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Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Gabon (Ratification: 2001)

Autre commentaire sur C182

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La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler ses précédents commentaires.
Répétition
Article 3 a) de la convention. Vente et traite d’enfants et décisions judiciaires. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que, selon les informations contenues dans un rapport de l’UNICEF de 2006 intitulé «La traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre», un certain nombre d’enfants, surtout des filles, sont victimes de la traite interne et transfrontalière pour travailler comme employés de maison ou dans les marchés du pays. Les enfants originaires du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Guinée, du Niger, du Nigéria et du Togo sont victimes de traite vers le Gabon. La commission avait noté que le gouvernement a mis sa législation nationale concernant la vente et la traite des enfants en conformité avec la convention. Elle avait cependant observé que, d’après le rapport du Bureau régional pour l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest de l’UNICEF présenté au Conseil économique et social des Nations Unies au cours de la deuxième session ordinaire de septembre 2010 (E/ICEF/2010/P/L.17, paragr. 21), même s’il existe des politiques et des lois pour protéger les enfants contre la traite et si plusieurs structures sont dotées d’un mandat opérationnel dans ce domaine, la législation n’est pas toujours appliquée et la coordination insuffisante, raisons pour lesquelles la traite représente une grave menace dans le pays. En outre, elle avait noté que 11 procédures judiciaires étaient en cours, la plupart d’entre elles ayant été transmises au parquet général.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle les décisions relatives aux 11 procédures judiciaires n’ont pas encore été rendues. La commission note également les informations du gouvernement selon lesquelles une opération policière a été menée du 6 au 15 décembre 2010 avec la collaboration d’Interpol, au cours de laquelle plus de 38 présumés trafiquants ont été arrêtés. En outre, les forces de police ont arrêté deux hommes de nationalité étrangère qui sont notamment présumés avoir commis la traite d’enfants. En janvier 2012, une femme de nationalité étrangère a été arrêtée pour maltraitance et travail forcé de six enfants. Le gouvernement indique que des poursuites judiciaires ont été entamées relativement à toutes ces arrestations.
La commission note que la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la traite des personnes s’est rendue au Gabon en mai 2012. La commission prend connaissance des conclusions préliminaires de la mission de la Rapporteuse spéciale, dans lesquelles elle remarque qu’il est alarmant qu’à ce jour aucune affaire liée à la traite n’ait été jugée à la Cour criminelle, ce qui contribue à l’impunité dont jouissent les trafiquants qui se livrent à des opérations illicites et clandestines. La Rapporteuse spéciale recommande donc d’améliorer les performances de la justice pour assurer le jugement rapide des cas de traite en convoquant régulièrement la Cour criminelle. La commission exprime sa préoccupation devant le fait que les poursuites judiciaires contre les auteurs présumés de la traite des enfants au Gabon ne semblent pas être traitées par les cours nationales en temps utile. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des personnes qui se livrent à la vente et à la traite d’enfants de moins de 18 ans soient menées à leur terme, conformément à la législation nationale en vigueur, et d’assurer la détermination rapide des cas de traite par les tribunaux. A cet égard, elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations concrètes sur l’application des dispositions relatives à cette pire forme de travail des enfants, en communiquant notamment des statistiques sur le nombre des condamnations et sanctions pénales prononcées, ainsi qu’une copie des décisions de justice relatives aux procédures judiciaires transmises au parquet général, avec son prochain rapport.
Article 5. Mécanismes de surveillance. 1. Conseil de prévention et de lutte contre le trafic des enfants. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement du conseil et des comités de vigilance chargés de la prévention et de la lutte contre le trafic des enfants.
La commission note les informations du gouvernement selon lesquelles le Conseil de prévention et de lutte contre le trafic des enfants est une autorité administrative placée sous la tutelle du ministère des Droits de l’homme. En pratique, la surveillance du phénomène de la traite est assurée par un comité de suivi et des comités de vigilance. Le comité de suivi est le point focal national en matière de lutte contre la traite des enfants et est compétent pour assister le conseil dans ses missions et exécuter ses décisions. Au niveau national, le comité est notamment chargé de coordonner l’élaboration et l’exécution de la stratégie nationale de la lutte contre la traite des enfants. Au niveau international, le comité doit, entre autres, veiller à la mise en place de mécanismes bilatéraux de coopération et d’entraide judiciaire pour la protection des enfants victimes de la traite transfrontalière. Quant aux comités de vigilance, qui ont été institués en 2004 dans le cadre du projet OIT/IPEC/LUTRENA, ils sont chargés de la surveillance et de la lutte contre la traite des enfants aux fins d’exploitation à l’intérieur du pays. Le comité de suivi est l’organisme en charge de planifier et coordonner les activités des comités de vigilance dans les sept provinces où ces comités sont actuellement opérationnels. Les comités de vigilance sont constitués de deux organes, soit: 1) la cellule d’intervention, organe de détection et de répression de la traite des enfants; et 2) la cellule d’écoute, organe d’aide et d’assistance aux enfants victimes de traite. Le gouvernement indique que, dans le cadre de l’opération «Bana», survenue en décembre 2010, une vingtaine d’enfants ont été identifiés et retirés de la traite par l’action des comités de vigilance.
La commission prend bonne note des structures existantes pour combattre la traite des enfants. Cependant, elle note que, dans ses conclusions préliminaires pour sa mission au Gabon, la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes relève que la coordination des activités contre la traite demeure faible, surtout parmi les institutions publiques et entre l’administration centrale et les collectivités locales. La commission prie donc le gouvernement de redoubler d’efforts pour renforcer la capacité des comités de vigilance et leur coordination avec le Conseil de prévention et de lutte contre le trafic des enfants et le comité de suivi, afin de garantir l’application de la législation nationale contre la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou économique. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard. Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre d’enfants victimes de la traite identifiés et protégés par les comités de vigilance.
2. Inspection du travail. La commission avait noté que, en vertu du décret no 007141/PR/MTE/MEFBP du 22 septembre 2005, l’inspecteur du travail peut dresser directement un procès-verbal en cas d’infraction se rapportant à la traite des enfants. Elle avait noté que, dans ses conclusions de juin 2007, la Commission de l’application des normes de la Conférence a demandé au gouvernement de renforcer l’autorité des services de l’inspection du travail pour faire appliquer la loi et d’augmenter les ressources humaines et financières de celle-ci. La Commission de l’application des normes a également prié le gouvernement d’assurer que les inspecteurs du travail effectuent des visites régulières. A cet égard, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 178 du Code du travail, tel que modifié par l’ordonnance no 018/PR/2010 du 25 février 2010, l’inspecteur du travail est tenu de dénoncer tout fait constitutif d’exploitation des enfants à des fins de travail. Notant l’absence d’information sur ce point dans le rapport du gouvernement, la commission le prie à nouveau de fournir des statistiques sur le nombre d’infractions constatées par l’inspection du travail mettant en cause des enfants de moins de 18 ans engagés dans un travail relevant des pires formes de travail des enfants, notamment dans le secteur informel. Elle le prie également à nouveau de communiquer des informations sur les mesures prises pour renforcer les capacités de l’inspection du travail afin d’assurer que des visites régulières soient effectuées.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa b). Soustraire les enfants des pires formes de travail et assurer leur réadaptation et intégration sociale. Centre d’accueil et suivi médico-social pour les enfants victimes de la traite. La commission avait précédemment noté que le pays dispose de quatre centres d’accueil, dont trois à Libreville et un à Port Gentil. Les enfants soustraits de la situation d’exploitation bénéficient d’une première visite médicale quelques jours après leur placement dans un centre. Les enfants malades sont pris en charge par les médecins et, le cas échéant, hospitalisés. De plus, en vue de leur réadaptation et intégration sociale, les enfants sont encadrés par des éducateurs spécialisés et des psychologues, et bénéficient notamment de programmes d’activités socio-éducatives et d’un accompagnement administratif et juridique avec le concours du comité de suivi et des comités de vigilance. La commission avait également noté que les enfants soustraits de la traite sont, pendant leur séjour dans les centres, en fonction de leur âge, inscrits gratuitement dans les écoles publiques où ils bénéficient des mêmes avantages que les autres enfants. Ceux ayant dépassé l’âge scolaire sont inscrits dans des centres d’alphabétisation.
La commission note les informations fournies par le gouvernement relatives au document «Manuel national des procédures de prise en charge des enfants victimes de traite», contenant une ensemble de procédures et de devoirs qui s’imposent à tous les acteurs appelés à jouer un rôle dans la procédure de retour des enfants victimes de la traite vers leur pays d’origine ou de leur réinsertion sociale. Le gouvernement indique qu’en 2011 le comité de suivi a formé des travailleurs sociaux en vue de leur accorder une bonne connaissance des règles sur l’identification et le retrait des victimes de la traite, ainsi que de leur prise en charge administrative et psychosociale, contenues dans ce manuel. En outre, le gouvernement indique que les autorités administratives ont identifié une dizaine de victimes qui ont bénéficié des soins dans les centres d’accueil et qu’une dizaine d’enfants (un garçon et neuf filles) ont pu être rapatriés avec la collaboration des pays d’origine. La commission note cependant que, selon la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, bien que le gouvernement offre aux victimes de la traite un accès aux centres d’accueil, il existe un décalage entre ceux qui ont besoin d’assistance et les vrais bénéficiaires du centre d’accueil public qui n’accueille que les enfants âgés de moins de 12 ans. La commission encourage donc vivement le gouvernement de continuer à prendre des mesures immédiates et efficaces pour soustraire les enfants victimes de la vente et de la traite, et le prie à nouveau de communiquer des informations sur le nombre d’enfants de moins de 18 ans qui auront été effectivement retirés de cette pire forme de travail des enfants et placés dans les centres d’accueil.
Article 8. Coopération internationale. La commission avait souligné que, à l’occasion de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes en juin 2007, le représentant gouvernemental a indiqué qu’il étudiait la possibilité de prendre des mesures afin d’augmenter les effectifs policiers aux frontières terrestres, maritimes et aériennes ainsi que d’utiliser des patrouilles aux frontières communes et d’ouvrir des centres de transit autour de ces frontières. Elle avait noté que le gouvernement a signé l’Accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre en juillet 2006 (Accord de coopération régionale de 2006), et qu’un accord bilatéral en matière de traite d’enfants était en cours de négociation avec le Bénin. La commission avait prié le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour donner effet à l’Accord de coopération régionale de 2006 et avait exprimé l’espoir que l’accord bilatéral en matière de traite d’enfants avec le Bénin serait signé prochainement.
La commission note l’absence d’information à ce sujet dans le rapport du gouvernement. Elle observe cependant que, bien que la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes salue, dans ses conclusions préliminaires, l’intention du gouvernement de signer des accords bilatéraux sur la traite des personnes avec plusieurs pays voisins, la signature des mémorandums d’entente ne s’est pas encore traduite dans les faits. Or la Rapporteuse spéciale remarque que, avec une frontière maritime de plus de 800 kilomètres et une frontière poreuse avec trois pays, le Gabon a besoin d’une bonne coopération avec ses voisins pour lutter contre le phénomène de la traite. La commission incite donc vivement le gouvernement à redoubler d’efforts afin de s’assurer que les accords bilatéraux sur la traite des personnes, avec le Bénin et autres pays voisins, soient signés dans un très proche avenir, en particulier afin de renforcer des effectifs policiers aux frontières. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard dans son prochain rapport.
Application de la convention dans la pratique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que le manque de données statistiques récentes sur la traite des enfants dans le pays a été souligné dans le cadre de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes en 2007. A cet égard, le représentant gouvernemental avait indiqué que son gouvernement réaliserait une analyse de la situation nationale de la traite des enfants au Gabon et une cartographie des itinéraires de la traite et des zones où le travail forcé des enfants est une réalité qui serait matérialisée dès que les moyens nécessaires le permettraient.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle il présentera l’étude sur la situation de la traite des enfants dès qu’elle sera réalisée. Elle note également les informations du gouvernement selon lesquelles le décret no 0191/PR/MFAS portant mise en place d’une Matrice des indicateurs de protection de l’enfant (MIPE) a été adopté le 22 mai 2012 afin de créer un instrument indicatif des mesures destinées à aider le gouvernement à suivre les tendances des problèmes liés aux droits des enfants. Cet outil, support de l’Observatoire national des droits de l’enfant (ONDE), créé par le décret no 0252/PR/MFAS du 19 juin 2012 portant organisation du régime de mise en œuvre de l’aide sociale et de protection de la famille, a pour but de permettre au Gabon de disposer en permanence d’une base de données statistiques précises sur la protection de l’enfant.
La commission observe cependant la remarque de la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, dans ses conclusions préliminaires, selon laquelle elle a noté au Gabon une absence d’un corpus de données nationales fiables pour déterminer le taux de prévalence, les formes, les tendances et les manifestations de la traite des personnes.
Observant que le gouvernement se réfère à l’étude sur la situation de la traite des enfants au Gabon depuis plusieurs années, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que cette étude soit réalisée dans les plus brefs délais, et prie le gouvernement de communiquer des informations sur les progrès réalisés à cet égard dans son prochain rapport. En outre, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les activités de l’ONDE et sur les statistiques recueillies par cet organe grâce à la MIPE relatives aux enfants de moins de 18 ans engagés dans les pires formes de travail.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.
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