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Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Erythrée (Ratification: 2000)

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La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points soulevés dans sa précédente demande directe, qui était conçue dans les termes suivants:

Communication de textes. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle le projet du nouveau Code pénal est en cours de finalisation et une copie sera communiquée au BIT dès son adoption par l’Assemblée nationale. La commission veut croire que le gouvernement communiquera copie du nouveau Code pénal dès qu’il aura été adopté. Elle espère également que le gouvernement ne manquera pas de communiquer, dans son prochain rapport, copie des lois et règlements concernant l’exécution des peines et copie des lois relatives au service militaire obligatoire.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. 1. Service national obligatoire. La commission avait noté précédemment que, aux termes de l’article 3(17) de la proclamation de l’Erythrée relative au travail (no 118/2001), l’expression «travail forcé» ne comprend pas le service national obligatoire. Elle avait également noté que, en vertu de l’article 25(3) de la Constitution du pays, les citoyens doivent accomplir leur devoir de service national. Le gouvernement indique dans son dernier rapport que, dans le cadre du programme de service national obligatoire, la société tout entière est contrainte de prendre part aux activités agricoles, de travaux publics et de défense. Selon le rapport, et bien que la durée du service national ait été fixée à dix-huit mois, l’Assemblée nationale érythréenne a promulgué une déclaration intitulée «campagne de Warsai Yikaallo» sur la base de laquelle la population a été engagée dans des programmes de grande envergure, principalement pour le reboisement, la préservation des sols et de l’eau ainsi que pour des activités de reconstruction, dans le cadre du programme de sécurité alimentaire. Le gouvernement déclare que dans les faits la situation actuelle en Erythrée peut être qualifiée de «non-guerre, non-paix». Il considère également que le pays étant menacé de guerre, il s’agit d’une situation d’urgence.

La commission rappelle à cet égard, se référant aux explications des paragraphes 62 à 64 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, que l’article 2, paragraphe 2 d), exclut de ses dispositions «tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure, c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistres ou menaces de sinistres tels qu’incendies, inondations, famines, tremblements de terre, épidémies et épizooties violentes, invasions d’animaux, d’insectes ou de parasites végétaux nuisibles, et en général toutes circonstances mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population». Cette exception, recouvrant le concept de force majeure, s’applique uniquement dans les cas où une catastrophe ou la menace d’une catastrophe mettrait en danger l’existence ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population. Afin de respecter les limites de l’exception prévue dans la convention, le pouvoir de mobiliser de la main-d’œuvre devrait être restreint aux véritables cas d’urgence ou de force majeure, c’est-à-dire un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. En outre, la durée et l’importance du service imposé, ainsi que les fins pour lesquelles il est utilisé, devraient être limitées strictement aux exigences de la situation. D’autre part, l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), visant les cas de force majeure, ne devrait pas être interprétée comme permettant d’exiger toutes sortes de services obligatoires en cas de guerre, d’incendies ou de tremblements de terre. Cette exception ne peut être invoquée que pour un travail ou un service strictement indispensable pour faire face à un danger imminent menaçant la population.

La commission note les dispositions de l’article 27 de la Constitution érythréenne, selon lesquelles le Président peut déclarer l’état d’urgence par une proclamation publiée dans la Gazette officielle, proclamation sujette à l’approbation de l’Assemblée nationale. La proclamation reste en vigueur pendant six mois et peut être prolongée par l’Assemblée nationale par période de trois mois. En l’absence d’une déclaration de l’état d’urgence qui, si elle avait été adoptée, aurait dû être limitée dans le temps, et compte tenu du fait que le gouvernement décrit la situation factuelle dans le pays comme étant une situation de «non-guerre, non-paix», il apparaît que le recours au travail obligatoire dans ces circonstances ne saurait être justifié en invoquant l’exception relative à la force majeure prévue par l’article 2, paragraphe 2 d).

Se référant aux explications développées aux paragraphes 89 à 91 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, la commission souligne que l’imposition systématique et à grande échelle de travail obligatoire à la population dans le cadre du programme de service national est incompatible avec les conventions nos 29 et 105 qui interdisent de recourir au travail forcé ou obligatoire pour mobiliser et utiliser de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Par conséquent, la commission espère que les mesures nécessaires seront prises, tant en droit qu’en pratique, pour limiter l’imposition de travail ou de service obligatoires à la population aux véritables cas d’urgence ou de force majeure, c’est-à-dire aux circonstances qui mettent en danger l’existence ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population, et pour veiller à ce que la durée et l’étendue de ce travail ou de ces services obligatoires, ainsi que les fins auxquelles ils sont destinés, soient strictement limitées aux situations qui le requièrent. En attendant l’adoption de ces mesures, la commission prie le gouvernement de continuer de communiquer des informations sur le programme de service national et son application pratique, en fournissant copie des règlements qui régissent ces services.

2. Liberté des militaires de carrière et des fonctionnaires de quitter leur emploi. Prenant note que le rapport du gouvernement ne contient pas d’information sur ce point, la commission prie une nouvelle fois le gouvernement d’indiquer les dispositions en vertu desquelles les officiers militaires de carrière et les autres militaires de carrière de l’armée peuvent quitter le service en temps de paix, à leur demande, dans un délai raisonnable, ou moyennant un préavis approprié.

Article 2, paragraphe 2 a). Service militaire obligatoire. Se référant aux considérations susmentionnées relatives au service militaire obligatoire (article 25(3), de la Constitution érythréenne, article 3(17) de la proclamation d’Erythrée relative au travail no 118/2001), la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que l’objectif principal du service national obligatoire est d’effectuer le service militaire. La commission rappelle, se référant aux paragraphes 43 à 46 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention le service militaire obligatoire n’est exclu du champ d’application de la convention que si le travail «est affecté à des travaux d’un caractère purement militaire». Par conséquent, la commission demande au gouvernement d’indiquer les dispositions qui garantissent que le travail exigé au titre de la législation sur le service militaire obligatoire est utilisé à des fins purement militaires, et de fournir copie des dispositions pertinentes.

Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire. En ce qui concerne les dispositions garantissant que les individus condamnés à une peine de prison ne sont pas concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou associations, la commission prend note des indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles ces garanties seront prévues dans le projet du Code pénal. La commission prie le gouvernement de transmettre copie du nouveau Code pénal dès qu’il aura été adopté, de communiquer des informations sur les dispositions relatives au travail des condamnés et de fournir copie des textes correspondants.

Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission avait noté précédemment que, en vertu de l’article 3(17) de la proclamation relative au travail, l’expression «travail forcé» ne comprend pas les travaux exécutés dans l’intérêt de la collectivité. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement se réfère à plusieurs programmes de construction de barrages, de routes et de reboisement qui sont en cours depuis seize ans.

La commission rappelle que l’article 2, paragraphe 2 e), exclut du champ d’application de la convention «les menus travaux de village, c’est-à-dire les travaux exécutés dans l’intérêt direct de la collectivité par les membres de celle-ci, travaux qui, de ce chef, peuvent être considérés comme des obligations civiques normales incombant aux membres de la collectivité, à condition que la population elle-même ou ses représentants directs aient le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux». Se référant également aux explications développées aux paragraphes 65 et 66 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, la commission attire l’attention du gouvernement sur les critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de service obligatoire qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local):

–      il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement des travaux d’entretien et, exceptionnellement, des travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même (petites écoles, salles de consultation et de soins médicaux, etc.);

–      il doit s’agir de travaux «de village» effectués «dans l’intérêt direct de la collectivité» et non pas des travaux destinés à une communauté plus large;

–      la population «elle-même», c’est-à-dire celle qui doit effectuer les travaux, ou ses représentants «directs», comme par exemple le conseil du village, doivent avoir «le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux».

La petite envergure de ces travaux doit aussi être reflétée par leur durée qui doit être telle que ces travaux méritent véritablement leur qualificatif de «menus».

Par conséquent, la commission prie le gouvernement de décrire les mesures prises ou envisagées pour garantir la pleine application de la convention sur ce point, tant dans la législation que dans la pratique. En attendant l’adoption de ces mesures, prière de continuer à décrire les programmes de travaux de village, en transmettant copie des dispositions correspondantes et en indiquant en particulier si les membres de la communauté ou leurs représentants directs ont été consultés sur la nécessité de ces travaux.

Article 25. Sanctions pénales. La commission avait noté précédemment que, aux termes de l’article 9 de la proclamation relative au travail, un employeur qui exige du travail forcé est punissable au titre du Code pénal. Elle note la déclaration du gouvernement dans son dernier rapport selon laquelle le nouveau Code pénal actuellement en cours d’élaboration prévoira des sanctions pénales appropriées en cas de violation des dispositions de la convention. Rappelant que selon l’article 25 de la convention, le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire est passible de sanctions pénales et que les sanctions imposées par la loi doivent être réellement efficaces et strictement appliquées, la commission réaffirme l’espoir que le nouveau Code pénal sera adopté dans un avenir proche et qu’il contiendra des dispositions donnant effet à cet article de la convention.

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