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Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Inde (Ratification: 1954)

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Articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. Pratiques cultuelles de prostitution d’enfants en lien avec la traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle commerciale. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note d’une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) de 2007 se référant à une pratique culturelle connue sous le vocable de devadasi, aux termes de laquelle des jeunes filles de caste inférieure sont vouées au culte d’une divinité ou à devenir un objet de vénération et, une fois devenues des devadasis, sont soumises sans leur consentement à des rapports sexuels avec un ou plusieurs adorateurs de cette divinité dans la communauté locale. La commission avait exprimé l’espoir que, dans son prochain rapport, le gouvernement fournirait ses commentaires sur les questions soulevées dans cette communication de la CSI, à la lumière des articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. La commission note que le gouvernement n’a fourni aucun commentaire à ce sujet à ce jour.

La commission avait pris note, précédemment, des indications suivantes contenues dans la communication susvisée de la CSI:

–           le système des devadasis constitue un travail forcé au sens de la convention, puisque les jeunes filles sont vouées à être des devadasis sans leur consentement et sont, de ce fait, obligées de fournir sous la contrainte des prestations sexuelles à des membres de leur communauté;

–           des études révèlent que la pratique est de plus en plus liée au problème de la traite des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle;

–           les cérémonies et rituels devadasis ont été interdits par la loi. La pratique a été formellement interdite après l’Indépendance, et les Etats de Karnataka et de l’Andrha Pradesh ont adopté au cours des années quatre-vingt des lois interdisant les pratiques cultuelles devadasis;

–           la législation en vigueur prévoit des amendes et des peines d’emprisonnement à l’encontre de ceux qui provoquent l’embrigadement d’une jeune fille dans cette vocation, mais ne prévoit aucune sanction à l’encontre de ceux qui exploitent sexuellement les devadasis;

–           alors qu’au cours des années quatre-vingt-dix les interdictions légales semblaient avoir eu peu d’effet, l’action déployée par la police à la fin des années quatre-vingt-dix s’est révélée dissuasive. Néanmoins, les recherches menées n’ont pas permis d’identifier de cas dans lesquels des personnes ayant recruté des filles ou organisé des vocations auraient fait l’objet de poursuites sur le fondement de ces lois;

–           les pratiques devadasis et leurs variantes régionales n’ont pas disparu et demeurent répandues, malgré les dispositions constitutionnelles et législatives qui les interdisent;

–           si quelques progrès ont pu être enregistrés dans le sens d’un recul de ces pratiques, ce succès a engendré un certain degré de complaisance de la part des autorités, notamment par rapport aux vocations qui ont un lien avec l’industrie du sexe;

–           il est urgent d’obtenir une prise de conscience chez les enseignants, le personnel de santé, les autorités locales et la police, et de parvenir à un plus grand degré d’engagement de la part des autorités locales et de celles de l’Etat;

–           les groupes d’entraide et les organisations non gouvernementales ont largement contribué à une prise de conscience chez les devadasis et à assurer une certaine assistance; toutefois, leurs moyens doivent être renforcés et leur efficacité dépend d’une motivation correspondante du côté des autorités chargées de faire appliquer la loi.

La commission note que le manuel des droits de l’homme de 2007 à l’usage des magistrats de district, publié par la Commission nationale des droits de l’homme (NHCR), établit un lien entre le système des devadasis et la pratique de la traite des jeunes filles aux fins d’exploitation sexuelle commerciale. Elle note en particulier que cette pratique, qui s’inscrit dans le système plus large des devadasis, est largement répandue dans certaines parties du pays, célèbres en raison de certaines localités comme Jogin, Jogati, Basavi et Mathamma en Andhra Pradesh, au Maharashtra et au Karnataka. La plupart des personnes soumises à cette exploitation sont issues de castes et tribus recensées. Dans certains Etats comme l’Andhra Pradesh, des dispositions légales interdisent ces pratiques et répriment ceux qui s’y livrent.

La commission se réfère également à cet égard aux observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, suite à son examen du rapport de l’Inde sur l’application par ce pays du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/IND/CO/5, paragr. 25), dans lequel le comité relève avec une profonde préoccupation l’absence de progrès dans la voie de l’abolition des pratiques traditionnelles, notamment du devadasi, pratiques qui sont préjudiciables pour les femmes et les fillettes et discriminatoires à leur égard, et ce malgré l’existence, dans la législation nationale, de dispositions interdisant ces pratiques.

La commission prie le gouvernement de prendre les mesures les plus énergiques pour que le système du devadasi soit aboli et, notamment, de faire respecter scrupuleusement les sanctions et les interdictions prévues par les lois interdisant ces pratiques; de veiller à l’application des lois contre la traite à ceux qui ciblent les enfants des communautés traditionnellement liées au système devadasi et de centrer les efforts de répression sur le lien entre le système devadasi et la pratique de la traite des jeunes filles aux fins d’exploitation sexuelle commerciale. La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations détaillées sur les progrès de telles mesures, et notamment le texte des législations interdisant ces pratiques cultuelles, ainsi que des informations sur les actions engagées en justice et les peines infligées, avec copie des jugements pertinents.

Article 2, paragraphe 2 c). Travail obligatoire de marins condamnés et mis à la disposition d’armateurs privés. La commission note que, en vertu de l’article 207 de la loi de 1958 sur la marine marchande, tout marin engagé hors du territoire de l’Inde, qui est emprisonné pour une infraction d’une durée maximale de trois mois sur décision rendue par un magistrat à la demande du maître d’équipage/de l’armateur ou de son agent, doit être ramené à bord du navire pour les besoins du déroulement du voyage si les services de ce marin y sont nécessaires, sans considération de ce que la période d’emprisonnement imposée est achevée ou non.

La commission rappelle que l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention n’exclut de son champ d’application le travail ou service exigé d’une personne par suite d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire qu’à la condition que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Si cet article interdit rigoureusement que des personnes condamnées soient mises à la disposition d’employeurs privés, la commission a considéré que l’emploi par des entités privées de personnes condamnées peut être compatible avec la convention à la condition que ces personnes se soient portées volontaires pour cet emploi sans avoir été soumises à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque. Cela présuppose nécessairement le consentement formel de l’intéressé, ainsi que l’existence de conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre (voir les explications données aux paragraphes 59 et 60 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé).

La commission exprime l’espoir que les mesures nécessaires seront prises afin de rendre la législation conforme à la convention sur ce point, par exemple en modifiant l’article 207 de la loi de 1958 sur la marine marchande, de manière à exprimer clairement que le marin ne peut être ramené à bord pour y accomplir ses fonctions que s’il y a consenti, sans la menace d’une peine quelconque et sous réserve que les conditions d’accomplissement du travail qui lui est imposé se rapprochent de celles d’une relation d’emploi libre. En l’attente d’une telle modification, la commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations sur l’application de cette disposition dans la pratique, en indiquant en particulier si des personnes condamnées dans de telles circonstances ont librement consenti à travailler à bord et si les conditions dans lesquelles elles ont accompli leur travail se rapprochent de celles d’une relation d’emploi libre, notamment en termes de salaire et de sécurité sociale.

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