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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1982)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 28 août 2007, et de la Fédération vénézuélienne des chambres et associations du commerce et de la production (FEDECAMARAS) reçues le 27 août 2008. Enfin, la commission prend note des conclusions du Comité de la liberté syndicale qui portent sur des cas présentés par des organisations nationales ou internationales de travailleurs (cas no 2422) ou d’employeurs (cas no 2254). Dans ses observations précédentes, la commission avait pris note des conclusions de la mission de haut niveau qui s’est rendue dans le pays en janvier 2006.

Questions d’ordre législatif

La commission rappelle qu’elle avait soulevé les points suivants:

–           la nécessité d’adopter le projet de loi de réforme de la loi organique du travail, de manière à supprimer les restrictions affectant l’exercice des droits consacrés par la convention aux organisations de travailleurs et d’employeurs. Sur cette question, la commission avait formulé les commentaires suivants:

La commission avait noté qu’un projet de réforme de la loi organique du travail (LOT) donnait suite aux demandes de réforme qu’elle avait formulées et qui concernaient les points suivants: 1) supprimer les articles 408 et 409 (qui établissent une liste trop longue des attributions et objectifs des organisations d’employeurs et de travailleurs); 2) faire passer de dix à cinq ans la durée de résidence nécessaire pour qu’un travailleur étranger puisse faire partie de la direction d’une organisation syndicale (il convient de préciser que le nouveau règlement de la LOT permet de prévoir dans les statuts syndicaux l’élection de dirigeants syndicaux étrangers); 3) faire passer de 100 à 40 le nombre de travailleurs nécessaires pour pouvoir former un syndicat de travailleurs indépendants; 4) faire passer de dix à quatre le nombre nécessaire d’employeurs pour pouvoir constituer une organisation d’employeurs; 5) prévoir que la coopération technique et l’appui logistique de l’autorité électorale (Conseil électoral national) pour organiser les élections des comités directeurs de syndicats ne seront fournis que si les organisations syndicales le demandent, conformément à leurs statuts; disposer aussi que les élections effectuées sans la participation de l’autorité électorale, mais qui sont conformes aux dispositions des statuts syndicaux respectifs, auront de pleins effets juridiques une fois que les comptes rendus correspondants auront été présentés à l’inspection du travail compétente. La commission avait pris note du fait que les autorités du ministère et les organes de l’autorité législative maintiennent la position exprimée dans cette disposition du projet de réforme et que, actuellement, dans la pratique, les organisations syndicales ont mené des élections sans la participation du Conseil national électoral. La commission avait également pris note du fait que le projet de réforme prévoit que, «conformément au principe constitutionnel d’alternative démocratique, le comité directeur d’une organisation syndicale exercera ses fonctions pendant la durée indiquée dans les statuts de l’organisation, mais que, en aucun cas, cette période ne devra dépasser trois ans». La commission avait exprimé l’espoir que l’autorité législative introduirait dans le projet de réforme une disposition qui permette expressément la réélection de dirigeants syndicaux.

–           la nécessité que le Conseil national électoral (CNE), qui n’est pas un organe judiciaire, cesse d’intervenir dans les élections syndicales et d’être habilité à annuler celles-ci, et la nécessité de modifier ou d’abroger le règlement des élections des instances dirigeantes des syndicats au niveau national, règlement qui confère un rôle prépondérant au CNE aux différentes étapes du processus;

–           certaines dispositions du règlement de la loi organique du travail en date du 25 avril 2006 pourraient restreindre les droits des organisations syndicales et des organisations d’employeurs: 1) l’obligation faite à l’organisation ou aux organisations syndicales de représenter la majorité des travailleurs pour pouvoir négocier collectivement (art. 115 et paragraphe unique du règlement); et 2) la possibilité de faire intervenir un arbitrage obligatoire dans les services publics essentiels (art. 152 du règlement). La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que, lorsqu’il n’y a pas de syndicat majoritaire, les syndicats minoritaires peuvent négocier conjointement;

–           par ailleurs, la commission avait pris note des critiques émises par la CISL à propos de la résolution no 3538 de février 2005, et elle avait observé que cette question a été examinée en mars 2006 par le Comité de la liberté syndicale dans le cadre du cas no 2411, qui a formulé la recommandation suivante (voir 340e rapport, paragr. 1400): «b) en ce qui concerne les allégations relatives à l’arrêté du ministère du Travail en date du 3 février 2005, imposant aux organisations syndicales de déposer dans un délai de trente jours les renseignements relatifs à leur administration, et la liste de leurs adhérents, en fournissant leur identité complète, leur adresse et leur signature, le comité considère que la confidentialité de l’affiliation syndicale devrait être garantie et rappelle la nécessité de mettre en place un code de conduite à l’usage des organisations syndicales, code qui fixera les conditions dans lesquelles les renseignements concernant les adhérents pourraient être donnés, en recourant à des techniques de traitement des données personnelles qui soient adéquates et propres à garantir une confidentialité absolue». La commission prie le gouvernement de prendre des mesures dans ce sens.

La commission note que, à propos des questions d’ordre législatif, le gouvernement indique que le projet de réforme de la loi organique du travail en est au stade de la consultation, et qu’il la tiendra informée de l’évolution de cette procédure. De plus, le gouvernement réitère les informations fournies au sujet du statut pour l’élection des autorités syndicales. S’agissant de l’observation concernant le dialogue social et ses lacunes supposées, le gouvernement signale une nouvelle fois qu’il a déjà mis en évidence l’ampleur de la participation de divers partenaires sociaux, y compris tous les acteurs sociaux. Le gouvernement réitère les commentaires contenus dans son rapport de 2007.

La commission prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1) insinuer l’existence de violations de la convention n’a pas de sens si l’on considère le nombre d’organisations syndicales qui se constituent (247 au cours du dernier semestre) et le nombre de conventions collectives homologuées (612 en 2007, qui couvrent 5 637 799 travailleurs, et 192 en 2008, qui couvrent 42 625 travailleurs); 2) le projet de réforme de la loi organique du travail, qui est toujours à l’ordre du jour législatif, bénéficie du consensus des partenaires sociaux et donne suite aux commentaires de la commission; 3) il est envisagé de faire mention dans ce projet de la possibilité de réélire les comités directeurs des organisations syndicales, en précisant comment est interprétée la notion d’«alternance» qui est mentionnée à l’article 21 de la Constitution; le principe de non-intervention dans les élections syndicales est appliqué dans la pratique et l’arrêt no 13 du ministère confirme le caractère facultatif de l’intervention du Conseil national électoral; 4) le Conseil national électoral a élaboré un projet des normes applicables pour l’élection des organisations syndicales; 5) le nouveau règlement de la loi organique du travail comporte des améliorations en matière d’élections syndicales qui visent à éviter les «retards électoraux»; on a voulu présenter des cas isolés de prétendues violations et on a affirmé qu’il s’agissait d’actes généralisés, et le gouvernement a communiqué ses observations au Comité de la liberté syndicale (cas n2422); et 6) le gouvernement se félicite de l’offre d’assistance technique du BIT et il indiquera quand elle pourrait être demandée, et dans quelles conditions.

La commission déplore que, depuis plus de huit ans, le projet de réforme de la loi organique du travail n’ait toujours pas été adopté par l’Assemblée législative, alors que ce projet faisait l’objet d’un consensus tripartite. Tenant compte des importantes restrictions qui subsistent dans la législation en ce qui concerne la liberté syndicale ou la liberté d’association, la commission demande de nouveau au gouvernement de prendre des mesures pour accélérer au sein de l’Assemblée législative l’examen du projet de réforme de la loi organique du travail, et pour que le Conseil national électoral cesse d’intervenir dans les élections syndicales (le nouveau projet du Conseil national électoral sur les élections améliore la situation mais cet organe non judiciaire continue d’être présent de différentes façons dans les élections et se prononce sur les recours qui sont intentés), et pour abroger le statut pour l’élection des comités directeurs (syndicaux), notamment les comités directeurs nationaux. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations sur la portée du règlement de la loi organique du travail en ce qui concerne l’arbitrage obligatoire dans les services fondamentaux et stratégiques, et de veiller à ce que soit modifiée la résolution du 3 février 2005 du ministère du Travail dans le sens indiqué précédemment.

Lacunes du dialogue social

Ces dernières années, dans ses observations, la commission a relevé des lacunes importantes du dialogue social. La CSI, la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Confédération générale des travailleurs (CGT) et la Fédération vénézuélienne des chambres et associations du commerce et de la production (FEDECAMARAS) avaient indiqué que les autorités n’effectuent que des consultations formelles, sans l’intention de prendre en compte les vues des parties consultées, et qu’il n’y a pas de véritable dialogue; de plus, les structures manquent pour rendre possible ce dialogue et le gouvernement ne convoque pas la commission tripartite prévue dans la loi organique du travail.

La commission prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1) il estime fondamental que la mission de haut niveau ait constaté que le gouvernement et les partenaires sociaux étaient disposés à nouer un dialogue social incluant tous les acteurs, et que tant la FEDECAMARAS que la CTV ont participé à plusieurs réunions pour examiner la réglementation de plusieurs lois; 2) le gouvernement est convaincu que la dynamique idéale pour soutenir la croissance économique est, comme cela a été démontré, liée à la promotion d’un dialogue ouvert, n’excluant personne, démocratique, participatif et productif; le gouvernement croit à un dialogue ample et n’excluant personne et, avec cette pratique, il met en œuvre les dispositions des articles 62 et suivants du règlement de la loi organique du travail qui légitime l’ample base du dialogue social; 3) cette pratique est mise en évidence par le nombre de conventions collectives homologuées et d’organisations syndicales constituées (ce nombre a été déjà indiqué); 4) actuellement, les travailleuses et travailleurs se sont regroupés en de multiples organisations syndicales aux tendances politiques et idéologiques différentes et, étant donné l’ampleur de cette évolution, il est possible que certaines organisations, qui depuis toujours se sont attribué la représentation exclusive et fermée des travailleurs et des employeurs, fassent maintenant état de favoritisme et considèrent à tort que leurs vieux privilèges sont insuffisamment pris en compte; le nouvel état de justice sociale inclut tous les partenaires, sans favoritisme ni exclusion; 5) l’Etat vénézuélien garantit, respecte et protège l’exercice de la liberté syndicale tant à l’échelle individuelle que collective et, par conséquent, il garantit la liberté idéologique et religieuse; en effet, l’action syndicale est considérée comme l’expression directe du pluralisme politique, qui est la base essentielle de l’Etat démocratique, de droit et de justice qu’établit la Charte politique fondamentale; 6) le gouvernement a pris note avec beaucoup d’intérêt de l’observation que la commission a formulée en 2007 et qui faisait état de favoritisme ou de partialité de fonctionnaires de rang moyen à l’encontre de certaines organisations de travailleurs et d’employeurs; le gouvernement répète que ces actes ne correspondent pas à la conduite habituelle des fonctionnaires; le gouvernement considère que les fonctionnaires doivent traiter de la même façon les contestations, réclamations et revendications des différents partenaires sociaux, sans distinction d’aucune sorte.

La commission prend note des observations de la FEDECAMARAS sur l’application de la convention, selon lesquelles: 1) le gouvernement ne reconnaît pas le caractère d’organisation la plus représentative qu’a la FEDECAMARAS et a imposé la représentation d’organismes récemment créés dont la FEDECAMARAS met en doute le caractère indépendant et représentatif, étant donné que Confagan, Fedeindustria et Empreven sont des institutions qui suivent la ligne du gouvernement, et qui ne sont ni indépendantes, ni représentatives, ni autonomes; 2) le dialogue social, qui est tellement nécessaire, et les consultations tripartites, qui sont essentielles en tant que mécanisme de consultation, sont complètement absents. A ce sujet, le 31 juillet 2008, la troisième loi d’habilitation, qui autorisait le Président de la République à prendre des décrets ayant rang, valeur et force de loi, est arrivée à échéance. Ce jour-là, en vertu des pouvoirs conférés par cette loi, ont été annoncés 26 nouveaux décrets-lois, ainsi que la modification d’autres lois ayant un impact sur les entreprises et les activités au Venezuela. Les décrets ont été annoncés dans le résumé du Journal officiel du 31 juillet 2008 puis publiés dans des publications officielles extraordinaires. Entre autres, il s’agit de lois ayant trait à la réglementation du travail: i) la loi de réforme partielle de la loi organique du système de sécurité sociale; ii) la loi de réforme partielle de la loi sur l’assurance sociale; et iii) la loi du régime de prestations en matière de logement et d’habitat. De plus, 26 lois ont été annoncées; et 3) cette loi d’habilitation se caractérise, comme les deux précédentes, par l’absence de consultations préalables, alors que la Constitution dispose qu’elles sont nécessaires pour que la loi en question soit approuvée puis publiée. Ces décrets-lois vont à l’encontre de la Constitution en vigueur car ils violent le principe de démocratie participative, et incorporent respectivement des éléments qui avaient été rejetés pendant la consultation populaire du 2 décembre 2007 sur la réforme de la Constitution; la Constitution dispose que le Venezuela est un Etat social de droit et de justice, mais les décrets-lois susmentionnés, d’une manière générale, partagent trois caractéristiques fondamentales: ils visent une idéologisation institutionnelle plus grande (l’objectif étant l’instauration d’une économie socialiste et l’élimination du libre marché) et un contrôle accru en intervenant dans l’économie et le commerce, ainsi qu’une planification centralisée.

Dans ses observations du 29 septembre 2007, l’Organisation internationale des employeurs abordait certaines de ces questions et signalait que, au moyen de mesures allant à l’encontre de la liberté économique, de la propriété privée et de l’initiative privée, le pluralisme politique établi dans la Constitution de 1999 est remplacé par une idéologie d’Etat unique et obligatoire.

La FEDECAMARAS indique en outre que le gouvernement ne convoque pas la commission tripartite nationale depuis neuf ans, alors que cette procédure est prévue aux articles 167 et 168 de la loi organique du travail qui portent sur les salaires minimum. Le gouvernement ne fait que mentionner l’article 172, lequel porte sur les cas d’augmentation disproportionnée du coût de la vie, et il ne consulte pas la FEDECAMARAS. Les augmentations salariales ont été décidées en vertu de décrets présidentiels sans qu’aucun secteur n’ait été consulté comme il convient. Le gouvernement a pour habitude d’adresser des courriers de consultation dans des délais très courts et, parfois, ces courriers sont arrivés aux destinataires après la publication du décret.

La commission prend note avec préoccupation de ces observations de la FEDECAMARAS et déplore que le gouvernement n’ait pas adressé de réponse à ce sujet. La commission note que le Comité de la liberté syndicale, dans son dernier examen du cas no 2254, en juin 2008, a formulé des conclusions qui font état de manquements très graves en ce qui concerne le dialogue social. Il ressort de ces conclusions que le gouvernement n’a pas donné suite aux recommandations du Comité de la liberté syndicale, qui renouvelait ses demandes suivantes: 1) mettre en place une commission nationale mixte de haut niveau, avec l’assistance du BIT, qui sera chargée d’examiner l’ensemble des allégations en suspens afin de résoudre les problèmes par un dialogue direct; 2) constituer une table ronde sociale en conformité avec les principes de l’OIT, dont la composition sera tripartite et respectueuse de la représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs; et 3) réunir la commission tripartite en matière de salaires minimums qui est prévue par la loi organique du travail.

La commission, à l’instar du Comité de la liberté syndicale, relevant qu’il n’existe pas encore d’organes structurés de dialogue social tripartite, souligne une nouvelle fois qu’il est important de tenir des consultations franches et libres sur toute question ou législation en projet qui touche les droits syndicaux et, avant d’introduire un projet de loi ayant une incidence sur les négociations collectives ou sur les conditions de travail, de mener des négociations approfondies avec les organisations indépendantes de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives. Le comité prie également le gouvernement de veiller à ce que toute la législation adoptée en matière de travail et de questions sociales et économiques, dans le cadre de la loi d’habilitation, fasse préalablement l’objet de consultations véritables et approfondies avec les organisations d’employeurs et de travailleurs indépendantes les plus représentatives, et de faire le nécessaire pour parvenir, dans la mesure du possible, à des solutions communes.

La commission prie de nouveau le gouvernement de demander l’assistance technique du BIT pour mettre en place les instances de dialogue susmentionnées, de veiller à ce que la voix des organisations les plus représentatives soit dûment entendue et de faire tout son possible pour parvenir à des solutions décidées mutuellement. A ce sujet, compte tenu des allégations de discrimination à l’encontre de la FEDECAMARAS, de la CTV et des organisations qui y sont affiliées, y compris la création ou la promotion d’organisations ou d’entreprises acquises au régime, il est important que le gouvernement applique exclusivement des critères de représentativité dans son dialogue et ses relations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, qu’il s’abstienne – comme l’a indiqué la Commission de la Conférence en 2007 – de tout type d’ingérence et qu’il respecte l’article 3 de la convention. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur l’évolution du dialogue social, sur ses résultats, et de promouvoir sérieusement la création des instances de dialogue susmentionnées. La commission exprime le ferme espoir que le dialogue social sera effectif prochainement.

Observations de la Confédération syndicale internationale (CSI)

La CSI s’est référée à diverses questions que la commission examine. La CSI ajoute que le droit de négociation collective et le droit de grève se sont amenuisés peu à peu. La pénalisation des grèves et des manifestations, ainsi que l’ingérence dans l’autonomie syndicale, ingérence qui découle de l’intervention du Conseil national électoral dans les élections syndicales, contribue à cet amenuisement. Des plaintes ont été portées pour des abus qui auraient été commis par l’inspection du travail et le groupe SIVENSA.

Selon la CSI, le règlement de la loi organique du travail, qui a été modifié le 25 avril 2006, améliore certains points de la législation mais dispose qu’il faut un référendum syndical pour pouvoir constater la représentativité des organisations syndicales en cas de négociation ou de différend collectif du travail. Le référendum est entièrement réglementé par le ministère du Travail, ce qui peut aussi être interprété comme une façon déguisée de permettre à l’Etat, c’est-à-dire le principal employeur, de légitimer les syndicats et d’intervenir dans leurs activités. De plus, toujours selon la CSI, on ordonne aux syndicats d’indiquer l’identité de leurs membres étant donné qu’est toujours en vigueur la résolution qui impose aux organisations syndicales de communiquer, dans un délai de trente jours, les données relatives à leur administration et la liste des affiliés, conformément à des modalités qui prévoient entre autres l’identification complète de chaque travailleur, lequel doit indiquer son domicile et apposer sa signature.

La CSI fait état d’actes de violence et de la détention de syndicalistes dans ses commentaires de 2006 et de 2008. Les différends du travail liés à l’adjudication d’emplois dans les secteurs de la construction, dans le secteur pétrolier et, dans une moindre mesure, dans les industries de base continuent d’être très préoccupants. Selon des données du Programme vénézuélien d’éducation-action dans le domaine des droits de l’homme (Provea), entre septembre 2006 et octobre 2007 95 personnes au moins ont été victimes de violences. Parmi elles, 69 sont des dirigeants syndicaux et 26 des travailleurs. De l’avis de cette organisation, «le recours aux tueurs à gages syndicaux aggrave le climat de violence et d’insécurité, ce qui est extrêmement préjudiciable à l’exercice des activités syndicales». Différentes organisations syndicales ont demandé au ministère de la Justice d’enquêter sur les cas d’assassinat et de punir les coupables.

Par ailleurs, la CSI indique que le droit de grève a été restreint progressivement: plusieurs travailleurs qui formulaient des revendications en matière de travail ont été réprimés et sanctionnés au pénal. C’est le cas de 10 dirigeants du Syndicat des travailleurs de Sanitarios Maracay qui, en mai 2007, ont été arrêtés puis détenus par des agents de la Garde nationale et de la police d’Aragua alors qu’ils se rendaient à Caracas pour faire connaître à l’Assemblée nationale, dans un cahier de revendications, la situation des travailleurs. Après des manifestations et des pressions de la part des dirigeants syndicaux de l’UNT, les syndicalistes ont été libérés mais le ministère public a inculpé les syndicalistes pour violation de l’article 357 du Code pénal, et leur a ordonné de se présenter tous les quinze jours devant les autorités judiciaires.

La CSI indique qu’un représentant de Fetratel a dénombré 243 conventions collectives non signées – suspendues – dans le secteur public, et que le gouvernement n’a pas confiance dans les dirigeants syndicaux qui promeuvent ces conventions collectives, ce problème étant le plus grave. Un dirigeant de l’Union nationale des travailleurs qualifie d’alarmante la situation de la négociation collective; l’une des conventions collectives en question est la convention-cadre de l’administration publique qui n’a pas été examinée depuis vingt-sept mois, et la convention-cadre des travailleuses et travailleurs du ministère du Travail, qui n’a pas été examinée depuis seize ans. Le représentant en matière de travail du Front élargi populaire (FAP) a recensé 3 500 conventions collectives qui n’ont pas été examinées.

La CSI indique aussi que la Fédération vénézuélienne des instituteurs et les 27 organisations syndicales qui y sont affiliées ont présenté une plainte devant l’OIT en exigeant que l’Etat vénézuélien rétablisse le droit de négociation collective, lequel est bloqué depuis mars 2006.

La commission demande au gouvernement de répondre aux observations de 2006 et de 2008 de la CSI. La commission souligne que la liberté syndicale ne peut être exercée que lorsque les droits fondamentaux de l’homme sont respectés et garantis pleinement, et que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent être exercés que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de tout ordre contre les dirigeants syndicaux et les dirigeants employeurs, ainsi que leurs organisations respectives.

Autres observations de la FEDECAMARAS

Selon la FEDECAMARAS, il y a plus d’un an, le 24 mai 2007, son siège a été attaqué par des représentants du Front national paysan Ezequiel Zamora, du Front national communal Simón Bolívar, du Collectif Alexis Vive et de la Coordination Simón Bolívar, d’où des actes de violence contre l’institution et la dégradation de ses locaux. Plus tard, le matin du 24 février 2008, un inspecteur de la police métropolitaine (c’est ce qu’indiquaient des documents qu’il portait sur lui) est décédé à cause de l’explosion d’un engin qu’il était en train de placer contre la façade du siège de la FEDECAMARAS. Une plainte a été portée devant le Procureur général de la République; il a été demandé de procéder à une enquête approfondie sur les faits afin d’identifier les responsables mais, à ce jour, aucun résultat n’a été obtenu.

Par ailleurs, toujours selon la FEDECAMARAS, les personnes qui mènent une activité syndicale remarquée et qui, défendant leurs secteurs, dénoncent le gouvernement dans les médias pour des violations constantes de la Constitution et des lois (et qui protestent en raison des enlèvements dont sont victimes leurs affiliés, des contrôles des prix ou des taux de change), font aussitôt l’objet de pressions: leurs entreprises et leurs biens immeubles sont contrôlés, comme cela a été le cas pour le président et le vice-président de la Fédération des éleveurs (FEDENAGA). Divers organismes publics, comme le Service intégré de l’administration fiscale et des douanes (SENIAT) et l’Institut de défense et d’éducation du consommateur (INDECU), envoient leurs enquêteurs dans les entreprises afin qu’ils dressent des procès-verbaux et leur infligent des amendes.

En ce qui concerne les terres, la Garde nationale est l’entité qui fait acte de présence dans les exploitations agricoles pour, avec l’Institut national des terres, essayer de sauvegarder les terres en intervenant dans les parcelles productives, ce qui compromet l’approvisionnement national de produits agricoles et de bétail. Cet institut ne devrait pas intervenir dans ces exploitations, car elles sont privées, mais il exige des documents légaux; même si le propriétaire de l’exploitation présente ces documents, l’organisme en question ne tient pas compte de l’historique de titres démontrant que l’immeuble est une propriété privée. Cette pratique constitue une «occupation préalable», ce qui va à l’encontre de la Constitution et de la procédure régulière. Il convient de souligner que l’occupation préalable était proposée dans le projet de Constitution qui a fait l’objet d’un référendum en décembre dernier, et qui a été repoussé. En raison des activités de défense des affiliés, les représentants des syndicats, ainsi que les entrepreneurs privés en général, sont harcelés et menacés en permanence par le gouvernement. Enfin, les installations de la cimenterie CEMEX ont été récemment occupées.

La commission déplore que le gouvernement n’ait pas adressé sa réponse au sujet de ces observations, alors qu’il avait précédemment indiqué que l’arrestation des présumés responsables de l’attaque du siège de la FEDECAMARAS avait été ordonnée. La commission rappelle que les actes de violence et d’intimidation à l’encontre de dirigeants employeurs, de leurs organisations ou de leurs affiliés ne sont pas compatibles avec la convention. Une fois de plus, la commission exprime sa profonde préoccupation et souligne la gravité de ces allégations. Elle insiste sur le fait qu’un mouvement syndical ou d’employeurs ne peut développer ses activités que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de toute violence. La commission rappelle qu’en 2007 la Commission de l’application des normes de la Conférence a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour diligenter une enquête sur ces incidents, afin que soient sanctionnés les coupables et que des faits analogues ne puissent pas se reproduire. La commission demande au gouvernement de fournir des informations à cet égard.

La commission accueille favorablement le fait que la dirigeante employeuse, Mme Albis Muños, ait bénéficié d’une amnistie, mais elle déplore que l’ex-président de la FEDECAMARAS, M. Carlos Fernández, fasse encore l’objet d’un mandat d’arrêt qui l’empêche de revenir dans le pays sans crainte de représailles.

Autres questions

La commission avait noté qu’un certain nombre d’organisations syndicales (selon la CSI, au moins 300 syndicats, au motif qu’ils n’avaient pas l’autorisation du Conseil national électoral), dont certaines centrales syndicales, n’ont pas organisé leurs élections syndicales alors que le mandat pour lequel leur comité directeur avait été élu a expiré. La mission de haut niveau de 2006 avait fait mention d’un malentendu profond et manifeste entre les partenaires sociaux au sujet des fonctions du Conseil national électoral. En l’absence de réponse du gouvernement à ce sujet, la commission souhaite insister sur l’importance d’organiser des élections de ce type étant donné que, comme l’indique le rapport de la mission de haut niveau, le retard dans les procédures va de pair avec le refus de reconnaître les syndicats aux fins de la négociation collective.

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