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Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Azerbaïdjan (Ratification: 2000)

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Article 1 a) de la convention. Peines comportant l’obligation de travailler imposées en tant que sanctions de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a attiré l’attention du gouvernement sur plusieurs dispositions du Code pénal, prévoyant des sanctions comportant une obligation de travailler, en vertu de l’article 95 du Code d’application des peines, et libellées en des termes suffisamment larges pour pouvoir être utilisées pour sanctionner l’expression d’opinions opposées à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission a par conséquent prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application des articles suivants du Code pénal:
  • -l’article 147 qui prévoit que la diffamation, définie comme étant la «diffusion, dans le cadre d’une déclaration publique […] ou dans les médias, d’informations fausses qui discréditent l’honneur et la dignité d’une personne», est passible d’une peine de travail correctionnel ou d’une peine d’emprisonnement, comportant toutes deux une obligation de travailler;
  • -les articles 169.1 et 233, lus conjointement avec les articles 7 et 8 de la loi sur la liberté de réunion, aux termes desquels l’«organisation ou la participation à un rassemblement public interdit» et l’«organisation d’actions collectives qui portent atteinte à l’ordre public», sont passibles respectivement d’une peine de travail correctionnel ou d’une peine d’emprisonnement, comportant toutes deux une obligation de travailler; et
  • -l’article 283.1 qui prévoit que l’«incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse» est passible d’une peine d’emprisonnement, comportant une obligation de travailler.
La commission note avec regret que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur l’application des articles du Code pénal susmentionnés dans la pratique et qu’il réitère pour l’essentiel les informations précédemment communiquées au Bureau. La commission s’est précédemment référée à deux jugements rendus en 2008 et 2010 par la Cour européenne des droits de l’homme dans lesquels elle a estimé que les condamnations basées sur l’article 147 du Code pénal, comportant une obligation de travailler, constituaient une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège la liberté d’expression (Fatullayev c. Azerbaïdjan, requête no 40984/07, jugement du 22 avril 2010, et Mahmudov et Agazade c. Azerbaïdjan, requête no 35877/04, jugement du 18 décembre 2008). La commission note que le gouvernement indique que, suite à ces décisions, la Cour suprême a présenté des propositions au Parlement en vue de dépénaliser la diffamation en prévoyant que la diffamation ne devrait être passible que d’une amende. La commission note que, comme l’a souligné le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le cadre de l’examen périodique universel, la pénalisation de la diffamation a eu pour effet, dans la pratique, de brider la liberté d’expression en favorisant l’autocensure généralisée dans le pays (A/HRC/WG.6/16/AZE/3). En outre, la commission note que, alors même que le gouvernement avait demandé l’assistance de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise) pour l’élaboration d’un projet de loi sur la protection contre la diffamation, il a adopté en 2013 des amendements visant à élargir le champ d’application de l’article 147 du Code pénal. Ces modifications introduisent la responsabilité pénale pour les actes de diffamation commis «par le biais d’une source d’information accessible publiquement par Internet», malgré l’engagement du gouvernement à dépénaliser la diffamation et sa coopération en cours avec la commission de Venise (CDL-AD(2013)024). La commission note que la première condamnation pénale pour des faits de diffamation en ligne a été prononcée le 14 août 2013.
La commission note également que, le 22 mai 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un jugement dans une affaire de détention basée sur le chef d’accusation d’«atteinte à l’ordre public» (art. 233 du Code pénal), puis remplacé par celui plus sérieux d’«émeute» (art. 220.1 du code), dans lequel la cour a souligné que le véritable objet des mesures de détention contestées était de réduire au silence ou de sanctionner une personnalité politique de l’opposition pour avoir critiqué le gouvernement et tenté de diffuser ce qu’elle pensait être une vérité que le gouvernement tentait de cacher (Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan, requête no 151172/13, jugement du 22 mai 2014).
A cet égard, la commission note que, comme l’ont souligné de nombreux organes et institutions européens et des Nations Unies, il a été observé ces dernières années une tendance de plus en plus marquée à utiliser différentes dispositions du Code pénal pour engager des poursuites contre des journalistes, blogueurs, défenseurs des droits de l’homme et autres, qui expriment des opinions critiques, en portant à leur encontre des accusations discutables qui semblent s’expliquer par des motifs politiques, ce qui a pour conséquence de longues périodes de travail correctionnel ou d’emprisonnement comportant une obligation de travailler (A/HRC/WG.6/16/AZE/3; Résolution intérimaire CM/ResDH(2014)183 adoptée le 25 septembre 2014 par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe; CommDH(2013)14; CommDH(2015)5). A cet égard, la commission observe que les dispositions suivantes du Code pénal ont souvent été utilisées pour sanctionner des délits, tous passibles d’une peine de travail correctionnel, de privation de liberté ou d’emprisonnement, comportant à chaque fois une obligation de travailler: insulte (art. 148), malversation (art. 179.3.2), activité commerciale illégale (art. 192), évasion fiscale (art. 213), vandalisme (art. 221), trahison d’Etat (art. 274), et abus de pouvoir (art. 308).
La commission note que, en septembre 2015, tant le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) que le Parlement européen dans sa résolution du 10 septembre 2015 ont fermement condamné la répression sans précédent contre la société civile et les voix indépendantes en Azerbaïdjan, qui ont été privées de leur liberté pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression, d’association ou de réunion pacifique et pour avoir défendu les droits d’autrui, et ont instamment demandé aux autorités publiques de cesser les poursuites pénales sélectives et l’emprisonnement de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et autres critiques du gouvernement (2015/2480(RSP) et communiqué de presse du HCDH du 8 septembre 2015). A cet égard, la commission note que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, de même que plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations Unies et le président-rapporteur du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, ainsi que le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), se sont également inquiétés de la vague de répression d’activistes en représailles à leurs activités légitimes, pour des motifs politiques, et ont condamné l’imposition à Mme et M. Yunus, pour des motifs politiques, d’une peine d’emprisonnement d’une durée de huit ans et demi et sept ans, respectivement, ainsi qu’à Mme Khadija Ismayilova, d’une peine d’emprisonnement d’une durée de sept ans, pour des chefs d’accusation, entre autres, de trahison d’Etat, de création d’entreprises illégales, d’évasion fiscale et d’abus de pouvoir (communiqués de presse du HCDH du 8 septembre 2015, du 20 août 2015 et du 19 août 2014, et communiqués de presse de l’OSCE du 1er septembre 2015 et de décembre 2014).
La commission prend note de toutes ces informations avec une profonde préoccupation et attire de nouveau l’attention du gouvernement sur le fait que les garanties juridiques qui entourent l’exercice des droits et libertés telles que la liberté de penser et d’expression, la liberté de réunion pacifique, la liberté d’association et le droit de ne pas faire l’objet d’une arrestation arbitraire, constituent une protection importante contre l’imposition de travail forcé ou obligatoire en tant que sanction de l’expression de certaines opinions politiques ou idéologiques, ou en tant que mesure de coercition ou d’éducation politique (voir étude d’ensemble sur les conventions fondamentales, 2012, paragr. 302). La commission prie donc instamment et fermement le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, tant en droit qu’en pratique, pour s’assurer qu’aucune sanction comportant une obligation de travailler ne peut être imposée contre des personnes qui expriment pacifiquement des opinions politiques opposées à l’ordre établi, par exemple en restreignant expressément le champ d’application de ces dispositions aux situations dans lesquelles il y a eu recours ou incitation à la violence ou en abrogeant les sanctions qui comportent une obligation de travailler. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli à cet égard, ainsi que des informations sur les faits à l’origine des décisions de justice prononcées sur la base des dispositions susmentionnées du Code pénal, en indiquant les sanctions imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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