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Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - France (Ratification: 1937)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - France (Ratification: 2016)

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Articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté avec intérêt l’adoption de la loi no 2003-239 du 18 mars 2003, qui avait introduit dans le Code pénal des dispositions définissant les éléments constitutifs de la traite des êtres humains ainsi que les sanctions applicables (art. 225-4-1 à 225-4-8 du Code pénal). Elle avait également pris note des dispositions incriminant et sanctionnant les «conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine» et de l’interprétation faite par la chambre pénale de la cour de cassation de la notion de dignité humaine.

La commission note les informations communiquées par le gouvernement en décembre 2008 dans son rapport sur l’application de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, au sujet des mesures prises pour renforcer l’arsenal juridique de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains en particulier. S’agissant de la traite des personnes, la commission note que le décret no 2007-1352 du 13 septembre 2007 a introduit une série de dispositions dans la législation visant à protéger les victimes de la traite. Ainsi, les services de police ou de gendarmerie, qui pensent qu’un étranger victime de la traite est susceptible de porter plainte contre son agresseur ou de témoigner lors d’une procédure pénale, informent la victime de ses droits et de la possibilité de bénéficier d’un délai de réflexion de trente jours; la victime étrangère en situation irrégulière qui dépose plainte contre son agresseur bénéficie d’une autorisation de séjour ouvrant droit à l’exercice d’une activité professionnelle (autorisation renouvelable pendant toute la durée de la procédure pénale); en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, la victime peut se voir délivrer une carte de résident; la victime peut aussi bénéficier d’une protection sociale, médicale et, le cas échéant, d’une protection policière. Le gouvernement indique également qu’a été mise en place une plate-forme téléphonique qui permet aux victimes d’être écoutées, conseillées sur leurs droits et orientées de manière anonyme. Par ailleurs, les enquêteurs et les magistrats sont habilités à utiliser des moyens d’investigation accrus dans le cadre des enquêtes et procédures judiciaires ouvertes pour traite des personnes. Enfin, le gouvernement communique un certain nombre de données statistiques sur les condamnations prononcées pour traite.

La commission prend note de l’ensemble de ces informations qui témoignent de la volonté du gouvernement de renforcer son dispositif législatif pour combattre le phénomène complexe de la traite des personnes. Elle le prie de bien vouloir fournir des informations sur la mise en œuvre de la législation précitée en indiquant notamment si des activités de sensibilisation ont été organisées au profit des services d’investigation et de poursuite. S’agissant de la protection des victimes, la commission souhaiterait que le gouvernement précise le nombre de victimes ayant bénéficié d’un délai de réflexion, ainsi que d’un titre de séjour, au titre des articles R316-2, R316-3 et R316-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Prière également de fournir des informations sur les mesures prises pour s’assurer que les responsables sont poursuivis en justice, que ce soit à l’initiative des victimes ou à l’initiative des autorités de poursuite, ainsi que sur les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics dans ce domaine. Enfin, notant que les statistiques fournies par le gouvernement sur le nombre d’infractions de traite sanctionnées en 2007 (19) ne précisent pas la peine à laquelle les auteurs ont été condamnés, la commission souhaiterait que le gouvernement continue à fournir de telles données dans ses prochains rapports en précisant les peines prononcées, afin qu’elle puisse s’assurer que les peines prononcées pour l’infraction de traite d’êtres humains sont réellement efficaces et strictement appliquées, conformément à l’article 25 de la convention.

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. Dans ses précédents commentaires, la commission a observé que les détenus peuvent être amenés à travailler pour des entreprises privées soit au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements tels que la maintenance ou l’hôtellerie, soit à des activités de production pour des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou dans des établissements à gestion mixte. Si, en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, les prisonniers ne peuvent pas être concédés ou mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales de droit privé, la commission a admis que, lorsque le travail est exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement du prisonnier et entouré d’un certain nombre de garanties, ce travail peut être compatible avec la convention. A cet égard, la commission avait noté que les principes directeurs de la législation régissant le travail dans les prisons en France répondaient, sur un certain nombre de points essentiels, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entité privée puisse être considéré comme se rapprochant d’une relation de travail libre et ainsi échapper à l’interdiction posée par l’article 2, paragraphe 2 c). La commission avait toutefois souhaité obtenir davantage d’informations sur certains de ces critères.

a) Consentement au travail et absence de menace. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que le Code de procédure pénale avait été modifié de sorte que chaque condamné bénéficiait désormais d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation, ce crédit étant néanmoins susceptible d’être retiré par le juge de l’application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné en détention (art. 721, alinéa 3). La commission avait souhaité que le gouvernement précise si, dans la pratique, le refus de travailler pouvait être pris en compte pour déterminer la mauvaise conduite d’un détenu. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement précise que la question du refus de travailler, et de ses éventuelles conséquences, ne peut correspondre qu’à deux cas de figure: la personne détenue prend la décision d’interrompre une activité rémunérée en violation des règles ou usages (par exemple, le non-respect d’un délai de préavis) ou la personne détenue refuse d’occuper un poste de travail proposé après en avoir fait la demande. Dans les deux hypothèses le refus d’occuper le poste de travail proposé ne constitue pas en soi une faute disciplinaire.

S’agissant de la question du consentement au travail, la commission note que la nouvelle loi pénitentiaire, adoptée le 13 octobre 2009, impose à toute personne condamnée une obligation d’activité. Aux termes de son article 27, alinéa 1, toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité. Parmi les activités qui peuvent être proposées aux détenus, l’alinéa 2 mentionne l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul et de la langue française, lorsque le détenu ne les maîtrise pas. La commission relève que, si le travail n’est pas expressément mentionné au titre des activités susceptibles d’être imposées aux personnes condamnées, il ressort de la discussion du projet de loi au Sénat et à l’Assemblée nationale que, pour le législateur, le travail fait partie des activités que la personne condamnée serait tenue d’exercer. La commission prie le gouvernement de bien vouloir clarifier ce point, en précisant si un travail peut être proposé au titre de l’obligation d’activité, ceci dans la mesure où la personne condamnée est tenue d’exercer une activité. Le cas échéant, prière d’indiquer l’incidence de cette nouvelle disposition sur l’article D99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale qui avait supprimé l’obligation de travailler en prison en disposant que «les détenus, quelle que soit leur catégorie pénale, peuvent demander qu’il leur soit proposé un travail».

b) Conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre. Notant que, selon l’article D102, alinéa 2, du Code de procédure pénale, l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations supplémentaires concernant la rémunération du travail pénitentiaire et l’existence d’un contrat de travail lorsque le travail est exécuté au profit d’entités privées.

Rémunération. La commission avait souligné que les prisonniers travaillant à des activités de production au profit d’entreprises privées (dans le cadre d’un contrat de concession entre l’établissement pénitentiaire et une entreprise privée ou dans les établissements à gestion mixte) et les détenus affectés au service général des établissements à gestion mixte ne relevaient pas de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), et devaient par conséquent bénéficier de rémunérations brutes se rapprochant de celles pratiquées pour les mêmes activités à l’extérieur des prisons.

S’agissant des activités au service général, la commission note que le niveau moyen des rémunérations est fixé chaque année par l’administration pénitentiaire pour tous les établissements, quel que soit leur mode de gestion.

En ce qui concerne le niveau des rémunérations des détenus effectuant des activités de production dans le cadre d’un contrat de concession ou dans les établissements à gestion mixte, la commission avait noté l’existence d’un seuil minimum de rémunération (SMR) qui, s’il ne constituait pas une rémunération minimale garantie pour le détenu, permettait à l’administration pénitentiaire de contrôler les rémunérations pratiquées par les groupements privés. La commission avait également observé que les salaires moyens attribués aux détenus lorsqu’ils exerçaient des activités de production au profit d’entités privées (concessions et établissements à gestion mixte) étaient inférieurs à ceux pratiqués par la régie industrielle des établissements pénitentiaires. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations à cet égard et d’indiquer s’il était envisagé de conférer au SMR une valeur contraignante.

La commission note que dans son rapport le gouvernement précise que, sous le régime de la concession, la rémunération est fixée par référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en fonction du niveau moyen de productivité déterminé après essai, en respectant les seuils fixés par la circulaire du 20 novembre 1998 sur les clauses et contrats de concession. Lorsque les activités de production sont déléguées à des groupements privés, la rémunération doit respecter le SMR. Le gouvernement confirme que l’atteinte du SMR est vérifiée mensuellement par atelier en divisant la masse salariale par le nombre d’heures travaillées: il constitue un niveau minimum collectif moyen de rémunération mais ne garantit pas une rémunération minimale pour le détenu. Le gouvernement ajoute que le taux horaire minimum de rémunération pour les activités de production était de 3,90 euros au 1er janvier 2009 (ce qui représente 44,21 pour cent du SMIC horaire, établi à 8,82 euros à compter du 1er juillet 2009). Il souligne que la spécificité de la production en milieu carcéral se caractérise par une productivité moindre qu’en milieu libre. Le différentiel de productivité avec l’extérieur se traduit donc par une rémunération inférieure à ce qu’elle serait dans des conditions de travail libre.

La commission prend note des différentes modalités de fixation des salaires des détenus occupés à des activités de production. Elle prie le gouvernement de fournir des informations statistiques permettant de comparer les taux horaires minima et/ou les taux horaires moyens applicables aux activités de production dans les ateliers de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires, sous le régime de la concession, lorsque l’organisation du travail est déléguée à des groupements privés et dans les nouveaux établissements pénitentiaires à gestion mixte.

La commission note par ailleurs que, selon l’article 32 de la nouvelle loi pénitentiaire, qui complète l’article 717-3 du Code de procédure pénale, la rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC (ce taux pouvant varier en fonction du régime sous lequel les détenus sont employés). La commission prie le gouvernement de bien vouloir indiquer les mesures prises pour mettre en œuvre le principe posé à l’article 32 de la nouvelle loi pénitentiaire et de préciser les taux qui auront été fixés pour les différents régimes sous lesquels les personnes détenues sont employées. La commission espère que l’introduction dans la législation nationale d’un taux minimum horaire de rémunération indexé sur le SMIC permettra de continuer de rapprocher la rémunération des détenus travailleurs de celle des travailleurs libres.

Contrat de travail. La commission avait relevé que, aux termes des articles 717, alinéa 3, et D103, alinéa 2, du Code de procédure pénale, les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Elle avait espéré, compte tenu des informations positives communiquées par le gouvernement, que des mesures seraient prises en vue de proposer aux détenus travaillant pour une entité privée un contrat de travail avec l’organisme employeur, qu’il s’agisse de l’entreprise pour laquelle le travail est effectué ou d’un organisme relevant de l’administration pénitentiaire. Elle avait à cet égard noté qu’une circulaire avait enjoint aux établissements l’utilisation du support d’engagement professionnel – document permettant de clarifier et de formaliser les règles de participation des détenus aux activités de travail en production et au service général et de préciser des points tels que l’embauche effective, la durée du travail, la rémunération, la période d’essai, les conditions de suspension et de rupture de la relation de travail et les exigences en matière d’assiduité. La commission avait prié le gouvernement de fournir de plus amples informations sur la nature et l’utilisation du support d’engagement professionnel.

La commission constate avec intérêt que l’article 33 de la nouvelle loi pénitentiaire prévoit que «la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.» La commission espère que la reconnaissance du détenu travailleur comme sujet de droit permettra de rapprocher ses conditions de travail de celles des travailleurs libres et prie le gouvernement de communiquer une copie d’un acte d’engagement type et de préciser les éléments qui doivent obligatoirement figurer dans l’acte d’engagement.

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