ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Niger (Ratification: 2000)

Autre commentaire sur C182

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues. Travail forcé ou obligatoire. Mendicité. La commission a précédemment noté l’indication de la Confédération syndicale internationale (CSI) selon laquelle des enfants étaient forcés de mendier en Afrique occidentale, notamment au Niger. Pour des raisons économiques et religieuses, de nombreuses familles confiaient leurs enfants à un guide spirituel (marabout) dès l’âge de 5 ou 6 ans, avec qui ils vivaient jusqu’à l’âge de 15 ou 16 ans (enfants talibés). Pendant cette période, le marabout avait un contrôle total sur les enfants et leur enseignait la religion et, en retour, les obligeait à effectuer diverses tâches, dont celle de mendier. La commission a noté qu’un observatoire national de lutte contre la mendicité a été créé. Elle a également noté l’adoption d’une circulaire adressée aux différentes instances judiciaires, demandant que les articles179, 181 et 182 du Code pénal – lesquels punissent la mendicité, et toute personne, dont les parents des mineurs de moins de 18 ans se livrant habituellement à la mendicité, qui les invite à mendier ou qui en tire sciemment profit – soient strictement appliqués en poursuivant sans faiblesse toutes les personnes qui s’adonnent à la mendicité et qui utilisent les enfants à des fins purement économiques. A cet égard, la commission a noté qu’il y avait eu quelques cas d’arrestation de marabouts présumés utiliser les enfants à des fins purement économiques mais que, généralement, ces derniers ont été libérés faute de preuves juridiques prouvant leur culpabilité.
La commission note les informations fournies par le gouvernement selon lesquelles l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes (ANLTP) a mis en œuvre un certain nombre de stratégies de lutte contre la mendicité, dont notamment la diffusion de sketches audio-visuels dans toutes les langues nationales et la formation des médias communautaires sur la compréhension du phénomène. L’ANLTP a également organisé des missions de sensibilisation, de rencontres de plaidoyer avec les autorités locales et coutumières et les marabouts dans les localités d’Agadez, Konni et Tahoua. En 2014, des séminaires de formation ont été organisés à l’attention de 30 magistrats du parquet de différentes juridictions du pays, ainsi que 30 officiers de la police judiciaire. De plus, 60 chefs traditionnels de Dosso, Tahoua et Tillabéry ont été sensibilisés sur la mendicité et 60 marabouts prêcheurs vont être formés pour sensibiliser la population sur les radios communautaires. Le gouvernement indique avoir procédé à une opération consistant à ramener les mendiants installés sur les voies publiques dans leurs villages, après identification et facilitation de leur réinsertion sociale et professionnelle. Il mentionne par ailleurs que l’article 97 de l’ordonnance no 2010-086 prévoit la création d’un fonds spécial d’indemnisation des victimes géré par l’ANLTP. Cependant, le gouvernement précise qu’il existe d’énormes obstacles d’ordre socioculturel pouvant compromettre l’application effective des dispositions relatives à la pénalisation de la mendicité. Tout en prenant bonne note des mesures prises par le gouvernement, la commission note avec préoccupation que les statistiques fournies par le gouvernement ne révèlent toujours aucune condamnation de marabouts ayant utilisé des enfants à des fins purement économiques. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que des enquêtes approfondies sont menées à leur terme, que des poursuites sont engagées et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives sont imposées aux marabouts qui utilisent des enfants de moins de 18 ans à des fins purement économiques. A cet égard, la commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires afin de renforcer les capacités des organes chargés de l’application de la loi. La commission prie en outre le gouvernement de continuer à prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour empêcher que les enfants de moins de 18 ans ne deviennent victimes de travail forcé ou obligatoire, tel que la mendicité, ainsi que pour repérer les enfants talibés qui sont obligés de mendier et les soustraire à de telles situations tout en assurant leur réadaptation et leur intégration sociale. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Alinéa d) et article 4, paragraphe 1. Travaux dangereux et détermination des travaux dangereux. Enfants travaillant dans les mines et carrières. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que le travail des enfants dans les travaux dangereux, notamment dans les mines et carrières, existait dans les sites informels, que les jeunes enfants accompagnaient leurs parents dans les sites informels et qu’ils intervenaient dans la chaîne de production, que ce soit dans les mines de gypse ou les carrières de sel, parfois pour de menus travaux visant à faciliter la tâche de leurs parents sur le site, parfois pour des tâches physiquement dangereuses, tous les jours de la semaine, pour une durée journalière de plus de huit heures avec des risques d’accident et de maladie. La commission a noté que le ministre de l’Intérieur a, par lettre circulaire, formellement interdit l’emploi des enfants dans les mines et carrières des zones concernées, à savoir Tillabéry, Tahoua et Agadez, et que le ministre des Mines a reçu des directives pour prendre en compte cette mesure d’interdiction dans l’élaboration des conventions minières. Cependant, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle aucune condamnation en la matière n’avait été prononcée. En outre, la commission a noté que la révision et la modification de la liste des travaux dangereux avaient été entreprises lors d’un atelier qui a eu lieu à Ayorou les 2 et 3 juillet 2009, en collaboration avec les ministères techniques et les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. La commission a enfin noté que, en vertu de l’article 107 de la loi no 2012-45 du 25 septembre 2012 portant Code du travail, la liste des travaux visés par cet article, y compris les travaux dangereux, et les catégories d’entreprises interdites aux enfants doivent être fixées par voie réglementaire.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la nouvelle partie réglementaire du Code du travail est en discussion au sein du gouvernement et prendra en compte la question des travaux dangereux. Notant avec regret que la liste des travaux dangereux révisée est en discussion depuis 2009, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour s’assurer de l’application effective de la législation nationale sur la protection des enfants contre le travail souterrain dans les mines et de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard. Elle prie également à nouveau le gouvernement de transmettre une copie de la liste des travaux dangereux modifiée dès adoption.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa d). Identifier les enfants particulièrement exposés à des risques et entrer en contact direct avec eux. 1. Enfants des rues. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que le Comité des droits de l’enfant s’est dit préoccupé quant au nombre d’enfants qui mendient dans la rue.
La commission prend note que le gouvernement a adopté une politique nationale du développement intégré du jeune enfant (DIJE) et un document-cadre de protection de l’enfant (DCPE) en 2013, permettant aux acteurs de la protection sociale de mieux prendre en charge la petite enfance. La commission note également l’indication du gouvernement selon laquelle les services éducatifs judiciaires et préventifs (SEJUP) ont été créés pour la prise en charge des enfants des rues, dans lesquels ils sont reçus par des familles d’accueil suite à une ordonnance du juge en charge des mineurs. La commission relève toutefois que, selon le rapport de 2015 de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage (A/HRC/30/35/Add.1, paragr. 85), le nombre et les ressources humaines, notamment spécialisées, de ces 34 SEJUP semblent insuffisants et seraient de surcroît plus adaptés aux mineurs en conflit avec la loi. La rapporteuse constate en outre que le gouvernement a reconnu le nombre alarmant d’enfants des rues en milieu urbain, en particulier à Niamey, et se réfère à une estimation de plus de 11 000 enfants des rues (paragr. 62). Observant que les enfants des rues sont particulièrement vulnérables aux pires formes de travail des enfants, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour les en protéger et pour prévoir leur réadaptation et leur réinsertion de manière ciblée. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations concrètes sur les résultats obtenus.
2. Enfants dans le travail domestique. La commission prend note des informations relevées par la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage (A/HRC/30/35/Add.1, paragr. 67-70), selon lesquelles il y a un nombre élevé d’enfants domestiques au Niger (58,2 pour cent), dont 65,5 pour cent entre 5 et 11 ans, et principalement des filles qui quittent la campagne pour la ville pour échapper à la pauvreté. Elle observe que ces enfants domestiques sont bien souvent soumis à la violence physique, verbale et sexuelle ainsi qu’à la discrimination, sont très peu payés si tant est qu’ils le soient, effectuent de longues journées de travail, peuvent se trouver isolés physiquement et socialement et n’ont droit ni à un temps de repos hebdomadaire ni à des vacances. Estimant que les enfants domestiques sont particulièrement exposés aux pires formes de travail des enfants, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour protéger les enfants qui travaillent comme domestiques des pires formes de travail des enfants, pour prévoir l’aide directe et nécessaire pour les y soustraire et pour assurer leur réadaptation et intégration sociale. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les résultats obtenus à cet égard.
Application de la convention dans la pratique. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, d’après les résultats de l’Enquête nationale sur le travail des enfants de 2009 (ENTE), 83,4 pour cent des enfants économiquement occupés de 5 à 17 ans, soit 1 604 236 enfants, étaient soumis à des travaux à abolir. Parmi ceux-ci, 1 187 840 enfants étaient impliqués dans des travaux dangereux, faisant en sorte que 74 pour cent des enfants de 5 à 17 ans effectuant des travaux à abolir le faisaient dans des conditions dangereuses. Exprimant sa profonde préoccupation face à la situation des enfants de moins de 18 ans engagés dans les pires formes de travail des enfants, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts pour assurer dans la pratique la protection des enfants de ces pires formes de travail, notamment les travaux dangereux. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer