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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Kirghizistan (Ratification: 2004)

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La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente, qui était conçue dans les termes suivants:
Répétition
Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Toute forme d’esclavage ou pratiques analogues. Vente et traite d’enfants. La commission avait noté précédemment que l’article 124(1) du Code pénal érige en infraction la traite des êtres humains et que l’article 124(2) alourdit la qualification des infractions de cet ordre lorsqu’elles sont commises sur des personnes de moins de 18 ans. La commission avait cependant noté que, d’après les indications données par le gouvernement au Comité des droits de l’enfant en mai 2006, des femmes et des enfants, originaires de Turquie, de Chine et des Emirats arabes unis étaient victimes d’une exploitation à des fins sexuelles au Kirghizistan et que des ressortissants kirghizes étaient vendus au Kazakhstan pour travailler sur des plantations de travail (CRC/C/OPSC/KGZ/1, p. 10). Compte tenu de ces éléments, la commission avait demandé que le gouvernement prenne des mesures immédiates et efficaces pour que l’article 124 du Code pénal soit appliqué et fournisse des informations statistiques sur l’application de cet article dans la pratique.
La commission a également noté que, d’après le rapport mondial sur la traite des personnes publié par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les chiffres produits par les autorités kirghizes faisaient état de six personnes mineures victimes de la traite en 2005 et neuf en 2006. En outre, d’après le rapport 2008 sur la traite des êtres humains au Kirghizistan publié sur le site Internet du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (www.unhcr.org) (rapport sur la traite), les autorités de ce pays auraient mené 33 enquêtes sur des affaires relevant de la traite en 2007 et 92 en 2008. Toujours selon ce rapport, huit personnes auraient été traduites en justice pour des faits de cette nature en 2008, et six auraient été condamnées. Ce rapport indique cependant que, si deux de ces personnes ont été condamnées à des peines de trois et huit ans de prison, les quatre autres n’ont été condamnées qu’à des peines avec sursis. D’autre part, dans ses observations finales du 2 février 2007 relatives au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le Comité des droits de l’enfant (CRC) se déclare préoccupé par le fait que plusieurs de ces affaires n’ont donné lieu ni à une enquête ni à des poursuites (CRC/C/OPSC/KGZ/CO/1, paragr. 17), et que la complicité et la corruption présumées de fonctionnaires dans la traite des enfants ferait obstacle à l’efficacité des mesures de prévention (paragr. 25). Enfin, le CRC déplore l’absence de données statistiques ainsi que l’absence de recherches sur l’ampleur de la traite et de la vente d’enfants dans le pays et vers l’étranger (paragr. 9).
La commission s’est déclarée profondément préoccupée par les présomptions de complicité de fonctionnaires de haut niveau dans la traite des êtres humains, de même que par l’absence totale de données statistiques sur l’ampleur de la traite des enfants au Kirghizistan. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires et ce, de toute urgence, pour assurer que les personnes qui se livrent à la traite des enfants aux fins de leur exploitation au travail ou de leur exploitation sexuelle sont, dans la pratique, poursuivies en justice, et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur sont imposées. De même, elle prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des données statistiques suffisantes sur la vente et la traite de personnes de moins de 18 ans soient disponibles. Dans ce contexte, elle le prie à nouveau de communiquer des informations sur le nombre des infractions constatées, des enquêtes ouvertes, des poursuites engagées, des condamnations prononcées et des sanctions pénales imposées en application de l’article 124 du Code pénal. Dans la mesure du possible, toutes ces informations devraient être ventilées par sexe et âge.
Alinéa b). Utilisation, recrutement ou offre d’un enfant à des fins de prostitution. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 157(1) du Code pénal érige en infraction le fait d’entraîner un mineur dans la prostitution et que les articles 260 et 261 de ce même code érigent en infraction l’incitation à la prostitution. Relevant que, d’après les indications données par le gouvernement, le nombre des enfants vivant dans la rue ou appartenant à des catégories vulnérables et risquant davantage d’être entraînés dans la prostitution s’accroît, elle avait demandé que le gouvernement fournisse des informations sur l’application pratique de ces dispositions du Code pénal.
La commission a noté que, d’après les informations contenues dans le rapport sur les pires formes de travail des enfants soumis par le Kirghizistan en 2008, publié sur le site Internet du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (rapport WFCL), le problème de l’exploitation sexuelle de personnes mineures à des fins commerciales persiste, en partie à cause d’une absence de réglementation et de contrôle. Selon ce rapport, des enfants venant de zones rurales (principalement des filles) sont victimes d’une traite à des fins d’exploitation sexuelle commerciales à Bichkek et Osh. En outre, dans ses observations finales mentionnées plus haut, le Comité des droits de l’enfant se déclare préoccupé par le fait qu’un certain nombre d’affaires de prostitution d’enfants n’aient donné lieu ni à une enquête ni à des poursuites (CRC/C/OPSC/KGZ/CO/1, paragr. 17) et, en outre, que les enfants victimes d’agissements de cette nature sont souvent la cible d’une stigmatisation et d’un ostracisme de la société, au point d’être tenus responsable des actes dont ils sont victimes et de se retrouver en détention puis traduits en justice (CRC/C/OPSC/KGZ/CO/1, paragr. 21).
La commission s’est déclarée préoccupée par le fait que la prostitution d’enfants persiste en partie en raison de l’absence de tout contrôle légal et, en outre, que des enfants victimes d’une exploitation sexuelle à des fins commerciales puissent être traités comme des délinquants. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les enfants utilisés, recrutés ou proposés pour une exploitation à des fins commerciales soient traités comme des victimes et non comme des délinquants. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des dispositions du Code pénal relatives à la prostitution d’enfants, notamment en fournissant des statistiques faisant apparaître le nombre et la nature des infractions constatées dans ce domaine, des enquêtes ouvertes, des poursuites exercées, des condamnations prononcées et des sanctions imposées. Enfin, elle prie à nouveau le gouvernement d’indiquer s’il existe dans la législation des dispositions qui sanctionnent pénalement celui qui recourt à la prostitution d’une personne de moins de 18 ans.
Alinéa d). Travaux dangereux. Travail d’enfants dans l’agriculture. La commission avait noté précédemment que le gouvernement avait approuvé une liste détaillée des activités, métiers et travaux dans lesquels il est interdit d’employer des personnes de moins de 18 ans, et qu’il avait adopté au niveau sectoriel un certain nombre d’instruments réglementaires interdisant l’emploi de cette catégorie de personnes à des travaux comportant l’utilisation et le stockage de pesticides. Elle avait noté en outre que l’article 294 du Code pénal interdit l’emploi de personnes de moins de 18 ans à des travaux s’effectuant dans des conditions pénibles et dangereuses, y compris la production de tabac.
La commission a noté néanmoins que, d’après le rapport WFCL mentionné plus haut, dans l’agriculture l’emploi d’enfants à des tâches pénibles est courant, notamment dans l’exploitation du tabac, du riz et du coton, où ces enfants travaillent dans des conditions dangereuses. Il est indiqué dans ce même rapport que la réglementation interdisant l’emploi d’enfants aux travaux de cette nature n’est pas appliquée strictement en milieu rural. A cet égard, la commission a noté que, dans son rapport adressé à l’Organisation mondiale du commerce en vue de l’examen de la politique commerciale du Kirghizistan par le Conseil général de l’OMC, du 9 au 11 octobre 2006 (rapport intitulé «Internationally recognized core labour standards in Kyrgyzstan»), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL, devenue entre-temps la Confédération syndicale internationale – CSI) signale que «certains établissements scolaires font participer les enfants à la récolte du tabac, et le revenu de cette activité revient directement aux écoles, et non aux enfants ou à leurs familles». Il est également indiqué dans ce rapport que, dans certains cas, les classes sont suspendues et les élèves sont envoyés dans les champs pour récolter le coton. Enfin, la commission a noté que, dans ses observations finales du 3 novembre 2004, le Comité des droits de l’enfant exprime ses préoccupations au sujet de l’utilisation d’enfants comme travailleurs par des institutions de l’Etat et, en particulier, par des établissements scolaires d’Etat (CRC/C/15/Add.244, paragr. 59). La commission exprime sa profonde préoccupation devant la situation des enfants des écoles qui sont tenus d’effectuer des travaux agricoles dans les secteurs du coton et du tabac, souvent dans des conditions dangereuses, et prie le gouvernement de prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour assurer la protection des personnes de moins de 18 ans par rapport à ces activités relevant des pires formes de travail des enfants, notamment en faisant respecter la réglementation interdisant la participation d’enfants à des travaux agricoles dangereux.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces dans un délai déterminée. Alinéa b). Aide directe nécessaire pour soustraire des enfants aux pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. 1. Traite d’enfants. La commission avait noté qu’une puissante campagne de sensibilisation contre la violence à l’égard des femmes et la traite des femmes et des jeunes filles avait été engagée par des organes gouvernementaux, des institutions internationales et des médias locaux, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans le but de voir ces pratiques disparaître. Elle avait également pris note de l’existence d’un centre de prise en charge psychologique d’urgence des familles et des femmes (Sezim) à Bichkek, assurant des services de réadaptation et de réintégration sociale pour les victimes de la traite, notamment en faveur d’une trentaine d’enfants.
La commission a noté que, d’après les informations publiées sur le site Internet de l’OIM, la collaboration entre cette organisation et le gouvernement se poursuit, à travers un programme intitulé «Combating Trafficking in Persons in Central Asia: Prevention, Protection and Capacity Building», programme qui inclut la sensibilisation du public et l’assistance aux victimes. D’après le rapport sur la traite, le gouvernement, bien que ne fournissant pas de financement direct pour les centres d’hébergement ou pour l’aide médicale aux victimes, offre néanmoins les locaux nécessaires pour trois centres d’hébergements gérés par des ONG et a approuvé la procédure de rapatriement de ressortissants kirghizes victimes de la traite. Le rapport sur la traite indique également que les autorités et les ONG ont identifié 331 personnes victimes de la traite en 2007 et 161 en 2008. Il indique en outre que 117 personnes victimes de la traite ont bénéficié d’une aide de la part d’ONG en 2008, dont 20 qui avaient été orientées vers ces ONG par les autorités publiques. Observant une disparité entre le nombre de victimes de la traite identifiées et le nombre de victimes bénéficiant d’une assistance, la commission prie le gouvernement d’intensifier les efforts prévus pour assurer l’assistance directe nécessaire et appropriée aux enfants devant être soustraits de la traite, réadaptés et réinsérés dans la société. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard et sur les résultats obtenus, en indiquant notamment le nombre de victimes de la traite âgées de moins de 18 ans qui ont bénéficié de mesures de rapatriement et le nombre d’enfants qui ont bénéficié d’une assistance, d’un hébergement et d’autres services.
2. Enfants occupés à des travaux dangereux dans l’agriculture. La commission a noté que, d’après les estimations du rapport d’avancement technique de l’OIT/IPEC, relatif au projet intitulé «Health and rehabilitation of working children in tobacco, rice and cotton fields in Osh and Jalalabat regions» d’août 2006 (Agriculture TPR 2006), il est assez courant que des enfants soient employés dans le secteur agricole au Kirghizistan et, dans le seul secteur de Jalalabat, on estime que 125 000 y sont employés chaque année. Toujours selon ce rapport, nombre de ces enfants sont exposés à des risques incluant des lésions corporelles liées à l’utilisation de machines, à l’absence d’eau potable dans les champs, à l’exposition à des pesticides toxiques, aux piqûres d’insectes et aux morsures de rongeurs et aux risques spécifiques à la production de tabac (irritation de la peau et intoxication). Cependant, il est indiqué dans ce rapport qu’un accord a été conclu au niveau gouvernemental sur la nécessité de mettre en place un programme global d’éradication des pires formes de travail des enfants dans l’agriculture. Diverses initiatives ont été mises en œuvre pour répondre à ce problème: par exemple le projet «Elimination du travail des enfants dans la production de tabac au Kirghizistan» 2010-2012, mis en œuvre par le syndicat des travailleurs de l’agriculture avec le soutien de la fondation ECLT (dans le cadre du PROACT CAR, phase II) et des réunions organisées par le Bureau des activités pour les employeurs du BIT sur le rôle que ces derniers sont appelés à jouer dans l’élimination du travail des enfants dans l’agriculture au Kirghizistan.
La commission a noté cependant que, d’après le rapport WFCL, dans la partie méridionale du Kirghizistan, il arrive souvent que les enfants n’aillent plus à l’école à la saison des récoltes de coton et de tabac pour participer à ces récoltes, souvent dans des conditions dangereuses. Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’intensifier les efforts tendant à soustraire les enfants aux pires formes de travail des enfants dans l’agriculture, notamment dans la production du coton, du tabac et du riz. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètement prises à cet égard et les résultats obtenus, notamment sur le nombre d’enfants soustraits à ces activités et ayant bénéficié d’une réadaptation.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.
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