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Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Bélarus (Ratification: 1956)

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Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 107e session, mai-juin 2018)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en mai juin 2018, concernant l’application de la convention par le Bélarus. La commission prend note des observations du Congrès des syndicats démocratiques du Bélarus (BKDP), reçues le 31 août 2018, et des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2018.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail obligatoire imposé par la législation nationale à certaines catégories de travailleurs et de personnes. 1. Sanctions financières imposées aux personnes au chômage. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté l’adoption du décret présidentiel no 3 du 2 avril 2015 sur la prévention de la dépendance à l’aide sociale, qui prévoit que les citoyens du Bélarus, les ressortissants étrangers et les apatrides résidents permanents du Bélarus n’ayant pas travaillé au moins 183 jours au cours de l’année écoulée, et n’ayant par conséquent pas payé d’impôts sur les revenus de leur travail pour la même période, sont tenus de verser un impôt spécial pour le financement des dépenses publiques. Les personnes qui ne payeraient pas cet impôt ou qui n’en payeraient qu’une partie sont passibles d’une sanction administrative sous la forme d’une amende ou d’une détention administrative assortie de travaux d’intérêt général obligatoires (art. 1, 4 et 14 du décret). Le gouvernement a indiqué que le décret no 3 a été suspendu sur instruction du Président et un nouveau cadre conceptuel était en cours d’élaboration en vue de modifier le décret, l’objectif étant de déplacer l’importance accordée aux mesures fiscales pour la reporter sur la stimulation et la promotion de l’emploi et sur la réduction de l’emploi illégal. Un projet de texte législatif en la matière devait être finalisé pour le 1er octobre 2017. La commission a aussi noté que le gouvernement avait assuré à la mission consultative technique du BIT au Bélarus, qui s’est déroulée en juin 2017, que des consultations publiques, y compris avec les partenaires sociaux, seraient engagées au cours de l’élaboration de la version modifiée du décret no 3. Par ailleurs, la commission a aussi noté les observations du BKDP selon lesquelles, dans la nouvelle version du décret, le gouvernement envisageait à nouveau d’appliquer le principe selon lequel «qui ne travaille pas doit payer pour l’obtention de services».
La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2018, la Commission de la Conférence a prié le gouvernement de fournir à la commission d’experts des informations confirmant que le décret présidentiel no 3 de 2015 a été modifié par le décret présidentiel no 1 de 2018, y compris des informations sur l’application de ce nouveau cadre en droit et dans la pratique.
La commission note que, dans ses observations, le BKDP indique que le décret présidentiel no 1 de 2018 a été adopté le 25 janvier 2018 en vue de modifier le décret présidentiel no 3 de 2015. En conséquence, l’«impôt pour parasitisme» a été annulé et une nouvelle forme de sanction financière a été introduite. En vertu du paragraphe 5 du décret modifié, les citoyens employables figurant sur la liste des chômeurs devront payer des services publics à un prix garantissant le recouvrement total des coûts économiquement justifiés de ces services. Des commissions permanentes (mises en place pour coordonner l’application du décret no 3 tel qu’amendé) compileront la liste que les autorités locales approuveront. Ce mécanisme entend encourager les citoyens «aptes au travail» qui sont au chômage à accepter un emploi légal. Pour le BKDP, la définition des citoyens chômeurs «aptes au travail» est large et inclut, par exemple, des femmes au foyer qui élèvent un ou plusieurs enfants de plus de 7 ans. Les citoyens qui travaillent à l’étranger doivent également faire des démarches auprès des commissions permanentes pour être exclus de la liste et fournir des documents attestant de leur travail à l’étranger. Le BKDP souligne qu’aucun appel ne peut être intenté contre les décisions des commissions permanentes.
La commission note également que, d’après les observations de la CSI, le décret modifié est similaire à sa précédente version, qui prévoit que tous les citoyens chômeurs «aptes au travail» devront payer différents services sociaux et publics normalement fortement subventionnés par l’Etat. Selon le ministère du Travail, environ 250 000 personnes sont concernées par le nouveau cadre établi par le décret no 3 de 2015, tel qu’amendé en 2018.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que, le 27 janvier 2018, le décret présidentiel no 1 est entré en vigueur, modifiant de façon importante le décret no 3 qui a ensuite été reformulé sous un nouveau nom, à savoir le décret présidentiel no 3 du 2 avril 2015 sur la promotion de l’emploi. Le décret abroge les dispositions relatives à l’obligation pour les citoyens chômeurs aptes à travailler de s’acquitter d’un impôt pour financer des dépenses publiques, de même que les dispositions imposant des mesures administratives pour non-paiement de cet impôt. Le principal objectif du nouveau décret est de mettre en place des conditions optimales pour la promotion de l’emploi au niveau local, y compris en renforçant le marché du travail, en soutenant l’esprit d’entreprise, en encourageant le travail indépendant et en travaillant au cas par cas avec les citoyens au chômage ou employés dans l’économie souterraine mais désireux et capables de gagner leur vie légalement. C’est dans cette optique que 146 commissions permanentes vont être créées et gérées par des comités exécutifs municipaux ou de district ou par des administrations locales, afin de coordonner les efforts de promotion de l’emploi conformément au décret no 3. Ces commissions seront composées de membres du Parlement, de spécialistes des autorités du travail, de l’emploi et de la protection sociale, du secteur du logement et des services publics, des affaires internes et d’autres entités de l’administration locale, et de représentants d’associations volontaires. Au cours du premier semestre de 2018, 94 100 personnes ont reçu une aide à l’emploi et 3 800 personnes ont bénéficié de formations liées à des professions et à des activités fortement demandées.
Le gouvernement indique également que, conformément au paragraphe 5 du décret, les citoyens chômeurs aptes au travail devront payer plusieurs services publics à des prix plus élevés pour garantir le recouvrement de tous les frais raisonnables liés à leur fourniture. Dans le but d’établir des procédures d’attribution du statut de «chômeur», la décision no 239 du 31 mars 2018 du Conseil des ministres approuve le règlement qui permet de classer les citoyens en âge de travailler et aptes à le faire en tant que chômeurs, et met en place et gère une base de données de ces personnes. En outre, la décision no 314 du 14 avril 2018 du Conseil des ministres précise les types de services qui seront facturés à un prix plus élevé, dont la fourniture d’eau chaude (à partir du 1er janvier 2019), et de gaz et de chauffage (à partir du 1er octobre 2019). Le gouvernement indique qu’il reviendra aux commissions permanentes de décider si des citoyens doivent payer ces services au prix coûtant, après la mise en œuvre d’un travail préliminaire avec ces personnes afin de leur fournir une aide à l’emploi et de déterminer si elles vivent dans une situation difficile. Tout en notant que le décret no 3 de 2015 a été modifié en 2018 en vue de promouvoir l’emploi légal, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que l’application du décret dans la pratique ne dépasse pas le cadre de la promotion de l’emploi, et que des personnes qui traversent déjà des difficultés ne se voient pas imposer des sanctions excessives dans le but de les obliger à travailler. La commission prie également le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application du décret dans la pratique, y compris sur les différents prix des services publics ainsi que les catégories et le nombre de personnes incluses sur la liste des chômeurs aptes à travailler qui doivent payer des services publics à un prix plus élevé. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir une copie du règlement d’application du décret no 3 de 2015, tel qu’amendé en 2018.
2. Personnes internées dans des «centres de santé et travail». La commission a précédemment noté l’adoption de la loi no 104-3 du 4 janvier 2010 sur les procédures et modalités de transfert de citoyens dans les centres de santé et travail et les conditions de leur séjour dans ces centres, qui prévoit que les citoyens souffrant d’alcoolisme chronique, de toxicomanie ou de consommation abusive de substances et ayant fait l’objet de procédures administratives à la suite d’infractions commises sous l’influence de l’alcool, de stupéfiants ou de substances psychotropes, toxiques ou autres substances enivrantes peuvent être envoyés dans des centres de santé et travail à la suite d’une demande déposée auprès d’un tribunal par le chef des affaires internes (art. 4 à 7 de la loi). Ces personnes sont internées dans des centres de santé et travail pendant une période pouvant aller de douze à dix huit mois et sont soumises à une obligation de travailler. Le gouvernement avait indiqué que les personnes qui souffrent de ces problèmes ne sont pas toutes envoyées dans les centres en question et que ne sont concernées que celles qui, à de multiples reprises (soit trois fois au moins en un an), ont troublé l’ordre public ou été trouvées en état d’ébriété ou sous l’emprise de stupéfiants ou d’autres substances enivrantes. Par ailleurs, il existe une condition additionnelle, à savoir que, après avoir commis ces délits, les personnes concernées aient fait l’objet d’une mise en garde au sujet de la possibilité d’être envoyées dans de tels centres, et se soient néanmoins livrées à d’autres délits administratifs pour des infractions similaires dans l’année qui a suivi la mise en garde. Il avait également souligné que les personnes envoyées dans des centres de santé et travail doivent se soumettre à un examen médical, lequel permet de déterminer leur degré de dépendance, puis bénéficier des services médicaux et de réadaptation sociale, notamment d’un traitement médical et psychologique, d’activités de développement personnel et d’autoéducation, ainsi que d’une aide pour recréer la relation familiale et la maintenir. En outre, l’emploi est considéré comme l’un des outils les plus importants pour réussir la réinsertion sociale. A cette fin, les centres de santé et travail offrent des services d’orientation, de formation et de reconversion professionnelles, ainsi que de développement des compétences. Le gouvernement avait par ailleurs indiqué que les personnes concernées sont placées en tenant compte de leur âge, de leur aptitude à travailler, de leur état de santé, de leurs compétences et de leurs qualifications. Elles sont en outre rémunérées et bénéficient des congés annuels et autres prévus par la législation du travail. Les types de travaux exécutés par ces personnes sont notamment la transformation du bois, les travaux agricoles et le nettoyage des espaces publics.
La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2018, la Commission de la Conférence a prié le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application de la loi no 104 3 dans la pratique, y compris sur le nombre de personnes placées dans des centres médicaux et sur le travail obligatoire inclus dans le cadre de leur réadaptation.
La commission note, d’après les observations du BKDP, que les centres de thérapie et de réadaptation professionnelles (également appelés «centres de santé et de travail») ne peuvent être considérés comme des centres médicaux au sein desquels des services de réadaptation sont fournis. D’après le BKDP, des défenseurs des droits de l’homme estiment que le système des centres de santé et de travail constitue une forme de détention ou d’emprisonnement en dehors du cadre de poursuites pénales, sans aucun lien avec la commission d’un délit. Les mesures médicales ne sont fournies que sur une base volontaire alors que le travail est imposé comme une obligation. La personne peut être placée dans une pièce disciplinaire pendant dix jours en cas de refus de travailler. La commission note également d’après les observations de la CSI que la loi no 104 3 continue d’être appliquée dans la pratique et 4 000 à 5 000 personnes souffrent d’addiction sont ainsi soumises à du travail forcé. L’article 16 de cette loi autorise l’usage de la force physique pour obliger les personnes internées à travailler. En outre, le BKDP et la CSI indiquent que les commissions permanentes, mises en place pour coordonner l’application du décret no 3 de 2015, tel qu’amendé en 2018, sont également autorisées à se prononcer sur le besoin d’envoyer dans ces centres des citoyens ayant des modes de vie antisociaux.
La commission note que le gouvernement indique que les tribunaux peuvent décider d’envoyer les personnes qui ont, à plusieurs reprises (au moins trois fois en un an), troublé l’ordre public alors qu’elles étaient en état d’ébriété ou sous l’emprise de stupéfiants ou d’autres substances enivrantes dans des centres de santé et de travail pendant douze mois. Les tribunaux peuvent également décider de prolonger ou de réduire de six mois le séjour d’une personne dans ces centres. Par ailleurs, les personnes qui doivent rembourser les sommes engagées par l’Etat pour la prise en charge des enfants placés dans des établissements publics et les personnes qui ont commis des manquements disciplinaires au travail au moins deux fois sur une année alors qu’elles étaient en état d’ébriété ou sous l’emprise de substances enivrantes et qui ont fait l’objet d’une mise en garde quant à la possibilité d’être envoyées dans des centres de santé et de travail, mais qui se sont néanmoins livrées à d’autres infractions dans l’année qui a suivi leur mise en garde, peuvent être envoyées dans ces centres. La commission note également les informations du gouvernement selon lesquelles, en 2017, 6 723 personnes ont été envoyées dans des centres de santé et de travail (par rapport à 8 081 en 2016). En 2017, le nombre mensuel moyen de personnes affectées à un travail dans des centres de santé et de travail était de 4 812. En outre, dans ces centres, 169 personnes ont cessé de travailler sans y être autorisées et 13 personnes ont refusé de travailler. Le gouvernement indique également que, depuis l’entrée en vigueur de la loi no 104 3 en 2010, 2 945 personnes ont participé à des formations professionnelles et à des programmes de reconversion et de développement des compétences dans des centres de santé et de travail, et 876 personnes ont bénéficié de programmes de formation professionnelle continue en milieu de travail. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application de la loi no 104-3 dans la pratique, y compris sur le nombre de personnes placées dans des centres de santé et de travail à la suite d’une décision de justice pour avoir à plusieurs reprises troublé l’ordre public. Elle le prie également de continuer de fournir des informations sur les autres personnes susceptibles d’être envoyées dans ces centres de santé et de travail, y compris celles qui doivent rembourser les sommes engagées par l’Etat pour la prise en charge des enfants placés dans des établissements et celles qui ont commis plusieurs manquements disciplinaires au travail, en précisant si elles ont été transférées dans ces centres sur décision de justice et le nombre de personnes concernées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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