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Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1944)

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La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations reçues le 23 août 2016 de l’Alliance syndicale indépendante (ASI), le 31 août 2016 de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS), et le 12 octobre 2016 de la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), de la Confédération générale du travail (CGT) et de l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE). Elle note également la réponse du gouvernement à ces observations, reçue le 11 novembre 2016.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Cadre législatif de lutte contre la traite des personnes. La commission a précédemment noté que plusieurs textes législatifs contiennent des dispositions concernant la traite des personnes, et en particulier la loi organique contre la délinquance organisée et le financement du terrorisme de 2012. Elle a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les procédures judiciaires initiées et les condamnations prononcées dans les affaires de traite, ainsi que sur les mesures prises pour renforcer les moyens dont disposent les autorités pour lutter contre ce crime.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que l’institution compétente en matière de lutte contre la traite est désormais le Bureau national contre la délinquance organisée et le financement du terrorisme (ONCDOFT). Ce bureau mène des activités régulières pour renforcer les stratégies de prévention, neutralisation et lutte contre la traite des personnes et ses liens avec le crime organisé. Les activités s’inscrivent dans le cadre du plan «Patrie sûre» qui a pour objectif de diminuer la délinquance sur l’ensemble du territoire. Le gouvernement précise que l’ONCDOFT développe des programmes de formation pour les fonctionnaires du pouvoir judiciaire, du ministère public et des forces de l’ordre concernant les différentes modalités de la traite des personnes. Les formations sont dispensées sur l’ensemble du territoire et en particulier dans les régions frontalières. De même ont été développés des outils pour améliorer les mécanismes d’identification des victimes et du modus operandi de ce crime. La commission prend note de ces informations et encourage le gouvernement à poursuivre les activités de sensibilisation et de formation destinées aux différentes autorités qui interviennent dans la lutte contre la traite de manière à s’assurer que ces autorités sont effectivement en mesure d’identifier les situations de traite des personnes et de mener les enquêtes adéquates.
La commission constate cependant avec regret que le gouvernement n’a toujours pas communiqué d’informations sur les procédures judiciaires qui auraient été engagées et les sanctions prononcées dans les affaires de traite, que ce soit sur la base de la loi organique contre la délinquance organisée et le financement du terrorisme de 2012 ou des autres textes qui contiennent des dispositions incriminant la traite. La commission note que, dans ses observations finales concernant la République bolivarienne du Venezuela, le Comité des Nations Unies contre l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a exprimé son inquiétude face à la prévalence de la traite des femmes et des filles, en particulier dans les régions frontalières et face aux informations indiquant que des femmes et des filles font l’objet d’une exploitation sexuelle dans les régions touristiques (CEDAW/C/VEN/CO/7-8 du 14 novembre 2014, paragr. 20). La commission rappelle que l’article 25 de la convention exige que des sanctions pénales efficaces soient appliquées aux personnes qui imposent du travail forcé. Par conséquent, la commission veut croire que le gouvernement fournira des informations sur les procédures judiciaires en cours et les décisions de justice prononcées dans les affaires de traite des personnes, que ce soit à des fins d’exploitation sexuelle ou d’exploitation au travail, en indiquant les dispositions de la législation nationale sur la base desquelles les sanctions ont été prises.
Cadre institutionnel. S’agissant de l’adoption d’un plan d’action national, la commission note, d’après les informations disponibles sur le site du ministère du Pouvoir populaire pour les Relations intérieures, la Justice et la Paix, que ce dernier mène des discussions avec les différentes institutions concernées en vue de l’élaboration des lignes stratégiques du Plan national contre la traite des personnes. Ce plan est construit autour de trois axes: prévention; investigation et sanctions; et protection de la victime. En outre, l’établissement d’une commission présidentielle de lutte contre la traite des personnes est également à l’étude. Compte tenu de la complexité du phénomène de la traite des personnes, la commission espère que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires en vue de l’adoption rapide du Plan national contre la traite des personnes et de la mise en œuvre de ses trois axes d’action. Prière de fournir des informations sur les activités menées, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées dans le cadre de la mise en œuvre de ce plan. En outre, compte tenu du fait que la lutte contre la traite requiert l’intervention de nombreux acteurs, la commission espère qu’un organe de coordination sera également mis en place.
Protection des victimes. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle la Coordination nationale pour la protection des victimes, témoins et autres parties à une procédure, en collaboration avec les unités de soins aux victimes, est en charge d’apporter une protection adéquate aux victimes dès qu’elles sont identifiées. Cette protection comprend l’assistance médicale, psychologique et juridique; un logement temporaire; les frais couvrant l’alimentation; et des conditions de sécurité. La commission prie le gouvernement de fournir des informations concrètes sur le nombre de victimes ayant bénéficié d’une assistance et sur le type d’assistance prodiguée.
Article 2, paragraphe 2 d). Réquisition des travailleurs. La commission note que, dans leurs observations, tant l’ASI que la FEDECAMARAS et l’OIE se réfèrent à l’adoption de la résolution no 9855 du 19 juillet 2016 qui établit un régime spécial de travail transitoire revêtant un caractère obligatoire et stratégique pour toutes les entités de travail, publiques, privées ou de propriété sociale et mixte. Ce régime a pour objectif de contribuer à la relance de la production du secteur agroalimentaire à travers la mise en place d’un mécanisme d’insertion temporaire de travailleurs et de travailleuses dans les entités identifiées par le gouvernement comme devant bénéficier de mesures spéciales pour renforcer leur production. La FEDECAMARAS et l’OIE précisent que ces entités peuvent demander un nombre déterminé de travailleurs provenant des entreprises publiques ou privées qui doivent obligatoirement mettre à disposition les travailleurs requis. Il s’agit par conséquent d’un travail qui n’est pas choisi librement par le travailleur. Ce dernier se voit transférer de son poste de travail à la demande d’une entreprise tierce, ce qui entraîne une modification de ses conditions de travail à laquelle il n’a pas pu consentir. En outre, cette mesure de réquisition a un impact financier sur les entreprises concernées ainsi que sur leur productivité. Pour l’ASI, à travers cette résolution, l’Etat met en place un régime de recrutement forcé en retirant les travailleurs de leur relation de travail stable et librement choisie. L’ASI rappelle qu’il appartient à l’Etat de développer une politique de l’emploi durable à travers la formation des travailleurs.
La commission note que, dans sa réponse, le gouvernement indique que la résolution a pour objectif de soutenir et faciliter la prestation de services d’un travailleur qui manifeste sa volonté de travailler dans une entreprise qui fait partie du processus de renforcement et de promotion du secteur agroalimentaire. Le gouvernement ne décide pas du transfert de travailleurs d’une entreprise à une autre. En aucun cas un travailleur n’est contraint d’intégrer un lieu de travail qu’il ne souhaite pas; au contraire, la manifestation expresse de sa volonté de participer à ce processus est requise.
La commission note que, selon le préambule de la résolution no 9855, cette mesure s’inscrit dans le cadre du devoir de l’Etat de garantir la souveraineté alimentaire du pays et de son devoir de promouvoir et protéger l’appareil productif agroalimentaire dans le but de renforcer le développement économique du pays avec la participation active de la classe travailleuse. La résolution permet de transférer les travailleurs réquisitionnés pendant une période de soixante jours renouvelable. La commission observe également que cette résolution a été adoptée dans le cadre du décret no 2323 qui, en mai 2016, a déclaré l’état d’exception et d’urgence économique, ultérieurement prolongé en juillet, septembre et novembre 2016.
La commission rappelle que, selon l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention, ne constitue pas un travail forcé «tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure». Elle a souligné à cet égard que le pouvoir de mobiliser de la main-d’œuvre ou d’imposer le travail obligatoire dans ce contexte doit se limiter aux véritables situations d’urgence ou cas de force majeure, c’est-à-dire un événement soudain et imprévu qui met en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population et qui, par conséquent, appelle une intervention immédiate. En outre, la durée et l’importance du service imposé, ainsi que les fins pour lesquelles il est utilisé, devraient être limitées strictement en fonction des exigences de la situation. La commission rappelle qu’il importe que le pouvoir de réquisition des travailleurs reste dans les limites indiquées ci dessus de manière à ce que cette réquisition ne se transforme pas en mobilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique, ce qui est également interdit par l’article 1 b) de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957. Tout en notant que le système d’insertion temporaire de travailleurs vise à renforcer l’appareil productif agroalimentaire pour assurer la sécurité alimentaire, la commission observe que la mise en place de ce système ne semble pas répondre à un événement soudain et imprévisible mettant en danger la vie de la population. Notant que le gouvernement indique que les travailleurs ne peuvent pas être transférés à une entreprise sans y avoir consenti, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la résolution no 9855 du 19 juillet 2016 établissant un régime transitoire spécial de travail, de manière à prévoir explicitement le caractère volontaire de ces transferts. Prière également d’indiquer les mesures prises pour s’assurer que, dans la pratique, aucune pression n’est exercée sur les travailleurs pour qu’ils acceptent ces transferts. En l’absence d’un consentement exprès des travailleurs prévu dans la législation, la commission prie le gouvernement de s’assurer que, conformément aux considérations qui précèdent, tout acte qui autoriserait la réquisition de travailleurs en cas de force majeure s’inscrit dans les limites strictes autorisées par la convention.
Travail social des employés publics et situation des médecins cubains. La commission note que, dans ses observations, l’ASI se réfère à deux situations dans lesquelles des travailleurs pourraient se voir contraints de réaliser un travail sous la menace. La première concerne le travail social volontaire réalisé par les fonctionnaires et employés du secteur public pour réaliser des travaux de solidarité en dehors de leur temps de travail. L’ASI considère qu’il existe des doutes sur le caractère volontaire de ces travaux dans la mesure où des pressions pourraient être exercées par les autorités. L’ASI se réfère également à la situation des médecins cubains qui viennent exercer en République bolivarienne du Venezuela dans le cadre d’un accord entre les gouvernements de ces deux pays. Pour l’ASI, le recrutement, les conditions de travail et l’isolement de ces médecins génèrent des interrogations auxquelles le gouvernement devrait répondre publiquement. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur ces allégations.
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