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Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Burkina Faso (Ratification: 2001)

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Article 3 a) et article 7, paragraphe 1, de la convention. Vente et traite d’enfants et sanctions. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté la grande ampleur de la traite interne et transfrontalière d’enfants à des fins d’exploitation de leur travail. La commission avait également noté avec intérêt l’adoption du décret no 2008-332/PRES du 19 juin 2008 promulguant la loi no 29 2008/AN du 15 mai 2008 portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées (loi portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées). La commission avait pris bonne note que les articles 3 et 4 de la loi portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées prévoient des peines d’emprisonnement allant de cinq à vingt ans. La commission avait pris note de plusieurs décisions judiciaires rendues par le tribunal de grande instance entre 2004 et 2007. La commission avait également pris note que les personnes qui ont été poursuivies pour traite d’enfants ont été reconnues coupables et condamnées à des peines d’emprisonnement allant de deux à vingt-quatre mois, parfois assorties d’une amende, et aux dépens. La commission avait constaté cependant que, sur les sept sanctions d’emprisonnement prononcées, six ont été assorties d’un sursis; une personne a été condamnée à deux mois de prison ferme et une autre à une amende de 50 000 francs CFA.
La commission note les informations du gouvernement selon lesquelles, au total, 349 cas d’enlèvement d’enfants et 44 cas de poursuite pour traite d’enfants ont été enregistrés par les tribunaux nationaux au cours des quatre dernières années. Le gouvernement indique également qu’en 2010 une opération policière dans la région des Cascades a permis d’interpeller 17 trafiquants en deux jours, qui ont par la suite été remis entre les mains de la justice. En outre, le gouvernement a mené, avec l’appui d’Interpol, une opération policière mobilisant une centaine de forces de l’ordre et une vingtaine d’acteurs de la protection de l’enfance, laquelle a permis, en l’espace de deux jours, d’intercepter et de protéger 173 enfants et d’interpeller 15 trafiquants. La commission constate cependant que le gouvernement ne fournit aucune information sur l’application de sanctions aux auteurs de violations relatives à la traite d’enfants. En outre, la commission observe que, selon l’examen des rapports présentés conformément au Protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (examen des rapports présentés au CRC/OPSC) du 7 mai 2012 (CRC/C/OPSC/BFA/1, paragr. 47-48), les données disponibles sur les cas de traite des enfants enregistrés par les tribunaux ne permettent pas de savoir si l’ensemble des cas de trafiquants présumés ont fait l’objet de poursuites.
La commission rappelle encore une fois au gouvernement que la traite des enfants est un crime à caractère sérieux et qu’en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention le gouvernement est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la convention, y compris par l’application de sanctions pénales suffisamment efficaces et dissuasives. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les sanctions qui seront prononcées contre les personnes reconnues coupables de traite d’enfants soient suffisamment efficaces et dissuasives et qu’elles soient appliquées dans la pratique. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations à cet égard. La commission prie en outre le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application de la loi portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées dans la pratique, en communiquant notamment des statistiques sur le nombre et la nature des infractions signalées, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les sanctions pénales imposées.
Article 4, paragraphe 1. Détermination des types de travaux dangereux. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale avait parrainé une étude en 2008 afin de faire l’état des lieux des travaux dangereux et proposer un projet de législation interdisant la réalisation de ces types de travaux aux enfants. La commission avait exprimé le ferme espoir que le projet de législation interdisant la réalisation de ces travaux aux enfants de moins de 18 ans et déterminant ces types de travaux serait élaboré prochainement.
La commission note avec satisfaction que le gouvernement, en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées, a élaboré et adopté le décret no 2009-365/PRES/PM/MTSS/MS/MASSN du 28 mai 2009 portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants au Burkina Faso. Ce décret, définissant l’enfant comme étant toute personne âgée de moins de 18 ans, détermine la liste des travaux dangereux interdits aux enfants. La commission observe que l’article 5 du décret établit une liste détaillée de travaux dangereux interdits aux enfants par secteur d’activités, dont l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’agroforesterie et la chasse, l’industrie, les mines, carrières et sites d’orpaillage, les bâtiments et travaux publics, le secteur informel, l’artisanat, les arts et spectacles, le transport, et le secteur de la santé humaine et animale.
Article 5. Mécanismes de surveillance. Comité national multisectoriel de lutte contre la traite des personnes. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle un Comité national multisectoriel de lutte contre la traite des personnes et des pratiques assimilées, présidé par le Département de l’action sociale, a été mis en place par décret conjoint no 2009-529/PRES/PM/MASSN/MATD/SECU du 17 juillet 2009. Ce comité siège annuellement en session ordinaire pour faire le point dans la lutte contre la traite des personnes, dégager des orientations et faire des recommandations. Ainsi, la session de 2011 a permis de relever le besoin de former des acteurs sur le terrain, ainsi que la nécessité de vulgariser certains documents relatifs à la traite. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts de lutte contre la traite des enfants en renforçant la capacité des organes chargés de l’application de la loi, notamment par l’action du Comité national multisectoriel de lutte contre la traite des personnes. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Article 6. Plan d’action. La commission note que, selon l’examen des rapports présentés au CRC/OPSC du 7 mai 2012 (CRC/C/OPSC/BFA/1, paragr. 76), des plans d’action nationaux sont en cours d’élaboration, notamment le Plan d’action national de lutte contre la traite et les violences sexuelles faites aux enfants au Burkina Faso, qui définit des stratégies claires de lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle des enfants. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures spécifiquement prises ou envisagées dans le cadre du Plan d’action national de lutte contre la traite et les violences sexuelles faites aux enfants au Burkina Faso, ainsi que sur les résultats obtenus suite à la mise en œuvre de ces mesures. Elle prie également le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, un exemplaire de ce plan d’action.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa a). Empêcher que les enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants. Vente et traite d’enfants. La commission note les informations du gouvernement relatives à ses initiatives et mesures de prévention dans la lutte contre la traite, notamment celle des enfants. Ainsi, le gouvernement, à travers le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale (MASSN), mène des activités de sensibilisation auprès des principaux acteurs. Entre 2008 et 2009, plus de 15 000 exemplaires de la loi portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées ont été mis à leur disposition. Ces actions s’allient aux campagnes de sensibilisation menées auprès des populations à risque à travers les activités de causeries, de ciné-débats ou de théâtres forum. Le gouvernement indique que l’ensemble des activités de sensibilisation ont permis de toucher de manière directe 70 834 personnes, dont 18 815 hommes, 19 679 femmes et 32 340 enfants. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour empêcher que des enfants de moins de 18 ans ne deviennent victimes de traite à des fins d’exploitation économique ou sexuelle. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats obtenus suite à la mise en œuvre des activités de sensibilisation du MASSN.
Alinéa b). Aide directe pour soustraire les enfants des pires formes de travail. 1. Vente et traite d’enfants. Suivant ses commentaires précédents, la commission note les informations du gouvernement selon lesquelles les victimes de traite au Burkina Faso sont hébergées dans les centres de transit, où les garçons sont séparés des filles. Ces victimes bénéficient d’une prise en charge alimentaire, médicale, psychosociale et vestimentaire, ainsi que d’une prise en charge psychologique pour celles qui souffrent de traumatisme, conformément aux principes directeurs de l’UNICEF. Le gouvernement indique également que les victimes de traite, sans distinction de nationalité, bénéficient d’actions de réinsertion sur la base de projets élaborés avec leur participation afin de faciliter leur intégration dans leur communauté. Le rapatriement des victimes étrangères de traite n’est pas obligatoire, surtout si la victime est susceptible de faire l’objet de représailles dans son pays d’origine. La commission note qu’il existe aujourd’hui 23 centres de transit et que le gouvernement poursuit la construction et l’aménagement de tels centres de transit dans divers régions, villes et départements du pays. La commission note avec intérêt les informations du gouvernement selon lesquelles, au cours des années 2009-2011, 2 299 enfants victimes de traite interne (742 filles et 1 557 garçons) et 329 enfants victimes de traite transfrontalière (72 filles et 257 garçons) ont été interceptés. La commission prend bonne note des mesures prises par le gouvernement pour soustraire les enfants de la vente et de la traite et pour assurer leur réadaptation et leur intégration sociale, mesures qu’elle considère comme une manifestation de sa volonté politique d’éliminer cette pire forme de travail des enfants. La commission encourage vivement le gouvernement à poursuivre ses efforts et le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures prises dans un délai déterminé pour soustraire les enfants victimes de la vente et de la traite et les réadapter et les insérer socialement, et les résultats obtenus. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enfants victimes de traite, interne ou transfrontalière, qui ont bénéficié des mesures de réadaptation et d’intégration sociale en centre de transit.
2. Projet dans les mines d’or artisanales en Afrique de l’Ouest. Suivant ses commentaires précédents, la commission note les informations du gouvernement selon lesquelles il a entrepris, en partenariat avec l’UNICEF, le projet «Travail des enfants dans les mines et carrières artisanales», lancé en 2009 et placé sous la coordination d’un comité d’orientation technique présidé par le MASSN. Les activités de ce projet sont déployées dans 23 mines et carrières artisanales réparties sur cinq régions du Burkina Faso. La commission note que, depuis le démarrage du projet en 2009, 11 123 enfants (6 021 garçons et 5 012 filles) ont été retirés, qui bénéficient d’appui pour leur réhabilitation dans les systèmes éducatif et économique. Ainsi, 3 062 enfants de 3 à 6 ans ont bénéficié d’un encadrement préscolaire dans les bisongos; 6 216 enfants de 6 à 12 ans ont été inscrits à l’école primaire; 897 enfants de 13 à 17 ans ont été insérés dans des activités génératrices de revenus; 948 enfants de 15 à 17 ans ont été inscrits dans divers secteurs de formation professionnelle en partenariat avec l’Agence nationale pour l’emploi; et 1 000 mères d’enfants travaillant dans des mines ont bénéficié d’appui en activités génératrices de revenus pour accroître leurs capacités à protéger leurs enfants des pires formes de travail.
La commission note les informations du gouvernement selon lesquelles, dans le souci de mieux réorienter les activités du projet, le gouvernement a réalisé, en 2010, une étude sur le travail des enfants dans les sites d’orpaillage et dans les carrières artisanales dans cinq régions du pays. Cette étude révèle qu’environ un tiers de la population des 86 sites d’orpaillage artisanal sont des enfants, soit un total de 19 881 enfants, dont 51,4 pour cent de garçons contre 48,6 pour cent de filles. En outre, cette étude révèle une utilisation des enfants à tous les niveaux de production des minerais, tels la descente dans les galeries, le dynamitage des roches, le pilage, le concassage, le vannage, la restauration, la vente d’eau et le portage des minerais vers les hangars. Sur les sites des mines et carrières, ce sont les enfants qui, généralement, jouent aux intermédiaires pour l’accès à des produits illicites (vente de drogues) ou qui exercent du proxénétisme auprès de prostituées ou de racoleuses clandestines. Tout en notant les efforts considérables déployés par le gouvernement, la commission se doit d’exprimer sa préoccupation face au nombre d’enfants engagés dans les pires formes de travail dans les sites d’orpaillage et dans les carrières artisanales au Burkina Faso. La commission prie donc le gouvernement de redoubler d’efforts afin de soustraire les enfants des pires formes de travail dans les mines d’or artisanales et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale, dans le cadre du projet «Travail des enfants dans les mines et carrières artisanales» de l’UNICEF ou toutes autres mesures prises dans un délai déterminé. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les résultats obtenus.
Article 8. Coopération et assistance internationales. Coopération régionale. La commission avait noté que le gouvernement a signé des accords de coopération bilatéraux sur la traite transfrontalière des enfants avec la République du Mali et des accords multilatéraux de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l’Ouest.
Le gouvernement indique, dans son rapport, que le Burkina Faso bénéficie en général d’une bonne coopération avec les pays régionaux, ce qui facilite le traitement des cas de traite transfrontalière. Ainsi, pour la seule période du premier semestre de l’année 2012, la coopération avec les services de police du Bénin a permis d’intercepter et de rapatrier neuf enfants, tous des garçons, et d’interpeller un trafiquant. Avec la Côte d’Ivoire, la coopération a permis le retrait de 14 garçons de la traite et la réinsertion dans leurs familles. En outre, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle la signature d’un accord de coopération avec la Côte d’Ivoire est envisagée pour l’année 2012 et que le Burkina Faso est en processus de prise en compte d’un problème particulier de traite de jeunes filles vers le Liban, grâce à l’intervention de certaines chancelleries, dont celle des Etats-Unis. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour renforcer la coopération et l’assistance internationales afin d’éliminer la traite des enfants à des fins d’exploitation économique ou sexuelle et le prie de continuer à fournir des informations sur les résultats obtenus à cet égard.
Points IV et V du formulaire de rapport. Application de la convention dans la pratique. La commission avait noté qu’une étude nationale sur le travail des enfants avait été réalisée dans le pays et avait prié le gouvernement de fournir une copie de cette étude.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le Burkina Faso a réalisé, en 2006, une Enquête nationale sur le travail des enfants (ENTE) avec le soutien de l’OIT/IPEC/SIMPOC. Les résultats de cette enquête ont été publiés en 2008 et constituent, à ce jour, les données les plus récentes en matière de travail des enfants. La commission note que, selon l’ENTE, le travail des enfants touche 41,1 pour cent des enfants de 5 à 17 ans au Burkina Faso, soit 1 658 869 enfants travailleurs. L’ENTE fait ressortir également que 1 447 146 enfants sont astreints à des travaux dangereux au Burkina Faso, soit une proportion de 35,8 pour cent par rapport au nombre d’enfants âgés de 5 à 17 ans. Les enfants effectuant des activités dangereuses se retrouvent plus en milieu rural qu’en milieu urbain (38,5 pour cent contre 19,9 pour cent), et les garçons sont plus concernés que les filles (41,4 pour cent contre 29,9 pour cent). Le secteur d’activités qui emploie le plus grand nombre d’enfants âgés de 15 à 17 ans dans des travaux dangereux est celui de l’agriculture, la pêche et la chasse, dans lequel 85,8 pour cent (soit 774 041 enfants) des enfants engagés dans ce secteur effectuent des travaux dangereux. Par la suite, 88 pour cent (219 883 enfants) des enfants dans le secteur des activités domestiques; 79,7 pour cent (58 263 enfants) dans le commerce et la réparation; 91,5 pour cent (27 268 enfants) dans les activités extractives; 84,8 pour cent (20 909 enfants) dans la fabrication, l’eau, l’électricité et le gaz; 94,4 pour cent (10 941 enfants) dans la construction; et 75,8 pour cent (9 909 enfants) dans d’autres services, effectuent des travaux dangereux. Exprimant sa préoccupation face à la situation et au nombre d’enfants de moins de 18 ans astreints aux travaux dangereux, la commission prie le gouvernement de redoubler d’efforts pour éliminer ces pires formes de travail des enfants. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur tous progrès réalisés à cet égard et les résultats obtenus. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la nature, l’ampleur et les tendances des pires formes de travail des enfants, le nombre d’enfants couverts par les mesures donnant effet à la convention, et sur le nombre et la nature des infractions signalées, des enquêtes, poursuites, condamnations et sanctions infligées. Dans la mesure du possible, les données devraient être ventilées selon l’âge et le sexe.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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