même titre que Mme Kharkova, l’objet de restrictions fortes de leur liberté de mouvement et sont toujours frappés par l’interdiction d’exercer des activités syndicales.

Un certain nombre de points problématiques subsistent en lien avec la législation applicable au Kazakhstan. L’interdiction faite au personnel pénitentiaire et aux sapeurs-pompiers de constituer ou d’adhérer à une organisation syndicale pose problème. Le gouvernement du Kazakhstan affirme que seul le personnel qui a un grade (militaire ou de police) tombe sous cette interdiction. Il ne faudrait pas que le gouvernement du Kazakhstan use de cette justification afin de contourner et d’abuser de l’exception à la liberté de constitution et d’association pour la police et les forces armées contenue dans la convention.

Si tout le personnel pénitentiaire et tous les sapeurs-pompiers obtiennent un grade militaire ou de police, le gouvernement du Kazakhstan pourrait de facto les priver des droits et libertés consacrés par la convention. Il serait à cet égard intéressant de connaître la proportion de personnel gradé par rapport au personnel civil au sein de ces corps de métier. Il a par ailleurs toujours été considéré que les fonctions exercées par les pompiers et le personnel pénitentiaire ne justifient pas leur exclusion des droits et garanties inscrits dans la convention. Je vous renvoie sur ce point au paragraphe 69 de l’étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales.

Nous souhaitons également rappeler le principe de l’interprétation restrictive des dérogations à la liberté de constituer des organisations, tel que rappelé au paragraphe 67 de l’étude d’ensemble de 2012.

Il convient également dans le cas du Kazakhstan de rappeler le droit de constituer des organisations sans autorisation préalable. S’il peut être accepté que la constitution d’une organisation syndicale fasse l’objet d’un enregistrement, ce dernier ne peut pas être la condition préalable de l’exercice d’activités syndicales légitimes. Or, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les syndicats, le Kazakhstan a imposé l’enregistrement ou le réenregistrement des organisations syndicales et considère les activités syndicales d’une organisation non enregistrée comme illégales. Les procédures d’enregistrement ont le plus grand mal à aboutir et sont parfois à ce point longues qu’elles portent atteinte à la liberté syndicale. Le gouvernement refuse systématiquement d’enregistrer des organisations syndicales indépendantes, voire procède au démantèlement des organisations syndicales préalablement enregistrées.

Citons la Confédération des syndicats indépendants du Kazakhstan (KNPRK), par exemple. Après deux ans de tentative d’enregistrement sans succès, ce syndicat a une nouvelle fois tenté sans succès de s’enregistrer sous un nouveau nom, le KSPK. Ce syndicat a dû faire face à quatre refus successifs d’enregistrement sans justification sérieuse. A côté des difficultés d’enregistrement rencontrées par les organisations syndicales indépendantes, de nombreuses autres organisations syndicales, dont l’indépendance est plus douteuse, ont bel et bien été enregistrées sans difficultés.

Le gouvernement met en avant le fait d’avoir mis en place une ligne d’assistance téléphonique concernant les questions d’enregistrement des syndicats. Il nous revient cependant que cette ligne téléphonique n’a ni les capacités ni le mandat nécessaire pour régler les problèmes en la matière.

Les travailleurs doivent avoir le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Or la législation impose l’obligation aux organisations syndicales sectorielles territoriales et locales de s’insérer dans une structure d’une organisation syndicale de niveau supérieur, et ce dans un délai de six mois après leur enregistrement. Nous apprenons que le gouvernement projette d’allonger ce délai à un an. Cela n’est pas de nature à mettre la législation en conformité avec la convention.

Les organisations sectorielles doivent par ailleurs atteindre des seuils beaucoup trop contraignants pour pouvoir être fondées. Des seuils tels que, entre autres, inclure au moins la moitié des effectifs totaux des travailleurs du secteur ou couvrir le territoire de plus de la moitié des régions. Ces seuils sont trop élevés. Ils constituent une entrave à la constitution d’organisations syndicales et par conséquent au pluralisme nécessaire dans le paysage syndical. Pour être conformes à la convention, ces seuils devraient être fixés à un niveau raisonnable.

Au vu de ces éléments, il reste dès lors fondamental de rappeler que les travailleurs ont le droit de décider librement et en toute autonomie s’ils veulent ou non s’associer à une structure syndicale de niveau supérieur ou en devenir membres. Le gouvernement du Kazakhstan aurait dû avoir largement le temps, depuis 2015, de modifier la loi sur les organisations syndicales pour la mettre en conformité avec la convention. Force est de constater que ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Les promesses faites et les engagements pris par le gouvernement ne suffisent plus.

La loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs contient également des restrictions à la liberté d’association et d’organisation des organisations d’employeurs, en contravention à la convention.

Ces différentes atteintes à la liberté syndicale mettent en péril l’une des valeurs fondatrices de l’Organisation internationale du Travail, à savoir le dialogue social. Tant les organisations de travailleurs que les organisations d’employeurs sont en effet soumises à des restrictions de leur liberté de s’organiser. Une indépendance pleine et entière des partenaires sociaux est nécessaire afin que ceux-ci puissent librement et efficacement représenter les intérêts de leurs membres.

La législation prévoit qu’un certain nombre d’entreprises peuvent tomber sous la catégorie d’entreprises qui mènent des activités dites «activités industrielles dangereuses». Le caractère flou de cette notion et la possibilité pour une grande majorité des entreprises de déclarer qu’elles exercent des activités industrielles dangereuses ne permettent pas de déterminer avec précision quelles activités sont précisément visées par cette disposition. Cette incertitude implique, dans la pratique, que la plupart des actions menées par les syndicats peuvent être considérées comme illégales et revient à nier le droit de grève dans de très nombreuses entreprises.

La convention implique pourtant le droit des organisations d’organiser leur activité et de formuler leurs programmes d’action. Cette convention est pour nous le cœur du droit de grève et, nous le savons pertinemment, le droit de grève est le fondement même d’un exercice plein et entier de la liberté syndicale. La législation du Kazakhstan entrave de manière déraisonnable l’exercice plein et entier du droit de grève dans de trop nombreuses entreprises. La limitation du droit de grève ne peut être admise que pour les services essentiels. Les services essentiels doivent être entendus comme les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Nous espérons que le gouvernement donnera enfin une suite sérieuse aux recommandations que nous pourrons lui adresser à l’issue de nos discussions.

Des leaders syndicaux ont été condamnés et emprisonnés sur la base de l’article 402 du Code pénal, qui réprime pénalement le fait de poursuivre une grève déclarée illégale par un tribunal, avec des peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement, voire trois dans certains cas. Nous souhaitons fortement insister sur le fait qu’un travailleur ayant participé à une action syndicale de manière pacifique n’a fait qu’user d’un droit fondamental et, par conséquent, ne doit pas être passible de sanctions pénales. Comme l’a déjà précisé l’étude d’ensemble de 2012, de telles sanctions ne sont envisageables que si, à l’occasion de l’action syndicale, des crimes ou délits sont commis, et ce exclusivement en application des textes punissant de tels faits.

Nous apprenons que, après une réunion à laquelle tous les organismes publics intéressés étaient invités, le gouvernement a l’intention de confier l’examen de la révision de cet article du Code pénal au groupe de travail interinstitutionnel du bureau du procureur. L’implication des partenaires sociaux sur de telles questions nous paraît également essentielle.

Enfin, la législation prévoit toujours une interdiction pour les organisations syndicales d’accepter une aide financière «directe» d’organisations internationales. Les projets et activités de coopération conjoints seraient quant à eux tout à fait autorisés en pratique. Les informations transmises par la Confédération syndicale internationale (CSI) font néanmoins état de refus de la part des autorités d’enregistrer des organisations syndicales pour la seule raison de leur affiliation à des organisations syndicales internationales, sans qu’il soit question d’un financement direct. La législation et la pratique ne sont donc toujours pas conformes à l’article 5 de la convention.

Le gouvernement affirme avoir émis des recommandations aux organisations syndicales en ce qui concerne la réception de financements d’organisations internationales. Il sera utile de pouvoir en prendre connaissance par écrit et il conviendra qu’elles respectent les principes de la convention.

Membres employeurs – J’aimerais remercier le délégué gouvernemental pour les commentaires formulés devant notre commission aujourd’hui. Je relève tout d’abord que la convention a été ratifiée par le Kazakhstan en 2000 et que, comme le porte-parole des travailleurs l’a souligné, ce cas a fait l’objet de 10 observations de la part de la commission d’experts depuis 2006. Il a été examiné à trois reprises par la Commission de la Conférence, notamment en 2015, 2016 et 2017, pour ne pas remonter plus loin dans le temps.

Lors de la Commission de la Conférence de 2017, le groupe des employeurs a fait observer que, malgré les orientations très claires de la Commission de la Conférence en 2015 et 2016, et nonobstant les préoccupations de longue date soulevées par la commission d’experts depuis 2006, il apparaissait que le gouvernement n’avait toujours rien fait pour résoudre les problèmes graves liés à la liberté syndicale des organisations de travailleurs et d’employeurs, et en particulier s’agissant de la liberté de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable du gouvernement et de s’y affilier.

Lors de cette même session, les membres employeurs ont exprimé leur vive inquiétude devant le fait que le gouvernement n’avait toujours rien fait pour que la loi de 2013 sur la Chambre nationale des entrepreneurs prévoie la pleine autonomie et indépendance des organisations d’employeurs, sans ingérence de la part du gouvernement. Ils ont fait observer avec une grande préoccupation que la loi avait pour effet d’entraver la liberté et l’indépendance des organisations d’employeurs en particulier, et que le fait que le gouvernement ne fasse rien pour modifier le texte était extrêmement problématique.

A la suite de la visite au Kazakhstan, en mai 2018, d’une mission de haut niveau de l’OIT, le gouvernement a adopté une feuille de route dans laquelle il s’engageait à prendre des mesures concrètes pour remédier aux problèmes de non-conformité avec la convention et qui prévoyait la poursuite de l’assistance technique du BIT.

Par ailleurs, pour ce qui est spécifiquement des questions de liberté syndicale concernant les organisations d’employeurs, et en particulier la NCE, le Bureau des activités pour les employeurs (ACT/EMP) du BIT a effectué une mission technique au Kazakhstan en janvier 2019, dans l’objectif spécifique de discuter avec les ministères concernés des modifications à apporter à différentes lois touchant à la NCE. Un accord de base a été conclu pendant la mission sur les modifications nécessaires, mais le gouvernement s’est malgré tout, dans une intervention postérieure, refusé à reconnaître la nécessité de la plupart des modifications du cadre législatif qui étaient proposées. Nous croyons savoir par ailleurs que le Bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV) du BIT a apporté une assistance technique au gouvernement sur les problèmes non résolus de liberté syndicale concernant les organisations de travailleurs.

Il apparaît donc clairement que plusieurs départements du BIT sont intervenus dans le cadre d’une coopération constante et constructive visant à renforcer la connaissance de ces questions au sein du gouvernement du Kazakhstan.

Au vu de ces activités et de l’absence persistante de progrès, nous, membres employeurs, devons commencer notre intervention cette année en exprimant une nouvelle fois notre profonde préoccupation devant le fait que le gouvernement ne s’acquitte toujours pas de son obligation de garantir dans la loi de 2013 sur la NCE que les organisations d’employeurs se constituent et fonctionnent en pleine autonomie. La loi doit prévoir que les organisations d’employeurs peuvent se former et fonctionner en toute indépendance, sans ingérence du gouvernement. La création de la NCE, qui est l’une des dispositions de cette loi, constitue un obstacle sérieux à la liberté d’association des organisations d’employeurs et, de l’avis du groupe des employeurs, pose de graves problèmes s’agissant du non-respect persistant des obligations incombant au gouvernement au titre de la convention.

En conséquence, les employeurs considèrent que le cadre législatif, et notamment la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs, qui a porté création de la NCE en tant que structure avec affiliation obligatoire et ayant le monopole de la représentation des employeurs, reste problématique et préoccupant. Les déclarations du gouvernement aujourd’hui, qui affirme qu’il s’est retiré de la NCE et qu’il n’a plus de pouvoir d’influence sur les activités de la structure, ne viennent pas tempérer nos inquiétudes. Sans vouloir offenser quiconque, ces informations ne sont de toute évidence pas exactes.

Devant la situation de restriction à la liberté syndicale des employeurs qui persiste maintenant depuis plus de cinq ans, et en l’absence manifeste de progrès en vue d’y remédier, le groupe des employeurs se voit contraint de demander au gouvernement de préparer de toute urgence, en consultation étroite avec les partenaires sociaux, à savoir les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, libres et indépendantes, des modifications de la loi sur la NCE visant à garantir que les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent constituer des organisations de leur choix et s’y affilier, sans ingérence du gouvernement. Ce point est pour nous d’une importance cruciale.

Nous observons en outre un certain nombre de problèmes s’agissant de l’ingérence du gouvernement dans la constitution et la création des organisations de travailleurs et dans l’exercice de leur liberté syndicale. Le porte-parole des travailleurs les a évoqués pour la plupart et, de l’avis des employeurs, les informations fournies jusqu’à présent montrent qu’il existe bel et bien toujours des obstacles en ce qui concerne l’enregistrement des syndicats. Le gouvernement devrait par conséquent, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, passer en revue ces obstacles afin de trouver des solutions permettant de donner pleinement effet au droit de constituer des organisations sans autorisation préalable, conformément à l’article 2 de la convention.

De plus, les employeurs relèvent que certains aspects de la loi sur les syndicats sont toujours contraires au droit des travailleurs de décider de façon autonome si leur syndicat doit s’affilier ou non à une organisation syndicale nationale. Certains éléments de la loi en vigueur leur retirent de fait ce pouvoir de décision.

Un autre de sujet de préoccupation a trait au seuil élevé, qui entrave sérieusement semble-t-il le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et d’adhérer à ces organisations. Nous exprimons en conséquence nos inquiétudes sur ces points.

Ce cas pose aussi une question liée au droit des organisations de recevoir une aide financière d’organisations internationales de travailleurs et d’employeurs. Le problème est ici que la loi ne comporte pas de disposition autorisant les organisations de travailleurs et d’employeurs à pouvoir bénéficier, à des fins normales et légales, de l’aide financière ou d’autres formes d’aide d’organisations internationales de travailleurs et d’employeurs.

Par conséquent, nous prenons note de l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de recommandation sur l’octroi d’une assistance financière par les organisations internationales a été préparé. Nous souhaitons toutefois souligner à cette occasion qu’il est essentiel que la loi précise cette question de manière absolument claire; nous demandons en outre au gouvernement de bien vouloir apporter des précisions sur le statut juridique de la recommandation, ainsi que sur son contenu.

Enfin, je relève que le gouvernement a présenté des commentaires en réponse aux observations de la commission d’experts concernant les grèves dans l’industrie manufacturière et les autres industries dangereuses. Je prends note aussi de la déclaration de M. Leemans à cet égard. Nous dirons simplement à ce stade que les observations de la commission d’experts ayant trait aux dispositions du Code du travail, de la loi sur la protection civile et du Code pénal concernent exclusivement des questions liées au droit de grève.

Dans le présent cas, des observations ont été formulées à propos des grèves dans des entreprises qui exploitent des installations de production dangereuses, qui sont considérées comme illégales, et des sanctions prévues pour l’infraction d’incitation à poursuivre une grève déclarée illégale par le tribunal.

Les employeurs rappellent leur position bien connue selon laquelle la convention no 87 ne traite pas expressément du droit de grève; par conséquent, il n’existe pas de consensus au sein de cette commission concernant sa capacité à donner des orientations au gouvernement sur ces points. Nous soulignons aussi que le groupe des employeurs n’est pas le seul à considérer que la convention no 87 ne traite pas expressément du droit de grève. Cette position a aussi été mise en évidence dans une déclaration faite par le groupe gouvernemental lors d’une session du Conseil d’administration en 2015. De ce fait, comme il n’y a pas de consensus sur ce point, nous n’examinerons pas la question plus avant et laisserons au gouvernement toute latitude pour traiter ces problèmes de la manière qui lui semble appropriée.

Pour conclure ces commentaires liminaires, le groupe des employeurs tient à insister sur le fait qu’il est vraiment temps maintenant de passer à l’action concrète. L’OIT et ses différents organes, de même que les partenaires sociaux, ont fait preuve de bonne volonté et de bonne foi, et le gouvernement doit maintenant, sans plus attendre, remédier à ces problèmes qui représentent une atteinte grave au libre fonctionnement des organisations indépendantes de travailleurs et d’employeurs.

Membre travailleur, Kazakhstan – Je voudrais m’arrêter sur les points qui sont les plus importants aux yeux des syndicats. Je souhaite tout d’abord faire observer que nous, la Fédération des syndicats de la République du Kazakhstan (FPRK), défendons toujours la solidarité entre les syndicats et appuyons les campagnes des organisations syndicales.

En avril, nous avons été officiellement invités à nous mobiliser en faveur de nos collègues MM. Eleusinov et Kushakbaev et, grâce à nos efforts, le tribunal a décidé de remettre en liberté ces deux militants. Le 18 mai 2018, la FPRK s’est associée à la plainte déposée auprès de l’OIT par la Confédération syndicale internationale (CSI). Nous soutenons les engagements pris par le gouvernement et espérons que la législation continuera de s’améliorer. En octobre 2018, la FPRK a lancé officiellement un appel aux autorités chargées du maintien de l’ordre, en signe de soutien aux responsables syndicaux de la KNPRK. En ce qui concerne les situations que nous avons évoquées aujourd’hui, nous sommes particulièrement préoccupés par le sort de notre collègue M. Senyavsky, qui a fait l’objet d’une agression. Il est pour nous très important que les personnes impliquées soient traduites en justice.

Je tiens ensuite à dire que la FPRK met tout en œuvre pour promouvoir et appliquer les principes et les normes de l’OIT. A la suite de la visite de haut niveau, le gouvernement et les partenaires sociaux ont élaboré une feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations de la commission figurant dans l’observation sur l’application de la convention. La FPRK a travaillé avec d’autres représentants, notamment deux dirigeantes syndicales, Mme Kharkova et Mme Belkina, à un projet de modification de la législation visant à mettre la pratique en conformité avec la convention, comme l’a évoqué aujourd’hui le représentant gouvernemental.

De nouvelles propositions de modification de la loi sur les syndicats et d’autres textes de loi ont été élaborées à la lumière de la discussion commune et des travaux réalisés lors du séminaire tenu les 4 et 5 septembre 2018 avec l’OIT. Le projet a été envoyé au ministère du Travail. La FPRK a participé au groupe de travail qui a rédigé le texte du projet. Les modifications proposées concernent la simplification de la procédure d’enregistrement des syndicats, la suppression de l’obligation faite aux syndicats de s’affilier à une autre organisation et la participation des organisations internationales aux activités des syndicats.

Nous avons pris connaissance aujourd’hui d’un certain nombre de propositions du gouvernement. Nous avions de notre côté fait des suggestions qui n’ont pas été retenues dans le projet de loi; elles portaient sur l’exercice du droit de grève et les conventions collectives. Nous pouvons à mon avis reconnaître que les modifications qui sont en train d’être apportées à la loi sur les syndicats peuvent imprimer un véritable élan qui permettra une meilleure application de la convention au Kazakhstan.

Nous avons récemment soulevé la question de la nécessité de ratifier d’autres conventions de l’OIT. Nous n’avons pas ratifié un grand nombre d’instruments depuis la chute de l’Union soviétique. Nous sommes d’avis que le gouvernement devrait tout mettre en œuvre pour ratifier cinq conventions qui sont absolument essentielles pour le pays: la convention (nº 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981; la convention (nº 184) sur la sécurité et la santé dans l’agriculture, 2001; la convention (nº 175) sur le travail à temps partiel, 1994; et la convention (nº 131) sur la fixation des salaires minima, 1970. La ratification de ces conventions nous permettra d’améliorer la législation du travail et la législation en matière sociale et de renforcer la protection juridique des travailleurs ainsi que les garanties dont ils bénéficient.

Nous espérons que le gouvernement va cette fois-ci réagir de manière responsable et s’acquitter des obligations qui lui incombent, et que tous les points qui ont été convenus, inscrits sur la feuille de route et adoptés à la suite de la visite de la mission de haut niveau seront mis en œuvre. Nous avons le ferme espoir que toutes ces dispositions verront le jour dans la pratique.

Membre employeur, Kazakhstan – Je voudrais revenir sur les informations que nous avons entendues sur l’importance de la convention pour les organisations d’employeurs. La réduction des activités de la NCE a été suivie d’une réduction des activités des organisations d’employeurs. La loi nous empêchait de mener à bien le travail que nous voulions accomplir. Avant la création de la NCE au Kazakhstan, des initiatives avaient été lancées en vue de rassembler en une seule structure les différentes organisations d’employeurs. Nous y étions opposés et nous avons tenté de saisir le Parlement et le ministère de cette question, mais hélas le processus législatif est extrêmement lent et certains ministres n’ont pas pu mener à bien ces travaux avant que leur mandat ne s’achève. La lenteur des procédures a eu à mon avis des conséquences néfastes sur la capacité à mettre en œuvre la convention. Je pense que les activités liées à la modification du cadre juridique vont se poursuivre avec l’arrivée du nouveau ministre. Certains éléments de la loi ont été supprimés. Il est très important à mon sens de passer la vitesse supérieure dans ce processus. Je me réjouis que des représentants de l’OIT viennent dans le pays pour y rencontrer les partenaires sociaux et examiner l’application de la convention. Ce processus a permis de faire émerger un certain nombre de propositions qui recueillent l’agrément des employeurs. Tous les éléments figurant dans ces documents doivent bien entendu être maintenant traduits dans la pratique par le gouvernement. Nous espérons que le premier pas enclenchera un processus permettant d’aller de l’avant et que tout cela aura des conséquences sur la loi sur les syndicats et la loi sur la NCE. Ces textes limitent la capacité des organisations, et notamment des organisations d’employeurs, d’exercer librement leurs droits. Je pense que les processus qui sont lancés vont se poursuivre et s’achèveront cette année. Notre coopération tripartite nous permettra de progresser plus efficacement dans le processus législatif. Une organisation unique telle que la NCE travaille pour les entrepreneurs, mais ne peut véritablement œuvrer dans le domaine des relations de travail. Je pense que les changements intervenus vont nous rapprocher d’une application conforme de la convention.

Membre gouvernemental, Roumanie – Je m’exprime au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres. La Norvège, pays membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), s’associe à cette déclaration. Nous sommes très attachés aux droits de l’homme, notamment à la liberté syndicale et au droit d’organisation des travailleurs et des employeurs, et nous reconnaissons le rôle important que joue l’OIT dans l’élaboration, la promotion et le contrôle de l’application des normes internationales du travail.

Les relations entre l’UE et le Kazakhstan s’inscrivent dans le cadre de l’Accord de partenariat et de coopération renforcé. Cet accord, qui nous a permis de consolider notre coopération bilatérale, comprend des engagements en vue de donner réellement effet aux conventions fondamentales de l’OIT.

Le cas du Kazakhstan, dont la situation au regard de la convention a fait l’objet d’une discussion en 2016 et en 2017, est en train de devenir récurrent devant notre commission. Celle-ci a demandé à plusieurs reprises au gouvernement de modifier la loi sur les syndicats, et notamment ses dispositions qui limitent le droit des travailleurs de constituer des organisations syndicales de leur choix et d’y adhérer, ainsi que certaines dispositions du Code du travail, de la Constitution et du Code pénal.

Il est positif que, à la suite des recommandations formulées par la commission, une mission de haut niveau de l’OIT se soit rendue sur place en mai 2018, et nous prenons note avec intérêt de l’établissement à cette occasion d’une feuille de route prévoyant un certain nombre de mesures à prendre en vue de la mise en œuvre des recommandations de la commission d’experts. Nous regrettons toutefois l’absence persistante de progrès en ce qui concerne la liberté syndicale et le droit d’organisation dans le pays, notamment pour ce qui est du droit de grève, en dépit des demandes répétées de notre commission.

Tout en saluant la remise en liberté des deux dirigeants syndicaux arrêtés en 2017, nous exprimons notre profonde préoccupation face aux informations faisant état de la poursuite des actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de syndicalistes et des violations de leurs droits humains fondamentaux. Nous pensons notamment à l’agression physique, en novembre 2018, du dirigeant de la section du syndicat des travailleurs du secteur énergétique et pétrolier de la région de Karaganda et prenons note des informations selon lesquelles les responsables syndicaux remis en liberté se sont vu interdire d’exercer des activités syndicales.

Nous sommes également préoccupés par le fait que certains syndicats n’ont pas encore été autorisés à s’enregistrer. Nous pensons en particulier à la KNPRK, qui a été dissoute et qui, du fait de la nouvelle loi sur les syndicats, n’a toujours pas pu s’enregistrer ou se réenregistrer. Nous prions donc le gouvernement d’examiner avec les partenaires sociaux les difficultés identifiées par les syndicats et de garantir le droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable du gouvernement. L’examen devrait porter notamment sur la possibilité de faciliter le processus d’enregistrement ou de réenregistrement des syndicats et revoir la disposition prévoyant l’affiliation obligatoire.

Nous souhaitons réaffirmer qu’un environnement propice au dialogue et à la confiance entre les employeurs, les travailleurs et le gouvernement est essentiel pour la stabilité sociale et économique et contribue à jeter les fondements d’une croissance solide et durable et de sociétés inclusives.

Sur la base des considérations qui précèdent, nous renouvelons les demandes qui ont été faites en 2017:

- Nous demandons au gouvernement du Kazakhstan de respecter le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer. Pour garantir le plein respect de ce droit, nous demandons instamment au gouvernement de modifier sans plus attendre la loi sur les syndicats adoptée en 2014, et en particulier les articles 11(3), 12(3), 13(2) et (3) et 14(4), en consultation avec les partenaires sociaux.

- Les employeurs ont eux aussi le droit de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer. Comme cette commission l’a répété plusieurs fois, nous prions instamment le gouvernement de modifier la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs et toute autre législation pertinente de manière à garantir l’autonomie et l’indépendance des organisations d’employeurs libres et indépendantes au Kazakhstan.

- Nous prions instamment le gouvernement de prendre des mesures pour faire en sorte que le droit de grève soit pleinement respecté dans le pays et de modifier à cette fin le Code du travail de 2015 ainsi que l’article 402 du Code pénal, comme il s’est plusieurs fois engagé à le faire devant cette commission. Nous le prions de fournir des informations sur la réforme de la législation et de la procédure pénales visant à garantir qu’aucune sanction pénale n’est imposée à un travailleur pour le seul fait d’avoir exercé pacifiquement son droit de grève.

- Enfin, nous invitons le gouvernement à prendre les mesures nécessaires – conformément au rapport de la commission d’experts de cette année – en vue d’autoriser les organisations de travailleurs et d’employeurs à recevoir l’aide financière d’organisations internationales de travailleurs et d’employeurs.

Nous nous réjouissons d’apprendre que le gouvernement prépare une loi de modification de la loi sur les syndicats. Nous invitons le gouvernement à continuer de solliciter l’assistance technique du BIT afin de mener à bien les réformes nécessaires et s’assurer que les modifications législatives satisfont aux exigences des conventions de l’OIT.

Dans la pratique, nous attendons de la part du gouvernement qu’il n’empêche pas l’enregistrement des syndicats indépendants, qu’il respecte le droit d’organisation et la liberté syndicale des travailleurs, notamment le droit de grève, et qu’il mette un terme aux arrestations de syndicalistes dans le pays ainsi qu’aux actes de harcèlement et d’intimidation à leur encontre. Nous continuerons de suivre de près la situation et restons résolument attachés à la coopération et au partenariat avec le Kazakhstan.

Membre gouvernementale, Etats-Unis – Les Etats-Unis s’inquiètent vivement des obstacles qui entravent de manière persistante l’exercice de la liberté syndicale au Kazakhstan. Nous sommes en particulier préoccupés par le fait que le gouvernement n’a pas mis en place de changement significatif en vue de remédier à cette situation.

La commission examine ce cas tous les ans depuis 2015 – sauf en 2018, année où une mission tripartite de haut niveau s’est rendue dans le pays. Au fil des années, le gouvernement n’a mis en œuvre aucune des recommandations formulées par les organes de contrôle. Du fait de cette inaction, les violations des droits des travailleurs et des employeurs se poursuivent au Kazakhstan.

Cela est particulièrement préoccupant compte tenu des allégations de violences, des restrictions imposées aux activités syndicales et des manœuvres d’intimidation à l’encontre de syndicalistes, qui sont actuellement visés par des poursuites pénales infondées. Nous sommes nous aussi profondément préoccupés par les informations faisant état de coups et blessures infligés au responsable syndical Dmitriy Senyavskiy et aimerions disposer d’informations supplémentaires à propos de l’avancement de l’enquête. Nous sommes aussi inquiets de la procédure pénale dont fait l’objet actuellement le dirigeant syndical Yerlan Baltabay. Tout en nous félicitant de la remise en liberté d’Amin Eleusinov et de Nurbek Kushakbaev en 2018, nous déplorons que ces responsables, ainsi que Larisa Kharkova, restent sous le coup d’une interdiction de prendre part à des activités syndicales et que des restrictions soient toujours imposées à la liberté de circulation de Mme Kharkova.

Nous avons appris avec satisfaction en juillet 2018 que la Fédération des syndicats du Kazakhstan, le gouvernement, l’OIT et des représentants de syndicats indépendants avaient commencé à préparer des modifications législatives en vue de mettre la législation du Kazakhstan en conformité avec la convention, comme le prévoit la feuille de route pour le Kazakhstan établie par l’OIT. Peu de progrès ont hélas été accomplis depuis lors en vue d’inscrire effectivement dans l’appareil législatif ces dispositions à l’état de projet. Le gouvernement a annoncé qu’un projet de loi avait été finalisé en mai 2019 et nous nous en réjouissons. Nous l’invitons à fournir à la commission des informations supplémentaires concernant la portée et le statut de la loi, ainsi qu’à communiquer un exemplaire du projet de loi pour que l’OIT et ses membres puissent l’examiner.

A cet égard, nous prions instamment le gouvernement de prendre les mesures suivantes en vue de mettre le Kazakhstan en conformité avec la convention:

- mener une enquête exhaustive sur tous les actes de violence perpétrés contre des dirigeants syndicaux;

- mettre un terme au harcèlement des responsables syndicaux et à toute ingérence dans les activités des organisations de travailleurs et d’employeurs;

- déposer devant le Parlement un ou des projets de loi visant à mettre le Code du travail, la loi sur les syndicats, le Code pénal et la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs en conformité avec la convention.

Le temps est maintenant venu pour le gouvernement de prendre des mesures concrètes en vue de mettre en œuvre les recommandations des organes de contrôle de l’OIT. Nous prions instamment le gouvernement de traiter immédiatement les questions en suspens concernant la liberté syndicale dans le pays, en étroite collaboration avec l’OIT et les partenaires sociaux.

Observateur, CSI – Je m’exprime au nom des membres de la KNPRK. La confédération et ses organisations membres ont été dissoutes dans le cadre d’une procédure en justice entamée par le gouvernement. Les documents juridiques et financiers de la confédération ont été saisis, ce qui constitue une violation manifeste de l’article 5 de la Constitution du Kazakhstan et de la convention.

Par ailleurs, les tribunaux ont décidé de condamner des dirigeants syndicaux: Larisa Kharkova, Amin Eleusinov et Nurbek Kushakbaev, qui s’est vu décerner le prix Arthur Svensson des droits syndicaux. En outre, certains camarades ont été renvoyés, ou en tout cas licenciés, de leur travail – il s’agissait là de se débarrasser spécifiquement de membres de notre syndicat.

Le gouvernement ne met pas en œuvre les mesures convenues dans la feuille de route établie en concertation avec l’OIT. Une nouvelle action au civil a par ailleurs été intentée contre Larisa Kharkova, et des poursuites pénales ont été ouvertes contre Yerlan Baltabay, le président du syndicat indépendant des travailleurs du secteur pétrolier et énergétique.

Le gouvernement continue de détruire les syndicats indépendants. Il force les employeurs à ne pas signer de convention collective. Il use de l’intimidation contre les travailleurs salariés et entrave la création de nouveaux syndicats ou l’adhésion à des syndicats qui se réclament de la KNPRK ou de ses organisations membres. Nous demandons à la commission d’exiger du gouvernement du Kazakhstan qu’il mette immédiatement en pratique la feuille de route établie avec la mission de haut niveau de l’OIT, qu’il rende sa législation et sa pratique conformes à la convention, qu’il mette un terme aux poursuites administratives et pénales contre les militants syndicaux et qu’il cesse de s’ingérer dans les affaires internes des organisations syndicales.

Membre gouvernementale, Chine – Le gouvernement chinois a suivi avec attention l’intervention du représentant du gouvernement du Kazakhstan. Nous observons que le gouvernement a fait de gros efforts pour mettre en œuvre la convention, notamment en menant un dialogue approfondi avec les partenaires sociaux et en établissant une ligne d’assistance téléphonique. Nous relevons en outre que le gouvernement écoute attentivement les propositions des partenaires sociaux et de l’OIT et continuera à réviser sa législation. La Chine soutient avec force le dialogue entre le Kazakhstan et les partenaires sociaux et souhaite que la convention soit mieux appliquée. Nous appelons de nos vœux, en outre, une assistance renforcée de la part du BIT.

Membre travailleur, Etats-Unis – Les membres travailleurs canadiens appuient notre déclaration. Il y a un an, la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO) a demandé la suspension des avantages commerciaux accordés au Kazakhstan dans le cadre du Système généralisé de préférences (SGP) des Etats-Unis. Cette démarche faisait suite à des observations antérieures concernant le manquement persistant du Kazakhstan à ses obligations de protection et de respect de la liberté syndicale. Depuis la répression brutale d’une grève dans le secteur pétrolier en 2011, qui a fait au moins 17 morts et plusieurs dizaines de blessés parmi les syndicalistes, le gouvernement a engagé, maintenu et multiplié des mesures législatives et pratiques qui privent les travailleurs des droits consacrés par la convention. Depuis cette grève, le gouvernement s’est employé systématiquement et continuellement à incriminer les syndicats indépendants et à éliminer tous les syndicats officiellement reconnus.

Outre les lois sur lesquelles d’autres intervenants se sont exprimés et l’annulation forcée de l’enregistrement de nombreux syndicats indépendants et de la KNPRK, les employeurs et le gouvernement se sont entendus pour destituer des dirigeants syndicaux démocratiquement élus et les remplacer par des dirigeants désignés par l’employeur. Par ailleurs, des mesures radicales ont été prises par le gouvernement pour empêcher l’exercice du droit de grève. Depuis 2012, les autorités ont fait un usage excessif de la force pour enrayer les grèves, ce qui a causé au moins 12 morts; elles ont arrêté des travailleurs du secteur pétrolier ainsi que des détracteurs du gouvernement qui s’étaient exprimés ouvertement et ont engagé des procédures contre eux. La plupart d’entre eux ont été condamnés et auraient subi des tortures.

Comme cela ressort des demandes présentées dans le cadre du SGP, des membres de la famille de Larisa Kharkova, présidente de la KNPRK, d’autres responsables de fédérations indépendantes et des personnes soupçonnés d’être associés à cette dernière, ont fait état de menaces et d’actes d’intimidation perpétrés par la police et par des inconnus. Mme Kharkova, qui a déjà purgé deux ans de la peine d’emprisonnement de quatre ans qui lui a été infligée, reste confinée à Shymkent et fait l’objet d’une assignation à résidence stricte et d’une surveillance constante.

Les actes de représailles contre l’attachée de presse de la fédération, Lyudmila Ekzarkhova, sont montés d’un cran après le dépôt de la demande de l’AFL-CIO en 2017: son conjoint a été pris pour cible, harcelé puis finalement expulsé. Le gouvernement a instauré un climat de peur autour des responsables de syndicats indépendants et des personnes qui ont un lien avec eux.

Le gouvernement a poursuivi sa politique de harcèlement et de mise en cause des fédérations indépendantes et des principaux syndicats sectoriels qui ont manifesté leur indépendance. En octobre 2018, la police a perquisitionné au domicile de Yerlan Baltabay, dirigeant du syndicat des travailleurs du pétrole et de l’énergie affilié à la KNPRK qui a été dissoute. Le gouvernement a engagé contre lui toute une série d’actions policières et judiciaires très similaires à celles dirigées contre Larisa Kharkova, alors que le dossier de cette dernière ne comportait aucune preuve crédible et que les poursuites à son encontre violaient la procédure pénale au Kazakhstan. Le 28 février 2019, le gouvernement a dissous le syndicat du secteur de l’énergie dirigé par Yerlan Baltabay car ses statuts n’avaient pas été modifiés conformément à la loi de 2014 sur les syndicats, bien que le syndicat ait tenté en vain à cinq reprises depuis 2015 de se réenregistrer. Les syndicats indépendants qui refusent de céder à la pression du gouvernement s’exposent à ce genre d’agression.

En février 2019, Kuspan Kosshigulov, qui est parmi nous aujourd’hui, a pris la parole au nom des syndicats indépendants du Kazakhstan au Congrès mondial de la CSI organisé en décembre 2018. Il a été agressé et arrêté dans un train, avant d’être conduit à un poste de police pour interrogatoire et examen avec son enfant de 8 ans dans les semaines qui ont suivi le congrès. Le syndicat et les autres organisations proches y voient un acte de représailles pour la participation de Kuspan au congrès de la CSI.

Le gouvernement doit apporter des changements significatifs à la législation et mettre fin aux pratiques antisyndicales afin de garantir la liberté syndicale des militants indépendants, comme l’exige la convention.

Membre gouvernementale, Canada – Le Canada remercie le gouvernement du Kazakhstan pour les informations qu’il a communiquées aujourd’hui. Considérant le Kazakhstan comme un partenaire de premier plan dans de nombreux domaines de la coopération internationale, le Canada compte poursuivre cette collaboration fructueuse pendant de nombreuses autres années. Nous constatons que le Kazakhstan continue de déployer des efforts considérables pour améliorer le niveau de vie de sa population, des efforts particulièrement importants en ce moment crucial où le Président Tokayev, qui a été élu ce mois-ci, succède au premier Président Nazarbayev. Toutefois, nous notons avec une profonde préoccupation que le gouvernement du Kazakhstan est appelé pour la quatrième fois en cinq ans à se présenter devant cette commission pour non-respect des principes de la convention et que peu de progrès ont été réalisés à ce jour sur ces questions. Nous sommes préoccupés par la détérioration de la situation dans le pays concernant le respect des droits des travailleurs et des droits de l’homme, notamment par les actes de violence à l’encontre des syndicalistes, les restrictions indues au droit de réunion pacifique et le fait que les travailleurs et les employeurs ne peuvent pas adhérer aux organisations autonomes et indépendantes de leur choix.

Le respect de la liberté syndicale et du droit syndical est fondamental. En outre, des organisations de travailleurs et d’employeurs fortes et indépendantes sont essentielles pour relever les défis économiques et sociaux; elles peuvent ensemble contribuer à assurer et à maintenir le bien-être des personnes et des entreprises. En conséquence, le Canada prie instamment le gouvernement du Kazakhstan de mettre en œuvre sans plus tarder les précédentes conclusions de la commission. Il prie notamment le gouvernement de: i) modifier la loi sur les syndicats pour que les travailleurs puissent librement constituer des organisations syndicales de leur choix et y adhérer; ii) remédier efficacement aux difficultés qui entravent actuellement la procédure d’enregistrement des syndicats; et iii) modifier la loi sur la NCE afin que les organisations d’employeurs du Kazakhstan puissent agir de manière indépendante et autonome. Toutes les réformes de la législation en la matière devraient être conformes aux normes internationales du travail, y compris cette convention, et résulter d’un dialogue social véritable et constructif.

Le Canada prie aussi instamment le gouvernement de faire cesser et d’interdire les actes de harcèlement à l’encontre des dirigeants et des membres de syndicats et de garantir que les auteurs de tels actes soient traduits en justice dans le respect d’une procédure régulière et des principes du droit, et de protéger les droits des personnes participant à des manifestations pacifiques. Enfin, le Canada encourage le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT dans le cadre de ses efforts pour garantir la pleine conformité avec les principes de la convention. Le Canada demeure déterminé à travailler dans ce but avec le gouvernement du Kazakhstan, en tant que partenaire.

Observateur, IndustriALL Global Union – J’interviens au nom d’IndustriALL Global Union, qui représente les travailleurs des secteurs des mines, de l’énergie et de l’industrie manufacturière dans le monde entier, y compris au Kazakhstan. Je prends la parole pour dénoncer la situation inadmissible en ce qui concerne les droits des travailleurs au Kazakhstan. En 2017, nous avons soulevé la question des conséquences de l’adoption de la loi répressive sur les syndicats et de la dissolution de la Confédération des syndicats indépendants de la République du Kazakhstan. Aujourd’hui, nous constatons que cette même loi est utilisée dans les faits pour empêcher l’enregistrement de cette organisation syndicale et d’autres organisations syndicales indépendantes.

La loi sur les syndicats prévoit un enregistrement obligatoire en deux étapes pouvant prendre six mois. Au moment de son enregistrement, un syndicat local doit s’affilier à un syndicat sectoriel qui, à son tour, doit faire partie d’une centrale syndicale nationale spécifique.

Dans la pratique, en ce qui concerne l’enregistrement, les syndicats se voient maintenant opposer des refus successifs à tous les niveaux par les autorités judiciaires s’ils ne prévoient pas d’adhérer à la centrale syndicale déterminée ou s’ils étaient auparavant membres d’une organisation syndicale indépendante. Parallèlement, les membres et militants de syndicats indépendants sont poursuivis en justice ou condamnés à de lourdes amendes pour avoir exercé leurs activités syndicales.

Nous tenons en outre à attirer l’attention sur le Code pénal, qui est souvent utilisé pour restreindre la possibilité des travailleurs de faire grève en les inculpant pour «incitation à la discorde interethnique». L’absence d’une définition claire de cette notion laisse toute latitude pour jouer avec les droits des travailleurs.

Il convient également de définir plus clairement l’interdiction de faire grève sur le lieu de travail en cas de conditions nuisibles et dangereuses. A ce jour, toutes les grèves des travailleurs du secteur pétrolier sont interdites en raison de cette loi précise, même si la grève est déclenchée par des travailleurs à l’extérieur des grilles de l’entreprise et ne perturbe pas son activité générale.

Il s’agit, à nos yeux, de la continuation de la répression exercée contre les travailleurs à la suite du massacre de Zhanaozen, la ville pétrolière du Kazakhstan, qui a fait au moins 16 morts et de nombreux blessés en décembre 2011 lors de heurts avec la police. Les dirigeants de syndicats indépendants sont victimes de répressions, certains d’entre eux ont été condamnés ou agressés physiquement, et l’un d’eux, Yerlan Baltabay, que nous avons déjà mentionné plusieurs fois ici et qui dirige un syndicat local dénommé «Travail décent» pour les travailleurs de l’industrie pétrochimique est actuellement jugé. Yerlan a participé à la Conférence organisée en 2017 pour parler des violations des droits syndicaux dans son pays et subit aujourd’hui de toute évidence des représailles pour sa participation.

Face à ces manœuvres touchant aux droits des travailleurs, qui constituent des violations flagrantes de la convention, et en l’absence de toute mesure significative de la part du gouvernement du Kazakhstan pour améliorer la situation, IndustriALL demande que le présent cas soit mentionné dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.

Membre gouvernemental, Inde – L’Inde souhaite la bienvenue à la délégation du gouvernement du Kazakhstan et la remercie d’avoir fait le point de la situation sur la question à l’examen. L’Inde se félicite de l’engagement pris par le gouvernement du Kazakhstan de s’acquitter de ses obligations internationales en matière de travail, notamment celles liées à la convention, en mettant progressivement en œuvre les recommandations pertinentes de l’OIT, et de sa volonté d’œuvrer de manière constructive avec l’Organisation.

L’Inde prend note avec satisfaction des efforts déployés par le gouvernement du Kazakhstan, en réelle consultation avec ses partenaires sociaux, pour élaborer un projet de loi en la matière qui vise essentiellement à simplifier la procédure d’enregistrement des syndicats et à leur donner les moyens d’agir, dans l’esprit du dialogue social et du tripartisme et compte tenu du contexte national spécifique. Nous attendons avec intérêt l’adoption de la loi par le Parlement du Kazakhstan le mois prochain, comme cela est prévu.

Nous demandons à l’OIT et à ses mandants d’appuyer pleinement le gouvernement du Kazakhstan et de lui fournir toute l’assistance technique nécessaire qu’il pourrait solliciter à cet égard pour s’acquitter de ses obligations en matière de travail. Nous saisissons cette occasion pour souhaiter plein succès au gouvernement du Kazakhstan dans ses efforts.

Membre travailleur, Australie – Toute sanction pénale à l’encontre de travailleurs exerçant pacifiquement leur droit à la liberté syndicale est inacceptable et contraire à la convention. Cela ressort clairement des conclusions formulées par la commission d’experts en l’espèce. Le Kazakhstan perpétue une longue et regrettable tradition en matière de lois et de pratiques qui témoignent d’un mépris manifeste pour le droit à la liberté syndicale. En 2015, le Rapporteur spécial des Nations Unies a largement décrit cette situation.

Au Kazakhstan, l’incrimination du comportement professionnel prend notamment les formes suivantes: premièrement, l’article 174 du Code pénal, qui interdit l’incitation à la discorde sociale, nationale ou autre. En application de ces dispositions, Natalia Sokolova, avocate syndicale, a été condamnée à une peine de six ans d’emprisonnement en août 2011. L’infraction d’incitation qui lui a été reprochée était celle d’avoir publiquement réclamé une modification du système de calcul des salaires des travailleurs.

Deuxièmement, l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour toute assemblée publique, qui ne peut avoir lieu que dans des endroits désignés et souvent isolés. Toute participation à des réunions non autorisées risque d’entraîner de lourdes sanctions pénales, y compris l’emprisonnement. Le Code pénal interdit en outre de prêter «assistance» pour la tenue de réunions «illégales», y compris par des «moyens de communication», ce qui érige en infraction des actes aussi anodins que l’utilisation des réseaux sociaux pour organiser les travailleurs. L’article 402 du Code pénal dispose que l’incitation à poursuivre une grève déclarée illégale par un tribunal est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.

En janvier 2017, Nurbek Kushakbaev, vice-président de la KNPRK, a été accusé et incarcéré pour avoir prétendument incité à la poursuite d’une grève de la faim. L’acte d’accusation dressé contre lui comprenait notamment des documents déclassifiés qui montraient que les téléphones du syndicat et de ses dirigeants avaient été mis sur écoute par les autorités depuis octobre 2015. La question de savoir si M. Kushakbaev avait bénéficié d’un procès équitable a soulevé de sérieux doutes. Les journalistes n’ont pas été autorisés à y assister. Des témoins clés ont fait des déclarations incohérentes, notamment un témoin qui a changé sa version des faits du jour au lendemain.

Le 7 avril 2017, le tribunal a condamné M. Kushakbaev à une peine de deux ans et demi d’emprisonnement et lui a ordonné de verser l’équivalent de plus de 75 000 euros de dommages et intérêts à l’entreprise concernée, ainsi que 2 400 euros à titre de dépens. Le tribunal a par ailleurs interdit à M. Kushakbaev de se livrer à des «activités publiques» pendant une période de deux ans après à l’expiration de sa peine. Il a finalement été libéré sous caution en mai 2018, mais les restrictions à son droit d’exercer des activités syndicales sont toujours en vigueur.

Dans un récent échange de correspondance avec la présente commission, le gouvernement du Kazakhstan s’efforce de donner à cette dernière l’assurance que des réformes sont en cours pour modifier concrètement les lois qui ont été jugées incompatibles avec les normes internationales. Dans la liste des mesures prévues par le gouvernement, on ne trouve aucune référence à ces lois pénales, des lois qui sont une abomination pour les syndicats libres et pour les travailleurs kazakhs qui sont censés jouir du droit constitutionnel à la liberté syndicale.

Membre gouvernemental, Bélarus – La délégation de la République du Bélarus remercie le gouvernement du Kazakhstan pour les informations détaillées qu’il a fournies et la commission d’experts pour son rapport sur l’application de la convention. Le Bélarus est par ailleurs sensible aux efforts déployés par le Kazakhstan pour s’acquitter de ses obligations découlant de la convention et vis-à-vis de l’OIT. Il exprime un avis positif sur ce que le gouvernement du Kazakhstan a accompli pour mettre en œuvre les recommandations de la commission d’experts. Le Bélarus se félicite des modifications apportées à l§a législation en vigueur dans le pays, en particulier en ce qui concerne l’activité des syndicats. Il tient à souligner que cette démarche s’effectue en concertation avec les partenaires sociaux du pays. Le Bélarus est satisfait de la coopération que le Kazakhstan a instaurée et continue de développer avec l’Organisation internationale du Travail et constate avec satisfaction qu’une mission de l’OIT s’est rendue dans le pays l’année dernière et que des consultations ont eu lieu en avril de cette année. Le Bélarus souhaite exprimer son soutien au gouvernement du Kazakhstan qui poursuit ses efforts de mise en œuvre des recommandations lui ayant été adressées par l’OIT en s’appuyant sur la feuille de route élaborée de concert avec l’Organisation.

Membre travailleuse, France – Le cas du Kazakhstan est malheureusement connu de notre assemblée, et il est important aussi de rappeler que derrière les cas dont nous discutons se trouvent des vies humaines, car il s’agit ici bien de cela: remettre l’humain au centre de nos préoccupations, et non pas le profit. Quelques minutes pour parler d’emprisonnements, de harcèlement, de menaces, d’intimidations, d’interrogatoires par la sécurité intérieure, c’est fort peu.

Que dire de la présidente de la KNPRK, Mme Larisa Kharkova, sous le coup d’une nouvelle inculpation en justice s’ajoutant aux peines déjà en cours de quatre ans de restriction de liberté de circulation, de cent heures de travaux forcés et d’une interdiction de cinq années dans toute position publique ou ONG?

Que dire des poursuites lancées en justice contre M. Yerlan Baltabay, leader du Syndicat sectoriel des travailleurs de l’énergie et du pétrole, dont les bureaux ont été méthodiquement fouillés et les documents syndicaux confisqués? Que dire des pressions psychologiques sur ces militants syndicaux et leurs familles?

Que dire de l’attaque physique commise le 10 novembre 2018 contre Dmitriy Senyavskiy, représentant du même syndicat dans la région de Karaganda, qui a été frappé à la tête, a subi plusieurs fractures du bras et d’autres blessures encore?

Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Le Kazakhstan fait partie des dix pays les pires au monde en matière de violations des droits des travailleurs selon l’index des droits de la CSI. Les travailleurs souhaitant s’affilier à un syndicat de leur choix font face à des pressions administratives, des menaces, des intimidations.

Nos conclusions en 2017 sur ce point précis recommandaient vivement au gouvernement du Kazakhstan de s’assurer que les militants syndicaux ne feraient pas face à des représailles; de permettre aux travailleurs d’exercer leur droit internationalement reconnu aux réunions pacifiques et de modifier la loi en ce sens; de mener une enquête sur l’usage de la violence et de la torture à Zhanazoen aux fins de représailles ou de dissuasion.

Il y aurait une longue liste de noms à faire devant cette assemblée tant les attaques sont nombreuses. Il semble aujourd’hui que le Kazakhstan mérite de notre commission et de la communauté internationale une attention toute particulière afin de mettre fin dans la pratique à ce mépris de la convention.

Membre gouvernemental, Turquie – Nous remercions le gouvernement du Kazakhstan pour les informations qu’il a communiquées et saluons son désir et sa volonté d’agir et de coopérer de manière constructive avec l’OIT. Le gouvernement du Kazakhstan a déployé des efforts manifestes pour renforcer et adapter son cadre législatif afin de le rendre conforme aux normes de l’OIT. Nous l’encourageons à poursuivre dans cette voie à cet égard. Nous saluons les mesures utiles et significatives prises par le gouvernement du Kazakhstan en consultation avec les partenaires sociaux, et notamment le fait qu’il a tenu compte des observations de la commission d’experts pour modifier la législation nationale. Il convient de prendre acte des modifications récemment apportées par le gouvernement du Kazakhstan en vue d’appliquer la feuille de route présentée à l’issue de la mission de l’OIT en mai 2018 et de rendre la législation nationale conforme aux normes énoncées dans la convention.

La Turquie ne doute pas que le Kazakhstan, qui respecte les normes internationales du travail de l’OIT et s’acquitte de ses obligations en matière de présentation de rapports relatifs aux conventions de l’OIT qu’il a ratifiées, poursuivra son travail avec l’Organisation et les partenaires sociaux dans un esprit de coopération constructive.

Membre travailleur, Norvège – Je prends la parole au nom des syndicats des pays nordiques. Comme à la session de 2015 et de 2017 de la Conférence internationale du Travail, nous exprimons cette année encore nos vives préoccupations face à l’absence persistante de progrès par le Kazakhstan pour rendre la loi sur les syndicats pleinement conforme à la convention.

Cette année, nous sommes en outre profondément préoccupés par les poursuites pénales engagées contre des militants syndicaux, ainsi que par les provocations, les coups et les blessures subis par des dirigeants syndicaux et par l’inaction du gouvernement qui n’a pas mené d’enquête pour traduire les auteurs de tels faits en justice. Dans la feuille de route adoptée à l’issue de la mission tripartite de haut niveau en mai 2018, le Kazakhstan s’est engagé à soumettre en novembre 2018 au Parlement un nouveau projet de loi sur les syndicats. Cela n’a pas été le cas. Au lieu de cela, les autorités ont continué de mettre fin aux activités de syndicats indépendants, de refuser l’enregistrement de nouveaux syndicats et d’exercer des pressions, y compris des poursuites, sur ceux qui ont osé protester.

Je souhaite rappeler que le prix Arthur Svensson a été décerné à des syndicalistes indépendants du Kazakhstan, qui ont été condamnés à des peines d’emprisonnement ou restrictives de liberté à l’issue de procès inéquitables. La loi sur les syndicats limite sérieusement la possibilité pour les syndicats de définir leur propre structure, de présenter des revendications et d’exercer le droit de grève et pose aussi problème en matière d’enregistrement des syndicats par les organes de l’Etat, de réorganisation et de dissolution. Le libre exercice du droit de constituer des organisations et de s’y affilier implique le droit des travailleurs de décider librement s’ils souhaitent intégrer ou non une organisation syndicale de niveau supérieur ou en devenir membres. Tel n’est pas le cas au Kazakhstan, car la loi prévoit des seuils élevés pour établir une organisation de niveau supérieur, ce qui rend quasiment impossible la formation de confédérations.

Dans les conclusions qu’elle a formulées en 2017, la présente commission a prié le Kazakhstan de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la KNPRK et ses affiliés soient en mesure d’exercer pleinement leurs droits syndicaux et jouissent de l’autonomie et de l’indépendance nécessaires pour s’acquitter de leur mandat et représenter leurs mandants.

En 2018, le ministère de la Justice a refusé à quatre reprises d’enregistrer la KSPK – deux fois en août au motif que le nom ressemblait trop à celui d’un syndicat déjà enregistré, et deux fois en septembre en raison de détails techniques mineurs. Les travailleurs des pays nordiques, y compris les juges, le personnel pénitentiaire et les sapeurs-pompiers jouissent du droit de constituer des organisations de leur choix, d’y adhérer et de négocier collectivement. Cela les protège contre toute mainmise et garantit la pluralité des syndicats dans les pays nordiques. Nous prions instamment le gouvernement du Kazakhstan de garantir aux travailleurs l’exercice du droit de constituer librement des organisations syndicales, d’y adhérer et d’organiser leurs activités sans ingérence des autorités publiques. Cela doit être garanti aussi bien en droit que dans la pratique.

Membre gouvernemental, Fédération de Russie – Je souhaiterais exprimer mes remerciements aux représentants du gouvernement du Kazakhstan et à la mission qui s’est rendue dans le pays pour les éléments, explications et observations qu’ils ont fournis sur le fond de cette question, ainsi que pour les nouvelles informations sur les mesures prises par l’Etat en vue de respecter ses obligations internationales en matière de garantie de la liberté syndicale.

Le Kazakhstan s’emploie sans relâche à améliorer la mise en œuvre de la convention grâce à une coopération constructive avec l’Organisation internationale du Travail.

Nous nous félicitons de l’adoption d’une feuille de route présentée à l’issue de la mission de l’OIT qui s’est rendue au Kazakhstan en mai dernier. Nous nous félicitons en outre des mesures prises par le gouvernement pour l’application de cette feuille de route.

Le gouvernement a pris un ensemble complet de mesures visant à rendre la législation et les pratiques nationales pleinement conformes aux prescriptions de la convention. Il est particulièrement important que ces efforts soient menés en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et qu’ils consolident les bases d’une coopération tripartite conformément aux orientations données par l’OIT à ce sujet.

Après des consultations tenues avec l’OIT et les partenaires sociaux au mois d’avril cette année, des projets de modification de la loi seront soumis au Parlement.

Nous sommes convaincus que ces efforts porteront leurs fruits. Nous espérons que la commission prendra note avec satisfaction des informations fournies par le Kazakhstan et qu’elle pourra ainsi clore l’examen de ce cas dans un avenir très proche.

Observateur, Internationale des services publics (ISP) – Je m’exprime au nom de la Fédération syndicale européenne des services publics (EPSU, sous son acronyme anglais) et de l’ISP.

Je voudrais attirer l’attention de la commission sur de nouvelles violations qui viennent allonger la liste des violations déjà signalées par la commission d’experts et les corroborer. L’organisation affiliée que nous représentons, le Syndicat des travailleurs de la santé du Kazakhstan, subit des actes d’ingérence dans ses activités, et ses membres ont fait et continuent de faire l’objet de pressions et de menaces par les autorités et les employeurs publics, ce qui constitue une violation du droit d’adhérer librement à une organisation syndicale de son choix.

Cette situation est directement liée à deux faits concomitants: d’une part, le départ de l’organisation affiliée de la Fédération des syndicats de la République du Kazakhstan il y a moins de deux ans; d’autre part, la création au même moment d’une organisation de substitution dans le secteur de la santé, l’Union des travailleurs de la santé (SENIM), sous l’égide de la fédération. Depuis lors, un grand nombre des membres de l’organisation affiliée ont rejoint l’organisation nouvellement créée et, parallèlement, de très nombreux enregistrements des syndicats de base membres de l’organisation affiliée ont été annulés. Cela n’est pas le résultat de facteurs naturels, mais de l’ingérence, des pressions et des menaces mentionnées précédemment. Par exemple, selon les informations dont nous disposons dans les régions du Turkestan, d’Atirau et de Kyzylorda, les organisations de base de l’organisation affiliée ont été complètement décimées en l’espace de deux semaines seulement. Nous savons également que l’organisation affiliée a déposé en vain une plainte auprès de l’agence de la fonction publique de la République du Kazakhstan et des autorités en charge de la lutte anticorruption.

Citons un autre exemple concret: le recours en justice contre l’annulation de l’enregistrement d’une organisation de base à Astan, qui a donné lieu à des décisions du Tribunal de première instance et de la Cour d’appel mettant en doute l’indépendance de la justice. En effet, les actes d’ingérence par l’administration de l’hôpital sont bien documentés, mais les deux tribunaux ont statué contre les représentants syndicaux.

Je souhaite souligner que, face à cette situation, depuis mars 2018, le nombre d’organisations de base du Syndicat des travailleurs du Kazakhstan a fortement diminué, passant de 926 à 288, tout comme le nombre de ses membres, qui est passé de 311 000 à 78 000, soit une perte de 68,9 pour cent et 75 pour cent respectivement. Nous demandons à la commission d’accorder toute l’attention requise à ces violations et de faire figurer dans les conclusions relatives au présent cas des mesures spécifiques pour y mettre fin.

Membre gouvernementale, Arménie – Nous souhaitons la bienvenue à la délégation du Kazakhstan et la remercions des informations qu’elle nous a fournies aujourd’hui. Nous nous félicitons de la ratification par le gouvernement du Kazakhstan de 24 conventions de l’OIT, dont les dispositions ont été prises en compte dans la législation nationale. Nous notons en outre avec satisfaction que le Kazakhstan a approuvé le rapport de la Commission mondiale sur l’avenir du travail et prenons note de la tenue au mois de mai cette année d’un forum de haut niveau consacré au centième anniversaire de l’OIT. Nous relevons que, dans le but d’appliquer la feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations de l’OIT présentée en mai 2018 à l’issue de la mission de l’Organisation et de rendre la législation nationale conforme aux normes prévues par la convention, le Kazakhstan a organisé divers ateliers et discussions et a aussi rédigé des projets de modification de la législation en vigueur sur les activités des syndicats et des entrepreneurs. Tout en félicitant le Kazakhstan pour ses efforts, nous l’encourageons à continuer de s’engager de manière constructive.

Membre travailleuse, Allemagne – Pour reprendre les termes du Comité de la liberté syndicale «la solidarité syndicale internationale constitue l’un des objectifs fondamentaux de tout mouvement syndical». La commission considère donc qu’une législation interdisant à un syndicat national d’accepter une aide financière provenant d’une organisation internationale de travailleurs est contraire à l’article 5 de la convention. Or cela continue d’être le cas au Kazakhstan, dont la Constitution et la législation nationale interdisent aux syndicats, entre autres, de recevoir des fonds des organisations syndicales internationales.

En 1995 déjà, le Comité de la liberté syndicale, dans le cas no 1834, avait appelé le gouvernement à modifier la Constitution et la législation. Près de vingt-cinq ans plus tard, il n’y a toujours pas de réel changement en vue. Il est vrai que la modification de la loi annoncée aujourd’hui conférera aux syndicats «le droit de s’organiser, de tenir des manifestations en collaboration avec des organisations internationales et d’exécuter des projets visant à protéger les droits et intérêts des travailleurs conformément à la législation de la République du Kazakhstan». Toutefois, cette disposition ne dit rien sur la question de l’assistance financière. Par ailleurs, aucune modification du paragraphe 4 de l’article 5 de la Constitution n’a été annoncée.

Cela vient s’ajouter à une longue liste de violations des normes de l’OIT pour lesquelles nous doutons sérieusement de la volonté du Kazakhstan d’adapter effectivement sa législation et sa pratique en vue de s’acquitter des obligations internationales qui sont les siennes.

En mars 2019, le Parlement européen a adopté une résolution dans laquelle il reproche au Kazakhstan de ne pas avoir pris de mesures significatives pour appliquer concrètement les dispositions de la feuille de route de l’OIT ou les recommandations du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté de réunion et à la liberté d’association. Le Parlement a donc exhorté le gouvernement à mettre fin à la répression contre les syndicats indépendants, à abandonner les poursuites pénales à motivation politique contre les dirigeants syndicaux et à mettre la législation nationale en conformité avec les normes de l’OIT.

De même, en mars 2019, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU a appelé dans ses observations finales concernant le rapport du Kazakhstan non seulement au respect des obligations découlant de l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, mais également des obligations au titre de la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

Dans ce contexte, nous demandons donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier le paragraphe 4 de l’article 5 de la Constitution. Nous l’invitons en outre à démontrer à la commission d’experts qu’il respecte la convention en se fondant sur des lois spécifiques en vigueur et non pas simplement annoncées. Par ailleurs, nous exigeons qu’une attention particulière soit accordée à ce cas de non-respect grave et persistant.

Membre gouvernemental, Ouzbékistan – Nous souhaitons remercier la délégation du Kazakhstan pour son rapport exhaustif et pour l’application par le Kazakhstan de la convention. Notre délégation se félicite de la coopération active du Kazakhstan avec l’OIT sur cette question.

Sur recommandation de la commission, le Kazakhstan a récemment accepté une mission de haut niveau de l’OIT. Je tiens à souligner en particulier que, de concert avec les membres de cette mission, le gouvernement du Kazakhstan a élaboré une feuille de route pour mettre en œuvre ses recommandations afin de se doter d’une législation pleinement conforme aux dispositions de la convention.

Permettez-moi de souligner les points suivants: des recommandations ont été élaborées à l’intention de tous les partenaires sociaux concernant l’octroi d’une assistance financière par les organisations internationales, ainsi que des mesures visant à modifier la loi sur les syndicats et les employeurs à la suite d’une large concertation menée aux niveaux national et international. L’Ouzbékistan est convaincu que ces mesures témoignent de la détermination du Kazakhstan à créer des conditions de travail dignes; cela mérite d’être reconnu par la présente commission.

Membre travailleur, Burkina Faso – Ma voix se fait l’écho des voix de 14 centrales syndicales venant de 12 pays d’Afrique. Je tiens à féliciter le porte-parole du patronat qui a utilisé un propos dans son intervention que je répète ici: une question de bonne foi.

Il est vrai que le Kazakhstan a ratifié 24 conventions sur 189. La convention a été ratifiée en 2000 et nous constatons que, en cinq ans, cela fait quatre fois pratiquement que ce cas est en comparution à la barre ici. Ce sont des preuves de concordance qui indiquent qu’il n’y a pas de relation correcte entre le discours qui est tenu ici et les faits sur le terrain. De ce point de vue, il y a matière à interpeller notre Organisation internationale afin de faire en sorte que les tribunes aux niveaux desquelles les autorités viennent s’exprimer soient des tribunes respectées.

Il est nécessaire d’envisager la possibilité que les sanctions aillent au-delà des pays qui sont en retard de paiement (financier), et qu’il soit fait en sorte que des pays soient sanctionnés lorsque les engagements qu’ils ont pris ne sont pas appliqués. Il est inacceptable que l’on tienne des propos aux tribunes et que, sur le terrain, l’on fasse tout autre chose.

Premièrement, en ce qui concerne la violation des normes constatées par le Kazakhstan, nous nous référons tout simplement aux règles du jeu éditées en 2014, en page 15, qui stipulent que les pays ayant ratifié une convention s’engagent à l’appliquer en droit et en pratique, ce qui n’est pas fait. Deuxièmement, toujours dans le même document, en page 28, paragraphe 1, il est dit que le principe de la liberté syndicale est au cœur des valeurs de l’OIT. Mais quand on constate que l’on ratifie la convention en 2000 et que l’on fait de l’ingérence en violant l’article 2 de la même convention au niveau des syndicats de la santé, ce sont des éléments qui sont impardonnables.

De tels comportements conduisent à un manque de justice sociale qui peut être source de toute violence et de tout radicalisme.

Je conclus en disant que tous ceux qui violent la convention en croyant que c’est une façon d’affaiblir les organisations syndicales, ce sont eux-mêmes qui s’affaiblissent parce que, si les partenaires officiels sont affaiblis, il est clair que quand la misère deviendra grandissante et insupportable, d’autres voix vont naître et ce seront des voix radicales, exigeantes, à l’endroit desquelles il n’y aura pas de diplomatie, et c’est à ce moment-là que l’on va regretter le fait que nous n’ayons pas eu le courage véritablement de travailler au respect des normes internationales qui sont les piliers essentiels de l’OIT qui a été créée en 1919.

Membre gouvernemental, Tadjikistan – Le Tadjikistan prend note des efforts déployés par le Kazakhstan pour appliquer la feuille de route élaborée à l’issue de la mission de l’OIT en mai 2018, ainsi que les recommandations de l’OIT, et pour rendre la législation nationale conforme aux dispositions de la convention.

Il convient en particulier de souligner les points suivants:

– des séminaires et des débats ont été organisés avec la participation d’experts internationaux sur la mise en œuvre des recommandations de l’OIT;

– une ligne d’assistance téléphonique a été mise en place pour l’enregistrement des syndicats et leur fonctionnement;

– des recommandations ont été élaborées sur les moyens d’obtenir une assistance financière de syndicats et d’organisations internationales.

Nous prenons également note des consultations organisées le 30 avril 2019 par le secrétariat du BIT pour parvenir à des projets de modification de la législation et de l’intention du gouvernement du Kazakhstan de faire adopter les dispositions législatives pertinentes en juillet 2019. Nous espérons que le Kazakhstan et l’OIT poursuivront leur coopération fructueuse pour l’application de la feuille de route.

Membre travailleur, Fédération de Russie – Je prends la parole au nom de la délégation des travailleurs de la Fédération de Russie. Depuis la 105e session de la Conférence internationale du Travail, notre délégation n’a eu de cesse ces dernières années de faire part de ses préoccupations concernant la complexité de la procédure légale d’enregistrement des syndicats au Kazakhstan. Nous avons appelé l’attention de cette commission sur le fait que certaines dispositions de la législation kazakhe ne sont pas conformes aux principes fondamentaux de l’Organisation. Hélas, il s’avère que nos craintes étaient fondées. La situation a sérieusement empiré au cours des deux dernières années. Il n’y a pas eu de modifications significatives de la législation comme le prévoit la feuille de route convenue avec l’OIT. Au contraire, les lois en vigueur ont servi à éliminer l’un des syndicats nationaux, la FNPRK. Par la suite, plusieurs syndicats affiliés se sont vu obligés de cesser leurs activités après avoir tenté de se réenregistrer conformément à la loi sur les syndicats en vigueur au Kazakhstan. Ils se sont heurtés à de nombreux obstacles et, des dizaines de fois, les tribunaux leur ont refusé le droit de s’enregistrer.

Les syndicats de branche qui étaient affiliés à l’ancienne confédération et qui ont tenté à plusieurs reprises en 2018 d’enregistrer de nouveaux syndicats à l’échelle nationale rencontrent les mêmes obstacles. Il arrive souvent que des syndicats locaux se voient aussi refuser leur enregistrement. De son côté, l’Etat applique non seulement des lois qui ont déjà suscité des critiques, notamment de la part d’experts, mais exerce aussi des pressions directes et systématiques sur les militants et dirigeants syndicaux. Trois dirigeants de la confédération ont été condamnés sur la base d’accusations fallacieuses – la présidente Larisa Kharkova et les dirigeants des syndicats de branche, Amin Eleusinov et Nurbek Kushakbaev. Ils n’ont pas encore été jugés, mais il ne fait aucun doute que leurs libertés ont fait l’objet de restrictions. Une procédure pénale est actuellement ouverte contre un autre dirigeant de la confédération, Yerlan Baltabay, qui s’est exprimé devant la commission il y a deux ans sur le cas du Kazakhstan. Nonobstant le fait que les charges doivent être abandonnées, les travailleurs de la Fédération de Russie sont convaincus que ces personnes, ainsi que de nombreux autres militants qui sont constamment victimes de pressions illégales, de coups physiques et de mesures administratives, sont poursuivies pénalement et traitées de cette manière pour avoir exercé, pourtant en toute légalité, des activités syndicales.

En 2011, les autorités du Kazakhstan ont ouvert le feu sur des travailleurs qui manifestaient pacifiquement dans une usine pétrolière et gazière pour réclamer des hausses de salaires. Seize personnes ont été tuées et des dizaines de militants traduits en justice et inculpés. Malheureusement, nous constatons que la République du Kazakhstan ne semble pas du tout vouloir s’acquitter de ses obligations internationales en matière de liberté syndicale. C’est pourquoi la délégation des travailleurs de la Fédération de Russie demande que le présent cas soit mentionné dans un paragraphe spécial du rapport.

Membre gouvernemental – Je souhaite tout d’abord adresser mes remerciements à ceux et celles qui ont formulé des propositions et des recommandations sur ce cas particulier concernant le Kazakhstan. Nous remercions vivement l’Organisation internationale du Travail pour son assistance et les organisations internationales d’employeurs et de travailleurs pour leurs avis. Bien entendu, nous poursuivrons l’action engagée, car nous sommes conscients que cela est nécessaire si nous voulons que le Kazakhstan progresse vers une pleine conformité avec les dispositions de la convention.

Permettez-moi juste de formuler quelques observations en réponse aux propos qui viennent d’être tenus.

Premièrement sur le fonctionnement des organisations d’employeurs. En 2018, nous avons connu une période de transition et certaines organisations ont quitté la NCE. Nous redoublons d’efforts, depuis longtemps et pour de nombreuses années encore, pour que la législation définisse clairement le rôle et les fonctions des organisations d’employeurs et de la NCE. Afin de garantir que nous disposons de paramètres clairs pour déterminer leurs activités et les mesures qu’elles prennent, l’assistance technique de l’Organisation internationale du Travail sera évidemment très utile à cet égard et nous espérons bien pouvoir en bénéficier davantage cette année. De cette manière, il sera possible de garantir que les dispositions du projet de loi qui a été élaboré et qui sera soumis très prochainement au Parlement sont pertinentes.

Nous comprenons les préoccupations qui ont été exprimées au sujet du recours à la force contre des membres de syndicats. Nous mènerons une enquête chaque fois que ce genre de cas se produira.

S’agissant des accusations de hooliganisme portées contre les dirigeants de la manifestation organisée en 2011 et de l’enquête judiciaire sur le dirigeant syndical, Yerlan Baltabay, des actions ont été engagées dans le respect du Code de procédure pénale.

Les travailleurs ont des droits, des droits sans restriction de constituer une organisation syndicale et d’y adhérer, exception faite des sapeurs-pompiers et des militaires, du personnel pénitentiaire et des employés des centres de réinsertion par le travail, ainsi que des membres des troupes du ministère de l’Intérieur. Ces personnes n’ont pas la possibilité d’adhérer à un syndicat.

Selon les dispositions de la convention, la mesure dans laquelle les garanties prévues par ladite convention s’appliquent aux forces armées, par exemple, est déterminée par la législation nationale. Permettez-moi néanmoins de souligner une fois de plus que les civils qui travaillent dans des services pénitentiaires, dans l’armée, notamment dans les services financiers et de santé, dans les services juridiques des ressources humaines, ont, conformément à la loi, le droit d’adhérer à des syndicats et peuvent actuellement jouir de ce droit sans restriction.

Je souhaiterais de nouveau saisir cette occasion pour dire que le Kazakhstan a pris des mesures pour modifier la loi sur les activités des syndicats, le Code du travail et d’autres textes législatifs. Au cours des deux prochains mois, nous nous pencherons sur des projets de loi visant à modifier la législation. Ces projets de loi seront ensuite soumis au Parlement du Kazakhstan en vue de l’adoption des modifications et de la nouvelle législation le plus rapidement possible. Je le répète, les conseils techniques d’experts de l’OIT seront les bienvenus et nous espérons en bénéficier dans le courant de l’année prochaine.

Venons-en maintenant aux procédures d’enregistrement des syndicats. En cas de problèmes, ceux-ci feront l’objet d’un examen et d’une enquête approfondis par les organes chargés de l’enregistrement des syndicats, qui sont rattachés au système judiciaire et relèvent donc du ministère de la Justice.

Je puis vous assurer que le Kazakhstan ne ménagera aucun effort pour garantir que le pays s’acquitte pleinement de ses obligations au titre de la convention.

Membres employeurs – Les employeurs remercient le représentant du gouvernement pour son intervention orale faite cet après-midi et dans la soirée, et pour les informations écrites communiquées au sujet du présent cas. Nous remercions en outre ceux et celles qui ont pris la parole au cours des discussions.

Le gouvernement ayant fait montre de bonne volonté à l’égard de cette procédure, le groupe des employeurs estime qu’il faut aujourd’hui saisir la balle au bond et obtenir des mesures concrètes. Par conséquent, compte tenu des éléments fournis par le gouvernement à cet égard, les employeurs prient instamment ce dernier de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, la législation et la pratique existantes en matière de réenregistrement des syndicats afin de surmonter les obstacles d’ordre législatif qui se posent; d’élaborer, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux, des projets de modification des dispositions concernées de la loi sur les syndicats en vue, premièrement, de garantir que les travailleurs décident librement de l’affiliation des syndicats sectoriels territoriaux ou locaux à un syndicat national et, deuxièmement, d’abaisser le seuil applicable aux syndicats sectoriels nationaux.

Par ailleurs, le groupe des employeurs est d’avis que le gouvernement devrait élaborer, en étroite coopération et par la voie du dialogue social avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, les modifications qu’il convient d’apporter au cadre législatif qui pour l’heure entrave la liberté syndicale des organisations d’employeurs et de travailleurs. Dans cette optique, le groupe des employeurs demande instamment au gouvernement d’élaborer, en concertation avec les organisations d’employeurs les plus représentatives, les projets de modification des dispositions pertinentes relatives à la NCE afin que les employeurs puissent constituer des organisations de leur choix et y adhérer. Nous avons pris bonne note des indications du gouvernement concernant la période de transition au sujet de la loi sur la NCE, mais notre crainte est que le gouvernement ne comprenne pas les préoccupations des employeurs. Soyons clairs: le gouvernement n’a aucun rôle légitime à jouer dans les activités d’organisations d’employeurs libres et autonomes. Nous encourageons donc le gouvernement à engager des consultations avec les organisations d’employeurs les plus représentatives et à accepter l’assistance technique du BIT à cet égard pour que le cadre législatif permette le fonctionnement libre et autonome d’organisations d’employeurs qui soient dissociées et indépendantes du gouvernement.

Aussi saluons-nous les indications données par le gouvernement selon lesquelles le projet de loi est en cours et permettra de régler ces questions, et nous espérons que tel sera bel et bien le cas. Nous encourageons par ailleurs le gouvernement à fournir des informations sur le statut juridique et la teneur de sa recommandation en ce qui concerne l’autorisation des organisations de travailleurs et d’employeurs de bénéficier de l’assistance financière des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs. Nous notons avec une profonde inquiétude qu’un certain nombre de ces recommandations reviennent et espérons vivement qu’elles seront mises en œuvre sans tarder.

Membres travailleurs – Le Kazakhstan a fait l’objet d’un examen devant notre commission à de nombreuses reprises. Il a également récemment reçu une mission tripartite de haut niveau qui a eu l’occasion d’adresser un certain nombre de recommandations au gouvernement.

Nous invitons instamment le gouvernement à mettre pleinement en œuvre les recommandations qui lui ont été adressées par notre commission en 2015, 2016 et 2017. Le gouvernement veillera également à mettre en œuvre la feuille de route présentée à l’issue de la mission tripartite de haut niveau. L’ensemble de ces actions sera entrepris en étroite concertation avec l’ensemble des représentants des travailleurs et des employeurs.

Au vu des nouveaux actes violents perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux, il nous semble fondamental en premier lieu de demander au gouvernement de tout mettre en œuvre en vue de faire cesser les actes de violence à l’égard des dirigeants et militants syndicaux. Cela passera notamment par la poursuite et la répression efficaces des auteurs de tels faits. La mise en place de peines suffisamment dissuasives est à cet égard indispensable.

Le gouvernement doit également cesser les manœuvres d’intimidation à l’égard des syndicalistes, notamment par la voie de poursuites judiciaires, lever les restrictions à leurs activités syndicales et abandonner toutes les charges retenues contre eux.

La procédure d’enregistrement pose encore de nombreux problèmes et en arrive dans les faits à restreindre la liberté d’association. Nous demandons au gouvernement d’apporter une réponse aux préoccupations exprimées par les partenaires sociaux par rapport aux problèmes récurrents que pose cette procédure d’enregistrement et d’engager un dialogue avec eux afin de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment une modification en profondeur de la loi sur les organisations syndicales, afin de lever tous les obstacles légaux et de fait à l’exercice de la liberté d’association dans le pays.

Nous demandons avec insistance au gouvernement de procéder à l’enregistrement de toutes les organisations syndicales, et particulièrement à l’enregistrement de la KNPRK ou de son successeur, le KSPK.

De nombreuses ingérences dans l’organisation interne des organisations syndicales doivent encore être constatées au Kazakhstan. Nous demandons au gouvernement de s’abstenir de toute interférence dans les affaires internes des organisations syndicales.

L’obligation d’intégrer une organisation syndicale de niveau supérieur dans les six mois qui suivent l’enregistrement de l’organisation porte atteinte à la liberté de choix d’une organisation syndicale d’intégrer ou non une telle structure. Il convient dès lors de modifier la loi sur les syndicats afin de garantir le droit des travailleurs de décider librement s’ils souhaitent s’associer ou devenir membres d’une structure syndicale de niveau supérieur.

Plus fondamentalement, le gouvernement s’abstiendra de définir la structure des organisations syndicales, de limiter les catégories d’organisations syndicales et de se réserver le droit de décider si une organisation syndicale a le droit d’exister ou non. Les seuils d’affiliation exigés par la législation sont également trop élevés. Il convient dès lors de réduire ces seuils d’affiliation pour garantir une véritable liberté d’association.

Le gouvernement veillera également à garantir une indépendance pleine et entière des organisations d’employeurs en modifiant la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs.

Plus généralement, le gouvernement devra respecter les libertés d’actions collectives, y compris le droit de grève. A cet égard, le contenu de la notion d’activités industrielles dangereuses et la procédure afin de déterminer si une activité est bel et bien dangereuse ou non posent problème. La notion est encore trop floue et permet à un grand nombre d’activités de tomber sous cette notion. La procédure permet par ailleurs à une entreprise de décider elle-même si son activité est une activité industrielle dangereuse. Cela a pour effet de restreindre exagérément l’exercice du droit de grève. Nous avons bien noté la position du groupe des employeurs au sujet du droit de grève. Nous en profitons pour rappeler que le groupe des travailleurs estime que le droit de grève est bel et bien inclus dans la convention.

Les commentaires de la commission d’experts à cet égard sont donc tout à fait pertinents et nous y souscrivons totalement. En ce qui concerne la position du groupe gouvernemental, celui-ci a reconnu en 2015 que le droit de grève est lié à la liberté syndicale qui est un principe fondamental de l’OIT. Il a reconnu la nécessité de protéger le droit de grève en vue de garantir pleinement la liberté syndicale, et en particulier le droit d’organiser des activités dans le but de promouvoir et de protéger les intérêts des travailleurs.

J’en profite également pour remercier les gouvernements qui l’ont rappelé au cours de nos discussions. Je me limiterai à ce commentaire et me garderai d’interpréter la position exprimée par le groupe des gouvernements.

Il conviendrait dès lors de modifier le Code du travail en le rendant plus explicite quant aux installations considérées comme dangereuses et en révisant la procédure pour déterminer si une entreprise exerce de telles activités, sans que l’entreprise elle-même puisse en décider.

Nous demandons l’abrogation de l’article 402 du Code pénal qui incrimine l’incitation à poursuivre une grève déclarée illégale par le tribunal.

Nous avons appris que des recommandations ont été formulées à l’attention des organisations syndicales qui reçoivent un financement international. Il sera intéressant de pouvoir en prendre connaissance par écrit et nous demandons dès lors au gouvernement de les communiquer à la commission d’experts. Il n’en reste pas moins que les aspects législatifs de cette question restent problématiques afin d’assurer une totale conformité avec la convention. Nous demandons dès lors au gouvernement de modifier le cadre législatif relatif à ces financements internationaux en vue de garantir la liberté des partenaires sociaux de bénéficier de financements de la part de partenaires internationaux.

Afin de mettre en œuvre l’ensemble de ces recommandations, nous demandons au gouvernement de solliciter l’assistance technique du BIT.

Au vu des manquements graves, récurrents et persistants, malgré les nombreuses recommandations adressées à la suite des nombreux examens du cas du Kazakhstan devant notre commission, malgré les nombreuses initiatives du BIT en vue de mettre le Kazakhstan sur la voie de la conformité avec la convention et vu l’absence de progrès en la matière, nous demandons que les conclusions adoptées par notre commission soient incluses dans un paragraphe spécial.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et des déclarations orales faites par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a regretté l’absence persistante de progrès depuis le dernier examen du cas, en particulier en ce qui concerne les graves obstacles à la création de syndicats sans autorisation préalable en droit et en pratique, et l’ingérence constante dans la liberté d’association des organisations d’employeurs.

La commission a pris note de la mission tripartite de haut niveau de l’OIT qui a eu lieu en mai 2018 et de la feuille de route qui en a résulté.

Prenant en compte la discussion, la commission demande au gouvernement de:

- modifier les dispositions de la loi sur les syndicats conformément à la convention, en ce qui concerne les questions relatives aux restrictions excessives appliquées à la structure des syndicats qui limitent le droit des travailleurs de constituer des syndicats de leur choix et de s’y affilier;

- ne pas imposer de restrictions au droit d’occuper des postes électifs dans les syndicats et à la liberté de mouvement pour exercer des activités syndicales légitimes;

- s’assurer que les allégations de violence à l’encontre de syndicalistes fassent l’objet d’enquêtes et, le cas échéant, imposer des sanctions dissuasives;

- revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, la législation et la pratique existantes en matière de réenregistrement des syndicats afin de surmonter les obstacles existants;

- modifier, en consultation avec les organisations d’employeurs les plus représentatives, libres et indépendantes, les dispositions de la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs et les règlements y afférents, de manière à garantir sans plus attendre la pleine autonomie et la pleine indépendance d’organisations d’employeurs libres et indépendantes. En particulier, supprimer les dispositions sur le mandat général de la NCE, qui consiste à représenter les employeurs et à accréditer les organisations d’employeurs;

- s’assurer que la KNPRK et les organisations qui y sont affiliées jouissent sans plus tarder de la pleine autonomie et de la pleine indépendance d’une organisation de travailleurs libre et indépendante, et jouissent de l’autonomie et de l’indépendance nécessaires pour remplir leur mandat et représenter leurs mandants;

- confirmer la modification de la législation pour permettre aux juges, aux pompiers et au personnel pénitentiaire, qui n’ont pas un grade militaire, de constituer une organisation de travailleurs et de s’y affilier;

- adopter une législation garantissant que les organisations nationales de travailleurs et d’employeurs ne sont pas empêchées de recevoir une aide financière ou autre de la part d’organisations internationales. A cet égard, fournir des informations sur le statut juridique et le contenu de sa recommandation visant à autoriser les organisations de travailleurs et d’employeurs à recevoir une assistance financière d’organisations internationales; et

- mettre en œuvre d’urgence la feuille de route de 2018, en consultation avec les partenaires sociaux.

La commission invite le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT pour traiter ces questions, et à faire rapport sur les progrès accomplis à la commission d’experts d’ici au 1er septembre 2019.

La commission décide d’inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport.

Représentant gouvernemental – Je voudrais profiter de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont participé à la discussion sur le cas du Kazakhstan, y compris les partenaires sociaux, les représentants des gouvernements et des organisations non gouvernementales. Nous prenons note des conclusions. Nous continuerons à travailler avec les partenaires sociaux et le BIT sur la législation et la pratique en rapport avec la mise en application de la convention no 87 au Kazakhstan. Le Kazakhstan est déterminé à respecter intégralement ses obligations envers l’OIT.

Cela étant dit, passons maintenant au texte des conclusions que vous venez d’adopter. Si la première ligne des conclusions indique que la commission a pris note des informations écrites et orales communiquées par les représentants gouvernementaux, ainsi que des discussions qui ont suivi, le paragraphe no 1, portant sur la nécessité de modifier les dispositions de la loi sur les syndicats, et le paragraphe no 8, sur l’adoption de la législation pour garantir que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent recevoir une aide financière, ont été rédigés comme si le représentant gouvernemental n’avait rien dit et que la commission n’avait rien entendu à ce sujet. Il est très inhabituel d’adopter un document, reçu 10 minutes auparavant, sans que le représentant gouvernemental n’ait donné son point de vue sur ce document. Mais nous pouvons vivre avec.

En outre, s’agissant du paragraphe concernant la nécessité de veiller à ce que le KNPRK, un ancien syndicat, désormais dissout, bénéficie d’une pleine autonomie et d’indépendance, ce syndicat, comme l’indique le rapport du gouvernement, a tenté de s’enregistrer sous un autre nom. Que se passera-t-il si ce syndicat s’appelle autrement? Comment allons-nous faire pour suivre cette recommandation de la commission? Devons-nous le contraindre à adopter le nom comme vous l’indiquez dans le document, vous permettrez-nous de l’enregistrer sous un autre nom? Car il appartient aux membres des syndicats et aux militants de le faire.

Enfin, vous avez proposé que la commission décide de faire apparaître ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport. Je demanderais au secrétariat de bien vouloir nous donner d’autres informations sur ce qu’implique pour nous de figurer dans le paragraphe spécial et pourquoi le Kazakhstan y a été placé. Nous relevons que, sur les 26 orateurs qui sont intervenus dans le cas du Kazakhstan, seuls deux ou trois délégués ont mentionné ce paragraphe spécial, et vous avez décidé d’aller dans ce sens. Nous demandons donc au secrétariat de nous expliquer pourquoi.

En outre, nous partageons pleinement les observations de l’Inde concernant la transparence de la commission, à savoir qu’il faut plus de transparence.

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