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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Myanmar (Ratification: 1955)

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La commission note les commentaires fournis par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication en date du 31 août 2011.
La commission note, par ailleurs, les conclusions adoptées par la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2011. La commission relève en particulier que la Commission de la Conférence a pris note avec une profonde préoccupation de la persistance du gouvernement, au fil des années, à ne pas éliminer les graves lacunes concernant l’application de la convention. La commission observe, par ailleurs, qu’une plainte introduite en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT relative à l’application de la convention est en instance de décision devant le Conseil d’administration.
Cadre législatif. Dans ses précédents commentaires, la commission a rappelé les questions qu’elle soulève depuis des années à propos de l’absence totale de cadre législatif permettant l’exercice des droits garantis par la convention. La commission rappelle qu’elle a non seulement prié instamment le gouvernement d’adopter une loi qui permettrait aux travailleurs d’établir librement les organisations de leur choix, mais qu’elle a également souligné qu’il était urgent de procéder à l’abrogation d’un certain nombre de textes juridiques qui continuent à porter gravement atteinte aux droits à la liberté syndicale dans le pays.
La commission note avec intérêt que, selon le rapport du gouvernement, et sur base des avis de l’OIT, la loi sur les organisations syndicales a été adoptée par le Parlement (Hluttaw) le 16 septembre 2011, puis signée et promulguée par le Président le 11 octobre 2011. La commission relève que la loi contient des dispositions relatives à la constitution des organisations syndicales, à leurs fonctions et devoirs, à leurs droits et responsabilités, y compris le droit de grève. En outre, la commission note avec intérêt que la nouvelle loi abroge la loi de 1926 sur les syndicats, et elle comprend également qu’un projet de loi portant abrogation de la loi de 1964 définissant les droits fondamentaux et responsabilités des travailleurs du peuple a été introduit devant le Parlement.
La commission s’attend fermement à ce que la loi sur les organisations syndicales entre en vigueur immédiatement et soit effectivement appliquée afin de garantir à tous les travailleurs du pays un cadre législatif attendu de longue date dans lequel ils puissent exercer les droits prévus par la convention.
S’agissant des dispositions de la nouvelle loi et rappelant que, en vertu des articles 2 et 5 de la convention, le pluralisme syndical doit rester possible dans tous les cas (étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 91-93), la commission observe avec préoccupation que la traduction anglaise de la loi semble faire référence à une organisation syndicale unique (art. 6, 7, 11, 12 et 14). La commission prie le gouvernement d’indiquer si la nouvelle loi sur les organisations syndicales permet effectivement la constitution et la reconnaissance de plus d’une confédération syndicale.
La commission observe également avec préoccupation que l’article 40(b) semble n’autoriser l’exercice du droit de grève qu’avec l’approbation des «fédérations syndicales concernées». La commission considère que le droit de grève ne devrait pas être soumis à des restrictions législatives confiant l’autorité d’autoriser la grève à des organisations de travailleurs d’un niveau supérieur, indépendamment des statuts des organisations concernées ou de l’affiliation des organisations de niveau inférieur. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour modifier cet article afin de garantir le droit de toutes les organisations syndicales, y compris des organisations de base, d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action en toute liberté.
En outre, la commission observe avec préoccupation que l’article 26 dispose que les organisations syndicales de base doivent allouer des contributions mensuelles aux organisations syndicales de niveau supérieur, fédérations et confédérations, telles que requises par les fédérations syndicales concernées. Rappelant que l’article 3 de la convention protège le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’organiser leur gestion sans ingérence des autorités publiques, et que ce droit comprend en particulier la protection de leur autonomie, indépendance financière et de leurs biens et propriétés, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender cet article afin de garantir que la transmission de fonds à une organisation de travailleurs de niveau supérieur est une question relevant de la seule détermination des organisations elles-mêmes et non pas d’une intervention législative ou de toute autre nature de la part du gouvernement.
La commission examinera la nouvelle loi sur les organisations syndicales de manière plus détaillée au cours de sa prochaine session pour laquelle elle espère avoir reçu un complément d’information de la part du gouvernement, dans son prochain rapport, concernant l’application de la loi en pratique et l’adoption de toutes réglementations et instructions pertinentes.
La commission rappelle, par ailleurs, ses précédents commentaires concernant la clause dérogatoire de caractère très général inscrite à l’article 354 de la Constitution qui subordonne l’exercice de la liberté syndicale aux «lois adoptées pour la sécurité de l’Etat, la primauté du droit et de l’ordre, la paix et la tranquillité de la société ou l’ordre public et la moralité». La commission s’attend fermement à ce que, avec l’entrée en vigueur de la loi sur les organisations syndicales, le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que cet article ne soit pas utilisé pour autoriser des restrictions relatives aux droits consacrés dans la convention et prie le gouvernement de fournir toutes les informations pertinentes sur l’application pratique de la loi sur les organisations syndicales.
Enfin, la commission rappelle ses précédents commentaires s’agissant des dispositions législatives suivantes: i) l’ordonnance no 6/88 du 30 septembre 1988 qui prévoit que «la demande de constitution d’une organisation doit être présentée pour autorisation au ministère de l’Intérieur et des Affaires religieuses» (art. 3(a)) et précise que toute personne reconnue coupable d’appartenir à des organisations non autorisées ou d’aider ou d’encourager de telles organisations ou d’agir sous le couvert de ces organisations sera punie de l’emprisonnement pour une durée maximale de trois ans (art. 7); ii) l’ordonnance no 2/88 qui interdit les réunions, des marches ou la participation à des manifestations qui regroupent cinq personnes ou plus, indépendamment du fait qu’une telle réunion ou participation ait pour objectif de provoquer des troubles ou de commettre un crime; iii) la loi de 1908 sur les associations illégales qui prévoit que quiconque est membre d’une association illégale prend part aux réunions d’une telle association, participe financièrement aux objectifs d’une telle association ou reçoit ou sollicite une telle participation, ou aide de quelque manière que ce soit au fonctionnement d’une telle association, sera passible d’une peine d’emprisonnement comprise entre deux et trois ans et d’une amende (art. 17.1); iv) la loi de 1929 sur les conflits de travail qui établit de nombreuses interdictions du droit de grève et habilite le Président à déférer les conflits de travail à des tribunaux d’investigation ou à des tribunaux du travail.
Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté l’indication du gouvernement que le Hluttaw prendrait les mesures nécessaires, après les élections de 2010, pour abroger les ordonnances nos 2/88 et 6/88, la loi sur les associations illégales ainsi que la déclaration no 1/2006. La commission observe cependant que dans son dernier rapport, bien que rappelant que ces questions sont en discussion devant le Hluttaw, le gouvernement indique que ces ordonnances sont importantes pour assurer le respect de la loi et le maintien de l’ordre, de la paix et de la tranquillité de la communauté, et que la loi sur les associations illégales est nécessaire pour se protéger de forces armées illégales. La commission rappelle à cet égard les préoccupations graves qu’elle soulève depuis de nombreuses années s’agissant de ces lois et de leur utilisation pour emprisonner les travailleurs ayant eu des contacts avec des organisations syndicales, ainsi que le montrent les plaintes introduites devant le Comité de la liberté syndicale (voir cas no 2591, 349e rapport). Prenant également note de l’indication donnée par le gouvernement au Conseil d’administration de novembre 2011 que ces lois seront abrogées une fois que le projet de loi sur la liberté de réunion et de procession pacifique actuellement devant le Parlement aura été promulgué, la commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour l’abrogation des ordonnances nos 2/88 et 6/88, ainsi que de la loi sur les associations illégales et la déclaration no 1/2006, afin qu’elle ne puissent plus être appliquées d’une manière pouvant porter atteinte aux droits des organisations de travailleurs et d’employeurs, et de fournir une copie de la loi sur les réunions et processions pacifiques une fois adoptée.
Libertés publiques. Comme dans ses précédents commentaires, la commission note à nouveau la préoccupation de la Commission de la Conférence, préoccupation qu’elle partage, relativement au maintien en détention pour des raisons liées à l’exercice de la liberté d’expression et de la liberté syndicale de nombreuses personnes malgré les appels répétés à leur libération. La commission rappelle à cet égard l’appel pressant de la Commission de la Conférence au gouvernement de mettre fin à la pratique consistant à persécuter les travailleurs ou d’autres personnes pour avoir eu des contacts avec des organisations de travailleurs et de veiller à la libération immédiate de Thurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw, Kyaw Win et Myo Min, ainsi que de toutes les autres personnes emprisonnées pour avoir exercé leurs libertés publiques fondamentales et leur droit à la liberté syndicale. La commission regrette profondément que le gouvernement se contente de réitérer les informations fournies dans ses précédents rapports selon lesquelles ces personnes ne seraient pas des travailleurs et déclare qu’elles continuent à purger leur peine de prison.
Néanmoins, la commission accueille favorablement les informations récentes fournies par le gouvernement selon lesquelles Myo Aung Thant ait été libéré après avoir passé treize ans en prison pour avoir eu des contacts avec la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB). La commission note également l’information fournie par le gouvernement que Tin Hla a reçu un traitement médical pour la tuberculose à la prison centrale d’Insein et est en bonne santé.
La commission note cependant avec regret que le gouvernement n’a pas fourni les informations demandées dans son précédent commentaire s’agissant des autres personnes présumées purger des peines pour l’exercice de leur liberté syndicale (Khin Maung Cho (aka Pho Toke), Nyo Win, Kan Myint, Thein Win, Tin Oo, Kyi Thein, Chaw Su Hlaing, U Aung Thein, Khin Maung Win, Ma Khin Mar Soe, Ma Thein Thein Aye, U Aung Moe, et Naw Bey Bey).
La commission rappelle que le respect du droit à la vie et aux autres libertés publiques est une condition préalable fondamentale à l’exercice des droits prévus dans la convention, et que les travailleurs et les employeurs devraient être en mesure d’exercer leurs droits syndicaux dans un climat de complète liberté et sécurité, à l’abri de la violence et des menaces. En outre, la commission rappelle que, s’il est vrai que les syndicalistes sont tenus, conformément à l’article 8 de la convention, de respecter la législation nationale, «la législation ne devra pas porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention». Les pouvoirs publics ne devraient pas intervenir dans les activités légitimes des syndicats par des arrestations ou des détentions arbitraires, et les syndicalistes ne devraient pas être harcelés en raison de leur affiliation ou de leurs activités syndicales en usant d’allégations de conduite criminelle à leur égard.
La commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour la libération immédiate de Thurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw, Kyaw Win, Myo Min et toutes les personnes emprisonnées pour avoir exercé leurs libertés publiques fondamentales et leur liberté syndicale, et de fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard dans son prochain rapport, ainsi que sur la situation, y compris médicale, de tous les travailleurs détenus susmentionnés.
Prolongation du mandat de l’OIT. La commission note que la Commission de la Conférence a de nouveau suggéré que le gouvernement accepte une prolongation de la présence de l’OIT pour couvrir les questions touchant à la convention. La commission note avec regret l’indication du gouvernement dans son dernier rapport qu’une prolongation de la présence de l’OIT pour couvrir les questions touchant à la convention n’était plus exigée, compte tenu du fait que la loi sur les organisations syndicales a été approuvée et que la constitution d’organisations de travailleurs en résultera. La commission considère cependant que le gouvernement aura justement besoin d’une plus grande assistance dans le cadre de cette nouvelle configuration pour veiller à ce que toutes les parties comprennent effectivement ce nouveau système de droits et responsabilités et le mettent en œuvre dans le véritable esprit de la convention. La commission exprime par conséquent à nouveau le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure d’accepter une telle prolongation dans un très proche avenir, et elle le prie de fournir des informations sur tout développement à cet égard.
La commission prie le gouvernement de transmettre un rapport détaillé concernant toutes les mesures concrètes prises, avec la participation pleine et authentique des travailleurs et employeurs de tous les secteurs de la société, sans considération de leurs opinions politiques, pour appliquer la loi sur les organisations syndicales et adopter les autres mesures nécessaires afin que tous les travailleurs et tous les employeurs puissent exercer pleinement et effectivement leurs droits en vertu de la convention sans ingérence des autorités publiques.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2012.]
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