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Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Tunisie (Ratification: 1957)

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La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente, qui était conçue dans les termes suivants:

La commission a pris note des observations relatives à des mesures de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de membres de l’Association des magistrats tunisiens (AMT). La commission a noté que le gouvernement n’a pas fourni d’informations relatives à la situation de l’AMT. Elle rappelle que les normes contenues dans la convention s’appliquent aux magistrats qui devraient pouvoir constituer des organisations de leur choix destinées à promouvoir et à défendre les intérêts de leurs membres. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur la manière dont il assure que les magistrats bénéficient des garanties prévues par la convention.

S’agissant des observations concernant la reconnaissance d’un syndicat du personnel enseignant universitaire, le gouvernement indique avoir toujours privilégié le dialogue, ajoute que certains syndicats d’enseignement supérieur ont rencontré des problèmes internes d’organisation en mentionnant à cet effet la création d’une Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS) contestée en justice par des syndicats de base qui ont à leur tour fondé un syndicat indépendant. La commission note aussi que, dans sa réponse de novembre 2008, le gouvernement nie toute discrimination à l’encontre d’enseignants en raison de leur appartenance et activités syndicales. Le gouvernement a indiqué enfin que la FGESRS n’a cessé d’être présente au sein de la délégation de l’UGTT pour négocier avec le gouvernement en 2007 et 2008 sur les revendications qu’elle a présentées. La commission a également pris note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale concernant une plainte présentée par la fédération citée (voir cas no 2592, 350e rapport). La commission demande au gouvernement de faire état dans son prochain rapport de tout fait nouveau sur la question de la détermination de la représentativité des organisations syndicales dans le secteur de l’enseignement supérieur.

En ce qui concerne le refus de reconnaissance d’une nouvelle centrale syndicale, nommément la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT), la commission a noté la réponse du gouvernement, qui se borne à rappeler que les formalités de dépôt des statuts d’une organisation syndicale se font sans l’intervention du ministère de l’Intérieur et récuse ainsi les observations de la CSI. La commission veut croire que, dans la mesure où les formalités requises par la législation sont accomplies, il sera donné suite favorablement et rapidement à la demande d’enregistrement de la CGTT.

Changements législatifs. La commission a rappelé qu’elle formule depuis de nombreuses années des commentaires relatifs à certaines dispositions du Code du travail qui ne sont pas en conformité avec la convention. La commission a noté à cet égard que, dans son bref rapport, le gouvernement a indiqué qu’il étudierait la possibilité de mettre en conformité les dispositions qui font l’objet de commentaires. La commission rappelle que celles-ci portent sur les points suivants.

Article 2 de la convention.Droit des travailleurs sans distinction d’aucune sorte de constituer des organisations et de s’y affilier.Article 242 du Code du travail. La commission rappelle que l’âge minimum de libre affiliation à un syndicat devrait être le même que celui fixé par le Code du travail pour l’admission à l’emploi (16 ans selon l’article 53 du Code du travail) et qu’il ne devrait pas dépendre d’une autorisation parentale ou tutoriale. Elle prie le gouvernement de modifier l’article 242 du Code du travail en ce sens.

Article 3.Droit des organisations d’élire librement leurs représentants. Article 251 du Code du travail. S’agissant de cette disposition qui prévoit que les étrangers peuvent accéder à des postes d’administration ou de direction d’un syndicat, à condition d’avoir obtenu l’agrément du Secrétaire d’Etat à la jeunesse, aux sports et aux affaires sociales, la commission rappelle que l’imposition de telles conditions aux étrangers constitue une ingérence des autorités publiques dans les affaires internes d’un syndicat, ce qui est incompatible avec l’article 3 de la convention. La commission demande au gouvernement de modifier l’article 251 du Code du travail de façon à garantir aux organisations de travailleurs le droit d’élire librement leurs représentants, y compris parmi les travailleurs étrangers, tout au moins après une période raisonnable de résidence dans le pays.

Article 3.Droit des organisations de travailleurs d’exercer librement leurs activités et de formuler leur programme d’action.a)Article 376bis, alinéa 2, du Code du travail. La commission rappelle depuis de nombreuses années que le fait pour un syndicat de base de devoir obtenir, aux termes de l’article 376bis, alinéa 2, du Code du travail, l’approbation de la centrale syndicale pour le déclenchement d’une grève n’est pas conforme à la convention. La commission souligne qu’une disposition législative qui prévoit l’approbation préalable de la centrale syndicale d’une grève entrave le libre choix des organisations de base d’exercer le droit de grève. Une telle restriction ne serait envisageable que si elle est incorporée volontairement dans les statuts des syndicats intéressés, et non imposée par la législation. La commission demande au gouvernement d’abroger l’alinéa 2 de l’article 376bis du Code du travail de manière à garantir aux organisations de travailleurs, quel que soit leur niveau, la possibilité d’organiser librement leurs activités en vue de la promotion et de la défense des intérêts de leurs membres, ceci conformément à l’article 3 de la convention.

b)Article 376ter du Code du travail. S’agissant de cette disposition qui prévoit que le préavis de grève doit fournir une indication sur la durée de la grève, la commission prie le gouvernement de modifier l’article 376ter du Code du travail de manière à supprimer toute obligation légale de spécifier la durée d’une grève, ceci afin de garantir aux organisations de travailleurs la possibilité de déclarer une grève à durée indéterminée si elles le désirent.

c) Article 381ter du Code du travail. En ce qui concerne les services essentiels, dont la liste est fixée par décret en vertu de l’article 381ter du Code du travail, la commission prie le gouvernement d’indiquer si le décret en question a été adopté et, le cas échéant, de communiquer la liste des services essentiels ainsi établie.

d) Articles 387 et 388 du Code du travail. Dans ses observations antérieures, la commission avait contesté les dispositions suivantes: a) l’imposition des peines prévues par l’article 388 du Code du travail, rendant toute personne ayant participé à une grève illégale passible d’une peine d’emprisonnement de trois à huit mois et d’une amende de 100 à 500 dinars, dépendait de l’appréciation par le tribunal pénal du degré de gravité des infractions concernées; b) l’article 387 du Code du travail en vertu duquel est considérée comme illégale, notamment, une grève dont le déclenchement n’aurait pas respecté les dispositions relatives à la conciliation et à la médiation, au préavis et à l’approbation obligatoire de la centrale syndicale (ce point relatif à l’article 376bis du code fait par ailleurs l’objet de commentaires de la commission); et c) l’article 53 du Code pénal, qui permet aux tribunaux d’imposer une peine inférieure au minimum prévu par l’article 388, voire à convertir une peine d’emprisonnement en une amende. La commission rappelle qu’un travailleur ayant fait grève d’une manière pacifique ne doit pas être passible de sanctions pénales et qu’ainsi aucune peine de prison ne peut être encourue. De telles sanctions ne sont envisageables que si, à l’occasion de la grève, des violences contre les personnes ou les biens, ou d’autres infractions graves de droit commun sont commises, et ce en application des textes punissant de tels faits. Toutefois, même en l’absence de violence, si les modalités de la grève l’ont rendue illicite, des sanctions disciplinaires proportionnées peuvent être prononcées contre les grévistes. La commission prie le gouvernement de modifier les articles 387 et 388 du Code du travail en tenant compte du principe énoncé.

Rappelant que ses commentaires sont formulés depuis de nombreuses années, la commission veut croire que le prochain rapport du gouvernement fera état de progrès notables dans la mise en conformité du Code du travail aux prescriptions de la convention. Elle rappelle aussi la possibilité pour le gouvernement de faire appel à l’assistance technique du Bureau sur ces questions.

La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.

Enfin, la commission note les commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 24 août 2010 concernant l’application de la convention, et en particulier de sérieuses allégations d’actes de violence antisyndicaux. La commission rappelle que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme. La commission regrette que le gouvernement n’ait pas répondu à ces allégations malgré leur gravité et le prie de transmettre ses observations à cet égard.

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