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Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1982)

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La commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Fédération des chambres et associations de commerces et productions du Venezuela (FEDECAMARAS), reçues le 3 septembre 2015; des observations de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), reçues le 2 septembre 2015. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires sur ces observations. La commission prend également note des observations de l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE), reçues le 2 octobre 2015, et de la réponse correspondante du gouvernement. La commission note également les observations supplémentaires de la FEDECAMARAS, soutenues par l’OIE, reçues le 30 octobre 2015 ainsi que la réponse correspondante du gouvernement. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport au sujet des observations de l’OIE et de la FEDECAMARAS de 2014 qui avaient trait notamment au placement en détention pendant douze heures du président de la Confédération vénézuélienne des industriels (CONINDUSTRIA), M. Eduardo Garmendia, ainsi qu’à la surveillance et au harcèlement de l’ex-président de la FEDECAMARAS, M. Jorge Roig.
La commission note qu’une plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT par un groupe de délégués employeurs à la Conférence internationale du Travail de 2015, alléguant l’inexécution de la convention par la République bolivarienne du Venezuela, a été jugée recevable et que le Conseil d’administration en est actuellement saisi.
La commission prend note des conclusions rendues par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2254 – dans lequel les plaignants sont l’OIE et la FEDECAMARAS – ainsi que dans les cas nos 3016, 3059 et 3082 – dans lesquels les plaignants sont des organisations syndicales.

Suite des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 104e session, juin 2015)

La commission note que, en juin 2015, la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail a formulé, aux termes de son examen de l’application de la convention par la République bolivarienne du Venezuela, les conclusions reproduites ci-après:
La commission a prié instamment le gouvernement de: i)  donner effet sans délai aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau qui s’est rendue au Venezuela en janvier 2014 et au plan d’action proposé par cette dernière; ii) cesser immédiatement de perpétrer des actes d’ingérence, d’agression et de stigmatisation à l’encontre de la FEDECAMARAS, ses organisations affiliées et ses dirigeants; iii) mettre un terme à l’impunité pour les crimes commis en particulier contre les travailleurs du secteur de la construction, y compris en adoptant un système de recrutement clair et efficace; iv) réviser la pratique consistant à fournir aux autorités publiques les listes des personnes affiliées à un syndicat; v) mettre un terme à l’intervention du Conseil national électoral dans les élections syndicales; vi) instaurer sans délai le dialogue social, via la création d’une instance de dialogue tripartite sous l’égide de l’OIT, présidée par une personnalité indépendante jouissant de la confiance de tous les secteurs, dont la composition respecte la représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs; et vii) présenter un rapport détaillé à la commission d’experts pour sa réunion de novembre-décembre 2015.
La commission prend note que les rapports et conclusions du Comité de la liberté syndicale et de la Commission de l’application des normes ont, lors de l’examen des informations communiquées par le gouvernement, pris compte du rapport de la mission tripartite de haut niveau qui s’est rendue dans le pays du 27 au 31 janvier 2014 afin d’examiner toutes les questions restant pendantes évoquées dans le cas no 2254 en instance devant le Comité de la liberté syndicale (ayant trait à des actes de violence ou de harcèlement commis contre des dirigeants patronaux, de graves divergences dans le dialogue social, y compris l’absence de consultation sur des lois du domaine social et du travail, la promotion d’organisations parallèles, etc.) et du plan d’action proposé par la mission au sujet des problèmes soulevés, plan qui a été entériné par le Conseil d’administration à sa session de mars 2014. La commission observe avec préoccupation que l’examen des suites données aux conclusions de l’un et l’autre organes susmentionnés et à ce plan d’action ne fait pas apparaître, pour l’heure, de résultats satisfaisants. La commission note que, dans ses rapports de mars et juin 2015, le Comité de la liberté syndicale a exprimé sa profonde préoccupation devant l’absence de tout progrès suite à ses recommandations et, plus particulièrement, qu’il a été saisi de nouvelles allégations de l’OIE et de la FEDECAMARAS dénonçant de nouveaux actes d’intimidation et de stigmatisation commis contre cette dernière et ses dirigeants, jusque et y compris en avril 2015. Dans leurs observations, l’OIE et la FEDECAMARAS déclarent que le gouvernement persiste à ignorer les recommandations formulées par la mission tripartite de haut niveau, la commission et la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2015 et qu’il persiste à ne pas appliquer le plan d’action élaboré par ladite mission et entériné par le Conseil d’administration.
Libertés publiques et droits syndicaux. Actes de violence et d’intimidation commis contre des dirigeants patronaux et des dirigeants syndicaux et contre des organisations d’employeurs. La commission se félicite de noter, à propos d’une affaire de séquestration momentanée de dirigeants patronaux – MM. Ernesto Armando Villasmil, Luis Enrique Villega Civira et Noel Vidal Alvarez Camargo – et de lésions corporelles par agression sur la personne de Mme Albis Muñoz, ex présidente de la FEDECAMARAS remontant à 2010, que cette organisation fait savoir que l’un des inculpés a été condamné à quatorze ans et huit mois de prison pour les chefs de séquestration momentanée, homicide et vol en réunion, combinés à ceux d’enlèvement et d’association dans un but de délinquance, condamnation tenant compte de l’admission de culpabilité. La commission exprime le ferme espoir que le jugement du deuxième inculpé (actuellement en détention, selon le gouvernement) en cause dans cette affaire sera rendu prochainement et elle reste dans l’attente de ce jugement.
La commission prend note des observations de la CTV selon lesquelles, en avril 2015, soit quatre ans après l’assassinat de Tomas Rangel, président de l’UNETE de l’Etat de Barinas, Ramon Jimenez, dirigeant syndical, a été assassiné, et MM. José Salazar (syndicaliste de l’UNETE) et William Lizardo (président de la Fédération nationale des travailleurs de la construction – FETRACONSTRUCTION, une organisation affiliée à la CTV) ont été blessés.
La commission prend note des observations de l’UNETE concernant la violence antisyndicale, dans lesquelles cette organisation signale que, de janvier à septembre 2012, ont été dénombrés 65 assassinats de syndicalistes dans le secteur de la construction et que, comme l’indique le rapport de l’Observatoire vénézuélien des conflits du travail, le degré d’impunité atteint depuis des années est considérable. La commission observe que l’UNETE n’a fourni ni les noms de ces syndicalistes ni de précisions additionnelles sur les faits allégués.
La commission prend note des observations de l’OIE et de la FEDECAMARAS selon lesquelles, aux accusations dirigées contre cette dernière par les autorités et à la campagne de discrédit menée contre elle et ses dirigeants en l’accusant de mener une guerre économique contre le gouvernement, il s’ajoute aujourd’hui des mesures de répression et de privation de liberté exercées par les services de renseignement du gouvernement contre un grand nombre de dirigeants d’entreprise et de dirigeants d’organisations d’employeurs sous prétexte (en particulier depuis septembre 2014) d’hypothétiques actes délictueux de conspiration, d’accaparement, de boycott ou d’intimidation du public, mesures exercées au mépris total des droits de la défense. Des cas spécifiques sont cités, où le nom de certains dirigeants employeurs apparaît dans de récentes conclusions du Comité de la liberté syndicale. Certaines de ces personnes seraient actuellement en prison. Toujours selon l’OIE et la FEDECAMARAS, le gouvernement, et en particulier le Président de la République, a haussé le ton dans ses propos dirigés contre la FEDECAMARAS, l’accusant à travers la presse et la télévision d’œuvrer contre le peuple vénézuélien (les documents joints en annexe par ces organisations témoignent d’une agressivité particulière). L’OIE et la FEDECAMARAS déclarent également que le conseiller de la FEDECAMARAS pour l’Etat de Lara, présidente de la Commission des ingénieurs de ce même Etat, a été arrêté pour avoir évoqué l’éventualité d’une crise et fait actuellement l’objet de poursuites en justice.
La commission prend note des observations de l’OIE et de la FEDECAMARAS du 5 juillet 2015 dénonçant des déclarations particulièrement violentes du Président de la République, des arrestations, accusations et autres actes d’intimidation contre des dirigeants employeurs, incluant l’arrestation le 24 juillet 2015 de M. Fray Roca, dirigeant employeur affilié à la FEDECAMARAS et président de la Fédération vénézuélienne des producteurs de liqueurs et assimilés. L’OIE et la FEDECAMARAS déclarent également que, le 29 juillet 2015, des élections politiques étant imminentes, une ordonnance d’un tribunal prononçait l’expropriation des terrains et bâtiments appartenant aux entreprises de la zone industrielle de Yaguara, mesures affectant des milliers de salariés et compromettant la livraison de 12 000 tonnes de denrées alimentaires, sous le prétexte des besoins d’un projet de construction de logements sociaux. L’OIE et la FEDECAMARAS considèrent que ces initiatives vont dans un sens contraire des recommandations de la mission tripartite de haut niveau de 2014 et des organes de contrôle de l’OIT.
La commission prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles le président de la CONINDUSTRIA, M. Eduardo Garmendia (à propos de qui il avait été allégué un placement en détention pendant douze heures l’année précédente), a été convoqué au siège du Service bolivarien d’intelligence nationale à propos de ses déclarations à un journal sur l’incidence de l’épidémie de chikungunya sur la productivité. L’intéressé n’a pas été placé en détention et, comme lui-même l’a reconnu, a été traité avec égard. S’agissant d’autres allégations faites par la FEDECAMARAS en 2014, le gouvernement nie que M. Jorge Roig, alors président de la FEDECAMARAS, ait fait l’objet d’une quelconque surveillance ou d’un quelconque harcèlement, et il invite l’organisation à donner plus de précisions ainsi que des preuves. La commission invite l’OIE et la FEDECAMARAS à fournir les informations supplémentaires demandées par le gouvernement.
S’agissant des meurtres de syndicalistes, le gouvernement déclare que les auteurs de neuf de ces meurtres ont été condamnés à des peines privatives de liberté, que, trois cas en sont au stade de la procédure de jugement orale et publique et qu’un cas en est au stade de l’instruction judiciaire. S’agissant des huit travailleurs de la CIVETCHI, les intéressés ont admis les faits retenus contre eux et purgent une peine de cinq ans d’emprisonnement pour les délits d’extorsion commis en association. S’agissant des violences dont auraient été victimes les dirigeants patronaux MM. Noel Alvarez, Luis Villega, Ernesto Villasmil et Mme Albis Munoz, le gouvernement réitère à ce propos que deux personnes sont actuellement en prison pour des délits d’enlèvement, de vol et de tentative de meurtre. S’agissant des attaques verbales faites dans les médias contre la FEDECAMARAS par des personnes exerçant les plus hautes fonctions de l’Etat, le gouvernement réitère ses déclarations récurrentes concernant les actes commis par les dirigeants de la FEDECAMARAS par le passé, et il ajoute que, malgré cela, aucun de ses représentants n’a été arrêté et que cette organisation a une longue tradition d’avis exprimés publiquement et d’insultes contre les représentants du gouvernement.
La commission souligne la gravité des questions soulevées concernant les actes de violence, attaques verbales venant des plus hautes instances de l’Etat et diverses formes d’intimidation (détentions momentanées, poursuites pénales, expropriations au détriment de dirigeants employeurs et actes de violence, y compris homicides, commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes). Dans ces circonstances, rappelant que le gouvernement a fait état, dans ses précédents rapports, du meurtre de 13 syndicalistes et deux travailleurs depuis 2008, du placement en détention des auteurs présumés ainsi que des conclusions d’une table ronde tripartite de haut niveau sur la violence dans le secteur de la construction, qui s’est tenue en 2011, la commission prend note avec profonde préoccupation des lésions corporelles consécutives à une agression subie par deux syndicalistes quatre années après le meurtre du dirigeant syndicaliste Tomás Rangel, et elle prie le gouvernement de donner des informations sur les dispositions prises à la suite de la table ronde et sur l’issue des procédures judiciaires en rapport avec les 13 meurtres susmentionnés. D’autre part, la commission invite à nouveau les organisations syndicales à communiquer le nom des 65 syndicalistes qu’elles disent avoir été victimes de meurtre, en même temps qu’un maximum de précisions sur les circonstances de leur mort, notamment toute indication de leur nature antisyndicale. Elle prie le gouvernement de donner des informations détaillées sur les différents cas de détention, d’intimidation et d’ingérence évoqués par les organisations syndicales et par les organisations d’employeurs, et sur les procédures correspondantes. La commission attire l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel les droits reconnus par la convention aux organisations de travailleurs et aux organisations d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, d’intimidation ou de menaces de quelque nature qu’elle soit, en particulier lorsque celles-ci sont dirigées contre des personnes et des organisations qui défendent légitimement les intérêts des employeurs ou des travailleurs dans le cadre prévu par la convention.
Observations d’organisations d’employeurs et de travailleurs sur le dialogue social. La commission prend note des allégations de l’OIE et de la FEDECAMARAS concernant l’absence de dialogue social effectif avec cette dernière, qui constitue l’organisation d’employeurs la plus représentative dans le pays, allégations dont la teneur est résumée ci après. Au cours des quinze dernières années, les pouvoirs votés par l’Assemblée nationale (à travers une «loi d’habilitation») permettant au Président de prendre des décrets qui affectent les intérêts des employeurs ont eu pour effet de rompre le processus de consultation avec la FEDECAMARAS. Ainsi, en 2014, par exemple, 50 décrets d’une telle nature ont été pris, y compris sur des questions telles que le licenciement et la réintégration et, le 15 mars 2015, il a encore une fois été recouru à une loi d’habilitation. L’OIE et la FEDECAMARAS font par ailleurs référence à deux réunions très ponctuelles des autorités avec la FEDECAMARAS sans qu’il n’y ait eu pour autant ni dialogue effectif ni consultation. De l’avis de l’OIE et de la FEDECAMARAS, le gouvernement prétend en outre que l’instauration d’une instance tripartite de dialogue violerait la Constitution, et que la FEDECAMARAS s’exclurait elle-même du dialogue. Selon ces organisations, le gouvernement invoque également les événements de 2002, bien que la FEDECAMARAS ait reconnu publiquement son erreur et présenté ses excuses. Elles ajoutent que, à part quelques récentes réunions ponctuelles – dont les résultats ont été annihilés par des mesures prises subséquemment par les autorités –, les propositions spécifiques faites par la FEDECAMARAS aux autorités en vue de résoudre les problèmes économiques que connaissent plusieurs secteurs, notamment des propositions concernant la révision du régime cambiaire et le contrôle des prix sont restées sans réponse. L’OIE et la FEDECAMARAS affirment que, preuve de la volonté de dialogue de la FEDECAMARAS, son nouveau président est allé rencontrer le premier vice-président de l’Assemblée nationale le 6 août 2015, et les gouverneurs de deux Etats de la République les 13 et 15 du même mois. Cependant, quelques jours plus tard, le président de l’assemblée législative a dénié dans les termes les plus forts que cette rencontre à l’Assemblée législative ait eu une quelconque importance.
Dans sa plus récente communication, en date du 29 octobre 2015, la FEDECAMARAS expose que, en réponse à sa demande écrite du 5 octobre 2015, en rapport avec l’application de la convention, les procédures en cours devant l’OIT et les autres problèmes concernant les employeurs, des entretiens avec le ministère du Pouvoir populaire pour le progrès social et le Travail ont eu lieu les 8 et 14 octobre 2015. Selon la FEDECAMARAS, le ministère, de son côté, a manifesté sa volonté de résoudre les affaires de qualification de licenciements et d’accomplir quelques progrès dans le sens des recommandations émises par les organes de contrôle de l’OIT, ainsi que d’évaluer certaines propositions réglementaires que la FEDECAMARAS pourrait présenter sur le développement et l’exécution de la loi organique sur le travail, les travailleuses et les travailleurs (LOTTT). Cependant, selon l’OIE et la FEDECAMARAS, quelques heures après cette réunion du 14 octobre 2015, le gouvernement a de nouveau renié ses engagements en matière de consultation en annonçant unilatéralement un accroissement du salaire minimum, une réforme fiscale ainsi que des modifications aux règles de fixation des prix.
La commission note également qu’il ressort des observations de la CTV et de l’UNETE que l’absence de dialogue social et de consultation affecte également les organisations de travailleurs.
S’agissant du dialogue social, le gouvernement déclare que les mécanismes de protection ne sauraient être limités aux organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives au regard du nombre de leurs adhérents et de l’importance de leur activité syndicale, mais qu’ils doivent au contraire inclure tout l’éventail des employeurs et des travailleurs, alors que l’OIE souhaite imposer un critère de représentativité qui ne serait basé que sur l’affiliation à la FEDECAMARAS, ce qui équivaut à de la discrimination. Le gouvernement ajoute que, dans le pays, des consultations sont menées à tous les niveaux à travers un dialogue social, ample, participatif, inclusif et significatif. De plus, la FEDECAMARAS a eu pour stratégie de ne pas assister à des consultations et des tables rondes, mais cela n’a pas empêché des centaines d’organisations affiliées à la FEDECAMARAS de participer à un dialogue social inclusif, associant également des centaines de petites et moyennes entreprises. De plus, l’Assemblée nationale a favorisé des rencontres avec les entrepreneurs du pays pour la réactivation de l’économie. Plusieurs dirigeants de la FEDECAMARAS se sont félicités des réunions de la Conférence économique pour la paix, des tables rondes et des réunions tenues au sein de l’Assemblée nationale avec les organisations d’employeurs et de travailleurs. S’agissant des 50 décrets-lois pris par le Président en application de la loi d’habilitation de 2014, le gouvernement déclare que ce mécanisme ne limite pas les mécanismes de consultation et de dialogue avec les diverses parties prenantes.
La commission prend note des conclusions suivantes de la mission tripartite de haut niveau de 2014:
La mission souligne que le dialogue inclusif préconisé par la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela est pleinement compatible avec l’existence d’organes tripartites de dialogue social et que, quelles que soient les expériences négatives du tripartisme que le pays a pu connaître dans le passé, elles ne peuvent ni remettre en cause l’application des conventions de l’OIT relatives à la liberté syndicale, à la négociation collective et au dialogue social ni invalider le profit que tire l’ensemble des Etats Membres de l’OIT du tripartisme.
(…) Rappelant, dans le même sens que le Comité de la liberté syndicale, la nécessité et l’importance de la mise en place d’organes structurés de dialogue social tripartite dans le pays, et observant qu’il n’y a pas eu de progrès tangibles à cet égard, la mission estime essentiel que des mesures soient prises sans attendre pour instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Elle encourage vivement le gouvernement à élaborer un plan d’action, assorti d’un calendrier d’exécution précis, qui prévoit:
(…) la constitution d’une table ronde tripartite, avec la participation du BIT, dirigée par un président indépendant jouissant de la confiance de tous les secteurs et dont la composition respecte pleinement la représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs, qui se réunirait de manière régulière afin d’examiner toute question ayant trait aux relations professionnelles choisie par les parties et dont l’un des objectifs principaux serait la réalisation de consultations sur tout nouveau projet de loi concernant les questions relatives au travail et les questions sociales et économiques (y compris dans le cadre de la loi d’habilitation). Les critères de représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs doivent être déterminés selon des procédures objectives qui respectent pleinement les principes établis par l’OIT. La mission estime donc important que le gouvernement puisse faire appel à l’assistance technique du Bureau pour définir ces critères et procédures; …
La commission rappelle avoir relevé dans ses commentaires précédents (2014) que le gouvernement n’avait pas donné suite aux conclusions de la mission et aux recommandations correspondantes du Conseil d’administration et qu’il n’y avait pas de volonté d’instaurer un quelconque mécanisme tripartite.
La commission constate qu’il y a eu en 2015 certaines réunions ponctuelles entre les autorités et la FEDECAMARAS, mais elle souligne que cela est encore loin d’un dialogue social solide et continu.
La commission s’était exprimée dans le même sens que la mission tripartite de haut niveau (2014) sur la nécessité et l’importance de la mise en place d’organes structurés de dialogue social tripartite dans le pays, ce qui serait pleinement compatible avec le dialogue inclusif préconisé par la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela. Tout en prenant note de l’ensemble des informations communiquées, la commission prie instamment le gouvernement, en application de la décision du Conseil d’administration de mars 2014, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la constitution d’une table ronde tripartite telle que visée au paragraphe 54.2) du rapport de la mission, en veillant à ce que sa composition respecte dûment la représentativité des organisations d’employeurs et de travailleurs. A cet égard, la commission rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau. En l’attente de la création de cet organe, la commission prie le gouvernement de soumettre à des consultations substantielles avec les organisations d’employeurs et de travailleurs représentatives tous les projets de lois ou de règlements rentrants dans leur domaine de compétence. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toute évolution à cet égard. La commission exprime sa préoccupation devant le recours réitéré à des lois de l’Assemblée législative qui habilitent le Président de la République à prendre des décrets-lois dans le domaine du travail et sur des questions économiques ou sociales qui ont une incidence pour les organisations d’employeurs et de travailleurs, procédés qui, dans la pratique, éludent les consultations avec la FEDECAMARAS et avec les organisations de travailleurs critiques à l’égard de la politique du gouvernement.
Articles 2 et 3 de la convention. Dispositions de la législation contraires à l’exercice des droits syndicaux et à l’autonomie des organisations. S’agissant de l’obligation imposée aux syndicats de communiquer la liste nominative de leurs affiliés au Registre national des organisations syndicales (art. 388 de la LOTTT), le gouvernement insiste sur le point que cette règle a pour objet de garantir la protection des syndicalistes qui jouissent de l’immunité syndicale, conformément à l’article 419 de la LOTTT. La commission considère que cet argument n’est pas convaincant, puisque cette obligation vise tous les adhérents et non seulement la catégorie mentionnée par le gouvernement et qu’elle porte atteinte au principe de confidentialité de l’appartenance syndicale, élément qui ne devrait être communiqué aux autorités qu’avec le consentement des intéressés. La commission souligne à ce propos que, dans les procédures administratives ou judiciaires, il incombe aux affiliés de faire valoir leur affiliation syndicale lorsqu’ils allèguent être l’objet de mesures discriminatoires. La commission souligne que cela est particulièrement important dans le contexte d’extrême polarisation politique qui caractérise le pays et qui se manifeste à travers le soutien variable des organisations syndicales à l’égard des politiques gouvernementales, en particulier lorsque l’employeur est un organisme public. Rappelant que le gouvernement peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires en vue d’une révision de l’article 388 de la LOTTT dans le sens indiqué.
S’agissant du refus de l’enregistrement opposé, selon l’UNETE, à la plupart des nouvelles organisations, ainsi que de l’obligation de conformer les statuts des syndicats à des exigences légales arbitraires (par exemple, d’imposer le principe de représentation proportionnel ou d’imposer aux organisations syndicales des attributions et des finalités étrangères à leur nature) (art. 367 et 368 de la LOTTT), le gouvernement déclare que cette situation existait déjà avec la législation précédente et que cela n’avait pas suscité de remarque de la part de l’OIT et, de surcroît, que la LOTTT est le fruit de consultations populaires auxquelles ont participé des organisations syndicales et patronales diverses, qui l’ont soutenue. Le gouvernement communique des statistiques sur l’enregistrement des organisations syndicales (443 par an, avec une progression du taux d’affiliation de 6 pour cent en 1998 à 17 pour cent aujourd’hui, ce qui correspond à plus de 2 300 000 travailleurs syndiqués). La commission souligne que les articles 367 et 368 de la LOTTT portent atteinte au principe de non ingérence des autorités dans les affaires internes des organisations syndicales. Prenant note avec préoccupation de récentes observations de l’UNETE concernant des obstacles et des délais excessifs affectant non seulement l’enregistrement de dix organisations syndicales (question non encore résolue), mais également 13 cas concrets de refus d’enregistrement évoqués par l’UNETE dans sa plus récente communication, la commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet et de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, en vue de modifier les articles 367 et 368 de la LOTTT.
La commission note que la CTV confirme la pertinence des commentaires de la commission quant à l’ingérence du Conseil national électoral (CNE) dans les élections syndicales, qui retarde ou entrave ces élections, comme dans le cas de la Fédération des travailleurs de l’Etat d’Apure (FETRAAPURE) ou de la CTV elle-même (laquelle déclare n’avoir reçu aucune réponse de la part des autorités depuis décembre 2013 concernant des modifications de ses statuts, silence auquel se heurtent également la plupart de ses organisations affiliées).
S’agissant de l’ingérence alléguée du CNE, le gouvernement réitère ses déclarations antérieures, arguant que, dans les cas où aucune élection syndicale n’a eu lieu, ce qui constitue une infraction à l’obligation constitutionnelle relative à cet aspect, le comité exécutif du syndicat ne peut pas discuter sur des conventions collectives alors que son mandat est échu. Le gouvernement ajoute que le CNE est un pouvoir de l’Etat autonome et indépendant qui veille au droit d’élire et d’être élu par le biais de la participation démocratique et vitale des travailleurs (contrairement à ce qui avait lieu par le passé) dans les procédures d’élections syndicales. Quant aux raisons pour lesquelles le congrès de la Centrale des travailleurs du Venezuela (CTV) a été déclaré nul par le CNE en 2001, le gouvernement déclare que ce congrès avait été entaché d’irrégularités (selon lui, les procès-verbaux de la CTV ne reflétaient pas le nombre des votes exprimés pour chacun des organismes élus; des incohérences ont été constatées dans la comptabilisation des voix telle que présentée, et les documents électoraux avaient disparus après les élections). La commission observe que le gouvernement ne répond pas aux allégations de la CTV concernant les ingérences commises en 2013 concernant la libre rédaction de ses statuts syndicaux.
Quant à l’autonomie du CNE, la commission observe cependant que, dans une autre partie de son rapport, le gouvernement attribue au pouvoir électoral à travers les commissions créées (par exemple le CNE) la compétence de recevoir et valider l’acte de décompte, attribution et suffrage présenté par chaque organisation syndicale; le gouvernement nie que les articles 387, 395, 403 et 410 de la LOTTT restreignent la liberté d’élection des représentants syndicaux.
La commission rappelle que le CNE, sans être un organe judiciaire, tranche les recours qui lui sont soumis. Réitérant que les élections syndicales relèvent des affaires internes des syndicats dans lesquelles les autorités, y compris à travers le CNE, ne devraient pas s’ingérer, la commission se réfère à ses recommandations antérieures et prie une fois de plus le gouvernement de prendre des mesures propres à ce que: i) les règles en vigueur prévoient que ce soit l’autorité judiciaire qui tranche les recours concernant les élections syndicales; ii) soit abrogé le principe selon lequel un retard des élections syndicales disqualifie une organisation syndicale de participer à la négociation collective; iii) soit abrogée l’obligation de communiquer au CNE le calendrier électoral; iv) soit abrogée la publication dans la Gazette électorale des résultats des élections syndicales comme condition de la reconnaissance de celle-ci.
En outre, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre des mesures visant à la révision des dispositions suivantes de la LOTTT qui restreignent le droit des organisations syndicales d’organiser librement les élections de leurs représentants: i) l’article 387, qui subordonne l’éligibilité des dirigeants à la condition d’avoir convoqué dans les délais les élections syndicales lorsqu’ils étaient dirigeants d’une autre organisation syndicale; ii) l’article 395, qui dispose que l’omission, de la part des adhérents et adhérentes, du versement de leurs cotisations ne prive pas les intéressés de leur droit de vote; iii) l’article 403, qui impose un système de vote prévoyant un scrutin uninominal pour l’élection de l’instance dirigeante et la représentation proportionnelle; et iv) l’article 410, qui impose la tenue d’un référendum pour la destitution de dirigeants syndicaux. La commission prie le gouvernement de donner des informations sur toute évolution à cet égard.
Article 3. Restrictions du droit des organisations d’organiser librement leur activité. S’agissant de la compétence attribuée au ministère du Pouvoir populaire chargé du travail de déterminer les activités essentielles devant être maintenues en cas de grève lorsque les parties ne se sont pas mises d’accord, le gouvernement déclare qu’une telle décision peut être déférée devant l’autorité judiciaire. S’agissant de l’article 494 de la LOTTT, relatif à la désignation des membres du conseil d’arbitrage en cas de grève (afin de garantir les services essentiels) par l’inspecteur du travail, le gouvernement déclare qu’une telle désignation n’intervient que lorsque les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord.
S’agissant des questions soulevées par l’UNETE et l’Alliance syndicale indépendante (ASI) relatives à la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services et à la loi sur les coûts et les justes prix, le gouvernement déclare que leur finalité ainsi que les infractions qu’elles prévoient pour la protection du peuple sont le garant du bien-être collectif et de la consolidation économique du modèle socialiste, et que ces instruments ont permis de faire face à la guerre économique et empêcher la déstabilisation de la situation économique du pays. Il déclare que de telles lois ne limitent pas les droits des travailleurs et que le droit de grève est consacré par la Constitution et par la LOTTT (laquelle consacre en outre l’immunité syndicale). Ce que ces lois interdisent essentiellement c’est le boycott qui cherche à enrayer le processus productif des entités de travail (ce qui n’est pas le cas de la grève). La commission souhaite souligner que la formulation des lois en question est extrêmement large, de sorte qu’il serait pleinement justifié que ces lois disposent expressément qu’elles ne s’appliquent pas dans les cas de grève. La commission souligne, comme elle l’a fait dans son observation précédente, le caractère extrêmement étendu des finalités attribuées aux organisations syndicales (et patronales) dans les articles 367 et 368 de la LOTTT, finalités qui incluent de nombreuses responsabilités qui sont propres aux autorités publiques. En conséquence, la commission prie une fois de plus le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs représentatives, pour que les articles 367 et 368 de la LOTTT soient modifiés dans le sens indiqué, et de la tenir informée de toute évolution à cet égard.
La commission rappelle en outre ses commentaires précédents concernant la nécessité d’attribuer à une autorité judiciaire ou une autorité indépendante et non au ministère du Pouvoir populaire chargé du travail la compétence de déterminer les domaines ou secteurs d’activité qui ne doivent pas être paralysés en cas de grève du fait que cela affecterait la production de biens et de services essentiels, dont l’interruption porterait préjudice à la population (art. 484 de la LOTTT), ainsi que sur le système de désignation des membres du conseil d’arbitrage en cas de grève dans les services essentiels suivant une procédure de nature à garantir la confiance des parties dans ce système étant donné que, selon la législation en vigueur, si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, les membres du conseil d’arbitrage sont désignés par l’inspecteur du travail (art. 494). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau à cet égard.
Considérant l’ensemble des éléments évoqués dans les observations des organisations de travailleurs et d’employeurs et dans les commentaires du gouvernement, la commission fait siennes les conclusions et recommandations de la Commission de l’application des normes de la 104e session de la Conférence (juin 2015), de même que celles du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2254 considérant comme extrêmement grave et urgente la situation dans ce pays au regard de l’application de la convention. La commission prie instamment le gouvernement de mettre en œuvre sans délai le plan d’action proposé par la mission tripartite de haut niveau et approuvé par le Conseil d’administration et de donner effet à chacune des conclusions adoptées par la Commission de l’application des normes en juin 2015. Elle exprime le ferme espoir qu’il lui sera donné de constater dans un proche avenir des progrès significatifs à cet égard ainsi que par rapport aux diverses demandes formulées dans la présente observation. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2016.]
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