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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Myanmar (Ratification: 1955)

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Suivi des recommandations de la commission d’enquête (plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT)

Rappel historique

Dans ses commentaires précédents, la commission a examiné en détail l’historique de ce cas extrêmement grave marqué par la violation caractérisée et persistante des dispositions de la convention et par le manquement du gouvernement à mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête établie par le Conseil d’administration en mars 1997 en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT.
La commission rappelle que, dans ses conclusions, la commission d’enquête a souligné que l’obligation faite par la convention d’éradiquer le recours au travail forcé ou obligatoire était violée en droit et en pratique de manière généralisée et systématique. Dans ses recommandations, la commission a instamment demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour:
  • -que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention;
  • -que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et en particulier par les militaires; et
  • -que les sanctions prévues à l’article 374 du Code pénal pour le fait d’imposer du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, ce qui nécessite des enquêtes, des poursuites et l’application de sanctions appropriées à l’encontre des personnes reconnues coupables.
La commission d’enquête a souligné que, outre la modification de la législation, des mesures concrètes devaient être prises immédiatement pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé dans la pratique, ces mesures devant revêtir la forme d’actes publics que l’exécutif promulguerait et dont il assurerait la divulgation à tous les niveaux de l’armée et à l’ensemble de la population. Dans ses précédents commentaires, la commission d’experts a identifié quatre domaines dans lesquels des «mesures concrètes» devaient être prises par le gouvernement pour mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête. En particulier, la commission a mentionné les mesures suivantes:
  • -diffuser auprès des autorités civiles et militaires des instructions spécifiques et concrètes;
  • -assurer qu’une large publicité soit faite à l’interdiction du travail forcé;
  • -prévoir les ressources budgétaires adéquates pour remplacer la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée; et
  • -assurer l’application de l’interdiction du travail forcé.

Derniers développements depuis l’observation précédente de la commission

Les organes de l’OIT ont tenu un certain nombre de discussions et adopté un certain nombre de conclusions sur cette question, et ils ont été saisis de nouvelles informations, qui ont été examinées par la commission. La commission note à cet égard les informations suivantes:
  • -le rapport du Chargé de liaison de l’OIT soumis à la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail à la 100e session, en juin 2011, la discussion que cette commission a consacrée à cette question et les conclusions qu’elle a adoptées par la suite (CIT, 100e session, Compte rendu provisoire no 18, partie 3 (A) et document D.5(C));
  • -les documents soumis au Conseil d’administration à ses 310e et 312e sessions (mars et novembre 2011), les discussions que celui-ci a consacrées à cette question et les conclusions qu’il a adoptées à l’issue de ces sessions;
  • -la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçue en août 2011 et ses annexes;
  • -la communication de la Fédération des syndicats Kawthoolei (FTUK) reçue en octobre 2011 et ses annexes; et
  • -les rapports du gouvernement du Myanmar reçus les 9 décembre 2010, 16 février, 4 avril, 2 et 27 juin, 31 août, 27 septembre, 14 octobre et 18 novembre 2011.

Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007 – Extension du mécanisme de traitement des plaintes

Dans ses commentaires précédents, la commission a examiné la portée du Protocole d’entente complémentaire (PEC) du 26 février 2007 conclu entre le gouvernement et l’OIT, qui complète le Protocole du 19 mars 2002 portant sur la nomination d’un Chargé de liaison de l’OIT au Myanmar. Comme la commission l’a noté précédemment, le PEC instaure un mécanisme dont l’objectif est de «donner officiellement aux victimes du travail forcé la possibilité de recourir aux services du Chargé de liaison pour adresser leurs plaintes par son intermédiaire aux autorités compétentes en vue d’obtenir réparation, conformément à la législation applicable et à la convention». La commission note que le PEC a été prolongé pour la quatrième fois le 23 février 2011, pour une nouvelle période de douze mois allant du 26 février 2011 au 25 février 2012 (CIT, 100e session, Compte rendu provisoire no 18, partie III, document D.5(F)). La commission examine plus avant les informations concernant le fonctionnement du PEC dans le contexte de ses commentaires relatifs aux autres documents, discussions et conclusions concernant ce cas.

Discussion et conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence

La Commission de l’application des normes a examiné à nouveau ce cas à sa séance spéciale pendant la 100e session de la Conférence, en juin 2011. La Commission de la Conférence a pris note de l’adoption de certaines mesures par le gouvernement, et notamment: le renouvellement pour une nouvelle année du Protocole d’entente (PEC); certaines activités de sensibilisation déployées dans les régions peuplées de minorités ethniques; l’inscription au budget de crédits propres à réduire les risques de recours des autorités à de la main-d’œuvre non rémunérée; certaines améliorations quant à la pratique de recrutement de personnes n’ayant pas l’âge légal par les militaires, notamment la remise en liberté d’enfants et des mesures disciplinaires à l’égard du personnel militaire, notamment le limogeage d’officiers et l’imposition, dans certains cas, de sanctions pénales. Cependant, la Commission de la Conférence a noté avec regret qu’il n’avait pas été enregistré de progrès substantiels en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations formulées par la commission d’enquête en 1998, et elle a demandé instamment que le gouvernement s’emploie à mettre en œuvre sans délai ces recommandations ainsi que les commentaires et observations de la commission d’experts, et en particulier: de soumettre les projets d’amendements aux textes législatifs pertinents au BIT pour commentaires et conseils, afin d’en assurer la pleine conformité avec la convention et d’en assurer l’adoption rapide et une prompte application dans la pratique; de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réprimer et punir l’imposition de travail forcé sous toutes ses formes, y compris l’enrôlement d’enfants dans les forces armées, l’enrôlement forcé dans le corps des pompiers et dans les unités de réserve de la milice, la réquisition pour le portage, pour la construction, pour l’entretien et l’approvisionnement des camps militaires, pour les travaux agricoles et, enfin, la traite des personnes aux fins de travail forcé, pratiques qui ont encore cours et sont particulièrement étendues; d’assurer que les personnes qui ont imposé du travail forcé, qu’elles appartiennent aux unités civiles ou militaires, soient effectivement poursuivies sur les fondements du Code pénal et que des sanctions suffisamment dissuasives leur soient infligées; d’assurer la libération immédiate des personnes ayant porté plainte et des autres personnes associées à l’utilisation du mécanisme de plaintes qui sont actuellement emprisonnées, etc. La Commission de la Conférence a également appelé au renforcement des moyens dont dispose le Chargé de liaison de l’OIT pour aider le gouvernement à mettre en œuvre toutes les recommandations de la commission d’enquête et pour assurer l’efficacité du fonctionnement du mécanisme de plaintes.

Discussions au sein du Conseil d’administration

Le Conseil d’administration a poursuivi ses discussions sur ce cas à ses 310e et 312e sessions, en mars et novembre 2011 (documents GB.310/5 et GB.312/INS/6). La commission note que, suite aux discussions de novembre 2011, le Conseil d’administration a accueilli favorablement les progrès accomplis au Myanmar depuis mars 2011, mais est demeuré préoccupé par les graves problèmes que continue de poser le recours au travail forcé. Il a appelé à poursuivre avec résolution l’action menée en vue de mettre pleinement en œuvre les recommandations de la commission d’enquête de 1998. Le Conseil d’administration a noté qu’une législation proscrivant le recours au travail forcé sous toutes ses formes et abrogeant la loi sur les villes et la loi sur les villages de 1907 est en cours d’examen par le Parlement, et il a appelé à une adoption et une entrée en vigueur aussi rapide que possible de cette législation. Il a insisté pour que cesse immédiatement l’imposition de travail forcé aux prisonniers, utilisés notamment comme porteurs dans les zones de conflit, et il a invité à nouveau le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT aux fins de la révision du Code pénitentiaire. Le Conseil d’administration s’est félicité de l’ouverture de pourparlers avec la Commission des forces armées (Tatmadaw) et a espéré une évolution radicale des politiques et des comportements qui permettra d’éliminer le travail forcé et de mettre un terme à l’impunité dans ce domaine. Il a également accueilli favorablement l’ouverture de pourparlers avec les ministères des Finances et du Plan et a exprimé l’espoir d’une confirmation que le nécessaire a été fait, au niveau de la planification et de la gestion financière, pour garantir le paiement des salaires dans le cadre des activités opérationnelles et de projet lancées par le gouvernement. Il s’est réjoui de la libération d’un certain nombre de syndicalistes et il a demandé instamment la libération dans les plus brefs délais d’autres syndicalistes toujours en détention. Il a rappelé de nouveau l’importance déterminante d’une démarche exhaustive et résolue non seulement dans la poursuite des activités de sensibilisation et la gestion du mécanisme d’instruction des plaintes, mais aussi dans la poursuite effective, sur les fondements du Code pénal, de tous les détenteurs de l’autorité – militaires ou civils – qui ont recouru au travail forcé. Tout en se félicitant du nombre croissant d’activités de sensibilisation, notamment de la traduction en langue shan de la brochure d’information et de sa diffusion, le Conseil d’administration a encouragé la poursuite de cette activité de partenariat et son extension à d’autres langues. Tout en rappelant l’ensemble de ses conclusions et recommandations précédentes, il a encouragé l’OIT et le gouvernement à poursuivre leur collaboration fructueuse dans le cadre du Protocole d’entente et de son Protocole complémentaire, qui doit être prolongé jusqu’en février 2012. Enfin, compte tenu de ce qui précède, le Conseil d’administration a estimé essentiel de renforcer les capacités du bureau de liaison, et a donc réitéré ses appels répétés au gouvernement pour qu’il délivre sans délai les visas nécessaires à cet effet.

Communications reçues des organisations de travailleurs

La commission prend note des commentaires formulés par la CSI dans une communication reçue en août 2011. Dans cette communication, la CSI se réfère à des rapports récents faisant état de manière détaillée d’une persistance du recours au travail forcé, principalement à des fins de portage mais aussi pour la construction de routes, la cueillette et la fourniture de bambou et de feuillages pour les camps militaires, etc., faits qui se sont produits dans les Etats de Karen, Shan et Arakan. A cette communication est joint un rapport faisant état du recours à des pratiques de travail forcé par les autorités civiles et militaires du nord de l’Etat d’Arakan et du nord de l’Etat de Rakhine au cours des neuf mois qui ont suivi les élections nationales de novembre 2010. Dans ce rapport, les observateurs ont estimé que 35 à 40 pour cent des travailleurs forcés étaient des enfants, dont certains ont à peine 10 ans. Ce rapport attribue la recrudescence du travail forcé à la construction et la réparation de la barrière frontalière entre le Myanmar et le Bangladesh, mais relève également que le travail forcé est également utilisé pour la réalisation de grands projets de construction de routes et de ponts, le portage, l’entretien des camps militaires, des missions de patrouille, l’enlèvement de troncs de bois, la collecte de tiges de bambou et le travail dans les plantations. La commission prend également note de la communication de la FTUK reçue en octobre 2011, contenant un rapport incluant la traduction de 207 documents d’Ordre adressés par les autorités civiles et militaires au chef des villages de la partie orientale du Myanmar de mars 2008 à juillet 2011. Les travaux et services demandés dans ces documents concernaient: des missions de portage pour les militaires; la construction et la réparation de ponts; la production et la livraison de chaume, de bambou et d’autres matériaux; la présence à des réunions; la remise de sommes d’argent et d’aliments; l’enrôlement forcé dans des groupes armés de cessez-le-feu; la livraison d’informations sur des individus, des ménages et des groupes armés non étatiques; etc. Il est indiqué dans ce rapport que, dans la quasi-totalité des cas, le travail exigé n’a pas été rémunéré et s’accompagnait de menaces implicites ou explicites de violence ou d’autres représailles en cas d’inexécution. Une copie des communications susvisées de la CSI et de la FTUK et de leurs annexes a été transmise au gouvernement en septembre et en octobre 2011, respectivement, pour commentaires.

Rapports du gouvernement

La commission prend note des rapports du gouvernement mentionnés plus haut, qui comportent des réponses à l’observation précédente de la commission. Elle note en particulier que le gouvernement indique qu’il poursuit sa coopération avec le Chargé de liaison de l’OIT dans le cadre de ses diverses fonctions, y compris en ce qui concerne le suivi et l’investigation des situations de travail forcé, le suivi des discussions de la 100e session de la Conférence internationale du Travail et le fonctionnement du mécanisme de plaintes du PEC. S’agissant de la modification de la législation, le gouvernement indique que le projet de législation visant à interdire le recours au travail forcé sous toutes ses formes et à abroger la loi sur les villages et la loi sur les villes de 1907 a été soumis au Parlement. Cependant, aucune mesure n’a été prise ou n’est envisagée en vue de modifier l’article 359 de la Constitution. La commission prend note des efforts déployés actuellement par le gouvernement dans le domaine des activités de sensibilisation et de formation sur le travail forcé, notamment à travers le séminaire conjoint OIT/ministère du Travail organisé dans l’Etat de Chin en mai 2011 et la distribution de brochures sur le PEC et de brochures d’information simples sur le travail forcé. La commission prend également note des indications du gouvernement concernant les mesures prises pour prévenir l’enrôlement d’enfants n’ayant pas l’âge légal et organiser la libération des personnes enrôlées alors qu’elles n’avaient pas l’âge légal, les mesures disciplinaires prises à l’égard de certains personnels militaires, le limogeage de certains officiers et l’imposition de sanctions pénales dans certains cas. La commission note cependant que le gouvernement n’a pas encore fourni ses commentaires au sujet des allégations nombreuses et précises contenues dans les communications de la CSI d’août 2011 et de la FTUK d’octobre 2011, de même que dans la communication de la CSI reçue en août 2010. La commission prie instamment le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des réponses détaillées aux allégations nombreuses et précises d’imposition persistante de travail forcé ou obligatoire par les autorités militaires et civiles – allégations documentées dans les communications susmentionnées de la CSI et de la FTUK, qui font notamment état de «documents d’Ordre» constituant en soi une preuve de l’imposition systématique du travail forcé dans tout le pays.

Evaluation de la situation

L’évaluation des informations disponibles sur la situation du travail forcé au Myanmar en 2011, et en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête et l’application de la convention par le gouvernement, sera étudiée en trois parties, qui traiteront respectivement: i) de la modification de la législation; ii) des mesures visant à mettre fin à l’imposition de travail forcé ou obligatoire dans la pratique; et iii) de l’application effective des sanctions prévues par le Code pénal et les autres dispositions pertinentes de la loi.

i) Modification de la législation

La commission note que, d’après les discussions au sein du Conseil d’administration de novembre 2011 et les rapports du gouvernement susmentionnés, le projet de législation visant à interdire le recours au travail forcé sous toutes ses formes et à abroger la loi sur les villages et la loi sur les villes de 1907 a été soumis au Parlement. Prenant note de ce fait positif, la commission veut croire que la législation visant à interdire le recours au travail forcé sous toutes ses formes et à abroger la loi sur les villages et la loi sur les villes de 1907 sera adoptée sans délai, de manière à assurer le respect de la convention à cet égard, et que le gouvernement communiquera au BIT le texte de la nouvelle législation dès que celle-ci aura été adoptée.
Dans ses commentaires précédents, la commission s’est référée à l’article 359 de la nouvelle Constitution (chap. VIII, Citoyenneté, droits et devoirs fondamentaux des citoyens), qui exclut de l’interdiction du travail forcé «les travaux imposés par l’Etat conformément à la législation, dans l’intérêt du peuple». La commission a observé que cette exception permet certaines formes de travail forcé qui dépassent le champ des exceptions au travail forcé spécifiquement prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la convention, et qu’elle pourrait être interprétée de manière à permettre d’imposer du travail forcé à la population d’une manière généralisée. La commission note avec regret que le gouvernement réitère dans son rapport qu’il est impossible de modifier la Constitution de 2008 étant donné que celle-ci a été approuvée par référendum avec 92,48 pour cent de voix favorables. La commission exprime le ferme espoir que, à la suite de l’amendement législatif évoqué précédemment, les mesures nécessaires seront prises afin de modifier l’article 359 du chapitre VIII de la Constitution, de manière à mettre cet article en conformité avec la convention.

ii) Mesures visant à mettre fin à l’imposition de travail forcé ou obligatoire dans la pratique

Informations disponibles sur la pratique actuelle
La commission note que les communications reçues de la CSI et de la FTUK susmentionnées contiennent des allégations solidement documentées relatives à la persistance en 2010 et 2011 de l’imposition de travail forcé et obligatoire à des villageois par les autorités militaires et civiles de certains Etats du pays. Les informations contenues dans les annexes se réfèrent aux dates, lieux et circonstances spécifiques de ces faits, de même qu’aux organismes civils, unités militaires et fonctionnaires responsables. Selon ces rapports, de la main-d’œuvre a été soumise au travail forcé tant par les autorités militaires que par les autorités civiles, sous des formes très diverses et pour des tâches non moins diverses.
La commission note que, d’après le rapport du Chargé de liaison de l’OIT soumis à la Commission de la Conférence en juin 2011 (CIT, 100e session, Compte rendu provisoire no 18, partie III, document D.5(C)), si les activités de formation et de sensibilisation se poursuivent, des plaintes pour imposition de travail forcé par les autorités tant militaires que civiles continuent d’être déposées (paragr. 12-14). Un nombre considérable de plaintes pour travail forcé sont parvenues d’agriculteurs de la région de Magway; ces plaintes dénoncent certaines initiatives prises par les militaires au profit de leurs projets commerciaux et de leur politique d’autosuffisance (paragr. 19). Le Chargé de liaison déclare que la réponse généralement positive du bureau du général des armées concernant le recrutement dans l’armée de personnes n’ayant pas l’âge légal et les plaintes liées à ces pratiques contrastent avec les difficultés persistantes à parvenir à des conclusions satisfaisantes en ce qui concerne les plaintes pour recours au travail forcé par l’armée. Le Chargé de liaison déclare en outre que «des informations provenant de sources non vérifiables continuent de donner à penser que le recours au travail forcé par les autorités civiles n’a pas diminué, du moins dans certaines parties du pays», et il suggère de vérifier ces éléments au moyen d’une enquête sur la main-d’œuvre (paragr. 15). Un nombre croissant de plaintes continuent d’être reçues par le mécanisme mis en place avec le PEC, ce qui pourrait aussi être le signe d’une meilleure connaissance de la population de son droit à porter plainte et d’une confiance plus ferme dans les voies de réparation offertes par le mécanisme de plaintes (paragr. 10). Cependant, d’après le document soumis à la 312e session du Conseil d’administration en novembre 2011, «tout en reconnaissant les progrès accomplis s’agissant des autorités civiles, le Conseil d’administration et la Conférence ont invité le gouvernement à prévoir des consultations constructives entre le BIT et le ministère de la Défense et de hauts représentants de l’armée, afin d’examiner les politiques et les pratiques qui sous-tendent le recours des militaires au travail forcé, notamment: le recrutement d’enfants dans les forces armées; l’enrôlement forcé dans l’armée, le corps des pompiers et des unités de réserve de la milice; la réquisition pour le portage, pour la construction, l’entretien et l’approvisionnement des camps militaires; le recours au travail forcé dans le secteur agricole» (document GB.312/INS/6, paragr. 28). Suite à cet appel, le Groupe de travail pour l’abolition du travail forcé a aidé à organiser la première rencontre directe entre le BIT et la Commission des forces armées chargée des relations avec l’OIT (Tatmadaw), rencontre au cours de laquelle tous les problèmes et toutes les pratiques en cause ont été discutés, avant qu’il ne soit décidé de programmer de nouvelles rencontres en vue de clarifier ces questions (document GB.312/INS/6, paragr. 29). S’agissant de l’enrôlement de personnes mineures, la commission note que, depuis le 1er mars 2011, 33 victimes d’enrôlement avant l’âge légal ont été libérées ou dégagées de leurs obligations militaires suite aux plaintes déposées dans le cadre du PEC; le nombre total de ces recrues qui ont ainsi été libérées ou dégagées de leurs obligations suite aux plaintes déposées dans le cadre du PEC depuis 2007 s’élève maintenant à 208 (document GB.312/INS/6, paragr. 31).
Diffusion d’instructions spécifiques et concrètes aux autorités civiles et militaires
Dans ses précédents commentaires, la commission a souligné que des instructions spécifiques devaient être effectivement données aux autorités civiles et militaires et à la population dans son ensemble afin que toutes les pratiques relevant du travail forcé soient identifiées et afin d’expliquer concrètement comment et par quels moyens, pour chaque pratique, les tâches et services doivent être réalisés sans recourir au travail forcé. Elle a précédemment noté que, dans son rapport reçu en juin 2009, le gouvernement a déclaré que «les différents niveaux de l’autorité administrative ont pleinement connaissance des ordonnances et instructions interdisant le travail forcé qui émanent des niveaux hiérarchiques plus élevés». La commission note cependant à nouveau que le gouvernement n’a pas communiqué de nouvelles informations sur cette question importante dans ses rapports suivants. Considérant que les informations sur cette question restent rares, la commission n’est toujours pas en mesure d’établir avec certitude que des instructions claires ont effectivement été adressées à toutes les autorités civiles et militaires et qu’il leur est donné effet de bonne foi. Elle souligne à nouveau la nécessité qui s’attache à ce que, d’une part, des instructions concrètes soient adressées à tous les niveaux de l’armée ainsi qu’à l’ensemble de la population, qui identifient les domaines et toutes les pratiques de travail forcé et donnent des orientations concrètes sur les moyens et la manière de réaliser dans chaque domaine ces tâches ou services sans recourir au travail forcé et, d’autre part, à ce que des mesures soient prises pour faire connaître largement ces instructions et pour en assurer une supervision effective. Considérant qu’il est vital que des instructions relatives à l’interdiction du travail forcé et obligatoire soient adressées aux autorités civiles et militaires et que les mesures à cette fin doivent être intensifiées, la commission exprime à nouveau le ferme espoir que le gouvernement communiquera, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises à cet égard, incluant le texte traduit des instructions qui ont été émises afin de confirmer à nouveau l’interdiction du travail forcé.
Assurer une large publicité de l’interdiction du travail forcé
S’agissant de la nécessité d’assurer une large publicité à l’interdiction du travail forcé, la commission note en particulier que le Conseil d’administration et la Conférence ont appelé à une extension continue des activités de sensibilisation au niveau des populations et que, d’après le rapport du Chargé de liaison de l’OIT mentionné ci-dessus, les documents soumis au Conseil d’administration et à la Commission de la Conférence ainsi que les rapports du gouvernement, un certain nombre d’activités de sensibilisation concernant le travail forcé, les interdictions légales du travail forcé et les voies de recours ouvertes aux victimes ont été menées en 2011. Il y a lieu de mentionner notamment un séminaire organisé conjointement par l’OIT et le ministère du Travail dans l’Etat de Chin à l’intention du personnel local dépositaire de l’autorité publique (armée, police, juges et autorités civiles); deux présentations sur le droit et la pratique en matière de travail forcé à l’intention du personnel supérieur de la police, de l’immigration et du ministère de l’Intérieur ainsi que de la Fédération des affaires féminines du Myanmar; et, enfin, six séminaires/ateliers (dont l’un sur une base bimensuelle) pour les journalistes, plusieurs ONG et plusieurs organisations basées dans la population; la traduction de la brochure d’information en langue shan (la langue vernaculaire la plus largement utilisée, après la langue officielle du Myanmar) est en cours d’impression et de diffusion, et la brochure dans la langue officielle du Myanmar a été largement diffusée dans chaque Etat et chaque région par le gouvernement et l’OIT avec le soutien d’ONG et d’organisations communautaires (document GB.312/INS/6, paragr. 22-24). Considérant que ces activités de sensibilisation sont déterminantes pour contribuer à assurer que l’interdiction du travail forcé est largement connue et respectée dans la pratique, la commission exprime le ferme espoir que ces activités se poursuivront et seront étendues, tant au niveau de l’Etat qu’à celui des communautés.
Notant également que, d’après le rapport susmentionné présenté par le Chargé de liaison de l’OIT à la Commission de la Conférence en juin 2011, des plaintes pour recours des autorités civiles et militaires au travail forcé continuent d’être reçues, la commission rappelle qu’elle considère que le mécanisme de plaintes prévu par le PEC constitue, en soi, une opportunité pour les autorités de démontrer que le recours persistant à de telles pratiques est illégal et sera puni en tant qu’infraction pénale, comme exigé par la convention. La commission exprime donc l’espoir que le gouvernement continuera à utiliser le mécanisme de plaintes prévu dans le cadre du PEC comme outil de sensibilisation et qu’il fournira des informations sur l’impact des mesures de sensibilisation sur l’application effective des sanctions pénales prévues par la loi à l’égard de ceux qui imposent du travail forcé et sur l’imposition, dans la pratique, de travail forcé ou obligatoire, notamment par les militaires.
Garantir les ressources budgétaires adéquates pour remplacer le travail forcé ou le travail non rémunéré
Dans ses commentaires précédents, la commission a souligné la nécessité de prévoir dans les budgets les ressources nécessaires au remplacement de la main d’œuvre forcée, laquelle n’est en général pas rémunérée, pour parvenir à mettre un terme à cette pratique. Elle a rappelé à cet égard que, dans ses recommandations, la commission d’enquête a indiqué que «les mesures de cet ordre ne doivent pas se limiter au versement de salaires; elles doivent aussi assurer que nul ne sera contraint de travailler contre sa volonté. L’inscription au budget des ressources adéquates pour l’engagement d’une main-d’œuvre salariée et libre qui accomplira les activités publiques accomplies aujourd’hui par une main-d’œuvre forcée et non rémunérée est également nécessaire.» Rappelant que tant le Conseil d’administration que la Conférence ont régulièrement invité le gouvernement à organiser des rencontres entre le BIT et le ministère des Finances et celui de la Planification en vue d’assurer les inscriptions budgétaires nécessaires pour que les travailleurs puissent bénéficier d’un véritable contrat de travail et soient correctement rémunérés, la commission note que, d’après le document soumis au Conseil d’administration à sa session de novembre 2011 (document GB.312/INS/6), les premières réunions entre l’OIT et les ministères susmentionnés ont eu lieu en 2011 et, à cette occasion, la procédure d’élaboration d’un budget et les procédures élémentaires de planification précédant l’affectation des crédits budgétaires ont été expliquées, et il a été précisé que la mise en place du nouvel environnement politique s’accompagne nécessairement d’une refonte du système de gestion financière, conformément à la nouvelle Constitution. Il a été reconnu que le risque de recours au travail forcé se pose principalement au niveau des communes, lorsque les besoins en infrastructure, en réparation ou en entretien dépassent les crédits alloués. De telles situations devraient trouver une réponse dans le cadre des nouvelles structures de gouvernance et de comptabilité publique (paragr. 35-40). La commission note que les rapports du gouvernement susmentionnés n’apportent pas d’informations nouvelles à ce sujet et que le gouvernement se limite à répéter, dans son rapport reçu le 2 juin 2011, que des crédits couvrant le coût des dépenses de main-d’œuvre de tous les ministères seront inscrits au budget pour la mise en œuvre de leurs projets respectifs. La commission exprime donc l’espoir que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations précises et détaillées sur les mesures prises au niveau budgétaire afin que les ressources budgétaires permettant de remplacer la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée soient prévues, de même que sur l’impact de la réforme de la politique financière dans ces domaines.

iii) Assurer l’application effective de l’interdiction du travail forcé

La commission a noté précédemment que l’article 374 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement allant jusqu’à un an à l’égard de toute personne qui contraint illégalement une personne à travailler contre sa volonté. Elle a également noté que, suite aux recommandations de la commission d’enquête, le Conseil d’administration et la Conférence ont demandé qu’il soit veillé à ce que les personnes qui ont imposé du travail forcé, qu’elles appartiennent aux unités civiles ou militaires, soient poursuivies sur la base du Code pénal et que des sanctions suffisamment dissuasives leur soient infligées. La commission note que, d’après le document soumis à la 312e session du Conseil d’administration en novembre 2011 (document GB.312/INS/6), désormais, des mesures seraient couramment prises en application du Code disciplinaire des armées contre les militaires qui ont enrôlé des personnes mineures, l’éventail des sanctions s’étendant du blâme à l’amende, à la perte de droits en matière de pensions et de promotion, à l’incarcération et au renvoi de l’armée (paragr. 42). Le gouvernement indique dans ses rapports reçus les 2 juin et 31 août 2011 que, en matière de recrutement de personnes n’ayant pas l’âge légal, des mesures ont été prises en ce qui concerne 20 officiers et 110 autres personnels d’autres rangs, et cinq officiers et cinq autres personnels d’autres rangs ont été limogés et mis en prison. Toutefois, en ce qui concerne les cas de travail forcé imposé par les militaires, le BIT n’a reçu aucune information relative à des poursuites judiciaires initiées sur la base de la disposition pertinente du Code pénal. S’agissant des cas de travail forcé imposé par les autorités civiles, il n’a été question de poursuites des auteurs sur la base du Code pénal que dans un cas en 2007, cas dont la commission avait déjà pris note dans ses précédents commentaires. Le BIT a été informé qu’une action pénale a été engagée contre un civil impliqué dans une affaire d’imposition de travail forcé, encore qu’aucune autre information n’ait été reçue quant à l’issue de ces poursuites (document GB.312/INS/6, paragr. 42).
La commission note avec regret qu’aucune nouvelle information n’a été fournie par le gouvernement dans ses rapports de 2011 en ce qui concerne les poursuites initiées sur la base de l’article 374 du Code pénal à l’égard des auteurs de telles formes de travail forcé. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de s’assurer que les sanctions prévues pour imposition illégale de travail forcé sont adéquates et strictement appliquées, conformément à l’article 25 de la convention. La commission exprime le ferme espoir que des mesures appropriées seront prises dans un proche avenir pour assurer que les personnes qui ont imposé un travail forcé sont poursuivies et sanctionnées conformément à l’article 374 du Code pénal. La commission demande au gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Remarques finales
La commission fait entièrement siennes les conclusions formulées par la Commission de la Conférence et le Conseil d’administration concernant le Myanmar, ainsi que l’évaluation générale de la situation du travail forcé faite par le Chargé de liaison de l’OIT. Elle accueille favorablement les évolutions positives telles que la soumission au Parlement du projet de législation visant à abroger la loi sur les villages et la loi sur les villes de 1907; l’augmentation du nombre d’activités de sensibilisation menées; l’amélioration de la situation quant à l’enrôlement de personnes n’ayant pas l’âge légal dans l’armée, notamment la remise en liberté des personnes mineures et l’imposition de mesures disciplinaires et de sanctions pénales à l’égard du personnel militaire; la coopération dans le fonctionnement du mécanisme de plaintes mis en place avec le PEC et la prorogation de ce système pour une nouvelle année. Cependant, elle observe que, en dépit des efforts déployés dans le sens des recommandations de la commission d’enquête, le gouvernement n’a toujours pas mis pleinement en œuvre ces recommandations. En dehors des mesures prises en vue de la modification de la législation, le gouvernement doit toujours s’assurer que, dans la pratique, le travail forcé n’est plus imposé par les autorités, notamment par les autorités militaires; il doit également s’assurer que les peines prévues par le Code pénal en cas d’imposition de travail forcé sont strictement appliquées à l’encontre des autorités civiles et militaires. Tout en prenant note des faits positifs mentionnés plus haut, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier les efforts déployés dans le sens de la mise en œuvre pleine et entière des recommandations de la commission d’enquête, en répondant aux demandes concrètes et pratiques que cette commission lui a adressées. Elle exprime le ferme espoir que toutes les mesures nécessaires seront prises sans délai afin que la convention soit pleinement respectée, en droit et dans la pratique, de telle sorte que tout recours au travail forcé ou obligatoire au Myanmar soit totalement éliminé.
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