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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952 - Pérou (Ratification: 1961)

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La commission a pris note du rapport présenté par le gouvernement le 3 septembre 2010 ainsi que des éléments suivants: les commentaires présentés par la Coordination des centrales syndicales CUT-CGTP-CTP-CATP du 14 septembre 2010; les commentaires présentés par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) le 28 août 2010; la réponse du gouvernement du 15 octobre 2010 aux observations de la Coordination des centrales syndicales précitées; les commentaires présentés par la Confédération nationale des institutions des entreprises privées (CONFIEP) (Chambre de commerce de Lima) en date du 18 novembre 2010; le nouveau rapport présenté par le gouvernement le 19 septembre 2011; les commentaires présentés par la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) le 23 septembre 2011 sur le nouveau rapport du gouvernement. La commission sait gré au gouvernement et aux partenaires sociaux d’avoir maintenu un dialogue de fond constructif sur les questions soulevées dans son observation générale à propos de l’ensemble des conventions de sécurité sociale ratifiées par le Pérou (soit les conventions nos 12, 19, 24, 25, 35 à 40, 44 et 102). Elle veut croire que ce dialogue favorisera l’élaboration d’une stratégie nationale de consolidation et de développement durable du régime de sécurité sociale qui permettra à l’Etat d’utiliser pleinement tout le potentiel offert par les normes internationales de sécurité sociale, afin de garantir la bonne administration des régimes et permettre l’extension progressive de la couverture à l’ensemble de la population. Dans ce contexte, la commission attire l’attention du gouvernement sur les autres questions suivantes:

1. Respect des principes de base établis par les conventions internationales de sécurité sociale

La commission note les informations communiquées par la CGTP, telles que reflétées dans l’étude d’ensemble de 2011 concernant les instruments relatifs à la sécurité sociale (voir paragr. 545), selon lesquelles le système de sécurité sociale, par suite d’une forte tendance à la privatisation qui a marqué la décennie 1990, viole le principe de financement collectif des prestations, tant dans le cadre du système privé que dans celui du système public; prévoit des montants insuffisants en ce qui concerne les prestations destinées à assurer une compensation minimale pendant toute la durée de l’éventualité; n’applique pas les critères techniques de revalorisation des pensions; nie toute participation démocratique des travailleurs à l’administration et à la gestion de la sécurité sociale; présente de graves déficiences quant aux mécanismes d’instruction des réclamations et recours portant sur les conditions d’admissibilité aux prestations. Devant ces critiques réitérées, la commission a jugé nécessaire que le gouvernement fasse appel à tous ses moyens techniques pour réviser la structure du système national de sécurité sociale à la lumière des principes fondamentaux de bonne gouvernance élaborés par la communauté internationale au cours des soixante dernières années, et qui sont les suivants:
Le principe de financement collectif de la sécurité sociale veut que le coût des prestations attribuées et les frais d’administration de ces prestations soient financés collectivement par voie de cotisations ou d’impôts (article 71, paragraphe 1, de la convention), de telle manière que le total des cotisations d’assurance à la charge des salariés protégés ne dépasse pas 50 pour cent du total des ressources affectées à la protection des salariés (article 71, paragraphe 2, de la convention). Contrairement à ce principe, le Système privé de pensions (SPP) du Pérou prévoit que les assurés versent seuls des cotisations sur des comptes individuels de capitalisation et de financement des primes d’assurance-vieillesse, d’assurance-invalidité et de prestations de survivants, et que les dépenses d’administration sont supportées uniquement par les travailleurs affiliés aux Administrateurs des fonds de pension (AFP). D’autre part, s’agissant du Système national de pensions (SNP), le gouvernement avait affirmé, dans son rapport présenté le 3 septembre 2010, que ce système «est de nature contributive et solidaire par rapport au travailleur et à l’employeur» et que, conformément à l’article 6 du titre III du décret-loi no 19990 tel que modifié, son financement est assuré au moyen des cotisations des employeurs et des salariés. Or, dans sa réponse d’octobre 2010 aux commentaires des centrales syndicales, le gouvernement déclare que les lois régissant le SNP disposent que l’obligation de financement incombe intégralement aux travailleurs. Qui plus est, sur le site Internet de l’Autorité nationale de surveillance de l’administration des contributions (SUNAT), il est indiqué que les cotisations dues à l’Office de normalisation prévisionnelle (ONP), chargé de l’administration du SNP, sont à la charge du salarié et que l’employeur agit simplement en qualité d’agent collecteur de prélèvement à la source. Au vu de ces informations contradictoires, la commission saurait gré au gouvernement d’expliquer de quelle manière le principe de financement collectif de la sécurité sociale est observé dans le cadre du SNP.
Le principe de gestion démocratique du système de sécurité sociale présuppose que, lorsque l’administration du système de sécurité sociale n’est pas assurée par une institution réglementée par les autorités publiques ou par un département gouvernemental responsable devant un parlement, des représentants des personnes protégées doivent participer à l’administration ou y être associés avec pouvoir consultatif (article 72, paragraphe 1, de la convention). Le SPP n’assure aucune possibilité pour les assurés de participer à l’administration des AFP. Dans son rapport de 2010, le gouvernement avait indiqué qu’il prévoyait d’étudier la possibilité de créer un conseil de surveillance dans lequel siègeraient des représentants des assurés au SPP en évoquant, à titre d’exemple, le conseil de surveillance prévu par le décret législatif no 862 relatif aux fonds de placement et à leurs sociétés administratrices, conseil qui pourrait recueillir des informations auprès des AFP sur l’administration des fonds de pension. Toutefois, dans son dernier rapport de 2011, le gouvernement ne fait état d’aucun progrès quant à l’intégration de représentants des assurés dans l’administration des AFP, à tout le moins avec un pouvoir consultatif. De son côté, la CUT déclare que les réformes apportées au SPP n’ont pas recueilli un appui tripartite et, au surplus, que les objectifs qui avaient été fixés n’ont pas été remplis. Paradoxalement, en revanche, dans la sphère du SNP, la commission observe que le gouvernement a renforcé la participation des représentants des assurés dans les organes directeurs dudit système. C’est ainsi qu’à travers l’article 16 du décret législatif no 817 de 1996 promulguant la loi portant régime prévisionnel à la charge de l’Etat a été créé le Fonds consolidé de réserves prévisionnelles, dont le conseil d’administration compte deux représentants des retraités nommés sur proposition du Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi (CNTPE) par résolution ministérielle du ministère de l’Economie et des Finances. Compte tenu de la volonté du gouvernement de promouvoir le principe de gestion participative dans le cadre du SNP, la commission saurait gré au gouvernement d’expliquer dans quelle mesure l’application de ce principe est garantie en ce qui concerne le SPP et à permettre ainsi la participation des représentants des assurés dans des AFP, conformément à l’article 72, paragraphe 1, de la convention. S’agissant de la participation des personnes assurées à l’administration des assurances-santé, la situation est très similaire à celle de la participation des assurés au SNP. Néanmoins, la commission constate qu’il n’est pas prévu de participation des assurés à l’administration, dans le contexte des assurances privées, comme par exemple les Institutions administrant des fonds d’assurance-maladie (IAFAS) à caractère privé, les Entités prestataires de santé (EPS), l’Institut des prestataires de services de santé (IPRESS) et les compagnies d’assurance privée de santé. D’après les informations disponibles sur le portail de l’Autorité nationale de surveillance de l’assurance-santé (SUNASA), les EPS, prévues par la loi de modernisation de la sécurité sociale en matière de santé (no 26790), peuvent avoir un caractère privé, public ou mixte et assurent une fonction complémentaire à celle de l’assurance sociale en matière de santé (EsSalud). Leur contrôle est assuré directement par l’Autorité de surveillance des entreprises prestataires de santé (SEPS) en vertu de la disposition supplémentaire no 4 du décret 009-97-SA, qui porte réglementation de la loi précitée no 26790, sans que n’ait été prévue, pour ces entités de caractère privé ou mixte, l’obligation de désigner des représentants des assurés admis à participer à leur administration. En revanche, dans le cadre de EsSalud, qui est un organisme public décentralisé autonome chargé d’administrer le régime contributif de l’assurance sociale en matière de santé, le gouvernement déclare, dans son rapport de 2011, que le conseil de direction de cette entité est constitué de représentants de l’Etat, des employeurs et des assurés, ces derniers étant plus précisément des représentants des travailleurs du régime salarié du secteur public, du secteur privé et des retraités. D’autre part, la commission note avec intérêt que le principe de gestion participative, prévu par la loi-cadre relative à l’assistance universelle santé (AUS), se définit comme l’exercice de la citoyenneté dans la formulation et le suivi des politiques d’assurance universelle santé. L’article 9 du règlement de ladite loi dispose que le ministère de la Santé (MINSA) établira les mécanismes de vigilance citoyenne qui devront être déployés par les gouvernements régionaux et locaux afin de permettre à la population d’exercer ses droits en matière d’assurance universelle santé. Ainsi, à travers la résolution no 040-2011, le MINSA a jeté les principales bases de la politique de vigilance citoyenne. Cependant, ce document fait mention de divers comités de vigilance citoyenne établis par le médiateur en matière de santé, tout en reconnaissant que rien ne montre qu’il soit appliqué dans la pratique au niveau national. De fait, ces mécanismes de vigilance citoyenne, qui doivent être mis en place par les gouvernements régionaux et locaux, accorderont une attention particulière à l’assurance universelle santé pour ce qui est du respect des garanties de qualité, d’accessibilité et de financement, sans préjudice des compétences qui reviennent à la SUNASA. La commission observe que ces mécanismes de participation citoyenne pourraient avoir un caractère complémentaire mais ne sauraient se substituer à l’obligation de désigner des représentants des assurés au sein des Institutions administrant les fonds d’assurance-santé (IAFAS) de caractère privé. Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’étudier la possibilité de mettre en place au sein des EPS privées, de l’IPRESS ou des Compagnies d’assurances privées pour la santé, un mécanisme par lequel les représentants des assurés pourront participer à l’administration de ces institutions ou y être associés avec un pouvoir consultatif, sans préjudice des mécanismes de vigilance citoyenne que les gouvernements régionaux ou locaux jugeront opportuns de mettre en place, de manière à ce que la législation soit conforme à l’article 72, paragraphe 1, de la convention.
Le principe de garantie de prestations minimales. La commission rappelle que la mise en place de programmes de pensions minimales garanties devrait s’accompagner de la fixation d’un seuil de pauvreté ou d’un revenu minimum de subsistance ainsi que de la revalorisation des pensions minimales à un niveau situé au-dessus de ce paramètre. La commission est préoccupée par le fait que les régimes de sécurité sociale, normalement destinés à assurer des prestations adéquates, se soient transformés dans de nombreux pays en développement à tel point que les prestations servies le sont à un niveau inférieur au seuil de pauvreté; dans ces cas, l’Etat ne saurait être considéré comme s’acquittant de ses responsabilités (voir étude d’ensemble de 2011 sur les instruments relatifs à la sécurité sociale, paragr. 459 et 460). C’est dans ce contexte que la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles il existe différentes formes de calcul de la pension, selon qu’il s’agit de pensions prévues par le décret loi no 19990, la loi no 25967 ou encore la loi no 27617. Aux termes du décret loi no 19990, le calcul de la pension s’effectue sur la base de la moyenne des rémunérations assurables de l’assuré et en fonction des années de cotisation. Aux termes de la loi no 25967, le montant de la pension versée aux assurés qui justifient avoir cotisé vingt années complètes devra être équivalent à 50 pour cent de leur rémunération de référence (l’article 2 de ladite loi prévoyant trois modalités différentes de calcul de la rémunération de référence selon le nombre d’années de cotisation). En vertu de la loi no 27617, la rémunération de référence est déterminée sur la base de la moyenne des rémunérations des soixante derniers mois de cotisation, le montant de la pension étant calculé sur la base d’un tableau, lequel ne figure pas dans le rapport du gouvernement. Le gouvernement confirme, dans son rapport de 2011, que le SPP ne garantit pas un taux de remplacement. En revanche, dans le cadre du SNP, le versement des pensions est assuré et garanti par l’ONP, le Fonds consolidé de réserves prévisionnelles et l’Etat à travers un transfert de ressources ordinaires du Trésor public. Néanmoins, la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) déclare que le montant des pensions versées n’atteint pas le seuil minimum prévu par la convention no 102 au titre du remplacement du salaire. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de faire connaître le montant minimum de chacune des modalités de pensions susmentionnées en comparaison avec les minima prévus par la convention, et de préciser le mécanisme selon lequel ces montants sont réactualisés.
La commission prend note des mesures afférentes au relèvement des pensions du SNP, en particulier de l’article 4 a) de la loi no 28449, portant relèvement des pensions versées en application du décret-loi no 20530 aux bénéficiaires âgés de 65 ans et plus, compte tenu des fluctuations annuelles du coût de la vie et des capacités financières de l’Etat. Dans ce contexte, elle prend également note de la mise en place, prochaine, du programme «Pension 65», lancé initialement par la présidence du Conseil des ministres, en application duquel une pension non soumise à condition de cotisation, d’un montant de 225 soles (PEN) (équivalant à environ 90 dollars E.-U.), à partir d’un budget initial de 225 millions de soles (PEN), sera versée aux personnes de 65 ans et plus n’ayant jamais cotisé, cette pension ne devant être versée en principe que dans les zones les plus pauvres du pays. La commission se voit obligée de souligner les avantages qui s’attacheraient à étendre la prestation de pension réduite garantie à toutes les personnes ayant un certain âge, grâce à quoi l’Etat garantirait une pension de vieillesse minimale réduite à toutes les personnes dont les prestations de vieillesse ont été particulièrement affectées, notamment par la crise économique et financière actuelle. De même, la commission prie le gouvernement de la tenir informée, dans son prochain rapport, des mesures prévues pour étendre le programme «Pension 65» à toutes les régions du pays, du détail de la mise en œuvre de ce programme et des progrès réalisés dans ce domaine.
D’autre part, la commission prend note de l’évaluation actuarielle mentionnée par le gouvernement concernant l’extension d’une pension minimale à tous les résidents à faible revenu, justifiant d’au moins quinze annuités de cotisation, qui a été réalisée par le ministère de l’Economie afin d’évaluer l’impact de la mesure préconisée par la commission d’experts tendant à la mise en place d’une pension conformément à l’article 29, paragraphe 2, de la convention. La commission prie le gouvernement de communiquer copie de cette évaluation actuarielle menée par le ministère de l’Economie.
La commission prend note des informations concernant le retour à la rentabilité, en 2009, du Fonds consolidé de réserves prévisionnelles (du SNP), ce fonds ayant dépassé le niveau le plus élevé qu’il avait atteint avant la crise de 2008. En ce qui concerne le SPP, l’Autorité de surveillance des banques, assurances et AFP a signalé que le niveau des fonds prévisionnels remonte progressivement et a même dépassé le niveau le plus élevé qu’ils avaient atteint avant la crise. La commission prend note de l’évaluation plutôt optimiste du gouvernement selon laquelle le système de pensions semble avoir surmonté les effets négatifs de la crise financière. La commission saurait gré au gouvernement de confirmer que telle est effectivement la situation du système de pensions, et d’indiquer les mesures prises ou envisagées en faveur des personnes qui ont été contraintes de prendre leur retraite au moment le plus défavorable de la crise et ont, par suite, subi des pertes importantes de leurs pensions.
Le principe de l’octroi de prestations pendant toute la durée de l’éventualité. Les prestations de vieillesse servies dans le cadre du système d’administration privé sont calculées sur la base du capital constitué par chaque assuré sur son compte individuel de capitalisation. Lorsque le capital accumulé sur un compte est épuisé, le droit à une pension peut cesser d’exister et l’assuré qui a dépassé l’espérance de vie moyenne peut se trouver ainsi privé de son unique source de revenus (voir art. 45 de la loi (texte unique) du système privé de pensions, retraite programmée). Une telle situation est incompatible avec le principe établi par les conventions internationales selon lesquelles les prestations doivent être versées pendant toute la durée de l’éventualité, avec un taux minimum garanti.

2. Amélioration du fonctionnement du système public de pensions

Dans son observation précédente, la commission avait pris note des allégations selon lesquelles: i) il n’existerait aucun registre actualisé des cotisations par affilié; ii) la charge de la preuve des annuités de cotisation n’incomberait pas à l’ONP mais aux assurés eux-mêmes; iii) les procédures d’attribution des pensions seraient excessivement complexes. A cet égard, le gouvernement mentionne dans son rapport diverses mesures adoptées par l’ONP qui constitueraient des progrès en ce qui concerne la manière dont l’Etat administre la sécurité sociale. Sont mentionnées, entre autres mesures: la motivation des décisions prises; l’amélioration de la vérification et de l’enregistrement des cotisations du fait que le travailleur peut valider ses cotisations par la présentation du certificat de travail sans qu’il soit nécessaire que l’employeur dépose auprès de l’ONP le montant retenu au travailleur, ceci n’ayant aucune incidence sur les démarches devant être effectuées auprès de cet organisme pour obtenir la prestation; les efforts déployés pour assurer le fonctionnement d’un registre unique des cotisations (RIA) et l’adoption de mesures tendant à optimiser les systèmes informatiques; les mesures visant à simplifier la procédure d’attribution des prestations dues après remplacement d’une procédure qui prévoyait 11 étapes par une nouvelle qui n’en compte plus que quatre. Malgré tout, la commission note que, d’après la CUT, on dénombre en moyenne près de 15 000 cas de retard dans le versement des pensions, les retards s’élevant en moyenne à plus de 306 jours, et plus de 90 000 dossiers de contentieux correspondant à des personnes qui espèrent voir leur droit à pension reconnu. La CUT ajoute que le refus injustifié de l’ONP d’instruire les réclamations présentées par les bénéficiaires et l’action déployée par les cabinets d’avocats-comptables contractés à l’extérieur par cet organisme ont eu pour effet que les réclamants ont été obligés de s’adresser aux instances judiciaires pour faire valoir leur droit à pension.
La commission a fait valoir que le droit de l’assuré à une instruction diligente de sa réclamation fait partie intégrante des obligations découlant de la responsabilité générale de l’Etat de garantir la bonne administration des institutions de sécurité sociale. Par conséquent, toute déficience dans la procédure établie pour l’instruction des réclamations ou recours en matière de sécurité sociale doit être dûment corrigée par l’Etat, conformément aux principes garantis par le droit international de la sécurité sociale. La commission a fait observer à cet égard que les voies de droit existantes ne devraient pas être utilisées indûment de telle sorte que les bénéficiaires soient contraints de faire recours devant les tribunaux contre des décisions niant systématiquement leur droit à prestations. Dans ce contexte, la commission rappelle que, en vertu de l’article 70, paragraphe 1, de la convention, tout requérant doit avoir le droit de former appel en cas de refus de la prestation ou de contestation sur sa qualité ou sa quantité (voir étude d’ensemble de 2011 sur les instruments relatifs à la sécurité sociale, paragr. 433). Par la suite, la commission observe que le refus injustifié de l’ONP d’instruire les réclamations porte atteinte au droit de ces personnes de disposer de voies de réclamation et d’appel qui soient simples et rapides, considérant surtout que la simplicité et la rapidité dans ce type de procédure peuvent se révéler décisives dans la plupart des cas portant sur des prestations de sécurité sociale qui constituent l’unique source de revenus des bénéficiaires. La commission rappelle que les principes généraux établis par les instruments internationaux de sécurité sociale, qui tendent à ce que les assurés disposent de voies de recours simples et rapides, militent également en faveur d’une harmonisation de la procédure applicable à tous les cas de conflits dans ce domaine. Par conséquent, les organes compétents, pour connaître des litiges, ont le devoir de s’assurer que chaque requérant a eu raisonnablement la possibilité de faire valoir ses droits. La commission prend note à cet égard de l’arrêt rendu par le Tribunal constitutionnel, le 24 mars 2010, dans l’affaire no 05561 2007-PA/TC, dans laquelle cette instance a considéré comme «état de choses inconstitutionnel» la participation de l’ONP à des procédures judiciaires se rapportant au versement des intérêts légaux ou cumulés des pensions, et a ordonné que cet organisme accède à ces réclamations ou se désiste dans le cadre de ces procédures. Cette décision du Tribunal constitutionnel revêt une grande importance puisque l’ONP devra se retirer des procédures qui ont pour objet le recouvrement des intérêts légaux ou cumulés, ce qui entraînera un traitement plus rapide des réclamations en instance. La CUT déclare que, cette décision du Tribunal constitutionnel servant d’exemple, l’ONP devra également cesser de s’opposer par la voie judiciaire aux demandes émanant des travailleurs concernant l’évaluation et le versement des prestations de vieillesse, étant donné que de telles procédures judiciaires entravent et retardent l’exercice effectif, par des milliers de travailleurs, de leur droit à percevoir leurs prestations de vieillesse. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de la tenir informée des répercussions de la décision susmentionnée du Tribunal constitutionnel dans la pratique, tout en le priant d’accélérer les procédures d’évaluation et de versement des prestations dues aux travailleurs au moyen de la simplification des procédures de réclamation et de recours, de manière à donner pleinement effet à l’article 70, paragraphe 1, et à l’article 72 e) de la convention.

3. Lutte contre l’évasion à l’obligation d’affiliation au système de sécurité sociale

D’après une étude menée par l’OIT (en 2009), en 2007, seulement 35 pour cent de la population économiquement active salariée bénéficiaient d’une couverture vieillesse, invalidité et survivants. S’agissant de la protection de la santé, seulement 36 pour cent de l’ensemble de la population bénéficiaient d’une telle couverture. D’une manière générale, ces chiffres mettent en relief la situation préoccupante découlant de l’évasion à l’obligation d’affiliation, notamment de la part des grandes entreprises du secteur formel, et l’impératif qui s’attache à ce que l’Etat renforce de manière significative le contrôle exercé par l’organisme national de recouvrement des impôts et des cotisations sociales – l’Autorité nationale de surveillance de l’administration des contributions (SUNAT). En outre, la commission prend note des actions entreprises par le gouvernement afin d’améliorer les fonctions de recouvrement et de contrôle du versement des cotisations par les employeurs à travers la mise en place, dans le cadre de EsSalud, d’une unité chargée de mener un suivi des activités de recouvrement et contrôle auprès des employeurs assujettis à la supervision et au contrôle de la SUNAT. De même, il convient de souligner les efforts déployés par EsSalud afin que la SUNAT accorde plus d’importance au Plan stratégique de contrôle des contributions et des cotisations, de même que l’Accord de coopération interinstitutions conclu avec le ministère du Travail et de la Promotion de l’Emploi (MTPE), dont les objectifs sont notamment la détection plus efficace des pratiques des employeurs affectant l’accès des travailleurs au registre du personnel et à la branche santé de la sécurité sociale. Le gouvernement signale à ce propos les efforts déployés par le MTPE à travers la conduite d’inspections, efforts qui se sont traduits par une progression remarquable du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ces dernières années. Il indique également que la commission technique a étudié des mesures tendant au perfectionnement du SNP et du SPP qui autoriseraient la coexistence des deux systèmes à moyen et long terme et permettraient ainsi d’améliorer le niveau de couverture de prévoyance.
Tout en prenant bonne note des mesures prises par le gouvernement afin de lutter contre l’évasion des obligations en matière de sécurité sociale au moyen d’une collaboration plus étroite entre les institutions de sécurité sociale et les autres services publics ayant des fonctions de contrôle, comme les services de recouvrement des contributions, l’inspection du travail, etc., la commission ne peut que souligner l’ampleur du problème que le gouvernement doit affronter face à un tel degré d’évasion à l’obligation de cotiser. Selon les informations communiquées par la CUT, le contrôle et la répression de l’évasion des employeurs à leurs obligations de versement des prestations sociales ne sont pas suffisamment dissuasifs. Dans le cadre du SPP, les AFP engagent chaque mois 8 000 procédures judiciaires contre les entreprises qui ne versent pas les cotisations afférentes à leurs salariés, et c’est ainsi que, depuis 2008, 300 000 procédures ont été engagées contre des entreprises ayant indûment retenu les cotisations de leurs travailleurs et ne les ayant pas transférées sur les comptes individuels de capitalisation des affiliés au sein des AFP. D’autre part, la CUT signale l’existence de deux projets de loi (2866 2008CR et 2890-2008CR) tendant à ce que la SUNAT assure les fonctions de recouvrement et de contrôle des AFP, de manière à disposer d’un registre de sécurité sociale unifié (c’est-à-dire incluant le SPP et le SNP). La commission signale que l’obligation d’améliorer le recouvrement des cotisations de sécurité sociale fait partie de la responsabilité générale de l’Etat de veiller à une administration adéquate des institutions et services de sécurité sociale, conformément à l’article 72 de la convention. Par voie de conséquence, la commission demande que le gouvernement redouble les efforts déployés en matière de contrôle du versement des cotisations par les employeurs, prenne des mesures de prévention en ce qui concerne l’évasion aux obligations contributives à travers une intensification de l’inspection du travail, et renforce la collaboration entre les institutions de sécurité sociale et les organismes de recouvrement (comme les mesures proposées par EsSalud en ce qui concerne la SUNAT). De même, la commission prie le gouvernement de la tenir informée du devenir des projets de loi susmentionnés tendant à ce que la SUNAT assume les fonctions de recouvrement et de contrôle de l’un et l’autre système (SPP et SNP).
La commission accueille favorablement la promulgation de la loi no 29344 (loi-cadre d’assurance universelle santé succédant à la loi-cadre AUS), instrument qui fixe les bases d’une extension progressive, universelle, solidaire et participative de l’assurance-santé à toute la population résidant au Pérou. Cependant, elle observe qu’en raison de la multiplicité des prestataires de services de santé, qu’ils soient publics, privés ou mixtes, il s’avère difficile d’assurer une bonne administration de tous les prestataires qui participent au processus d’assurance universelle santé. Il convient de signaler que la loi établit une autorité nationale de surveillance de l’assurance-santé, qui a pour finalité de garantir le droit à l’accès plein et progressif de toute personne à l’assurance-santé selon les principes de l’universalité, la solidarité, l’unité, l’intégralité, l’équité, l’irréversibilité et de participation. Nonobstant, il y a lieu de souligner, alors que dans le reste du monde on observe une tendance à l’unification des prestataires de services de santé, que la loi-cadre AUS ne prévoit pas moins de neuf alternatives d’assurances par les entités publiques, privées et mixtes. A cet égard, la commission suggère que le gouvernement étudie la possibilité d’une simplification de cette multiplicité des prestataires et parvienne à une harmonisation et à une rationalisation des services de santé qui contribueront à une meilleure administration et à une plus grande efficacité de ces services. De même, elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès enregistrés en ce qui concerne l’extension de la couverture assurance universelle santé par secteur économique et région géographique.

4. Mesures en faveur des petites et moyennes entreprises

La commission rappelle que, lorsqu’il a ratifié la convention no 102, en 1961, le Pérou a eu recours à la possibilité offerte par l’article 3 de la convention à tout Membre, dont l’économie et les ressources médicales n’ont pas atteint un développement suffisant, de n’appliquer les dispositions de cet instrument qu’à l’égard de 50 pour cent des travailleurs des entreprises de plus de 20 salariés au lieu de 50 pour cent de l’ensemble des salariés. Les Etats qui ont eu recours à cette possibilité de dérogation sont, cependant, tenus d’indiquer dans leurs rapports périodiques les mesures prises en vue d’étendre progressivement la couverture des travailleurs en indiquant si les raisons initialement invoquées pour restreindre cette couverture existent toujours ou s’il renonce, à partir d’une date déterminée, à se prévaloir de cette dérogation. En conséquence, la commission prie le gouvernement de communiquer ces informations dans son prochain rapport.
Dans ce contexte, la commission prend note de la promulgation du décret loi no 1086 instaurant un régime de compétitivité des petites et moyennes entreprises, qui permet aux salariés et aux dirigeants de celles-ci de s’affilier au Système de pensions sociales (SPS) subventionné par l’Etat à hauteur d’un montant égal aux cotisations de l’assuré (4 pour cent de la rémunération minimale vitale). Ce système de pensions prévoit (voir art. 14 du décret loi) que les assurés ayant atteint l’âge de 65 ans et ayant effectué 300 versements au Fonds de pensions sociales auront droit à une retraite. L’article 11 prévoit que les cotisations au SPS devront être versées sur un compte individuel de l’assuré dont l’administration incombera soit à une AFP, à une compagnie d’assurances ou à une banque qui sera choisie par appel d’offres. A cet égard, la commission est contrainte de réitérer les commentaires formulés au point 1 de la présente observation à propos des principes fondamentaux de la sécurité sociale. L’article 17 du décret loi no 1086 envisage la possibilité que l’assuré, qui satisfait aux mêmes conditions que celles fixées à l’article 14, peut demander le versement du montant cumulé sur son compte individuel majoré des intérêts acquis. Cette dernière disposition s’avère contraire à l’article 30 de la convention étant donné que les prestations de vieillesse doivent être accordées pendant toute la durée de l’éventualité.
D’autre part, la CUT a signalé que le Système de pensions sociales (SPS), institué par le décret susmentionné, ne produit pas d’effets positifs sur le système de pensions du Pérou en raison de son caractère volontaire ayant pour conséquence que les travailleurs ne s’y affilient pas, cela entraînant une réduction de leurs revenus. De plus, le système requiert d’avoir 65 ans et de justifier de 25 annuités de cotisations, ainsi que la possibilité de demander le versement des cotisations effectuées, majorées des intérêts acquis. Toujours selon la CUT, les cotisations à la charge de l’Etat ne sont pas garanties du fait qu’elles dépendent de prévisions budgétaires et, à ce jour, le budget ne comporte pas de prévisions à cet effet. La commission demande que le gouvernement fournisse des informations sur la mise en œuvre du système établi par le décret législatif no 1086 relatif aux pensions sociales de vieillesse, d’invalidité et de survivants, et sur les crédits qui ont été inscrits au budget national pour le financement des cotisations dues au SPS. Comme l’affiliation sera volontaire pour les travailleurs et les dirigeants de petites entreprises, la commission prie le gouvernement de faire connaître les mesures prises ou envisagées afin que le Système de pensions sociales (SPS) soit rendu conforme aux dispositions de l’article 6 de la convention, qui énonce les principes auxquels doivent satisfaire les régimes d’assurance volontaire (contrôle par les autorités publiques ou administration conjointe des employeurs et des travailleurs; couverture d’une partie substantielle des personnes dont le gain ne dépasse pas celui de l’ouvrier masculin qualifié; respect, conjointement avec les autres formes de protection, s’il y a lieu, des dispositions de la convention qui leur sont relatives.
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