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Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Guinée (Ratification: 1961)

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Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, en vertu du décret no 247/72/PREG du 20 septembre 1972 portant création et organisation de l’administration pénitentiaire et du décret no 624/PRG/81 du 13 novembre 1981 portant complément du décret no 247/72/PREG, le travail est obligatoire pour tous les condamnés de droit commun et facultatif pour les accusés et les prévenus. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de certaines dispositions de la loi no 98/036 du 31 décembre 1998 portant Code pénal, de la loi no 91/02/CTRN portant charte des partis politiques et de la loi no 91/05/CTRN portant sur la liberté de la presse, aux termes desquelles certaines activités peuvent être sanctionnées par des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler, dans des circonstances qui relèvent de la convention.
La commission note les indications du gouvernement, dans son rapport, selon lesquelles un grand nombre de dispositions du Code pénal de 1998 permettant d’imposer des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler ont été maintenues dans la loi no 2016/059/AN du 26 octobre 2016 portant nouveau Code pénal. Le gouvernement communique à cet égard des informations sur leur application pratique. Les dispositions en cause sont les suivantes:
  • -Les articles 629, 630 (1) et (2), 632 (1), 634, 636 (1) et (2) et 637 du Code pénal de 2016, ayant remplacé les articles 111 (1) et (2), 113 (1), 116, 109 (1) et (2) et 121 du Code pénal de 1998, qui prévoient des peines d’emprisonnement pour l’organisation ou la participation à une manifestation non déclarée ou interdite ou à un attroupement non armé, l’organisation d’une réunion sur une voie publique, ainsi que pour d’autres activités pacifiques connexes. La commission note que le gouvernement indique que ces dispositions ont souvent été appliquées, à l’occasion du contentieux pénal résultant des manifestations politiques publiques non autorisées. Elle note que le gouvernement précise, dans son rapport communiqué au Comité des droits de l’homme en octobre 2017, que le cadre juridique du droit de réunion pacifique est défini par le Code pénal et la loi no 2015/009/AN du 4 juin 2015 portant maintien de l’ordre public. Le gouvernement reconnaît à cet égard que certaines réunions peuvent être interdites et dispersées en vertu de vagues motifs, pouvant facilement être détournés, par exemple si la réunion «pourrait troubler la tranquillité publique » (CCPR/C/GIN/3, paragr. 216).
  • -L’article 704 du Code pénal de 2016, reprenant l’article 214 du Code pénal de 1998, relatif au charlatanisme, qui punit d’un à cinq ans d’emprisonnement quiconque «se livre à des pratiques de sorcellerie, de magie ou charlatanisme susceptibles de troubler l’ordre public et porter atteinte aux personnes ou à la propriété». La commission note que le gouvernement indique que cet article a connu quelques applications et que la définition de cette infraction ne pose aucune difficulté particulière.
  • -Les articles 689 à 703 du Code pénal de 2016, reprenant les articles 215 à 220 de l’ancien Code pénal, relatifs aux troubles apportés à l’ordre public par les ministres des Cultes dans l’exercice de leur ministère, et qui permettent notamment de punir d’un emprisonnement de trois mois à deux ans les ministres des Cultes qui auront prononcé en assemblée publique «un discours contenant des propos incitant ou appelant à rompre la paix publique ou à troubler l’ordre public». Le gouvernement indique qu’il n’a pas connaissance de l’application de ces articles, en raison de la tolérance religieuse du pays.
  • -Les articles 659, 662 à 665 et 739 (1) du nouveau Code pénal, ayant remplacé les articles 232 et 234 à 238 du Code pénal de 1998, ainsi que l’article 658 du nouveau Code pénal, relatifs aux outrages envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique, qui prévoient notamment une peine d’emprisonnement d’un à trois ans pour l’offense faite à l’égard du chef de l’Etat. Le gouvernement précise que l’article 659 fait l’objet de quelques applications, en raison des offenses faites par des citoyens envers le chef de l’Etat.
  • -Les articles 363 à 366 du Code pénal de 2016, anciennement 371 à 374, relatifs à la diffamation et à l’injure. La commission note que, d’après le gouvernement, ces dispositions sont souvent utilisées en raison de multiples diffamations et injures susceptibles d’opposer les particuliers.
La commission prend bonne note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’article 517 (17) de l’ancien Code pénal, qui prévoyait un emprisonnement d’un à quinze jours pour ceux qui se seraient opposés, notamment par paroles ou par abstention volontaire, à l’exercice de l’autorité légitime d’un agent dépositaire de la force publique ou de tout citoyen chargé d’un ministère de service public et auraient par-là porté atteinte à l’ordre public ou entravé la bonne marche des services administratifs ou judiciaires, a été supprimé dans le nouveau Code pénal. La commission note que d’autres dispositions du nouveau Code pénal de 2016 permettent d’imposer des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler dans des circonstances qui relèvent des dispositions de la convention, notamment l’article 660, qui prévoit une peine d’emprisonnement de seize jours à six mois pour avoir outragé publiquement l’hymne national ou le drapeau national ou étranger.
La commission note l’absence d’informations du gouvernement sur l’application pratique des articles 30 et 31 de la loi organique no 91/02/CTRN du 23 décembre 1991 portant charte des partis politiques, qui prévoient des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler pour le fait de fonder, de diriger ou d’administrer un parti politique en violation des dispositions de la loi et de diriger ou d’administrer un parti politique dissous en le maintenant ou en le reconstituant.
La commission note avec intérêt que la loi organique no L/2010/02/CNT du 22 juin 2010 portant sur la liberté de la presse, qui a remplacé la loi organique no 91/05/CTRN du 23 décembre 1991, ne prévoit plus de peine d’emprisonnement pour les délits de presse. Elle note que, dans son rapport soumis au Comité des droits de l’homme en octobre 2017, le gouvernement précise que la presse et l’imprimerie sont libres et qu’il existe 43 radios et de nombreux journaux indépendants dans le pays. Le gouvernement reconnaît par ailleurs que des cas isolés de violation de la liberté d’opinion et d’expression sont occasionnellement constatés, notamment l’arrestation de journalistes (CCPR/C/GIN/3, paragr. 202 et 203).
Se référant à son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales (paragr. 302 et 303), la commission rappelle que, parmi les activités qui ne doivent pas faire l’objet d’une sanction comportant du travail obligatoire, conformément à l’article 1 a) de la convention, figurent celles qui s’exercent dans le cadre de la liberté d’exprimer des opinions politiques ou idéologiques (oralement, par voie de presse ou par d’autres moyens de communication), ainsi que de divers autres droits généralement reconnus, tels que les droits d’association et de réunion, droits par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leur opinion et qui peuvent se trouver affectés par des mesures de coercition politique. Elle souligne par ailleurs que la convention n’interdit pas d’appliquer des sanctions comportant du travail obligatoire aux personnes qui utilisent la violence, incitent à la violence ou préparent des actes de violence. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune sanction comportant une obligation de travailler n’est imposée, tant en droit qu’en pratique, à l’encontre des personnes qui expriment pacifiquement une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. A cet égard, elle prie le gouvernement de modifier les articles précités du Code pénal soit en restreignant expressément le champ d’application de ces dispositions à des situations dans lesquelles il y a eu recours ou incitation à la violence, soit en supprimant les sanctions qui comportent une obligation de travailler. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli à cet égard. Elle prie en outre le gouvernement de veiller à ce que dans la pratique les délits de presse ne soient pas sanctionnés par un travail pénitentiaire obligatoire. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer comment l’article 660 du Code pénal et les articles 30 et 31 de la loi no 91/02/CTRN portant charte des partis politiques sont appliqués dans la pratique et de communiquer copie de la loi no 2015/009/AN portant maintien de l’ordre public.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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