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Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Argentine (Ratification: 1950)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Argentine (Ratification: 2016)

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Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Dans sa précédente observation, la commission a pris note en détail des commentaires sur l’application de la convention, formulés en 2006 par la Confédération générale du travail de la République de l’Argentine (CGT) et par la Confédération syndicale internationale (CSI) concernant la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle, la participation directe de fonctionnaires à cette traite, la lenteur et l’inefficacité du système judiciaire et l’absence d’une législation spécifique sur la traite. La commission a observé que la traite des personnes constitue une grave violation de la convention et, dans l’attente de l’adoption rapide de dispositions législatives incriminant spécifiquement la traite comme un délit passible de sanctions pénales, conformément à l’article 25 de la convention, elle a demandé au gouvernement de communiquer des informations sur les procédures engagées sur le fondement des dispositions pénales en vigueur. A cet égard, la commission a rappelé qu’il appartient au gouvernement de s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.

Traite interne et internationale de femmes et de jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle. Dans sa précédente observation, la commission a pris note des commentaires de la CSI au sujet de la dimension internationale de la traite, selon lesquels l’Argentine est un pays de destination de la traite à des fins d’exploitation sexuelle de femmes et de jeunes filles originaires de la République dominicaine, du Paraguay et du Brésil. La CSI a mentionné un rapport publié par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) où il est fait référence au cas documenté de 259 femmes paraguayennes envoyées en Argentine pour être soumises à la prostitution, parmi elles 90 n’étaient pas majeures, ainsi qu’aux informations fournies par le vice-consul du Paraguay à propos de plus d’une centaine de plaintes déposées par les parents de jeunes femmes probablement disparues dans le cadre d’affaires de traite. Toujours selon la CSI, des femmes et des jeunes filles argentines, pour la plupart originaires des provinces de Misiones, Tucumán, La Rioja, Chaco et Buenos Aires, sont également soumises à une exploitation sexuelle à l’étranger, principalement en Espagne et au Brésil. Les moyens utilisés sont habituellement l’intimidation et la tromperie, mais un nombre étonnamment élevé d’enlèvements par des gangs spécialisés dans la traite des personnes a également été constaté. Dans ces derniers cas, notamment dans celui d’une jeune fille séquestrée à San Miguel de Tucumán, en 2002, la violence et la séquestration sont utilisées pour empêcher les femmes de s’enfuir. L’enquête menée par la mère de cette jeune fille a permis de rassembler des preuves de l’existence de réseaux opérant dans les provinces de La Rioja, Tucumán, Buenos Aires, Córdoba et Santa Cruz, et de sauver 17 femmes argentines qui étaient contraintes à se prostituer à Bilbao, Burgos et Vigo, en Espagne. La commission a également relevé que, à Tucumán, ces cinq dernières années, environ 70 plaintes ont été déposées pour disparition de femmes et de jeunes filles, victimes présumées de la traite.

La commission a noté que, dans sa réponse aux allégations des organisations syndicales, le gouvernement ne s’était pas référé aux cas graves et spécifiques de traite des femmes et de jeunes filles venues de la République dominicaine, du Paraguay et du Brésil ni aux allégations relatives aux réseaux de traite des femmes et de jeunes filles argentines vers l’étranger. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur les enquêtes menées et les mesures prises contre les responsables.

Traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail. Dans sa précédente observation, la commission a noté les commentaires de la Fédération ouvrière nationale de l’industrie du vêtement et des industries connexes (FONIVA) et du Syndicat des ouvriers de l’industrie du vêtement et des industries connexes (SOIVA), organisations affiliées à la CGT, ainsi que les commentaires de la CSI au sujet de l’existence de pratiques de travail forcé dans le secteur de l’industrie textile, auxquelles seraient soumis des travailleurs venant majoritairement de Bolivie. Ainsi ont été pratiqués: la rétention des papiers d’identité, l’enfermement des travailleurs et parfois de leur famille dans les ateliers clandestins, des horaires de travail pouvant aller jusqu’à 17 heures par jour, une alimentation insuffisante. La commission a noté que, suite à l’incendie qui, le 30 mars 2006, a fait six morts, dont quatre enfants, dans une fabrique de vêtements à Buenos Aires qui employait 60 Boliviens dans des conditions de travail forcé, une vaste opération de contrôles a été déclenchée qui, en une semaine, s’est traduite par la fermeture de 30 des 54 ateliers inspectés, en raison des conditions de travail déplorables constatées. Selon la ministre des Droits de l’homme et des Affaires sociales du district de Buenos Aires, cette ville compte près de 1 600 ateliers clandestins, dont 200 emploient des personnes dans des conditions qui relèvent de l’esclavage. La commission a noté les indications du gouvernement concernant les inspections qui avaient été effectuées et la procédure judiciaire en cours pour réduction de personnes à l’esclavage. Elle a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard et notamment pour renforcer l’inspection du travail.

Mesures législatives. La commission note avec intérêt l’adoption de la loi no 26.364 du 9 avril 2008 sur la prévention et la répression de la traite des personnes et l’assistance aux victimes. La commission note que la loi différencie la traite des personnes adultes de la traite des personnes âgées de moins de 18 ans. Selon l’article 2 de la loi, on entend par traite des personnes âgées de plus de 18 ans, l’enlèvement, le transport ou le déplacement – que ce soit à l’intérieur du pays, depuis ou vers l’étranger – l’accueil, ou l’hébergement de personnes de plus de 18 ans en vue de leur exploitation. Pour les personnes de plus de 18 ans, doivent être caractérisés: la tromperie, la fraude, la violence, la menace ou tout type d’intimidation ou de coercition, l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, la concession ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement de la personne. Pour les moins de 18 ans, l’article 3 précise qu’il y a traite même en l’absence des éléments précités, et le consentement de la victime est inopérant. L’article 4 énumère les éléments constitutifs de l’exploitation, à savoir: a) quand une personne est réduite ou maintenue en esclavage ou servitude ou à une pratique analogue; b) quand une personne est contrainte d’effectuer un travail ou un service forcé; c) le fait de promouvoir, faciliter, développer ou tirer profit de toute forme de commerce sexuel.

La commission note également que le Code pénal a été modifié pour y introduire des dispositions établissant les sanctions pour le délit de traite des personnes. Les peines encourues sont de 3 à 6 ans de prison pour la traite des personnes âgées de plus de 18 ans, de 4 à 10 ans si la victime est mineure et de 6 à 15 ans si la victime est âgé de moins de 13 ans.

Article 25. Application de sanctions pénales efficaces. La commission prend note des informations communiquées par l’Unité pour l’investigation des crimes contre l’intégrité sexuelle, la traite des personnes et la prostitution du Bureau du Procureur général de la Nation, concernant les enquêtes menées entre 2007 et 2008. La commission relève que ces informations se réfèrent à 9 plaintes dont certaines pour réduction d’une personne en esclavage, incitation et promotion de la prostitution d’adultes et de mineurs, 18 enquêtes préliminaires dont neuf concernent des affaires d’exploitation au travail et réduction en esclavage et cinq des affaires de prostitution de mineurs. La commission constate, d’après les informations reçues, que seulement deux cas ont été renvoyés à la justice. Dans le premier cas, les poursuites ont été engagées en mars 2007 suite à la plainte du Procureur général de la République de Bolivie pour exploitation du travail d’un mineur et, dans le deuxième cas, l’action judicaire a été engagée en février 2008 pour des faits de réduction en esclavage et de prostitution. Dans les deux cas les juges se sont déclarés incompétents et les dossiers d’instruction ont été renvoyés à d’autres instances. La commission observe qu’aucune information concernant les sanctions imposées dans ces cas n’a été communiquée. Elle relève également que les enquêtes ont été menées avant l’adoption de la loi no 26.364 du 9 avril 2008, en se basant par conséquent sur les dispositions pénales qui permettaient d’initier les poursuites judiciaires. La commission prend dûment note de l’indication du gouvernement dans son dernier rapport selon laquelle, avant l’adoption de la loi no 26.364, il était difficile de juger ces cas et d’appliquer des sanctions.

La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement fournira des informations sur l’application de la loi no 26.364 et des dispositions du Code pénal qui prévoient des sanctions pour le délit de traite des personnes à des fins d’exploitation du travail ou d’exploitation sexuelle et notamment sur les plaintes déposées, les procédures judiciaires engagées et les sanctions imposées aux personnes condamnées pour ce délit. La commission espère que le gouvernement communiquera copie des jugements pertinents.

Corruption des forces de police. Participation de fonctionnaires à la traite. La CSI a fait état, dans ses commentaires, de corruption au sein des forces de police et de la participation directe de fonctionnaires de ce corps à des activités criminelles liées à la traite des personnes. La CSI a mentionné à titre d’exemple: l’affaire survenue à Mar del Plata, province de Buenos Aires, dans laquelle la mort ou la disparition de 13 femmes pourrait être attribuée à une organisation constituée de policiers impliqués dans des activités de prostitution; l’affaire du commissariat de Cuartel Quinto, dans la province de Moreno, dans laquelle la plainte déposée par trois jeunes femmes qui avaient réussi à s’échapper, est restée sans suite et le propriétaire de l’établissement en cause a été averti qu’il était dénoncé; l’affaire des deux mineures délivrées d’une maison close de Puerto Quequén exploitée par une employée municipale et un policier de Buenos Aires.

Dans l’affaire susmentionnée des 17 travailleurs boliviens victimes de traite à des fins d’exploitation de leur travail, des témoins ont déclaré que la police «protégeait» l’établissement moyennant un pourcentage sur les gains, que quatre des travailleurs concernés avaient fait l’objet de menaces et que le juge (nommément désigné dans le commentaire) avait laissé en liberté le propriétaire de l’atelier en l’absence d’éléments suffisants prouvant que les plaignants étaient en situation de servitude. Selon la CSI, l’implication de la police constitue l’un des facteurs importants expliquant l’augmentation des cas de traite interne et internationale constatés ces dernières années, de même que l’inefficacité des procédures engagées au pénal pour tenter de juger les auteurs de ces actes.

La commission a relevé la gravité des faits allégués et a souligné que le rôle clé de la police dans l’application de la loi et de la présente convention est détourné lorsque la police est corrompue. La commission a instamment prié le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées afin que toutes les allégations de complicité ou de participation directe de fonctionnaires à la traite des personnes donnent lieu à une enquête exhaustive, et sur les sanctions infligées dans les cas où ces allégations seraient fondées.

Dans son rapport, le gouvernement indique que, en vertu de la loi no 26.364, le délit de la traite des personnes relève de la compétence fédérale, et que la résolution no 1679/2008 prévoit la création d’unités spécifiques au sein des quatre corps de sécurité nationale qui auraient pour fonctions de mener les actions visant à prévenir et à enquêter sur le délit de traite des personnes, et de développer un service de renseignements.

La commission constate que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur les affaires citées par la CSI. Par conséquent, elle réitère sa demande antérieure d’informations au sujet des enquêtes menées sur les allégations de complicité ou de participation directe de fonctionnaires à la traite des personnes. Elle espère que dans son prochain rapport le gouvernement indiquera si, et dans quelle mesure, la création des unités spécifiques au sein des forces de sécurité nationale a permis de combattre le phénomène de la corruption des forces de police et de la participation des fonctionnaires aux activités liées à la traite des personnes.

Autres mesures. Observatoire des droits de l’homme. La commission note les observations communiquées par le gouvernement concernant l’Observatoire des droits de l’homme, créé par la résolution no 019/06 du Secrétariat des droits de l’homme du ministère de la Justice en vue de promouvoir les droits des migrants d’origine bolivienne, d’élaborer des rapports et de faire des recommandations sur la situation de ces travailleurs migrants. Parmi les activités développées par l’observatoire, la commission note le cours de formation de quatre mois sur les droits de l’homme et la migration, organisé avec l’appui du PNUD et la brochure informative destinée aux familles migrantes qui contient des informations sur la traite des personnes à des fins d’exploitation du travail et d’exploitation sexuelle. La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les activités développées par l’observatoire afin de protéger les travailleurs boliviens migrants de l’imposition de travail forcé.

Coopération internationale. La commission a demandé au gouvernement dans sa précédente observation de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer la coordination de l’action déployée avec tous les pays qui, d’une manière ou d’une autre, sont impliqués dans la traite des personnes à l’intérieur du pays ou hors de celui-ci.

La commission note les informations fournies sur les mesures prises dans le cadre de la coopération entre les Etats du MERCOSUR qui concernent exclusivement la protection des enfants et des adolescents victimes de la traite. La commission tiendra compte de ces informations dans le cadre de l’examen de l’application de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. La commission observe que le rapport ne contient pas d’informations sur les mesures prises en ce qui concerne la coopération internationale sur la traite des personnes adultes. La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour favoriser la coopération internationale qui est indispensable à la lutte contre la traite des personnes adultes également, d’autant plus que, dans leurs observations, les organisations syndicales se sont référées de manière précise aux pays d’origine et de destination des victimes ainsi qu’à l’existence de réseaux organisés.

Assistance aux victimes. La commission note avec intérêt le Programme national de prévention et d’éradication de la traite des personnes et d’assistance des victimes. Elle espère que le gouvernement communiquera des informations sur les activités entreprises dans le cadre de ce programme ainsi que des données sur le nombre de victimes qui ont bénéficié de l’assistance intégrale prévue dans celui-ci.

La commission considère que la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle appelle une action énergique, efficace et proportionnelle à la gravité et à l’ampleur de ce phénomène. La commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour éradiquer cette pratique, qui constitue une grave violation de la convention, et que le gouvernement fournira des informations sur les progrès réalisés à cette fin.

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