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Observation (CEACR) - adoptée 2014, publiée 104ème session CIT (2015)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Colombie (Ratification: 1969)

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La commission prend note des observations conjointes de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de l’Association nationale des employeurs de Colombie (ANDI), reçues le 29 août 2014, ainsi que des observations de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC), de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et de la Confédération générale du travail (CGT), reçues respectivement le 29 août, le 31 août et le 1er septembre 2014.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission a précédemment noté que le problème de la traite des personnes continuait à se poser en Colombie à une échelle importante malgré l’engagement du gouvernement à lutter contre ce fléau et la mise en place d’un cadre législatif et institutionnel complet. La commission s’est référée à la loi no 985 de 2005 adoptant des mesures de lutte contre la traite des personnes et de protection des victimes, ainsi qu’à la stratégie nationale intégrale contre la traite des personnes (2007-2012), couvrant les volets de la prévention, de la protection des victimes, de la coopération internationale et de l’investigation policière et judiciaire.
La commission prend note des informations complètes et détaillées communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour mettre en œuvre la stratégie nationale. Sur le volet de la prévention, le gouvernement se réfère aux multiples campagnes de sensibilisation menées par toutes les autorités publiques intervenant dans la lutte contre la traite. Au sein du ministère de l’Intérieur, 32 comités départementaux et 48 comités municipaux ont été constitués pour coordonner les actions dans ce domaine. Le ministère du Travail a mené des activités de formation des inspecteurs du travail afin de faciliter leur intervention dans les cas de traite à des fins d’exploitation au travail. La police a créé un groupe d’investigation sur la traite des personnes et l’Institut colombien du bien-être familial (ICBF) a mis en place une ligne téléphonique gratuite pour recevoir les plaintes des victimes et leur prodiguer une assistance. S’agissant de la protection des victimes, le ministère de l’Intérieur a établi un centre opérationnel antitraite qui, en 2013, a reçu 60 victimes provenant de l’étranger qui ont toutes reçu une assistance avant d’être pour la plupart rapatriées. Le gouvernement se réfère également aux efforts déployés par le Comité interinstitutionnel de lutte contre la traite des personnes pour encourager les mécanismes de coopération bilatérale et régionale, et cite les accords bilatéraux signés avec l’Argentine, le Chili, El Salvador, l’Equateur, le Honduras. Enfin sur le plan judiciaire, des activités de formation ont été menées par le ministère de l’Intérieur auprès des fonctionnaires de la justice pour assurer une meilleure compréhension de la traite et optimiser les enquêtes et les procédures judiciaires. Le ministère du Travail a également mené des activités visant à étudier le concept d’exploitation au travail de manière à pouvoir en établir les éléments constitutifs. Des procédures d’intervention en cas de suspicion de situation de traite ont été mises en place par l’Unité administrative spéciale de migration de Colombie ainsi que par la police nationale. Il résulte de ces actions qu’en 2013 la police a démantelé sept réseaux criminels transnationaux et un réseau national; 28 personnes ont été arrêtées et 11 décisions de justice ont été rendues condamnant les coupables à des peines de prison comprises entre huit et dix ans. En outre, selon un rapport du Ministère public, au 31 décembre 2013, il y avait 143 enquêtes judiciaires ouvertes dont 87 pour exploitation sexuelle et 21 pour exploitation au travail.
Dans leurs observations, l’ensemble des partenaires sociaux reconnaissent les mesures prises par les différentes entités compétentes dans le cadre de la stratégie nationale. L’OIE et l’ANDI soulignent les résultats obtenus en matière judiciaire pour protéger les victimes et renforcer l’inspection du travail. Pour la CUT cependant, l’efficacité de la stratégie reste fragile, puisque les chiffres montrent que le phénomène ne diminue pas mais persiste. Parmi les causes de la traite, la CUT se réfère à l’impact du conflit armé interne sur la traite des femmes et la prostitution forcée ainsi qu’à la difficulté d’accéder au marché formel du travail. Soulignant que les victimes de la traite sont dans leur écrasante majorité des femmes, la CGT se réfère aux discriminations historiques dont elles ont été victimes et souligne la nécessité d’une véritable politique publique qui tienne compte de la question du genre et de la question territoriale. La CTC insiste sur les carences de l’inspection du travail qui n’est pas en mesure d’accéder aux zones rurales ou aux sites d’exploitation minière. Enfin, tant la CUT que la CTC soulignent la nécessité de renforcer la protection des travailleurs en situation de vulnérabilité (femmes, enfants, travailleurs indigènes).
La commission note par ailleurs que, dans ses observations finales de mai 2013, le Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille prend note des efforts constants que mène la Colombie pour combattre l’infraction que constitue la traite des personnes. Il réaffirme néanmoins sa préoccupation devant le fait que l’Etat partie est l’un des principaux pays d’origine des victimes de la traite dans la région, surtout de la traite des femmes et des filles (document CMW/C/COL/CO/2).
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour lutter contre le phénomène complexe de la traite des personnes, complexité accentuée par le fait que la Colombie est un pays de départ, de transit et de destination pour la traite et qu’un grand nombre de personnes ont été déplacées suite au conflit armé interne. La commission prie le gouvernement d’indiquer comment sont évalués la mise en œuvre et l’impact des mesures prises dans les quatre domaines de la stratégie nationale et quelles ont été les mesures prises pour surmonter les obstacles identifiés et adapter la stratégie nationale en conséquence. Soulignant que la coordination des acteurs est essentielle pour identifier les situations de traite des personnes et pouvoir disposer des éléments pour initier les poursuites judiciaires adéquates, la commission prie le gouvernement de continuer de prendre les mesures nécessaires à cette fin et de fournir des informations à ce sujet. Prière également de fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées contre les responsables de la traite en précisant les peines prononcées. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour renforcer la coopération avec les pays dans lesquels ses citoyens sont victimes de traite et pour assurer leur protection, notamment quand ils reviennent en Colombie.
Article 2, paragraphe 2 a). Caractère purement militaire des travaux exécutés dans le cadre du service national obligatoire. Dans ses précédents commentaires, la commission a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre en conformité avec la convention la législation réglementant le service militaire obligatoire. En effet, la conception du service militaire obligatoire en Colombie, qui peut se réaliser selon différentes modalités, est plus large que l’exception autorisée par la convention. Ainsi dans le cas des soldats bacheliers, la condition posée par la convention pour exclure le service militaire de son champ d’application, à savoir que le service militaire soit affecté à des travaux d’un caractère purement militaire, n’est pas respectée. La commission s’est référée à cet égard:
  • – aux articles 11 et 13 de la loi no 48 de 1993 réglementant le service de recrutement et de mobilisation selon lequel les soldats, en particulier les soldats bacheliers, devront «réaliser des activités dans le domaine de la promotion du bien-être de la population et de la préservation de l’environnement»;
  • – à l’article 50 de la loi no 65 de 1993 et au décret no 537 de 1994 qui réglemente le service militaire des bacheliers au sein de l’Institut pénitentiaire et carcéral national: les soldats bacheliers peuvent réaliser leur service militaire en tant qu’auxiliaires du corps de garde et de surveillance pénitentiaire nationale et ont pour fonction d’assister le personnel des établissements pénitentiaires en vue d’assurer la surveillance, le contrôle et la réinsertion des détenus.
La commission note que, dans leurs observations, la CUT et la CTC demandent que des mesures urgentes soient prises pour mettre fin à cette modalité du service militaire obligatoire, et la CGT souligne la composante discriminatoire de cette pratique, puisque les soldats bacheliers sont majoritairement les jeunes en situation de pauvreté et de vulnérabilité. En outre, la CTC attire l’attention sur les irrégularités dans le processus de recrutement des appelés, irrégularités constatées par le Conseil d’Etat. La commission observe par ailleurs à cet égard que les informations fournies par le gouvernement concernent uniquement la procédure établie pour traiter les demandes d’exemption du service militaire obligatoire, notamment celles des victimes d’infractions pénales.
Rappelant que selon les statistiques fournies précédemment par le gouvernement les soldats bacheliers sont plus nombreux que les soldats réguliers, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour revoir l’ensemble de la législation réglementant le service militaire obligatoire et la mettre en conformité avec l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention, aux termes duquel le travail exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire doit revêtir un caractère purement militaire.
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