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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2005, Publication : 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Guatemala (Ratification: 1952)

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Un représentant gouvernemental, (ministre du Travail et de la Prévoyance sociale) s'est déclaré fermement convaincu que les mécanismes de contrôle de l'application des normes internationales du travail que l'OIT met en œuvre sont un instrument déterminant de coopération avec son pays. Les observations de la commission d'experts sont objectives, sincères et utiles pour améliorer et renforcer le régime institutionnel, la gouvernance et la démocratie au Guatemala. Le bon usage qui est fait des observations de la commission d'experts permet d'orienter le gouvernement et les partenaires sociaux et de ne jamais perdre de vue le véritable sens de la législation internationale du travail.

Le Guatemala se trouve aujourd'hui confronté à des difficultés inhérentes à son histoire, tissée d'affrontements et d'intolérance idéologique. Les progrès signalés dans les observations de la commission d'experts paraissent limités mais, au Guatemala, ils recouvrent toute leur réalité si l'on veut bien considérer les graves problèmes qu'il faut affronter à travers le dialogue social. Pour continuer d'avancer, il faut pouvoir compter sur l'appui de la commission, des employeurs et, singulièrement, des syndicats de travailleurs.

Suite aux observations formulées par la commission d'experts, il ne fait pas de doute que l'on reconnaîtra la sincérité de la volonté politique du gouvernement de coopérer avec l'OIT à travers la mission de contacts directs menée en 2004 et le poids des engagements pris par le gouvernement. Il convient de noter à cet égard que le Guatemala a mis en place et maintient une commission tripartite des questions internationales, qui se réunit et travaille de manière ininterrompue depuis 2004 et a progressé sur la voie de la consultation, à travers la création d'un mécanisme "d'intervention immédiate" qui devrait bientôt examiner les plaintes s'adressant au Comité de la liberté syndicale, ainsi que les observations relatives à l'application des conventions internationales, afin que l'OIT n'en soit plus saisie directement mais qu'elles puissent être étudiées dans le contexte national et que les problèmes principalement d'interprétation légale qu'elles soulèvent puissent être résolus dans le pays même. Le gouvernement étudie, en concertation avec les employeurs et les travailleurs, les réformes légales nécessaires pour surmonter les problèmes rencontrés par la réforme de 2003, notamment en ce qui concerne les dispositions pénales qui portent atteinte à la liberté syndicale. Il s'efforcera de résoudre les problèmes signalés par la commission d'experts à propos des conventions nos 87 et 98 (conditions d'appartenance aux instances dirigeantes d'une organisation syndicale, critères imposant un scrutin pour pouvoir déclencher une grève; définition en droit des services essentiels, notamment par rapport à l'exercice du droit de grève). En la matière, la commission tripartite nationale est parvenue à un consensus sur la tenue de réformes légales nécessaires à l'adaptation du Code du travail aux normes internationales relatives à la non-discrimination dans l'emploi et dans la profession. Le gouvernement a présenté une proposition de réforme au Congrès, pour approbation. De nombreux problèmes signalés par la commission d'experts ont été résolus par des lois qui, comme l'accord gouvernemental no 700/2003, ont modifié les textes posant problème.

S'agissant des engagements pris devant la mission de contacts directs, le gouvernement les a tous honorés et il est parvenu à des avancées concrètes sur l'approbation des initiatives de réformes légales que la commission tripartite nationale a acceptées, et il a demandé au BIT une assistance pour organiser le premier séminaire national sur les droits du travail et la liberté syndicale.

S'agissant de la compétence de l'Inspection générale du travail en matière de droits syndicaux des agents des services publics et de l'État, il est maintenant avéré qu'elle est effectivement compétente aussi bien pour connaître des plaintes en violation des droits syndicaux que pour agir en tant que médiateur, comme l'a déclaré dans plusieurs arrêts la Chambre des conflits de droit de la Cour suprême de justice du Guatemala. Il s'agit d'un mécanisme que l'on utilise aujourd'hui pour résoudre d'une autre manière des conflits collectifs entre l'administration publique et ses agents.

En ce qui concerne la création de syndicats de branche, le représentant gouvernemental a déclaré que le problème qui se posait n'était qu'un problème d'interprétation de la législation en vigueur et que l'article 215 du Code du travail ne porte aucunement atteinte au principe de la liberté syndicale en fixant comme condition, pour constituer un syndicat de branche, que les travailleurs peuvent constituer des syndicats au niveau des entreprises, pour autant que ces dernières soient de même nature. Si un mouvement syndical n'a pas un nombre d'adhérents suffisant pour constituer un syndicat de branche, il lui est donc loisible de constituer un syndicat d'entreprise, puisque celui-ci ne doit compter au minimum que 20 membres et qu'il peut rassembler les travailleurs de plusieurs entreprises de même nature. Si aujourd'hui aucun syndicat de cette nature n'a été constitué, cela tient à ce que le mouvement syndical n'est pas encore assez développé.

S'agissant de la disproportion constatée entre les syndicats et les associations solidaristes, le fait est que l'on ne dispose pas de moyens de recensement suffisants pour connaître le nombre réel d'organisations syndicales actives et de leurs adhérents. Le gouvernement s'emploie à surmonter ces difficultés à travers un projet de systématisation de l'enregistrement, projet qui nécessitera cependant du temps compte tenu des maigres ressources financières qui pourraient opportunément être complétées par le BIT. L'intervenant a fait observer que le nombre des associations solidaristes et de leurs affiliés résulte d'une déclaration unilatérale de la part de ces associations, si bien qu'il n'existe pas d'élément objectif permettant d'affirmer avec certitude qu'il y a dans la pratique violation du droit de liberté syndicale.

Le représentant gouvernemental a reconnu que les institutions de l'État présentent des insuffisances qui ne permettent pas, par exemple, de mener des enquêtes sur tous les agissements criminels. Néanmoins, la fréquence de ces actes est en régression et le gouvernement pèse sur les organes compétents afin que des enquêtes soient menées rapidement et de manière efficace. Le gouvernement s'engage à examiner le mécanisme de protection recommandé par la mission de contacts directs en 2004. Enfin, l'intervenant a fait observer que la commission d'experts avait pris acte des efforts consentis par ce pays, en le classant parmi ceux qui ont enregistré des progrès dûment constatés, et il a demandé qu'à ce titre le cas du Guatemala ne soit pas mentionné dans un paragraphe spécial, car une telle mesure ne contribuerait en rien au renforcement des institutions du pays.

Les membres travailleurs ont fait valoir que, si les informations présentées par le gouvernement du Guatemala tendent à faire état de progrès, la réalité dément ces affirmations. Les changements évoqués par la commission d'experts dans son rapport doivent être accueillis avec nuance compte tenu des faits nouveaux, qui renforcent les inquiétudes suscitées par de très nombreux éléments qui mettent en évidence la persistance de la violation de la convention no 87 au Guatemala. Alors que, selon le rapport de la commission d'experts, l'inspection du travail aurait des pouvoirs de sanction en cas de violation des droits syndicaux, en fait la Cour constitutionnelle a restreint ces pouvoirs en août 2004 et l'inspection du travail n'est pas souvent du côté des travailleurs lors des conflits sociaux. Sur ce point, de plus amples informations sur les effectifs de l'inspection du travail, les sanctions prononcées en cas de violation des libertés syndicales et leur application effective seraient nécessaires. Les membres travailleurs ont souligné que la loi no 35 de 1996, connue comme "loi antigrève", interdit toujours aux travailleurs des services publics de faire grève, et cette loi leur fait encourir des peines d'emprisonnement, ce qui suffit à démontrer que les restrictions aux droits des travailleurs guatémaltèques n'ont pas encore été levées.

Les membres travailleurs ont protesté contre l'affirmation du gouvernement selon laquelle des organisations de la "société civile" se montreraient peu enclines à respecter les moyens institutionnels pour aborder les conflits du travail, affirmation qui tend, à leurs yeux, à discréditer les partenaires sociaux dès lors que ceux-ci réclament l'ap-plication des droits et des procédures auxquels ils se soumettent eux-mêmes.

Les membres travailleurs ont souligné que la règle imposant d'être guatémaltèque et d'être travailleur de l'entreprise ou du secteur considéré pour être élu dirigeant syndical reste en vigueur bien qu'ayant été jugée contraire à la convention no 87, de même que reste en vigueur la règle imposant de réunir 50 pour cent plus un des travailleurs du secteur pour pouvoir constituer un syndicat de branche, ce qui entraîne des délais interminables, voire des refus, de son enregistrement. Cette situation contraste avec les affirmations du gouvernement, qui prétend que la situation s'est normalisée et impute la longueur de ces délais aux travailleurs, aux motifs que ceux-ci "omettent de présenter des documents", affirmations qui démontrent incidemment qu'en réalité la situation n'est pas encore normalisée. De plus, à propos du secteur des "maquilas", le gouvernement mentionne l'existence de deux organisations syndicales, ce qui est vraiment peu par rapport au nombre d'entreprises de ce secteur.

Les membres travailleurs ont également souligné que la confusion qui perdure au sujet de "l'enregistrement fiscal" des organisations syndicales, sur laquelle le Comité de la liberté syndicale s'est déjà prononcé, apparaît comme permettant d'exercer des contrôles intempestifs sur les syndicats. Par ailleurs, les obstacles, en matière de conventions collectives, restent nombreux dans la pratique: pressions sur les syndicalistes, licenciements arbitraires de syndicalistes, etc., tout comme les problèmes déjà signalés que pose le pouvoir judiciaire: corruption, trafic d'influence, manque de formation professionnelle, partialité, intervention inopinée de la Cour constitutionnelle paralysant l'action du ministère du Travail. Les membres travailleurs relèvent une certaine incohérence à ce propos entre les autorités guatémaltèques qui reconnaissent l'existence d'un problème structurel de l'ensemble de l'administration de la justice, et les commentaires de la commission d'experts, qui donnent l'impression que les changements survenus garantiraient un traitement immédiat aux problèmes liés à la liberté syndicale. Ils relèvent également l'incohérence entre l'annonce de l'acquittement de M. Rigoberto Dueñas, et celle de sa nouvelle inculpation par la justice du fait d'un pourvoi formé devant la Cour de cassation, malgré les conclusions du Comité de la liberté syndicale, de la mission de contacts directs et des messages d'appui des employeurs regroupés au sein du Comité de coordination des associations agricoles, commerciales, industrielles et financières (CACIF).

Les membres travailleurs ont déclaré que le principe "in dubio, pro operario", selon lequel la norme juridique la plus favorable aux travailleurs s'applique en cas de doute, est largement démenti dans la pratique où il est plus courant de statuer sur la base d'une jurisprudence souvent biaisée, au mépris des prérogatives du Congrès en matière législative. Ils ont dénoncé une même tendance qui soustrait systématiquement les conflits du travail à la compétence du ministère du Travail, pour les déférer aux instances pénales de manière à poursuivre et réprimer les dirigeants syndicaux en raison même de leur action sociale.

Les membres travailleurs ont tenu à dénoncer encore la persistance de plusieurs faits: i) le climat de violence et les actes qui entravent le libre exercice de la liberté syndicale illustrés par les chiffres du gouvernement: 42 actes de violence en 2002-03 par exemple; ii) l'impunité qui entoure les actes de violence commis contre des syndicalistes; et iii) la persistance des menaces et intimidations dirigées contre les dirigeants syndicaux comme en témoigne la répression, récemment, de la manifestation contre l'adoption du Traité de libre échange, traité qui a été adopté sans concertation des partenaires sociaux malgré son impact déterminant sur l'emploi. Ils ont également dénoncé les actes d'intrusion dans les locaux de plusieurs organisations syndicales les 9, 10 et 11 mai 2005 qui n'ont pas donné lieu à enquête, de même que les violences qui frappent les travailleurs de l'économie informelle comme Julio Rolando Raquel, secrétaire général d'une organisation syndicale, assassiné fin 2004 sans qu'aucune poursuite n'ait été engagée à l'encontre des auteurs de cet acte, exemple qui s'inscrit hélas dans une liste très longue.

Enfin, les membres travailleurs ont marqué leur divergence par rapport au bilan trop optimiste de la commission d'experts, estimant quant à eux qu'on ne peut pas parler de progrès tant que les syndicalistes sont assassinés, intimidés ou menacés; les répressions s'aggravent; autant de cas (12) restent en instance devant le Comité de la liberté yndicale; autant de problèmes d'application des conventions nos 87 et 98 persistent dans la pratique.

Les membres employeurs ont remercié le gouvernement d'avoir fourni des informations complètes et détaillées et ont pris note du fait que la mission de contacts directs de 2004 a été une réussite. Ils se sont félicités de ce que le gouvernement ait étendu le mandat de ladite mission à l'application de la convention no 87. Même si les questions soulevées par la commission d'experts sont aujourd'hui moins nombreuses, un certain nombre de problèmes demeurent. Le gouvernement s'efforce d'y apporter une réponse à travers la commission tripartite nationale. La liberté syndicale ne peut pleinement s'exercer que dans un environnement exempt de violence et d'intimidation. C'est un principe absolument inhérent à la convention no 87. Les actes de violence contre des syndicalistes, notamment les cas de meurtres, sont totalement inacceptables. Le gouvernement a certes mis en place un procureur général spécial, mais les résultats sont mitigés et aucun élément ne permet de savoir si les mesures qui ont été prises sont adéquates. Les dispositions du Code du travail prescrivant que les dirigeants syndicaux soient de nationalité guatémaltèque ne sont pas en conformité avec la convention. S'agissant de la règle imposant de réunir "cinquante pour cent plus un" des travailleurs d'une entreprise donnée pour pouvoir constituer un syndicat d'entreprise, les membres employeurs réaffirment que ce pourcentage est trop élevé s'il implique que les plus petits syndicats se trouvent exclus du processus de négociation collective. Pour ce qui a trait au droit de grève, la position des membres employeurs est bien connue: considérant les différents contextes nationaux qu'on retrouve de pays à pays, il ne peut exister d'approche unique concernant la majorité exigée pour le déclenchement d'une grève. Dans le même ordre d'idées, les membres employeurs considèrent qu'il ne peut exister d'approche unique permettant de définir les services essentiels en tant que services pour lesquels un arbitrage obligatoire peut être imposé puisque, selon le niveau respectif de développement, un service peut être essentiel dans un pays et pas dans l'autre. En conclusion, les problèmes qui demeurent vont au-delà des questions d'interprétation, et le gouvernement doit faire davantage pour s'assurer que la convention soit appliquée en droit et en pratique. Il appert que davantage d'assistance de l'OIT serait souhaitable afin de remédier aux difficultés qui subsistent.

Le membre travailleur du Guatemala a déclaré que, s'il est vrai que la situation de son pays a été abordée par le passé, en raison du défaut persistant de la part du gouvernement d'appliquer les conventions ratifiées, il conviendrait de persévérer jusqu'à ce que les questions en suspens soient réglées. Cinquante ans après avoir ratifié la convention no 87, le Guatemala persiste à empêcher la constitution de nouveaux syndicats dans le pays, quand il ne cherche pas à éliminer ceux qui existent, comme cela a été le cas du Centre national de livres et de textes didactiques "José de Ipiña Ibarra" du ministère de l'Education (CENALTEX) ou dans certaines communes de Retahuleu, Tecun Human, etc.

L'intervenant a évoqué les obstacles auxquels se heurtent les syndicats dans son pays, même après avoir été reconnus et légalisés par le ministère du Travail: dirigeants menacés, intimidés, persécutés ou licenciés. Bien que, suite à la mission de contacts directs, les autorités aient décidé de libérer le dirigeant syndical Rigoberto Dueñas, aucune des charges ne pouvant véritablement être maintenue contre lui, un tribunal a décidé en deuxième instance de lancer des poursuites contre cette même personne, au mépris absolu des informations qui avaient été remises à la commission d'experts. Deuxièmement, la commission d'experts a reçu des informations selon lesquelles "l'inspection du travail aurait certaines compétences dans le système de sanctions prévues en cas de non-respect des libertés syndicales", et la commission a reconnu que de telles sanctions ont été prises. La Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelles ces compétences reconnues par l'inspection du travail, créant ainsi une lacune du droit en la matière par suite de la disparition de l'organe juridictionnel compétent pour le recouvrement des amendes.

L'intervenant a signalé que les travailleurs ont été la cible de divers actes d'agression - on en a recensé 122 en 2004, d'ores et déjà 68 pour 2005, dont 12 ces dernières semaines. La justice a fait preuve de bien peu de diligence en la matière, quand on constate que, dans 90 pour cent des cas, les plaintes sont classées, comme on l'a vu par exemple lors de la mort du dirigeant syndical Julio Raquel, dont la femme avait pourtant identifié les agresseurs, sans que le Procureur général ne diligente d'enquête à cet égard. Tous ces éléments démontrent à la fois l'absence de capacité de la justice et l'absence de volonté politique du gouvernement.

L'orateur a mentionné que l'installation du bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a dû faire face à plusieurs obstacles, ce qui témoigne bien du manque de volonté du gouvernement à mettre en place les conditions nécessaires à l'application effective des droits de l'homme et des libertés syndicales dans le pays.

L'orateur a signalé que le Code du travail prévoit clairement que, lorsqu'un travailleur est licencié pour avoir constitué un syndicat, il doit être réintégré dans ses fonctions dans les 24 heures, ce qui démontre que le problème qui est au cœur des violations de cette catégorie de droits réside dans l'absence de volonté de l'État de les faire respecter. On voit ainsi des travailleurs qui attendent huit ans qu'un tribunal statue sur leur cas tandis que les auteurs des infractions restent libres de toute poursuite de la part des tribunaux du travail.

Les dispositions des articles 390 et 430 du Code pénal du Guatemala érigent en délits pénaux les conflits du travail mettant en cause des travailleurs. En outre, lorsqu'un travailleur saisit les institutions compétentes suite aux violations flagrantes de ses droits par l'employeur, ces institutions restent inertes. Si, au contraire, l'employeur accable les travailleurs d'accusations infondées, comme ce fut le cas avec les paysans de l'exploitation agricole Maria de Lourdes, on prend immédiatement des mesures contre les travailleurs. Dans cette exploitation, de nombreux paysans, hommes et femmes, ont été licenciés pour avoir participé à la formation d'un syndicat.

Ces deux dernières années, la politique gouvernementale envers les manifestations de travailleurs a consisté à accuser de terrorisme les dirigeants syndicaux. Le Président de la République a proféré publiquement des menaces d'emprisonnement à l'égard des dirigeants en cas de manifestations. Plusieurs cas sont venus confirmer ces propos. Une manifestation du syndicat des pilotes a entraîné l'incarcération de 30 dirigeants syndicaux; une manifestation du syndicat des marchands ambulants a entraîné l'incarcération de 11 dirigeants syndicaux; une autre manifestation a entraîné la mort d'un enfant; une autre s'est traduite par l'éviction de paysans dans le département de Retahuleu, avec de nombreux morts et beaucoup de personnes incarcérées. Lors des manifestations contre l'Accord de libre échange, grâce à la solidarité manifestée par le Procureur aux droits de l'homme, il a été possible de libérer tous les dirigeants alors que la police avait encerclé les locaux où ceux-ci s'étaient réunis, dans l'intention de les prendre d'assaut et d'incarcérer ses occupants.

Pour conclure, l'intervenant a lancé un appel à la solidarité des gouvernements et des travailleurs du monde entier, ainsi qu'à l'Organisation, afin que les Guatémaltèques puissent vivre dans la dignité et dans la justice.

Le membre employeur du Guatemala s'est félicité des progrès dont le rapport de la commission d'experts fait état, progrès dont cette même instance attribue les mérites aux autorités nationales et aux employeurs. Ces progrès sont clairement soulignés, en ce qui concerne la convention no 98 et la convention no 129, sans compter ceux dont l'observation fait état à propos de la convention no 87. La mission de contacts directs qui a eu lieu en mai 2004 signale une diminution des violences ainsi qu'une certaine volonté de soumettre à la discussion tripartite diverses questions en rapport avec la réforme législative. Le Congrès de la République pourra donc incorporer dans la législation nationale les accords tripartites qui auront été conclus.

Au Guatemala, la conjoncture est actuellement favorable pour que des dispositions positives et concrètes soient prises en vue de rendre la législation nationale conforme aux conventions internationales du travail. Dans cet esprit, dans un arrêt récent, la Cour constitutionnelle a reconnu la compétence de l'appareil judiciaire pour prendre des sanctions en cas de non-respect des principes de la liberté syndicale. Cela ne veut pas dire qu'il existait jusque-là un vide juridique quant à la compétence pour imposer des sanctions, mais que les tribunaux peuvent désormais en imposer.

De l'avis du membre employeur, certaines entités syndicales participent au dialogue tripartite tandis que d'autres préfèrent la procédure de plainte au niveau international. Les circonstances penchent actuellement pour que certaines questions en instance - qui ne concernent pas, néanmoins, des réformes constitutionnelles ou la réglementation du droit de grève, point sur lequel la convention no 87 est muette - soient résolues par le dialogue social. L'OIT devrait témoigner de sa confiance à l'égard du processus en cours actuellement au Guatemala. En tout état de cause, l'exercice des droits syndicaux doit se faire conformément à la loi. Aucune pratique illégale ne saurait être admise sous couvert des libertés syndicales.

Le membre gouvernemental de la Norvège, s'exprimant également au nom des gouvernements des pays nordiques - Danemark, Finlande, Islande et Suède - a pris note des informations communiquées par le bureau du Procureur spécial de la République à la mission de contacts directs faisant état d'une diminution marquée de la violence physique, alors que le nombre d'actes de violence aggravés de menace et de coercition a considérablement augmenté. Selon le gouvernement, tous les cas d'homicide et les autres actes délictueux sont encore au stade de l'enquête. Une telle situation est extrêmement préoccupante. Manifestement, les procédures pénales sont extrêmement lentes et l'impunité semble être la norme dans les affaires concernant des syndicalistes. Les pays nordiques soulignent que les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans une atmosphère exempte de toute violence et de toute coercition. Il conviendrait, comme le demande la commission d'experts, que le gouvernement soit prié de fournir des informations sur tous les actes concernant des syndicalistes dont le bureau du Procureur spécial a été saisi. Il faut espérer que le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour assurer le plein respect des droits fondamentaux des syndicalistes et que des progrès sensibles pourront être constatés à cet égard dans un très proche avenir.

Le membre travailleur du Panama a dénoncé la violence et l'agressivité des autorités du Guatemala à l'égard du mouvement syndical. Il a signalé que, par une lettre au Vice-président de la République du Guatemala, il a dénoncé les 122 actes d'agression commis en 2004 et les 68 autres déjà enregistrés en 2005 (dont 12 ces dernières semaines). Au Guatemala, des groupes armés illégaux et des groupes clandestins de sécurité (CIACS) agissent en concertation avec les forces de sécurité et ont partie liée avec le crime organisé et certains milieux patronaux. Le Procureur des droits de l'homme a dénoncé l'impunité dont jouissent les CIACS et leur collusion avec les services de renseignement militaires et le crime organisé. La Mission de vérification des Nations Unies au Guatemala a elle aussi déclaré que la situation est alarmante. Les CIACS ont certes été mis en cause dans des plaintes concernant des atteintes aux droits de l'homme, mais aucune poursuite judiciaire n'a encore été engagée afin que des enquêtes soient ouvertes sur ces crimes et que les coupables soient poursuivis.

S'agissant de la situation du dirigeant syndical Rigoberto Dueñas, l'orateur est confiant qu'une solution définitive sera bientôt trouvée pour lui permettre de recouvrer sa liberté. Le gouvernement du Guatemala semble manquer de volonté politique pour remédier aux dénonciations d'actes contraires à la liberté syndicale, et des informations devraient lui être demandées sur les plaintes qui ont été déposées.

Le membre travailleur du Costa Rica a indiqué qu'une analyse purement juridique ne permettait pas de comprendre la réalité guatémaltèque. En matière syndicale, le gouvernement s'est montré incapable de traiter les plaintes pour licenciement injustifié et pour violation des accords collectifs. Désirant se rallier aux situations dénoncées par les orateurs précédents, il se réfère à l'attitude rigide de l'organe législatif qui adopte des lois contraires aux droits des travailleurs et qui bénéficient aux associations solidaristes.

L'orateur rappelle également que les procédures judiciaires relatives aux domaines Mi Terra et El Tesoro, à la municipalité Livingston et au domaine El Anco sont en cours depuis de nombreuses années et n'ont toujours pas produit de résultats concrets. Le membre travailleur exprime finalement sa solidarité avec le dirigeant Rigoberto Dueñas.

La membre gouvernementale d'El Salvador a exprimé sa compréhension concernant la situation du Guatemala et a renvoyé à la déclaration faite par le représentant gouvernemental. Les efforts déployés par le gouvernement du Guatemala afin de supprimer les difficultés signalées dans l'observation de la commission d'experts doivent être reconnus. L'OIT doit appuyer de tels efforts.

La membre travailleuse de la Norvège a rappelé que, depuis de nombreuses années, la commission prie le gouvernement de mettre fin aux violations de la convention, mais que les travailleurs guatémaltèques continuent à être victimes de graves violations des droits au travail, notamment du droit de grève. La mission de contacts directs a constaté que la menace et l'usage de la contrainte visant les travailleurs augmentaient considérablement, ce qui est préoccupant. Les promesses du gouvernement de mettre un terme aux pratiques antisyndicales sont donc mises en doute. Le fait que seul 1 pour cent des travailleurs guatémaltèques soient syndiqués est dû au climat de peur qui règne dans le pays, les syndicalistes risquant de perdre leur emploi, voire leur vie. Lors de la manifestation qui a eu lieu après la conclusion de l'accord commercial avec les États-Unis, accord conclu par le gouvernement sans consultation de la société civile, des policiers et des soldats ont cerné les locaux d'une organisation syndicale qui avait participé à la manifestation. En mai 2005, des personnes dont l'identité n'a pas été établie ont pénétré par effraction dans les locaux de plusieurs organisations syndicales. Des informations concernant ces organisations ont été volées, mais le matériel de valeur n'a pas été endommagé. Ces incidents accentuent le sentiment de peur des syndicalistes et les empêchent d'exercer leurs droits syndicaux démocratiques. La commission d'experts continue à recenser d'importantes limitations de la liberté syndicale contraires à la convention, notamment l'article 241 du Code de travail qui concerne le nombre de travailleurs requis sur un lieu de travail pour déclencher une grève. Le recours à l'arbitrage obligatoire lors de grèves de services publics qui ne sont pas définis comme essentiels par l'OIT constitue un autre exemple. Si le gouvernement a promis à plusieurs reprises de modifier les lois du travail et s'est engagé auprès de la mission de contacts directs, peu de mesures ont été prises. Aucune grève légale n'a eu lieu en 2004 et les travailleurs continuent à être victimes de harcèlement, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Seule une modification du Code du travail et de l'article 390 du Code pénal rendrait crédibles les engagements du gouvernement. Enfin, l'OIT devrait envisager des mesures plus énergiques pour remédier à la situation.

Le représentant gouvernemental a réaffirmé la volonté de son gouvernement de poursuivre les efforts qui ont été reconnus par la commission d'experts de même que par la mission de contacts directs. Son gouvernement a l'intention de mener à bien sa lutte contre la corruption. La situation du dirigeant syndical Rigoberto Dueñas est examinée par la justice pénale et il ne s'agit pas d'un cas de persécution syndicale. La présence de la délégation gouvernementale à l'actuelle séance de la Commission de la Conférence atteste par sa composition - elle comprend un juge de la Cour suprême et plusieurs membres du Congrès de la République - de la volonté de son gouvernement de maintenir le dialogue.

Les membres travailleurs ont fait valoir que, considérant les éléments contenus dans le rapport de la commission d'experts, auxquels s'ajoutent les réalités constatées plus récemment sur le terrain, il serait impensable de parler, dans ce cas, de progrès. A leurs yeux, en effet, tous les éléments qui viennent d'être évoqués sont explicites et démontrent sans conteste que les problèmes persistent et même, à de nombreux égards, s'aggravent.

Les membres travailleurs souhaiteraient donc que, dans les conclusions, il soit demandé au gouvernement de fournir un rapport très détaillé répondant précisément à tous les problèmes soulevés par la commission d'experts au regard de l'application de la convention et, en outre, qu'il soit demandé au gouvernement de prendre de toute urgence les mesures propres à garantir l'exercice de la liberté syndicale en adoptant des lois et en suivant une pratique qui soit en adéquation avec la convention no 87.

Sans méconnaître que l'assistance technique demandée par le gouvernement pourrait être utile, les membres travailleurs souhaitent également qu'il soit demandé au gouvernement de fournir dans son prochain rapport une évaluation de la mission accomplie par la commission tripartite nationale, le bureau spécial du Procureur et l'inspection du travail, et de produire des statistiques claires faisant apparaître le nombre de syndicats enregistrés ou d'associations solidaristes agréées, et enfin de donner des informations sur les suites à donner aux conclusions du Comité de la liberté syndicale dans ce même contexte.

Les membres employeurs ont conclu que, si la situation témoigne d'une amélioration, elle est encore loin d'être parfaite. Il conviendrait que la commission d'experts entreprenne une évaluation approfondie de celle-ci, et les informations demandées par les membres travailleurs dans cette perspective seraient assurément utiles.

La commission a pris note des informations présentées oralement par le représentant du gouvernement et du débat qui a suivi. La commission a souligné avec préoccupation que les problèmes en instance concernent: les actes de violence contre des syndicalistes, la lenteur excessive des procédures pénales et le climat d'impunité qui s'est installé; certaines restrictions imposées par la législation ou dans la pratique à la constitution et au fonctionnement des syndicats et au libre exercice des activités de ces derniers; et, enfin, les sanctions pénales dirigées contre ces activités. La commission a pris note des commentaires communiqués à la commission d'experts par diverses organisations syndicales. Elle a également pris note des résultats de la mission de contacts directs effectuée en mai 2004 et des engagements pris par le gouvernement.

La commission a pris note des déclarations du représentant gouvernemental, selon lesquelles le gouvernement appuie toutes les mesures prises par les autorités compétentes pour que les enquêtes pénales sur les actes de violence contre des syndicalistes soient menées à bien avec promptitude et efficacité. La commission note que, selon le gouvernement, certaines questions soulevées par la commission d'experts constituent des problèmes d'interprétation légale qui peuvent être résolus par l'application de la norme la plus favorable aux travailleurs et, en particulier, que selon le gouvernement le problème que posait le décret no 7002003 sur les services essentiels se trouve résolu par effet de lois postérieures.

La commission a souligné que les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence et de menaces, et elle a prié le gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir l'exercice de ces droits dans un climat de pleine sécurité pour les syndicalistes et pour améliorer l'administration de la justice et mettre un terme à l'impunité. La commission a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour rendre la législation, et mettre sa pratique, en pleine conformité avec les dispositions de la convention, et de communiquer cette année un rapport complet répondant à toutes les questions en instance devant la commission d'experts. La commission a prié le gouvernement de communiquer des informations concrètes sur le nombre d'inspections menées, les sanctions infligées dans les cas de violation des droits syndicaux dans tous les secteurs, y compris celui de la "maquila", en joignant des statistiques sur le nombre de syndicats et d'associations solidaristes et sur les résultats des enquêtes pénales conduites par le Procureur spécial. La commission a exprimé l'espoir qu'elle serait en mesure de constater dans un très proche avenir des progrès au regard des problèmes en instance, et elle a rappelé qu'il est possible pour le gouvernement de faire appel à l'assistance technique de l'OIT.

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