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Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Etats-Unis d'Amérique (Ratification: 1991)

Autre commentaire sur C105

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La commission prend note des observations de la Fédération américaine du travail et du Congrès des organisations professionnelles (AFL-CIO) reçues avec le rapport du gouvernement.
Article 1 d) de la convention. Sanctions comportant l’obligation de travailler imposées pour participation à des grèves. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, aux termes de l’article 12, section 95 98.1, de la législation générale de la Caroline du Nord, les grèves des employés publics sont illégales et contraires à la politique publique de cet Etat. En vertu de la section 95 99, toute infraction aux dispositions de l’article 12 constitue une contravention de première catégorie. En vertu de la section 15A-1340.23, lue conjointement avec la section 15A-1340.11 du chapitre 15A de la loi sur la procédure pénale, une personne reconnue coupable d’une contravention de première catégorie est passible d’une «sanction communautaire» et, en cas de récidive, d’une «sanction active», c’est-à-dire une peine d’emprisonnement. A cet égard, la commission a pris note du Rapport sur les programmes de sanctions communautaires (Compendium of Community Corrections Programs in North Carolina) publié par la Commission consultative de la Caroline du Nord sur la fixation des peines, selon lequel la condamnation à une sanction communautaire peut comporter la participation au Programme de travail du service communautaire de l’Etat. Dans ce cadre, le délinquant doit travailler gratuitement pour des administrations publiques ou des organisations à but non lucratif en effectuant des tâches d’intérêt général. La commission a également noté que l’article 3 (Travail des prisonniers), section 148-26, du chapitre 148 (Système des prisons d’Etat), dispose que, conformément à la politique publique de l’Etat de la Caroline du Nord, il sera exigé de tous les détenus valides d’effectuer diligemment toutes les tâches qui leur seront assignées. A ce sujet, le gouvernement a indiqué que les observations de la commission avaient été transmises aux autorités de Caroline du Nord et qu’il leur avait demandé de fournir des informations sur toute mesure prise par le gouvernement de l’Etat au sujet de ces commentaires.
La commission note une fois encore que, dans son rapport, le gouvernement indique que les registres des tribunaux d’Etat ne contiennent pas un seul cas dans lequel un individu a été condamné pour avoir participé à une grève illégale dans le secteur public. Le gouvernement réitère que, dans le cas peu probable où un individu serait condamné, la législation de Caroline du Nord n’impose pas au juge de condamner le gréviste illégal à exécuter un travail en violation de la convention. Le juge peut décider de condamner l’individu à effectuer un travail ou peut choisir de prononcer uniquement une peine d’amende.
La commission prend également note des observations de L’AFL CIO, d’après lesquelles les Etats sont obligés, en vertu de la convention, d’abolir toutes les peines impliquant toute forme de travail obligatoire qui peut être imposé en tant que punition pour avoir participé à des grèves et que cette obligation s’étend à la législation et à la pratique. Etant donné que les sections 95-98.1 et 95 99 peuvent avoir un effet dissuasif sur les travailleurs du secteur public qui, autrement, décideraient de faire grève, cette disposition devrait être abrogée ou modifiée.
Constatant qu’elle soulève ce point depuis plus de dix ans, la commission se voit de nouveau dans l’obligation de rappeler que l’article 1 d) de la convention interdit le recours à toute forme de travail forcé ou obligatoire en tant que punition pour avoir participé à des grèves. Se référant aux explications figurant au paragraphe 315 de son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, la commission rappelle que, indépendamment du caractère légal de la grève, toute sanction imposée doit être proportionnée à la gravité de la faute commise et que, tant dans le droit que dans la pratique, aucune sanction comportant du travail obligatoire ne peut être imposée pour le simple fait d’avoir organisé ou participé pacifiquement à une grève. La commission prie donc une fois encore le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation générale de la Caroline du Nord soit mise en conformité avec la convention et la pratique indiquée en s’assurant que les sections 95-98.1 et 95 99 sont abrogées ou modifiées de manière à ce qu’aucune sanction comportant du travail obligatoire (dans le cadre du Programme de travail du service communautaire ou pendant l’emprisonnement) ne puisse être imposée en raison de la participation à une grève. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement sera en mesure d’indiquer les progrès accomplis à cet égard.
Article 1 e) de la convention. Discrimination raciale dans l’imposition de travail pénitentiaire obligatoire. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des informations du département de la Justice faisant apparaître une surreprésentation importante des personnes d’ascendance africaine ou hispanique dans la population carcérale. Elle a également noté que les peines de prison aux Etats-Unis comportent généralement l’obligation de travailler. La commission a rappelé que, si l’infraction donnant lieu à la sanction est une infraction de droit commun qui, à d’autres égards, ne relève pas de la protection garantie par l’article 1 a), c) ou d) de la convention, lorsque la sanction comportant un travail obligatoire est appliquée plus sévèrement à l’égard de certains groupes définis par des termes raciaux, sociaux, nationaux ou religieux, cette situation contrevient à la convention. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement déclarait que celui-ci s’était engagé à éradiquer toute inégalité de traitement injustifiée et involontaire qui pourrait exister dans le processus de la justice pénale. Elle a noté que le gouvernement déclarait qu’aucune action législative n’avait été prise en application de la loi de 2011 sur l’intégrité de la justice, qui vise à combattre toute inégalité raciale et ethnique abusive dans le processus pénal, ou de la loi de responsabilisation du Programme Byrne/JAG, qui prévoit l’obligation, pour les Etats et les autorités locales qui bénéficient de certaines subventions fédérales pour la police, de mettre en œuvre des politiques et des pratiques destinées à déterminer et à réduire les inégalités raciales et ethniques dans le système de la justice pénale. Cependant, d’autres projets de loi, relatifs aux points soulevés par la commission, sont à l’examen devant le Congrès. La commission a également pris note des initiatives entreprises par plusieurs Etats.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement déclare qu’il est déterminé à garantir que la législation pénale et l’application du droit pénal ne sont pas discriminatoires sur la base de la race. Elle note également que le gouvernement affirme que la loi de 2011 sur l’intégrité de la justice et la loi de responsabilisation du Programme Byrne/JAG ont été de nouveau soumises à la Chambre des représentants, en janvier 2014, mais qu’aucune des deux n’a été renvoyée à une sous-commission. Le gouvernement indique que d’autres projets de loi, relatifs aux points soulevés par la commission, sont en instance au Congrès. Il indique également qu’il continue à appliquer la loi de 2002 sur la justice pour mineurs et la prévention de la délinquance, qui impose aux Etats qui participent au programme Formula Grants Program du département de la Justice de prendre des mesures pour réduire le nombre disproportionné de jeunes appartenant à des groupes minoritaires qui ont affaire au système de justice pour mineurs. Ce programme consiste à établir s’il y a la moindre disproportion dans une juridiction donnée, à évaluer les mécanismes qui y contribuent, à mettre en place des mesures de prévention de la délinquance et d’amélioration du système, et à surveiller l’évolution de cette disproportion. En 2014, 34 Etats ont participé à ce programme.
En ce qui concerne les mesures concrètes et les initiatives générales, la commission note que le gouvernement indique que, en août 2013, le département de la Justice a publié un rapport intitulé «Lutte intelligente contre la criminalité: Réforme du système de justice pénale pour le XXIe siècle», qui inclut des mesures visant à réformer le processus de décision judiciaire afin d’éliminer les inégalités arbitraires et de réduire la surpopulation carcérale. Le département de la Justice a également annoncé une modification de ses stratégies en matière d’inculpation afin que certains individus ayant commis des infractions mineures et non violentes relatives aux stupéfiants et qui n’ont pas de lien particulier avec des organisations de grande ampleur, des gangs ou des cartels ne soient plus inculpés pour des infractions passibles de peines minimales obligatoires élevées. La commission note également que, dans son rapport, le gouvernement indique que, en avril 2014, le procureur général adjoint du département de la Justice a annoncé une mesure de clémence afin d’encourager les petits délinquants fédéraux non violents, qui ne représentent pas de menace pour la sécurité publique s’ils sont libérés, à demander au Président une remise de peine. Cette initiative vise à repérer les candidats à la clémence au regard de certains critères précis et à permettre au département de la Justice d’examiner efficacement ces demandes et de présenter au Président des recommandations concrètes dans les meilleurs délais. Toujours en 2014, le département de la Justice a encouragé la formation du projet «Clémence 2014», qui regroupe des organisations de la justice pénale, et recrute, forme et conseille les procureurs qui souhaitent apporter une assistance pro bono aux détenus demandant à bénéficier de cette initiative. De plus, lorsque des problèmes systémiques de discrimination apparaissent au sein d’un département de police ou d’un bureau du shérif, ou que des agents font un usage abusif de leur pouvoir, le département de la Justice utilise son pouvoir légal pour enquêter et engager des actions civiles afin de faire reculer les activités de police discriminatoires. Ces dernières années, le département de la Justice a mené plusieurs enquêtes pour activités de police discriminatoires et déposé des demandes de recours efficaces dans plusieurs juridictions. Enfin, la commission note que le gouvernement indique que plusieurs Etats prennent diverses mesures pour faire reculer les préjugés raciaux au sein du système de la justice pénale. Par exemple, en avril 2016, la Fondation MacArthur a annoncé qu’elle octroyait des subventions pour 11 juridictions, d’un montant allant de 1,5 à 3,5 millions de dollars des Etats Unis sur deux ans, au financement de projets, programmes et réformes – au niveau des Etats et des autorités locales – visant à réduire la population carcérale et à combattre les inégalités raciales et ethniques au sein de leurs systèmes judiciaires. Ces 11 juridictions sont les suivantes: Comté de Charleston (Caroline du Sud); Comté de Harris (Texas); Comté de Lucas (Ohio); Comté de Milwaukee (Wisconsin); Nouvelle-Orléans (Louisiane); New York (New York); Philadelphie (Pennsylvanie); Comté de Pima (Arizona); Comté de Spokane (Washington); Etat du Connecticut; et Comté de Saint-Louis (Missouri). Chacune de ces 11 juridictions mettra en place des plans adaptés à son contexte local et contenant plusieurs solutions locales, notamment des mesures se substituant à l’arrestation et à l’incarcération, la sensibilisation des agents de police et d’autres acteurs du système aux préjugés implicites, et des programmes à ancrage communautaire.
La commission prend bonne note des mesures prises au niveau fédéral et au niveau des Etats. Elle note cependant que, dans ses observations finales du 25 septembre 2014, le Comité des Nations Unis pour l’élimination de la discrimination raciale s’est déclaré préoccupé par le nombre disproportionné de personnes appartenant à des minorités raciales et ethniques, en particulier les Afro-Américains, qui continuent d’être emprisonnées et condamnées à des peines plus sévères, et que la surreprésentation des minorités raciales et ethniques dans le système de justice pénale est exacerbée par le pouvoir discrétionnaire des procureurs, l’application de peines minimales automatiques aux auteurs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, et la mise en œuvre de lois réprimant la récidive (CERD/C/USA/CO/7-9, paragr. 20).
Tout en saluant les différentes mesures prises par le gouvernement pour combattre les inégalités raciales dans le système de justice pénale, notamment le lancement de l’initiative relative à la lutte intelligente contre la criminalité, en août 2013, et l’initiative et le projet relatifs à la clémence, en 2014, la commission encourage vivement le gouvernement à redoubler d’efforts pour s’assurer que, au moment de fixer une peine et à d’autres stades du processus de justice pénale, la discrimination raciale n’entraîne pas l’imposition de peines de prison disproportionnées pour des motifs raciaux et comportant du travail obligatoire. A cet égard, elle prie instamment le gouvernement de poursuivre les efforts qu’il déploie pour adopter une législation fédérale pour combattre ce problème. Elle l’invite également à redoubler d’efforts au niveau des Etats pour mettre en œuvre des politiques et pratiques permettant de repérer et de faire reculer les inégalités raciales et ethniques dans le système de justice pénale afin de s’assurer que les sanctions comportant du travail obligatoire ne sont pas appliquées plus sévèrement à l’égard de certains groupes raciaux et ethniques. Elle le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures prises à cet égard et sur les résultats obtenus.
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