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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Autriche (Ratification: 1960)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Autriche (Ratification: 2019)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail des prisonniers pour des entreprises privées. Dans les commentaires qu’elle formule depuis plusieurs années sur le droit et la pratique en Autriche, la commission a examiné la situation des détenus qui sont obligés de travailler dans des ateliers gérés par des entreprises privées dans les prisons d’Etat, sans y avoir consenti. Elle s’est référée à cet égard à l’article 46, paragraphe 3, de la loi sur l’exécution des peines, telle que modifiée par la loi no 799/1993, en vertu duquel les détenus peuvent être concédés à des entreprises du secteur privé qui peuvent utiliser leur travail dans des ateliers et lieux de travail sous gestion privée, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la prison. A de nombreuses occasions (voir le paragraphe 109 et la note de bas de page 272 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé), la commission a souligné que la pratique suivie en la matière en Autriche correspond à tous égards à ce qui est expressément interdit par l’article 2, paragraphe 2 c), à savoir la «concession» d’une personne à des entrepreneurs privés. Elle a noté en particulier que la caractéristique de ces accords de concession de main-d’œuvre est d’inclure des obligations réciproques entre l’administration pénitentiaire et l’entreprise privée. Si les détenus restent à tout moment sous l’autorité et le contrôle de l’administration pénitentiaire, ils n’en sont pas moins «concédés» à une entreprise privée – pratique incompatible avec la convention, qui constitue un instrument fondamental sur les droits de l’homme.
Dans son rapport, le gouvernement affirme de nouveau que les employés des entreprises privées jouent seulement un rôle d’encadrement technique vis-à-vis des détenus et n’ont pas de pouvoirs disciplinaires, lesquels relèvent de la compétence de l’administration pénitentiaire; ils n’exercent, par conséquent, aucune contrainte à l’égard des détenus. Le gouvernement conclut que les détenus ne sont pas mis à la disposition de l’entreprise privée puisque la surveillance est assurée par le personnel pénitentiaire.
La commission prend note de ce point de vue et attire de nouveau l’attention du gouvernement sur les explications données aux paragraphes 56 à 58 et 109 à 111 de l’étude d’ensemble ci-dessus mentionnée au sujet de la portée des termes «concédés ou mis à la disposition de»: ces termes ne visent pas uniquement les situations dans lesquelles les détenus sont «employés» par l’entreprise privée ou placés dans une situation de servitude vis-à-vis de cette entreprise, mais également les situations dans lesquelles l’entreprise n’a pas toute latitude quant au type de travail qu’elle peut demander au détenu d’accomplir, car les règles fixées par l’autorité publique lui imposent des limites. A cet égard, la commission renvoie également au paragraphe 106 de l’étude d’ensemble de 2007, dans lequel elle estime que l’interdiction de concéder des prisonniers à des entités privées est absolue et qu’elle s’applique non seulement au travail effectué en dehors de l’établissement pénitentiaire, mais également au travail dans les ateliers que les entreprises privées font fonctionner à l’intérieur des prisons.
Toutefois, comme indiqué aux paragraphes 59 à 60 et 114 à 120 de cette étude d’ensemble, la commission souligne que le travail de détenus pour des entreprises privées peut être considéré comme compatible avec l’interdiction expresse de la convention uniquement s’il existe les garanties nécessaires pour que les intéressés acceptent volontairement un emploi, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, comme le prévoit l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Dans ce cas, le travail des détenus pour des entreprises privées ne relève pas du champ d’application des dispositions de la convention puisqu’il n’implique aucune contrainte. Par conséquent, la commission estime que, dans un contexte de captivité, il est nécessaire d’obtenir formellement le consentement libre et éclairé des prisonniers afin de les faire travailler pour le compte d’entreprises privées, à l’extérieur comme à l’intérieur des prisons. La commission rappelle que, dans un cadre carcéral, l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, notamment en matière de niveaux des rémunérations (avec retenues et cessions éventuelles), de sécurité sociale et de sécurité et de santé au travail.
La commission note avec regret que, d’après le dernier rapport du gouvernement, aucune mesure n’a été prise afin de modifier la législation existante en matière de travail des détenus et d’obtenir formellement le consentement libre et éclairé des détenus au travail réalisé dans les ateliers gérés par les entreprises privées à l’intérieur des prisons. Comme la commission l’a précédemment noté, ce consentement n’est requis que pour travailler à l’extérieur des locaux de la prison.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement mentionne l’augmentation des salaires des détenus de janvier 2010, augmentation conforme à celle de l’indice des salaires de 25,69 pour cent par rapport au niveau du 1er mars 2000. La commission prend également note des informations sur les conditions de travail des prisonniers, notamment des garanties concernant le temps de travail, la sécurité et la santé au travail, le droit au traitement médical et le bénéfice de sécurité sociale. Toutefois, la commission souligne à nouveau que, si le consentement des détenus n’est pas requis, la portée générale de la législation protectrice ne peut pas être considérée comme un indicateur d’une relation d’emploi librement acceptée. Notant que, d’après les statistiques communiquées par le gouvernement, dans les 27 établissements pénitentiaires que compte l’Autriche, il existe près de 50 types d’emplois et d’activités commerciales, la commission se dit préoccupée par le fait que, plus de cinquante ans après la ratification de cet instrument fondamental des droits de l’homme, un grand nombre de personnes détenues en Autriche sont concédées à des entreprises privées sans y consentir, ce qui est incompatible avec la convention.
La commission veut croire que les mesures nécessaires seront enfin prises pour garantir aux détenus qui travaillent pour des entreprises privées un statut juridique comportant des droits et des conditions de travail compatibles avec cet instrument fondamental des droits de l’homme. La commission exprime notamment le ferme espoir que des mesures seront prises pour s’assurer que le consentement libre et éclairé des prisonniers est formellement requis en vue de les faire travailler dans les ateliers gérés par les entreprises privées à l’intérieur des locaux de la prison, de telle sorte que ce consentement soit exempt de la menace d’une peine quelconque, et qu’il soit authentifié par des conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre.
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