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Demande directe (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Niger (Ratification: 2000)

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Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues. Vente et traite d’enfants. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, selon les informations obtenues par la mission d’investigation de haut niveau menée en 2005 (la mission), «le Niger est certainement un pays de transit, car sa situation géographique fait de lui un carrefour d’échanges entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne», et que «le Niger serait également un pays d’origine et de destination en ce qui concerne le trafic d’êtres humains, y compris des enfants». La commission a pris note de l’adoption de l’ordonnance no 2010-086 du 16 décembre 2010 relative à la lutte contre la traite des personnes au Niger, laquelle constitue une loi complète interdisant toutes les formes de vente et de traite et prévoit des peines d’emprisonnement de dix à trente ans dans les cas où la victime est un enfant. La commission a relevé que la Commission nationale de coordination de la lutte contre la traite des personnes (CNLTP) et l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes (ANLTP) ont été établies afin de concevoir et mettre en œuvre les programmes, stratégies et plans nationaux de lutte contre la traite des personnes.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle un plan d’action national de lutte contre la traite des personnes a été adopté par décret no 488/PRN/MJ du 22 juillet 2014 dont la mise en œuvre sera assurée par l’ANLTP de 2014 à 2019. Elle prend note également des activités menées par l’ANLTP, soit notamment l’organisation de formations aux médias, l’organisation d’une journée de mobilisation contre la traite, d’un débat télévisé, de rencontres de plaidoyer auprès du vice-président et de partenaires techniques et financiers et des missions de sensibilisation dans les localités. Le gouvernement mentionne en outre que le phénomène de la traite est une problématique assez enracinée dans les localités visitées. Il ajoute que les communautés sont conscientes du danger que représente la traite, mais que l’extrême pauvreté et le manque d’éducation poussent de plus en plus de familles à s’y adonner, notamment sous la forme de mendicité. La commission prend par ailleurs note des statistiques des tribunaux de grande instance fournies par le gouvernement et constate avec préoccupation le faible nombre de personnes poursuivies. Elle observe en outre que le rapport du gouvernement reste muet sur les mesures concrètes prises afin de lutter contre l’impunité des auteurs de traite d’enfants de moins de 18 ans. La commission relève enfin que, dans son rapport soumis au titre de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, le gouvernement indique que l’ordonnance no 2010-086 est en cours de révision afin de remédier aux lacunes concernant la protection de victimes de traite. La commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur l’application de l’ordonnance no 2010-086 sur la lutte contre la traite des personnes dans la pratique, en communiquant notamment des statistiques sur le nombre et la nature des infractions signalées, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les sanctions pénales imposées dans les cas d’enfants victimes de traite. En outre, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la mise en œuvre du plan d’action national de lutte contre la traite des personnes, en particulier concernant la protection des enfants de moins de 18 ans. Finalement, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les activités développées par la CNLTP et l’ANLTP en ce qui concerne spécifiquement la lutte contre la traite des enfants de moins de 18 ans.
Article 6. Programmes d’action. La commission a précédemment noté qu’un plan d’action national (PAN) de lutte contre le travail des enfants et un plan d’action national de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants avaient été élaborés. Le gouvernement avait indiqué que le plan d’action national de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants avait été validé dans le cadre d’un atelier national et qu’il devait être adopté par le gouvernement.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le plan d’action national de lutte contre le travail des enfants est en cours de finalisation et qu’un atelier national d’élaboration du cadre logique est organisé. Le rapport du gouvernement reste cependant muet sur le plan d’action national de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’accélérer l’adoption du PAN et du plan d’action national de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, et ce de toute urgence. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir une copie de ces deux plans d’action dès leur adoption.
Articles 7, paragraphe 1, et 8. Sanctions et coopération régionale. La commission a noté que, suite à la mise en œuvre de différents accords de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants, le Niger a mis en place 30 comités de vigilance et procédé à la généralisation des brigades mobiles mixtes au niveau de toutes les frontières nationales. Le gouvernement a aussi indiqué que des enfants victimes de la traite avaient été interceptés autour des frontières. Cependant, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle les présumés coupables avaient été relâchés par la police, faute de preuves juridiques.
La commission note avec regret que le gouvernement ne fournit aucune nouvelle information dans son rapport en ce qui concerne l’interception des victimes de traite des enfants et la poursuite des auteurs de ce crime depuis 2009. Rappelant que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la convention, et ce de toute urgence, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les personnes impliquées dans la traite des enfants font l’objet de poursuites et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur sont imposées, dans le cadre des accords conclus avec les autres pays signataires.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa a). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants. Accès à l’enseignement de base universel gratuit. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, dans le cadre du projet d’appui à l’enseignement franco-arabe, des mesures visant la restructuration des écoles coraniques ont été prises. La commission a noté que le Programme décennal de développement de l’éducation (PDDE) visant à augmenter le taux de scolarisation avait été adopté. La commission avait cependant noté que, selon l’Enquête nationale sur le travail des enfants au Niger de 2009 (ENTE), seulement 39 pour cent des filles âgées de 7 à 17 ans effectuant un travail à abolir fréquentent l’école, contre 47 pour cent de garçons. L’ENTE relève également que, parmi les enfants astreints aux travaux à abolir, 57,2 pour cent ne fréquentent pas l’école. Or le manque de fréquentation scolaire est plus inquiétant chez les enfants âgés de 14 à 17 ans effectuant des travaux dangereux, 80,9 pour cent d’entre eux ne fréquentant pas l’école. Quant aux abandons scolaires, 21,4 pour cent des enfants âgés entre 7 et 17 ans effectuant un travail à abolir ont abandonné l’école, dont 36,5 pour cent d’enfants âgés de 14 à 17 ans effectuant des travaux dangereux.
La commission note les informations du gouvernement selon lesquelles le budget alloué à l’éducation est prioritaire, variant entre 25 et 30 pour cent selon les années, dont 67 pour cent alloués à l’enseignement primaire. Le gouvernement indique en outre que la mise en œuvre du PDDE a provoqué une rupture positive nette s’agissant de la situation particulière des filles. Il mentionne que les effectifs des filles et des garçons scolarisés dans le premier cycle de base ont été multipliés par trois entre 2003 et 2013 et que les taux de scolarisation ont également augmenté. Il indique en outre que des mesures complémentaires de soutien (cantines, bourses, projets locaux) ont été mises en place et que des points focaux chargés de la scolarisation des filles ont été désignés au sein de toutes les directions générales et des inspections de l’enseignement primaire et secondaire. La commission note par ailleurs qu’une stratégie nationale d’accélération et de maintien des filles à l’école a été validée par le ministère en charge de l’éducation visant à réduire les disparités d’accès à une éducation de base. De plus, le gouvernement indique que les politiques destinées à améliorer la fréquentation des filles seront encadrées par une loi portant protection de la jeune fille en cours de scolarisation.
S’agissant des écoles coraniques, la commission prend note des données communiquées par le ministère de l’Enseignement primaire, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales selon lesquelles le nombre d’écoles coraniques est estimé à 50 000 avec un effectif d’élèves d’environ 340 000. Dix de ces écoles coraniques rénovées sont fonctionnelles dans toutes les régions du pays. Le gouvernement précise qu’au Niger le système des écoles coraniques ne s’oppose pas au système formel dans la mesure où 35 pour cent des élèves font partie des deux systèmes simultanément. Il mentionne en outre que les mesures préconisées dans le cadre du développement des écoles coraniques sont renforcées par l’élaboration du programme d’appui à la qualité de l’éducation soutenu par le Partenariat mondial pour l’éducation.
Tout en prenant note de ces informations, la commission relève que, selon le rapport annuel de 2013 de l’UNICEF, le projet de loi protégeant les filles à l’école adopté en Conseil des ministres depuis 2012 n’a pas connu une suite favorable au niveau du Parlement. L’UNICEF observe que ce blocage est dû à la pression de plusieurs groupes religieux qui ont manifesté contre le projet de loi adopté par le Conseil des ministres. La commission note par ailleurs que, d’après l’Analyse de la situation des enfants et des femmes du Niger selon une approche basée sur l’équité et les droits humains développée conjointement par le gouvernement et l’UNICEF en 2013, les filles, les enfants résidant en milieu rural dans les régions de Diffa, Zinder, Tillabéry et Tahoua et ceux issus des familles pauvres demeurent les plus défavorisés en matière d’accès à l’éducation (p. 34). Selon ce même rapport, l’amélioration de la qualité de l’éducation constitue un défi majeur au Niger. Se référant à cet égard aux données du ministère de l’Education nationale, l’UNICEF indique que, en classe de CM2, seuls 25 pour cent des élèves atteignent le seuil minimal de maîtrise du français et des mathématiques et 2 pour cent le seuil désiré (p. 2). La commission note en outre que, selon le rapport de 2015 Education pour tous 2000-2015, progrès et enjeux, l’UNESCO constate que, en 2012, plus de 70 pour cent des filles les plus pauvres n’avaient jamais été scolarisées dans le primaire, contre moins de 20 pour cent des garçons les plus riches (p. 158). La commission note enfin les estimations de 2013 de l’UNESCO selon lesquelles le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire est de 63,5 pour cent (58 pour cent pour les filles et 68,7 pour cent pour les garçons). Le taux brut de scolarisation dans l’enseignement secondaire demeure très faible avec un taux de 18,3 pour cent (14,9 pour cent pour les filles et 21,7 pour cent pour les garçons). La commission exprime à nouveau sa profonde préoccupation face aux faibles taux de scolarisation des enfants astreints au travail ainsi que face aux grandes disparités de genre dans l’accès à l’éducation. Considérant que l’éducation contribue à prévenir l’engagement des enfants dans les pires formes de travail des enfants, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de redoubler d’efforts afin d’améliorer le fonctionnement du système éducatif, en tenant compte de la situation particulière des filles. A cet égard, elle le prie également de veiller à augmenter le taux d’inscription scolaire et à diminuer le taux d’abandon scolaire, ainsi que d’adopter d’autres mesures pour intégrer les écoles coraniques à l’éducation nationale. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations mises à jour sur les résultats obtenus.
Alinéa b). Aide directe et nécessaire pour soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté les allégations de la Confédération syndicale internationale (CSI) selon lesquelles le recours aux enfants dans les mines d’or, de sel, de gypse et autres activités extractives existe encore et que les conditions de travail sont déplorables. La commission a noté les résultats de la mise en œuvre du projet de l’OIT/IPEC de prévention et d’élimination du travail des enfants dans les mines d’or artisanales en Afrique de l’Ouest, précisant le nombre d’enfants retirés et scolarisés.
La commission constate que le rapport du gouvernement est muet sur les nouvelles mesures prises pour retirer, réadapter et intégrer socialement les enfants de moins de 18 ans travaillant dans les mines, à la suite de la clôture du projet OIT/IPEC. La commission encourage donc vivement le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour retirer les enfants de moins de 18 ans de ces mines et les réadapter et intégrer socialement. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
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