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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2007, Publication : 96ème session CIT (2007)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cambodge (Ratification: 1999)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental a déclaré que la liberté syndicale est garantie par les articles 266 à 278 du chapitre 11 de la loi cambodgienne sur le travail, eux-mêmes conformes aux dispositions de la convention no 87. En 2007, il y a 1 075 syndicats dans le pays, librement créés et enregistrés conformément à la législation nationale. Les membres de ces syndicats exercent librement leurs droits, et ils n'ont jamais été victimes de menaces ou de harcèlement. Les rapports des projets du BIT Better Factories et Résolution des conflits du travail indiquent que, en ce qui concerne la liberté syndicale, la situation s'est considérablement améliorée dans le secteur textile; cela a permis de résoudre de nombreux conflits du travail dans les délais appropriés et à la satisfaction des parties concernées.

L'orateur a indiqué que, le 6 avril 2007, la Cour d'appel avait tenu une audience sur le meurtre de Chea Vichea, l'ancien président du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC), et que le 12 avril 2007 elle avait rendu un verdict confirmant le jugement d'instance d'août 2005, à savoir la condamnation à vingt ans de réclusion des accusés Born Samnag et Sok Sam Oeun. L'affaire a suivi la voie judiciaire normale et est donc sortie du domaine de compétence du gouvernement. S'agissant de l'affaire Ros Sovannareth, elle fait actuellement l'objet d'une enquête des autorités compétentes.

L'orateur a réaffirmé que le gouvernement a mis l'accent sur une gestion efficace et efficiente des fonctionnaires relevant du ministère de l'Intérieur et du ministère de l'Education, en particulier en ce qui concerne les aspects financier et technique, et il a déclaré que les associations des travailleurs de la fonction publique relèvent de la loi sur le travail. Ces informations prouvent la volonté du gouvernement de veiller au respect des principes de la convention no 87.

Les membres employeurs ont regretté que le gouvernement n'ait pas fourni de rapport sur l'application de la convention no 87, bien que la commission d'experts lui demande de fournir ces informations depuis 2003. Le fait de ne pas fournir ce rapport donne l'impression qu'aucun effort n'est fait pour mettre en œuvre les dispositions de la convention. Cela revient à ne pas appliquer la convention dans le droit et dans la pratique: les juges et les fonctionnaires doivent pouvoir créer des organisations chargées de défendre leurs intérêts et en devenir membres. La commission d'experts demande un amendement à la disposition du Code du travail selon laquelle quiconque a été inculpé pour un délit ne peut être élu à un poste de responsabilité dans une association professionnelle. Les employeurs ont également fait remarquer qu'il n'est pas clairement indiqué quels sont les fonctionnaires définis comme des "fonctionnaires ayant des tâches législatives" et qui ne peuvent pas constituer des organisations, et quelles sont les conditions dans lesquelles la création d'une organisation de travailleurs ou d'employeurs peut être refusée. De plus, il existe des limitations au droit des associations d'organisations professionnelles de s'affilier à des organisations internationales.

Les membres employeurs ont pris note des problèmes relatifs à l'application de la convention dans la pratique et ont affirmé que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de tout type de menaces à l'encontre des dirigeants syndicaux et des membres de ces organisations. Les exemples de violations qui ont été fournis ne se rapportent pas seulement à la convention, mais également à la Constitution du Cambodge, qui garantit expressément la liberté syndicale. Les membres employeurs ont conclu en priant instamment le gouvernement de fournir des informations complètes sur la mise en œuvre de la convention, tel que demandé par la commission d'experts depuis plusieurs années.

Les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement n'ait pas envoyé de rapport et ont jugé la déclaration du représentant gouvernemental décevante. Il est essentiel qu'à l'heure où ce pays connaît un fort développement économique, en particulier grâce à l'expansion du secteur du textile, tous les travailleurs, y compris ceux de ce secteur, puissent jouir de la liberté syndicale. Or ce n'est pas le cas. En effet, la loi sur le travail ne s'applique ni aux fonctionnaires publics ni aux travailleurs domestiques. L'Association indépendante des enseignants du Cambodge (CITA) n'a pas été reconnue comme organisation syndicale. Elle ne peut pas négocier de conventions collectives au nom des enseignants et fait l'objet de harcèlement, d'intimidation et d'une surveillance de la part des autorités locales et policières. Ce manque de protection existe également dans le secteur informel.

Lorsqu'ils peuvent s'organiser, les travailleurs sont confrontés à un climat d'intimidation et de violence. Ainsi, il y a trois ans, le président et un autre membre du FTUWKC ont été assassinés. Deux innocents ont été condamnés pour ce crime alors que le témoin de ce meurtre, retrouvé par la Confédération syndicale internationale, a peur de témoigner. Cette année, un autre syndicaliste a été assassiné. Les preuves ne manquent pas des actes de harcèlement et de répression systématiquement exercés par la police contre les actions collectives menées par les syndicats et notamment le FTUWKC. Il incombe pourtant au gouvernement d'assurer un climat exempt de violence, menaces ou pressions afin que les organisations d'employeurs et de travailleurs puissent exercer leurs droits.

Par ailleurs, il n'existe pas de système de règlement des conflits puisque les tribunaux prévus par la loi sur le travail pour régler les litiges entre les travailleurs et les employeurs n'ont toujours pas été établis. Les travailleurs qui réclament ou protestent se retrouvent pourtant devant les juridictions civiles pour dommages causés aux entreprises. Dans la plupart des cas, les plaintes sont retirées quand le travailleur démissionne ou accepte d'arrêter son action. L'intimidation et la corruption remplacent les procédures légales de règlement des conflits.

Il ressort de tout ceci qu'un long chemin doit encore être parcouru pour mettre fin au climat d'impunité et assurer les conditions essentielles propices à l'exercice de la liberté syndicale.

Le membre travailleur de la France a insisté sur la gravité des commentaires de la CSI et a tenu à fournir les informations complémentaires suivantes. En novembre 2004, après avoir rencontré M. Rong Chlun, président de la CITA, l'organisation syndicale à laquelle appartient l'orateur a fait part à Sa Majesté le Roi du Cambodge de ses inquiétudes face aux pressions et menaces exercées à l'encontre des dirigeants et adhérents syndicaux en raison de leurs activités syndicales. Deux autres militants syndicaux (Chea Vichea et Ros Sovannareth) avaient été assassinés la même année. Des faits précis mettaient en cause la violence des interventions policières contre les travailleurs en grève: utilisation de canons à eau, agressions, etc. Ces faits doivent être rapprochés de l'imposition d'un service minimum dans toutes les entreprises citées dans la demande directe de la commission d'experts, mesure qui restreint encore davantage le droit de grève. Ces inquiétudes se sont avérées fondées puisque, en octobre 2005, Rong Chlun et un autre syndicaliste étaient arrêtés pour avoir critiqué la politique du gouvernement. Chea Mony, président du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge faisait l'objet d'un mandat d'arrêt. Il a par la suite pu témoigner de la situation tendue pour les travailleurs exerçant leurs droits syndicaux, notamment dans le secteur du textile et de l'habillement, secteur qui subit de plein fouet les effets de la libéralisation des échanges commerciaux. Cette situation tendue s'est traduite par l'assassinat du responsable syndical de l'entreprise d'habillement Suntex, Hy Vuthy. L'impunité des auteurs de ces crimes constitue un autre élément de pression à l'encontre des syndicalistes et des travailleurs. L'ensemble de la communauté internationale s'est mobilisé pour demander la réouverture du procès qui a vu la condamnation de deux innocents pour l'assassinat des membres du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC).

Pour conclure, il est déplorable de constater que, malgré la gravité de la situation de la liberté syndicale au Cambodge, le gouvernement n'ait pas communiqué les rapports dus pour les conventions nos 87 et 98.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a affirmé que, bien que l'on dise que la liberté d'association existe au Cambodge, son exercice est, en réalité, extrêmement restreint. Si les travailleurs ont la possibilité de former des syndicats - il existe effectivement de multiples syndicats - de graves problèmes se posent lorsque les syndicats tentent de négocier collectivement. Les travailleurs sont également victimes d'une répression qui prend la forme de licenciements, d'intimidations, d'actes de violence et même de meurtres.

Les travailleurs qui tentent de s'engager dans des négociations collectives sont systématiquement licenciés. De plus, les licenciements sont faciles car le système de la sous-traitance est très répandu au Cambodge: 60 à 70 pour cent des travailleurs sont employés sur la base de contrats de courte durée, ce qui rend impossible l'exercice d'une véritable liberté syndicale. L'orateur a cité, à titre d'exemple, le cas du syndicat River Rich, dont 30 membres ont été licenciés en décembre 2006 après y avoir adhéré et avoir essayé de négocier une convention collective. Comme ils étaient au bénéfice de contrats de courte durée et avaient reçu une indemnité de licenciement, le conseil d'arbitrage a refusé leur réintégration. Les travailleurs de l'usine ont très vivement protesté après ces licenciements injustes; la compagnie, pour sa part, n'a pas honoré la promesse faite en février 2007, a refusé de réintégrer les syndicalistes dans leurs postes, a versé des pots-de-vin à 20 travailleurs licenciés afin qu'ils retirent leurs plaintes, et a poursuivi une campagne antisyndicale incluant des menaces contre le syndicat.

La police a également été impliquée dans la campagne antisyndicale de la compagnie, en utilisant des gaz lacrymogènes pour disperser les participants à une conférence de presse organisée par la Coalition syndicale démocratique des travailleurs de l'industrie de l'habillement (CAWDU), fédération syndicale à laquelle appartient le syndicat River Rich, et en tentant d'arrêter le secrétaire général de cette organisation et d'autres syndicalistes. Trois syndicalistes, Phin Sophea, Check Bunsan et Pom Chimma, font à présent l'objet de poursuites pénales pour avoir pris part à cette protestation légitime.

La répression des syndicalistes a pris de nombreuses formes, y compris l'inscription sur des listes noires et l'engagement de poursuites pénales contre les intéressés. En ce qui concerne le syndicat de la société Fortune Garments, l'orateur a déclaré que celle-ci avait poursuivi le dirigeant syndical pour incitation à la grève, et qu'elle avait fait de même en ce qui concerne le comité exécutif du syndicat, exigeant que celui-ci paye une amende de 50 000 dollars des Etats-Unis - soit l'équivalent de plus de neuf ans de salaire par membre du comité. La répression des dirigeants syndicaux peut aussi avoir une issue mortelle, comme le montrent les assassinats de Hy Vuthy, Chea Vichea et Ros Sovannareth.

Le pouvoir du conseil d'arbitrage est très fortement limité et le fonctionnement du ministère du Travail est très insuffisant. Malgré les efforts déployés par certains acheteurs internationaux et par le projet Better Factories du BIT, les actes de violence se poursuivent, illustrant la faiblesse de la règle de droit et le climat général de violence et d'intimidation, qui vise plus particulièrement le FTUWKC, reconnu comme le syndicat indépendant le plus représentatif du secteur textile dans un rapport du projet conjoint Banque mondiale/BIT "Better Factories".

L'orateur a conclu en soulignant la nécessité d'une enquête objective, menée par une mission d'experts du BIT, et il a recommandé instamment au gouvernement de prendre d'urgence des mesures pour que les travailleurs puissent exercer pleinement leurs droits sans crainte de licenciement, d'inscription sur une liste noire, d'actes de violence ou encore de meurtre.

Le représentant gouvernemental a remercié les membres employeurs et travailleurs pour leurs contributions au débat. Il a toutefois estimé que certains des commentaires formulés ne sont pas fondés dans les faits.

Les membres travailleurs ont souligné que les travailleurs cambodgiens ne jouissent ni en droit ni en pratique de la liberté syndicale. Le gouvernement doit prendre des mesures pour que la loi sur le travail s'applique au personnel du secteur public et aux travailleurs domestiques; reconnaître la CITA et les autres organisations indépendantes; reconnaître et respecter le droit de grève; mettre en place les tribunaux du travail; et surtout mettre fin au climat d'intimidation et d'impunité. A cette fin, les membres travailleurs ont demandé une mission de contacts directs.

Les membres employeurs ont appuyé les membres travailleurs pour demander au gouvernement de mettre en œuvre, dans la législation et dans la pratique, les exigences de la convention. La liberté syndicale constitue la base du dialogue social. Les membres employeurs ont demandé au gouvernement de dresser un tableau complet de la situation de la liberté syndicale au Cambodge dans son prochain rapport. Enfin, ils ont appuyé la demande des membres travailleurs pour qu'une mission de contacts directs de l'OIT soit envoyée au Cambodge.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental ainsi que de la discussion qui l'a suivie. Elle a rappelé que la commission d'experts s'était référée à des allégations de la Confédération syndicale internationale concernant: le harcèlement permanent qui vise l'Association cambodgienne des enseignants indépendants (CITA); la non-reconnaissance de la Fédération cambodgienne des syndicats de la construction (CCTUF); les arrestations et les disparitions de dirigeants syndicaux; la répression violente des travailleurs par la police et l'armée; et la condamnation de deux innocents pour le meurtre d'un dirigeant syndical. La Confédération syndicale internationale (CSI) s'était également référée à plusieurs dispositions de la législation du travail contraires à la convention.

La commission a déploré le fait que le gouvernement n'ait pas fourni de rapports complets à la commission d'experts. Elle a fait part de sa profonde préoccupation quant aux déclarations faites au sujet de l'assassinat des syndicalistes Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, des menaces de mort proférées et du climat d'impunité qui semble se faire jour dans le pays. Comme la commission d'experts, elle a rappelé que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de toute violence, pressions ou menaces de quelque type que ce soit contre les dirigeants et les membres de ces organisations. Pour que tel soit le cas, la commission a demandé instamment au gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour que ce principe essentiel soit respecté et qu'il soit mis fin à l'impunité. Elle a exhorté le gouvernement de prendre immédiatement à cette fin des mesures permettant de garantir l'ouverture d'enquêtes complètes et indépendantes sur les meurtres des dirigeants syndicaux cambodgiens susmentionnés afin de traîner en justice non seulement les auteurs de ces crimes dictés par la haine, mais aussi leurs instigateurs. La commission a recommandé instamment au gouvernement d'accepter une mission de contacts directs du BIT sur ces graves questions. Elle a espéré pouvoir constater dans un proche avenir que d'importants progrès ont été accomplis pour mettre le droit et la pratique en conformité avec la convention, et elle a demandé au gouvernement de soumettre un rapport détaillé à la commission d'experts, pour examen en 2007.

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