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Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Myanmar (Ratification: 1955)

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Suivi des recommandations de la commission d’enquête
(plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT)

Rappel historique

Dans ses commentaires précédents, la commission a examiné en détail l’historique de ce cas extrêmement grave portant sur la violation caractérisée et persistante de la convention par le gouvernement et son manquement à mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête établie par le Conseil d’administration en mars 1997 en application de l’article 26 de la Constitution de l’OIT. Ce défaut persistant du gouvernement de suivre lesdites recommandations ainsi que les observations de la commission d’experts et de tenir compte des autres questions découlant de la discussion menée dans d’autres instances de l’OIT a conduit, fait sans précédent, à la décision prise par le Conseil d’administration, à sa 277e session en mars 2000, de mettre en œuvre l’article 33 de la Constitution de l’Organisation puis à l’adoption d’une résolution par la Conférence, à sa session de juin 2000.

La commission rappelle que la commission d’enquête, dans ses conclusions, a souligné que la convention était violée en droit et en pratique de manière généralisée et systématique. Dans ses recommandations (paragr. 539(a) du rapport de la commission d’enquête du 2 juillet 1998), la commission a instamment demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour:

1)    que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention;

2)    que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités et, en particulier, par les militaires; et

3)    que les sanctions prévues à l’article 374 du Code pénal pour le fait d’imposer du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, ce qui nécessite des enquêtes, des poursuites et de l’application de sanctions appropriées à l’encontre des personnes reconnues coupables.

La commission d’enquête a souligné que, outre la modification de la législation, des mesures concrètes devaient être prises immédiatement pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé dans la pratique, ces mesures devant revêtir la forme d’actes publics que l’Exécutif promulguerait et dont il assurerait la divulgation à tous les niveaux de l’armée et à l’ensemble de la population. Dans ses précédents commentaires, la commission d’experts a identifié quatre domaines dans lesquels des «mesures concrètes» devaient être prises par le gouvernement pour mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête. En particulier, la commission a mentionné les mesures suivantes:

–           diffuser auprès des autorités civiles et militaires des instructions spécifiques et concrètes;

–           assurer qu’une large publicité soit faite à l’interdiction du travail forcé;

–           prévoir les ressources budgétaires adéquates pour remplacer la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée; et

–           assurer l’application de l’interdiction du travail forcé.

Derniers développements depuis l’observation précédente de la commission

La commission a examiné les discussions ayant eu lieu au sein des organes de l’OIT sur ce cas et les conclusions qu’ils ont formulées ainsi que les nouveaux documents reçus au Bureau. En particulier, la commission prend note des éléments suivants:

–           le rapport du Chargé de liaison soumis à la séance spéciale de la Commission de l’application des normes tenue pendant la 99e session de la Conférence internationale du Travail, en juin 2010, ainsi que les discussions et conclusions de cette commission (CIT, 99e session, Compte rendu provisoire no 16, partie III A, et document D.5D);

–           les documents soumis au Conseil d’administration à ses 307e et 309e sessions (mars et novembre 2010) ainsi que les discussions et conclusions du Conseil d’administration lors de ses sessions;

–           la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçue en août 2010, accompagnée de plus de 1 400 pages d’annexes détaillées;

–           la communication de la Fédération des syndicats Kawthoolei (FTUK) reçue en septembre 2010 avec ses annexes; et

–           les rapports du gouvernement du Myanmar reçus les 16 décembre 2009, 4 janvier, 4 février, 12 et 18 mars, 6 avril, 19 mai, 19 août, 8 septembre et 6 octobre 2010.

Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007 – Extension
du mécanisme de traitement des plaintes

Dans ses commentaires précédents, la commission a examiné la portée du Protocole d’entente complémentaire (PEC) du 26 février 2007 conclu entre le gouvernement et l’OIT, qui complète le Protocole du 19 mars 2002 portant sur la nomination d’un Chargé de liaison de l’OIT au Myanmar. Comme la commission l’a relevé précédemment, le PEC instaure un mécanisme dont l’objectif est de «donner officiellement aux victimes du travail forcé la possibilité de recourir aux services du Chargé de liaison pour adresser leurs plaintes par son intermédiaire aux autorités compétentes en vue d’obtenir réparation, conformément à la législation applicable et à la convention». La commission note que, le 19 janvier 2010, la période d’essai du PEC a été prolongée pour la troisième fois pour une nouvelle période de douze mois, allant du 26 février 2010 au 25 février 2011 (CIT, 99e session, Compte rendu provisoire no 16, partie III, document D.5F). La commission examine plus avant les informations concernant le fonctionnement du PEC dans le contexte de ses commentaires relatifs aux autres documents, discussions et conclusions concernant ce cas.

Discussion et conclusions de la Commission de l’application
des normes de la Conférence

La Commission de l’application des normes a examiné à nouveau ce cas à sa séance spéciale pendant la 99e session de la Conférence, en juin 2010. La Commission de la Conférence a reconnu l’adoption de certaines mesures de caractère limité de la part du gouvernement, et notamment: le renouvellement pour une nouvelle année du Protocole d’entente; l’accord pour la publication et la diffusion d’une brochure informative sur le travail forcé; certaines activités destinées à porter le mécanisme de plaintes établi par le PEC à la connaissance de la population, notamment par des articles de journaux dans la langue nationale; certaines améliorations dans le traitement de l’enrôlement par l’armée de personnes n’ayant pas l’âge légal. Cependant, la Commission de la Conférence a considéré que ces mesures étaient toujours totalement inadéquates. Elle a relevé qu’aucune des trois recommandations spécifiques et claires de la commission d’enquête n’a été mise en œuvre et elle a demandé instamment au gouvernement de les mettre en œuvre intégralement et sans plus attendre et, en particulier: qu’il prenne les mesures nécessaires pour que les textes législatifs pertinents soient mis en conformité avec la convention; qu’il assure l’élimination totale de l’ensemble des pratiques de travail forcé, y compris celles du recrutement d’enfants dans les forces armées et de la traite des personnes à des fins de travail forcé, pratiques généralisées qui ont toujours cours; qu’il assure de manière stricte que les personnes qui imposent du travail forcé, qu’il s’agisse de civils ou de militaires, soient poursuivies et punies conformément au Code pénal; qu’il assure la libération immédiate des personnes ayant porté plainte et des autres personnes associées au mécanisme de plaintes actuellement emprisonnées; etc. La Commission de la Conférence a également demandé le renforcement des moyens à la disposition du Chargé de liaison de l’OIT pour aider le gouvernement à donner suite à toutes les recommandations de la commission d’enquête et assurer l’efficacité du fonctionnement du système d’instruction des plaintes.

Discussions au sein du Conseil d’administration

Le Conseil d’administration a poursuivi ses discussions sur ce cas à ses 307e et 309e sessions, en mars et novembre 2010 (documents GB.307/6 et GB.309/6). La commission note que, suite aux discussions de novembre 2010, le Conseil d’administration a à nouveau confirmé la totalité de ses conclusions antérieures ainsi que celles de la Conférence internationale du Travail et a appelé le gouvernement et le Bureau à agir résolument dans le sens de leur concrétisation. Compte tenu des engagements pris par le Représentant permanent du gouvernement, le Conseil d’administration a appelé à ce que le nouveau Parlement procède sans plus attendre à la mise en harmonie de la législation avec la convention. Tout en notant que le nombre des plaintes reçues dans le cadre du mécanisme de plaintes prévu par le PEC a augmenté, le Conseil d’administration a estimé essentiel que le mouvement devant mener à un environnement exempt de harcèlement ou de crainte de représailles se poursuive et il a appelé le gouvernement à coopérer avec le Chargé de liaison sur les cas qu’il soulève. Nonobstant les progrès signalés dans le domaine de la sensibilisation des autorités et de la population au sens large, en ce qui concerne les droits et responsabilités respectifs des uns et des autres au regard de la loi, la poursuite d’une action résolue reste nécessaire pour mettre un terme à toutes les formes de travail forcé, notamment à l’enrôlement dans l’armée de personnes n’ayant pas l’âge légal et à la traite des personnes ainsi que pour une application stricte du Code pénal à l’égard de tous ceux qui recourent à de telles pratiques, de manière à mettre un terme à l’impunité en la matière. Le Conseil d’administration a également appelé à la poursuite et à l’intensification des activités de sensibilisation entreprises conjointement ou séparément par le gouvernement et le Chargé de liaison de l’OIT en direction du personnel du gouvernement, de celui de l’armée et de la société civile. Enfin, le gouvernement a salué la remise en liberté de Daw Aung San Suu Kyi et a demandé instamment que les autres personnes toujours en détention, y compris les militants syndicaux et les personnes associées au mécanisme de plaintes du PEC, soient elles aussi remises en liberté aussi rapidement que possible.

Communications reçues des organisations de travailleurs

La commission prend note des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication reçue en août 2010. Ont été joints à cette communication 51 documents représentant un total de 1 400 pages contenant une documentation extensive et détaillée se référant à la persistance de pratiques généralisées de travail forcé imposé par les autorités civiles et militaires dans pratiquement tous les Etats et divisions du pays. Pour de nombreux cas, les documents précisent les dates, lieux, circonstances, organismes civils, unités militaires et fonctionnaires. Les faits spécifiques auxquels les documents produits par la CSI se réfèrent portent sur un large éventail de travaux et services imposés par les autorités, consistant à la fois en travaux ayant un lien direct avec l’armée (portage, construction, enrôlement forcé d’enfants) et en travaux de caractère plus général, notamment dans l’agriculture, la construction et l’entretien des routes et autres infrastructures. Les documents de la CSI incluent, entre autres, des rapports communiqués par la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB) et son affiliée, la Fédération des syndicats Kawthoolei (FTUK), reproduisant les allégations de victimes de travail forcé qui avaient été encouragées par ces organisations à s’adresser à l’OIT et qui pour cela ont été poursuivies en justice et emprisonnées. Les documents de la CSI comprennent également des traductions de nombreux ordres écrits («documents d’ordre» ou «lettres d’ordre») émanant, apparemment, de l’armée et d’autres autorités et adressés aux autorités des villages des Etats de Karen et de Chin et d’autres Etats et divisions. Ces documents contiennent toute une série d’exigences, impliquant dans la plupart des cas la réquisition obligatoire d’une main-d’œuvre (non rémunérée). Ainsi, le rapport soumis par la FTUK, qui a également été directement communiqué au BIT dans une communication reçue en septembre 2010 mentionnée ci-dessus, contient une traduction de 94 documents d’ordre émanant de l’armée adressés aux chefs de village de l’Etat de Karen entre janvier 2009 et juin 2010. Les tâches et services exigés dans ces documents recouvrent notamment le portage pour l’armée; la réparation de ponts; la collecte de matières premières; la production et la livraison de végétaux de couverture et de tiges de bambou; la présence à des réunions; la collecte d’argent, de denrées alimentaires et autres fournitures; la livraison d’informations sur des personnes et des foyers; etc. Selon ce rapport, les ordres susvisés illustrent la persistance de l’imposition de travail forcé par les militaires dans l’Etat rural de Karen, pratiques qui contribuent largement à entretenir la pauvreté, la précarité de l’existence, l’insécurité alimentaire et les déplacements massifs de villageois. Les communications de la CSI et de la FTUK et de leurs annexes ont été transmises au gouvernement en septembre 2010 afin que celui-ci formule les commentaires qu’il souhaiterait à cet égard.

Rapports du gouvernement

La commission prend note des rapports du gouvernement mentionnés au paragraphe 4 ci-avant, qui comportent des réponses à l’observation précédente de la commission. Elle note en particulier que le gouvernement indique qu’il poursuit sa coopération avec le Chargé de liaison de l’OIT dans le cadre de ses diverses fonctions, y compris en ce qui concerne le suivi et l’investigation des situations de travail forcé et le fonctionnement du mécanisme de plaintes du PEC. Le gouvernement indique également qu’il poursuit ses efforts en matière de sensibilisation et de formation sur le travail forcé, notamment à travers la présentation conjointe OIT/ministère du Travail faite dans le cadre du cours de formation des magistrats des villes, qui s’est tenu à Yangon en mars 2010, et avec la distribution de brochures sur le PEC et de brochures d’information simples sur le travail forcé. La commission prend également note des indications du gouvernement concernant les mesures prises pour prévenir l’enrôlement d’enfants n’ayant pas l’âge légal et organiser la libération des personnes enrôlées de septembre 2009 à août 2010 alors qu’elles n’avaient pas l’âge légal. S’agissant de la modification de la législation, le gouvernement indique que le ministère des Affaires intérieures travaille avec les départements concernés en vue de la révision de la loi sur les villages et de la loi sur les villes. Cependant, aucune mesure n’a été prise ou n’est envisagée pour modifier l’article 359 de la Constitution. La commission note également que le gouvernement n’a pas non plus communiqué ses commentaires au sujet des allégations nombreuses et précises contenues dans les communications susmentionnées de la CSI et de la FTUK, de même que dans la communication de la CSI reçue en septembre 2009. La commission prie instamment le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des réponses détaillées aux allégations nombreuses et précises d’imposition persistante et généralisée de travail forcé ou obligatoire par les autorités militaires et civiles dans l’ensemble du pays – allégations documentées dans les communications susmentionnées de la CSI et de la FTUK qui font notamment état de «documents d’ordre» constituant en soi une preuve concluante de l’imposition systématique du travail forcé par les militaires.

Evaluation de la situation

L’évaluation des informations disponibles sur la situation du travail forcé au Myanmar en 2010 et en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête et l’application de la convention par le gouvernement sera étudiée en trois parties, qui traiteront respectivement: i) de la modification de la législation; ii) des mesures visant à mettre fin à l’imposition de travail forcé ou obligatoire dans la pratique; iii) de l’application effective des sanctions prévues par le Code pénal et les autres dispositions pertinentes de la loi.

i)         Modification de la législation

La commission a précédemment noté que le gouvernement avait déclaré, dans son rapport reçu le 27 août 2009, que la loi sur les villages et la loi sur les villes avaient été «mises en sommeil [sic] sur le plan légal et dans la pratique» par l’ordonnance no 1/99 (donnant instruction de ne pas exercer les pouvoirs prévus par certaines dispositions de la loi sur les villes et de la loi sur les villages de 1907), complétée par l’ordonnance du 27 octobre 2000. La commission a observé qu’il reste encore à donner effet, et ce de bonne foi, à ces deux ordonnances et que celles-ci ne font pas disparaître la nécessité, distincte, d’éliminer le fondement législatif servant à imposer du travail forcé. Notant que le gouvernement indique dans son rapport reçu le 19 août 2010 que le ministère des Affaires intérieures agit en concertation avec les départements concernés en vue de la révision de ces lois, la commission exprime le ferme espoir que les dispositions visant à modifier ou abroger ces instruments attendues depuis longtemps seront prises prochainement et que la législation sera ainsi mise en conformité avec la convention sur ce plan. La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les progrès réalisés à cet égard.

Dans ses commentaires précédents, la commission s’est référée à l’article 359 de la nouvelle Constitution (chap. VIII, citoyenneté, droits et devoirs fondamentaux des citoyens), qui exclut de l’interdiction du travail forcé «les travaux imposés par l’Etat dans l’intérêt du peuple, conformément à la législation». La commission a observé que cette exception permet certaines formes de travail forcé qui dépassent le champ des exceptions au travail forcé spécifiquement prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la convention et qu’elle pourrait être interprétée de manière à permettre d’imposer du travail forcé à la population d’une manière généralisée. La commission note avec regret que le gouvernement déclare dans son rapport reçu le 19 août 2010 qu’«il est totalement impossible de modifier la Constitution … étant donné que celle-ci a été approuvée par référendum en mai 2008 avec 92,48 pour cent de votes favorables». La commission demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de modifier l’article 359 du chapitre VIII de la Constitution de manière à mettre cet article en conformité avec la convention.

ii)        Mesures visant à mettre fin à l’imposition de travail forcé
ou obligatoire dans la pratique

Informations disponibles sur la pratique actuelle. Au paragraphe 8 de la présente observation, la commission se réfère de manière détaillée aux communications reçues de la CSI et de la FTUK contenant des allégations bien étayées relatives à la persistance, en 2010, de l’imposition de travail forcé et obligatoire à des villageois par les autorités militaires et civiles dans presque tous les Etats et divisions du pays. Les informations contenues dans les nombreuses annexes se réfèrent aux dates, lieux et circonstances spécifiques de cas de telles pratiques, de même qu’à des organismes civils, unités militaires et fonctionnaires spécifiques comme étant responsables de ces pratiques. Selon ces rapports, de la main-d’œuvre forcée a été réquisitionnée tant par les autorités militaires que par les autorités civiles, et cette réquisition a revêtu des formes et porté sur des tâches très diverses.

La commission note que, d’après le rapport du Chargé de liaison de l’OIT soumis à la Commission de la Conférence, en juin 2010 (CIT, 99e session, Compte rendu provisoire no 16, partie III, document D.5C), si le mécanisme de plaintes prévu par le PEC continue de fonctionner et que les activités de formation et de sensibilisation proposées dans ce cadre se poursuivent, des plaintes pour imposition de travail forcé par les autorités tant militaires que civiles continuent d’être déposées (paragr. 5 et 6). Le Chargé de liaison se réfère également à de nombreuses demandes adressées aux autorités pour obtenir la libération de victimes identifiées enrôlées avant l’âge légal dans l’armée, et il déclare que l’action concernant l’enrôlement de ces personnes qui a été déployée en application du PEC renforce l’activité de l’Equipe de pays des Nations Unies chargée de la surveillance et de la communication de l’information sur les enfants et les conflits armés en application de la résolution 1612 du Conseil de sécurité sur la protection des enfants touchés par les conflits armés (paragr. 8 et 12). Selon ce même rapport, un certain nombre de plaintes relatives à des cas de traite de personnes à des fins de travail forcé ont été enregistrées; trois affaires de cette nature, qui ont été transmises aux organes chargés des projets de lutte contre la traite des personnes de l’OIT basés à l’extérieur du pays, ont abouti à la libération de 56 personnes réduites à des situations de travail forcé dans des pays voisins. Le Chargé de liaison déclare en outre que «les éléments non vérifiables dont on dispose portent à croire que les autorités civiles recourent moins fréquemment au travail forcé, du moins dans certains lieux et dans certaines parties du pays» et que cela s’explique très probablement par les activités d’information qui ont été activement menées dans ce domaine ainsi que par la sensibilisation accrue du personnel des autorités locales (paragr. 7 et 11). Cependant, d’après le document soumis au Conseil d’administration à sa 307e session, en mars 2010, «si, selon des indications provenant de certaines régions du pays, l’ampleur réelle du travail forcé imposé par les autorités civiles a diminué dans une certaine mesure, cette tendance n’expliquerait pas à elle seule la réduction du nombre de plaintes. Le recours au travail forcé, en particulier par les militaires, reste préoccupant dans tout le pays.» (Document GB.307/6, paragr. 5.)

Diffusion d’instructions spécifiques et concrètes aux autorités civiles et militaires. Dans ses précédents commentaires, la commission a souligné que des instructions spécifiques devaient être effectivement données aux autorités civiles et militaires et à la population dans son ensemble afin que toutes les pratiques relevant du travail forcé soient identifiées et afin d’expliquer concrètement comment et par quels moyens, pour chaque pratique, les tâches et services doivent être réalisés sans recourir au travail forcé. Elle a précédemment noté que, dans son rapport reçu le 1er juin 2009, le gouvernement a déclaré d’une manière générale que «les différents niveaux de l’autorité administrative ont pleinement connaissance des ordonnances et instructions interdisant le travail forcé qui émanent des niveaux hiérarchiques plus élevés». La commission note cependant que le gouvernement n’a pas communiqué de nouvelles informations sur cette question importante dans ses rapports suivants. Considérant que les informations sur cette question restent rares, la commission n’est toujours pas en mesure d’établir avec certitude que des instructions claires ont effectivement été adressées à toutes les autorités civiles et militaires et qu’il leur est donné effet de bonne foi. Elle souligne à nouveau la nécessité qui s’attache à ce que, d’une part, des instructions concrètes soient adressées à tous les niveaux de l’armée ainsi qu’à l’ensemble de la population, qui identifient les domaines et toutes les pratiques de travail forcé et donnent des orientations concrètes sur les moyens et la manière de réaliser dans chaque domaine ces tâches ou services sans recourir au travail forcé et, d’autre part, à ce que des mesures soient prises pour faire connaître largement ces instructions et pour en assurer une supervision effective. Considérant qu’il est vital que des instructions relatives à l’interdiction du travail forcé et obligatoire soient adressées aux autorités civiles et militaires et que les mesures à cette fin doivent être intensifiées, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement communiquera, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises à cet égard, incluant le texte traduit des instructions qui ont été émises afin de confirmer à nouveau l’interdiction du travail forcé.

Assurer une large publicité de l’interdiction du travail forcé. S’agissant de la nécessité d’assurer une large publicité à l’interdiction du travail forcé, la commission note que, d’après le rapport du Chargé de liaison de l’OIT mentionné ci-dessus, les documents soumis au Conseil d’administration et à la Commission de la Conférence ainsi que les rapports du gouvernement, un certain nombre d’activités de sensibilisation concernant le travail forcé, les interdictions légales du travail forcé et les voies de recours ouvertes aux victimes ont été menées en 2010. Il y a lieu de mentionner notamment trois séminaires de sensibilisation menés conjointement par l’OIT et le ministère du Travail pour le personnel civil et militaire du niveau de l’Etat/de la division dans l’Etat de Rhakine, la division de Magway et la division de Bago; deux présentations conjointes de l’OIT/ministère du Travail sur le droit et la pratique en matière de travail forcé et des cours de perfectionnement pour les juges et assesseurs des villes; trois séminaires/présentations pour le personnel des forces armées, de la police et des prisons sur la loi et la pratique concernant l’enrôlement dans l’armée de personnes n’ayant pas l’âge légal. Lorsque la mission de l’OIT a rencontré le ministre du Travail (en janvier 2010), le gouvernement a convenu de la publication d’une brochure rédigée simplement, dans la langue vernaculaire, expliquant le droit relatif au travail forcé, y compris à l’enrôlement en deçà de l’âge légal, et les voies de recours ouvertes aux victimes souhaitant porter plainte (document GB.307/6, paragr. 9). Le Conseil d’administration, tout en appelant, à sa session de novembre 2010, à la poursuite des activités de sensibilisation et à leur intensification, a prié le gouvernement de continuer de soutenir activement la diffusion la plus large de la brochure et sa traduction dans toutes les langues locales (document GB.309/6, paragr. 4). La commission réaffirme que de telles activités sont, à son avis, déterminantes pour contribuer à assurer que l’interdiction du travail forcé est largement connue et respectée dans la pratique et qu’elles doivent se poursuivre et s’étendre.

La commission note que, d’après le document soumis au Conseil d’administration à sa 309e session, en novembre 2010 (document GB.309/6), le nombre de plaintes déposées en application du mécanisme établi dans le PEC continue d’augmenter: entre le 1er juin et le 21 octobre 2010, 160 plaintes ont été reçues. A titre de comparaison, pour la même période, 65 plaintes ont été déposées en 2009, 25 en 2008 (paragr. 18). Au 21 octobre 2010, un total de 503 plaintes avait été enregistré par le mécanisme établi en application du PEC; 288 cas (rentrant dans le mandat de l’OIT) ont été soumis au groupe de travail gouvernemental pour enquête, dont 132 ont été résolus avec des résultats plus ou moins satisfaisants; 127 personnes enrôlées de force et/ou avant l’âge légal ont été libérées par l’armée suite à des plaintes déposées dans le cadre du mécanisme prévu par le PEC (paragr. 14 et 15). La commission réitère qu’à son avis le mécanisme de plaintes prévu par le PEC constitue, en soi, une opportunité pour les autorités de démontrer que le recours persistant à de telles pratiques est illégal et sera puni en tant que délit pénal, comme exigé par la convention. La commission exprime donc l’espoir que le gouvernement intensifiera et étendra la portée de ses efforts tendant à assurer une large publicité à l’interdiction du travail forcé et à sensibiliser la population à cette interdiction ainsi qu’à la possibilité de recourir au mécanisme prévu dans le cadre du PEC. Elle espère qu’il déploiera ces activités de sensibilisation d’une manière plus cohérente et systématique et qu’il fournira, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard. La commission espère en outre que le gouvernement fournira des informations sur l’impact de ces mesures de sensibilisation sur l’application effective des sanctions pénales prévues par la loi à l’égard de ceux qui imposent du travail forcé et sur l’imposition, dans la pratique, de travail forcé ou obligatoire, notamment par les militaires.

Garantir les ressources budgétaires adéquates pour remplacer le travail forcé ou le travail non rémunéré.  Dans ses commentaires précédents, la commission a souligné la nécessité de prévoir dans les budgets les ressources nécessaires au remplacement de la main-d’œuvre forcée, laquelle n’est en général pas rémunérée, pour parvenir à mettre un terme à cette pratique. Elle rappelle à cet égard que, dans ses recommandations, la commission d’enquête a indiqué que «les mesures de cet ordre ne doivent pas se limiter au versement de salaires; elles doivent aussi assurer que nul ne sera contraint de travailler contre sa volonté. L’inscription au budget des ressources adéquates pour l’engagement d’une main-d’œuvre salariée et libre qui accomplira les activités publiques accomplies aujourd’hui par une main-d’œuvre forcée et non rémunérée est également nécessaire.» Le gouvernement a indiqué de manière répétée dans ses rapports, y compris dans le rapport reçu le 19 août 2010, qu’il a été attribué à tous les ministères, pour la mise en œuvre de leurs projets, des crédits budgétaires couvrant les dépenses en main-d’œuvre. Notant qu’aucune autre information n’a été fournie par le gouvernement sur cette question particulièrement importante, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations précises et détaillées sur les mesures prises au niveau budgétaire afin que les ressources permettant de remplacer la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée soient assurées.

iii)       Assurer l’application effective de l’interdiction du travail forcé

La commission a noté précédemment que l’article 374 du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement allant jusqu’à un an à l’égard de toute personne qui contraint illégalement une personne à travailler contre sa volonté. Elle a également noté que l’ordonnance no 1/99 et son ordonnance complémentaire du 27 octobre 2000, ainsi qu’une série d’instructions et de lettres émises par les autorités gouvernementales de 2000 à 2005 afin d’assurer l’application de ces ordonnances, prévoient que les personnes «responsables» de travail forcé, y compris les membres des forces armées, feront l’objet des poursuites prévues à l’article 374 du Code pénal. La commission note que, d’après le document soumis au Conseil d’administration à sa 309e session, en novembre 2010 (document GB.309/6), en ce qui concerne les cas de travail forcé imposé par les militaires, le BIT n’a reçu aucune information relative à des poursuites judiciaires exercées sur la base de cette disposition du Code pénal. Dans quatre cas, le Bureau a été informé que des mesures disciplinaires avaient été prises dans le cadre de procédures militaires après examen des plaintes déposées au titre du Protocole d’entente complémentaire et que, dans certains cas, la solution a consisté à émettre des ordres imposant un changement de comportement (paragr. 11). S’agissant des cas de travail forcé imposé par les autorités civiles, il n’a été question de poursuites des auteurs sur la base du Code pénal que dans le cas no 1, cas dont la commission avait déjà pris note dans ses précédents commentaires et qui avait abouti à la traduction en justice de deux fonctionnaires civils, qui ont été condamnés à des peines d’emprisonnement. Dans d’autres cas, la solution a consisté en des sanctions administratives, revêtant la forme d’un licenciement ou d’un transfert. Dans la plupart des cas, la situation a été résolue par un examen de la situation des plaignants sans qu’aucune mesure coercitive ne soit prise à l’égard des responsables (paragr. 12). S’agissant des cas d’enrôlement forcé et/ou avant l’âge légal, les procédures disciplinaires assorties de sanctions ont été plus nombreuses, et des militaires responsables de telles pratiques ont été jugés dans le cadre d’une procédure accélérée en application de règlements militaires, et trois d’entre eux ont été condamnés à l’emprisonnement. Les autres sanctions qui semblent être couramment appliquées dans ce cadre sont la perte des bénéfices de l’ancienneté, la perte des droits à pension ou la suspension de la solde pendant plusieurs jours ainsi que des réprimandes officielles de divers niveaux (paragr. 13).

La commission note avec regret qu’aucune nouvelle information n’a été fournie par le gouvernement dans ses rapports de 2010 en ce qui concerne les poursuites initiées sur la base de l’article 374 du Code pénal à l’égard des auteurs de telles formes de travail forcé. La commission souligne une nouvelle fois que l’imposition illégale de travail forcé doit être punie en tant que délit pénal plutôt que d’être traitée comme une question administrative et elle exprime le ferme espoir que des mesures appropriées seront prises dans un proche avenir pour assurer que les sanctions prévues par l’article 374 du Code pénal en cas d’imposition de travail forcé ou obligatoire sont strictement appliquées, conformément à l’article 25 de la convention. Elle demande au gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les progrès réalisés à cet égard.

Remarques finales

La commission fait entièrement siennes les conclusions concernant le Myanmar formulées par la Commission de la Conférence et le Conseil d’administration ainsi que l’évaluation générale de la situation du travail forcé faite par le Chargé de liaison de l’OIT. Elle observe qu’en dépit des efforts déployés, notamment dans le domaine de la sensibilisation, de la coopération pour le fonctionnement du mécanisme de plaintes du PEC et de la libération des personnes enrôlées par l’armée avant l’âge légal, le gouvernement n’a toujours pas mis en œuvre les recommandations de la commission d’enquête: il n’a pas modifié ou abrogé la loi sur les villes et la loi sur les villages; il n’a pas assuré, dans la pratique, que le travail forcé ne soit plus imposé par les autorités, notamment par les autorités militaires; il n’a pas assuré que les peines prévues par le Code pénal en cas d’imposition illégale de travail forcé soient strictement appliquées à l’égard des autorités civiles et militaires. La commission continue de croire que, pour parvenir à des progrès réels et durables en vue de l’élimination du travail forcé, les autorités du Myanmar doivent démontrer sans ambiguïté leur engagement à atteindre ce but. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de faire la preuve de son engagement à agir pour réparer les violations de la convention identifiées par la commission d’enquête en mettant en œuvre les demandes concrètes et pratiques qu’elle lui a adressées et de prendre enfin les mesures attendues depuis si longtemps pour parvenir à l’application de la convention, en droit et dans la pratique, afin de mettre un terme à ces pratiques de travail forcé des plus graves et des plus anciennes.

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