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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Soudan (Ratification: 2003)

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Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Toutes formes d’esclavage et pratiques analogues. 1. Enlèvements et imposition de travail forcé. La commission avait pris note des diverses dispositions légales interdisant le travail forcé des enfants au Soudan (et les enlèvements à cette fin), dont l’article 30(1) de la Constitution de transition de 2005, l’article 32 de la loi sur l’enfance de 2004 et l’article 312 du Code pénal. Elle avait également pris note, dans ses précédents commentaires au titre de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, des allégations de la Confédération syndicale internationale (CSI) d’enlèvements de femmes et d’enfants par les milices Janjaweed à des fins, dans certains cas, d’esclavage sexuel. Elle avait pris note, en outre, des informations contenues dans la communication de la CSI de 2005 selon lesquelles la conclusion, en janvier 2005, d’un Accord général de paix (et l’adoption de la Constitution transitoire) constitue une chance historique pour le nouveau gouvernement du Soudan de résoudre le problème des enlèvements, mais ne conduira pas automatiquement à mettre un terme aux enlèvements et à l’imposition de travail forcé. La commission avait noté à cet égard en 2009 que, selon le rapport d’activité du Comité pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC), annexé au rapport du gouvernement, ce comité a réussi à identifier et résoudre 11 237 des 14 000 cas d’enlèvements dont il était saisi et que 3 398 personnes enlevées ont pu retrouver leurs familles. Toutefois, elle avait relevé que le Secrétaire général des Nations Unies, dans un rapport du Conseil de sécurité sur les enfants et le conflit armé au Soudan en date du 10 février 2009, soulignait le grand nombre de cas d’enlèvements d’enfants dans le Sud-Soudan et au Darfour en 2007 et insistait sur le fait que des enlèvements d’enfants se sont poursuivis en 2008 (S/2009/84, paragr. 35-37).
La commission note que la Commission de la Conférence, dans ses conclusions de juin 2010 sur l’application de la convention no 29 au Soudan, a observé qu’il n’y a pas d’informations actualisées sur les activités du CEAWC concernant le nombre de victimes identifiées et réunies à leurs familles depuis 2008. En outre, la commission se réfère à ses commentaires de 2010 au titre de la convention no 29, où elle relevait les déclarations réitérées du gouvernement selon lesquelles les enlèvements auraient complètement cessé, observant que cette affirmation était en contradiction avec d’autres sources fiables d’information.
La commission note que, dans ses observations finales du 10 octobre 2010 (CRC/C/SDN/CO/3-4, paragr. 78), le Comité des droits de l’enfant s’est déclaré préoccupé par les enlèvements d’enfants à des fins de travail forcé. En outre, d’après le rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité sur les enfants et le conflit armé au Soudan du 5 juillet 2011, si, dans les trois Etats formant le Darfour, les allégations de cas d’enlèvements d’enfants ont diminué, il en est toujours signalé. De plus, la commission note l’information, contenue dans le 13e rapport périodique du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Soudan d’août 2011, selon laquelle des cas d’enlèvements, y compris d’enfants, continuent d’être signalés à la composante des Droits de l’homme de la Mission des Nations Unies au Soudan (paragr. 30 et 31). La commission observe une fois de plus que, même s’il semble que des mesures concrètes de lutte contre le travail forcé d’enfants ont été prises, et notamment que le nombre des enlèvements d’enfants signalés dans la région du Darfour est en baisse, aucun élément vérifiable ne prouve que le travail forcé des enfants ait été éradiqué. Par conséquent, même si la législation nationale semble interdire les enlèvements et l’imposition de travail forcé, ces pratiques restent un sujet de préoccupation. A cet égard, la commission rappelle une fois de plus qu’en vertu de l’article 3 a) de la convention le travail forcé est l’une des pires formes de travail des enfants et qu’en vertu de l’article 1 de la convention il incombe à tout Etat qui ratifie cet instrument de prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants, et ce de toute urgence. La commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts tendant à l’amélioration de la situation et de prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour que les pratiques d’enlèvements d’enfants et d’imposition de travail forcé à des enfants de moins de 18 ans soient éradiquées, et ce de toute urgence. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour que les enfants victimes d’enlèvements et de travail forcé soient soustraits à ces situations et que leur réadaptation et leur intégration sociale soient assurées, et sur les résultats obtenus.
2. Enrôlement forcé d’enfants en vue de leur utilisation dans un conflit armé. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que les forces armées gouvernementales, dont les Forces de défense populaires paramilitaires (PDF), les milices soutenues par le gouvernement, l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et d’autres groupes armés, notamment des groupes tribaux qui ne sont pas alliés au gouvernement ou des groupes armés d’opposition, ont recruté de force des enfants soldats dans le nord et le sud du Soudan. La commission avait observé que ce recrutement a eu lieu principalement dans le Haut-Nil occidental et le sud du Haut-Nil, l’Equatoria orientale et les montagnes Nouba, et qu’en 2004 environ 17 000 enfants se trouvaient encore dans les forces gouvernementales, l’APLS et les milices. La commission avait cependant noté que l’article 9(24) du sixième protocole de l’Accord général de paix exige «la démobilisation de tous les enfants soldats dans un délai de six mois à compter de la date de la signature de l’accord». L’article 9(1)(10) du protocole déclare que la conscription d’enfants est une violation des dispositions de l’accord. La commission avait également noté qu’en décembre 2007 avait été adoptée la loi sur les forces armées du Soudan, qui fixe l’âge minimum de l’enrôlement à 18 ans et érige en infraction pénale l’enrôlement de toute personne de moins de 18 ans. La commission a cependant noté que, dans son rapport sur les enfants et le conflit armé au Soudan du 10 février 2009, le Secrétaire général des Nations Unies a indiqué que les observateurs des Nations Unies sur le terrain signalent notamment l’enrôlement et l’utilisation d’enfants par l’APLS, la présence de 55 enfants de 14 à 16 ans en uniforme parmi les Forces armées soudanaises (SAF) et le recrutement et l’utilisation de 487 enfants par diverses formations et groupes armés opérant dans les trois Etats constitutifs du Darfour (S/2009/84, paragr. 9-17). La commission avait par conséquent prié le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour mettre fin en pratique au recrutement forcé d’enfants dans les forces armées.
La commission note que l’article 43 de la loi sur l’enfance de 2010 interdit l’enrôlement, la nomination ou l’emploi d’enfants dans les conflits armés, dans des groupes armés ou leur emploi dans des opérations armées. Cependant, elle note avec préoccupation que le rapport du gouvernement ne contient pas d’informations sur les mesures prises pour faire appliquer ces dispositions ou les dispositions de la loi sur les forces armées du Soudan qui interdisent le recrutement forcé d’enfants dans un conflit armé.
La commission note que, dans son rapport sur le sort des enfants touchés par le conflit armé au Soudan du 5 juillet 2011, le Secrétaire général indique que le recrutement et l’utilisation d’enfants par l’APLS ont été constatés dans trois zones de transition (les Etats d’Abyei, du Sud-Kordofan et du Nil Bleu) au cours de la période couverte par ce rapport (de janvier 2009 à février 2011), dont près de 800 enfants observés au quartier général divisionnaire de l’APLS à Samari, dans l’Etat du Nil Bleu (S/2011/413, paragr. 15). Ce rapport indique également qu’au cours de la même période 501 enfants (dont six filles) ont été vus comme étant associés à au moins dix groupes armés au Darfour (S/2011/413, paragr. 17). Il est indiqué dans ce rapport que cela représente un recul du nombre des enfants associés à des groupes armés au Darfour et que ce recul pourrait être dû en partie aux campagnes de sensibilisation menées auprès des forces et groupes armés, qui se sont traduites par un engagement à mettre fin à l’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats. Cependant, ce rapport indique également que l’observation de l’enrôlement d’enfants dans les groupes armés reste sérieusement handicapée par des difficultés touchant à la sécurité, à l’accès aux zones contrôlées par les forces non gouvernementales et aux restrictions de déplacement imposées par le gouvernement (S/2011/413, paragr. 17).
Tout en notant le recul apparent du nombre des enfants associés à des groupes armés dans la région du Darfour, la commission doit exprimer une fois de plus sa préoccupation de constater que, dans la pratique, des enfants sont encore enrôlés et forcés de rejoindre des groupes armés ou des forces armées nationales. Elle exprime sa profonde préoccupation devant la persistance de ces pratiques, génératrices d’autres violations des droits des enfants – enlèvements, meurtres, violences sexuelles. A cet égard, elle se réfère à l’appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies au gouvernement afin que des mesures soient prises d’urgence face à la présence continuelle d’enfants dans les SAF et les formations associées (S/2011/413, paragr. 83). La commission prie instamment le gouvernement de prendre de toute urgence, en collaboration avec les organismes des Nations Unies opérant dans le pays, des mesures immédiates et efficaces afin de mettre un terme à cette pratique de recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans par des groupes armés et des forces armées. Elle prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des enquêtes approfondies soient menées et que des poursuites efficaces soient engagées contre toute personne, y compris appartenant aux forces armées gouvernementales, ayant recruté de force des personnes de moins de 18 ans pour utilisation dans un conflit armé et que des sanctions suffisamment dissuasives et efficaces soient imposées aux auteurs de ces actes dans la pratique. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard et les résultats obtenus.
Article 7, paragraphe 1. Travail forcé. Sanctions. La commission avait noté précédemment que le Code pénal de 2003 et la loi sur l’enfance de 2004 comportent diverses dispositions qui prévoient des peines d’emprisonnement et des amendes suffisamment efficaces et dissuasives contre ceux qui auront soumis des enfants à du travail forcé. Elle avait noté cependant que, d’après la CSI, l’impunité est acquise à ceux qui ont enlevé des enfants et les ont soumis à du travail forcé – puisqu’il n’a jamais été exercé de poursuites sur ce chef au cours des seize dernières années –, ce qui a contribué à faire perdurer ces pratiques tout au long de la guerre civile et, plus récemment, au Darfour. La commission avait noté à cet égard que le gouvernement avait déclaré en novembre 2005 que toutes les parties concernées, y compris le Comité des chefs Dinka (DCC), avaient demandé que la CEAWC s’abstienne d’engager des actions judiciaires tant que les efforts amiables des tribus n’auraient pas été menés à leur terme, pour les raisons suivantes: les actions judiciaires sont longues et coûteuses; elles peuvent faire peser des menaces sur la vie des enfants enlevés; elles ne contribuent pas à consolider la paix entre les tribus concernées. La commission avait estimé que la non-application des dispositions pénales interdisant de soumettre des personnes de moins de 18 ans à du travail forcé, bien qu’elles puissent contribuer parfois à ce que les victimes soient retrouvées, a pour effet d’assurer l’impunité aux auteurs au lieu de les punir. Elle avait demandé que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour que des sanctions suffisamment efficaces soient infligées aux personnes ayant soumis des enfants de moins de 18 ans au travail forcé et de fournir des informations sur le nombre des infractions signalées, des enquêtes menées, des poursuites exercées, des condamnations prononcées et des sanctions imposées.
La commission note avec préoccupation que le rapport du gouvernement ne contient pas d’informations sur l’application des sanctions pénales pertinentes dans la pratique. Se référant aux commentaires formulés dans le contexte de la convention no 29, elle note que, de l’avis du gouvernement, dans l’esprit de la réconciliation nationale, il pourrait ne pas y avoir lieu de soutenir les poursuites contre les auteurs d’enlèvements et de travail forcé.
La commission note cependant que, dans ses observations finales du 10 octobre 2010 (CRC/C/SDN/CO/3-4, paragr. 78), le Comité des droits de l’enfant s’alarme des enlèvements d’enfants aux fins de travail forcé et de l’impunité dont les auteurs de ces actes jouissent de facto. La commission se réfère à cet égard aux commentaires formulés au titre de la convention no 29, où elle réitère que le fait de ne pas appliquer des sanctions à l’égard de ceux qui ont soumis des enfants au travail forcé est contraire à cette convention et peut avoir pour effet de créer un climat d’impunité pour les auteurs d’enlèvements qui exploitent la main-d’œuvre forcée. La commission rappelle une fois de plus au gouvernement qu’en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention il lui incombe de prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à cette convention, y compris par l’établissement et l’application de sanctions pénales. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des enfants de moins de 18 ans contre les enlèvements à des fins de travail forcé, notamment en assurant que des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives soient imposées dans la pratique aux auteurs de tels actes. Elle le prie également de fournir dans son prochain rapport des informations sur le nombre des infractions signalées, des enquêtes menées, des poursuites exercées, des condamnations prononcées et des sanctions imposées dans ce domaine.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces dans un délai déterminé. Alinéa b). Soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Enfants soldats. La commission avait noté précédemment que, dans son rapport du 10 février 2009 sur les enfants et le conflit armé au Soudan, le Secrétaire général des Nations Unies indiquait qu’au cours de la période considérée (1er août 2007 au 30 août 2008) près de 600 enfants antérieurement associés aux forces ou aux groupes armés, ainsi que 12 000 autres enfants vulnérables, ont bénéficié, au titre de l’Accord général de paix, d’un appui dans le cadre de programmes de réintégration déployés dans l’ensemble du Soudan. Elle avait noté que le Conseil de coordination national pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) et la Commission DDR pour le Nord-Soudan ont été établis par l’Accord général de paix en février 2006 et que, grâce à cela, la réintégration de quelque 300 enfants avait commencé. Cependant, bien que l’accord de paix (signé en janvier 2005) appelle à la libération immédiate et sans condition de tous les enfants aux mains des diverses forces et des divers groupes combattant dans un délai de six mois, le Secrétaire général des Nations Unies a souligné que des enfants continuent d’être enrôlés par toutes les parties au conflit (S/2009/84, paragr. 56-60).
La commission note que l’article 44 de la loi sur l’enfance de 2010 prévoit que l’autorité responsable de la démobilisation et de la réintégration mettra au point des programmes d’aide à la démobilisation des enfants, en coordination avec d’autres organes (les institutions militaires et de sécurité ainsi que les groupes armés) et s’efforcera d’assurer la réintégration de ces enfants sur les plans social et économique. Le gouvernement indique que des efforts sont déployés par la Commission DDR pour le Nord-Soudan pour fournir un soutien psychologique et social ainsi qu’éducatif et professionnel aux enfants. Il indique que plusieurs programmes de formation professionnelle ont été mis en place pour assurer la réintégration et la réinsertion d’enfants qui avaient été kidnappés. Il indique que 78 spécialistes du ministère des Affaires sociales et du ministère de l’Education ont bénéficié d’une formation sur la protection des enfants, la résolution des conflits, la réadaptation psychologique et sociale et la participation des communautés au processus de réadaptation et de réinsertion.
La commission note que, dans son rapport sur les enfants et le conflit armé au Soudan du 5 juillet 2011, le Secrétaire général indique que, suite aux efforts de sensibilisation déployés avec constance par les Nations Unies, la première démobilisation, portant sur 88 enfants aux mains de l’APLS à Kurmuk dans l’Etat du Nil Bleu, a eu lieu le 14 mai 2009. Cet événement a été suivi de la démobilisation d’un autre contingent de 140 enfants, le 30 décembre 2010 (S/2011/413, paragr. 22). Ce rapport indique également que, de février 2009 à février 2011, la Commission DDR pour le Nord-Soudan a enregistré, avec le soutien des Nations Unies, 1 041 anciens enfants soldats au Darfour. Toutefois, ce rapport fait également état de cas de réenrôlement d’enfants (S/2011/413, paragr. 20). Le Secrétaire général des Nations Unies indique à cet égard que le réenrôlement d’enfants précédemment soustraits aux forces ou aux groupes armés constitue un réel danger, qui ne peut trouver d’autres solutions que dans un soutien à la réadaptation durable de ces enfants (S/2011/413, paragr. 89). La commission prie fermement le gouvernement de continuer à prendre, en collaboration avec les Nations Unies, des mesures efficaces prises dans un délai déterminé afin de soustraire les enfants au conflit armé et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale, en veillant particulièrement aux enfants risquant d’être réenrôlés. A cet égard, elle le prie de fournir des informations sur le nombre des enfants de moins de 18 ans qui ont été soustraits à des forces armées et ont ensuite bénéficié d’une réadaptation et d’une intégration sociale au sein de leurs communautés par suite des efforts de désarmement, démobilisation et réinsertion.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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