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Demande directe (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Pays-Bas (Ratification: 1933)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Pays-Bas (Ratification: 2017)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale des Pays-Bas (FNV) et de la Fédération nationale des syndicats chrétiens (CNV) reçues le 28 août 2018.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Cadre législatif et contrôle de l’application de la loi. La commission a pris note précédemment des modifications apportées en 2013 à l’article 273f du Code pénal, qui incrimine la traite des êtres humains. Ces modifications ont pour but, entre autres, de durcir les peines de prison applicables. La commission a aussi noté les statistiques fournies par le gouvernement sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour traite de personnes pendant la période 2010-2014. D’après ces chiffres, 150 suspects en moyenne sont traduits en justice chaque année. Des condamnations ont été prononcées dans 76 pour cent des cas en 2014, contre 61 pour cent en 2010. La moyenne de la peine de prison a augmenté chaque année depuis 2010, passant de 617 jours en 2010 à 804 jours en 2013. A cet égard, la commission a noté que, dans ses observations, la FNV a reconnu les efforts accrus du gouvernement pour lutter contre la traite à des fins d’exploitation au travail en tant que phénomène pénal.
La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement dans son rapport suivant laquelle, en 2016, 220 suspects de traite ont été dénombrés par les services du procureur public, dont 174 ont été traduits en justice et 103 ont été condamnés. En outre, un fonds pouvant atteindre 50 millions d’euros est alloué chaque année à l’Inspection SZW (Sociale Zaken en Werkgelegenheid – Affaires sociales et emploi) afin de permettre le recrutement de 300 agents supplémentaires et d’élargir les inspections du travail et les enquêtes pénales en mettant l’accent sur le travail décent. En particulier, outre le contrôle du respect de la législation du travail, l’Inspection SZW est chargée de la détection et des enquêtes sur l’exploitation au travail et les cas de traite d’êtres humains, sous l’autorité des services du procureur public. La commission note aussi d’après le rapport de 2018 relatif à l’application par les Pays-Bas de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains que, en 2017, à la suite d’une motion adoptée en 2016 par le Parlement, la police nationale et les services du procureur public ont reçu des fonds supplémentaires pour intensifier la lutte contre la traite. Un million d’euros a été mis à disposition en 2017, et 2 millions le seront chaque année à partir de 2018. Ces fonds servent à augmenter de 5 pour cent par an le nombre des inspecteurs de police habilités à enquêter sur les affaires de traite et à investir dans le renforcement des capacités et de l’expertise des services du procureur public. Des agents de terrain seront formés à la reconnaissance des indices de traite et le Centre d’expertise sur la traite et le trafic de migrants sera aussi en mesure d’embaucher plus d’analystes (GRETA(2018)19, paragr. 23).
La commission note que, dans leurs observations, la FNV et la CNV indiquent que la rapporteuse nationale sur la traite des êtres humains et la violence sexuelle envers les enfants (ci-après dénommée la «rapporteuse nationale sur la traite») a estimé, dans son rapport de 2017, que 25 pour cent des cas de traite impliquent de l’exploitation au travail dans des secteurs d’activité régulière. De plus, se référant au rapport de l’inspection du travail, la rapporteuse observe une tendance à la professionnalisation de l’exploitation au travail par des organisations criminelles, avec des moyens inventifs pour dissimuler cette exploitation aux autorités. La FNV et la CNV indiquent aussi qu’elles rencontrent de plus en plus de situations d’exploitation dans plusieurs secteurs à haut risque, notamment le transport, l’agriculture, la logistique, ainsi que la transformation alimentaire et les services. Elles sont régulièrement alarmées par des témoignages portant sur des excès d’heures supplémentaires, des taux de rémunération extrêmement bas, l’isolement social, des pénalités ou retenues sur salaires pratiquées au hasard, de l’intimidation, ainsi que des cadres de travail dangereux et malsains. Tout en prenant dûment note des efforts déployés par le gouvernement pour combattre la traite des personnes, la commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour renforcer la capacité des organes chargés de contrôler l’application des lois, et notamment de l’inspection du travail. Elle le prie également de poursuivre ses efforts pour s’assurer que des enquêtes et des poursuites sont menées à bien dans toutes les affaires de traite des personnes et que des sanctions réellement appropriées sont infligées aux auteurs de ces actes. A cet égard, elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application dans la pratique des dispositions pertinentes du Code pénal, y compris sur le nombre des enquêtes et des poursuites menées, ainsi que sur les sanctions spécifiques appliquées.
2. Plan d’action et mécanismes de contrôle. La commission a précédemment noté la création officielle du poste de rapporteuse nationale sur la traite. Elle a également salué le renforcement du cadre institutionnel global mis en place au fil des ans, avec notamment la création de l’Equipe spéciale sur la traite des êtres humains en 2008 et la spécialisation dans ce domaine de procureurs publics dans chaque district du ministère public, d’officiers de police dans toutes les unités régionales ainsi que du judiciaire.
La commission note d’après le rapport du GRETA de 2018 que, en 2017, le mandat de l’équipe spéciale a été prorogé pour une nouvelle période de trois ans. Cette équipe spéciale devrait porter son attention sur les nouvelles formes de traite, comme celle à des fins d’activités criminelles, et examiner les liens entre la traite et le trafic de migrants (GRETA(2018)19, paragr. 19). Un nouveau rapporteur national a été nommé en septembre 2017 et a pris ses fonctions en février 2018 (paragr. 25). Cependant, les Pays-Bas n’ont toujours pas de plan d’action national contre la traite depuis l’expiration du précédent, qui portait sur la période 2011-2014. Le 25 mai 2018, le gouvernement a approuvé une lettre adressée au Parlement sur l’élaboration d’un nouveau plan d’action national, laquelle se fait en étroite collaboration et avec le soutien de tous les partenaires concernés, gouvernementaux ou non. Seize ateliers ont été organisés afin d’obtenir leurs contributions. La publication du plan d’action national est attendue pour la fin 2018 (paragr. 26). En conséquence, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer le cadre général de contrôle pour la lutte contre la traite des personnes, ainsi que les activités du rapporteur national et de l’équipe spéciale sur la traite. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli s’agissant de l’adoption du nouveau plan d’action national et d’en communiquer une copie lorsqu’il aura été adopté.
3. Identification et protection des victimes. La commission a précédemment noté dans les observations de la FNV que le fait de traiter une affaire exclusivement sur le plan pénal risque de limiter grandement la possibilité pour la victime d’avoir accès à des voies de recours et de réparation efficaces. La poursuite au pénal de l’auteur de tels actes devrait être complétée par le dispositif administratif d’application de la loi de l’inspection du travail et par une procédure civile dans laquelle les syndicats joueraient un rôle actif. La FNV a considéré qu’une démarche axée sur la législation du travail permettrait d’obtenir une meilleure réparation, opinion partagée par la rapporteuse nationale sur la traite dans son neuvième rapport. La FNV a estimé que, lorsque des victimes potentielles de traite sont identifiées, elles devraient obtenir un soutien d’urgence dans le cadre d’une procédure civile engagée pour obtenir des réparations efficaces dans le respect des droits au travail. Elle a insisté à cet égard sur le fait que les syndicats n’ont pas accès à ces travailleurs pour les aider à obtenir des réparations efficaces.
La commission note d’après les observations de la FNV et de la CNV que les victimes d’exploitation au travail rencontrent des obstacles et entraves considérables lorsqu’elles souhaitent obtenir réparation. Par exemple, des infractions graves donnant lieu à des sanctions financières imposées par l’inspection du travail n’entraînent aucune réparation pour le travailleur concerné. La FNV et la CNV mentionnent aussi un cas d’exploitation de chauffeurs de camions originaires de pays d’Europe orientale et des Philippines. Ces camionneurs ont des conditions de vie extrêmement pénibles, ils ont des horaires de travail très longs pour des salaires excessivement bas. Parfois, ils ne peuvent quitter leur camion pendant des mois. Pourtant, ils n’osent pas dénoncer ces abus, parce que l’entreprise qui les a embauchés les maintient en situation irrégulière. Ce cas a été dénoncé à l’inspection du travail par la FNV et une ONG néerlandaise. Alors que quelques chauffeurs ont été reconnus comme victimes de traite et ont obtenu la régularisation de leur situation, d’autres dans la même situation n’ont pas obtenu ce statut et ont été renvoyés aux Philippines. La FNV considère que cette façon de procéder empêche les victimes de faire appel à l’aide des pouvoirs publics.
La commission note que le gouvernement indique que toutes les victimes de traite ont droit à une assistance juridique gratuite, tant dans le cadre de procédures civiles que pénales. En réponse aux observations de la FNV et de la CNV, le gouvernement précise que les exigences de la procédure pénale s’appliquent aux cas d’exploitation au travail. C’est pour cette raison que le calcul des arriérés de salaire est plus compliqué que dans les cas de violation de la législation du travail. Le ministère des Affaires sociales et de l’Emploi s’efforce d’améliorer l’indemnisation des victimes qui n’ont pas reçu leurs salaires. La commission prie le gouvernement de redoubler d’efforts en ce qui concerne l’identification des victimes de la traite pour leur garantir un accès aux réparations tant dans le cadre des procédures civiles que des procédures pénales, et pour garantir qu’une protection et une assistance appropriées leur sont apportées. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises et les résultats obtenus à cet égard, notamment sur le nombre des victimes ayant été identifiées, ayant obtenu une réparation appropriée et ayant bénéficié d’une protection adéquate.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1. Travail exigé en tant que condition pour recevoir des prestations sociales. La commission a noté précédemment que, dans ses observations, la FNV s’est référée à la loi sur la participation, adoptée en 2015, d’après laquelle le droit aux prestations sociales minimales est soumis à l’acceptation et à l’exécution d’un travail non rémunéré. Aucun salaire n’est versé, car le travail effectué est considéré comme la contrepartie de la prestation financière reçue. Les municipalités sont chargées d’administrer et d’appliquer cette loi. Le refus d’exécuter ces travaux pour le bénéfice de la société entraîne la suppression totale des prestations pendant un à trois mois. La FNV a observé que cette suppression des prestations constitue une sanction extrêmement stricte et que, dans la pratique, des abus ont été constatés dans l’application de cette mesure à des personnes qui exerçaient auparavant des emplois réguliers au titre d’activités non rémunérées. La commission a considéré que, dans les cas où les prestations ne constituent pas un droit fondé sur un travail ou des contributions effectués précédemment, mais qu’elles représentent une mesure sociale accordée aux individus pour des motifs purement sociaux, le fait d’exiger «un peu de travail» en échange de cette prestation ne constitue pas en soi un travail obligatoire au sens de la convention, et elle a prié le gouvernement de fournir des informations sur la nature et la durée des activités imposées.
La commission note que, dans ses observations, la FNV exprime à nouveau ses préoccupations au sujet des dispositions pertinentes de la loi sur la participation et de leur application dans la pratique. Elle observe que le travail obligatoire effectué par des bénéficiaires se substitue au travail régulier et productif, ce qui est source de concurrence déloyale. C’est pour cette raison que la FNV a intenté une action civile contre PostNL (la principale société de services postaux) pour recours systématique à un nombre élevé de bénéficiaires de prestations sociales pour réaliser un travail régulier. La FNV indique aussi qu’il n’est pas rare que les personnes concernées soient obligées d’effectuer du travail non rémunéré jusqu’à trente-deux heures par semaine pendant plusieurs mois, voire une année, ce qu’on peut difficilement considérer comme «un peu de travail». Selon la FNV, l’Institut des droits de l’homme des Pays-Bas a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation devant les critères arbitraires utilisés par les municipalités, y compris la durée du travail non rémunéré, le nombre d’heures de travail hebdomadaire et les sanctions disproportionnées imposées à des personnes vivant déjà en dessous du seuil du minimum de subsistance. La CNV ajoute que des études réalisées à Rotterdam montrent que l’application du principe du «travail en échange de prestations sociales» est synonyme d’éviction de l’emploi régulier sans aucune contribution de réintégration en faveur des bénéficiaires de prestations sociales. La FNV et la CNV considèrent toutes deux que le rôle des municipalités dans l’application de la loi sur la participation doit être mieux réglementé.
La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement suivant laquelle le travail non rémunéré n’est imposé qu’en tant que condition de l’obtention de prestations sociales au titre de la loi sur la participation, s’agissant là d’une mesure sociale qui ne dépend pas d’antécédents professionnels ou de contributions antérieures. Le pouvoir exécutif municipal arrête des règles sur la durée et la nature du travail non rémunéré qui doit, en principe, être limité, tant dans sa durée que dans son ampleur, doit avoir une utilité sociale et ne doit pas engendrer de transferts sur le marché du travail. De plus, les parents isolés et les personnes aidantes sont dispensés de cette obligation. S’agissant des régimes d’assurance des salariés, la prestation est accordée en fonction du travail effectué auparavant, pour lequel il n’existe pas d’obligation d’effectuer du travail non rémunéré, mais bien une obligation d’accepter un travail rémunéré approprié. En conséquence, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’application de la loi sur la participation dans la pratique, comme les aménagements pertinents pratiqués dans différentes municipalités, y compris le nombre de personnes effectuant du travail non rémunéré, les types de travail effectué, les horaires de travail et la durée du travail non rémunéré, ainsi que l’importance des prestations reçues par les personnes concernées.
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