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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Honduras (Ratification: 1995)

Autre commentaire sur C169

Cas individuel
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  2. 2016

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 2016-Honduras-C169-Fr

Le gouvernement a communiqué les informations écrites suivantes.

Le gouvernement du Honduras fait part à la Commission de l’application des normes des mesures adoptées pour mettre en œuvre la convention no 169, sur la base des observations formulées par le Conseil hondurien de l’entreprise privée (COHEP), reçues le 28 août 2015 et bénéficiant de l’appui de l’Organisation internationale des employeurs (OIE).

Mesures actuellement mises en œuvre pour établir des procédures adéquates qui permettraient la consultation et la participation requises par la convention. Articles 6 et 7 de la convention: Le gouvernement travaille avec le groupe de travail technique interinstitutionnel sur la convention no 169. Dix-neuf institutions sont représentées au sein de ce groupe, chargé d’élaborer l’instrument juridique instaurant la consultation, de le mettre en œuvre et d’assurer le suivi de son application. Un avant-projet de loi-cadre sur la consultation préalable, libre et éclairée des peuples autochtones et afro-honduriens a déjà été élaboré. Depuis le 27 mai, l’étape du débat public avec les peuples autochtones est engagée. Suivra le débat public avec le COHEP et les centrales de travailleurs sur ce sujet.

Progrès concernant les procédures d’assainissement des terres et d’établissement des titres de propriété, ainsi que la superficie couverte par les titres établis. Article 14. Terres: deux cas de procédure d’assainissement: a) Auka: une commission intersectorielle a été créée. Cette dernière a demandé à l’Institut national agraire (INA) de réaliser une évaluation des améliorations utiles mises en place par les non-Misquitos pour un montant de 1 251 357 lempiras; et b) Triunfo de la Cruz: la décision est définitive: dans un délai de deux ans, l’INA devra borner les zones dont la propriété aura été établie; un processus d’intégration des Garífunas et des habitants de la zone devra être mené.

Résumé de l’établissement de titres de propriété en 2015 et 2016: a) établissement de titres de propriété dans une communauté autochtone de Guachipilin, pour un total de 1 445,74 hectares; b) surfaces achetées pour trois communautés chorti, à Plan de Perico, Carrizalon et Chonco, pour un total de 123,55 hectares; et c) établissement des titres de propriété en cours, en 2016, dans trois communautés autochtones pour un total de 93 852,12 hectares par titulaire.

Processus de consultation des peuples concernésavant d’entreprendre ou d’autoriser tout programmede prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Article 15. Ressources naturelles: dans la zone maritime de la Mosquitia, afin de mener à bien le processus de recherche d’hydrocarbures, une consultation a été menée entre septembre et novembre 2013. Dix assemblées consultatives des conseils territoriaux de la Mosquitia ont eu lieu. Cette pratique de consultation préalable, libre et éclairée est mise en œuvre depuis 2011. Au début, elle a été appliquée à des projets hydroélectriques situés dans la zone autochtone Lenca du pays (Intibucá et La Paz), ainsi que dans le département de Gracias a Dios, où se trouvent les communautés suivantes: Awuas, Tikiuraya, Mocorón, Auka, Tipi Lalma, Kukuta, Yahurabila, Raya, Wampusirpe, Barra Patuca, Belén, Brus Laguna et Puerto Lempira.

Application de la loi générale sur le secteur minier et des procédures établies pour respecter le droit d’être consulté si les intérêts des peuples autochtones sont menacés. Activités minières. En ce qui concerne l’exploitation minière, la loi générale sur le secteur minier est entrée en vigueur le 23 avril 2013. Les concessions accordées depuis lors en sont encore au stade de l’exploration. Aucune d’entre elles n’a été accordée sur une zone où les activités menées porteraient préjudice aux peuples autochtones et aux personnes d’ascendance africaine. L’alinéa d) de l’article 48 du chapitre II (zones d’exclusion du droit minier) établit des zones déclarées patrimoine national et des zones déclarées patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. L’article 50 de cette loi établit le régime foncier de l’occupation des sols et dispose que l’on ne peut porter atteinte à la propriété qui s’inscrit dans un instrument international relatif aux droits des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine. L’article 67 de la loi générale sur le secteur minier dispose que, avant l’octroi d’une licence d’exploitation, l’autorité minière demandera leur avis aux municipalités concernées et que les habitants se consulteront dans un délai de six jours. La concession d’exploitation ne peut être octroyée sans avis favorable.

Protection en matière de contrat et de conditions de travail et inspections du travail adaptées dans le cas de la pêche sous-marine. Articles 20, 24 et 25. Protection des droits du peuple misquito: la commission interinstitutionnelle de soutien aux plongeurs et de prévention des problèmes posés par la pêche sous-marine prend en charge les plongeurs vulnérables du peuple misquito handicapés suite à un accident de décompression. D’autres mesures sont en cours d’élaboration: rédaction du «protocole de prise en charge des victimes de décompression», qui en est au stade de la signature. Dans le domaine du travail, un débat public sur les réformes du règlement concernant la santé et la sécurité dans la pêche sous-marine a eu lieu. L’arrêté ministériel du secrétariat au Travail est en cours d’élaboration; le programme de bourses pour les enfants de plongeurs handicapés couvre actuellement 33 bénéficiaires. Un projet de construction de 98 logements pour les plongeurs handicapés est en cours de réalisation – une subvention globale de Convivienda est en cours d’approbation. La constitution d’une mise sous tutelle et la détermination des projets productifs qui génèrent un certain nombre d’emplois (Entreprise multiservices - Union des pêcheurs de Kaukira et Kauma), qui bénéficient directement à 53 familles.

Réponse aux observations de la Confédération unitaire des travailleurs du Honduras (CUTH): «Cas du peuple tolupan»

Rapport spécial de la commission interinstitutionnelle sur la convention no 169 et la consultation préalable, libre et informée. Le ministère du Travail a examiné et adopté la version de l’avant-projet de loi sur la consultation préalable, libre et éclairée établie par le gouvernement. Ce texte sera soumis à chaque peuple autochtone et afro-hondurien ainsi qu’à leurs organisations, grâce à l’appui du BIT, en tant qu’observateur, et à l’assistance technique et financière du projet du PNUD en faveur des droits, selon le calendrier suivant:

Date Lieu Peuple autochtone ou afro-hondurien
27 et 28 mai Catacamas Pech
30 et 31 mai Juticalpa Nahua
6 et 7 juin Santa Rosa de Copan Maya, Chortí

Révision urgente des concessions octroyées sans consultation préalable, libre et éclairée. En mars 1994, le premier règlement du système national d’évaluation des incidences sur l’environnement (SINEIA) a été publié. Complété à de nombreuses reprises, c’est sa version de 2009 (arrêté no 189-2009) qui prévoit officiellement le mécanisme de «consultation» pour la délivrance des autorisations environnementales. Cela n’a pas fait obstacle à ce qu’il soit dès le début prévu d’annoncer l’élaboration d’un projet dans la presse écrite et à la radio. En bref, les consultations ont été menées dans le respect de la législation environnementale et selon les caractéristiques de chaque projet pour lesquels une autorisation était demandée dans le cadre de ces processus.

Révision urgente des concessions octroyées après consultation préalable, libre et éclairée et qui ont des effets néfastes. En ce qui concerne ce point, chaque dossier enregistré par projet s’achève par une décision se prononçant sur sa recevabilité. Si le projet est réalisable, des mesures de protection de l’environnement sont adoptées. Elles sont obligatoires pour les responsables ou les titulaires de ces projets et, en cas de manquement, des sanctions administratives et financières sont prévues, allant de saisies à la fermeture temporaire ou définitive, selon l’infraction.

Réparation des dommages environnementaux, recherche des coupables et sanctions. MIAMBIENTE dispose de plusieurs mécanismes, comme la plainte environnementale, la boîte pour porter plainte de façon sûre, le numéro gratuit 130 «Ton avis compte», le groupe de travail interinstitutionnel sur l’environnement (FTIA), le bureau de la transparence, le dispositif de dénonciation du ministère public et un processus de consultation des dossiers en ligne (SICU) afin que les particuliers qui se sentent lésés puissent s’adresser à l’institution et faire valoir leur droit constitutionnel de requête en dénonçant tous les faits.

Information sur les 18 membres du peuple tolupan de San Francisco de Locomapa et leurs familles. Le 19 décembre 2013, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), dans sa décision 12/2013, a adopté les mesures de protection MC 416-13 en faveur de 18 membres du Mouvement pour la justice et la dignité de la communauté autochtone de Locomapa et de leurs familles, soit un total de 38 personnes, qui avaient été victimes de menaces de morts répétées à la suite de l’assassinat des autochtones tolupans, Ricardo Soto Medina, Armando Funes Medina et María Enriqueta Medina, lors d’un acte violent survenu le 25 août 2013, à San Francisco de Locomapa. Le 30 août 2013, le tribunal de la ville de Yoro a émis un mandat d’arrêt dans le dossier 90-2013-7D à l’encontre de MM. Selin Eliazar Fúnez Bonilla et Carlos Roberto Varela Luque, pour l’assassinat des personnes préalablement citées. Le 22 février 2014, les mesures ordonnées par la CIDH ont été mises en place dans un souci de protection et pour veiller au retour dans leur communauté des personnes qui avaient quitté leur foyer à la suite des menaces présumées. Pour l’occasion, différents services de l’Etat avait fait le déplacement, notamment le bureau du procureur, le ministère public et le procureur en charge des ethnies, le secrétariat des droits de l’homme, de la justice, de l’intérieur et de la décentralisation, et le secrétariat de la sécurité par l’intermédiaire du département des droits de l’homme.

Rapport général sur la mort de la militante écologiste Berta Cáceres. Contexte. Préalablement à ce regrettable fait, en février 2014, une demande officielle a été faite pour l’ouverture au Honduras d’un bureau permanent du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en vue de participer à l’amélioration de la situation de ces droits dans le pays. L’accord a été officialisé le 4 mai 2015 et on attend désormais la nomination du représentant. Berta Cáceres Flores était une dirigeante de la communauté autochtone Lenca, l’un des plus importants groupes ethniques du pays. En 1993, elle cofonde le conseil civique d’organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) pour lutter contre la privatisation des fleuves et les projets de barrage hydroélectrique des investisseurs internationaux. En 2015, elle a été lauréate du prestigieux prix Goldman pour l’environnement. Elle a été assassinée le 3 mars chez elle alors qu’elle avait reçu plusieurs menaces.

Assassinat de la militante écologiste. Cet acte odieux a été commis dans sa maison, située dans la zone résidentielle El Líbano disposant de sa propre sécurité. Toutefois, cette adresse ne correspondait pas à celle, située dans le quartier d’El Calvario, que Berta Cáceres avait transmise au secrétariat de la sécurité pour organiser sa protection. D’après les informations, un véhicule se serait stationné à l’aube devant la maison où le crime est survenu et aurait quitté les lieux rapidement quelques minutes plus tard.

Enquête. Le Président de la République, Juan Orlando Hernández, a déclaré que l’Etat du Honduras avait été directement attaqué avec l’assassinat de Berta Cáceres, une dirigeante qui s’était illustrée aux niveaux national et international. C’était une femme très précieuse pour le Honduras. Pour nous, ce crime est un crime contre le Honduras, un coup porté au peuple hondurien. Une fois que les faits ont été connus, toutes les forces de sécurité de l’Etat se sont mises en route. Qu’il s’agisse d’unités de la police nationale, d’équipes de la direction du renseignement et des recherches, du ministère public, de l’agence technique d’enquête criminelle ou de la direction de la police judiciaire, tous s’attèlent à trouver les responsables et à les traduire en justice. Les enquêtes sont en cours et seront approfondies en fonction des besoins. Le Président de la République a donné des instructions au secrétariat de la Sécurité pour que l’unité en charge des délits violents s’occupe de l’affaire et que l’enquête soit menée en coopération avec d’autres pays qui souhaitent collaborer pour trouver les coupable et les traduire en justice. Le procureur en charge des ethnies dirige le processus d’enregistrement des déclarations et l’enquête elle-même. Une équipe spécialisée des Etats-Unis est venue prêter main-forte. Le 6 mars, le Président de la République a également adressé, au nom de l’Etat hondurien, une lettre au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour que son bureau participe à l’enquête sur la mort de Mme Berta Cáceres. Le 11 mars, le Haut-Commissariat a accepté de fournir, conformément à sa méthodologie et à son mandat, un conseil technique dans cette affaire.

Résultats. Le lundi 2 mai, le ministère public a arrêté cinq auteurs présumés, y compris les auteurs intellectuels et matériels de ce crime abominable. Par décision de justice, ces derniers ont déjà été placés en détention préventive dans le pénitencier national. Les preuves scientifiques obtenues jusqu’à présent laissent penser que le reste des responsables matériels et intellectuels pourront être définitivement identifiés et localisés, en même temps que les circonstances exactes de ce crime horrible seront correctement établies.

Conclusions. Outre l’ouverture au Honduras d’un bureau permanent du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, il convient de noter l’engagement de l’Etat du Honduras en termes de droits de l’homme, notamment perceptible ces dernières années, au travers de la mise en place et de l’application avec sérieux et en toute priorité de la politique et du plan d’action nationale pour les droits de l’homme. En outre, il a reconnu et ouvert les portes du pays aux mécanismes de contrôle de la situation des droits de l’homme, au niveau interaméricain et international. Une autre preuve de l’engagement de l’Etat a été la remise d’un rapport dans le cadre du deuxième cycle de l’Examen périodique universel en 2015, ainsi que l’approbation des recommandations émise au cours de ce processus. A mesure que progressent les enquêtes, l’OIT, ainsi que la population nationale et la communauté internationale seront informées des résultats, mais pour le moment les tribunaux en charge ont décidé que les dossiers resteraient confidentiels.

En outre, devant la commission, un représentant gouvernemental s’est référé oralement aux informations fournies à la commission dans la déclaration écrite du gouvernement.

Les membres employeurs ont souligné que la commission examine pour la première fois l’application de la convention par le Honduras, qu’il a ratifiée en 1995, et qu’il n’y a pas eu à ce jour de réclamations en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT. Ils ont déclaré que, alors que la convention est en vigueur depuis vingt ans, le gouvernement n’a pas été en mesure de mettre en œuvre la réglementation nécessaire sur la consultation préalable qui constitue le pivot de la convention. Ils ont noté avec préoccupation que certains fonctionnaires du gouvernement et des dirigeants de peuples autochtones du Honduras estiment que la consultation préalable est contraignante et qu’elle attribue un droit de veto. Cette interprétation a conduit à recourir à des mécanismes de décision communautaire qui sont prévus dans des lois municipales et qui permettent de prendre des décisions à ce niveau dans le cadre d’événements à caractère électoral. Les membres employeurs ont affirmé que les concepts et mécanismes mentionnés précédemment sont diamétralement opposés à l’esprit et à la lettre de la consultation telle que prévue à l’article 6 de la convention, consistant à ce que les peuples intéressés doivent être consultés au moyen de procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances. La consultation préalable consiste donc en un dialogue qui vise à parvenir à des accords sur les questions susceptibles de toucher directement les peuples autochtones. Les membres employeurs ont déclaré que l’absence d’une législation définissant de manière appropriée les modalités de la consultation sur les bases susmentionnées conduit à des erreurs telles que celles évoquées précédemment, crée l’incertitude, décourage les investissements productifs et fait que, de manière arbitraire, des licences d’exploitation minière n’ont pas été octroyées dans l’ensemble du pays. La législation nationale devrait accorder une importance particulière aux dispositions de l’article 15 de la convention qui régit le droit des peuples autochtones sur les ressources naturelles existantes et leur participation à l’utilisation et à la conservation de celles-ci. Dans le cas du Honduras, le sous-sol, l’eau et même, dans une certaine mesure, les ressources forestières appartiennent, en vertu de la loi, à l’Etat. Par conséquent, et conformément à la norme susmentionnée, les peuples autochtones devraient recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de ces activités. Au vu de ce qui précède, les membres employeurs ont estimé impératif que le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, réglemente les consultations de bonne foi qui doivent être menées conformément à la convention.

Les membres employeurs ont souligné que l’organisation des employeurs du Honduras les a informés de l’engagement d’un nombre croissant d’inspecteurs du travail dans les zones de production du café et dans la zone misquita pour veiller à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs couverts par la convention. Quant aux plongeurs du peuple misquito, qui travaillent dans le secteur informel et sont privés des conditions minimales de sécurité au travail, il est nécessaire d’élaborer des programmes de formation professionnelle et de santé et de sécurité au travail et d’envisager la création de centres sanitaires dans la région. Les membres employeurs ont également indiqué avoir été informés des récentes réformes apportées au régime de la sécurité sociale, dont le premier niveau deviendrait universel et bénéficierait ainsi à l’ensemble de la population du Honduras, y compris donc aux peuples autochtones. Ils se sont félicités de l’octroi entre 2012 et 2015 de titres de propriété foncière aux peuples lenca, chortí, misquito et garífuna, et de l’octroi au peuple misquito de titres de propriété foncière au niveau intercommunautaire. Enfin, les membres employeurs ont remis en question la demande directe que la commission d’experts a adressée au gouvernement au sujet de l’article 15 de la convention. Se référant aux difficultés entraînées par des demandes analogues contenues dans le rapport de 2009 de la commission d’experts, ils ont estimé que le mandat de la commission d’experts ne lui permet pas de demander au gouvernement des informations sur les modalités de réalisation des consultations avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources existantes.

Les membres travailleurs ont indiqué que, depuis le coup d’Etat militaire de 2009 au Honduras, les menaces de mort, les assassinats et la persécution systématique des défenseurs des droits de l’homme et des droits syndicaux se sont généralisés. Après la visite qu’elle a effectuée dans le pays en novembre dernier, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a déclaré sa «profonde préoccupation face au climat de violence et d’impunité généralisée dont souffrent de nombreuses communautés autochtones dans le pays». Observant qu’un problème fondamental auquel se heurtent les peuples autochtones est l’absence d’une reconnaissance, d’une protection et d’une jouissance, pleine et entière, de leurs droits sur leurs terres, territoires et ressources naturelles ancestrales, la Rapporteure spéciale de l’ONU a indiqué que «même dans les cas où les peuples autochtones ont des terres leur appartenant en titre, ils sont exposés à des revendications de tiers portant sur les terres autochtones; à des projets de développement dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie, aux villes modèles, au tourisme et aux zones protégées». Les membres travailleurs ont déploré l’assassinat de Berta Cáceres, militante écologiste et dirigeante autochtone de renom international, connue pour sa défense du peuple Lenca contre le projet de barrage hydroélectrique d’Agua Zarca et fondatrice du Conseil civique des organisations populaires et autochtones du Honduras (COPINH). Rappelant que trois autres militants du COPINH ont également été assassinés, ils ont indiqué que la Commission interaméricaine des droits de l’homme a sommé l’Etat du Honduras de garantir la protection de Berta Cáceres, ainsi que la sécurité d’autres membres de la COPINH, qui avaient reçu de nombreuses menaces avérées. Ils ont également réaffirmé que les attaques contre le peuple Lenca font partie d’un schéma de violence généralisée, dirigée contre de nombreux autres peuples autochtones dans le pays. Ces dernières décennies, le processus accéléré d’expansion des plantations d’huile de palme a eu de profondes répercussions sociales et environnementales sur la population rurale afro-hondurienne, ainsi que sur le peuple autochtone Garifuna qui représente la minorité ethnique la plus importante du Honduras, et a provoqué de nombreux conflits. Par exemple, en août de l’année dernière, un déploiement de forces de police a envahi le territoire de la communauté garifuna dans la municipalité de Nueva Armenia, arrêtant 40 personnes et accusant «d’usurpation de terres» quelque 80 membres de la communauté autochtone. Selon des témoins, les producteurs d’huile de palme ont brûlé 11 maisons. Quelques mois plus tard, un groupe de la même communauté a été victime d’une attaque armée perpétrée par des inconnus. Par ailleurs, en mai de l’année dernière, la dirigeante garifuna Jessica García a été victime d’une tentative d’enlèvement. Au mois de décembre dernier, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré le Honduras responsable des violations du droit de consultation concernant les communautés garifuna dans deux affaires.

Les membres travailleurs ont déploré que les projets miniers à grande échelle représentent désormais une atteinte au plein exercice des droits que consacre la convention. En 2003, l’entrée en vigueur de la loi générale minière a levé un moratoire de sept ans concernant tout nouveau projet minier sous la pression de l’opinion publique, excluant totalement les peuples autochtones. Plus de 20 articles de la loi générale minière violent la législation et la Constitution du Honduras, ainsi que divers traités ratifiés par l’Etat hondurien, y compris la convention. Par exemple, il suffit uniquement de consulter les communautés concernées avant de concéder un permis d’extraction, ce qui est contraire aux principes constitutionnels de la souveraineté populaire, de l’autodétermination des peuples et de la démocratie participative. Cela, à son tour, porte atteinte aux droits autochtones que consacrent la convention et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, y compris le droit à la consultation préalable, libre et informée, le droit de s’opposer aux projets non souhaités et à s’organiser par le biais de ses propres organismes représentatifs. Qui plus est, en vertu de la loi minière, la consultation préalable de communautés concernées par un projet d’exploitation ne s’étend pas à l’ensemble des territoires affectés par celui-ci. La loi impose par ailleurs des limites à la participation citoyenne et va à l’encontre des dispositions relatives à la préservation de l’environnement en interdisant la création de zones exemptes de toute exploitation minière durant un temps déterminé. Les membres travailleurs ont profondément déploré que, en dépit de nombreux appels, recommandations et décisions formulés par le système interaméricain et par des organismes de l’ONU, dont l’OIT, le gouvernement ne se montre pas disposé à traiter des questions qui affectent les peuples autochtones dans le pays. Ils ont soutenu la demande de la commission d’experts pour que le gouvernement fournisse des informations concernant une série de questions pertinentes et demandent à la commission de formuler des recommandations précises pour ce qui est du respect de la convention, dont des mécanismes spécifiques de protection pour les défenseurs des droits des peuples autochtones et des peuples eux-mêmes.

Le membre employeur du Honduras a rappelé que le Conseil hondurien de l’entreprise privée (COHEP) a indiqué, dans ses observations jointes au rapport sur l’application de la convention, que l’élaboration d’un éventuelle loi par le Congrès national du Honduras requiert la participation des partenaires sociaux, en particulier des employeurs. La consultation dite préalable, libre et éclairée est interprétée de manière erronée lorsque l’on considère qu’elle implique intrinsèquement un droit de veto et qu’elle est contraignante pour les autorités administratives ou judiciaires. Par ailleurs, en application de la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, les employeurs doivent être associés aux consultations sur les projets de loi, et il convient de veiller à ce que les processus suivis soient adaptés, publics, transparents et engagés par l’Etat et à ce qu’ils associent tous les acteurs concernés. A l’heure actuelle, les processus de dialogue et de consultation de la population passent par les conseils à composition ouverte des municipalités du pays. Il n’existe toutefois pas de loi réglementant la procédure à suivre dans tout le pays, ce qui entraîne une incertitude juridique quant à la propriété de l’Etat, à la propriété des municipalités et à la propriété privée. A cet égard, l’orateur a félicité le gouvernement pour la délivrance de titres de propriété aux peuples autochtones, afro-honduriens et ladinos dans l’ensemble du pays par l’intermédiaire de l’Institut de la propriété et de l’Institut national agraire.

En ce qui concerne l’observation de la commission d’experts sur l’application de l’article 15 de la convention, il convient de définir au préalable cette procédure dans la loi. Soulignant que peu d’entreprises minières se sont installées dans le pays, l’orateur a indiqué que les mines artisanales ont proliféré. La loi sur le secteur minier en vigueur est appliquée de manière rigoureuse et sa mise en œuvre est coûteuse. L’octroi d’une autorisation n’est pas garanti et, même lorsqu’une autorisation a été délivrée, une certaine incertitude demeure car, une fois les contrats signés, les fonctionnaires ne respectent généralement pas les délais et les conditions établis. Soulignant que les consultations prévues par la convention ne doivent pas être de pure forme, l’orateur a réaffirmé qu’elles n’impliquent cependant pas un droit de veto et que l’obligation de garantir des consultations adéquates incombe clairement et expressément aux gouvernements et non aux personnes ou aux entreprises privées. En ce qui concerne l’application des articles 20, 24 et 25 de la convention, le gouvernement a adopté et promulgué le 4 septembre 2015 une loi-cadre relative au système de protection sociale en vue d’accorder une couverture universelle à tous les citoyens. Cela figurera dans la nouvelle loi relative à la sécurité sociale et dans la loi relative au système national de santé, textes que le Conseil économique et social (CIS), organe tripartite de dialogue, examine actuellement. Reconnaissant que l’application de la convention et la collaboration technique du BIT à cet égard constituent une opportunité pour le pays, l’orateur a plaidé en faveur de l’adoption d’une loi sur la consultation préalable, prévoyant des procédures claires, transparentes et de bonne foi, tenant compte des spécificités du pays.

Le membre travailleur du Honduras a indiqué que, de 1995 à ce jour, aucune mesure efficace n’a été adoptée pour garantir l’application effective de la convention. Le manque de protection et de respect des droits des peuples indigènes a donné lieu à un très grand nombre de conflits socio-environnementaux, à de multiples confiscations de terres et à la persécution et l’assassinat de dirigeants indigènes. La politique de développement de l’Etat du Honduras donne la priorité aux investissements de l’industrie extractive et l’hydroélectrique, ce qui se traduit par une violation des droits des peuples indigènes, la dégradation de l’environnement, la violation des droits de l’homme et la persécution et la criminalisation des dirigeants indigènes. Nombreux sont les cas qui témoignent de la violation systématique des droits des peuples indigènes et du défaut d’application de la convention no 169. Est mentionné la procédure qui a abouti à l’adoption de la loi de propriété en 2004, sans aucune consultation appropriée avec les peuples indigènes et d’ascendance africaine. Cette loi permet la suppression des titres communautaires émis par l’Etat du Honduras et a été utilisée pour fracturer les territoires communautaires. Sont mentionnées les décisions rendues par la Cour interaméricaine des droits de l’homme concernant les cas Comunidad Garífuna Triunfo de la Cruz et ses membres c. le Honduras et Comunidad Garífuna de Punta Piedra et ses membres c. le Honduras, aux termes desquelles l’Etat a été reconnu coupable. Le rapport établi par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones souligne de façon claire la situation critique des peuples indigènes du Honduras. Plusieurs cas n’ont même pas été portés à la connaissance du public, comme l’approbation sans consultation du barrage hydroélectrique de Masca, l’absence de consultation de la communauté garífuna concernant la loi de propriété, la déclaration sans concertation de la zone protégée à Cayos Cochinos, la construction sans concertation du barrage hydroélectrique Patuca III et l’avant-projet de loi de consultation qui exclue de façon délibérée des organisations indigènes représentatives.

Pour ce qui est de la situation alarmante et du climat généralisé de persécution et de criminalisation des défenseurs des peuples indigènes, il explique que l’assassinat de Mme Berta Cáceres constitue un cas emblématique. Mme Cáceres a été persécutée, jugée et menacée de mort à diverses occasions; au moment de sa mort, elle bénéficiait de mesures conservatoires qui avaient été demandées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour sa protection. La situation de Mme Cáceres, ainsi que les violations des droits de l’homme de 13 tribus Tolupanes et d’autres communautés garífunas et lencas, avaient déjà été portées à la connaissance du BIT en 2015. Il déplore la mort de Mme Maria Enriqueta Matute et de MM. Nelson García, Armando Fúnez Medina, Ricardo Soto Fúnez, Luis Reyes Marcia, Erasio Vieda Ponce, dirigeants et membres de communautés indigènes. Il fait observer que ces dix dernières années, plus de 111 défenseurs de l’environnement ont été assassinés en raison de la lutte qu’ils menaient pour défendre les communautés indigènes et garífunas. Le niveau de corruption et l’inefficacité du système judiciaire ne permettent pas d’assurer et de garantir la protection des défenseurs des droits de l’homme. Il espère que la Commission de l’application des normes formule des conclusions qui permettent au gouvernement d’adopter de manière urgente des mesures pour mettre fin à la grave situation de violence et d’impunité généralisée (y compris la création de mécanismes de protection particuliers pour les défenseurs des droits des peuples indigènes) et pour garantir le plein respect de la convention, avec la participation pleine et entière des organisations les plus représentatives des secteurs de la société. Il conclut en demandant qu’une mission du BIT se rende au Honduras aux fins de contrôler et de vérifier l’application des accords pertinents.

Le membre gouvernemental du Mexique, s’exprimant au nom du groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a remercié le gouvernement pour le rapport qu’il a présenté sur l’application de la convention no 169. Il déplore la mort violente de la dirigeante écologiste Berta Cáceres et demande instamment au gouvernement de poursuivre ses efforts pour éclaircir les faits. Par ailleurs, il prend note avec attention des informations données sur l’enquête respective. Il reconnaît les progrès réalisés dans ce cas qui ne figurent pas dans le rapport de la commission d’experts. L’orateur prend note avec intérêt des initiatives visant à adopter prochainement une procédure appropriée pour effectuer des consultations ainsi qu’un avant-projet de loi. Pour ce qui est dudit avant-projet, un processus recherchant le consensus à ce sujet avec les organisations des peuples indigènes, les entreprises privées et les travailleurs a commencé. L’orateur a reconnu les efforts déployés pour régulariser des terres et octroyer des titres de propriété sur ces terres, pour faire appliquer la loi sur les mines, pour protéger le peuple misquito et pour faire bénéficier les peuples indigènes de la sécurité sociale.

Le membre gouvernemental du Panama a indiqué que le Panama souscrit à la déclaration faite au nom du GRULAC et qu’il apporte son soutien au gouvernement hondurien pour les informations communiquées dans son rapport. Il a pris note des efforts déployés et salué l’élaboration, par les organisations de peuples indigènes, les employeurs et les travailleurs, d’un avant-projet de loi. Il a félicité le gouvernement d’avoir accordé des titres de propriété pour une superficie de plus d’un million d’hectares, titres qui concernent 9 459 familles et 175 communautés. Il l’a également félicité de maintenir ouvertes les voies de consultation, notamment la commission interinstitutionnelle de soutien aux plongeurs et de prévention des problèmes posés par la pêche sous-marine (CIAPEB). Il a souligné à nouveau que le Panama, qui assume par intérim la présidence du Conseil des ministres d’Amérique centrale et de République dominicaine (COMISCA), juge préoccupant le fait que le Honduras, le Guatemala et El Salvador figurent dans la liste de cas individuels. D’après lui, il n’y a pas de critères objectifs et transparents de sélection permettant d’expliquer les raisons de ce choix, d’autant plus que la représentation de la région dans cette liste montre un déséquilibre par rapport aux autres régions.

Le membre travailleur de la Colombie a noté que l’obligation de consultation préalable n’est pas réellement appliquée au Honduras et qu’il n’y a pas de lien direct entre les licences environnementales qui sont délivrées avec les consultations préalables qui sont réalisées. En Amérique latine, il y a de plus en plus de conflits en raison de l’exploitation de ressources naturelles sur des territoires indigènes. Les Etats octroient en concession à des entreprises minières des territoires de peuples indigènes sans prendre en compte le fait que ces activités affectent le mode de vie de ces peuples. Des pays comme le Honduras affirment que les investissements miniers et pétroliers, entre autres, permettent de développer le pays, mais presque toujours, ce développement ne bénéficie pas aux communautés indigènes. Le cas du Honduras comporte au moins trois éléments que la Commission ne saurait perdre de vue: i) le caractère obligatoire de la convention no 169 est remis en question; ii) des projets de loi sont élaborés pour réglementer la consultation préalable sans participation réelle des communautés indigènes; et iii) il y a constamment des violations des droits fondamentaux de dirigeants écologistes. L’orateur exprime sa profonde préoccupation en raison de la mort de la dirigeante indigène Berta Cáceres et de la persistance des persécutions et des assassinats de dirigeants de mouvements de défense des droits de l’homme au Honduras. L’orateur a exhorté le gouvernement à respecter la convention et à garantir la vie et l’intégrité des dirigeants indigènes.

Le membre travailleur de l’Uruguay a exprimé sa solidarité avec le peuple hondurien, au vu des graves accusations portées. Il a condamné l’assassinat de Mme Berta Cáceres et rappelé que l’un de ses principaux combats concernait la défense du territoire lenca, par le biais de la consultation prévue dans la convention no 169 et la mise en œuvre de cette dernière. La consultation préalable suppose que l’on tient compte de l’avis des organisations de la société civile. En outre, au Honduras, les politiques favorables à l’extraction minière et les villes dites «modèles» s’imposent peu à peu, sans la moindre consultation et en l’absence la plus totale de réglementation. L’orateur a fait état de plaintes pour corruption au sein des forces armées et de la police, de l’assassinat de plus d’une centaine de militants des droits sociaux ces dernières années, de l’abandon total de zones et de peuples, ainsi que de l’incrimination et de la persécution qui visent constamment les dirigeants syndicaux.

Le membre gouvernemental de la Norvège a observé qu’il y avait des incertitudes au sujet des procédures appropriées pour la consultation et la participation prévues par la convention. Faisant remarquer que la Norvège a été le premier pays à ratifier la convention no 169, il a partagé certaines des expériences de son pays, notamment l’établissement en 1989 du Parlement sami comme organe politique représentatif pour le peuple autochtone de la Norvège. Il déclare que le gouvernement et le Parlement sami ont convenu de procédures sur la manière de mener des consultations conformément à la convention et que le gouvernement a produit des procédures d’autorités gouvernementales avec le Parlement sami qui s’inscrivent dans le contexte des obligations de la Norvège conformément à la convention et respectent les droits substantiels des peuples indigènes, y compris le droit à la terre. Expliquant que ces consultations sont considérées comme un processus permanent par la mise en place de mécanismes réguliers et institutionnalisés pour le dialogue entre l’Etat et le Parlement sami au sujet de nombreuses questions qui peuvent affecter les intérêts Sami, y compris l’utilisation concurrentielle des terres et des droits, il déclare qu’une telle approche construisait petit à petit la confiance et favorisait les relations collaboratives. Tout en reconnaissant que l’accord entre le Parlement sami et le gouvernement n’est pas encore conclu, il insiste sur le fait que les mécanismes de consultation permettent au Parlement sami de renforcer leur position en tant que porte-parole compétent pour les samis. Le représentant gouvernemental a souhaité que l’expérience de la Norvège inspire d’autres pays à ratifier et mettre en œuvre la convention no 169.

Le membre travailleur de la République bolivarienne du Venezuela a estimé que l’application de la convention ne doit pas se limiter à quelques articles conçus pour servir en fonction de la demande des entreprises privées nationales et transnationales avec l’appui du gouvernement hondurien. Il est impossible de passer outre la consultation qui représente un mécanisme offrant aux peuples indigènes la possibilité de prendre des décisions sur les terres qui leur appartiennent et sur le sort qu’il convient de leur réserver. Le COHEP compte instaurer, avec l’appui du gouvernement, une loi qui contourne la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui revient à rejeter la convention no 169. L’objectif visé consiste à s’approprier les recours concernant les 1 032 793, 18 hectares qui appartiennent aux peuples Lenca, Chortí, Misquito et Garífuna. Par ailleurs, il a dénoncé la persécution, la torture, l’enlèvement et l’assassinat de dirigeants indigènes et sociaux, comme par exemple Berta Cáceres. Il a demandé à la Commission de l’application des normes d’organiser l’envoi d’une mission du BIT qui puisse venir en aide dans les efforts accomplis en vue du respect de la convention.

Le membre travailleur des Etats-Unis a expliqué que, lors de la visite d’une délégation de la Confédération syndicale d’Amérique (Trade Union Confederation of the Americas) au Honduras peu de temps après l’assassinat de Berta Cáceres, à laquelle il participait, il a constaté que le gouvernement ne manifeste pas la volonté nécessaire pour établir la confiance et le dialogue avec les communautés indigènes. Contrevenant à la législation hondurienne, le ministère public a même ignoré plus d’une douzaine de dossiers déposés par les victimes et les familles. Depuis le coup d’Etat de 2009, les niveaux de violence, de corruption et de défiance ont empêché le processus de consultation et de concertation requis par la convention, qui devrait inclure la participation à la formulation, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans et des programmes visant les communautés. Il existe toutefois un consensus sur le fait qu’il est urgent pour le pays de se doter d’une loi permettant d’appliquer la convention, et deux projets de loi sont actuellement examinés par le Congrès. Ils sont l’occasion pour le gouvernement de commencer à bâtir la paix et à réduire les conflits. Le BIT pourrait apporter son concours à ce processus pour s’assurer qu’il est conforme aux principes de recherche de consensus et de respect des communautés indigènes énoncés dans la convention.

Le membre employeur du Chili a réitéré l’appel lancé par le COHEP pour que le gouvernement du Honduras établisse, après consultation des peuples indigènes et des acteurs sociaux, une norme légale qui régisse la consultation autochtone, telle que le prévoit la convention. Cela devrait contribuer à la reconnaissance des droits et des obligations de toutes les parties impliquées dans l’application de la convention, ce qui aura des conséquences positives au niveau de la sécurité juridique et de la viabilité des projets d’investissement. Toute réglementation doit établir de manière catégorique que l’obligation de réaliser la consultation autochtone incombe à l’Etat, précisant que la consultation doit être réalisée de bonne foi, de manière informée et avec l’intention de parvenir à un accord, sans pour autant que le résultat de la consultation ait un caractère contraignant. La convention doit être un instrument du dialogue social avec les peuples indigènes et il faut se garder de l’instrumentaliser, le détournant de ses objectifs de départ. Il se déclare préoccupé par la demande formulée par la commission d’experts au sujet de consultations réalisées préalablement au lancement ou à l’autorisation de programmes de prospection ou d’exploitation de ressources existantes sur les terres qu’ils occupent, considérant que celle-ci outrepasse son mandat. Il rappelle les difficultés auxquelles a donné lieu la publication du rapport de 2009 de la commission d’experts. Il termine en rappelant qu’il est nécessaire de progresser grâce au dialogue en vue de la traduction en droit interne de la convention et que cela constituera la meilleure garantie d’une interprétation et d’une application équilibrées de ses dispositions.

La membre travailleuse de l’Espagne a affirmé que des violations très graves et systématiques de la convention sont commises par le gouvernement. Les communautés indigènes souffrent régulièrement d’actes d’exploitation et de répression, d’un manque d’accès à la justice et voient leurs terres occupées sans qu’elles y consentent librement. Leurs représentants sont victimes de menaces, de violence, de criminalisation et d’assassinats. Depuis le coup d’Etat militaire de 2009, la situation s’est généralisée et n’a de cesse d’empirer. Ces événements se produisent alors que les intérêts des entreprises transnationales qui développent des projets hydroélectriques, miniers, forestiers et agro-industriels sont de plus en plus protégés, quoique ces entreprises ne respectent pas les intérêts légitimes des peuples indigènes. L’assassinat, en mars 2016, de Mme Berta Cáceres, militante internationalement reconnue dans le domaine des droits de l’homme et de l’environnement et responsable autochtone, illustre bien cette situation. Elle a été assassinée après avoir lutté pendant des années contre la construction du barrage d’Agua Zarca, sur le fleuve Gualcarque. Les responsables de son assassinat restent impunis, de même que les responsables des assassinats d’autres responsables indigènes. Le cas du barrage d’Agua Zarca est un exemple caractéristique de la persécution et de la criminalisation dont les militants indigènes font l’objet. Il montre également la manière dont les peuples indigènes ne sont pas consultés au sujet des projets qui affectent leurs terres. Il est nécessaire de supprimer les privilèges, les traitements de faveur, le manque de transparence et les restrictions à la démocratie pour pouvoir prévenir les violations des droits de l’homme, mener des enquêtes à leur sujet, et traduire en justice et sanctionner les responsables. L’intervenante exhorte la commission à contribuer à ce que le Honduras s’acquitte immédiatement de ses obligations au titre de la convention.

La membre gouvernementale de la République dominicaine s’est associée à la déclaration du GRULAC et du COMISCA. Elle approuve le rapport sur la convention no 169 que le gouvernement a transmis. Elle reconnaît les efforts consentis par le gouvernement pour garantir la protection des droits fondamentaux au travail et la sécurité sociale des peuples indigènes. Elle déplore la mort de la militante écologiste, Berta Cáceres, et exhorte le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de garantir le respect des normes internationales du travail. Elle a invité le gouvernement, les travailleurs, les employeurs et les peuples indigènes à unir leurs efforts pour y parvenir.

La membre gouvernementale d’El Salvador a souscrit à l’intervention du GRULAC et remercié le gouvernement pour les informations qu’il a communiquées sur l’application de la convention. Elle a relevé que ces renseignements montraient la volonté du gouvernement de disposer, à brève échéance, d’une procédure adéquate de consultation, volonté qui se traduit par un avant-projet de loi pour lequel un processus consensuel est engagé entre organisations de peuples indigènes, entreprises privées et travailleurs. Elle a pris note avec satisfaction du fait que le Honduras a dit vouloir poursuivre ses efforts en matière d’assainissement et d’établissement de titres de propriété, appliquer la loi sur le secteur minier, protéger le peuple misquito et assurer la sécurité sociale des peuples indigènes.

Le représentant gouvernemental a fait état des progrès qui ont déjà été communiqués à la commission d’experts. Il a mentionné également la création d’un fonds fiduciaire pour le financement de projets productifs, l’élaboration d’un protocole de soins pour les patients souffrant du syndrome de décompression, et la diffusion des réformes du Règlement de la sécurité et de la santé au travail dans le secteur de la pêche sous-marine. Il a rappelé que le projet de loi sur les consultations préalables libres et informées est actuellement en cours de consultation auprès de chacun des peuples indigènes et afro-honduriens, à la suite de quoi il sera présenté pour consultation aux employeurs et aux travailleurs. Il a sollicité à cette fin l’assistance technique du BIT. L’orateur a déclaré une nouvelle fois que son gouvernement condamnait l’assassinat de Mme Berta Cáceres et qu’il tenait à manifester sa solidarité à sa famille et au peuple hondurien. Il a confirmé qu’il ne tolère pas et ne tolèrera jamais les actes de violence, en particulier à l’encontre des défenseurs, hommes ou femmes, des droits de l’homme. Il a rappelé que le personnel judiciaire avait réagi rapidement et vigoureusement au meurtre de Mme Cáceres, en procédant immédiatement à la capture et au jugement des auteurs présumés. Il a observé que l’Etat du Honduras avait prouvé qu’il était déterminé à assurer la protection des droits de l’homme, en adoptant la politique et le plan d’action national en matière de droits de l’homme et en demandant au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme d’ouvrir un bureau national dans le pays. Il a observé que des expériences menées en matière de dialogue social ont été couronnées de succès, notamment celle de l’approche concernant la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947. Il a invité les représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs à discuter, au sein du Conseil économique et social (CES), un plan d’action pour le respect de la convention.

Les membres travailleurs ont affirmé que la vie au Honduras est marquée par un état de menace de mort permanente. Les dirigeants d’organisations sociales et de syndicats y sont assassinés et persécutés, d’autant plus lorsqu’il s’agit de peuples indigènes. L’Etat et les particuliers protégés par les autorités de police font régner la violence dans le pays au mépris des garanties des droits et des vies des victimes et de leurs familles. Les processus de développement d’initiatives privées menacent les terres des peuples indigènes ainsi que leurs moyens de subsistance, en les excluant et en les isolant. En outre, il faut mentionner les processus d’usurpation dans lesquels les indigènes sont signalés comme les usurpateurs de leurs propres terres, avec la complicité du gouvernement. Au Honduras, différents secteurs, comme l’industrie de l’huile de palme, la construction d’infrastructures, les projets d’extraction minière, ainsi que des producteurs privés, écrasent les communautés indigènes en toute impunité. Selon les membres travailleurs, la commission doit prier le gouvernement: i) de garantir, s’agissant de la violence dont sont victimes les peuples indigènes, la réalisation immédiate d’enquêtes judiciaires indépendantes afin de déterminer les responsabilités et de sanctionner les responsables, notamment la réalisation d’une enquête indépendante par un groupe d’experts relevant de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur l’assassinat de Mme Berta Cáceres; ii) de mettre effectivement en œuvre le droit à la consultation, en assurant la participation pleine et effective de tous les peuples indigènes – selon les organes de l’OIT, l’organisation d’une simple réunion d’information lors de laquelle les peuples indigènes sont écoutés, sans qu’ils puissent influer sur les décisions qui seront adoptées, n’est pas conforme aux dispositions de la convention; iii) de reconsidérer toutes les concessions octroyées dans les territoires indigènes sans le consentement préalable des communautés touchées, notamment les barrages hydroélectriques, les activités extractives, les activités agro-industrielles et les grands projets forestiers; et iv) de procéder, avec l’assistance technique du BIT, à une révision de la loi générale sur les industries extractives, en vue d’apporter des modifications appropriées permettant de garantir sa conformité avec la convention. En conclusion, les membres travailleurs ont prié la commission d’envisager la possibilité d’envoyer une mission de contact direct dans le pays.

Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations qu’il a fournies. Selon lui, il est nécessaire de prier le gouvernement de prendre, sans délai, les mesures ci-après: i) en consultation avec les partenaires sociaux et les peuples concernés, traduire dans la législation interne le droit de consultation qui est énoncé dans la convention no 169; ii) donner des informations sur les progrès accomplis dans le processus de délivrance de titres fonciers aux peuples indigènes, en indiquant de manière détaillée les zones géographiques octroyées; et iii) donner des informations sur le programme visant à engager davantage d’inspecteurs du travail dans les régions productrices de café et dans les régions misquita, ainsi que sur les résultats de ce programme en ce qui concerne l’amélioration des conditions de travail des peuples indigènes dans ces régions.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.

La commission a exprimé sa préoccupation devant l’absence de progrès en ce qui concerne la nécessité de réglementer la question des consultations préalables.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié instamment le gouvernement de:

  • - assurer la mise en œuvre de la convention dans un climat de dialogue et de compréhension exempt de violence;
  • - réglementer sans délai, en concertation avec les partenaires sociaux, conformément à l’article 6 de la convention no 169, les conditions requises des consultations des peuples autochtones de sorte que ces dernières soient menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d’obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées. A cette fin, le gouvernement peut se prévaloir de l’assistance technique du BIT;
  • - informer la commission d’experts, à sa prochaine session, des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la convention, en droit et dans la pratique, notamment la loi générale minière.

Le représentant gouvernemental a pris note des conclusions et des recommandations de la commission, qui seront communiquées au plus haut niveau de l’Etat en vue d’une prompte mise en œuvre.

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