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Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Brésil (Ratification: 1957)

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La commission prend note des observations de l’Association nationale des magistrats de la justice du travail (ANAMATRA) reçues le 16 novembre 2015. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir ses commentaires à cet égard.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. «Travail esclave». La commission s’est précédemment référée aux résultats obtenus dans la lutte contre le travail esclave, qui sévit au Brésil depuis de nombreuses années, à travers les actions menées par des institutions spécialisées comme la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave (CONATRAE) ou le Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM). Elle a également relevé le rôle de la justice du travail qui a condamné les personnes se livrant à cette exploitation à des amendes et des indemnisations substantielles. La commission a encouragé le gouvernement à poursuivre sur cette voie en continuant à prendre des mesures afin de renforcer le cadre législatif et institutionnel de lutte contre le travail esclave.
a) Renforcement du cadre juridique. i) Amendement constitutionnel. Se référant à ses précédents commentaires, la commission note avec intérêt la promulgation en juin 2014 de l’amendement constitutionnel no 81/2014 qui donne une nouvelle rédaction à l’article 243 de la Constitution en prévoyant l’expropriation des biens ruraux ou urbains dans lesquels l’exploitation du travail esclave aura été constatée ainsi que la destination de ces biens à la réforme agraire et aux programmes de logements sociaux. L’expropriation intervient sans indemnisation des propriétaires et sans préjudice de l’application des autres sanctions prévues par la loi. La commission considère que l’adoption de cet amendement constitutionnel, en discussion au Parlement depuis de nombreuses années, constitue un outil important de lutte contre le travail forcé dans la mesure où il contribue à porter atteinte aux intérêts économiques de ceux qui exploitent la main-d’œuvre esclave et à lutter contre le sentiment d’impunité. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les décisions d’expropriations qui ont été prononcées et sur les mesures prises pour assurer leur exécution. Prière en particulier d’indiquer si les fonds tirés des biens expropriés bénéficient directement aux travailleurs qui ont été victimes de travail forcé, concourant ainsi à prévenir leur revictimisation.
ii) Modification de l’article 149 du Code pénal incriminant «la réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave». La commission note que, dans le cadre de la discussion ayant abouti à l’adoption de l’amendement constitutionnel précité, la question de l’incrimination du «travail esclave» prévue à l’article 149 du Code pénal a fait l’objet de débat. Dans son rapport, le gouvernement précise que la pleine application de la nouvelle disposition constitutionnelle dépend de la réglementation par voie législative de ce que le législateur entend par «exploitation du travail esclave» aux fins de l’expropriation.
La commission rappelle à cet égard qu’elle avait noté avec intérêt que les modifications apportées en 2003 à la rédaction de l’article 149 du Code pénal visaient à adapter la législation aux circonstances nationales grâce à l’adoption de dispositions décrivant précisément les différents éléments constitutifs du crime de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave». La commission note qu’un certain nombre de propositions de loi visant à modifier l’article 149 du Code pénal se trouvent en discussion tant au sein de la Chambre des députés que du Sénat. La commission espère donc que le gouvernement ne manquera pas de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que toute nouvelle rédaction de l’article 149 du Code pénal ne constitue pas dans la pratique un obstacle à l’action menée par les autorités compétentes pour identifier et protéger les victimes de toutes les situations relevant du travail forcé et pour sanctionner de manière rapide et appropriée les auteurs de ce crime. A cet égard, la commission incite vivement le gouvernement à consulter les autorités qui, ces dernières années, ont été les plus engagées dans la lutte contre le «travail esclave», et notamment l’inspection du travail, le ministère public du travail et les juridictions du travail ainsi que le ministère public fédéral.
iii) Registre des employeurs. S’agissant de la liste des personnes physiques ou morales reconnues responsables, par décision administrative définitive, d’avoir utilisé de la main-d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage (connue sous le nom de «liste sale»), la commission note que, par décision du 23 décembre 2014, le Tribunal supérieur fédéral a ordonné, à titre de mesure conservatoire, la suspension de la publication de cette liste par le ministère du Travail et de l’Emploi. Cette décision fait suite à l’action en justice d’une association d’entreprises immobilières alléguant l’inconstitutionnalité de la liste au motif notamment que l’existence et le fonctionnement de la liste devraient être réglementés par voie législative et non par arrêté ministériel. La commission note à cet égard que, suite à cette mesure conservatoire, le ministère du Travail et de l’Emploi a adopté un nouvel arrêté ministériel (MTE/SEDH 2/2015) décrivant de manière détaillée le processus d’intégration et de sortie des entités privées de la liste ainsi que la manière dont, au cours de ce processus, les droits de la défense et le principe du contradictoire sont assurés. Suite à cet arrêté, le ministère public fédéral a présenté au Tribunal supérieur fédéral une demande de révision de sa décision de suspension.
La commission rappelle que depuis 2004 cette liste était régulièrement mise à jour et publiée par le ministère du Travail et de l’Emploi et que les personnes qui l’intégraient ne pouvaient pas bénéficier d’aides, de subventions ou de crédits publics. La commission souligne également que cette liste joue un rôle fondamental, puisqu’elle constitue un outil d’information pour la société dans son ensemble, mais également pour les entreprises qui sont ainsi plus à même de contrôler et surveiller leurs chaînes d’approvisionnement. La commission encourage par conséquent vivement le gouvernement à continuer de prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’assurer que la liste des personnes physiques ou morales reconnues responsables d’avoir utilisé de la main-d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage est publiée de manière régulière et transparente.
b) Renforcement de l’inspection du travail. La commission note que, depuis ses premières visites d’inspection en mai 1995, le Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) a libéré près de 50 000 travailleurs en situation de travail esclave. En 2014, 170 visites d’inspection ont été menées concernant 284 établissements, qui ont permis de libérer 1 674 travailleurs. Le gouvernement indique que, pour la première fois en 2013, le nombre de travailleurs identifiés en situation de travail esclave dans le milieu urbain a dépassé le nombre de ceux identifiés dans le milieu rural. En 2014, la construction civile était en tête du classement des secteurs dans lesquels l’inspection du travail a identifié le plus grand nombre de travailleurs en situation de travail esclave, venaient ensuite l’agriculture et l’élevage. Parmi les Etats avec la plus forte incidence de travail esclave ces dernières années se trouvent Minas Gerais, Espíritu Santo et São Paulo. La commission rappelle que, de par sa composition interinstitutionnelle (inspecteurs du travail, représentants du ministère public du travail, de la police fédérale et du ministère public fédéral), le GEFM a démontré qu’il constitue un maillon essentiel de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où ses visites d’inspection permettent non seulement de libérer les travailleurs en situation de travail forcé et de les indemniser, mais également de disposer des preuves qui serviront à initier les poursuites civiles et pénales contre les auteurs de ces pratiques. La commission note à cet égard, d’après les informations communiquées par le gouvernement, que le GEFM ne comprend actuellement que quatre équipes responsables de la question du travail esclave, contre huit en 2009 et cinq en 2010. La commission veut croire que le gouvernement ne manquera pas de prendre toutes les mesures nécessaires pour doter le GEFM des moyens suffisants, tant humains que financiers, pour pouvoir mener à bien sa mission sur l’ensemble du territoire, cela d’autant plus que ce dernier n’est actuellement composé que de quatre équipes qui doivent intervenir dans l’ensemble des secteurs touchés par le fléau du travail forcé.
c) Application de sanctions efficaces. i) Sanctions imposées par l’inspection du travail et les juridictions du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission a demandé au gouvernement de continuer à appuyer l’action des autorités du travail dans la répression du travail esclave (inspection du travail, ministère public du travail et juridictions du travail). Le gouvernement rappelle dans son rapport le rôle important du ministère public du travail qui, à travers l’action civile publique, permet l’imposition d’importantes amendes pour les violations de la législation du travail et, à travers l’action publique collective, l’imposition d’indemnisations pour les préjudices moraux subis par les travailleurs ainsi que pour le préjudice moral collectif subi par la société. Il confirme que, de par leur montant élevé, les indemnisations prononcées dans le cadre de ces procédures se sont révélées être un instrument dissuasif qui rend économiquement désavantageuse l’exploitation du travail esclave. La commission observe cependant que le gouvernement ne fournit aucune information précise sur ces actions judiciaires ni sur leurs résultats. Par conséquent, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer les moyens d’action des autorités de poursuite et judiciaires du travail, sur les amendes et les indemnisations imposées et sur les mesures prises en ce qui concerne leur collecte effective.
ii) Sanctions pénales. La commission observe que le gouvernement reconnaît que l’impunité demeure un défi majeur et que l’action du ministère public fédéral et de la justice fédérale est décisive à cet égard. La commission note cependant avec regret que le gouvernement n’a communiqué aucune information concrète sur les décisions prononcées par la justice fédérale, seule compétente en ce qui concerne l’article 149 du Code pénal. La commission note cependant d’après les informations disponibles sur le site du Procureur général de la République que le Plan stratégique de la justice fédérale pour 2015-2020, adopté en octobre 2014, prévoit parmi ses priorités le jugement des affaires pénales concernant les crimes liés à la traite des personnes et à la réduction d’une personne à une condition analogue à l’esclavage. L’objectif est de juger jusqu’à fin 2015 les actions judiciaires transmises à la justice fédérale jusqu’au 31 décembre 2012. La commission observe à cet égard une augmentation des procédures judiciaires initiées sur la base de l’article 149 du Code pénal qui sont passées de 83 en 2010 à 677 en 2013; les actions pénales quant à elles sont passées de 63 en 2010 à 152 en 2013. La commission relève également qu’en 2012 un groupe de travail sur l’esclavage moderne a été créé au sein du ministère public fédéral qui examine notamment l’amélioration des lignes directrices des investigations criminelles; cela dans le but d’améliorer la collecte des preuves pour pouvoir initier les poursuites judiciaires et, le cas échéant, juger les coupables. La commission rappelle à cet égard que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions pénales réellement efficaces doivent être strictement appliquées aux personnes qui ont imposé du travail forcé. Elle insiste sur l’importance de ces sanctions pénales qui revêtent un caractère dissuasif et sont, avec les sanctions de nature économique, un élément indispensable de la lutte contre la perpétuation du travail forcé. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour s’assurer que ceux qui sont suspectés d’avoir imposé du travail forcé sont effectivement jugés et, s’ils sont reconnus coupables, que des sanctions pénales à la hauteur du crime commis leur sont imposées.
d) Identification, protection et réinsertion des victimes. La commission note que le gouvernement indique qu’il continue à apporter une aide d’urgence et une assistance à moyen terme aux personnes victimes de travail forcé pour faciliter leur réinsertion (prestations de chômage correspondant à trois salaires minimums, priorité d’accès au programme fédéral de redistribution des revenus Bolsa Família). Le gouvernement évoque également la question du recrutement de la main-d’œuvre dans le secteur rural, soulignant que le système public d’emploi peut jouer un rôle dans la prévention du travail forcé en rendant inopérant le rôle de l’intermédiaire gato, et en garantissant aux travailleurs plus de prévisibilité en ce qui concerne leurs droits. Enfin, la commission relève qu’en août 2015 un accord de coopération technique a été signé entre plusieurs entités publiques (ministère du Travail et de l’Emploi, inspection du travail, justice, ministère public) aux termes duquel ces dernières s’engagent à mettre en place un réseau de protection des travailleurs libérés pour leur insertion dans le marché formel du travail, cela à travers la recherche de partenariats public-privé. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour réinsérer les victimes de travail forcé et sur les résultats obtenus. Prière également de fournir des informations sur les actions entreprises pour sensibiliser les travailleurs des régions les plus touchées par le travail forcé sur les risques encourus.
Enfin, la commission rappelle – et les développements qui précèdent le démontrent – que, de par sa complexité, la lutte contre travail forcé requiert une action coordonnée et concertée de nombreuses autorités publiques ainsi que l’implication de la société civile dans son ensemble. La commission prie par conséquent le gouvernement de fournir des informations sur les activités de coordination de la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave (CONATRAE) et sur la manière dont elle a évalué la mise en œuvre des actions prévues dans le plan national pour l’éradication du travail esclave.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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